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Document 62013CJ0098
Judgment of the Court (Second Chamber), 6 February 2014.#Martin Blomqvist v Rolex SA and Manufacture des Montres Rolex SA.#Request for a preliminary ruling from the Højesteret.#Reference for a preliminary ruling — Regulation No 1383/2003 — Measures to prevent counterfeit or pirated goods being placed on the market — Article 2 — Scope of the Regulation — Private sale by internet of a counterfeit watch from a non-member country to an individual residing in a Member State — Seizure of the watch by the customs authorities on entry into the territory of the Member State — Lawfulness of seizure — Conditions — Conditions relating to infringement of intellectual property rights — Directive 2001/29/EC — Article 4 — Distribution to the public — Directive 2008/95/EC — Article 5 — Regulation (EC) No 207/2009 — Article 9 — Use in the course of trade.#Case C‑98/13.
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 6 février 2014.
Martin Blomqvist contre Rolex SA et Manufacture des Montres Rolex SA.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Højesteret.
Renvoi préjudiciel – Règlement (CE) nº 1383/2003 – Mesures visant à empêcher la mise sur le marché de marchandises de contrefaçon et de marchandises pirates – Article 2 – Champ d’application du règlement – Vente, à partir d’un État tiers, par Internet, d’une montre de contrefaçon à des fins privées à un particulier, résidant dans un État membre – Saisie de la montre par les autorités douanières lors de son entrée sur le territoire de l’État membre – Régularité de la saisie – Conditions – Conditions tenant à l’atteinte aux droits de propriété intellectuelle – Directive 2001/29/CE – Article 4 – Distribution au public – Directive 2008/95/CE – Article 5 – Règlement (CE) nº 207/2009 – Article 9 – Usage dans la vie des affaires.
Affaire C‑98/13.
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 6 février 2014.
Martin Blomqvist contre Rolex SA et Manufacture des Montres Rolex SA.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Højesteret.
Renvoi préjudiciel – Règlement (CE) nº 1383/2003 – Mesures visant à empêcher la mise sur le marché de marchandises de contrefaçon et de marchandises pirates – Article 2 – Champ d’application du règlement – Vente, à partir d’un État tiers, par Internet, d’une montre de contrefaçon à des fins privées à un particulier, résidant dans un État membre – Saisie de la montre par les autorités douanières lors de son entrée sur le territoire de l’État membre – Régularité de la saisie – Conditions – Conditions tenant à l’atteinte aux droits de propriété intellectuelle – Directive 2001/29/CE – Article 4 – Distribution au public – Directive 2008/95/CE – Article 5 – Règlement (CE) nº 207/2009 – Article 9 – Usage dans la vie des affaires.
Affaire C‑98/13.
Court reports – general
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2014:55
ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
6 février 2014 ( *1 )
«Renvoi préjudiciel — Règlement (CE) no 1383/2003 — Mesures visant à empêcher la mise sur le marché de marchandises de contrefaçon et de marchandises pirates — Article 2 — Champ d’application du règlement — Vente, à partir d’un État tiers, par Internet, d’une montre de contrefaçon à des fins privées à un particulier, résidant dans un État membre — Saisie de la montre par les autorités douanières lors de son entrée sur le territoire de l’État membre — Régularité de la saisie — Conditions — Conditions tenant à l’atteinte aux droits de propriété intellectuelle — Directive 2001/29/CE — Article 4 — Distribution au public — Directive 2008/95/CE — Article 5 — Règlement (CE) no 207/2009 — Article 9 — Usage dans la vie des affaires»
Dans l’affaire C‑98/13,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Højesteret (Danemark), par décision du 25 février 2013, parvenue à la Cour le 27 février 2013, dans la procédure
Martin Blomqvist
contre
Rolex SA,
Manufacture des Montres Rolex SA,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. J. L. da Cruz Vilaça, G. Arestis, J.‑C. Bonichot (rapporteur) et A. Arabadjiev, juges,
avocat général: M. P. Cruz Villalón,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
— |
pour M. Blomqvist, par Me J. Petersen, advokat, |
— |
pour Rolex SA et Manufacture des Montres Rolex SA, par Mes K. Dyekjær et T. Mølsgaard, advokater, |
— |
pour le gouvernement estonien, par Mmes N. Grünberg et M. Linntam, en qualité d’agents, |
— |
pour le gouvernement français, par M. D. Colas et Mme B. Beaupère‑Manokha, en qualité d’agents, |
— |
pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent, |
— |
pour la Commission européenne, par Mme M. Clausen et M. F. W. Bulst, en qualité d’agents, |
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 |
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (CE) no 1383/2003 du Conseil, du 22 juillet 2003, concernant l’intervention des autorités douanières à l’égard de marchandises soupçonnées de porter atteinte à certains droits de propriété intellectuelle ainsi que les mesures à prendre à l’égard de marchandises portant atteinte à certains droits de propriété intellectuelle (JO L 196, p. 7, ci-après le «règlement douanier»), de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO L 167, p. 10, ci‑après la «directive sur le droit d’auteur»), de l’article 5, paragraphes 1 et 3, de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 299, p. 25, ci-après la «directive sur les marques»), et de l’article 9, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1, ci-après le «règlement sur la marque communautaire»). |
2 |
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Blomqvist à Rolex SA et à Manufacture des montres Rolex SA (ci‑après, ensemble, «Rolex») au sujet de la destruction d’une montre de contrefaçon saisie par les autorités douanières et que M. Blomqvist avait achetée par l’intermédiaire d’un site Internet chinois de vente en ligne. |
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
Le règlement douanier
3 |
Les considérants 2 et 8 du règlement douanier énoncent:
[...]
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4 |
L’article 1er de ce règlement dispose: «1. Le présent règlement détermine les conditions d’intervention des autorités douanières lorsque des marchandises sont soupçonnées d’être des marchandises portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle dans les situations suivantes: [...]
2. Le présent règlement détermine également les mesures à prendre par les autorités compétentes lorsqu’il est établi que les marchandises visées au paragraphe 1 portent atteinte aux droits de propriété intellectuelle.» |
5 |
L’article 2, paragraphe 1, sous a) et b), dudit règlement est libellé dans les termes suivants: «Aux fins du présent règlement, on entend par ‘marchandises portant atteinte à un droit de propriété intellectuelle’:
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6 |
L’article 9, paragraphe 1, du même règlement prévoit: «Lorsqu’un bureau de douane [...] constate [...] que les marchandises se trouvant dans l’une des situations visées à l’article 1er, paragraphe 1, sont soupçonnées de porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle [...], il suspend la mainlevée ou procède à la retenue desdites marchandises.» |
7 |
Selon l’article 10, premier alinéa, du règlement douanier: «Les dispositions de droit en vigueur dans l’État membre sur le territoire duquel les marchandises se trouvent dans l’une des situations visées à l’article 1er, paragraphe 1, sont applicables pour déterminer s’il y a eu violation d’un droit de propriété intellectuelle au regard du droit national.» |
8 |
Aux termes de l’article 17, paragraphe 1, de ce règlement: «Sans préjudice des autres voies de recours ouvertes au titulaire du droit, les États membres prennent les mesures nécessaires pour permettre aux autorités compétentes:
[...]» |
La directive sur le droit d’auteur
9 |
L’article 4, paragraphe 1, de la directive sur le droit d’auteur est libellé comme suit: «Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute forme de distribution au public, par la vente ou autrement, de l’original de leurs œuvres ou de copies de celles‑ci.» |
La directive sur les marques
10 |
Selon l’article 5, paragraphes 1 et 3, de la directive sur les marques: «1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires:
[...] 3. Si les conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 sont remplies, il peut notamment être interdit: [...]
[...]» |
Le règlement sur la marque communautaire
11 |
Aux termes de l’article 9, paragraphes 1 et 2, du règlement sur la marque communautaire: «1. La marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires:
[...] 2. Il peut notamment être interdit, si les conditions énoncées au paragraphe 1 sont remplies; [...]
[...]» |
Le droit danois
12 |
Selon l’article 2, paragraphes 1 et 3, de la loi sur le droit d’auteur (ophavsretsloven), dans sa version résultant de l’arrêté de codification no 202 (lovbekendtgørelse nr. 202), du 27 février 2010, qui a transposé la directive sur le droit d’auteur: «1. Sous réserve des limites prévues par la présente loi, le droit d’auteur comprend le droit exclusif de disposer de l’œuvre par reproduction et de la mettre à la disposition du public, sous forme originale ou modifiée, traduite ou retravaillée, dans un autre genre littéraire ou artistique, ou selon une autre technique. [...] 3. L’œuvre est rendue publique lorsque
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13 |
Aux termes de l’article 4, paragraphes 1 et 3, de la loi sur les marques (varemærkeloven), dans sa version résultant de l’arrêté de codification no 109 (lovbekendtgørelse nr. 109), du 24 janvier 2012, qui a transposé la directive sur les marques: «1. Le titulaire d’un droit de marque est habilité à interdire à autrui, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires, d’un signe si
[…] 3. Est notamment à considérer comme un usage, dans la vie des affaires, le fait
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14 |
Selon l’article 5 de la l’arrêté de codification no 1047 portant application du règlement européen relatif aux marchandises soupçonnées de porter atteinte à certains droits de propriété intellectuelle ainsi que les mesures à prendre à l’égard de marchandises portant atteinte à certains droits de propriété intellectuelle (lovbekendtgørelse nr. 1047 om anvendelse af Det Europæiske Fællesskabs forordning om toldmyndighedernes indgriben over for varer, der mistænkes for at krænke visse intellektuelle ejendomsrettigheder, og om de foranstaltninger, som skal træffes over for varer, der krænker sådanne rettigheder), du 20 octobre 2005: «[1.] En cas de mesure prise au titre de l’article 9 du [règlement douanier], le destinataire des marchandises peut demander au tribunal de déterminer si les conditions prévues à cet article pour la suspension de la mainlevée sont remplies. Le tribunal peut décider la mainlevée des marchandises. [2.] Le destinataire des marchandises ne peut pas faire appel devant une autorité administrative supérieure de la décision de suspension de la mainlevée prise par l’administration des douanes et des contributions.» |
15 |
L’article 4 de l’arrêté no 12 portant application du règlement européen relatif aux marchandises soupçonnées de porter atteinte à certains droits de propriété intellectuelle ainsi que les mesures à prendre à l’égard de marchandises portant atteinte à certains droits de propriété intellectuelle (bekendtgørelse nr. 12 om anvendelse af Det Europæiske Fællesskabs forordning om toldmyndighedernes indgriben over for varer, der mistænkes for at krænke visse intellektuelle ejendomsrettigheder, og om de foranstaltninger, som skal træffes over for varer, der krænker sådanne rettigheder), du 9 janvier 2006, dispose ce qui suit: «[1.] Les marchandises reconnues comme des marchandises portant atteinte à un droit de propriété intellectuelle qui relèvent de la définition de l’article 2, paragraphe 1, du [règlement douanier] sont cédées au profit du Trésor public afin d’être détruites. La destruction est réalisée dans les conditions prévues à l’article 17, paragraphe 1, sous a), de ce règlement. [2.] Il n’est fait droit à aucune demande d’indemnisation lors de la destruction des marchandises conformément au paragraphe 1.» |
Le litige au principal et les questions préjudicielles
16 |
En janvier 2010, M. Blomqvist, résidant au Danemark, a commandé, par l’intermédiaire d’un site Internet chinois de vente en ligne, une montre décrite comme étant de la marque Rolex. La commande a été passée et a été payée à partir du site Internet anglais de ce vendeur. Celui-ci a expédié la montre depuis Hong Kong par colis postal. |
17 |
Le paquet a fait l’objet d’un contrôle par les autorités douanières lors de son arrivée au Danemark. Celles-ci ont suspendu le dédouanement de la montre, soupçonnant une contrefaçon de la montre originale de la marque Rolex et une violation des droits d’auteur sur le modèle concerné. Elles en ont informé, le 18 mars 2010, Rolex et M. Blomqvist. |
18 |
Rolex a alors demandé, conformément à la procédure prévue par le règlement douanier, que la suspension du dédouanement soit maintenue, après avoir constaté qu’il s’agissait effectivement d’une contrefaçon, et a sollicité de M. Blomqvist qu’il donne son accord pour que la montre soit détruite par les autorités douanières. |
19 |
M. Blomqvist, faisant valoir qu’il avait acheté légalement cette montre, s’est opposé à cette destruction. |
20 |
Rolex a alors saisi le Sø- og Handelsretten (tribunal de commerce) d’une action tendant à ce qu’il soit enjoint à M. Blomqvist d’admettre la suspension du dédouanement et la destruction de la montre sans indemnisation. Cette juridiction a fait droit à la demande de Rolex. |
21 |
M. Blomqvist a saisi en appel le Højesteret. Celui-ci s’interroge sur la réalité de l’atteinte, dans une situation telle que celle de l’espèce, à un droit de propriété intellectuelle, condition nécessaire à la mise en œuvre du règlement douanier, alors que, pour l’application de ce règlement, il faut, d’une part, qu’il s’agisse d’une violation du droit d’auteur ou d’un droit de marque protégé au Danemark et, d’autre part, que la violation alléguée ait eu lieu dans ce même État membre. Dès lors qu’il est établi que M. Blomqvist a acheté sa montre pour son usage personnel et qu’il n’a pas méconnu les lois danoises sur le droit d’auteur et sur les marques, se pose la question de savoir, pour la juridiction de renvoi, si le vendeur a violé le droit d’auteur et le droit des marques au Danemark. En conséquence, et au regard de la jurisprudence de la Cour (arrêts du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a., C-324/09, Rec. p. I-6011; du 1er décembre 2011, Philips et Nokia, C-446/09 et C-495/09, Rec. p. I-12435, et du 21 juin 2012, Donner, C‑5/11), le Højesteret se demande s’il est question, en l’espèce, d’une distribution au public, au sens de la directive sur le droit d’auteur, et d’un usage dans la vie des affaires, au sens de la directive sur les marques et du règlement sur la marque communautaire. |
22 |
Dans ces conditions, le Højesteret a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
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Sur les questions préjudicielles
23 |
À titre liminaire, il convient de relever que, par ses questions, la juridiction de renvoi cherche à être éclairée sur la notion de «distribution au public», au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive sur le droit d’auteur, ainsi que sur la notion d’«usage dans la vie des affaires», au sens de l’article 5, paragraphes 1 et 3, de la directive sur les marques et de l’article 9, paragraphes 1 et 2, du règlement sur la marque communautaire, afin de pouvoir apprécier, dans l’affaire au principal, l’existence d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle. |
24 |
Selon la définition des termes «marchandises de contrefaçon» et «marchandises pirates» figurant à l’article 2, paragraphe 1, du règlement douanier, ces notions visent des atteintes portées à une marque, à un droit d’auteur ou à un droit voisin ou encore à un dessin ou à un modèle, qui s’applique en vertu de la réglementation de l’Union ou en vertu du droit interne de l’État membre dans lequel sont intervenues les autorités douanières. Il s’ensuit que sont uniquement visées des atteintes à des droits de propriété intellectuelle tels que conférés par le droit de l’Union et le droit national des États membres (voir arrêt Philips et Nokia, précité, point 50). |
25 |
Le règlement douanier n’instaure à cet égard aucun nouveau critère permettant de vérifier l’existence d’une atteinte aux droits de propriété intellectuelle (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2006, Montex Holdings, C-281/05, Rec. p. I-10881, point 40). Une telle atteinte ne saurait, par conséquent, être invoquée pour justifier l’intervention des autorités douanières au titre de ce règlement que si la vente de la marchandise concernée est susceptible d’affecter des droits conférés dans les conditions prévues par la directive sur le droit d’auteur, la directive sur les marques et le règlement sur la marque communautaire. |
26 |
Dans ces conditions, il y a lieu de comprendre les questions préjudicielles en ce sens que la juridiction de renvoi cherche à savoir s’il résulte du règlement douanier que, pour que le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle sur une marchandise vendue à une personne résidant sur le territoire d’un État membre à partir d’un site Internet de vente en ligne situé dans un pays tiers bénéficie de la protection garantie à ce titulaire par ledit règlement au moment où cette marchandise entre sur le territoire de cet État membre, il est nécessaire que cette vente soit considérée, dans ledit État membre, comme une forme de distribution au public ou comme relevant d’un usage dans la vie des affaires. La juridiction de renvoi se demande également si, préalablement à la vente, ladite marchandise doit avoir fait l’objet d’une offre de vente ou d’une publicité s’adressant aux consommateurs du même État. |
27 |
À cet égard, il y a lieu de rappeler que, d’une part, le titulaire d’une marque est habilité, sur le fondement de la directive sur les marques et du règlement sur la marque communautaire, à interdire l’usage, sans son consentement, d’un signe identique à ladite marque par un tiers lorsque cet usage a lieu dans la vie des affaires, est fait pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, et porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque (arrêt du 23 mars 2010, Google France et Google, C-236/08 à C-238/08, Rec. p. I-2417, point 49 et jurisprudence citée). |
28 |
D’autre part, conformément à la directive sur le droit d’auteur, un droit exclusif est conféré aux auteurs d’autoriser ou d’interdire toute forme de distribution au public, par la vente ou autrement, de l’original de leurs œuvres ou de copies de celles-ci. La distribution au public se caractérise par une série d’opérations allant, à tout le moins, de la conclusion d’un contrat de vente à l’exécution de celui-ci par la livraison à un membre du public. Un commerçant est dès lors responsable de toute opération réalisée par lui-même ou pour son compte donnant lieu à une «distribution au public» dans un État membre où les biens distribués sont protégés par un droit d’auteur (voir, en ce sens, arrêt Donner, précité, points 26 et 27). |
29 |
Dans ces conditions, le droit de l’Union exige que cette vente soit considérée, sur le territoire d’un État membre, comme une forme de distribution au public, au sens de la directive sur le droit d’auteur, ou comme relevant d’un usage dans la vie des affaires, au sens de la directive sur les marques et du règlement sur la marque communautaire. L’existence d’une telle distribution au public doit être considérée comme avérée en cas de conclusion d’un contrat de vente et d’expédition. |
30 |
Il n’est pas contesté que, dans l’affaire au principal, Rolex est titulaire au Danemark des droits d’auteur et de marques qu’elle revendique et que la montre en cause dans cette affaire constitue une marchandise de contrefaçon et une marchandise pirate au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement douanier. Il n’est pas davantage contesté que Rolex eût été en droit de faire valoir l’atteinte à ses droits pour le cas où cette marchandise aurait été mise en vente par un commerçant établi dans cet État membre, puisque, à l’occasion d’une telle vente, intervenue à titre commercial, il aurait été fait usage, lors d’une distribution au public, de ses droits dans la vie des affaires. Il reste dès lors à vérifier, afin de répondre aux questions posées, si un titulaire de droits de propriété intellectuelle, tel que Rolex, peut prétendre à la même protection de ses droits pour le cas où, comme dans l’affaire au principal, la marchandise en cause a été vendue à partir d’un site Internet de vente en ligne situé dans un pays tiers sur le territoire duquel cette protection ne trouve pas à s’appliquer. |
31 |
Il est certes vrai que la simple accessibilité d’un site Internet sur le territoire couvert par cette protection ne suffit pas pour conclure que les offres de vente affichées sur ce site sont destinées à des consommateurs situés sur ce territoire (voir arrêt L’Oréal e.a., précité, point 64). |
32 |
Toutefois, la Cour a déjà jugé qu’il peut y avoir atteinte aux droits ainsi protégés lorsque, même avant leur arrivée sur le territoire couvert par cette protection, des marchandises provenant de pays tiers font l’objet d’un acte commercial dirigé vers les consommateurs situés sur ce territoire, tel qu’une vente, une offre à la vente ou une publicité (voir, en ce sens, arrêt Philips, précité, point 57 et jurisprudence citée). |
33 |
Ainsi, des marchandises provenant d’un État tiers et constituant une imitation d’un produit protégé dans l’Union européenne par un droit de marque ou une copie d’un produit protégé dans l’Union par un droit d’auteur, un droit voisin, ou encore un dessin ou un modèle peuvent porter atteinte à ces droits et donc être qualifiées de «marchandises de contrefaçon» ou de «marchandises pirates» lorsqu’il est prouvé qu’elles sont destinées à une mise en vente dans l’Union, une telle preuve étant rapportée, notamment, lorsqu’il s’avère que lesdites marchandises ont fait l’objet d’une vente à un client dans l’Union, d’une offre à la vente ou d’une publicité adressée à des consommateurs dans l’Union (voir, en ce sens, arrêt Philips et Nokia, précité, point 78). |
34 |
Or, il est constant que, dans l’affaire au principal, la marchandise en cause a fait l’objet d’une vente à un client dans l’Union, une telle situation n’étant dès lors, et en tout état de cause, pas comparable à celle des produits proposés sur une «place de marché en ligne» ni davantage à celle de produits introduits sur le territoire douanier de l’Union sous un régime suspensif. En conséquence, la seule circonstance que cette vente ait eu lieu à partir d’un site Internet de vente en ligne situé dans un pays tiers ne saurait avoir pour effet de priver le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle sur la marchandise ayant fait l’objet de la vente de la protection résultant du règlement douanier, sans qu’il soit nécessaire de vérifier si une telle marchandise a fait l’objet en outre, préalablement à cette vente, d’une offre au public ou d’une publicité adressée aux consommateurs de l’Union. |
35 |
Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que le règlement douanier doit être interprété en ce sens que le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle sur une marchandise vendue à une personne résidant sur le territoire d’un État membre à partir d’un site Internet de vente en ligne situé dans un pays tiers bénéficie, au moment où cette marchandise entre sur le territoire de cet État membre, de la protection garantie à ce titulaire par ledit règlement du seul fait de l’acquisition de ladite marchandise. Il n’est à cet effet pas nécessaire que, en outre, préalablement à la vente, la marchandise en cause ait fait l’objet d’une offre de vente ou d’une publicité s’adressant aux consommateurs de ce même État. |
Sur les dépens
36 |
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit: |
Le règlement (CE) no 1383/2003 du Conseil, du 22 juillet 2003, concernant l’intervention des autorités douanières à l’égard de marchandises soupçonnées de porter atteinte à certains droits de propriété intellectuelle ainsi que les mesures à prendre à l’égard de marchandises portant atteinte à certains droits de propriété intellectuelle, doit être interprété en ce sens que le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle sur une marchandise vendue à une personne résidant sur le territoire d’un État membre à partir d’un site Internet de vente en ligne situé dans un pays tiers bénéficie, au moment où cette marchandise entre sur le territoire de cet État membre, de la protection garantie à ce titulaire par ledit règlement du seul fait de l’acquisition de ladite marchandise. Il n’est à cet effet pas nécessaire que, en outre, préalablement à la vente, la marchandise en cause ait fait l’objet d’une offre de vente ou d’une publicité s’adressant aux consommateurs de ce même État. |
Signatures |
( *1 ) Langue de procédure: le danois.