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Document 62012CC0426

Conclusions de l'avocat général Sharpston présentées le 22 mai 2014.
X contre Voorzitter van het managementteam van het onderdeel Belastingdienst/Z van de rijksbelastingdienst.
Demande de décision préjudicielle: Gerechtshof 's-Hertogenbosch - Pays-Bas.
Renvoi préjudiciel - Directive 2003/96/CE - Taxation des produits énergétiques et de l’électricité - Article 2, paragraphe 4, sous b) - Produits énergétiques à double usage - Notion.
Affaire C-426/12.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2014:446

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 22 mai 2014 ( 1 )

Affaire C‑426/12

X

[demande de décision préjudicielle formée par le Gerechtshof ’s-Hertogenbosch (Pays-Bas)]

«Directive 2003/96/CE — Cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité — Produits énergétiques à double usage»

1. 

La directive 2003/96/CE du Conseil ( 2 ) a introduit un régime soumettant tous les produits énergétiques et l’électricité à des niveaux minimaux harmonisés de taxation ( 3 ). Certains produits énergétiques, et notamment ceux qui sont considérés comme étant à double usage, sont expressément exclus du champ d’application de la directive. Le présent renvoi préjudiciel émanant du Gerechtshof ’s-Hertogenbosch (Pays‑Bas) interroge la Cour sur la signification de l’expression «double usage» aux fins de cette directive. La juridiction de renvoi souhaite également savoir si la définition par le droit de l’Union de ce qui constitue un double usage s’impose aux législateurs nationaux s’ils décident d’adopter des mesures nationales de taxation de tels produits énergétiques.

Le cadre juridique

La directive 2003/96

2.

Les considérants suivants de la directive 2003/96 sont pertinents:

«(2)

L’absence de dispositions communautaires soumettant à une taxation minimale l’électricité et les produits énergétiques autres que les huiles minérales peut être préjudiciable au bon fonctionnement du marché intérieur.

(3)

Le bon fonctionnement du marché intérieur et la réalisation des objectifs des autres politiques communautaires nécessitent que des niveaux minima de taxation soient fixés au niveau communautaire pour la plupart des produits énergétiques, y compris l’électricité, le gaz naturel et le charbon.

(4)

D’importants écarts entre les niveaux nationaux de taxation de l’énergie appliqués par les États membres pourraient s’avérer préjudiciables au bon fonctionnement du marché intérieur.

(5)

La fixation à des niveaux appropriés des minima communautaires de taxation peut permettre de diminuer les écarts actuels entre les niveaux nationaux de taxation.

(6)

Conformément à l’article 6 du traité, les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des autres politiques de la Communauté.

(7)

En tant que partie à la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique, la Communauté a ratifié le protocole de Kyoto. La taxation des produits énergétiques et, le cas échéant, de l’électricité, est un des instruments disponibles pour atteindre les objectifs de Kyoto.

[…]

(22)

Les produits énergétiques doivent principalement être soumis à un cadre réglementaire communautaire lorsqu’ils sont utilisés comme carburant ou comme combustible. À cet égard, il est inhérent à la nature et à la logique de la fiscalité d’exclure du champ d’application de ce cadre les produits énergétiques à double usage ou utilisés autrement que comme combustibles ou carburants, ainsi que les procédés minéralogiques. L’électricité utilisée de la même manière doit bénéficier d’un traitement analogue.»

3.

L’article 1er de la directive impose aux États membres de taxer les produits énergétiques et l’électricité conformément à ses dispositions.

4.

Les dispositions combinées des paragraphes 1, sous b), et 5 de l’article 2 de la directive énoncent que, aux fins de cette directive, on entend notamment par «produits énergétiques» les produits «relevant des codes NC 2701, 2702 et 2704 à 2715 inclus» ( 4 ). La houille peut être classée sous les codes NC 2701, 2702 ou 2704.

5.

Certaines utilisations des produits énergétiques échappent au champ d’application de la directive ( 5 ). Ces cas sont énumérés à l’article 2, paragraphe 4, sous b), qui dispose:

«La présente directive ne s’applique pas:

[…]

aux utilisations ci-après des produits énergétiques et de l’électricité:

produits énergétiques destinés à des usages autres que ceux de carburant ou de combustible,

produits énergétiques à double usage.

Un produit énergétique est à double usage lorsqu’il est destiné à être utilisé à la fois comme combustible et pour des usages autres que ceux de carburant ou de combustible. L’utilisation de produits énergétiques pour la réduction chimique et l’électrolyse ainsi que dans les procédés métallurgiques est considérée comme un double usage,

électricité utilisée principalement pour la réduction chimique et l’électrolyse ainsi que dans les procédés métallurgiques,

électricité, lorsqu’elle intervient pour plus de 50 % dans le coût d’un produit […]

procédés minéralogiques […]»

6.

En vertu de l’article 4, paragraphe 1, les États membres doivent appliquer les niveaux minimaux de taxation prévus par la directive aux produits énergétiques, tels que la houille, visés à l’article 2.

7.

L’article 9, paragraphe 1, dispose que les niveaux minimaux de taxation applicables aux combustibles sont fixés conformément à l’annexe I, tableau C, de la directive ( 6 ).

8.

Les États membres étaient tenus de transposer la directive en droit national avant le 31 décembre 2003 et d’appliquer ces dispositions à partir du 1er janvier 2004 ( 7 ). Les mesures nationales de transposition doivent contenir une référence à la directive ou être accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle ( 8 ).

La législation nationale

9.

La loi instituant des taxes pour la protection de l’environnement (Wet belastingen op milieugrondslag, ci-après la «Wbm») instaure une taxe sur les produits à base de charbon relevant des codes NC 2701, 2702 et 2704 utilisés comme combustibles ( 9 ). La taxe est perçue à l’occasion de la livraison des produits au contribuable concerné. Une exonération est prévue en cas de «double usage» de tels produits ( 10 ). Le double usage vise l’utilisation de produits à base de charbon à la fois comme combustible et pour des usages autres que ceux de carburant et de combustible ( 11 ). Une exonération s’applique en cas de double usage du charbon et les autorités nationales compétentes remboursent la taxe payée lorsque le charbon n’est pas utilisé comme carburant ou comme combustible ou lorsqu’il y a double usage des produits à base de charbon en question ( 12 ).

10.

La juridiction de renvoi explique que les documents parlementaires exposant la genèse de l’article 20 de la Wbm indiquent que l’objet de l’insertion d’une définition de l’expression «double usage» à l’article 20, sous e), était de faire en sorte que la législation nationale soit alignée sur la directive ( 13 ).

11.

Il ressort des travaux préparatoires que:

«La définition de la notion de double usage est introduite à l’article 20 dans un nouveau point qui reprend la définition de la directive sur la taxation de l’énergie [ ( 14 )]. On entend par double usage l’utilisation de charbon qui, outre la fonction de combustible, a une ou plusieurs autres fonctions. L’utilisation de charbon pour la réduction chimique et les procédés métallurgiques est considérée comme un double usage. Ne sont pas considérées comme un double usage des situations dans lesquelles on valorise uniquement un produit de combustion du charbon (par exemple le CO2) et où le charbon lui-même n’est utilisé que comme combustible» ( 15 ).

12.

De plus, les documents exposant la genèse de la loi modifiant la loi instituant des taxes pour la protection de l’environnement et la loi sur les accises (mise en œuvre de la directive sur la taxation de l’énergie) [wet Wijziging van de Wet belastingen op milieugrondslag en de Wet op de accijns (implementatie richtlijn Energiebelastingen)] mentionnent ce qui suit:

«Il est renoncé à la taxation lors de l’utilisation de charbon transformé en coke pour d’autres fonctions que la fonction de combustible. Pour ce qui est de ces autres fonctions, on peut songer à la fonction de matière première et à la fonction de réduction. La production de fonte constitue un exemple d’une telle utilisation des cokes» ( 16 ).

Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

13.

X, la partie appelante au principal, produit du sucre et des produits contenant du sucre à partir de betteraves sucrières. Aux fins de la fabrication du sucre, X a pris livraison de charbon ( 17 ) et a payé la taxe sur les combustibles qui était due en vertu de la Wbm.

14.

Le processus de production de sucre à partir de betteraves sucrières comporte un certain nombre de phases ( 18 ). La première étape est l’extraction du jus de diffusion à partir des betteraves à sucre. Le jus de diffusion est ensuite épuré et le jus clair obtenu à la suite du processus d’épuration devient finalement, après évaporation et cristallisation, du sucre cristallisé. Dans le cadre de ce processus, il se forme aussi un précipité qui constitue un sous-produit, l’engrais calcique, lequel est utilisé dans l’agriculture pour maintenir le pH du sol. Ce précipité est appelé écume de carbonatation et est principalement composé de carbonate de calcium.

15.

Pour épurer le jus de diffusion extrait des betteraves à sucre, l’entreprise de transformation sucrière a besoin de gaz de four à chaux. Pour obtenir ce gaz, du calcaire et du charbon sont mélangés préalablement et introduits dans un four à chaux. La réaction chimique qui se produit dans le four à chaux donne naissance à des gaz de four à chaux [un mélange de dioxyde de carbone (CO2) provenant du charbon ainsi que du calcaire lui-même et d’azote provenant de l’air]. Les gaz de four à chaux contiennent environ 40 % de CO2 et ils doivent être exempts d’impuretés. Des substances autres que le charbon ne conviennent pas à la production du gaz de four à chaux «pur» nécessaire. Le four à chaux est utilisé en même temps pour produire de la chaux vive. Si l’on chauffe le calcaire (du carbonate de calcium composé à 97 % environ de CaCO3) à une température suffisamment élevée ( 19 ), le CO2 est produit en faisant réagir du charbon (qui a une teneur en carbone élevée étant donné qu’il est composé à 85 % environ d’atomes C) avec de l’oxygène (O2) provenant de l’air. Cette réaction dégage de la chaleur qui est utilisée afin de décomposer le calcaire en chaux vive et en dioxyde de carbone (dissociation).

16.

Dans toutes les raffineries (néerlandaises) de sucre de betterave, la chaux vive et le CO2 nécessaires pour l’épuration du jus sont produits sur place dans un four à chaux.

17.

Environ 12 % du gaz de four à chaux est rejeté dans l’air. Le reste (88 %) est utilisé dans les carbonatations ( 20 ). Après utilisation du gaz de four à chaux dans les carbonatations, une partie de celui-ci s’échappe (ce que l’on appelle les gaz résiduaires de la carbonatation). Environ un quart du CO2 utilisé dans les carbonatations est ainsi perdu. Le CO2 restant est absorbé par l’écume de carbonatation.

18.

Par lettre du 7 mars 2008, X a demandé le remboursement de 97 114,23 euros au titre de la taxe sur les combustibles acquittée. Les autorités nationales compétentes ont rejeté cette demande par une décision du 24 avril 2008. X a été débouté de son recours contre cette décision en première instance. X a ensuite interjeté appel devant le Gerechtshof ’s-Hertogenbosch, qui a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes:

«1)

Y a-t-il double usage au sens de l’article 2, paragraphe 4, initio, sous b), de la directive en cas d’utilisation de charbon (produits relevant des codes NC 2701, 2702 et 2704) comme combustible dans un four à chaux lorsque le dioxyde de carbone généré à partir du charbon (et de calcaire) dans ce four à chaux sert à produire le gaz de four à chaux qui est ensuite utilisé, et est nécessaire, pour l’épuration du jus de diffusion obtenu à partir des betteraves sucrières?

2)

Y a-t-il double usage au sens de l’article 2, paragraphe 4, initio, sous b), de la directive en cas d’utilisation de charbon (produits relevant des codes NC 2701, 2702 et 2704) comme combustible lorsque le dioxyde de carbone, généré par la chaleur et absorbé dans le gaz de four à chaux lors de l’épuration susmentionnée qui a lieu ensuite, est absorbé à 66 % dans l’écume de carbonatation qui est vendue en tant qu’engrais calcique au secteur agricole?

3)

À supposer qu’il y ait double usage au sens de l’article 2, paragraphe 4, initio, sous b), de la directive: la directive est-elle inapplicable compte tenu du libellé des termes introductifs du paragraphe 4 de son article 2, de telle sorte que l’intéressée ne saurait invoquer l’effet direct de la directive [pour l’interprétation de la notion de double usage en droit national telle que visée à l’article 20, initio, sous e), de la Wbm]?

4)

À supposer qu’il y ait double usage au sens de l’article 2, paragraphe 4, initio, sous b), de la directive et que celle-ci ne soit (par conséquent) pas applicable: le droit de l’Union empêche-t-il une interprétation de la notion de double usage en droit national plus restrictive que l’interprétation en vertu de la directive aux fins de l’imposition d’une taxe telle que la taxe sur les combustibles en cause?»

19.

Des observations écrites ont été déposées par X, le Royaume des Pays-Bas et la Commission européenne, lesquels ont tous présenté des observations orales au cours de l’audience du 12 décembre 2013.

Analyse

20.

Les États membres doivent tout au moins appliquer les niveaux minimaux de taxation aux produits énergétiques, tels que le charbon, conformément à la directive ( 21 ). Dans le cadre du processus de production du sucre décrit par la juridiction de renvoi, le charbon est utilisé en tant que combustible. Étant donné que les questions déférées ne concernent pas les produits énergétiques utilisés en tant que carburants, je limiterai mon analyse au double usage éventuel des produits énergétiques lorsque l’un des usages est celui en tant que combustible.

Première et deuxième questions: le double usage

21.

Par ses première et deuxième questions, la juridiction de renvoi souhaite être éclairée sur le sens de «double usage» au deuxième tiret de l’article 2, paragraphe 4, sous b), de la directive dans le cas de la production de sucre et d’un sous-produit, l’engrais calcique. Ces questions comportant entre elles des liens étroits, je les examinerai ensemble.

22.

X soutient que la portée de la notion communautaire de double usage n’est pas définie de manière détaillée dans la directive. Bien que certains exemples illustratifs de double usage soient donnés, ces exemples ne sont pas exhaustifs. Rien dans la directive n’indique si les termes «double usage» doivent être interprétés de manière large ou stricte. Cette expression doit néanmoins être interprétée de manière uniforme dans tous les États membres.

23.

Selon X, le double usage consiste, en l’espèce, à utiliser du charbon en tant que combustible, d’une part, et à produire un gaz, le CO2, qui fait nécessairement partie intégrante du processus de production du sucre ainsi que d’un sous-produit, l’engrais calcique, d’autre part. Le CO2 produit lors de la combustion du charbon joue un rôle important dans le processus de carbonatation et le charbon à partir duquel il est généré est destiné à des usages autres que la production de chaleur. Il satisfait, par conséquent, à la définition communautaire du double usage. Sans le charbon, le processus de production du sucre et de l’engrais calcique ne pourrait pas se dérouler de manière optimale. La directive n’opère pas de distinction entre l’utilisation de produits énergétiques en tant que matières premières pour fabriquer des produits finis ou en tant que matières consommables et l’emploi utile de tels produits. La directive ne précise pas non plus que le produit énergétique en question doit être utilisé simultanément en tant que combustible et à une autre fin pour qu’il y ait double usage. Par ailleurs, rien n’indique que l’objectif de protection de l’environnement de la directive devrait être déterminant lors de l’interprétation du texte.

24.

Le Royaume des Pays-Bas et la Commission ont tous deux adopté la position contraire.

25.

De leur point de vue, il y a uniquement double usage au sens de la directive lorsque l’énergie générée par le produit est elle-même destinée à un usage autre que celui de combustible. Cette conclusion est confirmée par le préambule de la directive (en particulier les considérants 2 à 7 et 22). L’utilisation de produits énergétiques comme combustibles donne lieu au paiement d’une taxe. Il en découle que, lorsque les produits énergétiques sont consommés uniquement comme combustibles, ils doivent être soumis à taxation conformément à la directive. Toute autre interprétation porterait atteinte au fonctionnement du marché unique. Cette interprétation est confirmée par les travaux préparatoires ( 22 ).

26.

Le charbon est utilisé au cours de l’une des phases du processus de production du sucre. La seule réaction chimique impliquant ce charbon se produit en présence d’oxygène, ce qui génère de la chaleur qui est utilisée afin de dissocier le calcaire en le décomposant en chaux vive et en CO2. Au cours des phases suivantes du processus, ce n’est pas le charbon lui-même qui est utilisé. C’est le résidu ou les résultats de la combustion qui sont utilisés ensuite pour fabriquer le sucre et pour produire le sous-produit, l’engrais calcique.

27.

S’il est vrai que le charbon est utilisé simultanément pour produire de la chaleur et du CO2, qui sont tous deux importants aux fins de la production de sucre à partir de betteraves sucrières, il est nécessaire, pour résoudre la question qui nous occupe, de prendre en considération l’usage du produit énergétique lui-même et non le but dans lequel il est utilisé. En l’occurrence, le charbon est totalement consommé lors de la combustion et il est uniquement utilisé de cette façon.

28.

Dans ses observations écrites, le Royaume des Pays-Bas propose deux illustrations à l’appui de sa position. L’usage du charbon aux fins de la production de fer à partir de minerai constitue un exemple de réduction chimique au sens de la directive. Dans le cadre de ce processus, le charbon est utilisé i) comme substance combustible et ii) comme agent réducteur. Lorsque le charbon est chauffé à une température suffisamment élevée, il permet à l’agent réducteur ajouté au minerai de fer dans le fourneau de débarrasser le métal de ses oxydes. La fonte brute obtenue grâce à ce procédé contient 4 % de carbone qui est dérivé du charbon utilisé dans le cadre du processus de production. Dans le cas de la production de fonte brute, le charbon est ainsi utilisé à la fois comme combustible et comme agent réducteur. En outre, contrairement au processus de production du sucre dans le cadre duquel il n’y a pas de carbone dans le produit final, du carbone est présent dans la fonte brute résultant de la fusion du minerai de fer. Le charbon est par conséquent à double usage lors de la fusion. Un autre exemple de double usage est fourni par l’utilisation de l’électricité dans le cadre de la fusion du zinc. Dans le cas de ce procédé, l’électricité est utilisée pour convertir des concentrés de zinc (du minerai contenant du zinc) en zinc pur. Il existe deux procédés: celui de l’électrolyse et celui de la pyrométallurgie. L’électrolyse est provoquée par le passage d’un courant électrique à travers une solution de sulfate de zinc. Cela débarrasse le zinc des oxydes auxquels il est lié. L’électricité est également utilisée pour produire de la chaleur à des fins d’électrolyse dans le cadre du raffinage du zinc.

29.

Il me semble que toutes les parties adhèrent à la description que la juridiction de renvoi fait du processus de production du sucre. Il est constant que le charbon est utilisé dans le cadre de ce processus en tant que combustible pour décomposer le calcaire et pour produire du CO2. À cet égard, le Royaume des Pays-Bas et la Commission relèvent à juste titre que ce qu’il y a lieu de vérifier, c’est le point de savoir si le charbon, et non le CO2, fait l’objet d’un double usage. La question est de savoir si c’est également à juste titre qu’ils soutiennent que, pour qu’il y ait double usage au sens de la directive, le produit énergétique lui-même doit avoir été utilisé dans le cadre d’un processus (et non de processus ultérieurs) pour déclencher une réaction chimique autre que celle qui provoque la combustion (c’est-à-dire la réaction qui résulte de l’usage en tant que combustible).

30.

Le Royaume des Pays-Bas affirme dans ses observations écrites que la juridiction de renvoi considère que le charbon est uniquement utilisé pour produire de la chaleur (même si, à l’audience, les Pays-Bas ont expliqué que le charbon est utilisé pour produire simultanément de la chaleur et du CO2). La décision de renvoi ne me semble pas contenir de constatation de fait aux termes de laquelle le charbon serait uniquement utilisé pour produire de la chaleur. Selon moi, la juridiction de renvoi a au contraire indiqué que du gaz de four à chaux contenant une certaine quantité de CO2 est produit en faisant réagir du charbon avec l’oxygène présent dans l’air. Cette réaction dégage de la chaleur qui est ensuite utilisée afin de décomposer (ou dissocier) le calcaire, ce qui génère davantage de CO2 ( 23 ). À mes yeux, cette constatation laisse entendre que le charbon est destiné à deux usages dans un four à chaux, en tant que matière première pour produire du CO2 et en tant que combustible.

31.

La question est de savoir si l’utilisation du charbon dans deux buts – pour produire tant de la chaleur que du CO2 – constitue un double usage au sens de la directive.

32.

Je considère que le libellé de la directive est suffisamment large pour qu’une telle utilisation du charbon remplisse les conditions du «double usage».

33.

Une définition des produits énergétiques à double usage figure au deuxième tiret de l’article 2, paragraphe 4, sous b), lui-même. Un produit énergétique est à «double usage» lorsqu’il est destiné à être utilisé à la fois comme combustible et pour des usages autres que celui de combustible. La difficulté résulte de l’absence de dispositions définissant ces «autres» usages. Le texte ne dit pas si le produit énergétique doit être utilisé simultanément pour produire de la chaleur et pour des usages autres que celui de combustible; il ne dit pas non plus si le «double usage» vise également des procédures séquentielles dans le cadre d’un processus de fabrication, par exemple lorsqu’un produit énergétique est d’abord utilisé pour provoquer une réaction chimique donnée et, ensuite, pour fournir de la chaleur. (En l’occurrence, le charbon est utilisé simultanément à des fins de combustion et pour produire du CO2 et il n’est donc pas nécessaire de trancher le point de savoir si des procédures séquentielles relèvent de la notion de «double usage».) La directive se borne à énumérer un certain nombre d’exemples, tels que l’utilisation de produits énergétiques pour la réduction chimique et l’électrolyse ainsi que dans les procédés métallurgiques. Aucun terme limitatif n’indique que les exemples donnés sont exhaustifs. Il n’est pas non plus évident de savoir si le législateur s’est attaché à la destination («pour la réduction chimique») ou au procédé («l’électrolyse ainsi que dans les procédés métallurgiques»): en fait, les deux éléments semblent avoir été envisagés.

34.

Ce point de vue est corroboré par le considérant 22 de la directive, qui explique que les produits énergétiques sont principalement soumis à une taxe lorsqu’ils sont utilisés comme combustible. Il est inhérent à la nature et à la logique de la fiscalité d’exclure du champ d’application de la taxation les produits énergétiques à double usage ou utilisés autrement que comme combustibles. Ce considérant vise le double usage en général, ce qui donne à penser que les exemples de double usage qui sont fournis au deuxième tiret de l’article 2, paragraphe 4, sous b), de la directive sont purement indicatifs.

35.

Les exemples illustratifs décrivent plusieurs procédés différents. Il est sans doute exact que du carbone est présent dans la fonte brute lorsque du charbon est utilisé en tant qu’agent réducteur dans le cadre du processus de production et que la teneur en carbone est la cause de la fragilité de la fonte brute. Toutefois, il n’est pas vrai que, lorsque de l’électricité est utilisée aux fins de la fusion du zinc, l’électricité elle-même soit présente dans le produit fini et qu’elle confère des propriétés particulières au zinc qui a été débarrassé de ses oxydes et déposé sur des cathodes. Il me semble que ces exemples ne démontrent pas que le législateur ait voulu qu’il y ait uniquement double usage lorsqu’un résultat particulier est obtenu du fait de l’utilisation du produit énergétique (par exemple, le fait qu’il soit une composante du produit fini du processus en question). De surcroît, même dans l’exemple cité par le Royaume des Pays-Bas, ce n’est pas le charbon lui-même qui est présent dans le produit fini, la fonte brute, mais l’élément dérivé du charbon, à savoir le carbone.

36.

Qui plus est, l’article 2, paragraphe 4, sous b), parle de l’utilisation des produits énergétiques «pour des usages autres que […]». Ces termes indiquent que l’usage auquel le produit énergétique est destiné (outre la production de chaleur) est (ou, tout au moins, peut être) un facteur pertinent.

37.

Enfin, l’article 2, paragraphe 4, sous b), énumère cinq hypothèses dans lesquelles l’utilisation de produits énergétiques échappe au champ d’application de la directive. Cette liste est hétérogène. Le premier tiret de l’article 2, paragraphe 4, sous b), vise les produits énergétiques destinés à des usages autres que celui de combustible. Les produits à double usage sont cités au deuxième tiret de cette disposition, avec des exemples illustrant aussi bien le procédé que la destination. Le troisième tiret de l’article 2, paragraphe 4, sous b), fait référence à l’électricité utilisée principalement pour la réduction chimique. Le quatrième tiret mentionne l’électricité lorsqu’elle intervient pour plus de 50 % dans le coût d’un produit. Le cinquième tiret vise les procédés minéralogiques. Rien dans le libellé ou l’économie de l’article 2, paragraphe 4, sous b), lui-même n’indique que le produit énergétique en question doive toujours être utilisé d’une certaine façon ou que certains types d’usage ne soient pas couverts par l’expression «pour des usages autres que [celui] de combustible».

38.

J’en conclus que le libellé du deuxième tiret de l’article 2, paragraphe 4, sous b), est suffisamment large pour inclure les produits énergétiques qui, comme en l’espèce, sont destinés à deux usages, à savoir générer de la chaleur et dégager du CO2.

39.

L’examen des finalités de la directive ne mène pas à une conclusion différente.

40.

La directive a trois principaux objectifs: introduire un régime soumettant à une taxation minimale les produits énergétiques ( 24 ), assurer le bon fonctionnement du marché intérieur en réduisant les écarts entre les niveaux nationaux de taxation de l’énergie ( 25 ) et améliorer la protection de l’environnement, notamment en réduisant les émissions de CO2 conformément au protocole de Kyoto ( 26 ). Toutefois, les considérants de la directive ne fournissent aucune explication expresse de la signification de l’expression «double usage» dans le contexte de ces objectifs.

41.

Les travaux préparatoires ( 27 ) indiquent que le fait que les produits énergétiques utilisés autrement que comme combustibles soient exclus du champ d’application de la directive «signifie […] que les produits utilisés dans l’industrie à des fins de réduction chimique ou en tant que matières premières ne sont pas taxés» ( 28 ). Le texte de ce qui est devenu par la suite le considérant 22 et les premier et deuxième tirets de l’article 2, paragraphe 4, sous b), a été introduit lors de l’examen de la proposition par le Conseil, même si le libellé du premier tiret de l’article 2, paragraphe 4, sous b), figurait déjà dans la proposition initiale de la Commission ( 29 ).

42.

Rien dans les travaux préparatoires n’indique que le produit énergétique en question ne peut pas être utilisé simultanément pour produire de la chaleur et en tant que matière première dont une autre substance est tirée, cette autre substance étant nécessaire au processus de production en question.

43.

De surcroît, il nous semble que les termes «des usages autres que [celui] de combustible», qui apparaissent à la fois au premier tiret et au deuxième tiret de l’article 2, paragraphe 4, sous b), devraient, en toute logique, être interprétés de la même façon dans les deux dispositions.

44.

Il ne serait vraisemblablement pas conforme à l’économie de la directive qu’un produit énergétique qui est utilisé uniquement en tant que matière première dans le cadre d’un processus de production échappe au champ d’application de la directive en vertu du premier tiret de l’article 2, paragraphe 4, sous b), tandis que le même produit pourrait relever de ce champ d’application en vertu du deuxième tiret au motif qu’il est utilisé simultanément en tant que combustible. Par conséquent, si un produit énergétique est une matière première aux fins du premier tiret de l’article 2, paragraphe 4, sous b), il devrait être considéré comme étant à double usage au sens du deuxième tiret lorsqu’il est utilisé à la fois comme combustible et comme matière première.

45.

Il se pose alors la question de savoir si le charbon, outre le fait qu’il est utilisé comme combustible, est également une matière première dans le cadre du processus de production examiné en l’espèce.

46.

Il me semble qu’il ressort de l’explication du processus de production du sucre par la juridiction de renvoi que la dissociation du calcaire en chaux vive et en CO2 est provoquée par la chaleur. Cette chaleur peut selon toute vraisemblance être générée par des produits énergétiques autres que le charbon. Toutefois, la juridiction de renvoi souligne que le calcaire et le charbon sont mélangés préalablement et introduits dans le four à chaux et que d’autres substances ne conviennent pas pour produire le gaz de four à chaux «pur» qui est nécessaire. Cette constatation implique, selon moi, que le charbon est nécessaire pour produire du gaz de four à chaux ayant les propriétés requises aux fins du processus de production du sucre en cause. Elle indique également que la destination du charbon utilisé en tant que matière première dans le cadre de ce processus de production est double: il sert à la fois de combustible et à produire du CO2. Cela constituerait un double usage.

47.

En ce qui concerne l’objectif de la directive consistant à améliorer la protection de l’environnement, le but du protocole de Kyoto est de réduire les émissions globales de six gaz à effet de serre incluant le CO2 ( 30 ). Il ressort selon moi de l’explication du processus de production du sucre par la juridiction de renvoi que la majeure partie du CO2 généré n’est pas émise dans l’atmosphère, mais qu’une grande partie est absorbée par le sous-produit, l’engrais calcique ( 31 ). Interpréter le double usage comme visant le charbon utilisé pour la chaleur et pour générer du CO2 dans ce contexte n’est pas nécessairement incompatible avec les objectifs environnementaux de la directive.

48.

Pour le bon ordre, il convient de vérifier si des principes utiles peuvent être tirés du droit environnemental de l’Union, principes qui pourraient être appliqués par analogie. Les termes «résidu» et «sous-produit» ont été examinés par la Cour dans le contexte du droit de l’environnement, en particulier lorsqu’elle a interprété la directive 75/442/CEE ( 32 ). À mon avis, ces notions ne sont pas applicables par analogie en l’espèce. En premier lieu, la procédure au principal concerne l’usage du charbon, qui n’est pas un sous-produit ou un résidu; il est utilisé au contraire dans le cadre du processus de production en question. En deuxième lieu, nous ne nous intéressons pas à la classification du CO2; peu importe donc de savoir s’il est considéré comme un sous-produit ou un résidu de la combustion. En troisième lieu, la jurisprudence environnementale relative à la signification des termes «déchets» et «se défaire» employés dans la directive-cadre sur les déchets relève d’un contexte très différent. Le libellé, l’économie et les objectifs de cette mesure ne sont pas les mêmes que ceux de la directive en cause dans la présente procédure. Par conséquent, je considère que la jurisprudence environnementale ne fournit pas d’éléments utiles en l’espèce.

49.

En résumé, il me semble qu’il y a double usage au sens du deuxième tiret de l’article 2, paragraphe 4, sous b), lorsque le charbon est utilisé à la fois pour générer du CO2 et en tant que combustible nécessaire à la dissociation du calcaire afin de libérer des gaz de four à chaux pour purifier le jus de diffusion obtenu à partir des betteraves sucrières. Si le charbon est à double usage dans le cadre de ce processus, il est nécessairement aussi à double usage en ce qui concerne l’engrais calcique qui résulte de ce processus en tant que sous-produit.

Troisième et quatrième questions: le point de savoir si le double usage est une notion du droit de l’Union

50.

La troisième question vise à établir si, dans le cas où l’usage du charbon dans le cadre de la production du sucre constituerait un double usage au sens du deuxième tiret de l’article 2, paragraphe 4, sous b), la directive serait applicable à l’interprétation des lois nationales, telles que celles qui sont en cause au principal, qui assujettissent de tels produits énergétiques à une taxe. La quatrième question revient à demander si, dans le cas où la directive ne serait pas applicable, le droit de l’Union s’opposerait à l’utilisation par le législateur national d’une notion plus restrictive du double usage.

51.

Par ses troisième et quatrième questions, la juridiction de renvoi souhaite savoir, en substance, si la directive crée une notion communautaire du double usage et, dans l’affirmative, dans quelle mesure il convient de tenir compte de cette notion lors de l’interprétation des dispositions pertinentes du droit national (la Wbm).

52.

X affirme dans ses observations écrites que certains États membres voisins ne frappent pas la production de sucre de taxes sur l’énergie, et ce soit parce que ce processus ne relève pas du régime de la taxation de l’énergie en question ( 33 ), soit parce que le charbon est considéré comme un produit à double usage ( 34 ). X soutient que l’interprétation que le gouvernement néerlandais fait du double usage n’est pas conforme à la notion communautaire du double usage et que les États membres doivent appliquer cette notion dans le cadre de leur droit national.

53.

Ni la Commission ni le Royaume des Pays-Bas ne présentent d’observations sur la notion de produits énergétiques à double usage qui est appliquée dans d’autres États membres. La juridiction de renvoi ne soulève pas non plus cette question. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire que la Cour examine la situation qui prévaut dans d’autres États membres pour répondre aux troisième et quatrième questions et, en l’absence d’informations complètes et de débat entre les parties en ce qui concerne la situation dans d’autres États membres, je ne tiendrai pas compte des données limitées dont je dispose dans le cadre de mon analyse.

54.

L’article 2, paragraphe 4, dispose expressément que la «directive ne s’applique pas […] aux […] produits énergétiques à double usage». Il est donc clair que de tels produits échappent au champ d’application de la directive et que le taux minimal harmonisé de taxation ne s’applique pas à eux. Par conséquent, les États membres sont en principe compétents pour taxer de tels produits énergétiques, à condition qu’ils exercent leurs compétences dans le respect du droit de l’Union, notamment les articles 30 TFUE et 110 TFUE ( 35 ).

55.

La directive instaure un régime d’harmonisation minimale. Dans ce contexte, le législateur de l’Union a choisi de ne pas faire relever les produits énergétiques à double usage de son champ d’application. Il est par conséquent loisible aux États membres d’opter pour une protection accrue de l’environnement en assujettissant, par exemple, tous les produits à double usage à une taxe ou en décidant de cibler des produits à double usage particuliers. Les États membres peuvent également décider de s’inspirer de la directive et ne pas taxer du tout de tels produits.

56.

La juridiction de renvoi explique que l’expression «double usage» a été spécifiquement utilisée par le législateur national à l’article 20, sous e), de la Wbm pour aligner cet instrument sur la directive. Il se pose, par conséquent, la question de savoir s’il existe une notion communautaire du double usage que X serait susceptible d’invoquer dans la procédure au principal; par ailleurs, l’arrêt Leur‑Bloem ( 36 ) s’applique-t-il à cet égard?

57.

À mon avis, la présente affaire est différente de la situation dont la Cour avait été saisie dans l’affaire Leur-Bloem. La question qui se posait dans cette affaire était de savoir si la Cour était compétente pour interpréter des dispositions de droit national qui appliquaient en fait des instruments législatifs de l’Union à des situations auxquelles ces instruments ne s’appliquaient pas nécessairement. La question s’inscrivait dans le contexte spécifique de l’interprétation de l’expression «échange d’actions» figurant à l’article 2, sous d), de la directive 90/434/CEE ( 37 ). La Cour a relevé dans l’arrêt Leur-Bloem que le juge de renvoi avait estimé que l’interprétation de la notion de fusion par échange d’actions, prise dans son contexte communautaire, était nécessaire à la solution du litige qui lui était soumis, que cette notion figurait dans la directive sur les fusions, qu’elle avait été reprise dans la loi nationale transposant cette directive et qu’elle avait été étendue aux situations similaires purement internes ( 38 ).

58.

Dans la présente affaire, la juridiction de renvoi explique que le législateur national poursuivait certains objectifs lorsqu’il a transposé la directive en droit national. Il apparaît que ces objectifs sont, premièrement, de faire en sorte que le champ d’application de l’exclusion des produits à double usage des niveaux minimaux de taxation prévus ne soit pas plus large que la directive ne l’autorise ( 39 ) et, deuxièmement, de taxer certains produits énergétiques à double usage en appliquant une définition plus stricte de cette expression que celle qui est utilisée dans la directive ( 40 ). Par conséquent, contrairement à ce qui s’est passé dans l’affaire Leur-Bloem, la juridiction de renvoi émet en l’espèce des doutes quant au point de savoir si la notion communautaire de double usage a été transposée en droit national.

59.

Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il me semble que le législateur national a pris en compte l’expression «double usage» figurant dans la directive lorsqu’il a établi le champ d’application de la mesure nationale en cause et qu’il a veillé à ce qu’elle ne soit pas plus large que la notion communautaire de double usage. Toutefois, le législateur national est ensuite allé plus loin et a décidé de taxer certains produits à double usage en adoptant une interprétation plus restrictive de cette expression.

60.

Dans la mesure où les produits énergétiques à double usage échappent au champ d’application de la directive, les États membres sont en principe libres de taxer de tels produits. Les États membres ne sauraient utiliser une définition plus large de l’expression «double usage» que ne l’est la notion communautaire – s’ils le font, ils excluent illégalement des produits énergétiques qui relèvent du champ d’application de la directive et qui devraient être soumis aux niveaux de taxation harmonisés prévus à l’annexe I de celle-ci.

61.

Toutefois, ils peuvent appliquer une définition plus restrictive du double usage et opter pour la taxation des produits énergétiques à double usage, à condition qu’ils exercent leurs compétences dans le respect du droit de l’Union ( 41 ). Si un État membre décide d’appliquer une telle définition plus stricte, un contribuable ne peut pas invoquer la notion communautaire plus large de double usage pour bénéficier d’une exonération de la taxe instituée par le droit national.

Conclusion

62.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit à la demande de décision préjudicielle du Gerechtshof ’s-Hertogenbosch:

Il y a double usage au sens du deuxième tiret de l’article 2, paragraphe 4, initio, sous b), de la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité, lorsque du charbon (produits relevant des codes NC 2701, 2702 et 2704) est utilisé comme combustible dans un four à chaux pour générer du dioxyde de carbone afin de produire du gaz de four à chaux, lequel est ensuite utilisé pour l’épuration du jus de diffusion obtenu à partir des betteraves sucrières, étant entendu que ce processus entraîne l’apparition d’un précipité, l’écume de carbonatation, qui constitue un sous-produit.

Les États membres peuvent appliquer une définition plus restrictive du double usage et opter pour la taxation des produits énergétiques à double usage, à condition qu’ils exercent leurs compétences dans le respect du droit de l’Union. Si un État membre décide d’appliquer une telle définition plus stricte, un contribuable ne peut pas invoquer une notion plus large du double usage, résultant du droit de l’Union, pour bénéficier d’une exonération de la taxe instituée par le droit national.


( 1 ) Langue originale: l’anglais.

( 2 ) Directive du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (JO L 283, p. 51, ci-après la «directive»).

( 3 ) La directive ne précise pas si l’électricité est ou non un produit énergétique. Toutefois, il résulte de l’article 2, paragraphe 2, que l’électricité relève du champ d’application de la directive.

( 4 ) Voir règlement (CE) no 2031/2001 de la Commission, du 6 août 2001, modifiant l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 279, p. 1). Pour le bon ordre, il peut être utile de rappeler que le code NC vise une position comportant une description générale de chaque produit, cette position étant dans certains cas subdivisée en positions plus spécifiques se rapportant à des produits particuliers. Ainsi, la description générale des produits relevant du code NC 2701 est «Houilles; briquettes, boulets et combustibles solides similaires obtenus à partir de la houille» et ce code comprend, notamment, l’anthracite (code NC 2701 11). Le code NC 2702 vise les lignites. Le code NC 2704 comprend les cokes et semi-cokes de houille, de lignite ou de tourbe. Voir aussi note 17 ci-dessous.

( 5 ) Voir aussi point 37 ci-dessous.

( 6 ) La houille et le coke (codes NC 2701, 2702 et 2704) constituent le sixième élément du tableau.

( 7 ) Article 28, paragraphes 1 et 2.

( 8 ) Article 28, paragraphe 3.

( 9 ) Dispositions combinées des articles 20 et 21.

( 10 ) Article 26.

( 11 ) Article 20, sous e).

( 12 ) Article 26, paragraphe 3.

( 13 ) Kamerstukken II, 2003/04, 29758, no 3, exposé des motifs, p. 7 et 8.

( 14 ) C’est-à-dire la directive 2003/96.

( 15 ) Kamerstukken II, 2003/04, 29758, no 3, exposé des motifs, p. 32.

( 16 ) Kamerstukken II, 2003/04, 29207, no 3, p. 12.

( 17 ) La juridiction de renvoi mentionne la coke de houille et l’anthracite dans sa décision. J’utiliserai le terme générique «charbon» pour désigner tous les produits visés par les codes NC pertinents, y compris la coke et l’anthracite.

( 18 ) La décision de renvoi du Gerechtshof ’s-Hertogenbosch comporte une présentation technique détaillée et utile que je résume aux points 14 à 17 des présentes conclusions.

( 19 ) L’équation chimique de la production de la chaux vive et du gaz de four à chaux est la suivante: CaCO3 + chaleur → CaO + CO2. Lorsqu’une substance est chauffée, la chaleur (une forme d’énergie) donne aux particules l’énergie de se déplacer et, si cette énergie est suffisamment importante, elle rompt les liens entre les particules qui assurent la cohésion de la substance.

( 20 ) La carbonatation est une réaction chimique dans le cadre de laquelle l’hydroxyde de calcium réagit avec le dioxyde de carbone et forme du carbonate de calcium insoluble. La réaction chimique est: Ca(OH)2 + CO2 → CaCO3 + H2O. Le terme «carbonatation» est également utilisé pour désigner le processus d’épuration du jus de diffusion extrait des betteraves sucrières.

( 21 ) Articles 1er, 4, paragraphe 1, et 9, paragraphe 1.

( 22 ) Voir point 41 et note 27 ci-dessous.

( 23 ) Voir point 15 ci-dessus.

( 24 ) Considérant 2.

( 25 ) Considérants 3 à 5.

( 26 ) Considérants 6 et 7.

( 27 ) Les travaux préparatoires comprennent la proposition de la Commission d’une nouvelle directive sur la taxation des produits énergétiques [CO (97) 30 final, du 12 mars 1997], ainsi que les documents du Conseil no 13062/02, du 17 octobre 2002; no 13422/02, du 29 octobre 2002; no 14200/02, du 13 novembre 2002; no 14862/02 ADD 1, du 27 novembre 2002, et no 15354/02, du 9 décembre 2002. Le document no 14200/02 semble particulièrement pertinent. Il introduit notamment des propositions relatives à ce qui est devenu par la suite le considérant 22, l’article 2, paragraphe 4, sous b), et l’article 14 de la directive 2003/96. La Cour a consulté les travaux préparatoires par le passé pour déterminer l’objet d’un texte législatif de l’Union (voir, par exemple, arrêt Rockfon, C‑449/93, EU:C:1995:420, points 30 à 34). Les documents du Conseil peuvent être consultés à l’adresse suivante: http://register.consilium.europa.eu.

( 28 ) COM (97) 30 final, p. 6. Cette exclusion du champ d’application de la directive figurait à l’article 13 de la proposition initiale. Aucune exception n’était prévue à ce stade pour ce qui est des produits à double usage. Voir, également, communiqué de presse IP/03/1456: «Les produits d’énergie ne sont taxés que lorsqu’ils sont utilisés comme carburants ou combustibles de chauffage et ne le sont pas lorsqu’ils servent de matière première ou lorsqu’ils interviennent dans des réductions chimiques ou des procédés électrolytiques ou métallurgiques».

( 29 ) Voir document no 14200/02, qui renferme le texte d’une déclaration commune de la Commission et du Conseil, à joindre au procès-verbal du Conseil, confirmant explicitement qu’il est inhérent à la nature et à la logique de la fiscalité d’exclure du champ d’application de ce cadre les produits énergétiques à double usage ou utilisés autrement que comme combustibles ou carburants. Les États membres auraient alors la faculté de prendre des mesures pour taxer ou ne pas taxer ces usages. Toutefois, une telle déclaration ne saurait être retenue pour l’interprétation d’une disposition de droit dérivé lorsque, comme en l’espèce, son contenu ne trouve aucune expression dans le texte de la disposition en cause et elle n’a, dès lors, pas de portée juridique (voir arrêts Antonissen, C‑292/89, EU:C:1991:80, point 18, et, plus récemment, Agrargenossenschaft Neuzelle, C‑545/11, EU:C:2013:169, point 52 et jurisprudence citée).

( 30 ) Les cinq autres gaz sont le méthane, l’oxyde nitreux, l’hexafluorure de soufre, les hydrofluorocarbones (HFC) et les hydrocarbures perfluorés (PFC).

( 31 ) Voir point 17 ci-dessus.

( 32 ) Directive du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39, ci‑après la «directive-cadre sur les déchets»), en particulier articles 1er, sous a), et 2, paragraphe 1, sous b).

( 33 ) Selon X, dans le cas de la Belgique et du Royaume-Uni.

( 34 ) Selon X, dans le cas de la France et de l’Allemagne.

( 35 ) Arrêt Fendt Italiana (C‑145/06 et C‑146/06, EU:C:2007:411, points 41 et 42).

( 36 ) C‑28/95, EU:C:1997:369, points 31 et 32. Voir, plus récemment, arrêt Isbir (C‑522/12, EU:C:2013:711, points 25, 28 et 30).

( 37 ) Directive du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents (JO L 225, p. 1, ci-après la «directive sur les fusions»).

( 38 ) Arrêt Leur-Bloem (EU:C:1997:369, point 31).

( 39 ) Voir point 10 ci-dessus.

( 40 ) Voir point 11 ci-dessus.

( 41 ) Voir point 54 ci-dessus.

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