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Document 62013CC0684

Conclusions de l'avocat général Wahl présentées le 26 février 2015.
Johannes Demmer contre Fødevareministeriets Klagecenter.
Demande de décision préjudicielle: Vestre Landsret - Danemark.
Renvoi préjudiciel - Agriculture - Politique agricole commune - Régime de paiement unique - Règlement (CE) nº 1782/2003 - Article 44, paragraphe 2 - Règlement (CE) nº 73/2009 - Article 34, paragraphe 2, sous a) - Notion d’‘hectare admissible au bénéfice de l’aide’ - Surfaces bordant les pistes d’atterrissage, les voies de circulation et les prolongements d’arrêt - Utilisation à des fins agricoles - Admissibilité - Récupération des aides agricoles indûment accordées.
Affaire C-684/13.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2015:131

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 26 février 2015 ( 1 )

Affaire C‑684/13

Johannes Demmer

contre

Fødevareministeriets Klagecenter

[demande de décision préjudicielle formée par le Vestre Landsret (Danemark)]

«Politique agricole commune — Récupération des aides agricoles indûment allouées et indûment versées — Surfaces admissibles au bénéfice de l’aide — ‘Hectare admissible au bénéfice de l’aide’ — Activité agricole et activité non agricole — Bandes de piste des aérodromes — Production sur ces surfaces d’herbe destinée à la fabrication de pellets végétaux — Utilisation essentielle — Restrictions quant à l’utilisation des bandes de piste des aérodromes — Erreur qui aurait raisonnablement pu être décelée par l’agriculteur — Bonne foi»

1. 

Un agriculteur qui produit et fauche de l’herbe sur des bandes de piste entourant les pistes d’atterrissage d’aérodromes bénéficie-t-il d’un droit aux aides agricoles en ce qui concerne ces parcelles? Un litige opposant un agriculteur aux autorités danoises et portant précisément sur ce point a donné lieu aux questions posées à la Cour dans la présente affaire.

2. 

La demande de décision préjudicielle posée par le Vestre Landsret (cour d’appel de la région Ouest, Danemark) porte sur la manière dont il convient d’interpréter la notion d’«hectare admissible au bénéfice de l’aide» et, plus précisément, sur les paramètres permettant de déterminer les zones susceptibles ou non de constituer des superficies admissibles au bénéfice de l’aide agricole en vertu de la législation de l’Union applicable. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi a également des doutes en ce qui concerne le champ d’application de l’obligation de remboursement dans le cas d’une aide indûment octroyée: quels sont les critères pour déterminer les conditions dans lesquelles le bénéficiaire peut être dégagé de son obligation de remboursement?

3. 

J’exposerai ci-après les raisons pour lesquelles j’estime que des parcelles telles que celles en cause devant la juridiction de renvoi ne devraient, en principe, pas être considérées comme exclues du champ d’application de la notion d’«hectare admissible au bénéfice de l’aide». Comme je l’expliquerai ci-dessous, l’absence d’exclusion a priori d’une superficie située sur un aérodrome est également un élément pertinent pour déterminer si un agriculteur professionnel aurait raisonnablement pu déceler l’erreur ayant donné lieu à l’allocation indue de droits au paiement et au versement ultérieur de l’aide.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. Les règlements de base

4.

Le règlement (CE) no 1782/2003 ( 2 ) établit des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune. Conformément à son article 1er, le règlement no 1782/2003 instaure un nouveau type d’aide au revenu pour les agriculteurs.

5.

Aux termes de l’article 2, sous b), de ce règlement, la notion d’«exploitation» s’entend de l’«ensemble des unités de production gérées par l’agriculteur et situées sur le territoire d’un même État membre», tandis que l’article 2, sous c), définit la notion d’«activité agricole» comme «la production, l’élevage ou la culture de produits agricoles, y compris la récolte, la traite, l’élevage et la détention d’animaux à des fins agricoles, ou le maintien des terres dans de bonnes conditions agricoles et environnementales, telles que définies à l’article 5».

6.

L’article 44, paragraphe 1, du règlement no 1782/2003 dispose que tout droit au paiement lié à un hectare admissible au bénéfice de l’aide donne droit au paiement du montant fixé par le droit. L’article 44, paragraphe 2, définit l’«hectare admissible au bénéfice de l’aide» comme toute superficie agricole de l’exploitation occupée par des terres arables et des pâturages permanents, à l’exclusion des superficies occupées par des cultures permanentes et des forêts ou affectées à une activité non agricole.

7.

Le règlement no 1782/2003 a été remplacé par le règlement (CE) no 73/2009 ( 3 ) (ci-après, ensemble, les «règlements de base»), avec effet au 1er janvier 2009.

8.

Le considérant 2 du préambule du règlement no 73/2009 précise que l’abrogation du règlement no 1782/2003 s’explique notamment par les nombreuses et importantes modifications dont il avait fait l’objet. C’est donc par souci de clarté que le règlement no 73/2009 a été adopté. Il vise, notamment, à simplifier le fonctionnement du régime de paiement unique.

9.

L’article 2, sous b) et c), du règlement no 73/2009 définit les notions, respectivement, d’«exploitation» et d’«activité agricole» dans les mêmes termes que le règlement no 1782/2003.

10.

En vertu de l’article 34, paragraphe 1, du règlement no 73/2009, l’aide au titre du régime de paiement unique doit être octroyée aux agriculteurs après activation d’un droit au paiement par hectare admissible. Conformément à l’article 34, paragraphe 2, sous a), on entend par «hectare admissible» toute surface agricole de l’exploitation «[utilisée] aux fins d’une activité agricole ou, en cas d’utilisation également pour des activités autres qu’agricoles, essentiellement utilisées à des fins agricoles».

11.

L’article 137 du règlement no 73/2009 régit le remboursement des droits au paiement indûment alloués. Le paragraphe 1 de cet article dispose que les droits au paiement attribués aux agriculteurs avant le 1er janvier 2009 doivent être réputés légaux et réguliers à partir du 1er janvier 2010, sauf si, comme le prévoit l’article 137, paragraphe 2, les droits au paiement ont été attribués aux agriculteurs sur la base de demandes présentant des erreurs matérielles. Toutefois, cette exception ne s’applique que dans la mesure où «celles-ci ne pouvaient raisonnablement être décelées par l’agriculteur».

2. Les règlements d’application

12.

S’agissant de la période concernée (entre 2005 et 2009), les règlements no 1782/2003 et no 73/2009 ont été mis en œuvre notamment par le règlement (CE) no 795/2004 ( 4 ) et le règlement (CE) no 796/2004 ( 5 ) (ci-après, ensemble, les «règlements d’application»).

13.

L’article 2, sous a), du règlement no 795/2004 définit la «surface agricole» – condition préalable de sa qualification d’«hectare admissible» – comme l’ensemble de la superficie des terres arables, des pâturages permanents, et des cultures permanentes.

14.

Le règlement no 795/2004 a notamment été modifié par le règlement (CE) no 370/2009 ( 6 ) avec effet au 1er janvier 2009. L’article 3 quater suivant a ainsi été introduit dans le règlement no 795/2004:

«Aux fins de l’application de l’article 34, paragraphe 2, point a), du règlement (CE) no 73/2009, lorsqu’une surface agricole d’une exploitation est également utilisée pour des activités autres qu’agricoles, cette surface est considérée comme étant essentiellement utilisée à des fins agricoles si l’activité agricole peut être exercée sans être sensiblement gênée par l’intensité, la nature, la durée et le calendrier de l’activité non agricole.

Les États membres fixent les critères relatifs à la mise en œuvre du premier alinéa sur leur territoire.»

15.

Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 796/2004, les «terres arables» s’entendent notamment des terres labourées qui sont destinées à la production de cultures ou maintenues dans de bonnes conditions agricoles et environnementales. En vertu du paragraphe 2 de cet article, on entend par «pâturages permanents» des terres qui sont consacrées à la production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans ou davantage ( 7 ).

16.

L’article 12 du règlement no 796/2004 ( 8 ) est également pertinent en l’espèce. Conformément au paragraphe 1, sous f), de cet article, un agriculteur qui introduit une demande d’aide en vertu des régimes d’aide applicables doit fournir une déclaration attestant qu’il a pris connaissance des conditions d’octroi de l’aide concernée. En outre, l’article 12, paragraphe 4, dispose que, lors de l’introduction du formulaire de demande, l’agriculteur corrige le formulaire préimprimé si l’une des informations contenues dans les formulaires préimprimés est inexacte.

17.

L’article 73, paragraphe 1, du règlement no 796/2004 dispose que, en cas de paiement indu, l’agriculteur concerné doit rembourser les montants en cause majorés d’intérêts.

18.

Toutefois, l’article 73, paragraphes 4 et 5, dudit règlement prévoit une exception à cette règle:

«4.   L’obligation de remboursement visée au paragraphe 1 ne s’applique pas si le paiement a été effectué à la suite d’une erreur de l’autorité compétente ou d’une autre autorité, et si l’erreur ne pouvait raisonnablement être décelée par l’agriculteur.

Toutefois, lorsque l’erreur a trait à des éléments de fait pertinents pour le calcul de l’aide en question, le premier alinéa ne s’applique que si la décision de recouvrement n’a pas été communiquée dans les douze mois suivant le paiement.

5.   L’obligation de remboursement visée au paragraphe 1 ne s’applique pas si plus de dix ans se sont écoulés entre le jour du paiement de l’aide et celui de la première notification au bénéficiaire, par l’autorité compétente, du caractère indu du paiement reçu.

Toutefois, la période visée au premier alinéa est limitée à quatre ans si le bénéficiaire a agi de bonne foi.»

19.

Aux termes de l’article 73 bis, paragraphe 1, du règlement no 796/2004 ( 9 ), s’il est établi que des droits au paiement ont été alloués indûment, l’agriculteur doit céder ces droits qui devront être considérés comme n’ayant pas été attribués dès le départ.

B – Le droit danois

20.

En droit danois, les exigences applicables aux bandes de piste entourant les pistes d’atterrissage des aérodromes ont été fixées par le Trafikstyrelsen (l’Agence pour les transports terrestre, maritime et aérien, anciennement le Statens Luftfartsvæsen, l’Autorité des transports) dans les règles de l’aviation civile (Bestemmelser for Civil Luftfart, ci-après les «règles BL»).

21.

Les dispositions concernant la mise en culture des bandes de piste se trouvent dans les règles BL 3‑16, du 31 janvier 2005, concernant les mesures à prendre pour réduire le risque de collision entre les avions et les oiseaux ou mammifères sur les aérodromes. Conformément à ces règles:

«5.2.2.

Pour les superficies sans revêtement dur situées dans l’enceinte de l’aérodrome qui s’étendent sur une largeur de 150 m autour des limites de la piste ou des pistes:

a)

La superficie doit être plantée d’herbe […]

[…]

5.2.3.

Pour les superficies sans revêtement dur situées dans l’enceinte de l’aérodrome qui sont situées entre 150 et 300 m des limites de la piste ou des pistes:

a)

La superficie doit être utilisée pour la production d’herbe […]

b)

La superficie ne peut être utilisée pour la culture de céréales qu’après consultation du conseiller. La culture de semences annuelles n’est pas autorisée.

5.2.4.

Les superficies sans revêtement dur situées dans l’enceinte de l’aérodrome qui sont situées au-delà de 300 m des limites de la piste ou des pistes ne peuvent faire l’objet d’une exploitation agricole qu’après consultation du conseiller.

[…]

6.4.1.

En ce qui concerne la mise en culture des superficies, les règles suivantes doivent être gardées à l’esprit:

a)

L’herbe doit à tout moment être maintenue à une hauteur maximale de 20 cm sur les pistes et les voies de circulation dépourvues de gravier/revêtement dur […]

b)

Dans les zones visées au point 5.2.2 qui se situent hors de celles visées au paragraphe a), on s’efforcera de maintenir à tout moment l’herbe à une hauteur de 20 à, maximum, 40 cm […]».

II – Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

22.

Le 21 décembre 1999 et le 10 mai 2000, M. Demmer a conclu deux baux à ferme avec, respectivement, l’aéroport d’Aalborg et la base aérienne de Skrydstrup, portant sur des bandes de piste qui entourent les pistes d’atterrissage, les voies de circulation et les prolongements d’arrêt de ces aérodromes. Les superficies sont exploitées en vue de récolter de l’herbe pour la production de pellets végétaux.

23.

Ces contrats de bail à ferme stipulaient que M. Demmer avait, en tant que preneur à ferme, le droit de faucher et d’utiliser l’herbe qui poussait sur les superficies en question moyennant le paiement d’un fermage et le respect des conditions prévues dans les contrats. M. Demmer devait récolter de l’herbe de trois à quatre fois par an.

24.

Les contrats comprenaient plusieurs clauses portant sur l’entretien des superficies concernées. Parmi les stipulations prévues figuraient des conditions concernant le moment et les modalités de la coupe de l’herbe, ainsi que concernant l’utilisation d’engrais; le contrat conclu avec la base aérienne de Skrydstrup prévoyait une interdiction d’utiliser des pesticides ( 10 ).

25.

Aux termes de l’article 8 du contrat conclu avec la base aérienne de Skrydstrup, M. Demmer devait effectuer son travail sans gêner les opérations de vol et en respectant les directives et interdictions qui pourraient être émises par le service de contrôle aérien ou par l’administration des installations de la base aérienne de Skrydstrup.

26.

En vertu de l’article 6 du contrat qu’il avait conclu avec l’aéroport d’Aalborg, M. Demmer était tenu d’informer le bailleur du moment où il souhaitait avoir accès aux superficies affermées. Ce même article accordait également des droits illimités aux forces armées d’utiliser, ou de permettre à d’autres personnes d’utiliser, les superficies affermées pour organiser des exercices militaires de tout type.

27.

À partir de l’année 2005, M. Demmer a accepté, en vertu des deux contrats, d’utiliser les superficies de manière à garantir les droits au paiement alloués et d’envoyer les demandes y afférentes. À la suite d’une demande envoyée par M. Demmer, le FødevareErhverv (l’Agence pour le secteur alimentaire, désormais le NaturEhrverv, l’Agence pour l’agriculture et la pêche) lui a attribué, par décision du 29 mai 2006, des droits au paiement en ce qui concerne les superficies en cause, avec effet à dater de l’année 2005.

28.

Le 1er février 2006, M. Demmer a transféré les droits au paiement pour les superficies de l’aéroport d’Aalborg aux forces armées. Partant, pendant la période de 2006 à 2009, M. Demmer n’était donc le preneur que des superficies de la base aérienne de Skrydstrup et n’a reçu d’aide que pour ces superficies.

29.

En 2008, le FødevareErhverv a effectué une révision du registre des îlots de culture. À la suite de cette révision, certains des îlots de culture à l’égard desquels M. Demmer avait déclaré des superficies dans le cadre du régime de paiement unique ont été réduits dans le registre, voire radiés, au motif que, selon le FødevareErhverv, les bandes de piste des aérodromes ne pouvaient pas être considérées comme des surfaces agricoles admissibles au bénéfice de l’aide. À cet égard, M. Demmer a été informé qu’un réexamen des demandes des années précédentes aurait lieu, et que les droits au paiement alloués seraient recalculés.

30.

Par une décision du 2 mai 2011, le FødevareErhverv a décidé de réduire les droits au paiement de M. Demmer, ainsi que d’ordonner le remboursement de l’aide indûment versée pour les superficies de l’aéroport d’Aalborg en 2005 et de la base aérienne de Skrydstrup de 2005 à 2009.

31.

M. Demmer a introduit une réclamation contre cette décision auprès du Fødevareministeriets Klagecenter (le Centre des réclamations du ministère de l’Alimentation). En mai 2012, ce dernier a confirmé la décision du FødevareErhverv.

32.

Le 13 novembre 2012, M. Demmer a introduit un recours contre la décision du Fødevareministeriets Klagecenter auprès de la juridiction de renvoi. Celle-ci a saisi la Cour à titre préjudiciel des questions suivantes:

«1)

L’exigence que les superficies agricoles ne soient pas ‘affectées à une activité non agricole’ (article 44, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003) et celle que les surfaces agricoles soient utilisées ‘aux fins d’une activité agricole ou […] essentiellement utilisées à des fins agricoles’ [article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement no 73/2009] doivent-elles être interprétées en ce sens que l’octroi d’une aide est subordonné à la condition que l’utilisation première de la superficie soit une activité agricole?

a)

Dans l’affirmative, quels sont les paramètres à considérer pour déterminer l’activité qui constitue l’objectif ‘premier’ d’une superficie lorsque celle-ci a, simultanément, plusieurs destinations différentes?

b)

Dans l’affirmative, cela signifie-t-il, le cas échéant, que, par leur nature et l’utilisation qui en est faite, les bandes de piste entourant les pistes d’atterrissage, les voies de circulation et les prolongements d’arrêt, qui, d’une part, font partie de tout aérodrome et sont soumises à des règles et restrictions particulières, telles que celles du cas d’espèce, régissant leur utilisation, mais qui, d’autre part, sont aussi exploitées en vue de récolter de l’herbe pour la production de pellets végétaux, sont admissibles au bénéfice d’une aide en vertu des dispositions précitées?

2)

L’exigence que la superficie agricole doit faire partie de l’‘exploitation’ de l’agriculteur [article 44, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003 et article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement no 73/2009] doit-elle être interprétée en ce sens que des bandes de piste entourant les pistes d’atterrissage, les voies de circulation et les prolongements d’arrêt, qui, d’une part, font partie de tout aérodrome et sont soumises à des règles et restrictions particulières, telles que celles du cas d’espèce, régissant leur utilisation, mais qui, d’autre part, sont aussi exploitées en vue de récolter de l’herbe pour la production de pellets végétaux, sont admissibles au bénéfice d’une aide en vertu des dispositions précitées?

3)

Au cas où il conviendrait de répondre à la première question, sous b), et/ou à la deuxième question par la négative, est-on – pour le motif que les superficies en cause, en plus d’être utilisées comme pâturages permanents pour la production d’herbe destinée à la fabrication de pellets végétaux, constituent également des bandes de piste entourant, dans un aérodrome, les pistes d’atterrissage, les voies de circulation et les prolongements d’arrêt – en présence:

a)

d’erreurs qui auraient raisonnablement pu être décelées par l’agriculteur au sens de l’article 137 du règlement no 73/2009, des droits au paiement ayant, ce nonobstant, été alloués pour lesdites superficies?

b)

d’une erreur qui aurait raisonnablement pu être décelée par l’agriculteur au sens de l’article 73, paragraphe 4, du règlement no 796/2004, des aides ayant, ce nonobstant, été payées pour lesdites superficies?

c)

d’un paiement indu à propos duquel le bénéficiaire ne peut pas être considéré comme ayant agi de bonne foi au sens de l’article 73, paragraphe 5, du règlement no 796/2004, des aides ayant, ce nonobstant, été payées pour lesdites superficies?

4)

Quel moment faut-il prendre en considération pour apprécier:

a)

s’il s’est produit des erreurs qui ont raisonnablement pu être décelées par l’agriculteur, au sens de l’article 137 du règlement no 73/2009?

b)

s’il s’est produit une erreur qui a raisonnablement pu être décelée par l’agriculteur, au sens de l’article 73, paragraphe 4, du règlement no 796/2004?

c)

si le bénéficiaire de l’aide peut être considéré comme ayant agi de bonne foi, au sens de l’article 73, paragraphe 5, du règlement no 796/2004?

5)

L’appréciation visée à la quatrième question, sous a) à c), doit‑elle être effectuée pour chaque année concernée ou pour les paiements dans leur ensemble?»

33.

Des observations écrites ont été présentées, dans la présente procédure, par M. Demmer, les gouvernements danois, grec et polonais, ainsi que par la Commission européenne. La Cour a décidé de ne pas tenir d’audience.

III – Analyse

A – Questions préliminaires

34.

La juridiction de renvoi a posé plusieurs questions à la Cour. Toutefois, la problématique essentielle soulevée dans la procédure au principal se résume à trois questions étroitement liées: i) l’admissibilité au bénéfice de l’aide de parcelles situées sur des bandes de piste des aérodromes (première et deuxième questions); ii) les paramètres pour déterminer si le bénéficiaire doit être dispensé de l’obligation de rembourser des aides indûment allouées et versées (troisième question), et iii) la période qu’il convient de prendre en considération pour effectuer cette appréciation (quatrième et cinquième questions). Avant de traiter ces questions de manière plus approfondie, il est toutefois important d’examiner trois questions préliminaires qui ont une incidence sur l’analyse qui va suivre.

35.

En premier lieu, toute interprétation des règles régissant l’octroi d’aides au titre du régime de paiement unique doit prendre en compte le fondement qui sous‑tend l’octroi des aides agricoles. En ce qui concerne le régime de paiement unique en particulier, celui-ci a été introduit par le règlement no 1782/2003 dans le cadre de la réforme de la politique agricole de l’Union. Comme l’indique clairement son article 1er, l’objectif général du règlement no 1782/2003 était de mettre en place une nouvelle forme d’aide au revenu des agriculteurs. À cet égard, le régime de paiement unique contribue incontestablement à atteindre l’objectif sociopolitique de la politique agricole de l’Union, qui est de garantir un niveau de vie raisonnable aux personnes actives dans le secteur agricole ( 11 ). Cet objectif a des incidences sur l’interprétation des règlements de base.

36.

En deuxième lieu, comme l’a relevé la juridiction de renvoi, il existe une certaine disparité entre le règlement no 1782/2003 et le règlement no 73/2009 quant à ce qui constitue un «hectare admissible» aux fins desdits règlements. En effet, alors que, aux termes de l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003, toute superficie agricole de l’exploitation occupée par des terres arables et des pâturages permanents, à l’exclusion des superficies affectées à une activité non agricole, doit être considérée comme un «hectare admissible au bénéfice de l’aide», le règlement no 73/2009 prévoit, quant à lui, une définition quelque peu différente. En effet, l’article 34, paragraphe 2, sous a), dudit règlement dispose que toute surface agricole de l’exploitation utilisée aux fins d’une activité agricole ou, en cas d’utilisation également pour des activités autres qu’agricoles, essentiellement utilisées à des fins agricoles, doit être considérée comme un hectare admissible.

37.

Les modifications apportées ne sont aucunement insignifiantes. En effet, une lecture purement littérale permettrait d’argumenter que, au titre du règlement no 1782/2003, toute utilisation non agricole d’une superficie agricole la rendrait, de plein droit, inadmissible au bénéfice du régime de paiement unique. Toutefois, ainsi qu’il semble constant entre les parties, il n’y a pas lieu d’attacher une importance particulière à cette différence terminologique entre lesdits instruments. En effet, rien dans les travaux préparatoires au règlement no 73/2009 ne semble indiquer que l’intention du législateur était de modifier les règles applicables aux hectares admissibles au bénéfice de l’aide, qui constituent sans aucun doute l’une des pierres angulaires du régime de paiement unique.

38.

À mon avis, le législateur a plutôt eu l’intention de clarifier les règles régissant les régimes de soutien en faveur des agriculteurs. De surcroît, il n’est pas du tout inhabituel qu’une superficie soit utilisée aussi bien pour des activités agricoles que non agricoles. Partant, il semble logique que l’admissibilité au bénéfice de l’aide d’une telle superficie soit déterminée par rapport à ce qui constitue l’activité essentielle. Le règlement no 73/2009, lu à la lumière de l’article 3 quater du règlement no 795/2004, tel que modifié, répond, en partie, au besoin de clarté dans ce domaine. En effet, il ressort de ces dispositions qu’une utilisation mixte de la superficie ne l’exclut pas, de plein droit, du bénéfice de l’aide. La condition fondamentale de son admissibilité est au contraire qu’elle soit essentiellement utilisée à des fins agricoles ( 12 ). Par conséquent, j’estime qu’il convient d’examiner les questions posées par la juridiction de renvoi (en particulier, les première et deuxième questions) à la lumière du libellé du règlement no 73/2009, en ce qui concerne l’ensemble de la période examinée, à savoir entre l’année 2005 et l’année 2009.

39.

En troisième lieu, je souhaiterais souligner que la juridiction de renvoi fonde son approche sur le postulat selon lequel il s’agit de superficies utilisées aussi bien à des fins agricoles que non agricoles au sens des règlements de base. À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que M. Demmer a accepté d’utiliser les superficies de la base aérienne de Skrydstrup en tenant dûment compte des opérations de vol, et en respectant les éventuelles directives et interdictions. En vertu du bail à ferme afférent à l’aéroport d’Aalborg, les forces armées se sont réservé le droit, sans aucune restriction, d’utiliser les superficies, ou de permettre leur utilisation, en vue d’organiser toute forme d’entraînement militaire. Par ailleurs, lorsqu’il souhaitait avoir accès aux superficies, M. Demmer était tenu d’en informer le bailleur.

40.

Toutefois, le dossier ne fait pas clairement apparaître si des activités non agricoles ont été menées sur la superficie concernée ou si le bailleur a effectivement exercé ses droits contractuels à l’égard de cette superficie.

41.

Il convient donc d’émettre la réserve qui suit. Selon moi, ni l’existence de clauses telles que celles mentionnées ci-dessus ni la situation de la superficie en cause sur une bande de piste entourant les pistes d’atterrissage d’un aérodrome ne peuvent être considérées comme la preuve d’une activité non agricole. À cet égard, le fait pertinent est, selon moi, que des activités non agricoles (telles que des entraînements militaires ou des opérations de vol) y soient effectivement exercées.

42.

À mon avis, une clause contractuelle stipulant qu’une superficie doit être utilisée en tenant dûment compte des opérations de vol et en respectant les éventuelles directives et interdictions ne peut pas elle‑même être considérée comme une «activité». Il en va de même en ce qui concerne les stipulations définissant l’objectif d’une bande de piste d’aérodrome ou imposant certaines restrictions quant à son utilisation. En effet, il n’est pas du tout inhabituel que le bailleur se réserve certains droits sur la superficie affermée ou délimite la marge de manœuvre dont dispose l’agriculteur pour celle-ci (en ce qui concerne, par exemple, l’utilisation de pesticides, les cultures à semer, voire l’entretien de la superficie dans des conditions écologiquement rationnelles). Les règles et restrictions découlant aussi bien de la législation que des clauses contractuelles m’apparaissent tout au plus permettre l’exercice d’une activité non agricole.

43.

Il n’en convient pas moins de rappeler que, pour être admissible au bénéfice de l’aide, la superficie concernée doit, en tout état de cause, faire partie de l’exploitation de l’agriculteur. Comme on le verra aux points 60 et suivants des présentes conclusions, les règles et restrictions particulières applicables à l’utilisation de la superficie en cause sont pertinentes dans le cadre de cette appréciation (plutôt que pour déterminer si la superficie est affectée en premier lieu à une activité agricole par opposition à une activité non agricole).

44.

Quoi qu’il en soit, il appartient à la juridiction de renvoi d’établir si la superficie était ou non utilisée pour des entraînements militaires ou toute autre activité non agricole. Malgré ces réserves, et comme cette question n’a été traitée de manière approfondie ni par la juridiction de renvoi ni par les parties, je vais maintenant examiner les questions posées à titre préjudiciel en me fondant sur le postulat que les superficies en cause sont effectivement affectées à une utilisation mixte (aussi bien à des fins agricoles que non agricoles).

B – Un «hectare admissible au bénéfice de l’aide»

1. L’objectif premier et l’utilisation essentielle en cas d’utilisation mixte d’une superficie

45.

Par les première et deuxième questions, la juridiction de renvoi souhaiterait savoir, entre autres, si, pour qu’une surface agricole soit admissible au bénéfice de l’aide, l’élément déterminant est que l’utilisation première de cette superficie soit une activité agricole.

46.

Avant d’examiner cette question, je relève, à titre préliminaire, qu’il semble faire peu de doute que les superficies en cause dans l’affaire au principal constituent des surfaces agricoles au sens des règlements no 1782/2003 et no 73/2009. En effet, les superficies en cause sont exploitées en vue de récolter de l’herbe pour la production de pellets végétaux. Par conséquent, il est relativement aisé de qualifier ces superficies de superficies agricoles, car elles sont utilisées comme terres arables ou pâturages permanents au sens de l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement no 796/2004 ( 13 ). Il semble également incontesté que l’activité de M. Demmer, qui consiste à produire de l’herbe sur cette superficie, constitue une «activité agricole» au sens des règlements de base.

47.

En ce qui concerne, plus particulièrement, l’objectif de ces superficies, il semble raisonnable de supposer que leur objectif initial (ou la raison de leur existence) était de garantir la sécurité des aérodromes et du trafic aérien. À l’origine, il n’était peut-être pas prévu que ces superficies seraient utilisées à des fins agricoles. Il convient toutefois de clairement distinguer cette circonstance de l’objectif en vue duquel ces superficies sont actuellement et effectivement utilisées. Bien qu’il faille convenir qu’il s’agit là de notions difficiles à saisir, il semble compliqué de distinguer l’utilisation première des superficies – la notion à laquelle fait allusion la juridiction de renvoi dans ses questions – de l’utilisation essentielle de cette superficie au sens de l’article 34, paragraphe 2, du règlement no 73/2009. En effet, comme l’a déjà relevé l’avocat général Mazák, ce qui importe (s’agissant de l’expression «hectare admissible au bénéfice de l’aide») est ce à quoi la superficie est effectivement affectée, ou éventuellement ce qu’il y est effectivement planté, plutôt que les objectifs ou les buts (principaux) pour lesquels elle est utilisée ( 14 ). C’est la raison pour laquelle je considère que, lorsque se pose une question concernant l’admissibilité au bénéfice de l’aide d’une superficie, l’appréciation doit se faire au regard du critère de l’utilisation essentielle (et effective) de cette superficie.

48.

Bien qu’il ne soit pas applicable ratione temporis à l’ensemble de la période allant de l’année 2005 à l’année 2009, le règlement no 370/2009 (qui a inséré l’article 3 quater dans le règlement no 795/2004) donne des indications utiles quant aux critères à appliquer pour déterminer ce que constitue l’utilisation essentielle d’une superficie spécifique. En effet, l’article 3 quater du règlement no 795/2004 dispose qu’une superficie qui est utilisée aussi bien à des fins agricoles que non agricoles doit être considérée comme étant essentiellement utilisée à des fins agricoles dans la mesure où l’activité agricole en question peut être exercée sans être sensiblement gênée par l’intensité, la nature, la durée et le calendrier de l’activité non agricole.

49.

Se pose donc la question suivante: que signifie l’expression «sensiblement gênée» dans ce contexte? Je vais maintenant examiner cette question.

2. L’utilisation essentielle d’une parcelle

50.

Il serait certainement tentant de laisser cette question à la juridiction de renvoi, en raison de sa compétence exclusive dans l’appréciation des faits. Toutefois, pour assurer, dans la mesure du possible, l’application uniforme au sein de l’Union des règles en matière d’admissibilité (malgré la marge de manœuvre laissée aux États membres pour la mise en œuvre de ces règles conformément à l’article 3 quater, paragraphe 2, du règlement no 795/2004), je tenterai d’esquisser quelques paramètres qui seront utiles pour établir ce qui constitue une utilisation essentiellement agricole d’une parcelle spécifique ( 15 ).

51.

En premier lieu, je relèverai que la notion d’«utilisation essentielle» est, en soi, quelque peu trompeuse. En effet, si l’on ne tenait pas pleinement compte de l’article 3 quater du règlement no 795/2004, il serait raisonnable de penser que, pour être admissible au bénéfice d’une aide, seules des activités non agricoles qui sont purement accessoires ou secondaires peuvent être exercées sur la superficie concernée. Toutefois, l’article 3 quater abaisse expressément le seuil d’admissibilité. En effet, le fait qu’une utilisation essentielle exige simplement que l’activité agricole ne soit pas sensiblement gênée suggère, selon moi, que l’appréciation devrait se concentrer sur les conditions particulières qui entourent l’exercice de l’activité agricole et, plus particulièrement, sur les possibilités réelles d’exercer cette activité ( 16 ). À cet égard, rien ne s’oppose à ce que deux activités (ou plus) soient exercées sur la même superficie, à condition que les activités non agricoles ne gênent pas sensiblement l’exercice de l’activité agricole.

52.

Étant donné qu’il est impossible, et pas tout à fait souhaitable, d’établir une liste exhaustive de toutes les hypothèses dans lesquelles l’activité agricole doit être considérée comme essentielle, il est particulièrement important que la juridiction de renvoi tienne compte, dans son analyse, de toutes les circonstances factuelles liées aux différentes utilisations. Dans la mesure où l’on peut relever un certain degré d’ingérence dans l’exercice de l’activité agricole, l’étape suivante consiste à examiner si cette ingérence atteint un niveau qui peut être considéré comme «sensible». Pour atteindre ce seuil, il faut, selon moi, que l’agriculteur se heurte, dans l’exercice de l’activité agricole, à des difficultés ou obstacles réels et non dépourvus d’importance.

53.

Pour être plus précis, imaginons qu’un agriculteur conclue un contrat avec une station de ski. En vertu de ce contrat, l’agriculteur produit de l’herbe, mais fait également pâturer du bétail sur les superficies concernées, lesquelles font partie du domaine skiable durant la saison hivernale. En d’autres termes, les mêmes superficies sont affectées à des utilisations différentes. Toutefois, tant que l’activité non agricole ne rend pas plus difficile, pour l’agriculteur, la culture de la superficie et la récolte au cours des périodes concernées de l’année, l’activité non agricole peut difficilement être considérée comme un obstacle susceptible de sensiblement gêner les activités agricoles de l’agriculteur. D’évidentes comparaisons peuvent être établies avec l’organisation d’entraînements militaires: le simple fait que des entraînements militaires soient organisés (sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi) sur la parcelle concernée ne signifie pas que cette parcelle ne relève plus de la notion d’«hectares admissibles au bénéfice de l’aide» – aussi longtemps que ces entraînements ne gênent pas sensiblement l’activité agricole en cause.

54.

Bien que le recours aux prérogatives contractuelles applicables de même que les restrictions causées par l’exercice de l’activité non agricole (en l’espèce, l’organisation d’entraînements militaires ou le fonctionnement sans heurts des opérations de vol) soient tout à fait susceptibles d’imposer des contraintes à l’agriculteur, cela ne signifie pas nécessairement que l’activité agricole soit sensiblement gênée.

55.

À mon avis, l’admissibilité d’une superficie au bénéfice de l’aide ne devrait être considérée comme affectée que si l’activité non agricole entrave également l’utilisation agricole de la parcelle sur le plan temporel et/ou spatial ( 17 ). En ce sens, l’aspect crucial est que l’agriculteur puisse poursuivre l’activité agricole de son choix malgré l’exercice en parallèle d’une activité non agricole et, le cas échéant, l’application de règles et de restrictions particulières quant à l’utilisation de la parcelle concernée. Selon moi, l’activité agricole n’est pas sensiblement gênée lorsque l’agriculteur peut effectivement affecter la parcelle concernée à l’activité agricole de son choix ( 18 ).

56.

Le choix des activités agricoles pouvant être exercées est certes très limité en ce qui concerne les aérodromes, comme le soutiennent la Commission et le gouvernement danois. Il n’en demeure pas moins que le fauchage d’herbe à proximité de pistes d’atterrissage et de prolongements d’arrêt vise également d’autres objectifs (non agricoles), tels que la sécurité du trafic aérien: afin de respecter la réglementation en matière de sécurité aérienne, l’herbe doit de toute manière être coupée. Toutefois, ces circonstances sont dénuées d’importance dans le cadre du régime de paiement unique. L’aspect capital est plutôt, comme l’illustrent notamment l’article 34, paragraphe 2, du règlement no 73/2009 et l’article 3 quater du règlement no 795/2004, que l’agriculteur puisse poursuivre l’activité agricole de son choix sur la parcelle en cause.

57.

M. Demmer, par exemple, a choisi de produire de l’herbe destinée à la fabrication de pellets végétaux sur la parcelle en cause. Il s’agit là d’une activité agricole qui peut être exercée sans grande difficultés sur cette parcelle ( 19 ). Je ne vois guère de raison qui justifierait de le sanctionner pour avoir choisi une activité agricole qui peut être exercée en dépit des restrictions applicables et de l’activité non agricole «concurrente».

58.

Les craintes du gouvernement danois appellent en outre une remarque supplémentaire. Je ne pense pas que l’on repousserait trop loin les limites de l’admissibilité si l’on estimait, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, que l’activité agricole n’est pas sensiblement gênée par l’activité non agricole. On ne saurait en effet méconnaître qu’il s’agit en l’espèce de bases aériennes (militaires) de province. Plus précisément, il apparaît contraire au bon sens de soutenir que toute plateforme de transit d’envergure ou une zone verte entourant des autoroutes à trafic intense remplirait le critère mentionné au point 55 des présentes conclusions. En raison de l’intensité (mais peut-être également de la nature, de la durée et du calendrier) de l’activité non agricole exercée sur de telles surfaces, un agriculteur serait sans aucun doute empêché de poursuivre l’activité agricole de son choix durant, selon le cas, la saison des cultures ou celle des pâturages.

59.

Cette précision étant faite, j’en conclus que les bandes de piste entourant, dans un aérodrome, les pistes d’atterrissage, les voies de circulation et les prolongements d’arrêt qui sont soumises à des règles et à des restrictions particulières peuvent être «admissibles» au bénéfice d’une aide au sens de l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003 et de l’article 34, paragraphe 2, du règlement no 73/2009, à condition que l’activité agricole exercée sur ces surfaces ne soit pas sensiblement gênée par l’activité non agricole. Cela ne suffit toutefois pas pour que cette surface remplisse toutes les conditions pour pouvoir bénéficier de l’aide. Conformément à l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003 et à l’article 34, paragraphe 2, du règlement no 73/2009, les superficies examinées doivent également faire partie de l’exploitation de l’agriculteur. J’en viens maintenant à examiner cette question.

3. L’exigence selon laquelle la superficie doit faire partie de l’exploitation

60.

Il convient de relever, en premier lieu, que, en vertu de l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003 et de l’article 34, paragraphe 2, du règlement no 73/2009, toute surface agricole de l’exploitation est admissible au bénéfice de l’aide. L’article 2, sous b), du règlement no 1782/2003 (et du règlement no 73/2009) définit la notion d’«exploitation» comme l’«ensemble des unités de production gérées par l’agriculteur et situées sur le territoire d’un même État membre».

61.

La Cour a déjà eu l’occasion de clarifier la notion d’«exploitation» dans l’arrêt Landkreis Bad Dürkheim ( 20 ). Comme dans le cas d’espèce, l’agriculteur en cause dans cette affaire n’était pas entièrement libre d’utiliser les superficies concernées. Au contraire, il était tenu de respecter certaines instructions des autorités nationales pour assurer la réalisation de la finalité de protection de la nature et de conservation du paysage. Dans cette affaire, la Cour a affirmé que le critère décisif pour déterminer si une parcelle fait partie de l’exploitation de l’agriculteur est que celui-ci dispose d’une certaine autonomie dans l’utilisation de cette surface et qu’il détienne un pouvoir de décision suffisant pour exercer les activités agricoles concernées. Elle a toutefois pris soin de préciser que le critère de l’autonomie ne signifie pas que l’agriculteur doit disposer d’un pouvoir de disposition illimité sur la superficie concernée dans le cadre de l’utilisation de celle‑ci à des fins agricoles ( 21 ).

62.

Bien que l’affaire Landkreis Bad Dürkheim concerne le contexte spécifique de la protection de la nature, que la Cour a reconnu comme compatible avec les objectifs généraux du règlement no 73/2009, je considère néanmoins que la constatation faite ci-dessus au sujet du critère d’autonomie s’applique également dans le cadre de superficies affectées à des utilisations n’ayant pas de lien immédiat avec les objectifs du régime de paiement unique. Ainsi qu’il en ressort clairement, la question de savoir si une superficie fait partie de l’exploitation de l’agriculteur est étroitement liée à celle de savoir ce qui en constitue l’utilisation essentielle. En effet, les critères applicables semblent, dans une certaine mesure, converger ( 22 ).

63.

Dans le cas d’espèce, il s’agit de bandes de piste entourant, dans les aérodromes, les pistes d’atterrissage, les voies de circulation et les prolongements d’arrêt. Les règles et les restrictions applicables proviennent, d’une part, de dispositions nationales et internationales visant à assurer la sécurité du trafic aérien et, d’autre part, de clauses contractuelles. Elles concernent, entre autres, la manière dont les superficies doivent être entretenues, les cultures pouvant être semées et récoltées (en l’espèce, de l’herbe) et la hauteur tolérée de l’herbe. Par conséquent, il est difficile de nier qu’un agriculteur se trouvant dans la situation de M. Demmer ne dispose pas d’une entière autonomie en ce qui concerne l’utilisation des surfaces concernées.

64.

Toutefois, tant que l’agriculteur peut affecter la superficie à l’activité agricole de son choix sans que cette activité soit sensiblement gênée par l’activité non agricole exercée sur cette superficie (ou, en l’absence d’exercice effectif d’une activité non agricole, sans qu’elle le soit tout simplement par les règles et restrictions applicables), il n’y a aucune raison de considérer que les superficies en cause devant la juridiction de renvoi ne feraient pas elles-mêmes partie de l’exploitation de l’agriculteur au sens des règlements no 1782/2003 et no 73/2009. À condition que ce critère soit rempli, je ne vois pas pourquoi un agriculteur tel que M. Demmer ne détiendrait pas lui-même une autonomie et un pouvoir décisionnel suffisants pour exercer les activités agricoles concernées, comme l’exige la jurisprudence de la Cour.

65.

Pour conclure, j’attirerai l’attention sur le fait que le régime de paiement unique est une forme d’aide au revenu susceptible d’encourager l’agriculture dans des zones qui ne seraient sinon pas utilisées à cette fin. L’affaire devant la juridiction de renvoi en est un exemple. Toutefois, je me vois dans l’incapacité de trouver des motifs, dans le régime législatif applicable ou ailleurs, qui, du simple fait qu’une activité agricole est exercée sur des terres situées dans les limites d’un aérodrome, justifieraient l’exclusion de plein droit de cette superficie du bénéfice de l’aide. Dès lors que le critère identifié au point 55 des présentes conclusions est rempli, la localisation de la superficie est dénuée de pertinence.

66.

Partant, je considère qu’une superficie agricole qui consiste en des bandes de piste entourant, sur des aérodromes, des pistes d’atterrissage, des voies de circulation et des prolongements d’arrêt doit être considérée comme faisant partie d’une «exploitation» et donc comme admissible au bénéfice de l’aide au sens de l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003 et de l’article 34, paragraphe 2, du règlement no 73/2009, à condition que, malgré les règles et restrictions applicables, l’agriculteur dispose d’une autonomie et d’un pouvoir de décision suffisants pour exercer les activités agricoles de son choix sur les superficies concernées.

67.

Si, après avoir examiné l’ensemble des faits pertinents liés au litige pendant devant elle, la juridiction de renvoi vient à conclure que les surfaces en cause ne sont pas admissibles au bénéfice de l’aide pour le motif que les règles et restrictions gênent sensiblement l’activité agricole exercée par M. Demmer, se pose alors la question de savoir si M. Demmer aurait raisonnablement dû déceler le caractère erroné de l’allocation des droits au paiement et du versement de l’aide (troisième question). À cet égard, il convient également de déterminer la période à prendre en considération pour effectuer cette appréciation (quatrième et cinquième questions). J’examinerai ces questions ensemble dans les points qui suivent.

C – Erreurs qui peuvent raisonnablement être décelées par l’agriculteur et bonne foi

68.

La présente affaire soulève trois questions, qui sont de savoir: i) s’il y avait une erreur qu’aurait raisonnablement pu déceler l’agriculteur en ce qui concerne l’allocation des droits au paiement pour les superficies en cause; ii) s’il y avait une erreur qu’aurait raisonnablement pu déceler l’agriculteur au moment du versement de l’aide pour la superficie concernée; et, en dernier lieu, iii) si un bénéficiaire tel que M. Demmer peut être considéré comme ayant agi de bonne foi. La juridiction de renvoi a également des doutes s’agissant de la période à prendre en considération pour effectuer cette appréciation.

69.

En principe, les droits indûment alloués doivent être retirés et l’aide indûment versée doit être remboursée. Fondamentalement, l’objectif qui sous-tend la récupération de l’indu est incontestablement celui de protéger les intérêts financiers de l’Union et d’empêcher l’enrichissement sans cause ( 23 ). Cette idée est clairement exprimée aux articles 73, paragraphe 1, et 73 bis du règlement no 796/2004. Cette règle comporte toutefois des exceptions.

70.

Ces exceptions figurent à l’article 137, paragraphe 2, du règlement no 73/2009 (droits au paiement indûment alloués) et à l’article 73, paragraphes 4 et 5, du règlement no 796/2004 (paiement indu de l’aide). Comme l’a relevé le gouvernement danois, il est indéniable que ces dispositions visent à assurer que le principe de protection de la confiance légitime soit respecté ( 24 ). Il reste toutefois à savoir si ces exceptions s’appliquent dans les circonstances de l’espèce.

71.

Avant de répondre à cette question, je relèverai, à titre liminaire, que, en vertu de l’approche adoptée ci-dessus, l’admissibilité au bénéfice de l’aide de terres situées dans les limites des aérodromes doit être examinée au cas par cas. En effet, l’admissibilité ne saurait être exclue d’emblée. Elle peut également varier d’une année à l’autre. En réalité, les bandes de piste qui entourent, sur les aérodromes, les pistes d’atterrissage, les voies de circulation et les prolongements d’arrêt peuvent constituer des hectares admissibles au bénéfice de l’aide à condition que l’agriculteur puisse effectivement poursuivre l’activité agricole de son choix sur les parcelles en cause. Il convient également de garder à l’esprit que l’agriculture constitue une activité professionnelle. Selon moi, il convient d’accorder une importance particulière à cette circonstance lorsqu’il s’agit de déterminer le niveau de diligence devant être exercée par l’agriculteur lorsque celui-ci demande une aide au titre du régime de paiement unique.

72.

En ce qui concerne ce dernier point, j’aimerais attirer l’attention sur l’article 12 du règlement no 796/2004 et, en particulier, sur l’article 12, paragraphes 1, sous f), et 4, de ce règlement. En vertu de ces dispositions, il incombe à l’agriculteur de vérifier l’exactitude des informations figurant sur le formulaire préimprimé utilisé pour demander une aide en vertu du régime de paiement unique. Il ressort également de ces dispositions que le régime d’aide au revenu mis en place par les règlements de base repose sur la prémisse selon laquelle les agriculteurs ont pris connaissance des conditions régissant l’octroi de l’aide au titre des régimes concernés. Ces dispositions incarnent l’idée selon laquelle les agriculteurs sont censés, en tant que professionnels, exercer une attention particulière en introduisant une demande d’aide et avoir pris connaissance des conditions d’octroi de cette aide.

73.

De plus, comme le relève la Commission, le fait que les autorités compétentes aient alloué des droits au paiement en ce qui concerne des superficies spécifiques ou qu’une aide ait été versée en ce qui concerne ces superficies n’«exonère» pas l’agriculteur de ses obligations. En effet, les dispositions visées par la juridiction de renvoi dans ses questions, et, en particulier, l’article 73 du règlement no 796/2004, concernent des hypothèses où un paiement indu a déjà été versé. Au surplus, en vertu de l’article 73 bis de ce règlement, l’agriculteur doit céder les droits indûment alloués, lesquels sont considérés comme n’ayant jamais été attribués. Par conséquent, le simple fait que des droits au paiement aient été alloués (voire que des paiements aient été effectués) ne signifie pas que l’aide indûment perçue doive être considérée comme régulière. Au contraire, il existe un risque, dont les agriculteurs sont supposés avoir connaissance, que des corrections doivent être faites, même après que le paiement a eu lieu.

74.

Partant, un agriculteur professionnel tel que M. Demmer est censé connaître les conditions liées aux «hectares admissibles au bénéfice de l’aide» au sens de l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003 et de l’article 34, paragraphe 2, du règlement no 73/2009. Par conséquent, il ne paraît pas particulièrement sévère d’exiger d’un tel agriculteur – en particulier en raison de son expérience professionnelle ( 25 ) – qu’il ait pris connaissance des règles particulières qui s’appliquent aux superficies affectées à une utilisation mixte ( 26 ). En ce qui concerne, plus spécifiquement, la question de la bonne foi et de l’aide déjà versée, je relèverai simplement que le fait que le versement ait eu lieu a peu d’importance lorsqu’il s’agit de déterminer si le bénéficiaire peut être considéré comme ayant agi de bonne foi. Dans le cas particulier d’un régime d’aide de soutien au revenu d’un groupe de professionnels, l’appréciation de la bonne foi devrait, tout comme c’est le cas pour le critère du caractère raisonnable mentionné plus haut, reposer sur des éléments objectifs.

75.

En ce qui concerne le point de référence temporel de cette appréciation, je ferai les observations suivantes.

76.

En premier lieu, l’article 137 du règlement no 73/2009 prévoit que les droits au paiement indûment alloués avant le 1er janvier 2009 doivent être régularisés à partir du 1er janvier 2010. Toutefois, cette règle s’applique uniquement dans la mesure où l’erreur qui a donné lieu au paiement indu ne pouvait raisonnablement être décelée par l’agriculteur. À cet égard, il ressort des pièces du dossier que les superficies litigieuses ont été retirées du cadastre au cours de l’année 2008. C’est alors que M. Demmer s’est vu communiquer cette information, de même que l’intention de l’autorité compétente de réexaminer les demandes déposées au titre des années précédentes et de recalculer les droits au paiement. De ce fait, je considère que l’article 137, paragraphe 2, du règlement no 73/2009 n’est pas applicable dans les circonstances de l’affaire pendante devant la juridiction de renvoi.

77.

De manière générale, pour que cette disposition puisse s’appliquer, l’erreur doit être telle qu’elle ne pouvait raisonnablement être décelée par l’agriculteur avant le 1er janvier 2010. Si l’on suppose que l’activité agricole exercée par l’agriculteur a été sensiblement gênée par l’activité non agricole (à une date quelconque avant le 1er janvier 2010), je ne vois pas comment l’on pourrait sérieusement soutenir qu’un agriculteur, agissant en sa qualité de professionnel, ne pouvait déceler l’erreur ayant donné lieu aux droits au paiement alloués.

78.

En deuxième lieu, l’article 73 du règlement no 796/2004 concerne des paiements ayant déjà été versés. Compte tenu de l’information dont disposait M. Demmer en 2008, dans les circonstances particulières du cas d’espèce, les exceptions à la récupération de l’indu prévues à l’article 73, paragraphes 4 et 5, ne s’appliquent qu’en ce qui concerne la période antérieure à cette date.

79.

Le moment auquel il convient d’apprécier si un agriculteur pouvait raisonnablement déceler une erreur ayant donné lieu à un paiement indu aux fins de l’article 73, paragraphe 4, du règlement no 796/2004 devrait, selon moi, être celui du paiement, comme l’indique d’ailleurs clairement cette disposition. En effet, pourquoi l’agriculteur devrait-il être empêché de demander une aide lorsque des superficies peuvent, après tout, constituer des hectares éligibles au bénéfice de l’aide?

80.

Dans le cas, en particulier, d’une utilisation mixte de la superficie, il est tout à fait concevable que les conséquences que les restrictions, aussi bien législatives que contractuelles, exercent sur l’utilisation de la superficie concernée ne se manifestent concrètement qu’au cours de l’année considérée. Par exemple, il pourrait ne pas être possible de prédire, avant le dépôt de la demande, si (et, dans l’affirmative, dans quelle mesure) le propriétaire des terres exercera effectivement ses prérogatives contractuelles (des entraînements militaires dans le cas d’espèce) ou si l’agriculteur pourra effectivement affecter la superficie en cause à l’activité agricole de son choix. Dans la mesure où l’aide est versée pour une seule année à la fois, l’appréciation effectuée au titre de l’article 73, paragraphe 4, du règlement no 796/2004 devrait, selon moi, être effectuée au titre de chaque année séparément. En effet, comme expliqué ci-dessus, les circonstances peuvent changer au cours du temps.

81.

En troisième et dernier lieu, conformément à l’article 73, paragraphe 5, du règlement no 796/2004, l’obligation de remboursement est limitée à quatre ans lorsque le bénéficiaire a agi de bonne foi. Comme je l’ai indiqué ci-dessus, je ne pense pas qu’un agriculteur ayant réellement l’intention d’affecter la parcelle en cause à une activité agricole spécifique devrait être sanctionné pour avoir demandé une aide. Il peut en effet n’être qu’ultérieurement en mesure de déterminer si les restrictions concernant l’utilisation des parcelles sont telles qu’elles l’empêchent d’utiliser celles-ci aux fins de l’activité agricole de son choix.

82.

Cela dit, afin de pouvoir bénéficier de l’exception prévue à l’article 73, paragraphe 5, l’agriculteur doit, du fait, en particulier, de la nécessité d’éviter un enrichissement sans cause, agir de bonne foi (c’est‑à‑dire être sincèrement convaincu que l’activité agricole de son choix peut effectivement être exercée sur la parcelle) à tout moment, du jour où les droits au paiement sont alloués jusqu’à la date du versement de l’aide. Par conséquent, l’appréciation de la bonne foi aux fins de l’article 73, paragraphe 5, du règlement no 796/2004 doit se faire au titre de chaque année séparément et la bonne foi doit subsister jusqu’au jour du paiement.

IV – Conclusion

83.

Compte tenu de ce qui précède, je propose à la Cour de répondre aux questions posées par le Vestre Landsret de la manière suivante:

1)

Les bandes de piste qui entourent les pistes d’atterrissage, les voies de circulation et les prolongements d’arrêt peuvent être admissibles au bénéfice d’une aide, au sens de l’article 44, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) no 2019/93, (CE) no 1452/2001, (CE) no 1453/2001, (CE) no 1454/2001, (CE) no 1868/94, (CE) no 1251/1999, (CE) no 1254/1999, (CE) no 1673/2000, (CEE) no 2358/71 et (CE) no 2529/2001, et de l’article 34, paragraphe 2, du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement no 1782/2003, à condition que, nonobstant les règles et restrictions applicables, l’agriculteur soit effectivement en mesure d’affecter la parcelle en cause à l’activité agricole de son choix.

2)

Lorsqu’un agriculteur fait une demande d’aide au titre d’une activité agricole exercée sur des bandes de piste qui entourent les pistes d’atterrissage, les voies de circulation et les prolongements d’arrêt:

a)

il existe une erreur que pouvait raisonnablement déceler celui-ci, au sens de l’article 73, paragraphe 4, du règlement (CE) no 796/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement no 1782/2003 (tel que modifié), s’il savait, à la date du paiement de l’aide, qu’il ne pouvait pas effectivement affecter la superficie en cause à l’activité agricole de son choix au cours de l’année concernée, et

b)

le bénéficiaire de l’aide ne peut pas être considéré comme ayant agi de bonne foi au sens de l’article 73, paragraphe 5, du règlement no 796/2004 si, à la date du paiement de l’aide, l’agriculteur savait qu’il ne pouvait effectivement pas affecter la superficie en cause à l’activité agricole de son choix au cours de l’année concernée.

3)

L’appréciation visée au point 2, sous a) et b), doit être faite séparément pour chaque année concernée.


( 1 ) Langue originale: l’anglais.

( 2 ) Règlement du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) no 2019/93, (CE) no 1452/2001, (CE) no 1453/2001, (CE) no 1454/2001, (CE) no 1868/94, (CE) no 1251/1999, (CE) no 1254/1999, (CE) no 1673/2000, (CEE) no 2358/71 et (CE) no 2529/2001 (JO L 270, p. 1), tel que modifié.

( 3 ) Règlement du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement no 1782/2003 (JO L 30, p. 16), tel que modifié.

( 4 ) Règlement de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application du régime de paiement unique prévu par le règlement no 1782/2003 (JO L 141, p. 1), tel que modifié.

( 5 ) Règlement de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement no 1782/2003 (JO L 141, p. 18), modifié par le règlement (CE) no 2184/2005 de la Commission, du 23 décembre 2005, modifiant les règlements no 796/2004 et (CE) no 1973/2004 portant modalités d’application du règlement no 1782/2003 (JO L 347, p. 61), tel que modifié.

( 6 ) Règlement de la Commission, du 6 mai 2009, modifiant le règlement no 795/2004 (JO L 114, p. 3).

( 7 ) Voir également article 2, sous b) et e), du règlement no 795/2004.

( 8 ) Tel que modifié par le règlement (CE) no 2184/2005 de la Commission, du 23 décembre 2005, modifiant les règlements no 796/2004 et (CE) no 1973/2004 portant modalités d’application du règlement no 1782/2003 (JO L 347, p. 61).

( 9 ) Tel que modifié par le règlement (CE) no 239/2005 de la Commission, du 11 février 2005, modifiant et rectifiant le règlement no 796/2004 (JO L 42, p. 3).

( 10 ) Articles 4 à 8 du contrat conclu entre M. Demmer et la base aérienne de Skrydstrup et articles 4 et 6 à 8 du contrat conclu entre M. Demmer et l’aéroport d’Aalborg.

( 11 ) Voir article 39, paragraphe 1, sous b), TFUE. Pour une analyse, voir Hartig Danielsen, J., EU Agricultural Law, Kluwer Law International, Alphen An den Rijn, 2013, p. 17 et suiv.

( 12 ) Voir, également, article 9 du règlement (CE) no 1120/2009 de la Commission, du 29 octobre 2009, portant modalités d’application du régime de paiement unique prévu par le titre III du règlement no 73/2009 (JO L 316, p. 1), et article 32, paragraphes 2, sous a), et 3, du règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) no 637/2008 du Conseil et le règlement no 73/2009 (JO L 347, p. 608), qu’il n’y a pas lieu d’appliquer, ratione temporis, à la présente affaire.

( 13 ) Voir arrêt Landkreis Bad Dürkheim (C‑61/09, EU:C:2010:606, point 37). Pour que des terres soient qualifiées de superficie agricole, il n’est pas nécessaire qu’elles soient utilisées exclusivement à des fins agricoles.

( 14 ) Voir, à cet effet, conclusions de l’avocat général Mazák dans l’affaire Landkreis Bad Dürkheim (C‑61/09, EU:C:2010:265, point 26). Ce point de vue a été confirmé par la Cour dans l’arrêt Landkreis Bad Dürkheim (EU:C:2010:606, point 49).

( 15 ) Selon le considérant 3 du préambule du règlement no 370/2009, il y a lieu d’établir un cadre de critères pour l’ensemble des États membres. Selon l’interprétation que j’en fais, cette affirmation traduit le souhait du législateur d’assurer, dans la mesure du possible, une application uniforme des règles régissant l’octroi d’aides.

( 16 ) Voir, à cet effet, conclusions de l’avocat général Jääskinen dans l’affaire Wree (C‑422/13, EU:C:2014:2108, points 38 à 41). Selon l’avocat général, il convient d’accorder une importance particulière aux caractéristiques objectives de la superficie, ainsi qu’à l’objectif de l’activité agricole en cause.

( 17 ) Ibidem, en ce sens, points 36 à 38.

( 18 ) Voir, dans le même sens, conclusions de l’avocat général Mazák dans l’affaire Landkreis Bad Dürkheim (EU:C:2010:265, point 58), examinant les critères devant être pris en compte pour déterminer si une superficie fait partie de l’exploitation de l’agriculteur. Voir, en ce qui concerne le chevauchement des critères applicables, point 62 des présentes conclusions.

( 19 ) L’analyse aboutirait certainement à une conclusion différente si un agriculteur se trouvant dans la situation de M. Demmer avait souhaité cultiver, par exemple, de l’avoine, qui, à ma connaissance, doit être récolté dans des conditions spécifiques, ou faire pâturer du bétail sur les bandes de piste des aérodromes en cause.

( 20 ) EU:C:2010:606.

( 21 ) EU:C:2010:606, points 59 à 66 et jurisprudence citée. Bien que cet aspect ne soit pas directement en cause en l’espèce, il est utile de relever que, outre le critère de l’autonomie, la Cour a jugé que, pour qu’une surface soit attribuée à une exploitation, les surfaces admissibles au bénéfice de l’aide doivent être à la disposition de l’agriculteur pendant une période de dix mois au moins. De plus, les superficies litigieuses ne doivent faire l’objet d’aucune activité agricole exercée par un tiers au cours de ladite période.

( 22 ) Voir, également, conclusions de l’avocat général Jääskinen dans l’affaire Landesamt für Landwirtschaft (EU:C:2014:2108, point 40). Il considère que le critère de l’«autonomie suffisante» mentionné dans l’arrêt Landkreis Bad Dürkheim peut être utilisé mutatis mutandis pour apprécier si l’activité agricole est sensiblement gênée.

( 23 ) Voir arrêt Strawson et Gagg & Sons (C‑304/00, EU:C:2002:695, point 41).

( 24 ) Voir, à cet effet, arrêt Agroferm (C‑568/11, EU:C:2013:407, point 52). Voir, également, conclusions de l’avocat général Kokott dans cette affaire (C‑568/11, EU:C:2013:35, points 47 et suiv.).

( 25 ) Voir, par analogie, la jurisprudence de la Cour en matière de recouvrement a posteriori des droits de douane, arrêt Ilumitrónica (C‑251/00, EU:C:2002:655, point 54 et jurisprudence citée). Dans ce contexte, la Cour accorde une importance particulière à l’expérience professionnelle de l’opérateur pour déterminer si le redevable a agi de bonne foi ou, en d’autres termes, si l’absence de perception était due à une erreur que la personne en cause ne pouvait raisonnablement déceler.

( 26 ) Voir, mutatis mutandis, arrêt Schilling et Nehring (C‑63/00, EU:C:2002:296, point 41).

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