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Document 62012CC0531

    Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 27 février 2014.
    Commune de Millau et Société d'économie mixte d'équipement de l'Aveyron (SEMEA) contre Commission européenne.
    Pourvoi – Clause compromissoire – Contrat de subvention portant sur une action de développement local – Remboursement d’une partie des avances versées – Reprise de dette – Compétence du Tribunal – Prescription – Responsabilité de la Commission.
    Affaire C-531/12 P.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2014:1946

    CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    M ME JULIANE KOKOTT

    présentées le 27 février 2014 ( 1 )

    Affaire C‑531/12 P

    Commune de Millau et Société d’économie mixte d’équipement de l’Aveyron (SEMEA)

    contre

    Commission européenne

    «Pourvoi — Clause compromissoire — Contrat de subvention portant sur une action de développement local — Répétition de l’indu — Prescription — Opposabilité d’une clause compromissoire — Stipulation pour autrui»

    I – Introduction

    1.

    Dans la présente procédure de pourvoi, la Cour aura à se prononcer en partie sur des questions d’espèce et en partie sur des questions de principe.

    2.

    Premièrement, le présent pourvoi fournit l’occasion de clarifier si, et, le cas échéant, dans quelles conditions, un pourvoi déposé initialement sans mandat peut déployer des effets juridiques à la lumière du nouveau règlement de procédure de la Cour, entré en vigueur le 1er novembre 2012, lorsque le mandat en question est finalement produit en cours de procédure.

    3.

    Deuxièmement, il se pose la question de savoir si, et, le cas échéant, dans quelles conditions, des tiers au contrat peuvent se voir opposer une clause compromissoire au titre de l’article 272 TFUE, rendant les juridictions de l’Union compétentes également pour des procédures à leur égard.

    4.

    Troisièmement, il y a lieu d’exposer si, et, le cas échéant, dans quelles conditions, la Cour peut contrôler, dans le cadre de la procédure de pourvoi, l’application en première instance du droit national faite par le Tribunal sur la base d’un choix effectué par les parties ( 2 ).

    5.

    Quatrièmement, il se pose la question de savoir s’il peut être tiré du droit de l’Union, et notamment du droit à une bonne administration, un principe selon lequel la restitution d’une somme peut être exclue lorsque l’institution de l’Union européenne créancière n’a pas déployé toute sa diligence aux fins du recouvrement de ses créances, bien que celles-ci ne soient, éventuellement, pas prescrites.

    II – Le cadre juridique

    A – Le droit primaire

    6.

    L’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte») régit le «droit à une bonne administration» et dispose:

    «Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union.»

    7.

    L’article 256, paragraphe 1, deuxième alinéa, TFUE dispose:

    «Les décisions rendues par le Tribunal [...] peuvent faire l’objet d’un pourvoi devant la Cour de justice, limité aux questions de droit, dans les conditions et limites prévues par le statut.»

    8.

    L’article 272 TFUE dispose:

    «La Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer en vertu d’une clause compromissoire contenue dans un contrat de droit public ou de droit privé passé par l’Union [ ( 3 )] ou pour son compte.»

    9.

    L’article 58, paragraphe 1, du statut de la Cour de justice dispose:

    «Le pourvoi devant la Cour de justice est limité aux questions de droit. Il peut être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal, d’irrégularités de procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ainsi que de la violation du droit de l’Union par le Tribunal.»

    B – Le règlement de procédure de la Cour

    10.

    L’article 119 du règlement de procédure dispose:

    «[...]

    2.   Les agents et avocats sont tenus de déposer au greffe un document officiel ou un mandat délivré par la partie qu’ils représentent.

    [...]

    4.   Si ces documents ne sont pas déposés, le greffier fixe à la partie concernée un délai raisonnable pour les produire. À défaut de cette production dans le délai imparti, la Cour décide, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, si l’inobservation de cette formalité entraîne l’irrecevabilité formelle de la requête ou du mémoire.»

    11.

    L’article 168 du règlement de procédure dispose:

    «[...]

    2.   Les articles 119, 121 et 122, paragraphe 1, du présent règlement sont applicables au pourvoi.

    [...]

    4.   Si le pourvoi n’est pas conforme aux paragraphes 1 à 3 du présent article, le greffier fixe au requérant un délai raisonnable aux fins de régularisation de la requête. À défaut de cette régularisation dans le délai imparti, la Cour décide, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, si l’inobservation de cette formalité entraîne l’irrecevabilité formelle de la requête.»

    C – Le règlement de procédure du Tribunal

    12.

    L’article 44, paragraphe 5 bis, du règlement de procédure dispose:

    «La requête présentée en vertu d’une clause compromissoire contenue dans un contrat de droit public ou de droit privé passé par l’Union ou pour son compte conformément à l’article 272 TFUE doit être accompagnée d’un exemplaire du contrat qui contient cette clause.»

    III – Les faits à l’origine du litige

    13.

    Au mois de juillet 1990, la Communauté économique européenne, représentée par la Commission des Communautés européennes, a conclu avec la Société d’économie mixte d’équipement de l’Aveyron (SEMEA), dont la commune de Millau (France) détenait 50 % du capital, un contrat de subvention portant sur la réalisation d’un projet de développement local. Conformément à la volonté des parties, le contrat de subvention est soumis à la loi française, d’une part, et, «à défaut d’un règlement amiable, la Cour de justice des Communautés européennes est seule compétente pour statuer sur tout litige concernant le contrat et survenant entre les parties contractantes», d’autre part.

    14.

    En accord avec la Commission, toutefois, la réalisation du projet de développement n’a pas été menée par SEMEA, mais par une association fondée à cet effet. Cette dernière n’a cependant pas souscrit le contrat de subvention, de sorte que SEMEA est restée le cocontractant de la Communauté.

    15.

    Après avoir constaté que la Communauté avait effectué des paiements excédentaires, la Commission a réclamé à SEMEA, en 1993, la restitution de la somme de 41012 écus (ci-après la «créance litigieuse»). Bien que la SEMEA n’ait pas donné suite à cette sommation de payer, la Commission n’a, dans un premier temps, pas formulé d’autres mises en demeure.

    16.

    Ce n’est qu’en 2005, soit environ douze ans après, que la Commission a de nouveau sollicité le paiement de la créance litigieuse. La SEMEA a fait remarquer à la Commission que la société se trouvait, entre-temps, en liquidation. En outre, la SEMEA a affirmé que l’association chargée de l’exécution du projet subventionné lui avait assuré que la Commission avait renoncé à la créance litigieuse, laquelle, entre-temps, s’était d’ailleurs prescrite. La Commission a contesté toute renonciation à la créance litigieuse. Nonobstant d’ultérieurs échanges de correspondance et des mises en demeure, la SEMEA n’a procédé à aucun paiement. Au mois de février 2008, la Commission lui a adressé une ultime mise en demeure.

    17.

    Le 21 novembre 2008, l’assemblée générale extraordinaire de la SEMEA a pris acte de la décision de la commune de Millau, son actionnaire principal, de reprendre son actif et son passif et a décidé de verser une somme de 82719,76 euros, représentant la trésorerie disponible de la SEMEA, à la commune de Millau. Le rapport de liquidation présenté par le liquidateur amiable faisait état de la créance litigieuse.

    18.

    Le 9 décembre 2008, le liquidateur amiable de la SEMEA a clôturé les opérations de liquidation de la société et a fait radier la SEMEA du registre du commerce et des sociétés. Le 18 décembre 2008, le conseil municipal de la commune de Millau a acté la reprise du patrimoine de la SEMEA. Au passif de celle-ci figurait, entre autres, la créance litigieuse de la Commission, accompagnée de l’indication que la SEMEA avait fait valoir la prescription à cet égard et que la créancière n’avait plus réclamé de paiement. La Commission n’avait pas donné son approbation à cette démarche.

    IV – L’arrêt attaqué

    19.

    Afin de rendre possible la réclamation contentieuse de la créance litigieuse nonobstant la radiation de la SEMEA du registre du commerce et des sociétés, la Commission a saisi le tribunal de commerce de Rodez (France) aux fins de la désignation d’un mandataire ad hoc pour représenter la société.

    20.

    À la suite de cette désignation, la Commission – agissant en son nom propre – a saisi le Tribunal, d’une part, en avril 2010, d’un recours dirigé contre la SEMEA (affaire T‑168/10) et, d’autre part, en décembre 2010, d’un recours dirigé contre la commune de Millau (affaire T‑572/10), cette dernière étant, de l’avis de la Commission, conjointement et solidairement responsable pour la créance litigieuse, du moment qu’elle aurait repris le passif de SEMEA. Eu égard à leur connexité, ces deux affaires ont été jointes aux fins d’une décision commune.

    21.

    Les parties défenderesses ont soulevé l’exception tirée de la prescription. La commune de Millau a, en outre, contesté d’emblée la compétence du Tribunal au motif que la clause compromissoire contenue dans le contrat de subvention et rendant compétentes les juridictions de l’Union ne saurait lui être opposée. À titre subsidiaire, dans le cas où il serait fait droit à la demande de paiement de la Commission au titre de la créance litigieuse, les parties défenderesses ont formé une demande reconventionnelle qu’elles ont fondée sur les articles 340 TFUE et 41 de la Charte. La Commission aurait, en effet, par sa longue inertie s’agissant de faire valoir la créance litigieuse, failli à son devoir de bonne administration et porté atteinte au principe de sécurité juridique, ce qui justifierait un droit à réparation correspondant, dans son montant, à la somme réclamée par la Commission, de sorte que, au final, les parties défenderesses seraient libérées de l’obligation de payer.

    22.

    Par arrêt rendu le 19 septembre 2012 (ci-après l’«arrêt attaqué»), le Tribunal a fait droit, pour l’essentiel, aux recours de la Commission et a rejeté les demandes reconventionnelles des parties défenderesses. La SEMEA et la commune de Millau ont été condamnées solidairement et conjointement au paiement de la somme principale de 41012 euros à la Commission, majorée des intérêts moratoires.

    23.

    La compétence du Tribunal a été admise, à l’égard de la commune de Millau, avec la motivation selon laquelle, «par le truchement d’une stipulation pour autrui entre la SEMEA et la commune de Millau, cette dernière s’est soumise à une clause compromissoire en faveur de l’Union» ( 4 ). Il ressortirait des principes généraux du droit des contrats que «l’existence d’une stipulation pour autrui peut […] s’induire du but du contrat ou des circonstances de l’espèce» ( 5 ). Selon le Tribunal, c’est «en toute connaissance de cause» ( 6 ) – et sans réserves à l’encontre de la clause compromissoire du contrat de subvention – que la commune a souhaité reprendre le passif de la SEMEA et s’est dès lors soumise à ladite clause.

    V – Le pourvoi

    24.

    Au mois de novembre 2012, le cabinet d’avocats qui avait représenté la SEMEA et la commune de Millau devant le Tribunal a déposé devant la Cour, au nom des parties défenderesses en première instance, une requête en pourvoi tendant, pour l’essentiel, à l’annulation de l’arrêt attaqué et demandant, à titre subsidiaire, à ce qu’il soit fait droit à la demande reconventionnelle formulée en première instance.

    25.

    La requête en pourvoi du 19 novembre 2012 était accompagnée d’une quantité importante d’annexes. Ces annexes comprenaient, entre autres, un mandat conféré par la commune de Millau aux fins du pourvoi ainsi qu’une lettre du mandataire ad hoc qui avait représenté la SEMEA en première instance, Me B., adressée à l’un des avocats en question. Cette lettre est datée du 15 novembre 2012. Me B. y approuve, certes, le dépôt d’un pourvoi contre l’arrêt de première instance, mais admet, en même temps, que son mandat en tant que mandataire ad hoc de la SEMEA aurait expiré déjà au mois d’août 2012.

    26.

    Eu égard à cet écart chronologique, le greffe de la Cour a demandé au cabinet d’avocats en question, au mois d’octobre 2013, de produire un mandat émanant de la SEMEA pour la procédure de pourvoi. Le cabinet d’avocats a produit, dans le délai qui lui était imparti, une ordonnance du tribunal de commerce de Rodez du 5 novembre 2013 dont il ressort que Me B. a été nommé mandataire ad hoc de la SEMEA, à la suite d’une demande desdits avocats datant du 29 octobre 2013, pour une durée de six mois et aux fins de la présente procédure de pourvoi.

    27.

    Les parties requérantes fondent leur pourvoi contre l’arrêt du Tribunal sur quatre moyens.

    28.

    Premièrement, la commune de Millau expose que les juridictions de l’Union ne seraient pas compétentes pour connaître des demandes la visant. La conclusion d’une clause compromissoire par le truchement d’une stipulation pour autrui serait impossible pour une personne morale de droit public français. Il n’existerait pas non plus de convention allant dans ce sens.

    29.

    Deuxièmement, la SEMEA fait valoir qu’en transférant son patrimoine à la commune de Millau, qui est une personne morale de droit public français solvable, elle s’est valablement libérée de ses obligations.

    30.

    Troisièmement, les parties requérantes font grief au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit dans l’application des dispositions de droit français relatives à la prescription.

    31.

    Quatrièmement, les parties requérantes reprochent au Tribunal d’avoir méconnu que l’inertie de la Commission pendant douze ans constituait une violation de l’article 41 de la Charte. Elles n’auraient de ce fait pas pu prendre en temps utile des mesures en vue de satisfaire la demande de la Commission. Le montant des intérêts moratoires demandés serait lié au fait que la Commission n’aurait pas procédé avec diligence au recouvrement de la créance litigieuse, de sorte que le lien de causalité entre le préjudice allégué et le comportement de la Commission serait établi.

    VI – L’appréciation du pourvoi

    32.

    La présente procédure de pourvoi soulève des questions juridiques d’ordre procédural et d’ordre substantiel. Tout d’abord, pour ce qui concerne la SEMEA, il se pose la question de savoir si le pourvoi a été valablement formé au nom de cette société. Cette question doit être appréciée en premier lieu (A). Ensuite, il conviendra de se pencher sur la question, soulevée par le premier moyen du pourvoi, de savoir si les juridictions de l’Union étaient compétentes, notamment au regard du recours formé par la Commission à l’encontre de la commune de Millau (B). Enfin, il conviendra d’examiner, pour autant que cela s’avère pertinent, les moyens du pourvoi tirés du droit substantiel (C et D). À cet égard, il se posera de prime abord la question de savoir si, et, le cas échéant, dans quelle mesure, l’application du droit national par le Tribunal peut faire l’objet d’un contrôle par la Cour en instance de pourvoi.

    A – Le pourvoi de la SEMEA a-t-il été régulièrement formé?

    33.

    Il ressort des pièces du dossier que, au moment de l’introduction du pourvoi, au mois de novembre 2012, les avocats représentant la SEMEA ne s’étaient pas vu conférer un mandat en bonne et due forme à cet effet. En effet, le mandat du mandataire ad hoc de la SEMEA avait expiré déjà au mois d’août 2012, de sorte que l’accord qu’il avait donné à l’introduction du pourvoi ne constitue pas un «mandat» au sens de l’article 119, lu en combinaison avec l’article 168, du règlement de procédure de la Cour. Les avocats ont dès lors agi – probablement sans en avoir conscience – comme des représentants en justice dépourvus de pouvoir de représentation ( 7 ).

    34.

    Après que ce défaut de mandat a été relevé par le greffe de la Cour, environ un an après le dépôt de la requête en pourvoi, les avocats susmentionnés ont saisi le tribunal de commerce compétent afin de nommer un mandataire ad hoc pour la procédure de pourvoi. Ledit mandataire a ainsi été nommé en la personne de Me B., lequel avait déjà donné son accord au mois de novembre 2012, au nom de la SEMEA, sans toutefois y être habilité, à l’introduction d’un pourvoi.

    35.

    Il y a lieu d’examiner si, eu égard à cela, l’on peut partir du principe que le pourvoi a été introduit valablement par la SEMEA.

    36.

    L’article 119 du règlement de procédure, qui s’applique également à la procédure de pourvoi, en vertu de l’article 168 du même règlement ( 8 ), régit en premier lieu le cas de la non‑production d’un document conférant le mandat. L’article 119, paragraphe 4, du règlement de procédure vise simplement le cas où les «documents» ne sont pas déposés et ne dit rien quant aux défauts substantiels des mandats. Cette disposition vise donc, dans le contexte du pourvoi, principalement le cas de figure où l’avocat aurait certes reçu le mandat de son client au moment de l’introduction du pourvoi, mais aurait omis de joindre le document correspondant à la requête en pourvoi. Selon l’article 168, paragraphe 4, du règlement de procédure, le document en question peut être produit dans un délai raisonnable fixé par le greffier à cet effet; si cela n’est pas fait, la Cour décide «si l’inobservation de cette formalité entraîne l’irrecevabilité formelle […]».

    37.

    Les conséquences qu’entraînent non seulement le fait de ne pas présenter à la Cour le document conférant le mandat, mais aussi le fait, pour l’avocat, d’être dépourvu de pouvoir de représentation au moment de l’introduction du pourvoi ne sauraient être déduites directement du règlement de procédure. De la même manière, il ne peut être tiré de la lettre de ces dispositions une réponse à la question de savoir si un pourvoi introduit sans mandat peut être ultérieurement validé par la partie concernée en remédiant ainsi rétroactivement à un défaut substantiel de mandat. Or, c’est précisément ce dont il s’agit dans la présente espèce.

    38.

    À première vue, il semblerait qu’il y ait de bonnes raisons d’estimer qu’en cas d’introduction d’un pourvoi à défaut de mandat l’on soit en présence d’un vice auquel il ne peut plus être remédié. La Cour a en effet constaté à plusieurs reprises que les conditions de recevabilité doivent avoir existé, en règle générale, au moment où la procédure a été introduite devant la Cour ( 9 ).

    39.

    Certes, la Cour a admis, en présence de plusieurs parties requérantes, que pour la recevabilité de l’ensemble de la procédure il suffit que l’une des parties seulement ait qualité pour agir ( 10 ), mais elle a justifié cela essentiellement par des motifs d’économie de procédure ( 11 ). Toutefois, ces motifs ne s’appliquent pas dans le cas de la SEMEA. D’une part, les moyens du pourvoi des deux parties requérantes au pourvoi ne sont pas les mêmes, de sorte que des considérations tenant à l’économie de procédure plaident plutôt pour qu’en cas d’irrecevabilité du pourvoi de la SEMEA il ne soit pas procédé à son examen. D’autre part, un pourvoi introduit sans avoir de mandat est frappé d’un vice autrement plus grave que celui du simple défaut de qualité pour agir. La partie qui n’a pas qualité pour agir doit quand même avoir valablement conféré à son représentant en justice un mandat pour introduire le pourvoi, et doit dès lors en supporter les conséquences en termes de dépens si elle succombe. Cette conséquence juridique peut difficilement être transposée au cas de l’absence de mandat, bien au contraire: si un représentant dépourvu de pouvoir de représentation introduit de son propre chef un pourvoi, il serait étrange que la supposée partie requérante en pourvoi en supporte les éventuels dépens, qui ne sauraient être mis qu’à la charge du falsus procurator tout au plus. Par ailleurs, il serait absurde de statuer sur le bien-fondé d’un pourvoi dont l’introduction ne peut être imputée à la partie supposée, faute de mandat.

    40.

    Toutefois, l’on trouve également dans la jurisprudence de la Cour des éléments qui laissent penser que les articles 119, paragraphe 4, et 168, paragraphe 4, du règlement de procédure – sur la base d’une interprétation large de leur libellé – pourraient s’appliquer non seulement à la production de pièces manquantes, mais également au cas où il serait remédié à un défaut substantiel de mandat.

    41.

    Ainsi, dans une affaire où la validité du mandat de l’avocat qui représentait une partie était remise en question, la Cour a estimé qu’il suffisait qu’après l’introduction du recours la partie concernée confirme le pouvoir de représentation en cause ( 12 ). Le fait que la pièce correspondante ait été produite seulement après l’introduction du recours n’a pas été sanctionné par la Cour. L’avocat général Darmon releva, au regard de la disposition équivalente à l’article 119, paragraphe 4, du règlement de procédure en vigueur à l’époque, que «[c]e serait [...] faire preuve d’un formalisme excessif que de réserver le bénéfice de ce texte aux seules hypothèses dans lesquelles est produit, postérieurement au dépôt de la requête, un ‘instrumentum’ antérieur à celle-ci» ( 13 ).

    42.

    Conformément à cette approche, l’article 119, paragraphe 4, et l’article 168, paragraphe 4, du règlement de procédure pourraient être entendus dans le sens que ces dispositions visent non pas seulement la production ultérieure d’un document établissant le mandat lorsque ce document faisait défaut au moment de l’introduction du pourvoi, mais permettent également de remédier à l’absence de mandat – notamment moyennant la «confirmation» ultérieure de l’introduction du pourvoi.

    43.

    Les effets d’une interprétation aussi large, incluant les défauts substantiels, sont appropriés. D’une part, elle permet de remédier à des défauts de mandat, qu’ils relèvent du droit de la preuve ou du droit substantiel, selon une logique réglementaire unitaire, et évite ainsi d’éventuels problèmes de délimitation, et elle assure un traitement unitaire de cette thématique à l’échelle du droit de l’Union, sans s’attacher aux concepts nationaux. D’autre part, en laissant la Cour demeurer le maître de la procédure et en contribuant à une solution rapide des cas problématiques moyennant le délai raisonnable imparti, les intérêts de sécurité juridique et de bonne administration de la justice sont dûment garantis.

    44.

    Dans le cas du pourvoi formé par la SEMEA, à la suite d’une invitation de la Cour en ce sens, l’autorité qui était finalement compétente aux fins de la régularité du mandat, à savoir le tribunal de commerce, a nommé, après le dépôt de la requête en pourvoi, un mandataire ad hoc pour la SEMEA. La nomination de ce dernier a eu lieu, à l’instar de la «confirmation» dans l’affaire décrite au point 41 des présentes conclusions, dans le but de permettre à la SEMEA de poursuivre la procédure de pourvoi en cours. De cette manière, l’introduction du pourvoi par l’avocat a pu être imputée à la SEMEA, d’autant plus que le mandataire ad hoc qui a été nommé n’est autre que la personne qui, un an auparavant, avait donné aux avocats son accord pour l’introduction du pourvoi au nom de la SEMEA. Du moment que la nomination de Me B. en tant que mandataire ad hoc de la SEMEA doit être considérée comme une confirmation de l’introduction du pourvoi, il faut partir du principe qu’il a été ainsi remédié, conformément à l’article 119, lu en combinaison avec l’article 168, paragraphe 4, du règlement de procédure, au défaut de mandat qui entachait celui-ci.

    45.

    Ainsi, non seulement le pourvoi de la commune de Millau, mais également celui de la SEMEA a été valablement introduit.

    46.

    Il convient, ensuite, d’examiner si la Commission pouvait fonder ses recours contre la SEMEA et la commune de Millau sur la clause compromissoire du contrat de SEMEA.

    B – Sur la pertinence de la clause compromissoire dans la présente procédure

    47.

    Il existe deux raisons pour lesquelles l’on peut se demander si la Commission peut invoquer la clause compromissoire du contrat de subvention. En effet, d’un point de vue formel, ni la commune de Millau ni la Commission, qui a introduit le recours, ne sont parties audit contrat de subvention contenant la clause compromissoire litigieuse.

    48.

    La Commission, qui a introduit son recours en son nom propre à l’encontre de la SEMEA et de la commune de Millau, est entrée dans le contrat de subvention en tant que représentante de la Communauté, de sorte que, d’une part, l’on peut douter de son intérêt à agir (non contesté en l’espèce) dans le présent litige et, d’autre part, il n’est pas évident qu’elle puisse tirer de la clause compromissoire du contrat de subvention des droits d’agir en justice pour son propre compte. Ce dernier point doit être examiné d’office en tant que condition procédurale (1).

    49.

    La commune de Millau, quant à elle, n’était en aucune façon partie au contrat de subvention, mais la clause compromissoire contenue dans ce contrait lui est néanmoins opposable – selon l’arrêt attaqué – en vertu des principes de la stipulation pour autrui. Il s’agira donc, après avoir examiné la question de la recevabilité concernant la Commission, d’apprécier si cette argumentation résiste à l’analyse (2).

    1. La Commission peut-elle invoquer la clause compromissoire du contrat de la SEMEA dans une procédure introduite en son propre nom?

    50.

    Cette question tend à clarifier, finalement, qui peut être partie à des recours fondés sur des clauses compromissoires: l’Union, en tant que partie contractante, ou bien l’institution qui l’a représentée lors de la conclusion du contrat?

    51.

    La lettre de l’article 272 TFUE ne fournit aucun indice permettant de trancher clairement cette question, bien que des éléments plaident dans le sens que, dans des procédures instaurées «en vertu d’une clause compromissoire contenue dans un contrat de droit public ou de droit privé passé par l’Union [ ( 14 )] ou pour son compte», l’Union en tant que telle doit également assumer la qualité de partie à la procédure ( 15 ). Or, il semblerait que la pratique constante soit plutôt le contraire ( 16 ), du moment qu’habituellement, dans la requête et dans l’en‑tête de l’arrêt ultérieur, c’est non pas l’Union elle‑même, mais celle de ses institutions qui est intervenue au contrat contenant la clause compromissoire qui apparaît en tant que partie ( 17 ).

    52.

    L’arrêt attaqué ne se prononce pas sur ce sujet. Cependant, la question de la désignation correcte des parties n’a finalement pas à être tranchée ici. En l’espèce, il s’agit simplement d’apprécier si la Commission pouvait invoquer la clause compromissoire en cause dans le recours introduit en son propre nom. Or, si l’on considère, dans son ensemble, la jurisprudence concernant la position de l’Union en tant que partie à des procédures devant les juridictions de l’Union ( 18 ), il convient de donner à cette question une réponse affirmative, du moment que l’on tend à considérer comme sans gravité la mauvaise désignation de la partie du côté de l’Union, pour autant que, du point de vue de la partie défenderesse, la matière du litige est clairement établie et que, par conséquent, il n’est pas porté atteinte à ses droits procéduraux. Dans la présente espèce, il ne fait aucun doute que ces deux conditions sont remplies.

    53.

    Aussi, la Commission pouvait-elle faire valoir la clause compromissoire du contrat de SEMEA dans le recours introduit en son propre nom à tout le moins à l’encontre de cette dernière.

    54.

    Il reste cependant à établir si la clause compromissoire en question pouvait être opposée non seulement à la SEMEA, mais également à la commune de Millau.

    2. La clause compromissoire du contrat de SEMEA peut-elle être opposée à la commune de Millau?

    55.

    Cette question porte sur des fins de non-recevoir d’ordre public et doit dès lors être examinée d’office, indépendamment des griefs formulés dans les moyens du pourvoi. Il convient en l’espèce d’examiner quatre aspects du problème: premièrement, la lettre de la clause contenue dans le contrat de SEMEA, deuxièmement, les suites du contrat, troisièmement, les critères découlant de l’article 272 TFUE et, quatrièmement, les exigences en matière de preuve concernant la clause compromissoire selon le règlement de procédure.

    a) La lettre de la clause compromissoire dans le contrat de SEMEA

    56.

    Selon le contrat de SEMEA, la Cour «est seule compétente pour statuer sur tout litige concernant le contrat et survenant entre les parties contractantes». Cette clause ne lie donc, dans un premier temps, que les parties – à savoir SEMEA et l’Union – et ne saurait dès lors être opposée à la commune de Millau.

    b) Les suites du contrat

    57.

    Il convient de constater, tout d’abord, que la Commission n’était partie à aucun accord post-contractuel qui aurait relevé de la clause compromissoire. De la même manière, il ne ressort des pièces du dossier l’existence d’aucun contrat entre la SEMEA et la commune de Millau, mais simplement de décisions distinctes de l’assemblée générale et du conseil municipal. Le Tribunal ( 19 ) renvoie en tout état de cause aux principes généraux du droit des contrats et parvient à la conclusion que les délibérations de la commune de Millau concernant la reprise des dettes de la SEMEA – à la suite de la transmission du patrimoine de cette dernière à la commune de Millau – doivent être considérées, eu égard à leur but et en considération de l’ensemble des circonstances de l’espèce, comme une stipulation en faveur de l’Union. La commune de Millau et la SEMEA auraient voulu faire naître une créance de l’Union contre la commune de Millau, et cette dernière aurait eu la volonté de se soumettre à la clause compromissoire du contrat de SEMEA «en connaissance du litige […] concernant la créance litigieuse». La circonstance que, faute de consentement de l’Union, l’effet libératoire de la reprise de dette ne se soit pas produit serait sans importance.

    c) Appréciation des suites du contrat en considération des critères découlant de l’article 272 TFUE

    58.

    Quant à la question de savoir s’il a ainsi été stipulé une clause compromissoire liant la commune de Millau, les critères découlant de l’article 272 TFUE ( 20 ), qui, d’ailleurs, s’agissant là d’une disposition dérogatoire, doivent être interprétés de manière restrictive ( 21 ), sont déterminants.

    59.

    Le Tribunal ( 22 ) n’exclut pas qu’une clause compromissoire puisse être établie conformément aux principes de la stipulation pour autrui sans aucune intervention de l’Union; il s’agirait dans ce cas d’un contrat passé, sinon par l’Union, à tout le moins «pour son compte» au sens de l’article 272 TFUE.

    60.

    Ce point de vue n’est pas sans soulever des doutes. Un contrat conclu pour le compte de l’Union touche des intérêts matériels de l’Union. Il ne peut être conclu que par une institution, un organe ou un organisme habilité à agir pour le compte de l’Union, d’autant que l’article 272 TFUE, en tant que disposition dérogatoire, doit être interprété de manière restrictive. Cela ne peut être le fait d’un tiers extérieur à l’Union. Un contrat conclu avec la seule implication de tiers extérieurs à l’Union et sans l’initiative d’un service de l’Union – comme en l’espèce les accords post-contractuels entre la SEMEA et la commune de Millau – ne satisfait dès lors pas aux exigences de l’article 272 TFUE.

    61.

    Indépendamment de cela, il n’apparaît pas non plus que la commune de Millau ait voulu se soumettre à une clause compromissoire au sens de l’article 272 TFUE. Une volonté de la partie en ce sens – qui serait une condition sine qua non pour la stipulation d’une clause compromissoire – ne saurait être déduite de l’ensemble des circonstances des accords post-contractuels entre la SEMEA et la commune de Millau et ne saurait pas non plus être supposée d’emblée. Cela vaut d’autant plus que, d’après les pièces relatives au déroulement de la liquidation de la SEMEA, l’existence même de la clause compromissoire n’a pas été mentionnée par la SEMEA, pas plus que la commune de Millau n’en a pas pris expressément acte. Bien au contraire: ni la délibération du conseil municipal du 18 décembre 2008 ni le rapport de liquidation du 21 novembre 2008 ne contiennent d’éléments en ce sens; ces actes indiquent plutôt, d’une manière qui pourrait induire en erreur, que le contrat de subvention de la SEMEA était soumis au droit français – ce qui, a priori, ne fait pas apparaître comme évidente une compétence des juridictions de l’Union pour ce qui concerne la créance litigieuse.

    62.

    Eu égard à ces considérations, l’on ne peut partir du principe qu’il a été établi, moyennant stipulation pour autrui, une clause compromissoire que la Commission pourrait opposer à la commune de Millau.

    63.

    Quoi qu’il en soit, même si une volonté de la SEMEA et de la commune de Millau avait existé en ce sens, il se pose en outre la question, qu’il convient d’apprécier à présent, de savoir s’il a été satisfait aux exigences en matière de preuve posées par l’article 44, paragraphe 5 bis, du règlement de procédure du Tribunal au regard de la clause compromissoire.

    d) Exigences en matière de preuve concernant la clause compromissoire, selon l’article 44, paragraphe 5 bis, du règlement de procédure du Tribunal

    64.

    Selon l’article 44, paragraphe 5 bis, du règlement de procédure, la requête doit être accompagnée d’un exemplaire du contrat qui contient la clause compromissoire. En d’autres termes, la Commission doit présenter la preuve, pièces à l’appui, de l’existence de la clause compromissoire.

    65.

    Pour ce qui concerne la commune de Millau, la Commission n’a pas fourni une telle preuve – et n’aurait d’ailleurs pas pu le faire, du moment que la stipulation alléguée en faveur de la Commission de la clause compromissoire, comme le reconnaît l’arrêt attaqué ( 23 ), ne se déduirait que «du but de la convention entre la SEMEA et la commune de Millau et des circonstances de l’espèce» ( 24 ), de sorte que, si elle existait, elle aurait le caractère d’un accord non pas écrit, mais simplement tacite. Or, cela ne satisfait pas aux conditions posées par l’article 44, paragraphe 5 bis, du règlement de procédure en matière de preuve, qui exige la présentation, devant le juge, d’un exemplaire du contrat, et donc d’un écrit, contenant la clause en question.

    66.

    Certes, la jurisprudence a interprété cette disposition de manière large, en considérant qu’il suffisait de produire un projet de contrat non signé et une correspondance s’y rapportant ( 25 ), ou que les parties fassent référence à des écrits étrangers au contrat ( 26 ). Toutefois, l’article 44, paragraphe 5 bis, du règlement de procédure serait vidé de son contenu si l’on faisait totalement abstraction de l’élément central de cette disposition, à savoir qu’il faut produire un exemplaire de la clause litigieuse qui fasse directement apparaître quelles parties ont convenu de l’attribution de la compétence aux juridictions de l’Union et pour quel contrat. La présentation de pièces qui permettent simplement de tirer de conclusions sur d’éventuels accords oraux, voire tacites, sans en établir le contenu par écrit ne saurait suffire à cet effet, du moment que des circonstances non documentées et extérieures à l’acte peuvent difficilement être considérées comme un «exemplaire» d’un contrat ( 27 ). L’article 44, paragraphe 5 bis, du règlement de procédure doit être lu strictement à la lumière du caractère dérogatoire de la disposition de l’article 272 TFUE en tant que disposition attributive de compétences exorbitante du droit commun, et être donc interprété de manière restrictive dans ses éléments essentiels, de sorte qu’il ne saurait être entendu dans le sens que l’on peut se passer de la présentation d’un écrit contenant clairement et expressément la clause compromissoire en question.

    67.

    En cela, l’article 44, paragraphe 5 bis, du règlement de procédure permet également d’assurer la sécurité juridique, et, comme cela ressort, a contrario, de l’article 44, paragraphe 6, du règlement de procédure, il n’admet pas la régularisation en produisant les écrits manquants a posteriori, contrairement aux formalités prévues à l’article 44, paragraphes 3 à 5, du règlement de procédure. Ainsi, en l’absence d’un exemplaire de la clause compromissoire au moment de l’introduction du recours, ce dernier doit être rejeté en tant qu’irrecevable.

    68.

    Dans la présente espèce, en ce qui concerne la commune de Millau, la Commission n’ayant pas produit d’exemplaire de clause compromissoire satisfaisant aux exigences de l’article 44, paragraphe 5 bis, du règlement de procédure, ce dernier n’était pas compétent pour statuer sur le recours dirigé contre la commune de Millau. En ce qu’il a néanmoins jugé recevable le recours dirigé contre la commune de Millau, le Tribunal a dès lors commis une erreur de droit.

    69.

    Aussi, convient-il de faire droit au pourvoi de la commune de Millau. Il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué pour autant qu’il condamne la commune conjointement et solidairement sur le fond ainsi qu’aux dépens et, le litige étant en état d’être jugé sur ce point, au sens de l’article 61, premier alinéa, deuxième phrase, du statut de la Cour de justice, de rejeter le recours dirigé contre elle.

    70.

    En considération de ces conclusions intermédiaires, il y a lieu d’examiner à présent uniquement les moyens du pourvoi avancés par la SEMEA. Du moment que ces moyens sont tirés d’une application erronée – au regard des dispositions du droit français en matière de prescription et de liquidation – du droit national, il se pose tout d’abord la question de savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure la Cour est habilitée, en instance de pourvoi, à statuer sur l’application du droit national par le Tribunal. En effet, s’il s’avère qu’elle n’y est pas habilitée, ou qu’elle ne l’est que partiellement, il n’y a pas lieu de se pencher davantage sur les moyens du pourvoi exposés à cet égard. Ces questions doivent être examinées dans les présentes conclusions.

    C – Sur les moyens du pourvoi de la SEMEA tirés d’une application erronée du droit national par le Tribunal

    71.

    Il convient d’établir si les moyens du pourvoi tirés du droit national sont pertinents en instance de pourvoi.

    72.

    L’étendue du pouvoir de contrôle de la Cour est explicitée à l’article 58 de son statut, en vertu duquel «[l]e pourvoi devant la Cour de justice est limité aux questions de droit. Il peut être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal, d’irrégularités de procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ainsi que de la violation du droit de l’Union par le Tribunal.»

    73.

    Il semble dès lors a priori exclu que l’on puisse invoquer, en instance de pourvoi, d’éventuelles erreurs commises par le Tribunal dans l’application du droit national. En effet, de telles erreurs constitueraient, en principe ( 28 ), une violation non pas du droit de l’Union, mais seulement du droit national. Or, selon les éléments de compétence exhaustivement énumérés à l’article 58 du statut, la Cour n’est pas compétente pour contrôler le droit national en instance de pourvoi ( 29 ).

    74.

    D’une part, au regard de la clause compromissoire au sens de l’article 272 TFUE, en l’état actuel du droit, le Tribunal, après l’introduction du recours, doit procéder en première instance, le cas échéant, à un contrôle exhaustif à la lumière du droit national applicable en vertu du choix des parties. D’autre part, en principe, eu égard à l’article 58 du statut, il n’est pas permis à la Cour, dans l’instance de pourvoi qui suit l’arrêt rendu en première instance, d’apprécier des moyens de pourvoi tirés de la simple application erronée du droit national par le Tribunal.

    75.

    L’on trouve néanmoins dans la jurisprudence constante de la Cour bien des arrêts – et ce précisément dans des cas de clauses compromissoires ( 30 ) – dans lesquels la Cour se penche sur l’application, en première instance, du droit national, sans toutefois justifier cela de manière circonstanciée au regard de l’article 58 du statut.

    76.

    Nous suggérons à la Cour de reconsidérer cette ligne jurisprudentielle. En effet, d’une part, elle n’est pas conforme à la lettre claire de l’article 58 du statut, d’autre part, il existe une certaine divergence par rapport à l’arrêt rendu par la grande chambre dans l’affaire Edwin/OHMI ( 31 ), dans lequel la Cour – en tout cas dans le cadre d’un litige portant sur le droit des marques et sans renvoyer expressément à l’article 58 du statut – a résumé de la manière suivante son pouvoir de contrôle, en instance de pourvoi, au regard du droit national: «Pour ce qui est de l’examen, dans le cadre d’un pourvoi, des constatations faites par le Tribunal à l’égard de ladite législation nationale, la Cour est compétente pour examiner, tout d’abord, si le Tribunal, sur le fondement des documents et des autres pièces qui lui ont été soumis, n’a pas dénaturé le libellé des dispositions nationales en cause ou de la jurisprudence nationale qui leur est relative ou encore des écrits de doctrine qui les concernent, ensuite si le Tribunal ne s’est pas livré, au regard de ces éléments, à des constatations allant de façon manifeste à l’encontre de leur contenu et, enfin, si le Tribunal n’a pas, dans l’examen de l’ensemble des éléments, attribué à l’un d’entre eux, aux fins de constater le contenu de la législation nationale en cause, une portée qui ne lui revient pas par rapport aux autres éléments, pour autant que cela ressorte de façon manifeste des pièces du dossier» ( 32 ). La Cour considère dès lors, lorsqu’elle statue en instance de pourvoi, qu’une correction de l’application du droit national s’impose uniquement en présence d’une dénaturation ou lorsque le Tribunal a commis une erreur de droit manifeste ( 33 ).

    77.

    Cela n’est pas en contradiction avec l’article 58 du statut, qui, d’après sa lettre, soustrait totalement le droit national au contrôle de la Cour. Cette dernière transpose plutôt mutatis mutandis à l’appréciation du droit national le critère de contrôle qu’elle applique, également en instance de pourvoi et au regard du droit de l’Union, en présence d’un grief tiré d’une dénaturation des faits ( 34 ).

    78.

    Ce critère de contrôle permet à la Cour, en cas d’erreur manifeste commise par le Tribunal dans l’application du droit national – mais, précisément, seulement dans ce cas –, d’intervenir dans le cadre d’un pourvoi formé à cet effet et d’annuler l’arrêt en cause ( 35 ).

    79.

    Cette solution, qui a été développée pour le droit des marques dans l’affaire Edwin/OHMI, précitée, est susceptible d’être généralisée, conformément à sa lettre et à son objet, et il existe de bonnes raisons de penser qu’elle peut être transposée également aux pourvois dans des cas de clauses compromissoires. Il faut alors accepter, eu égard à la règle de l’article 256 TFUE, lu en combinaison avec l’article 58 du statut, que cela puisse entraîner une réduction de la protection juridictionnelle, dans la mesure où toute violation du droit national commise par le Tribunal ne pourra pas donner lieu à une annulation de l’arrêt rendu en première instance. Seul le législateur de l’Union peut remédier à cela. Une situation problématique au regard de la protection juridictionnelle effective n’est cependant pas à craindre. D’une part, le principe de protection juridictionnelle effective n’exige pas nécessairement plusieurs degrés d’instance et, d’autre part, la Cour a toujours la possibilité, lorsqu’elle est saisie d’un pourvoi en ce sens, d’annuler un arrêt rendu en première instance, en présence d’une application manifestement erronée du droit national.

    80.

    À partir de là, il convient de se demander, d’une part, si l’on est en présence, en l’espèce, d’une affaire dans laquelle une application manifestement erronée du droit national est susceptible d’être invoquée en instance de pourvoi et, d’autre part, s’il fallait répondre par l’affirmative à cette question, il faudrait également se demander si la partie requérante en pourvoi SEMEA a invoqué cette circonstance dans un moyen du pourvoi suffisamment justifié et pertinent.

    81.

    La réponse à la première question est cependant déjà négative dans la présente affaire, de sorte qu’il n’y a pas lieu de se pencher sur la seconde question. En effet, le Tribunal a méticuleusement apprécié l’état du droit français et la jurisprudence concernant les problèmes de prescription et de liquidation qui se posaient et est parvenu à des solutions qui se tiennent et qui ne sauraient donner lieu à des griefs tirés d’une dénaturation ou d’un caractère manifestement erroné.

    82.

    Il s’ensuit que les moyens sur lesquels la SEMEA fonde son pourvoi à cet égard ne sauraient prospérer.

    83.

    Enfin, il convient de se pencher sur le moyen que la SEMEA a invoqué au regard du rejet de sa demande reconventionnelle. Ce moyen du pourvoi est fondé, pour l’essentiel, sur l’article 41 de la Charte, ce qui lui confère une pertinence en droit de l’Union et fait qu’il convient de l’apprécier dans toute son étendue.

    D – Sur la demande reconventionnelle de la SEMEA

    84.

    Par sa demande reconventionnelle, la SEMEA tend à se voir accorder, à titre subsidiaire, la réparation d’un préjudice correspondant à la créance litigieuse invoquée par la Commission, majorée des intérêts, et fonde sa demande, pour l’essentiel, sur la responsabilité non contractuelle de l’Union et sur le droit à une bonne administration garanti au titre des droits fondamentaux. La Commission aurait violé l’article 41 de la Charte en n’ayant pas fait valoir sa créance avec diligence et, notamment, en ayant laissé s’écouler environ douze ans entre la première et la seconde mise en demeure de payer. En agissant ainsi, elle aurait, entre autres, fait courir d’importants intérêts moratoires qui, autrement, auraient pu être évités.

    85.

    La présente espèce soulève, au fond, la question de savoir si et, le cas échéant, à quelles conditions un retard de la Commission dans le recouvrement de ses créances peut lui être reproché au titre du droit à une bonne administration et si la Commission peut être déchue, de ce fait, de son droit de faire valoir lesdites créances, indépendamment du fait qu’elles soient ou non prescrites. Le fait que la SEMEA soulève ces questions sous le couvert d’une demande reconventionnelle s’explique peut-être par le fait que l’institution juridique de la déchéance, telle qu’elle découle en droit allemand du principe de bonne foi, n’est pas connue en droit français ( 36 ). Toutefois, il s’agit en l’espèce finalement de moyens de défense dirigés contre les créances principales et accessoires de la partie requérante fondées sur les droits fondamentaux. C’est sous cet angle qu’il convient donc de les apprécier.

    86.

    Il y a donc lieu d’examiner dans quelle mesure le droit fondamental à une bonne administration peut être pertinent dans un contexte contractuel, s’il peut conduire à la déchéance de droits contractuels et s’il peut faire obstacle à la réclamation d’intérêts moratoires au titre d’une exception de nullité.

    87.

    Tout d’abord, la Commission avait toute liberté pour mener ses affaires patrimoniales comme bon lui semblait dans le cadre du droit national applicable comme convenu avec la SEMEA, sans être obligée de prendre ses mesures plus tôt que prévu selon les délais légaux. L’article 41 de la Charte peut être difficilement entendu dans le sens qu’il substituerait d’emblée aux délais de prescription clairs auxquels sont soumises les créances contractuelles un «délai raisonnable» plus abstrait. Cela ne servirait ni la sécurité juridique ni les intérêts des parties. En d’autres termes: dans des affaires fondées sur des contrats, doivent être considérés en premier lieu comme «raisonnables», au sens de la Charte, les délais convenus par les parties.

    88.

    En revanche, dès lors que la Commission procède au recouvrement de ses créances, elle est tenue de régler cette affaire qui concerne aussi son cocontractant dans un délai raisonnable, du moment qu’elle est soumise à la Charte. La circonstance que son cocontractant n’a aucune obligation au titre de la Charte ne change d’ailleurs rien à cela. La Commission ne saurait se «réfugier dans le droit privé» pour échapper, indépendamment de cela, à ses obligations au titre de la Charte.

    89.

    Dans la présente espèce, le comportement de la Commission est problématique au regard du caractère raisonnable, dans la mesure où, d’une part, elle a fait courir les intérêts moratoires par sa demande de paiement du 27 avril 1993 et, d’autre part, elle a amené, par ses douze ans de silence, la débitrice à se sentir hors de cause, pour ensuite revenir demander, seulement le 18 novembre 2005, mais cette fois avec insistance, le paiement de la dette majorée d’intérêts considérables, ces derniers étant arrivés, comme l’indique la SEMEA sans être contredite, à dépasser le montant de la créance principale.

    90.

    La Commission étant soumise, au titre des droits fondamentaux, à une obligation de recouvrer rapidement sa créance, obligation qu’elle a omis de respecter jusqu’au 18 novembre 2005, il convient de considérer son absence de diligence comme un comportement ayant un lien direct de causalité avec les intérêts moratoires échus durant cette période.

    91.

    Le rejet intégral, par le Tribunal, de la demande reconventionnelle, également pour ce qui concerne les intérêts, pour défaut de lien de causalité, au motif que le défaut de paiement était imputable à la SEMEA ( 37 ), ainsi que l’absence d’une appréciation suffisante de la violation de l’article 41 de la Charte ne résistent donc pas au contrôle juridique. Le rejet de la demande reconventionnelle n’est à maintenir, en instance de pourvoi, que pour autant qu’elle concerne la créance principale et les intérêts échus à compter du 18 novembre 2005. Au reste, la demande formulée par la SEMEA à titre reconventionnel entraîne en fin de compte une réduction correspondante du montant invoqué par la partie requérante.

    92.

    Enfin, il convient de se pencher sur la question des dépens.

    E – Les dépens

    93.

    Le pourvoi de la commune de Millau étant fondé, la Commission doit supporter les dépens exposés par celle-ci. La SEMEA ayant en partie succombé et en partie obtenu gain de cause, elle et la Commission supportent leurs propres dépens (article 184, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’article 138, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure).

    VII – Conclusion

    94.

    Eu égard aux considérations qui précèdent, nous suggérons à la Cour de statuer de la manière suivante:

    1)

    l’arrêt rendu par le Tribunal, le 19 septembre 2012, dans les affaires Commission/SEMEA (T‑168/10) et Commission/Commune de Millau (T‑572/10) est annulé pour autant qu’il condamne la commune de Millau conjointement et solidairement avec la Société d’économie mixte d’équipement de l’Aveyron (SEMEA) à payer à la Commission européenne la somme de 41012 euros, majorée des intérêts, et à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans l’affaire T‑572/10.

    2)

    L’arrêt rendu par le Tribunal, le 19 septembre 2012, dans les affaires Commission/SEMEA (T‑168/10) et Commission/Commune de Millau (T‑572/10) est annulé pour autant qu’il condamne la SEMEA à payer des intérêts moratoires échus du 27 avril 1993 au 18 novembre 2005.

    3)

    Le recours introduit par la Commission dans l’affaire T‑572/10 et dirigé contre la commune de Millau est rejeté en tant qu’irrecevable.

    4)

    Le pourvoi de la SEMEA est rejeté pour le reste.

    5)

    La Commission est condamnée à supporter les dépens exposés par la commune de Millau ainsi que ses propres dépens. La SEMEA supporte ses propres dépens.


    ( 1 ) Langue originale: l’allemand.

    ( 2 ) Cette question n’a pas été tranchée dans nos conclusions présentées le 27 janvier 2011 dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Edwin/OHMI (C-263/09 P, Rec. p. I-5853, points 84 à 86), car elle n’était pas pertinente aux fins de la décision dans cette affaire.

    ( 3 ) Dans la disposition précédente de l’article 238 CE et dans la disposition pertinente au moment de la conclusion du contrat, à savoir l’article 181 du traité CE, il était question de «Communauté».

    ( 4 ) Point 132 de l’arrêt attaqué.

    ( 5 ) Point 138 de l’arrêt attaqué.

    ( 6 ) Point 139 de l’arrêt attaqué.

    ( 7 ) Le principe du droit français selon lequel l’avocat n’a pas à justifier de son mandat ad litem est sans incidence sur les procédures devant les juridictions de l’Union.

    ( 8 ) Le cadre juridique se présentait différemment sous l’empire de l’ancien règlement de procédure, en vigueur jusqu’à la fin du mois d’octobre 2012. Voir à cet égard son article 38, paragraphe 5, sous b), qui, comme la Cour l’a relevé dans l’arrêt du 16 novembre 2000, Metsä-Serla e.a./Commission (C-294/98 P, Rec. p. I-10065, point 15), n’était pas applicable aux pourvois.

    ( 9 ) Arrêts du 19 octobre 1995, Rendo e.a./Commission (C-19/93 P, Rec. p. I-3319); du 9 juin 2011, Comitato «Venezia vuole vivere» e.a./Commission (C-71/09 P, C-73/09 P et C-76/09 P, Rec. p. I-4727, points 31 et 36 à 40), et du 24 octobre 2013, Deutsche Post/Commission (C‑77/12 P, point 65). De ce point de vue, l’article 119, paragraphe 4, du règlement de procédure a le caractère d’une disposition dérogatoire.

    ( 10 ) Arrêt du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission (C-313/90, Rec. p. I-1125, point 31).

    ( 11 ) Dans l’arrêt Comitato «Venezia vuole vivere» e.a. (précité à la note 9), la Cour a affirmé que «[c]ette jurisprudence se fonde sur la considération que, dans une telle situation, il est, en tout état de cause, nécessaire d’examiner le bien-fondé du recours, de sorte que la question de savoir si tous les requérants disposent effectivement de la qualité pour agir est dépourvue de pertinence».

    ( 12 ) Arrêt du 11 mai 1989, Maurissen et Union syndicale/Cour des comptes (193/87 et 194/87, Rec. p. 1045, point 33).

    ( 13 ) Point 42 des conclusions de l’avocat général Darmon présentées le 12 avril 1989 dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Maurissen et Union syndicale/Cour des comptes, précité à la note 12.

    ( 14 ) Dans la présente espèce, en tant qu’ayant cause direct de la Communauté économique européenne.

    ( 15 ) Voir également article 335 TFUE.

    ( 16 ) Voir, notamment, arrêts du 10 juin 1999, Commission/Montorio (C-334/97, Rec. p. I-3387); du 13 novembre 2008, Commission/Alexiadou (C‑436/07 P), et du 18 novembre 2010, ArchiMEDES/Commission (C‑317/09 P).

    ( 17 ) Voir, à cet égard, Karpenstein in Grabitz/Hilf/Nettesheim, article 272 TFUE, point 9, qui considère que cela «ne pose aucun problème, dès lors qu’il est établi que les institutions en question ont agi en tant que représentants».

    ( 18 ) Pour ce qui concerne l’identification de l’Union en tant que partie, le problème qui se pose au regard de l’article 272 TFUE se présente de la même façon dans le contentieux des fonctionnaires (article 270 TFUE) et pour le recours en indemnité (article 340 TFUE), eu égard à la lettre de ces dispositions qui fait sommairement référence à «l’Union». Dans la jurisprudence relative au contentieux des fonctionnaires, contrairement à la lettre de la disposition en question – comme pour les clauses compromissoires –, il est fait généralement référence à l’institution dont relève l’autorité investie du pouvoir de nomination. En revanche, en ce qui concerne l’article 340 TFUE, la jurisprudence est divergente: voir arrêts du 6 juillet 1995, Odigitria/Conseil et Commission (T-572/93, Rec. p. II-2025, point 22 – où l’institution était considérée comme partie à la procédure), et du 4 février 1998, Bühring/Conseil et Commission (T-246/93, Rec. p. II-171, point 26 – où la Communauté était considérée comme partie à la procédure).

    ( 19 ) Voir, en particulier, points 132 à 143 de l’arrêt attaqué.

    ( 20 ) Voir arrêt de principe du 7 décembre 1976, Pellegrini/Commission et Flexon-Italia (23/76, Rec. p. 1807).

    ( 21 ) Voir, entre autres, arrêt du 8 mai 2007, Citymo/Commission (T-271/04, Rec. p. II-1375, point 53), et point 116 de l’arrêt attaqué.

    ( 22 ) Voir, notamment, points 133 à 136 de l’arrêt attaqué.

    ( 23 ) Voir, notamment, points 138 à 141 de l’arrêt attaqué.

    ( 24 ) Points 140 et 141 de l’arrêt attaqué.

    ( 25 ) Arrêt Pellegrini/Commission et Flexon-Italia (précité à la note 20, point 10).

    ( 26 ) Arrêt du 26 novembre 1985, Commission/CO.DE.MI. (318/81, Rec. p. 3693, points 9 et 10).

    ( 27 ) D’une largesse excessive, en revanche, l’arrêt Citymo/Commission (précité à la note 21, point 56) dispose qu’il suffirait que «les documents produits par la requérante permettent à la juridiction communautaire saisie de prendre une connaissance suffisante de l’accord intervenu entre les parties au litige de soustraire le différend qui les oppose au sujet du contrat aux juridictions nationales pour les soumettre aux juridictions communautaires». En effet, des circonstances ne figurant pas dans les écrits ne sauraient se voir attribuer une importance déterminante.

    ( 28 ) Concernant le cas spécifique d’un acte juridique de l’Union «incorporant» du droit national, voir points 71 à 74 des conclusions de l’avocat général Mengozzi présentées le 27 janvier 2011 dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Evropaïki Dynamiki/BCE (C-401/09 P, Rec. p. I-4911).

    ( 29 ) Pour une analyse plus détaillée de cet aspect, voir points 70 à 78 de nos conclusions dans l’affaire Edwin/OHMI, précitées à la note 2.

    ( 30 ) Voir, notamment, arrêts du 10 juillet 2003, Commission/CCRE (C-87/01 P, Rec. p. I-7617, points 56 à 64), et ArchiMEDES/Commission (précité à la note 16, points 51 et suiv.).

    ( 31 ) Précité à la note 2.

    ( 32 ) Point 53.

    ( 33 ) Voir à cet égard points 78 à 87 des conclusions de l’avocat général Bot présentées le 28 novembre 2013 dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt OHMI/National Lottery Commission (C‑530/12 P).

    ( 34 ) Les conclusions de l’avocat général Bot, précitées à la note 33, sont critiques à cet égard.

    ( 35 ) L’approche de la Cour ressemble ainsi au critère de contrôle limité que certaines juridictions d’appel appliquent au contrôle du droit étranger. Voir à cet égard note 40 de nos conclusions présentées dans l’affaire Edwin/OHMI, précitée à la note 2.

    ( 36 ) Voir, à cet égard, Ranieri, F., «Verwirkung et renonciation tacite», Mélanges en l’honneur de Daniel Bastian, Librairies techniques, Paris, 1974, p. 427 à 452, une étude de droit comparé qui jette les bases de l’analyse doctrinale en la matière.

    ( 37 ) Voir points 108 à 111 de l’arrêt attaqué.

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