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Document 62014TJ0205

Arrêt du Tribunal (deuxième chambre) du 23 septembre 2015.
I. Schroeder KG (GmbH & Co.) contre Conseil de l'Union européenne et Commission européenne.
Responsabilité non contractuelle – Dumping – Importations de certains agrumes préparés ou conservés originaires de Chine – Règlement (CE) no 1355/2008 déclaré invalide par la Cour – Préjudice prétendument subi par la requérante à la suite de l’adoption du règlement – Recours en indemnité – Épuisement des voies de recours internes – Recevabilité – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers – Article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement (CE) no 384/96 [devenu article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement (CE) no 1225/2009] – Devoir de diligence – Lien de causalité.
Affaire T-205/14.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2015:673

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

23 septembre 2015 ( *1 )

«Responsabilité non contractuelle — Dumping — Importations de certains agrumes préparés ou conservés originaires de Chine — Règlement (CE) no 1355/2008 déclaré invalide par la Cour — Préjudice prétendument subi par la requérante à la suite de l’adoption du règlement — Recours en indemnité — Épuisement des voies de recours internes — Recevabilité — Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers — Article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement (CE) no 384/96 [devenu article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement (CE) no 1225/2009] — Devoir de diligence — Lien de causalité»

Dans l’affaire T‑205/14,

I. Schroeder KG (GmbH & Co.), établie à Hambourg (Allemagne), représentée par Me K. Landry, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J.‑P. Hix, en qualité d’agent, assisté initialement de Mes D. Geradin et N. Tuominen, puis de Me Tuominen, avocats,

et

Commission européenne, représentée par MM. T. Maxian Rusche et R. Sauer, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

ayant pour objet un recours en indemnité visant à obtenir réparation du préjudice prétendument subi du fait de l’adoption du règlement (CE) no 1355/2008 du Conseil, du 18 décembre 2008, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains agrumes préparés ou conservés (mandarines, etc.) originaires de la République populaire de Chine (JO L 350, p. 35), déclaré invalide par l’arrêt du 22 mars 2012, GLS (C‑338/10, Rec, EU:C:2012:158),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Gervasoni (rapporteur) et L. Madise, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 17 mars 2015,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1

L’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement (CE) no 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), tel que modifié (ci‑après le « règlement de base ») [remplacé par le règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, rectificatif au JO 2010, L 7, p. 22)] dispose :

« Dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché [...], la valeur normale est déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché, du prix pratiqué à partir d’un tel pays tiers à destination d’autres pays, y compris la Communauté, ou, lorsque cela n’est pas possible, sur toute autre base raisonnable, y compris le prix effectivement payé ou à payer dans la Communauté pour le produit similaire, dûment ajusté, si nécessaire, afin d’y inclure une marge bénéficiaire raisonnable.

Un pays tiers à économie de marché approprié est choisi d’une manière non déraisonnable, compte tenu de toutes les informations fiables disponibles au moment du choix. Il est également tenu compte des délais et, le cas échéant, un pays tiers à économie de marché faisant l’objet de la même enquête est retenu.

Les parties à l’enquête sont informées rapidement après l’ouverture de celle‑ci du pays tiers à économie de marché envisagé et disposent de dix jours pour présenter leurs commentaires. »

Antécédents du litige

2

Le 20 octobre 2007, la Commission des Communautés européennes a publié l’avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de certains agrumes préparés ou conservés (mandarines, etc.) originaires de la République populaire de Chine (JO C 246, p. 15).

3

Le 2 novembre 2007, la requérante, I. Schroeder KG (GmbH & Co.), a demandé à la Commission de faire partie de l’échantillon des importateurs indépendants envisagé dans l’avis d’ouverture.

4

Le 4 juillet 2008, la Commission a adopté le règlement (CE) no 642/2008 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains agrumes préparés ou conservés (mandarines, etc.) originaires de la République populaire de Chine (JO L 178, p. 19).

5

Le 18 décembre 2008, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (CE) no 1355/2008 instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains agrumes préparés ou conservés (mandarines, etc.) originaires de la République populaire de Chine (JO L 350, p. 35).

6

La requérante a payé les droits antidumping établis par ce règlement pour ses propres importations du produit concerné et affirme les avoir également payés pour les importations effectuées par l’intermédiaire de quatre autres importateurs (ci‑après les « quatre autres sociétés »).

7

Par arrêt du 22 mars 2012, GLS (C‑338/10, Rec, EU:C:2012:158, point 36), la Cour a déclaré le règlement no 1355/2008 invalide, au motif que la Commission et le Conseil avaient méconnu les exigences résultant de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 1225/2009], en déterminant la valeur normale du produit en cause sur la base des prix effectivement payés ou à payer dans l’Union européenne pour un produit similaire, sans avoir fait preuve de toute la diligence requise afin de fixer cette valeur à partir des prix pratiqués pour ce même produit dans un pays tiers ayant une économie de marché.

8

À la suite de l’arrêt GLS, point 7 supra (EU:C:2012:158), la requérante et les quatre autres sociétés ont demandé le remboursement des droits perçus au titre du règlement no 1355/2008. Les bureaux principaux de douane allemands ont remboursé les droits indûment perçus.

9

La requérante et les quatre autres sociétés ont également demandé, d’une part, aux bureaux principaux de douane de Hamburg‑Stadt, de Duisbourg et de Krefeld (Allemagne) le versement d’intérêts au taux de 0,5 % par mois sur les droits antidumping versés, pour la période allant de la date du versement de ces droits jusqu’à celle de leur remboursement. Ces demandes, datées des 6 et 7 novembre 2012, ont été rejetées par décisions des bureaux principaux de douane concernés des 8 et 23 novembre, 18 décembre 2012 et 3 avril 2013. La requérante et les quatre autres sociétés ont formé des réclamations contre ces décisions de rejet. La requérante a précisé, lors de l’audience, en réponse à une question posée par le Tribunal, que l’ensemble de ces procédures avaient été suspendues dans l’attente de la décision prise par le Finanzgericht Hamburg (tribunal des finances de Hambourg) dans l’affaire opposant Hüpeden & Co. (GmbH & Co.) KG aux autorités douanières.

10

La requérante a demandé, d’autre part, au Conseil et à la Commission, par lettres du 10 décembre 2013, réparation du préjudice de 345644 euros correspondant à la charge d’intérêts relatifs aux emprunts qu’elle aurait été contrainte de souscrire du fait du règlement no 1355/2008. Ces demandes ont été rejetées par lettre du Conseil du 31 janvier 2014 et par lettre de la Commission du 14 février 2014.

11

À la suite de l’arrêt GLS, point 7 supra (EU:C:2012:158), la Commission a, par ailleurs, décidé de rouvrir la procédure antidumping, cette réouverture portant uniquement sur la mise en œuvre des conclusions dudit arrêt. À l’issue de cette procédure, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) no 158/2013, du 18 février 2013, réinstituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains agrumes préparés ou conservés (mandarines, etc.) originaires de la République populaire de Chine (JO L 49, p. 29), à compter du 23 février 2013. Deux questions préjudicielles en appréciation de validité de ce règlement ont été posées à la Cour (affaires jointes C‑283/14, CM Eurologistik et C‑284/14, GLS).

Procédure et conclusions des parties

12

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 mars 2014, la requérante a introduit le présent recours.

13

La Commission a demandé la suspension de la présente procédure, d’une part, jusqu’à ce que les autorités nationales se soient définitivement prononcées sur les recours visés au point 9 ci‑dessus, ainsi que, d’autre part et à titre subsidiaire, jusqu’à ce que la Cour se soit prononcée sur les questions préjudicielles relatives à la validité du règlement no 158/2013 posées dans les affaires jointes C‑283/14 et C‑284/14 susvisées. La requérante et le Conseil n’ont pas soulevé d’objections à l’égard de ces demandes de suspension.

14

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

condamner l’Union à lui verser des dommages et intérêts à hauteur de 345644 euros, majorés d’intérêts au taux de 8 % par an à compter du jour de la notification de l’arrêt, ou constater qu’il existe un droit à réparation à son profit ;

condamner la Commission et le Conseil aux dépens.

15

Lors de l’audience, la requérante a demandé au Tribunal, à titre subsidiaire, ainsi qu’il en a été pris acte au procès‑verbal de l’audience, de constater, par arrêt avant dire droit, que son recours était recevable et que le Conseil et la Commission avaient commis une faute susceptible d’engager la responsabilité de l’Union, puis de suspendre la présente procédure jusqu’au prononcé d’une décision définitive dans la procédure devant le Finanzgericht Hamburg visée au point 9 ci‑dessus.

16

Le Conseil et la Commission concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

condamner la requérante aux dépens.

En droit

Sur la recevabilité du recours

17

Le Conseil et la Commission font valoir, dans leurs écritures, que le présent recours doit être rejeté comme irrecevable, dans la mesure où la requérante n’a pas épuisé les voies de recours internes susceptibles d’aboutir à la réparation du dommage allégué.

18

Selon une jurisprudence constante, le recours en indemnité au titre de l’article 268 TFUE et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE doit être apprécié au regard de l’ensemble du système de protection juridictionnelle des particuliers instauré par le traité. Il en résulte que, lorsqu’une personne s’estime lésée par l’application régulière d’une réglementation de l’Union qu’elle considère comme illégale et que le fait générateur du dommage allégué est ainsi exclusivement imputable à l’Union, la recevabilité d’un tel recours en indemnité peut néanmoins se trouver subordonnée, dans certains cas, à l’épuisement des voies de recours internes. Encore faut‑il pour qu’il en soit ainsi que ces voies de recours nationales assurent d’une manière efficace la protection des droits des personnes concernées et qu’elles soient susceptibles d’aboutir à la réparation du dommage allégué (voir arrêts du 30 mai 1989, Roquette frères/Commission, 20/88, Rec, EU:C:1989:221, point 15 et jurisprudence citée, et du 23 novembre 2004, Cantina sociale di Dolianova e.a./Commission, T‑166/98, Rec, EU:T:2004:337, point 115 et jurisprudence citée).

19

À supposer que l’exigence d’épuisement des voies de recours internes puisse être applicable dans le cas d’espèce, caractérisé par des actions nationales visant à obtenir le paiement d’intérêts sur les droits antidumping restitués et le présent recours indemnitaire devant le juge de l’Union visant à obtenir réparation du préjudice résultant du paiement d’intérêts bancaires sur les emprunts contractés du fait des pertes de liquidités dues au paiement de ces droits, et indépendamment de l’arrêt du 18 septembre 2014, Holcim (Romania)/Commission (T‑317/12, Rec, sous pourvoi, EU:T:2014:782, points 73 à 77), qui a limité les cas d’irrecevabilité dus au non‑épuisement des voies de recours internes, il y a lieu de considérer, en tout état de cause, que le non‑épuisement des voies de recours nationales par la requérante ne saurait conduire à l’irrecevabilité de son recours.

20

En effet, les recours administratifs et juridictionnels introduits ou susceptibles de l’être devant les autorités nationales en l’espèce ne peuvent être considérés comme assurant d’une manière efficace la protection des droits de la requérante au sens de la jurisprudence rappelée au point 18 ci‑dessus et, partant, n’avaient pas à être épuisés aux fins de la recevabilité du présent recours.

21

Tenant notamment compte de l’analyse nécessairement prospective de l’efficacité des voies de recours nationales, la fin de non‑recevoir en cause étant par définition opposée à une partie requérante qui n’a pas épuisé les voies de recours nationales, le juge de l’Union a rejeté une telle fin de non‑recevoir lorsque l’aboutissement des voies de recours internes était « hautement aléatoire » (arrêt du 30 mai 1984, Eximo Molkereierzeugnisse Handelsgesellschaft/Commission, 62/83, Rec, EU:C:1984:197, point 15 ; voir également, en ce sens, arrêt du 26 février 1986, Krohn Import‑Export/Commission, 175/84, Rec, EU:C:1986:85, point 28) ou que ces voies de recours étaient « excessivement difficiles » à mettre en œuvre (arrêt Cantina sociale di Dolianova e.a./Commission, point 18 supra, EU:T:2004:337, point 117). Il s’ensuit que la charge de la preuve imposée à la partie requérante, à laquelle est opposé le non‑épuisement des voies de recours nationales, ne saurait aller au‑delà de la fourniture d’indices de nature à susciter des doutes sérieux quant au caractère efficace de la protection assurée par les voies de recours nationales (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 26 octobre 1993, Caronna/Commission, T‑59/92, Rec, EU:T:1993:91, point 35, et du 9 mars 2005, L/Commission, T‑254/02, RecFP, EU:T:2005:88, point 148).

22

Or, en l’espèce, la requérante a fourni de tels indices.

23

La requérante a ainsi présenté de manière détaillée les dispositions applicables et mis en évidence le fait, au demeurant confirmé par le Conseil dans le mémoire en défense, que ces dispositions ne permettaient pas le remboursement des intérêts demandés en l’espèce.

24

En effet, l’article 241 du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1), tel que modifié (ci‑après le « code des douanes communautaire »), applicable à la date des faits de l’espèce, ainsi que l’ont confirmé le Conseil et la Commission lors de l’audience, dispose :

« Le remboursement par les autorités douanières, de montants de droits à l’importation ou de droits à l’exportation ainsi que des intérêts de crédit ou de retard éventuellement perçus à l’occasion de leur paiement ne donne pas lieu au paiement d’intérêt par ces autorités. Toutefois, un intérêt est payé lorsque :

une décision donnant suite à une demande de remboursement n’est pas exécutée dans un délai de trois mois à partir de l’adoption de ladite décision,

les dispositions nationales le prévoient.

[...] »

25

Or, en l’espèce, il ne ressort d’aucune pièce du dossier et aucune partie ne fait d’ailleurs valoir que la décision ordonnant le remboursement n’a pas été exécutée dans le délai prévu par l’article 241, premier alinéa, premier tiret, du code des douanes communautaire. Par ailleurs, la disposition nationale applicable au sens de l’article 241, premier alinéa, second tiret, du code des douanes communautaire, soit l’article 236 de l’Abgabenordnung (code fiscal allemand), ne prévoit le paiement d’intérêts que lorsque le remboursement des droits en cause a été ordonné par une décision de justice nationale, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

26

La requérante a, par ailleurs, communiqué, en annexe à la requête et à un courrier envoyé en réponse à une question posée par le Tribunal, les décisions des autorités nationales ayant toutes refusé d’octroyer les intérêts demandés, sur le fondement des dispositions visées au point précédent, ainsi qu’une lettre du président de la quatrième chambre du Finanzgericht Hamburg du 5 février 2015 confirmant à première vue ce refus dans l’affaire désignée comme « affaire pilote » dans le contentieux national relatif au versement des intérêts afférents aux droits antidumping restitués (voir point 9 ci‑dessus).

27

Ces décisions ont notamment toutes écarté l’applicabilité à l’espèce de la solution dégagée dans l’arrêt du 27 septembre 2012, Zuckerfabrik Jülich e.a. (C‑113/10, C‑147/10 et C‑234/10, Rec, EU:C:2012:591, points 65 à 67 ; voir, également, arrêt du 18 avril 2013, Irimie, C‑565/11, Rec, EU:C:2013:250, points 21 et 22). Selon cet arrêt, les justiciables ayant droit au remboursement de sommes indûment payées au titre de cotisations à la production pour le secteur du sucre fixées par un règlement invalide ont également droit au versement des intérêts qui y sont afférents (arrêt Zuckerfabrik Jülich e.a., précité, EU:C:2012:591, point 67), la Cour ayant consacré dans ce domaine le principe de l’obligation faite aux États membres de restituer avec des intérêts les montants des taxes prélevées en violation du droit de l’Union (arrêt Zuckerfabrik Jülich e.a., précité, EU:C:2012:591, point 66).

28

Ainsi, même si, comme le souligne la Commission, il ne peut être totalement exclu que, sur le fondement de l’arrêt Zuckerfabrik Jülich e.a., point 27 supra (EU:C:2012:591), l’exercice des voies de droit nationales aboutisse au paiement des intérêts réclamés, les éléments apportés par la requérante en l’espèce suffisent à faire douter sérieusement d’un tel aboutissement.

29

Il résulte de tout ce qui précède que la requérante a suffisamment établi l’inefficacité des voies de recours nationales, sans qu’il y ait lieu d’attendre l’issue des procédures nationales engagées.

30

Par conséquent, la fin de non‑recevoir tirée du non‑épuisement des voies de recours nationales doit être rejetée, de même que la demande de suspension de la procédure dans la présente affaire, dans l’attente de la clôture des procédures nationales susvisées, présentée par la Commission.

Sur le bien‑fondé du recours

31

Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour comportement illicite de ses organes, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir le caractère fautif du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêts du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C‑221/10 P, Rec, EU:C:2012:216, point 80 et jurisprudence citée, et du 16 mai 2013, Gap granen & producten/Commission, T‑437/10, EU:T:2013:248, point 16 et jurisprudence citée).

Sur le caractère fautif du comportement des institutions

32

La requérante fait valoir qu’il ressortirait de l’arrêt GLS, point 7 supra (EU:C:2012:158), que la Commission et le Conseil ont méconnu leur devoir de sollicitude ainsi que le principe de bonne administration, dans la mesure où, en méconnaissance des exigences de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, ils ont déterminé la valeur normale du produit en cause sur la base des prix effectivement payés ou à payer dans l’Union pour un produit similaire sans avoir fait preuve de toute la diligence requise afin de fixer cette valeur à partir des prix pratiqués pour ce même produit dans un pays tiers ayant une économie de marché.

33

Dans son arrêt GLS, point 7 supra (EU:C:2012:158, point 36), la Cour a jugé que la Commission et le Conseil, dans la mesure où ils ont déterminé la valeur normale du produit en cause sur la base des prix effectivement payés ou à payer dans l’Union pour un produit similaire sans avoir fait preuve de toute la diligence requise afin de fixer cette valeur à partir des prix pratiqués pour ce même produit dans un pays tiers ayant une économie de marché, avaient méconnu les exigences résultant de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base.

34

Il ressort de cet arrêt, premièrement, que l’invalidité du règlement no 1355/2008 et, ainsi, le comportement prétendument fautif en l’espèce sont imputables tant à la Commission, qui a mené la procédure antidumping et adopté le règlement antidumping provisoire, qu’au Conseil, qui a adopté le règlement antidumping définitif entérinant le règlement provisoire.

35

Il en ressort, deuxièmement, qu’il est reproché à ces deux institutions une méconnaissance de leur devoir de diligence, qui correspond en substance au devoir de sollicitude et au principe de bonne administration dont la méconnaissance est alléguée par la requérante, lors de la mise en œuvre des dispositions de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, qui fixe la méthode de calcul de la valeur normale.

36

Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante, seule une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers permet d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union et que, afin d’apprécier l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit, il convient de prendre en compte la marge d’appréciation dont dispose l’institution à l’origine de l’acte. Ainsi, lorsque les institutions disposent d’un pouvoir d’appréciation, le critère décisif pour considérer qu’une violation du droit de l’Union est suffisamment caractérisée est celui de la méconnaissance manifeste et grave des limites qui s’imposent à celui‑ci. En revanche, lorsqu’elles ne disposent que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit de l’Union peut suffire pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (voir arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec, EU:C:2000:361, points 42 à 44 et jurisprudence citée, et du 2 mars 2010, Arcelor/Parlement et Conseil, T‑16/04, Rec, EU:T:2010:54, point 141 et jurisprudence citée).

37

Il convient, dès lors, de déterminer au préalable l’étendue de la marge d’appréciation dont disposaient les institutions dans la mise en œuvre de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base.

– Sur la marge d’appréciation des institutions

38

Aux fins d’établir l’étendue de la marge d’appréciation dont disposaient les institutions, il convient de déterminer au préalable le comportement spécifiquement reproché à ces institutions dans la mise en œuvre de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base et, en l’espèce, l’illégalité ayant justifié la déclaration d’invalidité du règlement no 1355/2008. Une telle démarche s’explique par le fait que la mise en œuvre d’une disposition peut impliquer différents actes pour lesquels l’institution chargée de la mettre en œuvre ne dispose pas nécessairement de la même marge d’appréciation. C’est notamment le cas de dispositions prévoyant la méthode de calcul d’une valeur, telle que la valeur normale intervenant dans le calcul de la marge de dumping (voir, pour une démarche analogue, s’agissant de la méthode de calcul du prix à l’importation dans le secteur des céréales, arrêt Gap granen & producten/Commission, point 31 supra, EU:T:2013:248, points 30 à 41).

39

En l’espèce, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’illégalité reprochée aux institutions ne consiste pas dans le fait d’avoir opté pour la méthode de calcul subsidiaire fondée sur les prix pratiqués dans l’Union en lieu et place de celle fondée sur les prix pratiqués dans un pays tiers ayant une économie de marché, choix pour lequel elles ne disposaient d’aucune marge d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt GLS, point 7 supra, EU:C:2012:158, point 26, et conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire GLS, C‑338/10, Rec, EU:C:2011:636, point 97).

40

Contrairement à ce qu’a par ailleurs prétendu la requérante lors de l’audience, il n’est pas non plus reproché à la Commission d’avoir totalement omis d’examiner les données fournies par Eurostat aux fins du calcul de la valeur normale du produit concerné. En effet, la Cour a reproché à la Commission, ainsi qu’il ressort de l’arrêt GLS, point 7 supra (EU:C:2012:158, points 34 à 36 ; voir également conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire GLS, point 39 supra, EU:C:2011:636, points 107 à 119), de ne pas avoir examiné avec toute la diligence requise les données d’Eurostat, c’est‑à‑dire de ne pas avoir suffisamment exploité ces données statistiques et poursuivi sa recherche d’un pays tiers ayant une économie de marché sur la base desdites données.

41

Or, la Commission dispose à cet égard d’une marge d’appréciation, tant en ce qui concerne l’analyse des données d’Eurostat qu’en ce qui concerne la poursuite de ses investigations sur la base de cette analyse.

42

Atteste, d’une part, de la marge d’appréciation des institutions dans l’examen des données d’Eurostat, le fait, souligné par la Commission, que les données recueillies, aux fins de déterminer un pays tiers ayant une économie de marché au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, sont nécessairement des données économiques donnant lieu à des évaluations complexes, telles que la détermination de l’existence et de l’importance de la production dans ledit pays du produit concerné ou d’un produit similaire (voir, en ce sens, arrêts du 22 octobre 1991, Nölle, C‑16/90, Rec, EU:C:1991:402, points 11 à 17 ; du 29 mai 1997, Rotexchemie, C‑26/96, Rec, EU:C:1997:261, point 10, et du 28 septembre 1995, Ferchimex/Conseil, T‑164/94, Rec, EU:T:1995:173, point 66).

43

Attestent, d’autre part, de la marge d’appréciation dont disposent les institutions dans la poursuite des investigations à partir des premières analyses effectuées, les dispositions du règlement de base qui prévoient que la Commission détermine un pays tiers à économie de marché sur la base des « informations fiables disponibles » [article 2, paragraphe 7, sous a), deuxième alinéa, du règlement de base], en lui laissant à la fois une marge d’appréciation dans la détermination de la disponibilité des données, puisque les moyens d’enquête prévus le sont à titre facultatif et qu’ils sont d’autant plus difficiles à mettre en œuvre en l’espèce qu’ils concernent des données relatives à des pays tiers (article 6, paragraphe 4, du règlement de base), et une marge d’appréciation dans la détermination de la fiabilité des données recueillies, la vérification de leur exactitude devant uniquement être effectuée « dans la mesure du possible » (article 6, paragraphe 8, du règlement de base).

44

Ces considérations ne sont pas remises en cause par l’affirmation de la Cour, au point 32 de l’arrêt GLS, point 7 supra (EU:C:2012:158 ; voir, également, conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire GLS, point 39 supra, EU:C:2011:636, points 101 et 102), selon laquelle la Commission est tenue d’examiner d’office toutes les informations disponibles dès lors que son rôle dans une enquête antidumping n’est pas celui d’un arbitre, dont la compétence se limiterait à trancher uniquement au vu des renseignements et des éléments de preuve fournis par les parties à l’enquête. En effet, par cette affirmation, la Cour a précisé les sources des « données disponibles » sur lesquelles la Commission devait fonder son analyse, non limitées aux éléments fournis par les parties, et n’a pas entendu restreindre la marge d’appréciation de la Commission dans la détermination de la disponibilité des données émanant de ces sources, et ce d’autant plus que la Cour a fait référence, dans le même point de l’arrêt GLS, point 7 supra (EU:C:2012:158), aux pouvoirs d’enquête prévus par l’article 6, paragraphe 4, du règlement de base.

45

Dès lors, la Commission disposant en l’espèce d’un pouvoir d’appréciation, la requérante doit établir une méconnaissance manifeste et grave de ce pouvoir aux fins d’engager la responsabilité de l’Union.

– Sur la méconnaissance manifeste et grave par les institutions des limites de leur pouvoir d’appréciation

46

Il y a lieu de préciser, à titre liminaire, que le manque de diligence est l’un des critères retenus par la jurisprudence pour considérer que l’irrégularité ou l’erreur commise par une institution est constitutive d’une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union (voir arrêt Gap granen & producten/Commission, point 31 supra, EU:T:2013:248, point 28 et jurisprudence citée). À ce titre, le devoir de diligence sert à « caractériser » la violation d’un autre principe ou d’une autre règle du droit de l’Union. En revanche, en l’espèce, le devoir de diligence constitue le principe dont la méconnaissance est alléguée et a été constatée par la Cour.

47

Il ressort, à cet égard, de la jurisprudence que, pour que la méconnaissance du devoir de diligence puisse être qualifiée de méconnaissance manifeste et grave des limites du pouvoir d’appréciation d’une institution, le devoir de diligence doit avoir été totalement méconnu, une simple appréciation erronée de l’étendue des obligations découlant de ce devoir ne suffisant pas (voir, s’agissant des principes de bonne administration et de sollicitude, arrêt du 18 septembre 1995, Nölle/Conseil et Commission, T‑167/94, Rec, EU:T:1995:169, point 89 et jurisprudence citée).

48

Il convient, dès lors, de déterminer si, en l’espèce, le comportement de la Commission relève d’une méconnaissance totale des obligations découlant du devoir de diligence ou seulement d’une mauvaise appréciation de l’étendue desdites obligations.

49

Ainsi qu’il ressort du point 40 ci‑dessus, dans son arrêt GLS, point 7 supra (EU:C:2012:158), la Cour a déclaré le règlement no 1355/2008 invalide au motif que la Commission avait méconnu son devoir de diligence en ne poursuivant pas ses investigations sur la base des données d’Eurostat relatives aux importations dans l’Union du produit concerné en provenance de pays tiers à économie de marché.

50

Or, ce faisant, les institutions n’ont pas totalement méconnu leurs obligations découlant du devoir de diligence.

51

En effet, la Commission ne s’est pas abstenue, en l’absence de proposition par les parties concernées d’un pays tiers à économie de marché, de procéder à des mesures d’enquête aux fins de rechercher de tels pays, comportement qui aurait constitué une méconnaissance manifeste et grave de son devoir de diligence (voir, par analogie, arrêts Nölle/Conseil et Commission, point 47 supra, EU:T:1995:169, point 88, et du 16 septembre 2013, ATC e.a./Commission, T‑333/10, Rec, EU:T:2013:451, points 88 et 91).

52

Ainsi qu’il ressort du considérant 40 du règlement no 642/2008 et qu’elle l’a précisé lors de l’audience, la Commission a mené une enquête d’office au cours de la procédure antidumping. Plus précisément, compte tenu du fait que cette procédure avait été ouverte à la suite de la plainte d’une association espagnole, elle a demandé aux autorités espagnoles de procéder aux contrôles et aux vérifications nécessaires aux fins de déterminer les pays tiers à économie de marché exportant le produit concerné vers l’Union. Grâce à cette enquête, la Commission a découvert l’existence de deux producteurs thaïlandais du produit concerné, auxquels elle a envoyé des questionnaires.

53

Comme l’a souligné l’avocat général M. Bot, il ne saurait être reproché à la Commission, en agissant de la sorte, d’avoir manqué de diligence à l’égard des deux entreprises en question. Les conditions dans lesquelles elle les a interrogées et le délai dans lequel ces dernières étaient invitées à compléter le formulaire leur auraient en effet permis d’y répondre, de sorte que leur carence leur est intégralement imputable, et ce d’autant plus que la Commission ne dispose d’aucun moyen de pression à l’égard d’entreprises de pays tiers lui permettant de les contraindre à coopérer (conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire GLS, point 39 supra, EU:C:2011:636, points 115 et 116).

54

En revanche, la Commission aurait dû, à la suite de l’absence de réponse des deux entreprises thaïlandaises, poursuivre ses investigations, et ce d’autant plus qu’elle disposait du temps nécessaire pour le faire, l’échec de ses démarches auprès desdites entreprises datant de décembre 2007 et le règlement provisoire ayant été adopté en juillet 2008. En ne poursuivant pas ses investigations, la Commission n’a ainsi pas fourni un effort sérieux et suffisant (voir, en ce sens, arrêt GLS, point 7 supra, EU:C:2012:158, point 34, et conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire GLS, point 39 supra, EU:C:2011:636, points 117 et 119 ; voir également, par analogie, arrêt Nölle/Conseil et Commission, point 47 supra, EU:T:1995:169, point 88).

55

La Commission a, par conséquent, apprécié de manière erronée l’étendue de ses obligations découlant de son devoir de diligence, mais elle n’a pas totalement méconnu les obligations découlant de ce devoir.

56

Il résulte de tout ce qui précède qu’aucun acte ou comportement de nature à engager la responsabilité de l’Union ne peut être reproché aux institutions en l’espèce.

57

La responsabilité de l’Union ne saurait donc être engagée, dès lors qu’il suffit que l’une des trois conditions d’engagement de cette responsabilité ne soit pas remplie pour que la demande indemnitaire soit rejetée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les deux autres conditions sont réunies (arrêt du 20 février 2002, Förde‑Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, Rec, EU:T:2002:34, point 37 ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec, EU:C:1994:329, point 81).

58

Il convient néanmoins d’examiner, à titre surabondant, s’il existe un lien de causalité suffisamment direct et certain entre le comportement fautif allégué et le préjudice prétendument subi.

Sur le lien de causalité entre la faute et le dommage

59

Selon une jurisprudence constante, le préjudice invoqué doit découler de façon suffisamment directe du comportement reproché, ce dernier devant constituer la cause déterminante du préjudice, dès lors qu’il n’y a pas d’obligation de réparer toute conséquence préjudiciable, même éloignée, d’une situation illégale (arrêt du 4 octobre 1979, Dumortier e.a./Conseil, 64/76, 113/76, 167/78, 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, Rec, EU:C:1979:223, point 21 ; voir, également, arrêt du 10 mai 2006, Galileo International Technology e.a./Commission, T‑279/03, Rec, EU:T:2006:121, point 130 et jurisprudence citée). Il appartient à la partie requérante d’apporter la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché et le préjudice invoqué (voir arrêt du 30 septembre 1998, Coldiretti e.a./Conseil et Commission, T‑149/96, Rec, EU:T:1998:228, point 101 et jurisprudence citée).

60

Or, un tel lien de causalité n’a pas été établi par la requérante en l’espèce.

61

En effet, les éléments de preuve fournis par la requérante ne permettent pas de démontrer que les intérêts prétendument constitutifs de son préjudice correspondaient à des emprunts contractés du fait de la perte de liquidités due au paiement des droits antidumping litigieux.

62

Le seul élément de preuve fourni, formant l’annexe A4 de la requête intitulée « Relevé des dépenses d’intérêts supplémentaires exposées », présente sous la forme de tableaux des montants d’intérêts dus par période (colonne intitulée « Gesamtzinsen », c’est‑à‑dire « Total des intérêts »), en précisant les taux d’intérêts (colonne « Zinssatz ») ainsi que les montants auxquels ils se rapportent (colonne « Betrag »). Toutefois, outre le fait que cette annexe ne donne aucune précision relative à la nature de ces montants, si ce n’est une référence comportant la mention « Avis d’imposition » (« Steuerbescheid ») suivie d’un numéro, il convient de relever qu’elle a été établie par la requérante aux fins du présent recours, ainsi qu’elle l’a confirmé lors de l’audience. Elle ne saurait partant suffire à établir en tant que telle, en l’absence d’élément de preuve provenant d’une source externe ou de tout autre document officiel de nature à les corroborer, le lien allégué entre les intérêts, les emprunts et les droits antidumping indûment imposés par le règlement no 1355/2008 (voir, s’agissant de la reconnaissance de la force probante faible d’un document établi par la partie requérante, ordonnance du 3 septembre 2014, Diadikasia Symvouloi Epicheiriseon/Commission, T‑261/12, EU:T:2014:755, point 38).

63

En outre, même à supposer que les annexes C2 et C3 de la réplique puissent être déclarées recevables alors qu’elles ont été présentées tardivement sans justification de cette présentation tardive, elles ne permettraient pas davantage de démontrer le lien de causalité invoqué.

64

Certes, l’annexe C2 atteste, par les données qu’elle contient (extraits de comptes bancaires, avis d’imposition et de remboursement établis par les autorités douanières, déclarations douanières et demandes de remboursement présentées par la requérante et les quatre autres sociétés) du paiement et du remboursement des droits antidumping ainsi que des montants concernés. L’annexe C3, contenant les attestations de la banque de la requérante rappelant les principales conditions de ses contrats de crédit (montants empruntés, taux d’intérêts, montants des intérêts, durée) démontre, par ailleurs, le paiement d’intérêts. Il peut être relevé, en outre, au terme d’une analyse néanmoins rendue difficile notamment par la présentation peu claire des nombreux documents repris dans l’annexe C2, que certains montants ou certaines additions de montants mentionnés dans l’annexe C2 correspondent à certaines sommes mentionnées dans l’annexe A4 au titre des sommes empruntées et que les taux d’intérêts figurant dans l’annexe C3 correspondent à ceux cités dans l’annexe A4.

65

Cependant, la lecture combinée des trois annexes en cause ne permet pas d’établir, en tant que telle, que la requérante a contracté des emprunts en raison des droits antidumping indûment payés et non uniquement pour financer de manière générale son activité indépendamment des droits antidumping en cause. D’une part, ainsi que le Conseil l’a souligné à juste titre lors de l’audience, les annexes C2 et C3 ne présentent aucun lien entre elles, dès lors que les montants empruntés, tels que figurant dans l’annexe C3, représentent des sommes bien plus élevées que les montants des droits antidumping indûment payés, ressortant de l’annexe C2. D’autre part, les annexes C2 et C3 permettent tout au plus de fournir des données probantes, car émanant de sources externes et/ou établies sous la forme de documents officiels, relatives aux montants des droits antidumping en cause et aux taux d’intérêts (voir point 64 ci‑dessus), mais ne compensent pas la force probante insuffisante de l’annexe A4 (voir point 62 ci‑dessus) et ainsi ne suffisent pas, même combinées à cette annexe A4, à démontrer le lien entre les droits antidumping indûment payés, les emprunts contractés et le paiement des intérêts correspondants (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2001, T. Port/Commission, T‑1/99, Rec, EU:T:2001:36, points 72 et 73).

66

La nécessité pour la requérante de souscrire les emprunts susvisés en raison des droits antidumping litigieux est d’autant plus douteuse que celle‑ci a reconnu, dans la réplique, ainsi que l’ont souligné le Conseil et la Commission, avoir répercuté ces droits sur ses clients. Ainsi, la requérante aurait tout au plus été contrainte de recourir à l’emprunt pour financer ses achats dans l’attente de la vente de ses produits et de la répercussion corrélative des droits antidumping sur ses clients, mais n’était nullement tenue d’emprunter les montants en cause pour les durées d’emprunt beaucoup plus longues, ressortant de l’annexe A4 de la requête, à savoir pour la période allant du paiement des droits antidumping en cause jusqu’à leur remboursement par les autorités douanières. Bien plus, le Conseil a souligné, sans être contredit sur ce point par la requérante, que l’activité soumise aux droits antidumping en cause ne représentait que 6 % au maximum du chiffre d’affaires des importateurs soumis à l’enquête antidumping, tels que la requérante, rendant partant peu vraisemblable, en l’absence de preuve et même d’argumentation en sens contraire présentées par la requérante, une perte de liquidités due au paiement des droits antidumping litigieux nécessitant le recours à l’emprunt.

67

Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’a pas établi l’existence d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice invoqués.

68

Cette condition d’engagement de la responsabilité de l’Union n’est dès lors pas remplie, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur les allégations par le Conseil et la Commission de la rupture de ce lien de causalité en raison du comportement négligent de la requérante et de la réintroduction des droits antidumping litigieux par le règlement no 158/2013. Il en résulte également qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de suspension de la présente instance par la Commission, fondée sur le fait que deux questions préjudicielles en appréciation de validité du règlement no 158/2013 (affaires jointes C‑283/14, CM Eurologistik et C‑284/14, GLS) sont actuellement pendantes devant la Cour.

69

Le présent recours doit par conséquent être rejeté comme non fondé, dans ses conclusions principales et subsidiaires, sans qu’il y ait lieu de statuer, d’une part, sur la prétendue irrecevabilité partielle du recours, en ce qu’il porte sur les intérêts liés aux crédits contractés du fait des droits antidumping acquittés pour les importations effectuées par l’intermédiaire des quatre autres sociétés et, d’autre part, sur la fin de non‑recevoir tirée d’un détournement de procédure, en ce que le recours viserait en réalité à l’annulation des décisions des autorités douanières nationales.

Sur les dépens

70

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil et la Commission, conformément aux conclusions de ces derniers.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

I. Schroeder KG (GmbH & Co.) est condamnée aux dépens.

 

Martins Ribeiro

Gervasoni

Madise

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 septembre 2015.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

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