Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62015CJ0623

Arrêt de la Cour (huitième chambre) du 18 janvier 2017.
Toshiba Corp. contre Commission européenne.
Pourvoi – Ententes – Marché mondial des tubes cathodiques pour téléviseurs et écrans d’ordinateur – Accords et pratiques concertées en matière de prix, de répartition des marchés et des clients et de limitation de production − Notion d’“unité économique” entre deux sociétés – Notion d’“influence déterminante” – Contrôle conjoint par deux sociétés mères – Dénaturation d’éléments de preuve.
Affaire C-623/15 P.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:21

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

18 janvier 2017 ( 1 )

«Pourvoi — Ententes — Marché mondial des tubes cathodiques pour téléviseurs et écrans d'ordinateur — Accords et pratiques concertées en matière de prix, de répartition des marchés et des clients et de limitation de production — Notion d’‘‘unité économique’’ entre deux sociétés — Notion d’‘‘influence déterminante’’ — Contrôle conjoint par deux sociétés mères — Dénaturation d’éléments de preuve»

Dans l’affaire C‑623/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 20 novembre 2015,

Toshiba Corp., établie à Tokyo (Japon), représentée par Mme J. F. MacLennan, solicitor, Me A. Schulz, Rechtsanwalt, Me J. Jourdan, avocat, et M. A. Kadri, solicitor,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. A. Biolan et V. Bottka, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. M. Vilaras (rapporteur), président de chambre, MM. J. Malenovský et D. Šváby, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, Toshiba Corp. demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission (T‑104/13, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:610), par lequel le Tribunal n’a que partiellement fait droit à son recours tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision C (2012) 8839 final de la Commission, du 5 décembre 2012, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.437 – Tubes cathodiques pour téléviseurs et écrans d’ordinateur) (ci-après la « décision litigieuse »), en ce qu’elle la concerne et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée.

Les antécédents du litige

2

Il ressort du point 1 de l’arrêt attaqué que Toshiba est une entreprise mondiale qui produit et commercialise des produits électroniques et électriques, dont des tubes à rayons cathodiques (ci‑après les « CRT »).

3

Selon le point 2 de l’arrêt attaqué, les CRT sont des enveloppes en verre sous vide contenant un canon à électrons et un écran fluorescent, généralement équipées d’un dispositif interne ou externe pour accélérer et dévier les électrons. Lorsque des électrons émis par le canon à électrons touchent l’écran fluorescent, de la lumière est produite et l’image se crée sur l’écran. À l’époque des faits, il existait deux types de CRT, à savoir les tubes cathodiques couleur pour écrans d’ordinateur (« colour display tubes ») et les tubes cathodiques couleur pour téléviseurs (« colour picture tubes », ci-après les « CPT »).

4

Il ressort du point 3 de l’arrêt attaqué que Toshiba a participé à la production et à la commercialisation de CRT, tant directement que par l’intermédiaire de ses filiales, en Europe, en Asie et en Amérique du Nord. Une filiale de Toshiba constituait la branche européenne en charge de l’activité de cette dernière en matière de composants électroniques et était le distributeur exclusif de celle-ci pour les tubes cathodiques couleur pour écrans d’ordinateur et les CPT dans l’Espace économique européen (EEE), et ce de l’année 1995 au 31 mars 2003.

5

Selon le point 4 de l’arrêt attaqué, le 31 mars 2003, Toshiba a transféré l’ensemble de son activité en matière de CRT à une entreprise commune, Matsushita Toshiba Picture Display Co. Ltd (ci-après l’« entreprise commune »), créée avec Matsushita Electric Industrial Co. Ltd (ci-après « MEI »). Jusqu’au 31 mars 2007, l’entreprise commune était détenue à 64,5 % par MEI et à 35,5 % par Toshiba, date à laquelle cette dernière a transféré sa participation à MEI. Cette dernière a changé sa raison sociale en Panasonic Corp. le 1er octobre 2008.

6

Il ressort des points 14 et 15 de l’arrêt attaqué que, par la décision litigieuse, la Commission européenne a constaté que les principaux producteurs à l’échelle mondiale de CRT avaient enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3), en participant à deux infractions séparées, constituant chacune une infraction unique et continue. Ces infractions auraient concerné, d’une part, le marché des tubes cathodiques couleur pour écrans d’ordinateur et, d’autre part, le marché des CPT (ci-après l’« entente CPT »). L’entente CPT était la seule visée par le recours de Toshiba devant le Tribunal. Selon la décision litigieuse, l’entente CPT s’est déroulée entre le 3 décembre 1997 et le 15 novembre 2006.

7

S’agissant de l’implication de Toshiba dans l’entente CPT, premièrement, la Commission a constaté que celle-ci y avait participé directement, en entretenant des contacts bilatéraux, entre le 16 mai 2000 et le 11 avril 2002, avec la plupart des entreprises constituant le noyau de cette entente, ainsi qu’en participant, à compter du 12 avril 2002, à certaines réunions multilatérales régulières des entreprises participant à ladite entente. Deuxièmement, la Commission a relevé que, à compter du 1er avril 2003, l’entreprise commune, sur laquelle MEI et Toshiba auraient exercé une influence déterminante, avait poursuivi de manière ininterrompue sa participation à l’entente CPT. Par conséquent, la Commission a conclu que Toshiba était responsable, d’une part, de l’infraction commise directement par elle, avant la création de l’entreprise commune et, d’autre part, conjointement et solidairement avec Panasonic, de l’infraction commise par l’entreprise commune, à compter de la création de cette dernière.

8

La Commission a ainsi constaté, à l’article 1er, sous d), de la décision litigieuse, que Toshiba avait participé à l’entente CPT du 16 mai 2000 au 12 juin 2006. À l’article 2, respectivement sous g) et sous h), la Commission a, d’une part, infligé une amende de 28048000 euros à Toshiba et, d’autre part, infligé une amende de 86738000 euros à MEI, à Toshiba et à l’entreprise commune, conjointement et solidairement responsables.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

9

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 février 2013, la requérante a introduit un recours tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision litigieuse en ce qu’elle la concernait et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende qui lui avait été infligée.

10

À l’appui de ses conclusions présentées à titre principal, tendant à l’annulation partielle de la décision litigieuse, Toshiba a soulevé cinq moyens. Les trois premiers moyens étaient tirés d’erreurs viciant la décision litigieuse en ce que, par cette décision, la Commission avait considéré qu’elle était responsable de l’infraction commise pendant les périodes allant, respectivement, du 16 mai 2000 au 11 avril 2002, du 12 avril 2002 au 31 mars 2003 et du 1er avril 2003 au 12 juin 2006. Le quatrième moyen était tiré d’une erreur viciant la décision litigieuse en ce que, par cette décision, la Commission avait considéré que la requérante était conjointement et solidairement responsable de la participation de l’entreprise commune à l’infraction commise pendant la période allant du 1er avril 2003 au 12 juin 2006. Le cinquième moyen, soulevé à titre subsidiaire, était tiré d’une erreur viciant la décision litigieuse en ce que, par cette décision, la Commission avait estimé que l’entreprise commune était responsable d’avoir participé à l’infraction commise pendant la période allant du 1er avril 2003 au 12 juin 2006.

11

Dans un premier temps, le Tribunal a analysé et accueilli, respectivement, le premier moyen, aux points 42 à 79 de l’arrêt attaqué, et le deuxième moyen, aux points 80 à 87 du même arrêt.

12

Dans un second temps, le Tribunal a examiné le quatrième moyen qui, comme il ressort du point 88 de l’arrêt attaqué, s’articulait en trois branches tirées, la première, d’un défaut de motivation, la deuxième, d’une erreur d’appréciation concernant l’exercice d’une influence déterminante sur le comportement de l’entreprise commune par Toshiba et, la troisième, d’une violation des droits de la défense de Toshiba.

13

Le Tribunal a commencé par la deuxième branche de ce moyen, qu’il a analysée aux points 90 à 123 de l’arrêt attaqué. C’est cette partie de l’arrêt attaqué qui est visée par le pourvoi de Toshiba.

14

Le Tribunal, après avoir rappelé, aux points 93 à 102 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence relative à l’imputation du comportement infractionnel d’une filiale à sa société mère, a procédé, d’abord, à l’analyse des constatations faites dans la décision litigieuse à la lumière de cette jurisprudence. Dans le cadre de cette analyse, le Tribunal a relevé, premièrement, au point 106 dudit arrêt, que c’était à bon droit que la Commission avait constaté, dans ladite décision, que les deux sociétés mères de l’entreprise commune disposaient d’un droit de veto sur les questions revêtant une importance stratégique, lesquelles étaient fondamentales pour l’exercice des activités de cette entreprise, ce qui démontrerait l’exercice d’un contrôle conjoint sur cette dernière. Aux points 107 à 113 du même arrêt, le Tribunal a exposé les motifs justifiant cette conclusion et a rejeté les arguments en sens contraire de Toshiba.

15

Deuxièmement, le Tribunal a ajouté, au point 114 de l’arrêt attaqué, que d’autres circonstances relevées par la Commission dans la décision litigieuse permettent de considérer que la requérante était en mesure d’exercer une influence déterminante sur le comportement de l’entreprise commune sur le marché. Ces circonstances tenaient :

au fait que l’un des quatre directeurs nommés par Toshiba sur les dix que comptait le conseil d’administration de l’entreprise commune occupait simultanément un poste de direction au sein de Toshiba, constaté au point 115 de l’arrêt attaqué ;

au fait que Toshiba devait nommer l’un des deux administrateurs habilités à représenter l’entreprise commune, qui était aussi le vice-président de celle-ci et que les deux vice-présidents nommés par Toshiba pendant l’existence de l’entreprise commune avaient exercé précédemment des fonctions de cadres hauts placés au sein de la direction de Toshiba et ont réintégré celle-ci par la suite, ce qui, selon le point 116 de l’arrêt attaqué, démontrait qu’ils avaient nécessairement une connaissance approfondie des objectifs commerciaux de cette dernière ainsi que de sa politique et étaient en mesure de faire converger la politique de l’entreprise commune et les intérêts de Toshiba, et

au fait que l’entreprise commune était le fournisseur préférentiel de ses sociétés mères pour la production de téléviseurs et que, en même temps, lesdites sociétés étaient les fournisseurs préférentiels de composants CRT pour l’entreprise commune, ce qui, selon le point 119 de l’arrêt attaqué, constituait un indice supplémentaire de la participation de Toshiba dans la gestion de l’entreprise commune et révélait l’existence de liens économiques étroits et durables entre elles.

16

Troisièmement, le Tribunal a relevé, au point 120 de l’arrêt attaqué, qu’il ressortait des éléments sur lesquels s’était appuyée la Commission dans la décision litigieuse que Toshiba avait participé à la gestion de l’entreprise commune, notamment en donnant, au mois de novembre 2005, son consentement à la fermeture de deux de ses filiales en Europe et aux États-Unis, sans lequel cette fermeture n’aurait pas pu intervenir.

17

Le Tribunal a, dès lors, conclu, au point 122 de l’arrêt attaqué, que, eu égard à l’ensemble des liens économiques, juridiques et organisationnels unissant la requérante et l’entreprise commune, la Commission n’a pas commis d’erreur en constatant que la requérante, en tant que société mère de l’entreprise commune, avait exercé, de concert avec Panasonic, une influence déterminante sur le comportement de celle-ci sur le marché des CPT. Compte tenu de cette conclusion, le Tribunal a rejeté la deuxième branche du quatrième moyen.

18

Le Tribunal a, ensuite, examiné et rejeté les première et troisième branches du quatrième moyen, tout comme les troisième et cinquième moyens, ainsi qu’il ressort, respectivement, des points 125, 132, 140 et 172 de l’arrêt attaqué.

19

Enfin, aux points 175 à 234 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné les conclusions de Toshiba tendant à la suppression ou à la réduction du montant de l’amende, soulevées à titre subsidiaire, ainsi que l’unique moyen, divisé en deux branches, invoqué à l’appui de ces conclusions. À la suite de cet examen, le Tribunal a conclu, au point 235 de l’arrêt attaqué, que la seconde branche de ce moyen unique devait être accueillie uniquement en ce qu’elle visait à tirer bénéfice de la réduction du montant de l’amende qui avait été infligée à Toshiba solidairement et conjointement avec Panasonic et l’entreprise commune, constatée par l’arrêt du 9 septembre 2015, Panasonic et MT Picture Display/Commission (T‑82/13, EU:T:2015:612), qui avait fixé le montant de cette amende à 82826000 euros et que, pour le surplus, la demande de Toshiba tendant à la suppression de l’amende ou à la réduction de son montant devait être rejetée.

20

Par conséquent, le Tribunal a, d’une part, annulé, respectivement aux points 1 et 2 du dispositif de l’arrêt attaqué, l’article 1er, paragraphe 2, sous d), de la décision litigieuse, en ce que, par celle-ci, la Commission avait constaté que Toshiba avait participé à une entente mondiale sur le marché des CPT, du 16 mai 2000 au 31 mars 2003, et l’article 2, paragraphe 2, sous g), de la même décision, en ce que, par celle-ci, la Commission avait infligé une amende de 28048000 euros à Toshiba au titre de sa participation directe à ladite entente et, d’autre part, fixé, au point 3 du dispositif de l’arrêt attaqué, à 82826000 euros le montant de l’amende infligée à Toshiba à l’article 2, paragraphe 2, sous h), de la décision litigieuse, conjointement et solidairement avec Panasonic et l’entreprise commune. Par le point 4 du dispositif de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours de Toshiba pour le surplus et, par le point 5 du même dispositif, il a décidé que chaque partie supporterait ses propres dépens.

Les conclusions des parties devant la Cour

21

La requérante demande à la Cour :

d’annuler les points 3 à 5 du dispositif de l’arrêt attaqué ;

d’annuler l’article 1er, paragraphe 2, sous d), de la décision litigieuse ainsi que l’article 2, paragraphe 2, sous h), de la même décision, en ce qu’il lui est applicable et lui inflige une amende à titre conjoint et solidaire avec Panasonic et l’entreprise commune, et

de condamner la Commission aux dépens tant du pourvoi que de la procédure de première instance.

22

La Commission demande à la Cour :

de rejeter le pourvoi comme irrecevable et, en toute hypothèse, non fondé ;

à titre subsidiaire, de rejeter le recours en annulation formé contre la décision litigieuse, et

de condamner Toshiba à la totalité des dépens tant de la procédure de pourvoi que de la procédure en première instance.

Sur le pourvoi

23

Toshiba soulève un moyen unique, tiré d’une erreur de droit dans l’application de la notion d’entreprise, au sens de l’article 101 TFUE. Ce moyen se subdivise en deux branches formellement présentées comme étant tirées, la première, d’une erreur de droit commise par le Tribunal en ce qu’il a considéré certains éléments comme des preuves établissant soit la capacité de Toshiba à exercer une influence déterminante sur l’entreprise commune, soit l’exercice effectif par Toshiba d’une telle influence et, la seconde, d’une erreur de droit en ce que le Tribunal a considéré que l’ensemble de ces éléments suffisait à justifier la conclusion selon laquelle Toshiba avait exercé une influence déterminante sur le comportement de l’entreprise commune et que les deux entités faisaient ainsi partie d’une même unité économique.

24

Ces deux branches étant étroitement liées, il y a lieu de les examiner conjointement.

Argumentation des parties

25

Au soutien de la première branche de son moyen unique, Toshiba fait valoir, en premier lieu, que le Tribunal a commis une erreur de droit et a entaché l’arrêt attaqué d’un défaut de motivation, dès lors qu’il a considéré, au point 111 dudit arrêt, que, la détention d’un droit de veto sur le plan de développement de l’entreprise commune constituait un élément susceptible de prouver l’exercice effectif, à elle-seule, d’une influence déterminante sur l’entreprise commune, sans examiner les raisons de la prolongation de la période de démarrage, pendant laquelle ce droit était applicable.

26

Dans ce contexte, Toshiba fait valoir que le point 70 de la communication juridictionnelle codifiée de la Commission concernant le règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO 2008, C 95, p. 1, ci‑après la « communication juridictionnelle codifiée »), auquel le Tribunal s’est référé au point 111 de l’arrêt attaqué, indique non pas que la détention d’un tel droit de veto est suffisante pour justifier une telle conclusion, mais uniquement qu’elle peut suffire à cet égard. En outre, Toshiba fait valoir que, conformément à la jurisprudence du Tribunal, les pouvoirs d’adopter le budget et le plan commercial d’une filiale commune ne suffisent pas à établir l’exercice d’une influence déterminante et il est nécessaire, à cet égard, d’examiner, également, si les sociétés mères d’une filiale commune ont influencé la gestion opérationnelle de celle-ci.

27

En deuxième lieu, Toshiba conteste les conclusions que le Tribunal a tirées des stipulations de l’article 21, paragraphe 2, et de l’article 23, paragraphe 2, de l’accord portant création de l’entreprise commune (ci‑après le « BIA »), selon lesquelles certaines décisions prises par la filiale commune nécessitaient l’aval des deux sociétés mères et d’autres l’accord d’au moins un directeur désigné par chacune des sociétés mères. Toshiba fait valoir, tout d’abord, que, au point 108 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a tenu compte du droit de veto qu’elle détiendrait sur les investissements matériels, sans examiner, comme l’exige le point 71 de la communication juridictionnelle codifiée, si les investissements constituaient un élément essentiel du marché pertinent. Ensuite, selon Toshiba, les stipulations susmentionnées démontraient, tout au plus, qu’elle était en mesure d’exercer une influence déterminante sur l’entreprise commune, mais ne lui ont pas permis d’exercer une telle influence, ainsi que l’a constaté à tort le Tribunal, au point 112 de l’arrêt attaqué. Enfin, les droits mentionnés à l’article 21, paragraphe 2, du BIA, relèveraient de la protection des actionnaires minoritaires, comme le reconnaîtrait le point 66 de la communication juridictionnelle codifiée, et ne sauraient être considérés comme des indices de sa capacité d’exercer une influence déterminante sur ladite entreprise, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, au point 113 de l’arrêt attaqué.

28

Par ailleurs, Toshiba reproche au Tribunal une dénaturation du contenu de l’article 23, paragraphe 2, du BIA. Selon Toshiba, contrairement à ce qui est affirmé au point 108 de l’arrêt attaqué, cette stipulation ne lui conférait pas un droit de veto. Elle subordonnerait seulement l’adoption des mesures envisagées par elle au vote favorable de l’un des directeurs nommés par Toshiba, laquelle ne pourrait pas contrôler le vote de ces directeurs et n’aurait pas le droit de les révoquer.

29

Le Tribunal aurait également dénaturé le contenu de l’article 22, paragraphe 3, du BIA, qui donnait à Toshiba le droit de nommer l’un des deux administrateurs habilités à représenter l’entreprise commune, qui était aussi le vice-président de celle-ci. Toshiba fait valoir que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé, au point 116 de l’arrêt attaqué, le vice-président de l’entreprise commune n’était pas en mesure de faire converger la politique commerciale de l’entreprise commune et les intérêts de Toshiba, dès lors que c’était le président de l’entreprise commune, nommé par Panasonic, qui était chargé de la gestion opérationnelle de cette entreprise.

30

En troisième lieu, Toshiba fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, en ce qu’il a établi, au point 101 de l’arrêt attaqué, une présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante des sociétés mères sur le comportement d’une filiale commune sur le marché, en se fondant sur les dispositions légales ou contractuelles relatives à la gestion de cette filiale.

31

En dernier lieu, Toshiba soutient que c’est à tort que le Tribunal a jugé, respectivement aux points 115, 116, 120 et 119 de l’arrêt attaqué, que les éléments suivants confirmaient la conclusion selon laquelle elle était en mesure d’exercer une influence déterminante sur l’entreprise commune :

le fait qu’un directeur de l’entreprise commune nommé par Toshiba occupait simultanément un poste au sein de la direction de cette dernière ;

le fait que deux vice-présidents de l’entreprise commune nommés par Toshiba avaient exercé des fonctions de cadres hauts placés au sein de la direction de Toshiba avant leur nomination en tant que vice-présidents

et avaient réintégré Toshiba à la fin de leur mandat ;

le fait que Toshiba avait donné son consentement à la fermeture de deux filiales de l’entreprise commune ;

l’article 28, paragraphe 3, du BIA, prévoyant que l’entreprise commune serait le fournisseur préférentiel des sociétés mères pour la production de téléviseurs et que, en même temps, lesdites sociétés seraient les fournisseurs préférentiels de composants CRT pour l’entreprise commune.

32

Dans ce contexte, Toshiba affirme notamment, d’une part, que le cumul de fonctions au sein tant de la société mère que de la filiale doit concerner plus d’une personne pour être pertinent et, d’autre part, que le Tribunal a substitué sa propre appréciation à celle de la Commission, laquelle n’avait pas fait état, dans la décision litigieuse, de la connaissance approfondie, par les deux vice-présidents de l’entreprise commune nommés par Toshiba, de la politique et des objectifs de celle‑ci, à laquelle le Tribunal s’est référé au point 116 de l’arrêt attaqué.

33

En outre, Toshiba reproche au Tribunal une dénaturation des preuves, d’une part, en ce qu’il a conclu, au point 116 de l’arrêt attaqué, que le vice-président de l’entreprise commune était en mesure de faire converger la politique de celle-ci avec les intérêts de Toshiba et, d’autre, part, en ce qu’il a considéré, au point 119 de l’arrêt attaqué, que l’entreprise commune avait utilisé une autre société, détenue par Toshiba, comme canal de vente dans l’Union européenne. À cet égard, Toshiba reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu compte du fait que cette utilisation n’a duré que pendant une période transitoire d’un an après la création de l’entreprise commune.

34

Toshiba invoque, également, un défaut ou une insuffisance de motivation de l’arrêt attaqué, en ce que le Tribunal n’a pas expliqué pour quel motif il avait rejeté ses explications, étayées par des preuves, selon lesquelles son consentement à la fermeture des filiales de l’entreprise commune était une mesure de protection de ses intérêts financiers et relevait des droits des actionnaires minoritaires lesquels, conformément au point 66 de la communication juridictionnelle codifiée, ne confèrent pas un contrôle en commun.

35

Par la seconde branche de son moyen unique, Toshiba fait valoir que, même à supposer que le Tribunal n’ait pas commis d’erreur de droit en jugeant que chacun des éléments concernés par la première branche de ce moyen pouvait être en lui-même qualifié d’indice pertinent aux fins d’établir si Toshiba était en mesure d’exercer ou avait effectivement exercé une influence déterminante sur l’entreprise commune, quod non, le Tribunal a commis une telle erreur en ce qu’il a considéré, au point 122 de l’arrêt attaqué, que l’ensemble de ces éléments suffisait à justifier la conclusion selon laquelle Toshiba faisait partie, avec l’entreprise commune, d’une même unité économique.

36

À titre principal, la Commission conteste la recevabilité du moyen unique de Toshiba. Elle fait valoir que, en réalité, le pourvoi tend à obtenir de la Cour le réexamen des constatations du Tribunal relatives aux faits, sans démontrer l’existence d’une dénaturation des éléments de preuve ou d’une erreur de droit commise par le Tribunal. Par ailleurs, Toshiba se limiterait à réitérer ses arguments, rejetés par le Tribunal, aux fins d’obtenir un réexamen de ces arguments par la Cour.

37

En tout état de cause, la Commission considère que les deux branches du moyen unique de Toshiba doivent être rejetées comme non fondées. Elle fait valoir que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit et a suffisamment motivé l’arrêt attaqué. En outre, Toshiba ne parviendrait pas à démontrer que le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve qui lui ont été soumis.

Appréciation de la Cour

Sur la recevabilité

38

Contrairement à ce que soutient la Commission, le pourvoi ne saurait d’emblée être écarté comme étant, dans son ensemble, irrecevable.

39

Il y a lieu de rappeler que, en cas de pourvoi, la Cour n’est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise au contrôle de la Cour. En revanche, le pouvoir de contrôle de la Cour sur les constatations de fait opérées par le Tribunal s’étend, notamment, à la question de savoir si les règles en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectées (arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, points 38 et 39 ainsi que jurisprudence citée). En particulier, la question de savoir si le Tribunal a appliqué des critères juridiques corrects lors de son appréciation des faits et des éléments de preuve constitue une question de droit soumise au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 11 juillet 2013, Commission/Stichting Administratiekantoor Portielje, C‑440/11 P, EU:C:2013:514, point 59 et jurisprudence citée).

40

S’agissant plus particulièrement de la dénaturation des éléments de preuve comme de fait, la Cour rappelle itérativement qu’une telle dénaturation existe lorsque, sans avoir recours à de nouveaux éléments, l’appréciation des éléments existants apparaît manifestement erronée ou manifestement contraire à son libellé (voir, en ce sens, arrêts du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil, C‑229/05 P, EU:C:2007:32, point 37, ainsi que du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 44).

41

Or, en l’espèce, premièrement, comme il résulte des points 28, 29 et 33 du présent arrêt, Toshiba reproche, notamment, au Tribunal d’avoir dénaturé plusieurs éléments de preuve. La question de l’exactitude matérielle de ces allégations relève de l’examen du bien-fondé du moyen unique de Toshiba et non de sa recevabilité.

42

Deuxièmement, ainsi qu’il résulte des points 25 et 34 du présent arrêt, Toshiba reproche au Tribunal, notamment, un défaut ou une insuffisance de motivation de l’arrêt attaqué. À cet égard, il convient de rappeler que la question de savoir si la motivation d’un arrêt du Tribunal est insuffisante constitue une question de droit pouvant être, en tant que telle, invoquée dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 63 et jurisprudence citée).

43

Troisièmement, ainsi qu’il a été rappelé au point 32 du présent arrêt, Toshiba reproche au Tribunal, notamment, d’avoir substitué sa propre motivation à celle de la décision litigieuse. Or, la Cour est compétente pour contrôler, dans le cadre d’un pourvoi, si le Tribunal a excédé les limites de sa compétence en procédant à une telle substitution de motifs (voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, points 88 et 89 ainsi que jurisprudence citée).

44

Enfin, il convient de constater que, par ses arguments résumés aux points 25 et 30 à 32 du présent arrêt, Toshiba reproche au Tribunal, notamment, d’avoir appliqué des critères juridiques erronés et d’avoir violé les règles relatives à la charge et à l’administration de la preuve dans son analyse de la question de sa responsabilité pour l’infraction commise par l’entreprise commune entre le 1er avril 2003 et le 12 juin 2006. Ces arguments soulèvent également des questions que la Cour est compétente pour examiner dans le cadre d’un pourvoi.

Sur le fond

45

Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la responsabilité du comportement d’une filiale peut être imputée à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (arrêt du 16 juin 2016, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, C‑155/14 P, EU:C:2016:446, point 27 ainsi que jurisprudence citée).

46

Aux fins de l’examen du point de savoir si la société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement sur le marché de sa filiale, il convient de prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent la filiale à sa société mère et, ainsi, de tenir compte de la réalité économique (arrêt du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 76 ainsi que jurisprudence citée).

47

Par ailleurs, l’exercice effectif d’une influence déterminante de la société mère sur le comportement de la filiale peut être déduit d’un faisceau d’éléments concordants, même si aucun de ces éléments, pris isolément, ne suffit pour établir l’existence d’une telle influence (arrêt du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 77 ainsi que jurisprudence citée).

48

Enfin, la Cour a déjà jugé que l’exercice d’un contrôle conjoint, par deux sociétés mères indépendantes l’une de l’autre, sur leur filiale ne s’oppose pas, en principe, à la constatation, par la Commission, de l’existence d’une unité économique entre l’une de ces sociétés mères et la filiale en cause (arrêt du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416 point 78 ainsi que jurisprudence citée). Elle a également admis que deux sociétés mères détenant chacune 50 % d’une société commune puissent toutes deux être considérées comme exerçant effectivement une influence déterminante sur cette société commune, dès lors que la Commission l’avait démontré sur la base d’un ensemble d’éléments factuels (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2013, EI du Pont de Nemours/Commission, C‑172/12 P, non publié, EU:C:2013:601, point 47, et du 26 septembre 2013, The Dow Chemical Company/Commission, C‑179/12 P, non publié, EU:C:2013:605, point 58).

49

Le Tribunal a, en substance, rappelé les mêmes considérations, aux points 93 à 95, 98 et 99 de l’arrêt attaqué, et, en tenant compte de celles‑ci, il a analysé, aux points 104 à 121 dudit arrêt, les différents éléments invoqués par la Commission pour justifier sa conclusion relative à la responsabilité de Toshiba pour l’infraction commise par l’entreprise commune. Cette analyse a conduit le Tribunal à la conclusion, énoncée au point 122 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, pendant la période infractionnelle allant du 1er avril 2003 au 12 juin 2006, Toshiba avait exercé, de concert avec Panasonic, une influence déterminante sur le comportement de l’entreprise commune sur le marché et que, partant, la Commission n’avait pas commis d’erreur en considérant que Toshiba et Panasonic pouvaient être tenues pour solidairement responsables du comportement infractionnel de l’entreprise commune.

50

À cet égard, doit être rejeté, en premier lieu, l’argument de Toshiba selon lequel le Tribunal a commis une erreur de droit et méconnu les règles relatives à la charge et à l’administration de la preuve en établissant une présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante d’une société mère sur le comportement d’une filiale commune sur le marché, un tel argument reposant sur une lecture erronée et retirée de son contexte du point 101 de l’arrêt attaqué.

51

En effet, il résulte d’une lecture conjointe des points 100 à 102 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a, en substance, considéré que, lorsqu’il découle des dispositions légales ou des stipulations contractuelles régissant une filiale commune que le comportement sur le marché de cette filiale est déterminé de manière conjointe par ses sociétés mères, il peut raisonnablement être conclu que ce comportement a effectivement été déterminé de manière conjointe, si bien que les sociétés mères doivent être considérées comme ayant exercé une influence déterminante sur leur filiale, à moins qu’il n’existe des preuves concrètes qui démontrent que les décisions relatives au comportement de cette dernière ont, dans les faits, été arrêtées selon des modalités différentes.

52

Or, en statuant ainsi, le Tribunal a fait une correcte application de la jurisprudence de la Cour selon laquelle, en matière de responsabilité pour une infraction aux règles de la concurrence, les éléments factuels qu’une partie invoque peuvent être de nature à obliger l’autre partie à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure que la charge de la preuve a été satisfaite (arrêt du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 80 et jurisprudence citée), et il n’a pas établi une présomption non prévue par la jurisprudence.

53

En deuxième lieu, les allégations de Toshiba relatives à la dénaturation, par le Tribunal, de plusieurs éléments de preuve ne sauraient prospérer.

54

À cet égard, il convient de rappeler qu’une telle dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (ordonnance du 29 juin 2016, Médiateur/Staelen, C‑337/15 P, non publiée, EU:C:2016:670, point 20). Par ailleurs, conformément à l’article 256 TFUE, à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, il appartient au requérant d’indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par le Tribunal et de démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit celui-ci à cette dénaturation (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2016, Naazneen Investments/EUIPO, C‑252/15 P, non publié, EU:C:2016:178, point 69).

55

Or, premièrement, s’agissant de l’allégation de Toshiba évoquée au point 28 du présent arrêt, il y a lieu de relever, d’une part, que le Tribunal n’a pas fait une lecture manifestement erronée de l’article 23, paragraphe 2, du BIA. Au point 107 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, conformément à cette stipulation, l’adoption de certaines décisions qui y étaient énumérées nécessitait l’accord d’au moins un directeur désigné par chacune des sociétés mères, c’est-à-dire qu’il en a fait exactement la même lecture que celle effectuée par Toshiba.

56

D’autre part, la conclusion énoncée au point 106 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les deux sociétés mères de l’entreprise commune disposaient d’un droit de veto sur les questions revêtant une importance stratégique, lesquelles étaient fondamentales pour l’exercice des activités de l’entreprise commune, ce qui démontrerait l’exercice d’un contrôle conjoint sur cette dernière, est étayée à suffisance de droit par les références, opérées aux points 107 et 109 du même arrêt, aux stipulations des articles 21, paragraphe 2, et 27, paragraphe 1, du BIA. Il s’ensuit que l’argument de Toshiba, selon lequel la référence, au point 108 de cet arrêt, aux droits de veto conférés à Toshiba par l’article 23, paragraphe 2, du BIA, témoigne d’une dénaturation, par le Tribunal, de cette dernière stipulation, est, en tout état de cause, inopérant, une telle dénaturation, à la supposer avérée, n’étant pas susceptible de remettre en cause la conclusion susmentionnée, énoncée au point 106 de l’arrêt attaqué.

57

Deuxièmement, les arguments de Toshiba, résumés au point 27 du présent arrêt, concernant les conclusions que le Tribunal a tirées de l’article 22, paragraphe 3, du BIA, au point 116 de l’arrêt attaqué, ne démontrent aucune dénaturation de cette stipulation par le Tribunal, mais tendent, en réalité, à remettre en cause l’appréciation des faits par celui-ci. Ces arguments sont, par conséquent, irrecevables.

58

En particulier, l’argument rappelé au point 33 du présent arrêt selon lequel le Tribunal aurait dénaturé les preuves en ce qu’il a conclu, au même point 116 de l’arrêt attaqué, que les vice-présidents de l’entreprise commune étaient en mesure de faire converger la politique de celle-ci avec les intérêts de Toshiba doit être écarté comme étant, lui aussi, irrecevable, Toshiba n’ayant aucunement précisé quel est l’élément de preuve visé par cet argument et en quoi le Tribunal l’aurait dénaturé.

59

Enfin, ne saurait non plus prospérer l’allégation de Toshiba, selon laquelle le Tribunal aurait dénaturé les éléments de preuve qui lui ont été soumis lorsqu’il a affirmé, au point 119 de l’arrêt attaqué, que l’entreprise commune avait utilisé une autre société, détenue par Toshiba, comme canal de vente dans l’Union. Toshiba ne conteste pas l’exactitude matérielle de cette affirmation, mais reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu compte de ce que l’utilisation de sa filiale comme canal de vente de l’entreprise commune n’a duré qu’un an. Or, une telle affirmation, à la supposer exacte, ne démontre pas que le Tribunal a fait une lecture manifestement erronée d’un quelconque élément de preuve qui lui a été soumis, dans la mesure où le Tribunal n’a jamais affirmé que cette utilisation avait duré plus d’un an. Cette circonstance serait susceptible, tout au plus, de remettre en cause le bien-fondé des constatations factuelles que le Tribunal a opérées sur la base de la lecture, en elle-même correcte, de l’élément de preuve en cause. Toutefois, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 39 du présent arrêt, ces constatations ne peuvent pas faire l’objet d’un réexamen par la Cour au stade du pourvoi.

60

En troisième lieu, les arguments de Toshiba relatifs à des erreurs de droit commises par le Tribunal ainsi qu’à de prétendus défauts dans la motivation de l’arrêt attaqué doivent également être écartés.

61

Premièrement, ne sauraient prospérer les arguments résumés au point 25 du présent arrêt, avancés contre le point 111 de l’arrêt attaqué.

62

En effet, ce point fait partie des motifs exposés par le Tribunal pour justifier la conclusion, figurant au point 106 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Commission avait constaté à bon droit que Toshiba et Panasonic, les deux sociétés mères de l’entreprise commune, disposaient d’un droit de veto sur les questions revêtant une importance stratégique fondamentale pour l’exercice des activités de l’entreprise commune, ce qui démontrerait l’exercice d’un contrôle conjoint sur cette dernière.

63

À cet égard, le Tribunal a relevé, au point 109 de l’arrêt attaqué, que, conformément à l’article 27, paragraphe 1, du BIA, pendant une période de démarrage dont le terme était fixé au 31 mars 2005, le plan de développement initial de l’entreprise commune serait adopté par les sociétés mères et que, par la suite, les plans de développement annuels de l’entreprise commune seraient établis par l’entreprise commune elle-même, après consultation des sociétés mères. Toutefois, le Tribunal a indiqué que, par un accord ultérieur, les sociétés mères ont prolongé la période de démarrage, de telle sorte qu’elles devaient s’accorder sur le plan de développement de l’entreprise commune et sur ses révisions ultérieures pendant toute la durée de l’existence de cette entreprise.

64

Sur la base de ces éléments, le Tribunal a considéré, au point 110 de l’arrêt attaqué, que c’était à bon droit que la Commission avait considéré que le BIA et le plan de développement, qui contenaient les principaux objectifs opérationnels et financiers de l’entreprise commune ainsi que sa planification stratégique essentielle, avaient été décidés par ses sociétés mères, dont Toshiba.

65

Le Tribunal a, dès lors, conclu, au point 111 de l’arrêt attaqué, que la prolongation de la période de démarrage a eu pour effet de doter Toshiba d’un droit de veto sur le plan de développement de l’entreprise commune pendant toute la durée de son existence et que la détention d’un tel droit suffisait à elle seule pour considérer que Toshiba avait effectivement exercé une influence déterminante sur l’entreprise commune, au sens du point 70 de la communication juridictionnelle codifiée.

66

Ce faisant, le Tribunal a correctement appliqué la jurisprudence rappelée aux points 45 à 48 du présent arrêt et, contrairement à ce qu’allègue Toshiba, n’a pas commis d’erreur de droit. En particulier, il découle du point 46 du présent arrêt que, afin d’apprécier si une société détermine de façon autonome son comportement sur le marché, il convient de prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques existant entre celle-ci et sa société mère, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l’objet d’une énumération exhaustive (voir, également, arrêt du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 100). Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir, en substance, Toshiba, le Tribunal n’était pas tenu de déterminer si Toshiba avait influencé la gestion opérationnelle de l’entreprise commune, pour conclure qu’il existait, entre ces deux sociétés, une unité économique.

67

En outre, s’il est vrai que la communication juridictionnelle codifiée concerne une question différente, celle du contrôle des opérations de concentration entre entreprises, et que, au demeurant, s’agissant d’une communication de la Commission, elle ne présente pas de caractère contraignant pour le Tribunal, il y a lieu de relever que la référence opérée par le Tribunal, au point 111 de l’arrêt attaqué, au point 70 de ladite communication était incidente de telle sorte que, à supposer même que le Tribunal ait méconnu le sens de ce point, ce seul fait ne saurait suffire pour entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué. En tout état de cause, comme il ressort du point 26 du présent arrêt, Toshiba reconnaît elle-même que ledit point indique que la détention d’un droit de veto peut justifier la conclusion à laquelle le Tribunal est parvenu dans l’arrêt attaqué.

68

Enfin, ayant considéré, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, que, en raison de la détention d’un droit de veto sur le plan de développement de l’entreprise commune pendant toute la durée de son existence, Toshiba conjointement avec Panasonic avaient pris toutes les décisions nécessaires pour la planification stratégique essentielle de l’entreprise commune, le Tribunal n’avait pas de raison d’analyser les motifs qui ont conduit à la prolongation de la période de validité de ce droit de veto. Ce qui importait, en effet, aux fins de l’analyse effectuée par le Tribunal, était le fait que ce droit avait été prolongé.

69

Partant, doit également être rejeté l’argument de Toshiba selon lequel le Tribunal a violé l’obligation de motivation de l’arrêt attaqué en omettant de se prononcer sur les motifs qu’elle avait invoqués pour justifier la prolongation de la période de validité de son droit de veto.

70

Deuxièmement, les arguments de Toshiba résumés au point 27 du présent arrêt ne démontrent pas non plus que le Tribunal a mis en œuvre des critères juridiques erronés dans son appréciation du point de savoir si Toshiba était en mesure d’exercer une influence déterminante sur l’entreprise commune et si elle a, effectivement, exercé une telle influence.

71

Au point 108 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait état d’un droit de veto de Toshiba non seulement sur les investissements matériels de l’entreprise commune, mais également sur l’entrée au capital ou l’acquisition d’une société ou d’un autre type d’activité ainsi que sur l’octroi des prêts aux filiales et aux autres entités. Selon le Tribunal, ce droit était applicable pour les déboursements égaux ou supérieurs à un milliard de yens japonais (JPY) (environ 8486000 euros), un montant non excessif au regard de l’investissement de départ de Toshiba dans l’entreprise commune, qui s’élevait à 26,5 milliards de JPY (environ 224834000 euros). Compte tenu de ces éléments, le Tribunal a considéré qu’un droit de veto en la matière pouvait constituer un indice que Toshiba était en mesure d’exercer une influence déterminante sur le comportement de l’entreprise commune.

72

En jugeant ainsi, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit. En effet, le fait qu’une société mère peut interdire à sa filiale de prendre des décisions telles que celles mentionnées au point précédent du présent arrêt, lorsque celles-ci impliquent le déboursement d’une somme qui, sans être insignifiante, paraît néanmoins relativement modeste au regard du capital de cette filiale et de l’apport de la société mère à ce capital, constitue, comme l’a jugé le Tribunal, un indice de la capacité d’exercer une influence déterminante sur ladite filiale, et ce indépendamment du marché pertinent. L’invocation, par Toshiba, du contenu de la communication juridictionnelle codifiée, non contraignante pour le Tribunal, ne saurait conduire à une conclusion différente, et ce indépendamment de la question de savoir si Toshiba fait une lecture correcte de cette communication.

73

S’agissant des critiques émises par Toshiba contre le point 112 de l’arrêt attaqué, elles doivent être rejetées. Ainsi que l’a, en substance, relevé le Tribunal, le détenteur d’un droit de veto sur certaines décisions d’une entreprise doit nécessairement être consulté avant l’adoption de décisions qu’il serait susceptible de bloquer et marquer son accord avec ces décisions. Partant, le seul fait qu’il n’a jamais exercé son droit de veto ne permet pas de conclure qu’il n’a pas exercé une influence déterminante sur le comportement de l’entreprise en question.

74

Pour ce qui est, enfin, du point 113 de l’arrêt attaqué, il suffit de constater que le Tribunal s’est borné à constater que les droits énumérés à l’article 21, paragraphe 2, du BIA, à savoir les droits portant sur les questions nécessitant des résolutions spéciales de l’assemblée des actionnaires en vertu du droit commercial et les questions relatives à l’émission de nouvelles actions ainsi que sur la distribution de dividendes, constituaient un indice supplémentaire de la capacité de Toshiba d’exercer une influence déterminante sur le comportement de l’entreprise commune. Le seul fait que les droits en question, ou certains d’entre eux, visent la protection des actionnaires minoritaires n’est pas, par lui-même, suffisant pour remettre en cause cette constatation.

75

Troisièmement, le Tribunal n’a pas non plus commis d’erreur de droit en ce qu’il a tenu compte des éléments mentionnés au point 31 du présent arrêt, en tant qu’indices de la capacité de Toshiba d’exercer une influence déterminante sur l’entreprise commune.

76

En particulier, contrairement à ce que fait valoir Toshiba, il n’est nullement nécessaire que le cumul de fonctions au sein tant de la société mère que de la filiale concerne plus d’une personne, pour pouvoir constituer un indice parmi d’autres de cette capacité.

77

L’argument de Toshiba, selon lequel le Tribunal aurait substitué sa propre appréciation à celle de la Commission, lorsqu’il a considéré que les vice-présidents de l’entreprise commune étaient en mesure de faire converger la politique commerciale de celle-ci avec les intérêts de Toshiba, doit également être rejeté. Il ressort, en effet, du point 116 de l’arrêt attaqué que, tout comme la Commission, le Tribunal a considéré que le fait que le BIA prévoyait que Toshiba devait nommer l’un des deux administrateurs habilités à représenter l’entreprise commune, qui était également le vice-président de celle-ci, constituait un indice témoignant de la capacité de cette dernière d’exercer une influence déterminante sur le comportement de l’entreprise commune. La référence à la connaissance approfondie, par les vice-présidents de celle-ci, de la politique et des objectifs de Toshiba sert à motiver cette considération du Tribunal.

78

Il convient également de souligner que, contrairement à ce qu’allègue Toshiba, il ne saurait être exclu que le fait qu’une société mère et sa filiale ont, entre elles, une relation de fournisseur préférentiel constitue un indice témoignant de la capacité de la première d’exercer une influence déterminante sur le comportement de la seconde (voir, par analogie, arrêt du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 90), étant précisé que la question du poids qu’il convient d’attacher à un tel indice dans le cadre de l’analyse de l’existence d’une unité économique entre la société mère et sa filiale relève, en définitive, de l’appréciation des faits par le Tribunal, laquelle n’est pas susceptible d’être remise en cause au stade du pourvoi.

79

Enfin, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a, en substance, considéré, au point 120 de l’arrêt attaqué, que le seul fait que la fermeture de deux filiales de l’entreprise commune nécessitait le consentement de Toshiba, lequel a été donné par cette dernière, constitue un indice de la capacité de Toshiba d’exercer une influence déterminante sur l’entreprise commune, et ce indépendamment des motifs ayant justifié ce consentement. Cette conclusion n’étant susceptible d’être remise en cause ni par l’analyse desdits motifs ni par l’allégation de Toshiba, évoquée au point 34 du présent arrêt, selon laquelle l’exigence d’un tel consentement relèverait de la protection des actionnaires minoritaires, il ne saurait être reproché au Tribunal un défaut ou une insuffisance de motivation de l’arrêt attaqué, du fait qu’il n’a pas spécifiquement analysé l’argumentation de Toshiba portant sur ces questions.

80

En quatrième lieu, en ce qui concerne la seconde branche du moyen unique de Toshiba, il y a lieu de relever que la question de savoir si une société mère était en mesure d’exercer une influence déterminante sur le comportement sur le marché de sa filiale, tout comme la question de savoir si une telle influence a, effectivement, été exercée relève, en définitive, de l’appréciation des faits. À cet égard, il découle de la jurisprudence citée au point 47 du présent arrêt qu’une telle appréciation peut être fondée sur un faisceau d’éléments concordants.

81

Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 39 du présent arrêt, l’appréciation des faits, en tant que telle, n’est pas susceptible d’être remise en cause au stade du pourvoi devant la Cour, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve. Or, toutes les allégations de Toshiba concernant une prétendue dénaturation des éléments de preuve par le Tribunal ont déjà été analysées et rejetées.

82

En outre, il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit dans son application de la jurisprudence relative à l’imputation, à une société mère, de la responsabilité d’une infraction aux règles de la concurrence commise par sa filiale ou, plus généralement, dans la qualification juridique des faits. Il résulte des mêmes considérations que le Tribunal n’a pas non plus violé les règles concernant la charge et l’administration de la preuve.

83

Dans ces conditions, en faisant valoir, par la seconde branche de son moyen unique, que les différents indices mentionnés par le Tribunal dans l’arrêt attaqué n’étaient pas suffisants pour justifier la conclusion selon laquelle elle formait, avec l’entreprise commune, une unité économique et pouvait être tenue pour responsable de l’infraction commise par cette dernière, Toshiba invite, en réalité, la Cour à procéder à une nouvelle appréciation des faits, ce qui dépasse les compétences de la Cour au stade du pourvoi.

84

Il s’ensuit que la seconde branche du moyen unique est irrecevable.

85

Il résulte de tout ce qui précède que le moyen unique de Toshiba doit être rejeté, tout comme le pourvoi dans son intégralité.

Sur les dépens

86

En vertu de l’article 184, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

87

La Commission ayant conclu à la condamnation de Toshiba et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :

 

1)

Le pourvoi est rejeté.

 

2)

Toshiba Corp. est condamnée aux dépens.

 

Signatures


( 1 ) Langue de procédure : l’anglais.

Top