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Document 62015CC0282

Conclusions de l'avocat général M. M. Bobek, présentées le 21 juillet 2016.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2016:589

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 21 juillet 2016 ( 1 )

Affaire C‑282/15

Queisser Pharma GmbH & Co. KG

contre

République fédérale d’Allemagne

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Braunschweig (tribunal administratif de Brunswick, Allemagne)]

«Renvoi préjudiciel — Sécurité des denrées alimentaires — Législation d’un État membre interdisant la fabrication et la mise sur le marché de compléments alimentaires contenant des acides aminés — Possibilité d’une dérogation discrétionnaire»

I – Introduction

1.

La présente affaire concerne la procédure permettant en droit allemand d’obtenir une dérogation à l’interdiction générale, imposée par la législation nationale, de fabrication et de vente de denrées alimentaires contenant, entre autres, des acides aminés.

2.

Par sa demande de décision préjudicielle, la juridiction nationale souhaite essentiellement savoir si l’exigence d’obtenir une dérogation temporaire et discrétionnaire pour fabriquer et vendre de telles denrées alimentaires en Allemagne est compatible avec les articles 34 TFUE à 36 TFUE, avec le règlement (CE) no 178/2002 (ci-après le « règlement sur la législation alimentaire ») et avec le règlement (CE) no 1925/2006 (ci-après le « règlement sur les additifs alimentaires »).

II – Cadre juridique

A –   La réglementation de l’Union

1. Le règlement no 178/2002 : le règlement sur la législation alimentaire

3.

Le règlement (CE) no 178/2002 ( 2 ) établit les principes généraux et prescriptions générales de la législation alimentaire. L’article 1er dispose que le règlement vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé des personnes, tout en veillant au fonctionnement effectif du marché intérieur. Il prévoit également « le moyen de fournir une base scientifique solide, […] pour étayer la prise de décision dans le domaine de la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux ».

4.

L’article 4, intitulé « Champ d’application », confirme que le chapitre II du règlement (qui comprend les articles 4 à 21) « couvre toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution de denrées alimentaires » et que les « principes généraux définis dans les articles 5 à 10 forment un cadre général de nature horizontale à respecter lorsque des mesures sont prises ».

5.

L’article 6, intitulé « Analyse des risques », dispose que la législation alimentaire se fonde en principe sur l’analyse des risques et que l’évaluation des risques est « fondée sur les preuves scientifiques disponibles et […] est menée de manière indépendante, objective et transparente ».

6.

L’article 7, intitulé « Principe de précaution », dispose en son paragraphe 1 que « [d]ans des cas particuliers où une évaluation des informations disponibles révèle la possibilité d’effets nocifs sur la santé, mais où il subsiste une incertitude scientifique, des mesures provisoires de gestion du risque, nécessaires pour assurer le niveau élevé de protection de la santé choisi par la Communauté, peuvent être adoptées dans l’attente d’autres informations scientifiques en vue d’une évaluation plus complète du risque ». L’article 7, paragraphe 2, dispose que ces mesures sont proportionnées.

7.

Conformément à l’article 14, aucune denrée alimentaire n’est mise sur le marché si elle est dangereuse, et une denrée alimentaire est dite dangereuse si elle est préjudiciable à la santé ou impropre à la consommation humaine. Aux termes de l’article 14, paragraphe 7, sont « considérées comme sûres les denrées alimentaires conformes à des dispositions communautaires spécifiques régissant la sécurité des denrées alimentaires, en ce qui concerne les aspects couverts par ces dispositions ». L’article 14, paragraphe 9, prévoit qu'« [e]n l’absence de dispositions communautaires spécifiques, les denrées alimentaires sont considérées comme sûres si elles sont conformes aux dispositions spécifiques de la législation alimentaire nationale de l’État membre sur le territoire duquel elles sont commercialisées, ces dispositions étant établies et appliquées sans préjudice du traité, et notamment de ses articles 28 et 30 ».

8.

L’article 53 permet à la Commission d’arrêter des mesures d’urgence, lorsqu’il est évident que des denrées alimentaires ou des aliments pour animaux constituent un risque sérieux qui ne peut être maîtrisé de façon satisfaisante par les États membres. L’article 55 autorise la Commission à établir un plan général de gestion des crises.

2. Le règlement no 1925/2006 : le règlement sur les additifs alimentaires

9.

Le considérant 2 du règlement (CE) no 1925/2006 ( 3 ) dispose qu’en l’absence de règles spécifiques du droit de l’Union, « les règles nationales appropriées peuvent s’appliquer sans préjudice des dispositions du traité ».

10.

L’article 1er expose que le règlement est relatif à l’adjonction de vitamines, de minéraux et de certaines autres substances aux denrées alimentaires, afin de garantir le fonctionnement efficace du marché intérieur tout en assurant un niveau élevé de protection des consommateurs.

11.

L’article 2 définit la notion d’« autre substance » comme « toute substance, autre qu’une vitamine ou un minéral, qui possède un effet nutritionnel ou physiologique ».

12.

Le chapitre III du règlement est intitulé « Adjonction de certaines autres substances ». Il ne contient que l’article 8. Celui-ci prévoit une procédure qui « est appliquée » essentiellement si une substance autre que des vitamines ou des minéraux est ajoutée à des aliments, de sorte qu’il en résulte une ingestion de quantités de cette substance dépassant les quantités normales ou pouvant représenter pour d’autres raisons un risque potentiel pour le consommateur. L’article 8 dispose encore que la Commission « peut » prendre la décision d’inscrire une substance ou un ingrédient à l’annexe III du règlement.

13.

L’article 8, paragraphe 6, prévoit que la Commission définit les modalités d’exécution nécessaires à la mise en œuvre de l’article 8. Celles-ci ont été adoptées sous la forme du règlement d’exécution (UE) no 307/2012 ( 4 ).

14.

Aux termes de l’article 11 du règlement no 1925/2006, intitulé « Dispositions nationales », toute nouvelle législation nationale prévoyant des restrictions ou des interdictions concernant l’adjonction d’autres substances aux aliments est notifiée à la Commission conformément à la procédure spécifique prévue à l’article 12 du règlement no 1925/2006.

B –   La réglementation nationale

15.

Les dispositions suivantes du code allemand des denrées alimentaires et aliments pour animaux (Lebensmittel-, Bedarfsgegenstände- und Futtermittelgesetzbuch, ci-après le « LFGB ») ( 5 ) constituent le cadre juridique du litige en droit national.

16.

L’article 2, paragraphes 2 et 3, du LFGB fait référence à la définition de la notion de « denrée alimentaire » figurant à l’article 2 du règlement no 178/2002 et à la définition de la notion d’« additif alimentaire » contenue dans l’article 3, paragraphe 2, sous a), et dans l’article 2, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1333/2008 ( 6 ). De plus, l’article 2, paragraphe 3, deuxième phrase, assimile aux additifs alimentaires :

« 1.   les substances habituellement non consommées comme aliment en soi et non utilisées comme ingrédient caractéristique dans l’alimentation, possédant ou non une valeur nutritive, [et qui sont ajoutées] aux denrées alimentaires, dans un but autre que technologique, au stade de leur fabrication ou traitement.

[…]

3.   les acides aminés et leurs dérivés ».

17.

L’article 4 du LFGB prévoit que les dispositions de cette loi régissant les additifs alimentaires s’appliquent également aux substances qui y sont assimilées en vertu de l’article 2, paragraphe 3, deuxième phrase.

18.

Aux termes de l’article 6 du LFGB, il est interdit

« 1.

lors de la fabrication ou du traitement de denrées alimentaires destinées à être commercialisées,

a)

d’employer des additifs alimentaires non autorisés, à l’état pur ou mélangés à d’autres substances,

[…]

2.

de mettre sur le marché des denrées alimentaires fabriquées ou traitées en violation de l’interdiction établie au point 1 ou qui ne sont pas conformes à une ordonnance prise sur la base de l’article 7, paragraphe 1, ou paragraphe 2, point 1 ou 5 ».

19.

L’article 54, paragraphes 2 et 3, du LFGB prévoit, aux fins de l’importation, des dérogations possibles à l’interdiction de l’article 6. Ces dérogations sont accordées à la suite d’une évaluation des risques, compte tenu des connaissances de la recherche internationale et des habitudes alimentaires en Allemagne. Les décisions sont de portée générale et s’appliquent à tous les importateurs du produit concerné. Elles doivent être adoptées dans un délai raisonnable. Si ce délai excède quatre-vingt-dix jours, les raisons doivent en être données.

20.

L’article 68 du LFGB énonce :

« 1.

Dans des cas exceptionnels, des dérogations aux dispositions de la présente loi et des dispositions réglementaires qui en découlent peuvent être accordées sur demande individuelle, dans les conditions prévues aux paragraphes 2 et 3. […]

2.

Des dérogations peuvent uniquement être accordées

1)

pour la fabrication, le traitement et la mise sur le marché de certaines denrées alimentaires […], pour autant qu’il y ait lieu de s’attendre à des résultats susceptibles de revêtir une importance en vue d’une modification ou complétion des règles régissant les denrées alimentaires […], sous la surveillance de l’autorité compétente, ou que la réglemention n’ait pas encore été mise en conformité avec les actes juridiques […] de l’Union européenne ; dans ce cadre, il est tenu dûment compte des intérêts individuels dignes de protection ainsi que de tous les facteurs susceptibles d’influencer la situation concurrentielle générale du secteur industriel concerné,

[…]

4)

Dans d’autres cas, dans lesquels des circonstances particulières, notamment la menace d’une détérioration de denrées alimentaires […], le font apparaître nécessaire pour éviter des iniquités graves ; […]

3.

Des dérogations peuvent uniquement être accordées s’il existe des éléments de fait permettant de penser qu’aucun risque pour la santé humaine ou animale n’est à prévoir ; […]

[…]

5.

La dérogation au titre du paragraphe 2 est accordée pour une durée limitée, de trois ans au maximum. Dans les cas visés au paragraphe 2, point 1, elle peut, sur demande, être prorogée à trois reprises […], à chaque fois pour une période maximale de trois ans, pour autant que les conditions relatives à l’octroi soient toujours réunies […] »

III – Faits, procédure et questions déférées

21.

Queisser Pharma GmbH & Co. KG (ci-après « Queisser ») est une société établie en Allemagne. Elle produit et distribue le complément alimentaire « Doppelherz aktiv + Eisen + Vitamin C + Histidin + Folsäure » (« “Doppelherz aktiv” + fer + vitamine C + histidine + acide folique »), qui contient notamment de la L‑histidine (ci-après le « produit Doppelherz »). La L‑histidine est un acide aminé.

22.

En mars 2006, Queisser a introduit auprès du Bundesamt für Verbraucherschutz und Lebensmittelsicherheit (Office fédéral de protection des consommateurs et de sécurité des aliments, ci-après le « BVL ») une demande de dérogation au titre de l’article 68 du LFGB. Elle demandait notamment l’autorisation de fabriquer et de commercialiser le produit Doppelherz en tant que complément alimentaire en Allemagne.

23.

En novembre 2012, la demande de Queisser a été rejetée. Aux termes de l’article 68, paragraphe 3, du LFGB, une dérogation ne peut être accordée que si les éléments de fait permettent de penser qu’il n’y a aucun risque pour la santé humaine ou animale. Le BVL ne considérait pas que l’acide aminé L‑histidine contenu dans le produit Doppelherz présentait des risques pour la santé. Il était en revanche préoccupé par sa teneur en fer. La demande a donc été rejetée, non en raison de l’acide aminé L‑histidine, mais en raison de la teneur en fer.

24.

Queisser a introduit une réclamation contre cette décision devant le BVL. Elle a produit des preuves scientifiques de l’inocuité du fer contenu dans le produit Doppelherz. Cette réclamation a été rejetée en février 2013.

25.

En mars 2013, Queisser a formé un recours contre ce rejet devant la juridiction de renvoi. Alors que cette affaire était pendante, le BVL est revenu sur sa décision le 17 février 2015 et a accordé à Queisser une dérogation pour une période de trois ans, au titre de l’article 68, paragraphe 1 et paragraphe 2, point 1, du LFGB.

26.

Dans ces circonstances, le Verwaltungsgericht Braunschweig (tribunal administratif de Brunswick) a suspendu la procédure et déféré à la Cour les questions suivantes :

« 1)

Convient-il d’interpréter les dispositions combinées des articles 34, 35 et 36 TFUE ainsi que de l’article 14 du règlement [no 178/2002] en ce sens qu’elles font obstacle à une réglementation nationale qui interdit de fabriquer, traiter ou mettre sur le marché un complément alimentaire avec des acides aminés(en l’occurrence, la L‑histidine), à moins d’avoir obtenu une dérogation de l’autorité nationale compétente, qui dispose à cet égard d’un pouvoir d’appréciation, cette dérogation n’étant accordée que pour une durée déterminée et uniquement si un certain nombre d’autres conditions sont réunies ?

2)

Résulte-t-il de l’économie des articles 14, 6, 7, 53 et 55 du règlement no 178/2002 qu’une denrée ou un ingrédient alimentaire ne peut être interdit au niveau national que si les conditions énoncées auxdits articles sont réunies et cela fait-il obstacle à une réglementation nationale telle que celle décrite dans la première question ?

3)

Convient-il d’interpréter l’article 8 du règlement [no 1925/2006] en ce sens qu’il fait obstacle à une réglementation nationale telle que celle décrite dans la première question ? »

27.

Queisser, le gouvernement allemand et la Commission ont soumis des observations écrites. Queisser et la Commission ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 12 mai 2015.

IV – Appréciation

A –   Introduction

28.

La juridiction de renvoi demande en substance si l’exigence d’une dérogation pour la production et la commercialisation de compléments alimentaires contenant des acides aminés est compatible avec i) les règles du traité relatives à la libre circulation des marchandises, ii) le règlement no 178/2002 et iii) le règlement no 1925/2006. Dans les présentes conclusions, j’examinerai les questions de la juridiction de renvoi dans l’ordre inverse.

29.

Pour les raisons exposées ci-dessous, je considère que, dans la mesure où il s’applique aux acides aminés, le régime national de dérogation n’est pas couvert par le règlement no 1925/2006 ( 7 ).

30.

Cependant, ce régime est couvert par le règlement no 178/2002, et en particulier ses articles 6 et 7. Ces dispositions exigent respectivement a) que les mesures nationales adoptées en matière de législation alimentaire soient étayées par une analyse des risques basée sur des preuves scientifiques et b) que les restrictions en application du principe de précaution soient proportionnées. Je considère qu’un régime de dérogation tel que celui décrit dans la demande de la juridiction de renvoi soulève un certain nombre d’interrogations quant à sa compatibilité avec ces dispositions.

31.

En ce qui concerne les articles 34 TFUE à 36 TFUE, je considère qu’ils ne sont pas applicables parce que la situation en cause est purement interne.

B –   La troisième question

32.

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande si l’article 8 du règlement no 1925/2006 fait obstacle à un régime de dérogation tel que celui décrit dans sa demande de décision préjudicielle.

33.

Les acides aminés, dans la mesure où ils possèdent un effet nutritionnel ou physiologique et sont ajoutés à des denrées alimentaires, sont des « autres substances » au sens de l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 1925/2006.

34.

L’article 8 du règlement no 1925/2006 définit la procédure à appliquer pour inscrire une « autre substance » à l’annexe III de ce règlement (qui contient des listes d’« autres substances » dont l’utilisation fait l’objet d’une interdiction, est soumise à des conditions, ou à l’égard desquelles il existe une incertitude scientifique). Cela soulève la question de savoir si le simple fait qu’un acide aminé n’est pas inscrit sur une liste de l’annexe III empêche les États membres d’imposer des restrictions à son utilisation dans les denrées alimentaires.

35.

Je considère que la réponse à cette question est clairement négative.

36.

Il est vrai que, conformément à l’article 8 du règlement no 1925/2006, la procédure prévue par cette disposition « est appliquée », si une « autre substance » est ajoutée à des aliments dans certaines conditions ( 8 ). L’utilisation de la tournure impérative pourrait laisser penser que la procédure est obligatoire dans tous les cas d’interdiction ou d’imposition de restrictions à l’utilisation d’une substance.

37.

Cependant, comme le fait valoir la Commission dans ses observations écrites, une telle interprétation ne peut s’appuyer ni sur l’article 11 ni sur le considérant 2 du règlement. Le considérant 2 du règlement no 1925/2006 énonce qu’en l’absence de règles spécifiques de l’Union sur les « autres substances », les règles nationales pertinentes peuvent s’appliquer. L’article 11 du règlement, intitulé « Dispositions nationales », prévoit que lorsqu’un État membre souhaite adopter une nouvelle législation imposant des restrictions ou des interdictions de l’utilisation d’« autres substances » dans les denrées alimentaires, il le notifie à la Commission en suivant la procédure prévue à l’article 12 du règlement.

38.

Il découle donc de l’article 11 et du considérant 2 que les règles nationales pertinentes adoptées après l’entrée en vigueur du règlement doivent être notifiées selon une procédure spécifique et peuvent effectivement être bloquées par la Commission. Inversement, le règlement n’empêche pas l’application de règles nationales qui existaient avant son entrée en vigueur.

39.

À la lumière des considérations qui précèdent, la réponse à la troisième question de la juridiction de renvoi est la suivante : l’article 8 du règlement no 1925/2006 ne fait pas obstacle à des dispositions législatives nationales qui empêchent la fabrication, le traitement et/ou la commercialisation d’une denrée alimentaire contenant des acides aminés, à moins d’avoir obtenu une dérogation de l’autorité nationale compétente, qui dispose à cet égard d’un pouvoir d’appréciation, cette dérogation n’étant accordée que pour une durée déterminée.

C –   La deuxième question

40.

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande si les articles 6, 7, 14, 53 et 55 du règlement no 178/2002 font obstacle à un régime de dérogation tel que celui décrit dans sa décision de renvoi.

41.

Conformément à son article 1er, le règlement no 178/2002 « établit les principes généraux régissant les denrées alimentaires et l’alimentation animale en général, et la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux en particulier, au niveau communautaire et au niveau national ». L’article 4, paragraphe 2, prévoit que les articles 5 à 10 « forment un cadre général de nature horizontale à respecter lorsque des mesures sont prises ». L’article 4, paragraphe 3, dispose que « [l]es principes et procédures en vigueur en matière de législation alimentaire sont adaptés dans les meilleurs délais et au plus tard le 1er janvier 2007, en vue de se conformer aux dispositions des articles 5 à 10 ».

42.

Il résulte du libellé clair des dispositions citées ci-dessus qu’une réglementation nationale telle que celle à laquelle fait référence la première question de la juridiction de renvoi aurait dû être adaptée, en vue de se conformer, entre autres, aux articles 6 et 7 du règlement no 178/2002, au plus tard le 1er janvier 2007.

1. Applicabilité des articles 14, 53, et 55 du règlement no 178/2002

43.

Avant de traiter en détail les articles 6 et 7 dans les sections suivantes, j’examinerai d’abord brièvement les autres dispositions du règlement no 178/2002 auxquelles la juridiction nationale fait référence dans sa deuxième question.

44.

L’article 14, paragraphe 9, du règlement no 178/2002 prévoit qu’en l’absence de règles communautaires spécifiques, les denrées alimentaires sont considérées comme sûres si elles sont conformes à la législation nationale, sans préjudice du traité. Les règles du traité, et en particulier celles relatives à la libre circulation des marchandises auxquelles fait référence l’article 14, paragraphe 9, seront discutées ci-après, section D. Mis à part le traité, l’article 14, paragraphe 9, renvoie simplement à la législation nationale. Cette disposition ne fait donc pas en soi obstacle à un régime de dérogation du type décrit dans la demande de décision préjudicielle de la juridiction de renvoi.

45.

De plus, l’article 14, paragraphe 9, du règlement no 178/2002 ne saurait remettre en cause la conclusion relative à l’applicabilité des articles 6 et 7. L’article 14, paragraphe 9, renvoie à la législation nationale pour tous les éléments (particuliers) qui ne sont pas couverts expressément par la réglementation de l’Union. Cela ne saurait certainement pas être compris comme une dérogation aux principes prévus par les articles 6 et 7 du règlement no 178/2002, qui restent, en tant qu’il s’agit de dispositions générales et transversales, entièrement applicables même en l’absence de règles spécifiques.

46.

En ce qui concerne les autres paragraphes de l’article 14, dans la mesure où aucune règle spécifique du droit de l’Union ne s’applique, l’article 14, paragraphes 7 et 8, du règlement no 178/2002 n’est pas directement pertinent en l’espèce. L’article 14, paragraphes 1 à 6, dispose en substance qu’aucune denrée alimentaire ne peut être commercialisée si elle est dangereuse ou impropre à la consommation humaine. Par conséquent, ces dispositions ne font pas par elles‑mêmes obstacle à un régime de dérogation du type décrit dans la demande de la juridiction de renvoi.

47.

En ce qui concerne les articles 53 et 55 du règlement no 178/2002, ces dispositions concernent des mesures d’urgence et de gestion des crises. En tant que telles, elle ne font pas pas par elles-mêmes obstacle à un régime de dérogation du type décrit dans la demande de la juridiction de renvoi.

2. Observations générales concernant les articles 6 et 7 du règlement no 178/2002

48.

L’article 6 du règlement no 178/2002 exige que les mesures de gestion des risques dans la législation alimentaire nationale tiennent compte des résultats de l’évaluation des risques. L’évaluation des risques est fondée sur les « preuves scientifiques disponibles et elle est menée de manière indépendante, objective et transparente ».

49.

L’article 7 du règlement no 178/2002, intitulé « Principe de précaution » dispose que, si après une évaluation des risques, il subsiste une incertitude scientifique, des mesures provisoires de gestion du risque peuvent être adoptées « dans l’attente d’autres informations scientifiques en vue d’une évaluation plus complète du risque » Ces mesures doivent être proportionnées.

50.

À ce stade, il convient de formuler une observation préliminaire importante à propos de la relation entre ces deux dispositions et de la nature du principe de précaution exprimé à l’article 7. Conformément au libellé clair de cette dernière disposition, les États membres ne peuvent fonder les mesures de gestion des risques sur l’article 7 qu’après qu’une évaluation des informations disponibles ait été effectuée. En d’autres termes, il ne saurait être fait appel à l’article 7 qu’après avoir respecté la procédure et les règles de fond de l’article 6.

51.

Il s’ensuit qu’un régime de dérogation du type de celui décrit dans la demande de la juridiction de renvoi ne saurait se baser sur l’article 7 du règlement no 178/2002 dans la mesure où l’interdiction de l’utilisation d’additifs alimentaires non autorisés aux termes de la loi allemande n’est pas précédée d’une évaluation des informations disponibles, qui révèle une incertitude scientifique quant au risque. À strictement parler, dans ces circonstances, l’article 7 ne saurait être invoqué pour justifier un tel régime.

52.

À la lumière des considérations qui précèdent, l’analyse qui suit se concentre principalement sur l’article 6 du règlement no 178/2002.

3. Base scientifique pour la prise de décision

53.

L’article 6 du règlement no 178/2002 exprime un principe de base de la réglementation des risques, à savoir que les mesures doivent être basées sur des données scientifiques ( 9 ). En fin de compte, les mesures restrictives adoptées pour faire face à des risques identifiés peuvent également refléter des considérations plus larges de politique. Néanmoins, les données scientifiques devraient constituer le point de départ ( 10 ).

54.

Dès lors, l’article 6 ferait clairement obstacle à une réglementation nationale empêchant la fabrication et la commercialisation d’un ingrédient alimentaire sans aucunement prendre en considération les preuves scientifiques et sans aucune possibilité de dérogation. Cependant, ce n’est pas le type de situation auquel la Cour fait face en l’espèce. Selon le système décrit dans la demande de décision préjudicielle, une interdiction existe mais des dérogations peuvent être obtenues, et en l’espèce une dérogation a été accordée. Les données scientifiques ne sont pas écartées, le problème éventuel est plutôt qu’il semble que la législation nationale commence par présumer qu’un ingrédient est dangereux.

55.

Le problème sous-jacent à la deuxième question de la juridiction de renvoi est donc celui-ci : quelles limitations le règlement no 178/2002 impose-t-il à une telle procédure de dérogation ? En particulier, un régime d’autorisation préalable est-il même acceptable (c’est-à-dire, est-il jamais acceptable de présumer qu’un ingrédient est dangereux) ? Dans l’affirmative, quelles sont les conditions préalables ? Par qui les informations nécessaires pour l’évaluation du risque doivent-elles être fournies, par qui cette évaluation doit-elle être menée (l’État membre ou un opérateur du marché) ? Qui supporte la charge de la preuve ?

56.

Avant d’aborder ces questions, j’examinerai préalablement l’arrêt de principe Commission/France de la Cour ( 11 ).

4. Arrêt Commission/France

57.

Peu d’arrêts de la Cour interprètent spécifiquement les articles 6 et 7 du règlement no 178/2002 ( 12 ). Cependant, plusieurs arrêts en matière de libre circulation des marchandises ont développé des principes généraux relatifs aux procédures d’autorisation préalable et à l’évaluation des risques concernant la législation alimentaire ( 13 ). Ces principes sont dans une large mesure transposables en l’espèce.

58.

L’arrêt Commission/France ( 14 ) est particulièrement intéressant, spécialement dans la mesure où il porte sur la légalité d’un régime d’autorisation préalable (par opposition à des décisions individuelles d’autorisation au sein d’un tel régime). Cette affaire concernait une législation française prévoyant un régime d’autorisation préalable pour les auxiliaires technologiques et les denrées alimentaires, lorsque leur processus d’élaboration emploie des auxiliaires technologiques. L’autorisation préalable était requise même lorsque les auxiliaires ou denrées alimentaires étaient légalement fabriqués dans un autre État membre. La Commission a engagé un recours en manquement contre la France, au motif que le régime d’autorisation préalable violait les dispositions du traité relatives à la libre circulation ( 15 ).

59.

La Cour a jugé que le régime d’autorisation préalable était un obstacle à la libre circulation des marchandises. Toutefois, elle a également confirmé une jurisprudence constante antérieure, aux termes de laquelle les régimes d’autorisation préalable ne sont « pas, en principe, contraire[s] au droit communautaire pourvu que certaines conditions soient remplies» ( 16 ), pour assurer que ces régimes peuvent être justifiés et sont proportionnés.

60.

La Cour a défini deux de ces conditions ( 17 ). Premièrement, une procédure transparente et accessible doit exister, permettant d’obtenir l’autorisation dans des délais raisonnables, et pouvant faire l’objet d’un recours devant les juridictions nationales (ci-après la « condition de procédure »). Deuxièmement, une demande d’autorisation ne peut être rejetée que si la substance présente un risque réel pour la santé publique (ci-après la « condition de fond »).

61.

Le système français en cause dans cette affaire présentait un certain nombre de défaillances procédurales. En ce qui concerne la condition de fond, la Cour a formulé les observations importantes suivantes.

62.

Premièrement, le pouvoir d’appréciation des États membres concernant la protection de la santé publique est particulièrement important lorsqu’il existe des incertitudes scientifiques. Deuxièmement, les États membres qui invoquent une exception à la libre circulation doivent « démontrer dans chaque cas d’espèce, compte tenu des résultats de la recherche scientifique internationale, que leur réglementation est nécessaire pour protéger effectivement les intérêts visés à [l’article 36 TFUE] ». De plus, l’interdiction des auxiliaires technologiques dans cette affaire devait « être fondée sur une évaluation approfondie du risque allégué par l’État membre ». Troisièmement, toute mesure adoptée par un État membre doit être proportionnée. Quatrièmement et finalement, toute invocation du principe de précaution doit être précédée d’« une évaluation compréhensive du risque pour la santé fondée sur les données scientifiques disponibles les plus fiables et les résultats les plus récents de la recherche internationale ».

63.

La Cour a constaté que le régime français d’autorisation préalable ne respectait pas ces conditions de fond. Elle a notamment considéré que la nature générale du régime posait problème. La Cour a jugé que le régime aurait dû cibler les auxiliaires technologiques entrant dans des « catégories dangereuses ou suspectes» ( 18 ). Cependant, le régime français ne distinguait pas « selon les différents auxiliaires technologiques ou selon le niveau du risque que leur utilisation [pouvait] éventuellement présenter pour la santé» ( 19 ). La Cour a poursuivi en jugeant qu’un « État membre ne peut pas justifier un régime d’autorisation préalable systématique et non ciblé […] en soulignant l’impossibilité d’entamer des examens préalables plus exhaustifs en raison de la quantité considérable d’auxiliaires technologiques utilisables […]» ( 20 ).

64.

L’arrêt Commission/France de la Cour confirme clairement que les régimes d’autorisation préalable ne sont pas exclus en tant que tels des règles relatives à la libre circulation. Il est tout aussi clair néanmoins que la Cour répugne à admettre les régimes d’autorisation préalable appliqués de manière indifférenciée sans base scientifique ( 21 ).

65.

Cependant, à mon sens, l’arrêt Commission/France ne répond pas aux questions plus détaillées énumérées au point 55 des présentes conclusions, notamment qui doit fournir l’information dans le cadre de l’évaluation des risques et qui supporte la charge de la preuve à cet égard. Je vais examiner à présent ces questions.

5. Fourniture de l’information et charge de la preuve

66.

Pour planter le décor, deux extrêmes opposés peuvent en substance être envisagés en ce domaine.

67.

À un extrême, l’État membre supporte entièrement la charge de la preuve. Il doit fournir toute l’information scientifique pertinente, utile à une évaluation globale (« comprehensive ») des risques pour chaque substance en particulier. À défaut, l’État membre ne peut imposer aucune mesure en matière de législation alimentaire restreignant l’usage ou la commercialisation de cette substance, en ce compris tout régime d’autorisation préalable (ci-après le modèle « libéralisation par défaut »).

68.

À l’autre extrême, l’État membre impose une interdiction générale d’un ingrédient ou d’une catégorie d’ingrédients, sans procéder à une évaluation des risques. Ce faisant, l’État membre transfère de fait la charge de la preuve à l’opérateur du marché, qui doit fournir l’information scientifique nécessaire pour mener l’évaluation globale (« comprehensive ») des risques (ci-après le modèle « interdiction par défaut »).

69.

Je nourris de profondes réserves quant aux deux approches. En outre, je ne considère pas que l’une ou l’autre trouve un appui dans la jurisprudence.

a) Le modèle « libéralisation par défaut »

70.

En ce qui concerne le premier modèle, « libéralisation par défaut », il est vrai qu’une logique de libre circulation implique que l’État membre supporte la charge de justifier tout obstacle à la libre circulation des marchandises. Cependant, deux réserves précèdent cette affirmation générale. Premièrement, l’affirmation est générale, définissant en principe le point de départ. Deuxièmement, je rappelle qu’il ne s’agit pas ici d’interpréter les articles 34 et 36 TFUE. Il s’agit d’interpréter l’article 6 (et accessoirement aussi l’article 7) du règlement no 178/2002, c’est-à-dire des dispositions de droit dérivé dans une matière plutôt sensible.

71.

De plus, comme l’arrêt Commission/France l’a confirmé, la jurisprudence relative à la libre circulation elle-même n’empêche pas, en principe, un État membre d’imposer une autorisation préalable. Elle n’empêche pas non plus l’État membre de demander aux entreprises de fournir une information qui aidera à déterminer s’il autorisera la commercialisation sur son territoire de denrées alimentaires contenant certains ingrédients ( 22 ). L’arrêt Commission/France a également confirmé que l’option des États membres de recourir à un régime d’autorisation préalable doit être réelle. Elle ne devrait pas être privée de tout effet utile par des conditions qui empêcheraient en pratique l’État membre de pouvoir vérifier l’absence d’un risque réel pour la santé publique avant d’autoriser les produits sur son marché ( 23 ). Je considère qu’exiger de l’État membre qu’il produise un examen complet, sans failles et global de toutes les informations scientifiques disponibles avant de lui permettre de suspendre la commercialisation au moyen d’un régime d’autorisation préalable serait beaucoup trop proche de cela. Finalement, je souligne que le régime en cause en l’espèce n’implique pas une interdiction sans dérogation. Il concerne un régime d’autorisation préalable. Pour employer une métaphore, l’État membre ne pousse pas sur le bouton « stop » mais seulement sur le bouton « pause ». L’évaluation des risques et les justifications exigées dans le second cas devraient logiquement être moins exigeantes que dans le premier. Tous ces éléments font pencher la balance en faveur d’une approche plus nuancée de la charge de la preuve.

72.

On parvient à une conclusion similaire en s’inspirant de l’arrêt Rubinum ( 24 ), qui à mon avis adopte implicitement une approche plus nuancée de la charge de la preuve au titre de l’article 6 du règlement no 178/2002. Cette affaire concernait une demande d’annulation d’un règlement de la Commission ( 25 ) qui suspendait les autorisations pour un additif destiné à l’alimentation animale, sous la forme d’un micro-organisme. La suspension avait été adoptée parce que la séquence du génôme de l’additif destiné à l’alimentation animale avait révélé des gènes créant une résistance à certains antibiotiques, qui étaient susceptibles d’être transmis aux animaux ou aux humains. L’additif a, par conséquent, été considéré comme dangereux.

73.

En confirmant la validité du règlement contesté de la Commission, le Tribunal a rejeté l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’avait pas procédé à une évaluation complète des risques. Il a jugé que l’existence d’un risque non hypothétique avait été établie et que la requérante n’avait avancé aucune preuve ni aucun argument concrets visant à établir qu’une analyse (exhaustive) des risques aurait conduit à considérer que les inquiétudes soulevées par la Commission seraient compensées par les avantages du produit ( 26 ).

74.

En d’autres termes, dans l’arrêt Rubinum, à la suite d’une évaluation par une autorité publique (en l’espèce, la Commission) sur la base de l’information dont elle disposait, un risque avait été identifié. L’opérateur privé aurait pu contester cette constatation en présentant d’autres éléments de preuve, mais il ne l’a pas fait. Je considère que répartir la charge de la preuve de cette manière est tout à fait naturel dans ce contexte : chaque partie est invitée à établir et à prouver ses propres affirmations.

75.

En outre, des objections d’ordre pragmatique s’opposent à l’approche « libéralisation par défaut ». Premièrement, il ne va pas de soi que l’autorité publique est toujours la mieux placée pour réunir toutes les preuves scientifiques nécessaires pour mener une évaluation globale des risques ( 27 ). De plus, dans certains cas du moins, il semble logique que l’entité qui a un intérêt économique à commercialiser le produit en question – par opposition à la société – doive contribuer à réunir l’information ( 28 ).

76.

Enfin, l’application dans ce domaine du modèle « libéralisation par défaut » serait, au mieux, difficile à concilier avec l’approche adoptée dans d’autres domaines parallèles, au pire elle la contredirait ouvertement. L’exemple le plus évident est celui du règlement relatif aux nouveaux aliments ( 29 ) Ce règlement adopte en substance le modèle « interdiction par défaut » pour toutes les denrées alimentaires non largement consommées dans l’Union avant 1997. Il semble plutôt arbitraire que, à cette date précise, l’Union devrait basculer entièrement d’un modèle « libéralisation par défaut » vers un modèle « interdiction par défaut ». Non seulement la jurisprudence, mais le bon sens également soutiennent une approche plus nuancée pour la période antérieure à 1997 ( 30 ).

b) Le modèle « interdiction par défaut »

77.

Je suis également très réservé quant au modèle « interdiction par défaut ». Je formulerai seulement deux observations à cet égard.

78.

Premièrement, un modèle semblable à celui de l’« interdiction par défaut » est déjà utilisé dans plusieurs domaines spécifiques. En ce qui concerne les compléments alimentaires, la directive 2002/46/CE prévoit une approche basée sur des listes positives. L’utilisation de vitamines et minéraux dans les compléments alimentaires est interdite, à moins qu’ils ne figurent sur ces listes. Étant donné que le législateur de l’Union, lors de l’adoption de dispositions de droit dérivé, a explicitement choisi une approche par une liste positive en ce qui concerne ces substances, il n’apparaît pas justifié d’étendre l’approche « interdiction par défaut » à d’autres substances, en l’absence d’une réglementation en ce sens ( 31 ).

79.

Deuxièmement, dans le contexte des dispositions relatives à la libre circulation, l’arrêt Commission/France examiné ci-dessus confirme que des interdictions générales quant à l’usage de substances dans les denrées alimentaires, assorties d’éventuelles autorisations, posent problème. Des éléments de preuve du risque concernant chaque substance séparément ou du moins concernant une catégorie de substances dans lesquelles elle apparaît, sont requis.

80.

Cependant, la question de savoir comment la charge de la preuve pouvait être répartie ou transférée entre l’autorité publique et l’opérateur privé n’a pas été discutée en détail dans cet arrêt. La question de l’étendue du risque que l’autorité publique doit établir à première vue avant de suspendre l’utilisation ou la commercialisation d’une substance concernée dans l’attente de données supplémentaires, n’a pas été discutée non plus. L’arrêt Rubinum discuté ci-dessus, aux points 72 et suivants, irait dans le sens d’une approche plus nuancée.

c) La voie médiane : une charge de la preuve partagée

81.

À la lumière des considérations qui précèdent, je décèle de solides arguments contre les deux positions extrêmes – le modèle « libéralisation par défaut » et le modèle « interdiction par défaut ». Quelle serait alors la voie médiane raisonnable ?

82.

La voie médiane devrait prendre en compte la nécessité pour les États membres de justifier l’imposition de régimes d’autorisation préalable substance par substance. Elle devrait également tenir compte des limites pratiques à la capacité d’un État membre d’effectuer des évaluations préalables, complètes et exhaustives des risques pour toutes les substances concernées. Plus largement, je considère qu’une approche plus nuancée est également nécessaire parce que le règlement no 178/2002 reconnaît que la législation alimentaire doit généralement reposer sur la science. Il n’exige pas seulement que les restrictions adoptées en matière de législation alimentaire reposent sur la science.

83.

Concrètement, avant d’imposer un régime d’autorisation préalable concernant une substance donnée, un État membre doit en principe démontrer, pour cette substance spécifiquement, qu’un risque réel existe pour la santé publique. Je ne considère pas que des régimes d’autorisation préalable pour des catégories de substances devraient être nécessairement exclus. Cependant, une telle approche devrait être clairement justifiée par l’État membre, par exemple sur la base de similitudes structurelles entre les substances appartenant à la même catégorie.

84.

Dans ce contexte, ce qui est requis c’est la possibilité solide et convaincante à première vue d’un risque, non un examen exhaustif de toute l’information scientifique disponible (contrairement à l’approche « libéralisation par défaut »). L’existence à première vue d’un risque justifie l’exigence d’une autorisation préalable. L’exigence d’une autorisation préalable peut alors servir de cadre procédural afin de réunir les informations nécessaires pour procéder à une évaluation plus complète. En fin de compte, c’est sur l’État membre que repose la responsabilité d’effectuer cette évaluation des risques, mais il doit être en mesure de faire appel aux opérateurs privés pour l’aider à réunir les données nécessaires pour cette évaluation ( 32 ).

85.

De ce point de vue, on pourrait considérer qu’une telle charge de la preuve est partagée. Pour les raisons décrites dans les sections précédentes, cette optique s’inscrit naturellement dans le contexte d’affaires similaires : essentiellement, chacune des parties est appelée à établir et à prouver ses affirmations. Premièrement, l’État membre doit établir, sur la base d’une information scientifique solide, que des doutes peuvent être soulevés de manière crédible. Ensuite, si cette évaluation est contestée, il appartient alors à la partie qui contredit les données scientifiques invoquées ou établies par l’État membre de fournir les éléments de preuve à cet égard. Enfin, tous les éléments de preuve ainsi assemblés seront librement évalués par l’autorité compétente.

86.

Conformément à la jurisprudence existante relative à l’article 34 TFUE, une interdiction de commercialisation « ne saurait être adoptée que si le risque réel allégué pour la santé publique apparaît comme suffisamment établi sur la base des données scientifiques les plus récentes qui sont disponibles» ( 33 ). Lorsque la science n’est pas concluante « mais que la probabilité d’un dommage réel pour la santé publique persiste », le principe de précaution, tel qu’exprimé aux termes de l’article 7 du règlement no 178/2002, peut justifier l’adoption de mesures restrictives ( 34 ).

87.

Je considère que l’approche présentée ci-dessus est cohérente avec l’arrêt le plus pertinent dans le domaine de la libre circulation des marchandises, l’arrêt Commission/France. Encore une fois, cet arrêt reconnaît que les États membres peuvent en principe adopter des régimes d’autorisation préalable, mais il rejette fermement les régimes d’autorisation préalable appliqués de manière indifférenciée et arbitraires. Par conséquent, il exige des États membres qu’ils prouvent le bien-fondé de l’autorisation préalable substance par substance. Cependant, ce faisant, il n’exige pas une évaluation des risques préalable et exhaustive. Il permet plutôt un cadre procédural pour réunir l’information, la charge incombant finalement directement à l’État membre d’effectuer l’évaluation et d’établir les risques.

6. Conditions de procédure

88.

Comme je l’ai mentionné ci-dessus dans le contexte de l’arrêt Commission/France, outre les conditions de fond déjà soulignées, les régimes d’autorisation préalable doivent également respecter certaines conditions de procédure. Ainsi, les procédures d’autorisation préalable doivent être accessibles, transparentes, menées dans des délais raisonnables et susceptibles de faire l’objet d’un recours juridictionnel.

89.

Je considère que ces exigences sont transposables dans le contexte des articles 6 et 7 du règlement no 178/2002.

7. Application en l’espèce

90.

C’est en fin de compte à la juridiction nationale qu’il appartient d’appliquer au régime de dérogation en cause en l’espèce les conditions de fond et de procédure déduites des articles 6 et 7 du règlement no 178/2002 et décrites ci‑dessus. Cependant, eu égard aux questions expresses posées par la juridiction de renvoi sur la base des données factuelles fournies, un régime de dérogation du type décrit dans la demande de décision préjudicielle soulève, à mon sens, un certain nombre d’interrogations quant à sa compatibilité avec ces dispositions.

91.

En ce qui concerne les conditions de fond, le régime de dérogation semble être appliqué de manière plutôt indifférenciée. Il soumet à une autorisation préalable les additifs alimentaires et les substances qui peuvent y être assimilées, y compris les acides aminés. Cependant, sous réserve d’autres faits à établir par la juridiction nationale, il n’apparaît pas qu’il existe à première vue un risque pour la santé publique en ce qui concerne ces acides aminés, qui pourrait justifier une telle approche indifférenciée.

92.

En outre, il semble que l’évaluation de denrées alimentaires contenant un acide aminé spécifique est effectuée en Allemagne au cas par cas et aboutit à des décisions individuelles. Dans la mesure où il existait à première vue un risque, mais compte tenu du fait qu’un examen plus détaillé d’un ou de plusieurs dossiers individuels a invalidé la conclusion initiale sur cet acide aminé, il n’apparaît pas clairement pourquoi la présomption de risque et l’exigence d’autorisation préalable devraient être maintenues pour cet acide aminé. Encore une fois, c’est à la juridiction nationale qu’il appartient d’examiner ces questions. En procédant à cet examen, la juridiction nationale peut également prendre en compte le fait que des dérogations d’application générale sont considérées comme potentiellement appropriées pour des biens importés aux termes de l’article 54 du LFGB. Cela soulève la question de savoir pourquoi des dérogations d’application générale ne sont pas considérées comme appropriées aux termes de l’article 68, mais le sont aux termes de l’article 54, potentiellement pour les mêmes substances.

93.

En ce qui concerne les conditions de procédure, deux points me semblent particulièrement poser problème.

94.

Premièrement, il n’est pas clair que la procédure de dérogation se déroule dans des délais raisonnables. Selon la demande de décision préjudicielle, une période de plus de six ans s’est écoulée entre l’introduction de la demande par Queisser et la décision initiale de l’autorité nationale compétente. À première vue, ce délai semble excessif en soi. Cette impression est encore confirmée par la procédure prévue à l’article 54 du LFGB, aux termes duquel des raisons doivent être données lorsque le délai d’adoption de la décision excède quatre‑vingt‑dix jours. Encore une fois, c’est à la juridiction nationale qu’il appartient de décider du caractère raisonnable de l’absence d’échéance pour l’adoption d’une décision de manière générale aux termes de l’article 68 du LFGB, et du caractère raisonnable du délai écoulé dans le cas de Queisser spécifiquement.

95.

Deuxièmement, aux termes de l’article 68, paragraphe 5, du LFGB, les dérogations sont octroyées pour une durée limitée (trois ans) et ne peuvent être renouvelées que trois fois. Le dossier ne montre pas clairement ce qui arrive après l’écoulement de cette période. Si la réponse est qu’une décision définitive est prise pour autoriser ou interdire ( 35 ), je ne considère pas que la nature temporaire des dérogations soulève en elle-même des problèmes de compatibilité avec les articles 6 et 7 du règlement no 178/2002 et les conditions de procédure que ces dispositions impliquent dans le contexte d’un régime d’autorisation préalable. Cependant, du point de vue des conditions de fond imposées par ces dispositions, la nature temporaire des dérogations doit être justifiée. À cet égard, à partir du moment où l’absence de risque est fermement établie, le recours à des dérogations temporaires devrait, en principe, être exclu ( 36 ).

96.

Enfin, en ce qui concerne la condition relative au contrôle juridictionnel, il convient de reconnaître aux autorités nationales compétentes un large pouvoir discrétionnaire dans un domaine tel que celui de l’espèce, dans lequel il leur est demandé d’effectuer des appréciations complexes. Par conséquent, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure ( 37 ). Dès lors, la marge d’appréciation laissée à l’autorité nationale compétente ne pose pas en soi de problème de compatibilité avec le règlement no 178/2002.

97.

À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la deuxième question de la juridiction de renvoi comme suit : les articles 14, 53 et 55 du règlement no 178/2002 ne font pas obstacle à un régime de dérogation du type décrit dans la demande de décision préjudicielle. Il convient d’interpréter les articles 6 et 7 du règlement no 178/2002 en ce sens qu’ils font obstacle à une règlementation nationale qui interdit la fabrication, le traitement et/ou la mise sur le marché d’un complément alimentaire avec des acides aminés, à moins d’avoir obtenu une dérogation de l’autorité nationale compétente, qui dispose à cet égard d’un pouvoir d’appréciation, cette dérogation n’étant accordée que pour une durée déterminée et uniquement si un certain nombre d’autres conditions sont réunies, dans la mesure où ces restrictions s’appliquent à des ingrédients ou catégories d’ingrédients sans que l’existence à première vue d’un risque ait été établie par l’État membre quant à ces ingrédients ou catégories d’ingrédients. Si de telles dispositions nationales sont justifiées sur la base de l’existence à première vue d’un risque, les articles 6 et 7 du règlement no 178/2002 exigent que la procédure d’obtention d’une dérogation à l’interdiction générale soit accessible, transparente, et menée dans des délais raisonnables et que les décisions qui en résultent soient susceptibles de faire l’objet d’un recours juridictionnel.

D –   Les articles 34 à 36 TFUE

98.

Queisser a son siège en Allemagne et fabrique le produit Doppelherz en Allemagne, pour le marché allemand. Par conséquent, la demande de décision préjudicielle concerne une situation purement interne, n’ayant aucun lien de rattachement avec l’importation de marchandises dans l’Union ( 38 ). J’observe également que le LFGB contient une disposition spécifique – l’article 54 – relative à l’importation en provenance d’autres États membres de l’Union.

99.

Il s’ensuit que l’article 34 TFUE n’est pas applicable en l’espèce. La référence explicite de l’article 14 du règlement no 178/2002 à l’article 34 TFUE ne change rien à cette conclusion. En l’absence de tout élément transfrontalier, l’article 34 TFUE n’apporte rien de nouveau à l’analyse.

100.

Comme l’a souligné le gouvernement allemand, aucune disposition du LFGB ne vise spécifiquement à désavantager les exportations par rapport au commerce intérieur ( 39 ). Par conséquent, l’article 35 TFUE ne s’applique pas en l’espèce non plus.

101.

À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la première question de la juridiction nationale en ce sens que les articles 34, 35 et 36 TFUE, lus en combinaison avec l’article 14 du règlement no 178/2002, ne font pas obstacle à un régime de dérogation du type décrit dans la demande de décision préjudicielle.

V – Conclusion

102.

Je propose à la Cour de répondre aux questions déférées par le Verwaltungsgericht Braunschweig (tribunal administratif de Brunswick) comme suit :

Première question

Les articles 34, 35 et 36 TFUE, lus en combinaison avec l’article 14 du règlement (CE) no 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires, ne font pas obstacle à une réglementation nationale qui interdit de fabriquer, traiter et/ou mettre sur le marché un complément alimentaire avec des acides aminés, à moins d’avoir obtenu une dérogation de l’autorité nationale compétente, qui dispose à cet égard d’un pouvoir d’appréciation, cette dérogation n’étant accordée que pour une durée déterminée et uniquement si un certain nombre d’autres conditions sont réunies.

Deuxième question

Les articles 14, 53 et 55 du règlement (CE) no 178/2002 ne font pas obstacle à un régime de dérogation du type décrit dans la demande de décision préjudicielle. Il convient d’interpréter les articles 6 et 7 du règlement no 178/2002 en ce sens qu’ils font obstacle à une règlementation nationale qui interdit de fabriquer, traiter et/ou mettre sur le marché un complément alimentaire avec des acides aminés, à moins d’avoir obtenu une dérogation de l’autorité nationale compétente, qui dispose à cet égard d’un pouvoir d’appréciation, cette dérogation n’étant accordée que pour une durée déterminée et uniquement si un certain nombre d’autres conditions sont réunies, dans la mesure où ces restrictions s’appliquent à des ingrédients ou catégories d’ingrédients sans que l’existence à première vue d’un risque ait été établie par l’État membre pour ces ingrédients ou catégories d’ingrédients. Si une telle réglementation nationale est justifiée sur la base de l’existence à première vue d’un risque, les articles 6 et 7 du règlement no 178/2002 exigent que la procédure d’obtention d’une dérogation à l’interdiction générale soit accessible, transparente et menée dans des délais raisonnables et que les décisions qui en résultent soient susceptibles de faire l’objet d’un recours juridictionnel.

Troisième question

L’article 8 du règlement (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, concernant l’adjonction de vitamines, de minéraux et de certaines autres substances aux denrées alimentaires, ne fait pas obstacle à une règlementation nationale qui interdit de fabriquer, traiter et/ou mettre sur le marché un complément alimentaire avec des acides aminés, à moins d’avoir obtenu une dérogation de l’autorité nationale compétente, qui dispose à cet égard d’un pouvoir d’appréciation, cette dérogation n’étant accordée que pour une durée déterminée.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO 2002, L 31, p. 1).

( 3 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant l’adjonction de vitamines, de minéraux et de certaines autres substances aux denrées alimentaires (JO 2006, L 404, p. 26).

( 4 ) Règlement d’exécution de la Commission du 11 avril 2012 établissant des modalités d’exécution pour la mise en œuvre de l’article 8 du règlement (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l’adjonction de vitamines, de minéraux et de certaines autres substances aux denrées alimentaires (JO 2012, L 102, p. 2).

( 5 ) Dans la version publiée le 3 juin 2013 (BGBl I p. 1426), modifié en dernier lieu par la loi du 5 décembre 2014 (BGBl I p. 1975).

( 6 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 sur les additifs alimentaires (JO 2008, L 354, p. 16).

( 7 ) J’ajoute qu’à mon sens, en l’espèce, le régime national de dérogation n’est pas couvert non plus par le règlement (CE) no 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, sur les additifs alimentaires (JO 2008, L 354, p. 16), ni par la directive (CE) 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 juin 2002, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les compléments alimentaires (JO 2002, L 183, p. 51). Conformément à son article 3, paragraphe 2, sous a), point ix), le règlement no 1333/2008 ne s’applique pas aux acides aminés qui n’ont pas de fonction technologique. L’article 11, paragraphe 2, de la directive 2002/46 dispose qu’en l’absence d’actes d’exécution relatifs aux « autres substances » (ce qui comprend les acides aminés), les règles nationales sont applicables, sans préjudice du traité. Aucun acte de ce type n’a été adopté. Partant, aucun de ces deux instruments juridiques n’est applicable en l’espèce.

( 8 ) Essentiellement, lorsqu’un risque potentiel est créé, en particulier en cas d’ingestion de quantités anormalement élevées de cette « autre substance ».

( 9 ) Indépendamment de l’adoption du règlement no 178/2002, la jurisprudence avait déjà établi que des restrictions de la libre circulation des denrées alimentaires ou des ingrédients alimentaires, sur la base de préoccupations sanitaires en raison de leurs composants, ne pouvaient être considérées comme proportionnées que si elles étaient fondées sur un examen des données scientifiques pertinentes – voir, par exemple, arrêts du 5 février 2004, Greenham et Abel (C‑95/01, EU:C:2004:71, points 39 et suivants), et du 23 septembre 2003, Commission/Danemark (C‑192/01, EU:C:2003:492, points 40 et suivants).

( 10 ) La même idée est également au centre de l’article 7 du règlement no 178/2002. En cas d’incertitude scientifique, des mesures de gestion des risques peuvent être prises, mais il s’agit d’un remède temporaire dans l’attente d’autres informations scientifiques.

( 11 ) Arrêt du 28 janvier 2010, C‑333/08, EU:C:2010:44.

( 12 ) Arrêts du 9 septembre 2011, France/Commission (T‑257/07, EU:T:2011:444) [cet arrêt porte sur la compatibilité avec le principe de précaution d’un assouplissement des mesures restrictives adoptées dans la lutte contre les encéphalopathies spongiformes ; confirmé sur pourvoi par l’arrêt du 11 juillet 2013, France/Commission (C‑601/11 P, EU:C:2013:465)], et du 21 mai 2015, Rubinum/Commission (T‑201/13, EU:T:2015:311) (discuté aux points 72 et suivants des présentes conclusions, cet arrêt porte sur la compatibilité avec l’article 6 d’un règlement d’exécution de la Commission). L’arrêt du 28 janvier 2010, Commission/France (C‑333/08, EU:C:2010:44), discuté ci-après, mentionne l’article 6, mais il s’agit d’un recours en manquement basé uniquement sur l’article devenu article 34 TFUE.

( 13 ) Voir, par exemple, arrêts du 28 janvier 2010, Commission/France (C‑333/08, EU:C:2010:44) ; du 5 février 2004, Greenham et Abel (C‑95/01, EU:C:2004:71) ; du 2 décembre 2004, Commission/Pays-Bas (C‑41/02, EU:C:2004:762) ; du 23 septembre 2003, Commission/Danemark (C‑192/01, EU:C:2003:492), et du 14 juillet 1983, Sandoz (174/82, EU:C:1983:213).

( 14 ) Arrêt du 28 janvier 2010, Commission/France (C‑333/08, EU:C:2010:44). Les auxiliaires technologiques interviennent pour faciliter le processus de fabrication de denrées alimentaires de diverses manières (par exemple, en tant que catalyseurs ou agents de filtration).

( 15 ) L’arrêt fait référence au règlement no 178/2002, mais la violation de ce règlement n’a pas été invoquée par la Commission à l’appui du recours en manquement.

( 16 ) Arrêt du 28 janvier 2010, Commission/France (C‑333/08, EU:C:2010:44, point 80). Voir également arrêts du 23 septembre 2003, Commission/Danemark (C‑192/01, EU:C:2003:492, point 44), et du 5 mars 2009, Commission/Espagne (C‑88/07, EU:C:2009:123, point 87).

( 17 ) En se fondant sur une jurisprudence constante, initiée par l’arrêt du 14 juillet 1983, Sandoz (174/82, EU:C:1983:213).

( 18 ) Arrêt du 28 janvier 2010, Commission/France (C‑333/08, EU:C:2010:44, point 95).

( 19 ) Arrêt du 28 janvier 2010, Commission/France (C‑333/08, EU:C:2010:44, point 100).

( 20 ) Arrêt du 28 janvier 2010, Commission/France (C‑333/08, EU:C:2010:44, point 103).

( 21 ) Voir également, concernant la nécessité d’une approche au cas par cas, arrêt du 5 mars 2009, Commission/Espagne (C‑88/07, EU:C:2009:123, points 92 et 93).

( 22 ) Voir, par exemple, arrêt du 14 juillet 1983, Sandoz (174/82, EU:C:1983:213, point 23).

( 23 ) Arrêt du 28 janvier 2010, Commission/France (C‑333/08, EU:C:2010:44, points 108 et 109).

( 24 ) Rubinum/Commission (T‑201/13, EU:T:2015:311).

( 25 ) Bien que cette affaire porte sur une contestation d’une mesure de l’Union, et non d’une mesure nationale, la violation invoquée concernait également l’article 6 du règlement no 178/2002. Il n’y a aucune raison d’interpréter cette disposition différemment dans ces deux types de cas : que la mesure contestée ait été adoptée par une institution de l’Union ou par une institution d’un État membre ne devrait pas avoir d’importance. L’une comme l’autre est tenue d’appliquer l’article 6 et elles devraient le faire de la même manière.

( 26 ) Rubinum/Commission (T‑201/13, EU:T:2015:311, points 90 et 91).

( 27 ) S’agissant à la fois des ressources (financières et humaines), de la connaissance des produits concernés et de l’accès aux données/à l’information scientifique pertinentes.

( 28 ) Voir, par exemple, Szajkowska A., « The Impact of the Definition of the Precautionary Principle in EU Food Law », CMLRev 47, 2010, p. 173 à 196, p. 192.

( 29 ) Règlement (CE) no 258/97 du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 1997, relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires (JO 1997, L 43, p. 1), qui sera abrogé et remplacé par le règlement (UE) 2015/2283 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, relatif aux nouveaux aliments, modifiant le règlement (UE) no 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant le règlement (CE) no 258/97 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 1852/2001 de la Commission (JO 2015, L 327, p. 1).

( 30 ) Il y a évidemment d’excellentes raisons d’y réfléchir à deux fois avant de mettre en cause la sécurité d’ingrédients alimentaires qui font partie de l’alimentation humaine depuis des millénaires. Cependant, il est un fait également que beaucoup d’ingrédients alimentaires concernés sont relativement récents et ne se présentent tout simplement pas dans la nature sous la forme dans laquelle ou au niveau de concentration auquel ils sont mis sur le marché. Il est peu probable qu’une approche extrême de l’interprétation de la législation destinée à être appliquée à des circonstances factuelles aussi radicalement différentes finisse bien.

( 31 ) L’intention du législateur de l’Union était d’établir de telles listes positives pour d’autres substances également, y compris les acides aminés, mais cela n’a pas encore été le cas.

( 32 ) Voir ci-dessus, arrêt du 14 juillet 1983, Sandoz (174/82, EU:C:1983:213).

( 33 ) Arrêt du 28 janvier 2010, Commission/France (C‑333/08, EU:C:2010:44, point 89).

( 34 ) Arrêt du 28 janvier 2010, Commission/France (C‑333/08, EU:C:2010:44, point 93).

( 35 ) Si l’interdiction était le seul résultat possible, cela serait en principe incompatible avec les conditions de fond relatives au régime d’autorisation préalable, étant donné que ce résultat serait indépendant de l’évaluation des risques.

( 36 ) En outre, le fait que des restrictions temporaires ne sont admises que lorsque des incertitudes persistent quant aux risques trouve clairement un appui dans le libellé de l’article 7 du règlement no 178/2002.

( 37 ) Voir en ce sens arrêt du 12 juillet 2005, Alliance for Natural Health e.a. (C‑154/04 et C‑155/04, EU:C:2005:449, point 52).

( 38 ) Voir, par exemple, arrêt du 5 décembre 2000, Guimont (C‑448/98, EU:C:2000:663, point 21).

( 39 ) Arrêts du 8 novembre 1979, Groenveld (15/79, EU:C:1979:253, point 7), et du 16 décembre 2008, Gysbrechts et Santurel Inter (C‑205/07, EU:C:2008:730, point 40).

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