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Document 62014CJ0505

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 11 novembre 2015.
Klausner Holz Niedersachsen GmbH contre Land Nordrhein-Westfalen.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Landgericht Münster.
Renvoi préjudiciel – Articles 107 TFUE et 108 TFUE – Aides d’État – Aide octroyée en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE – Décision d’une juridiction d’un État membre établissant la validité du contrat octroyant cette aide – Autorité de la chose jugée – Interprétation conforme – Principe d’effectivité.
Affaire C-505/14.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2015:742

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

11 novembre 2015 ( * )

«Renvoi préjudiciel — Articles 107 TFUE et 108 TFUE — Aides d’État — Aide octroyée en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE — Décision d’une juridiction d’un État membre établissant la validité du contrat octroyant cette aide — Autorité de la chose jugée — Interprétation conforme — Principe d’effectivité»

Dans l’affaire C‑505/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landgericht Münster (tribunal régional de Münster, Allemagne), par décision du 17 septembre 2014, parvenue à la Cour le 12 novembre 2014, dans la procédure

Klausner Holz Niedersachsen GmbH

contre

Land Nordrhein‑Westfalen,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de la première chambre, faisant fonction de président de la deuxième chambre, MM. J. L. da Cruz Vilaça, A. Arabadjiev (rapporteur), C. Lycourgos et J.‑C. Bonichot, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour Klausner Holz Niedersachsen GmbH, par Me D. Reich, Rechtsanwalt,

pour le Land Nordrhein‑Westfalen, par Me G. Schwendinger, Rechtsanwalt,

pour la Commission européenne, par MM. R. Sauer, T. Maxian Rusche et P.‑J. Loewenthal, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 107 TFUE et 108 TFUE ainsi que du principe d’effectivité.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Klausner Holz Niedersachsen GmbH (ci‑après «Klausner Holz») au Land Nordrhein‑Westfalen (Land de Rhénanie‑du‑Nord – Westphalie, ci‑après le «Land»), au sujet d’un défaut d’exécution, par le Land, de contrats de fourniture de bois conclus avec Klausner Holz.

Le droit allemand

3

L’article 322, paragraphe 1, du code de procédure civile (Zivilprozessordnung, ci‑après la «ZPO»), intitulé «Autorité matérielle de la chose jugée», est libellé comme suit:

«Les arrêts ne sont susceptibles de bénéficier de l’autorité de la chose jugée que dans la mesure où il a été statué sur la prétention soulevée dans la demande en justice ou dans une demande reconventionnelle.»

Le litige au principal et la question préjudicielle

4

Le 20 février 2007, le groupe Klausner, dont fait partie Klausner Holz, et l’administration des forêts du Land ont conclu un contrat de fourniture de bois. En vertu de ce contrat, le Land s’engageait à vendre à Klausner Holz des quantités fixes de bois, au cours des années 2007 à 2014, à des prix prédéterminés en fonction de la taille et de la qualité du bois. Le Land s’engageait, en outre, à ne pas effectuer d’autres ventes à des prix inférieurs à ceux fixés dans le contrat.

5

Le 17 avril 2007, Klausner Holz et le Land ont conclu un «contrat cadre de vente» qui complétait le contrat du 20 février 2007 (ci‑après, ensemble, les «contrats en cause»).

6

Au cours du premier semestre de cette même année, le Land a également conclu, avec six autres gros acheteurs de bois résineux, des contrats de fournitures de bois pour des périodes allant de l’année 2007 aux années, selon le cas, 2011, 2012 voire, dans un cas, 2014. Conformément à ces contrats, les prix convenus pour le chablis fourni au cours des années 2007 et 2008 étaient semblables à ceux fixés dans les contrats en cause, tandis que les prix pour le bois frais fourni à partir de l’année 2009 étaient généralement supérieurs aux prix fixés dans les contrats en cause, abstraction faite de la possibilité d’une adaptation de ces prix sous certaines conditions et dans certaines limites.

7

Au cours des années 2007 et 2008, le Land a assuré des fournitures de bois à Klausner Holz, mais les quantités prévues d’achat de chablis n’ont pas été atteintes. Au cours de l’année 2008, Klausner Holz a rencontré des difficultés financières, impliquant parfois des retards de paiement. Au mois d’août 2009, le Land a résilié le «contrat cadre de vente» ayant complété le contrat du 20 février 2007 et, à partir du second semestre de cette année‑là, il a cessé de fournir du bois à Klausner Holz aux conditions stipulées dans les contrats en cause.

8

Par jugement déclaratoire du 17 février 2012, le Landgericht Münster (tribunal régional de Münster) a constaté que les contrats en cause demeuraient en vigueur. Ce jugement a été confirmé par l’Oberlandesgericht Hamm (tribunal régional supérieur de Hamm), statuant en appel, par un arrêt du 3 décembre 2012, revêtu désormais de l’autorité de la chose jugée.

9

Klausner Holz a alors introduit devant la juridiction de renvoi un recours contre le Land, tendant, premièrement, au paiement de dommages et intérêts en raison du défaut de fournitures de bois au cours de l’année 2009, pour un montant d’environ 54 millions d’euros, deuxièmement, à la fourniture d’environ 1,5 million de stères de bois de sapin en exécution des contrats en cause pour la période se situant entre l’année 2010 et le mois de février 2013 ainsi que, troisièmement, à l’obtention d’informations relatives notamment aux conditions financières auxquelles les cinq plus gros acheteurs de bois résineux ont acquis des coupes de bois de sapin auprès du Land au cours de la période allant de l’année 2010 à l’année 2013.

10

Le Land, quant à lui, fait valoir devant la juridiction de renvoi, ce qu’il s’était abstenu de faire devant l’Oberlandesgericht Hamm (tribunal régional supérieur de Hamm), que le droit de l’Union s’oppose à l’exécution des contrats en cause, dans la mesure où ces derniers constituent des «aides d’État», au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, mises à exécution en violation de l’article 108, paragraphe 3, troisième phrase, TFUE.

11

Au mois de juillet 2013, la République fédérale d’Allemagne a informé la Commission européenne de l’existence d’une aide non notifiée, à savoir les contrats en cause, laquelle, de l’avis de cet État membre, est incompatible avec le marché intérieur. Par ailleurs, au mois d’octobre 2013, la Commission a reçu des plaintes de la part de plusieurs concurrents de Klausner Holz comportant les mêmes griefs d’incompatibilité.

12

Par lettre du 26 mai 2014, la juridiction de renvoi a adressé à la Commission une demande d’éclaircissements fondée sur la communication de la Commission relative à l’application des règles en matière d’aides d’État par les juridictions nationales (JO 2009, C 85, p. 1). En réponse à cette lettre, ladite institution a indiqué que, eu égard au stade des procédures engagées à la suite de l’information communiquée par la République fédérale d’Allemagne et des plaintes mentionnées au point précédent du présent arrêt, elle n’était pas en mesure de formuler une position définitive sur l’application, en l’occurrence, du droit de l’Union en matière d’aides d’État, une telle position devant en tout état de cause être réservée à la décision clôturant les procédures.

13

La juridiction de renvoi estime, quant à elle, sur la base d’un examen des diverses clauses des contrats en cause, que ceux‑ci constituent bien une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en raison notamment de l’avantage qu’ils accordent à Klausner Holz au moyen de ressources d’État et du non‑respect du test du vendeur privé. Elle observe, en outre, que cette aide ne relève du champ d’application d’aucun règlement d’exemption par catégorie et qu’elle ne constitue pas une aide de minimis, au sens de l’article 2 du règlement (CE) no 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l’application des articles [107 TFUE] et [108 TFUE] aux aides de minimis (JO L 379, p. 5).

14

Partant, selon la juridiction de renvoi, cette aide a été mise à exécution en violation de l’article 108, paragraphe 3, troisième phrase, TFUE. Or, selon la jurisprudence du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), un contrat de droit privé qui accorde une aide d’État en violation de l’article 108, paragraphe 3, troisième phrase, TFUE, doit être considéré comme étant nul et non avenu.

15

Toutefois, la juridiction de renvoi se dit empêchée de tirer les conséquences de la violation de l’article 108, paragraphe 3, troisième phrase, TFUE en raison du jugement déclaratoire de l’Oberlandesgericht Hamm (tribunal régional supérieur de Hamm), du 3 décembre 2012, mentionné au point 8 du présent arrêt, revêtu de l’autorité de la chose jugée, par lequel il a été constaté que les contrats en cause demeuraient en vigueur.

16

Dans ces conditions, le Landgericht Münster (tribunal régional de Münster) a décidé de sursoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

Sur la question préjudicielle

17

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union s’oppose, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, à ce que l’application d’une règle de droit national visant à consacrer le principe de l’autorité de la chose jugée empêche le juge national ayant constaté que les contrats faisant l’objet du litige qui lui est soumis constituent une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, mise à exécution en violation de l’article 108, paragraphe 3, troisième phrase, TFUE, de tirer toutes les conséquences de cette violation, en raison d’une décision juridictionnelle nationale, devenue définitive, laquelle, sans examiner la question de savoir si ces contrats instaurent une aide d’État, a constaté qu’ils demeurent en vigueur.

18

À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’article 108, paragraphe 3, TFUE institue un contrôle préventif sur les projets d’aides nouvelles (arrêt Deutsche Lufthansa, C‑284/12, EU:C:2013:755, point 25 et jurisprudence citée).

19

Le contrôle ainsi organisé vise à ce que seules des aides compatibles soient mises à exécution. Afin de réaliser cet objectif, la mise en œuvre d’un projet d’aide est différée jusqu’à ce que le doute sur sa compatibilité soit levé par la décision finale de la Commission (arrêt Deutsche Lufthansa, C‑284/12, EU:C:2013:755, point 26 et jurisprudence citée).

20

La mise en œuvre de ce système de contrôle incombe, d’une part, à la Commission et, d’autre part, aux juridictions nationales, leurs rôles respectifs étant complémentaires mais distincts (arrêt Deutsche Lufthansa, C‑284/12, EU:C:2013:755, point 27 et jurisprudence citée).

21

Tandis que l’appréciation de la compatibilité de mesures d’aide avec le marché intérieur relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle des juridictions de l’Union, les juridictions nationales veillent à la sauvegarde, jusqu’à la décision finale de la Commission, des droits des justiciables face à une méconnaissance éventuelle, par les autorités étatiques, de l’interdiction visée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE (arrêt Deutsche Lufthansa, C‑284/12, EU:C:2013:755, point 28 et jurisprudence citée).

22

Les juridictions nationales peuvent ainsi être saisies de litiges les obligeant à interpréter et à appliquer la notion d’aide, visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en particulier en vue de déterminer si une mesure étatique instaurée sans tenir compte de la procédure de contrôle préalable de l’article 108, paragraphe 3, TFUE devrait ou non y être soumise (voir, en ce sens, arrêt Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon, C‑354/90, EU:C:1991:440, points 9 et 10 ainsi que jurisprudence citée).

23

L’intervention des juridictions nationales résulte de l’effet direct reconnu à l’interdiction de mise à exécution des projets d’aide édictée à l’article 108, paragraphe 3, troisième phrase, TFUE. À cet égard, la Cour a précisé que le caractère immédiatement applicable de l’interdiction de mise à exécution visée à cette disposition s’étend à toute aide qui aurait été mise à exécution sans être notifiée (arrêt Deutsche Lufthansa, C‑284/12, EU:C:2013:755, point 29 et jurisprudence citée).

24

Les juridictions nationales doivent ainsi garantir aux justiciables que toutes les conséquences d’une violation de l’article 108, paragraphe 3, troisième phrase, TFUE en seront tirées, conformément à leur droit national, en ce qui concerne tant la validité des actes d’exécution que le recouvrement des soutiens financiers accordés au mépris de cette disposition ou d’éventuelles mesures provisoires (arrêt Deutsche Lufthansa, C‑284/12, EU:C:2013:755, point 30 et jurisprudence citée).

25

L’objet de la mission des juridictions nationales est, par conséquent, d’adopter les mesures propres à remédier à l’illégalité de la mise à exécution des aides, afin que le bénéficiaire ne conserve pas la libre disposition de celles‑ci pour le temps restant à courir jusqu’à la décision de la Commission (arrêt Deutsche Lufthansa, C‑284/12, EU:C:2013:755, point 31 et jurisprudence citée).

26

À cette fin, lorsqu’elles constatent que la mesure en cause constitue une aide d’État au sens de l’article 107 TFUE, laquelle a été mise en œuvre en violation de l’article 108, paragraphe 3, troisième phrase, TFUE, les juridictions nationales peuvent décider soit de suspendre l’exécution de cette mesure et d’enjoindre la récupération des montants déjà versés, soit d’ordonner des mesures provisoires afin de sauvegarder, d’une part, les intérêts des parties concernées et, d’autre part, l’effet utile de la décision ultérieure de la Commission (voir, par analogie, arrêt Deutsche Lufthansa, C‑284/12, EU:C:2013:755, point 43, et ordonnance Flughafen Lübeck, C‑27/13, EU:C:2014:240, point 26).

27

En l’occurrence, la juridiction de renvoi, conformément à la mission qui lui est ainsi impartie, a constaté que les contrats en cause emportent une aide d’État, laquelle a été mise en œuvre en violation de l’article 108, paragraphe 3, troisième phrase, TFUE. Elle se considère pourtant empêchée de satisfaire à son obligation de tirer toutes les conséquences de cette violation, en raison de l’autorité de la chose jugée qui s’attache à la décision déclaratoire de l’Oberlandesgericht Hamm (tribunal régional supérieur de Hamm) confirmant que les contrats en cause demeuraient en vigueur.

28

À cet égard, il ressort du dossier soumis à la Cour, d’une part, que le litige qui avait donné lieu à cette décision de l’Oberlandesgericht Hamm (tribunal régional supérieur de Hamm) ne portait ni à titre principal ni à titre incident sur le caractère d’aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, des contrats en cause , de sorte que, ainsi que le souligne la juridiction de renvoi, cette question n’a pas été examinée par l’Oberlandesgericht Hamm (tribunal régional supérieur de Hamm), pas plus que par le Landgericht Münster (tribunal régional de Münster), lorsqu’il a statué en première instance dans le cadre du même litige.

29

Il en ressort, d’autre part, que le litige ayant donné lieu à l’arrêt déclaratoire de l’Oberlandesgericht Hamm (tribunal régional supérieur de Hamm) avait pour seul objet d’entendre dire pour droit que les contrats en cause demeuraient en vigueur, nonobstant la résiliation de ceux‑ci par le Land. En revanche, l’objet du litige dont est saisie la juridiction de renvoi tient, premièrement, au paiement de dommages et intérêts pour la non‑exécution d’une partie de ces contrats, deuxièmement, à l’exécution d’une autre partie de ceux‑ci et, troisièmement, à l’obtention de certaines informations relatives notamment aux prix pratiqués dans le secteur.

30

Tout en admettant que le principe de l’autorité de la chose jugée, tel que conçu en droit national, connaît certaines limites objectives, subjectives et temporelles ainsi que certaines exceptions, la juridiction de renvoi relève que ce droit s’oppose non seulement au réexamen, dans un second litige, des moyens qui ont déjà été expressément tranchés à titre définitif, mais aussi à ce que soient abordées des questions qui auraient pu être soulevées dans le cadre d’un litige antérieur et qui ne l’ont pas été.

31

À cet égard, il convient de rappeler qu’il incombe aux juridictions nationales d’interpréter les dispositions du droit national dans toute la mesure du possible d’une manière telle qu’elles puissent recevoir une application qui contribue à la mise en œuvre du droit de l’Union (arrêt Lucchini, C‑119/05, EU:C:2007:434, point 60).

32

Certes, ce principe d’interprétation conforme du droit national connaît certaines limites. Ainsi, l’obligation, pour le juge national, de se référer au contenu du droit de l’Union lorsqu’il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne est limitée par les principes généraux du droit et elle ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national (voir, en ce sens, arrêts Impact, C‑268/06, EU:C:2008:223, point 100, et Association de médiation sociale, C‑176/12, EU:C:2014:2, point 39).

33

Dans l’affaire au principal, la juridiction de renvoi s’estime confrontée à une telle limite, en soulignant que le droit national ne lui offre «aucune […] possibilité de s’opposer à l’exécution [des contrats en cause]».

34

À cet égard, il convient de rappeler que le principe d’interprétation conforme requiert que les juridictions nationales fassent tout ce qui relève de leur compétence en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui‑ci, afin de garantir la pleine effectivité du droit de l’Union et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celui‑ci (voir, en ce sens, arrêt Dominguez, C‑282/10, EU:C:2012:33, point 27 et jurisprudence citée).

35

Ainsi, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, sur cette base, si elle peut parvenir à une telle interprétation, en prenant en considération, notamment, d’une part, les éléments évoqués aux points 28 et 29 du présent arrêt (voir, par analogie, arrêt Dominguez, C‑282/10, EU:C:2012:33, point 31) et, d’autre part, la jurisprudence de la Cour rappelée au point 26 du présent arrêt, dont il ressort que, afin de tirer les conséquences d’une violation de l’article 108, paragraphe 3, troisième phrase, TFUE, les juridictions nationales peuvent, le cas échéant, ordonner des mesures provisoires. En l’occurrence, il appartient dès lors à la juridiction de renvoi d’examiner la possibilité d’ordonner une mesure telle que la suspension temporaire des contrats en cause jusqu’à l’adoption de la décision de la Commission clôturant la procédure, ce qui pourrait permettre à cette juridiction de respecter ses obligations au titre de l’article 108, paragraphe 3, troisième phrase, TFUE sans pour autant se prononcer sur la validité des contrats en cause.

36

Par ailleurs, bien que le juge de renvoi ait considéré que les exceptions au principe de l’autorité de la chose jugée, tirées du droit de la procédure civile allemande, n’étaient pas applicables en l’espèce, il convient de relever que, en vertu de l’article 322, paragraphe 1, de la ZPO, un arrêt n’est revêtu de l’autorité matérielle de la chose jugée que dans la mesure où il a été statué sur la prétention soulevée dans la demande en justice ou dans une demande reconventionnelle. Il appartient dès lors au juge de renvoi de vérifier si une telle limite, expressément mentionnée par l’article 322 de la ZPO, ne l’autorise pas à interpréter cette disposition en ce sens que, lorsqu’une violation de l’article 108, paragraphe 3, troisième phrase, TFUE est invoquée, l’autorité de la chose jugée ne s’étend qu’aux prétentions juridiques sur lesquelles la juridiction a statué et ne fait, dès lors, pas obstacle à ce qu’un juge se prononce, dans le cadre d’un litige ultérieur, sur des points de droit sur lesquels cette décision définitive ne s’est pas prononcée.

37

En effet, une mesure, telle que celle visée au point 35 du présent arrêt, ou une interprétation du droit national, telle que celle envisagée au point 36 du présent arrêt, n’auraient pas pour conséquence de remettre en cause l’autorité de la chose définitivement jugée qui s’attache à la décision de l’Oberlandesgericht Hamm (tribunal régional supérieur de Hamm).

38

Dans l’hypothèse où une telle mesure ou une telle interprétation ne seraient néanmoins pas envisageables, il y a lieu de rappeler l’importance que revêt, tant dans l’ordre juridique de l’Union que dans les ordres juridiques nationaux, le principe de l’autorité de la chose jugée. En effet, en vue de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, il importe que les décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces recours ne puissent plus être remises en cause (voir arrêts Fallimento Olimpiclub, C‑2/08, EU:C:2009:506, point 22, et Târșia, C‑69/14, EU:C:2015:662, point 28).

39

Partant, le droit de l’Union n’impose pas dans tous les cas à une juridiction nationale d’écarter l’application des règles de procédure internes conférant l’autorité de la chose jugée à une décision, même si cela permettrait de remédier à une violation du droit de l’Union par la décision en cause (arrêts Kapferer, C‑234/04, EU:C:2006:178, point 22; Fallimento Olimpiclub, C‑2/08, C:2009:506, point 23; Commission/République slovaque, C‑507/08, EU:C:2010:802, point 60; Impresa Pizzarotti, C‑213/13, EU:C:2014:2067, point 59, et Târșia, C‑69/14, EU:C:2015:662, point 29).

40

En l’absence de réglementation de l’Union en la matière, les modalités de mise en œuvre du principe de l’autorité de la chose jugée relèvent de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers. Elles ne doivent cependant pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) ni être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (voir, en ce sens, arrêts Fallimento Olimpiclub, C‑2/08, EU:C:2009:506, point 24, ainsi que Impresa Pizzarotti, C‑213/13, EU:C:2014:2067, point 54 et jurisprudence citée).

41

En ce qui concerne le principe d’effectivité, la Cour a déjà jugé que chaque cas où se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il y a lieu de prendre en considération, s’il échet, les principes qui sont à la base du système juridictionnel national, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure (voir, en ce sens, arrêts Fallimento Olimpiclub, C‑2/08, EU:C:2009:506, point 27, et Târșia, C‑69/14, EU:C:2015:662, points 36 et 37 ainsi que jurisprudence citée).

42

À cet égard, il y a lieu de relever qu’une interprétation du droit national, telle que celle décrite au point 30 du présent arrêt, peut notamment avoir pour conséquence que seraient attribués des effets à une décision d’une juridiction nationale, en l’occurrence l’Oberlandesgericht Hamm (tribunal régional supérieur de Hamm), qui feraient en l’espèce échec à l’application du droit de l’Union en ce qu’elle rendrait impossible l’obligation pour les juridictions nationales de garantir le respect de l’article 108, paragraphe 3, troisième phrase, TFUE.

43

En effet, il en résulterait que tant les autorités étatiques que les bénéficiaires d’une aide d’État pourraient contourner l’interdiction énoncée à l’article 108, paragraphe 3, troisième phrase, TFUE, en obtenant, sans invoquer le droit de l’Union en matière d’aide d’État, un jugement déclaratoire dont l’effet leur permettrait, en définitive, de continuer à mettre en œuvre l’aide en cause durant plusieurs années. Ainsi, dans un cas tel que celui en cause au principal, la violation du droit de l’Union se reproduirait pour chaque nouvelle fourniture de bois, sans qu’il soit possible d’y remédier.

44

De plus, une telle interprétation du droit national est susceptible de priver d’effet utile la compétence exclusive de la Commission, visée au point 21 du présent arrêt, d’apprécier, sous le contrôle du juge de l’Union, la compatibilité de mesures d’aides avec le marché intérieur. En effet, dans l’hypothèse où la Commission, à laquelle la République fédérale d’Allemagne a entre‑temps notifié la mesure d’aide que constitueraient les contrats en cause, devrait conclure à son incompatibilité avec le marché intérieur et ordonner son recouvrement, l’exécution de sa décision serait vouée à l’échec s’il pouvait lui être opposée une décision juridictionnelle nationale, déclarant «en vigueur» les contrats comportant cette aide.

45

Dans ces conditions, il doit être conclu qu’une règle nationale qui empêche le juge national de tirer toutes les conséquences de la violation de l’article 108, paragraphe 3, troisième phrase, TFUE en raison d’une décision juridictionnelle nationale revêtue de l’autorité de la chose jugée, qui est rendue à propos d’un litige n’ayant pas le même objet et n’ayant pas porté sur le caractère d’aide d’État des contrats en cause, doit être regardée comme incompatible avec le principe d’effectivité. En effet, un obstacle d’une telle envergure à l’application effective du droit de l’Union et, notamment, des règles en matière de contrôle des aides d’État ne peut pas être raisonnablement justifié par le principe de sécurité juridique (voir, par analogie, arrêts Fallimento Olimpiclub, EU:C:2009:506, point 31, et Ferreira da Silva e Britto, C‑160/14, EU:C:2015:565, point 59).

46

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que le droit de l’Union s’oppose, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, à ce que l’application d’une règle de droit national visant à consacrer le principe de l’autorité de la chose jugée empêche le juge national ayant constaté que les contrats faisant l’objet du litige qui lui est soumis constituent une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, mise à exécution en violation de l’article 108, paragraphe 3, troisième phrase, TFUE, de tirer toutes les conséquences de cette violation, en raison d’une décision juridictionnelle nationale, devenue définitive, laquelle, sans examiner la question de savoir si ces contrats instaurent une aide d’État, a constaté qu’ils demeurent en vigueur.

Sur les dépens

47

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

 

Le droit de l’Union s’oppose, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, à ce que l’application d’une règle de droit national visant à consacrer le principe de l’autorité de la chose jugée empêche le juge national ayant constaté que les contrats faisant l’objet du litige qui lui est soumis constituent une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, mise à exécution en violation de l’article 108, paragraphe 3, troisième phrase, TFUE, de tirer toutes les conséquences de cette violation, en raison d’une décision juridictionnelle nationale, devenue définitive, laquelle, sans examiner la question de savoir si ces contrats instaurent une aide d’État, a constaté qu’ils demeurent en vigueur.

 

Signatures


( * )   Langue de procédure: l’allemand.

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