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Document 62011FJ0115
Judgment of the European Union Civil Service Tribunal (Second Chamber), 10 July 2014.#CG v European Investment Bank (EIB).#Civil service — Staff of the EIB — Appointment — Post as Head of Division — Appointment of a candidate other than the applicant — Irregularities in the selection procedure — Duty of impartiality of the members of the selection panel — Reprehensible behaviour of the Chairperson of the selection panel vis-à-vis the applicant — Conflict of interests — Oral presentation common to all the candidates — Documents supplied for the oral presentation apt to favour one of the candidates — Candidate having assisted in the drafting of the documents supplied — Breach of the principle of equal treatment — Action for annulment — Request for compensation.#Case F‑115/11.
ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre) 10 juillet 2014.
CG contre Banque européenne d’investissement (BEI).
Fonction publique – Personnel de la BEI – Nomination – Poste de chef de division – Nomination d’un candidat autre que la requérante – Irrégularités de la procédure de sélection – Devoir d’impartialité des membres du panel de sélection – Comportements blâmables du président du panel de sélection à l’égard de la requérante – Conflit d’intérêts – Exposé oral commun à tous les candidats – Documents fournis pour l’exposé oral susceptibles de favoriser l’un des candidats – Candidat ayant participé à la rédaction des documents fournis – Violation du principe d’égalité – Recours en annulation – Demande indemnitaire.
Affaire F‑115/11.
ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre) 10 juillet 2014.
CG contre Banque européenne d’investissement (BEI).
Fonction publique – Personnel de la BEI – Nomination – Poste de chef de division – Nomination d’un candidat autre que la requérante – Irrégularités de la procédure de sélection – Devoir d’impartialité des membres du panel de sélection – Comportements blâmables du président du panel de sélection à l’égard de la requérante – Conflit d’intérêts – Exposé oral commun à tous les candidats – Documents fournis pour l’exposé oral susceptibles de favoriser l’un des candidats – Candidat ayant participé à la rédaction des documents fournis – Violation du principe d’égalité – Recours en annulation – Demande indemnitaire.
Affaire F‑115/11.
ECLI identifier: ECLI:EU:F:2014:187
ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)
10 juillet 2014 (*)
« Fonction publique – Personnel de la BEI – Nomination – Poste de chef de division – Nomination d’un candidat autre que la requérante – Irrégularités de la procédure de sélection – Devoir d’impartialité des membres du panel de sélection – Comportements blâmables du président du panel de sélection à l’égard de la requérante – Conflit d’intérêts – Exposé oral commun à tous les candidats – Documents fournis pour l’exposé oral susceptibles de favoriser l’un des candidats – Candidat ayant participé à la rédaction des documents fournis – Violation du principe d’égalité – Recours en annulation – Demande indemnitaire »
Dans l’affaire F‑115/11,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE,
CG, membre du personnel de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Sandweiler (Luxembourg), représentée initialement par Me N. Thieltgen, puis par Mes J.-N. Louis et D. de Abreu Caldas, avocats,
partie requérante,
contre
Banque européenne d’investissement (BEI), représentée par MM. G. Nuvoli et T. Gilliams, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),
composé de Mme M. I. Rofes i Pujol (rapporteur), président, MM. K. Bradley et J. Svenningsen, juges,
greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 mars 2014,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 27 octobre 2011, CG demande, en substance, au Tribunal d’annuler la décision du président de la Banque européenne d’investissement (BEI ou ci-après la « Banque ») de nommer M. A, au lieu de la requérante, au poste de chef de la division « Politique du risque et de la tarification » (« Risk Policy and Pricing division », ci-après la « division RPP »), intégrée dans le département du risque-crédit de la direction générale (DG) de la gestion des risques (ci-après la « DG ‘Gestion des risques’ »), et de condamner la Banque à réparer les dommages matériel et moral qu’elle estime avoir subis.
Cadre juridique
2 Conformément à l’article 308 TFUE, les statuts de la Banque sont établis par un protocole annexé à ce traité et au traité UE, dont il fait partie intégrante.
3 L’article 7, paragraphe 3, sous h), du protocole no 5 sur les statuts de la Banque prévoit l’approbation par le conseil des gouverneurs du règlement intérieur de la Banque. Ce règlement a été approuvé le 4 décembre 1958 et a subi plusieurs modifications. Il dispose que les règlements relatifs au personnel de la Banque sont arrêtés par le conseil d’administration.
4 Le 20 avril 1960, le conseil d’administration a arrêté le règlement du personnel de la Banque. Dans sa version applicable au litige, l’article 14 du règlement du personnel énonce que le personnel de la Banque se compose de trois catégories d’agents, selon la fonction exercée : la première catégorie vise le personnel de direction et regroupe deux fonctions, la fonction « [c]adre de direction » et la « [f]onction C » ; la deuxième catégorie vise le personnel de conception et regroupe trois fonctions, la « [f]onction D », la « [f]onction E » et la « [f]onction F » ; la troisième catégorie concerne le personnel d’exécution et se compose de quatre fonctions.
5 L’article 41 du règlement du personnel de la Banque dispose :
« Les différends de toute nature d’ordre individuel entre la Banque et les membres de son personnel sont portés devant la Cour de justice [de l’Union européenne].
Les différends, autres que ceux découlant de la mise en jeu de mesures [disciplinaires], font l’objet d’une procédure amiable devant la commission de conciliation de la Banque et ce, indépendamment de l’action introduite devant la Cour de justice.
[…] »
6 Le 25 mai 2004, le comité de direction de la Banque a approuvé un document intitulé « Instructions concernant la [m]obilité [i]nterne et les [p]romotions » (ci-après les « instructions »).
7 L’article 2 des instructions, intitulé « Publication des postes vacants », dispose :
« En règle générale, tous les postes vacants seront ouverts à tous les membres du personnel et publiés. […] »
8 L’article 3 des instructions, intitulé « Emploi de panels », prévoit :
« Le jugement collectif du personnel de direction par l’emploi de panels a pour but de contribuer à l’équilibre, à la justice et à la transparence du processus de prise de décision dans le pourvoi de postes vacants. […] l’emploi de panels sera requis pour pourvoir les postes vacants de la fonction C ou supérieurs [à cette fonction] […] »
9 L’annexe I des instructions, relative à la composition et au rôle des panels de sélection, dispose :
« […] Les panels doivent être le plus représentatifs possible de l’équipe de direction, en tenant compte du cadre et de l’impact du poste examiné. Ils doivent comprendre cinq membres et inclure des femmes et des hommes. Ils doivent inclure au moins un représentant du [département des ressources humaines] et un représentant d’une autre [d]irection générale, différente de celle du poste à pourvoir. Les membres du panel doivent avoir au moins le même niveau de fonction que celui du poste à pourvoir.
Le [d]irecteur [g]énéral responsable du poste et [le département des] [r]essources [h]umaines décident ensemble de la composition du panel. »
10 Le département des ressources humaines de la Banque a élaboré un document intitulé « Bonnes [p]ratiques des [p]anels de [s]élection » (ci-après les « bonnes pratiques »). Dans sa version applicable au litige, l’article 4.1 dispose :
« Les panels sont composés de cinq membres votants et d’un observateur représentant le [comité paritaire pour l’égalité des chances entre hommes et femmes]. Le [p]résident du panel représente habituellement la direction générale qui pourvoit le poste. Les cinq membres votants ont les mêmes droits de vote. L’observateur du [comité paritaire pour l’égalité des chances entre hommes et femmes] n’a pas de droit de vote. Les cinq membres votants devraient avoir au moins le même niveau de fonction que celui du poste vacant. La composition du panel est convenue entre [le département des ressources humaines] et la direction générale qui pourvoit le poste et doit inclure au moins un membre votant de sexe féminin. »
11 L’article 5.1 des bonnes pratiques se lit comme suit :
« Le [p]résident du panel a les mêmes droits de vote que les autres membres votants, mais il agit comme ‘primus inter pares’ […], ce qui signifie qu’en cas d’absence de consensus sur la recommandation finale le [p]résident a un droit de vote prépondérant dans la recommandation finale, qui devra être expliqué (si exercé) dans le procès-verbal de la réunion du panel. »
12 Selon l’article 10.3 des bonnes pratiques :
« […] Dans les débriefings et les délibérations du panel, […] [l]e [p]résident parle en dernier afin de permettre aux autres membres d’exprimer leur point de vue sans être influencés par la [d]irection générale qui recrute. […] »
13 Aux termes de l’article 17 des bonnes pratiques :
« La décision de nomination est prise par le [p]résident [de la Banque] après consultation avec ses collègues du [c]omité de [d]irection, suite à la proposition du [d]irecteur [du département des ressources humaines]. À cette fin, le [d]irecteur [du département des ressources humaines], sur la base du procès-verbal du [p]anel, adresse une proposition de nomination au [comité formé par le comité de direction et le secrétaire général] en y ajoutant, s’il 1’estime approprié, toute considération supplémentaire [du département des ressources humaines]. »
Faits à l’origine du litige
14 La requérante a été engagée par la Banque le 16 juillet 1998 dans la fonction E de la catégorie du personnel de conception.
15 Le 1er avril 2001, la requérante a été promue à la fonction D, échelon 1, de la catégorie du personnel de conception.
16 Le 1er janvier 2008, la requérante a été nommée chef de la division « Coordination » (ci-après la « division de la coordination ») au sein de la DG « Gestion des risques » et a été promue à la fonction C de la catégorie du personnel de direction. À la date de l’introduction du recours, la requérante occupait toujours ce poste.
17 Lors de l’entrée en fonction de la requérante au poste de chef de la division de la coordination, la DG « Gestion des risques » était dirigée par un directeur général qui avait sous sa supervision directe M. X, directeur du département du risque-crédit, M. Y, directeur du département du risque financier, et la requérante.
18 Dans le rapport d’évaluation de la requérante portant sur l’année 2008, le directeur général de la DG « Gestion des risques », en tant qu’évaluateur, a estimé que sa performance avait été en conformité avec l’ensemble des attentes et la requérante s’est vu attribuer une prime.
19 Dans le rapport d’évaluation de la requérante portant sur le premier semestre de l’année 2009, l’évaluateur a conclu que la performance de la requérante avait été très bonne. La requérante a obtenu une augmentation de salaire de trois mini-échelons et des primes.
20 Par note du 16 février 2011, le directeur général de la DG « Gestion des risques » a soumis une proposition de réorganisation de cette direction générale au comité de direction de la Banque.
21 Le 18 février 2011, la requérante a introduit une demande d’ouverture d’une procédure d’enquête en matière de respect de la dignité de la personne au travail visant MM. X et Y. Dans cette demande, la requérante affirmait que, depuis le mois de juin 2010, s’agissant de M. X, et le mois de septembre 2008, s’agissant de M. Y, ceux-ci avaient commis envers elle des actes d’intimidation et de harcèlement, consistant, entre autres, en une « mise au placard » par la dilution et/ou l’amenuisement de son rôle et de ses responsabilités.
22 Le 22 février 2011, le comité de direction de la Banque a validé le projet de réorganiser la DG « Gestion des risques » (ci-après la « réorganisation de la DG ‘Gestion des risques’ »), cette nouvelle organisation étant différente de la proposition figurant dans la note du 16 février 2011 du directeur général de la DG « Gestion des risques ».
23 Par courrier du directeur du département des ressources humaines du 28 février 2011, la requérante a été informée de l’ouverture de la procédure d’enquête et a été invitée à exposer sa plainte dans un mémorandum.
24 Par mémorandum du 14 mars 2011, la requérante a fait état des comportements de harcèlement et d’intimidation que les deux harceleurs présumés, MM. X et Y, auraient eus à son égard.
25 Par note du 30 mars 2011, le président de la Banque a porté à la connaissance du personnel le fait que le comité de direction avait approuvé la réorganisation de la DG « Gestion des risques » avec effet au 1er avril 2011 (ci-après la « note au personnel du 30 mars 2011 »). Il ressort de cette note que, à partir de cette date, la politique générale du risque, y compris l’accord de Bâle, l’adéquation des fonds propres, la simulation de crise et la tarification, relèverait d’une division nouvellement créée, la division RPP, intégrée dans le département du risque-crédit de la DG « Gestion des risques ». La note au personnel du 30 mars 2011 indiquait également que, dans le cadre de la réorganisation de la DG « Gestion des risques », M. Y, directeur du département du risque financier, deviendrait directeur du département du risque-crédit et que l’avis de vacance pour le nouveau poste de chef de la division RPP (ci-après le « poste litigieux ») serait publié selon les procédures habituelles de la Banque.
26 Le 20 mai 2011, l’avis de vacance pour le poste litigieux a été publié. Le délai pour faire acte de candidature était fixé au 7 juin 2011.
27 Par courriel du 3 juin 2011 adressé au directeur du département des ressources humaines, la requérante a demandé la suspension de la procédure de recrutement pour pourvoir le poste litigieux, notamment parce que M. Y, qui faisait partie du panel de sélection, était visé par une procédure d’enquête en cours dont elle était à l’origine. Ce courriel est resté sans réponse.
28 Le 7 juin 2011, la requérante a fait acte de candidature pour le poste litigieux.
29 Par courriel du 10 juin 2011, la requérante a été invitée à un entretien avec le panel de sélection fixé au 17 juin 2011. L’invitation à l’entretien avec le panel de sélection indiquait que le panel était composé de cinq personnes, dont M. Y qui le présidait. Il était également précisé que, pendant l’entretien, la requérante devrait faire un exposé de dix minutes sur une question qui lui était communiquée dans le courriel et pour lequel elle pouvait s’aider des documents annexés au courriel.
30 Par courriel du 14 juin 2011 adressé au directeur du département des ressources humaines, la requérante a demandé que M. Y soit remplacé.
31 Par courriel du même 14 juin 2011, le directeur du département des ressources humaines a répondu à la requérante que la composition du panel de sélection serait maintenue. Il lui a indiqué qu’il serait « inconcevable » que M. Y, directeur du département du risque-crédit, ne préside pas tous les entretiens effectués par le panel de sélection. Il a souligné qu’un agent du département des ressources humaines était membre du panel de sélection et que l’une des responsabilités majeures de ce dernier était d’assurer à tous les candidats un traitement équitable et objectif.
32 Le 16 juin 2011 en milieu de journée, la requérante a envoyé par courriel sa lettre de motivation et son curriculum vitae au secrétariat du panel de sélection.
33 Par courriel du même 16 juin 2011 au soir, la requérante a informé le secrétariat du panel de sélection que, pour des raisons médicales, elle ne pourrait pas se présenter à l’entretien fixé pour le lendemain et qu’elle serait en congé de maladie pendant trois semaines.
34 Le 17 juin 2011, tous les candidats, à l’exception de la requérante, ont eu un entretien avec le panel de sélection.
35 Par courriel du 29 juin 2011, envoyé également par courrier, le représentant du département des ressources humaines dans le panel de sélection a invité la requérante à lui donner une date, comprise entre le 8 et le 14 juillet 2011, pour son entretien avec le panel. En l’absence de réponse de la requérante, le membre du panel susmentionné lui a demandé par courriel du 7 juillet 2011, et par lettre recommandée, de confirmer si elle était disponible le 11, le 13 ou le 14 juillet 2011 pour ledit entretien.
36 Par courriel du 11 juillet 2011, la requérante a communiqué sa disponibilité pour le 13 et le 14 juillet 2011, à la convenance du panel.
37 Le 11 juillet 2011, le comité d’enquête en charge de la plainte pour harcèlement déposée par la requérante a émis son avis (ci-après l’« avis du comité d’enquête »). S’agissant de M. X, le comité d’enquête a conclu qu’il n’avait pas pu « constater une attitude abusive et intentionnelle susceptible d’être qualifié[e] de harcèlement dans [son] chef » et, s’agissant de M. Y, après avoir constaté que certains comportements dénoncés par la requérante étaient avérés, le comité d’enquête ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si ces comportements étaient constitutifs de harcèlement moral. Dans ledit avis, le comité d’enquête a également formulé une série de recommandations à l’attention de la Banque.
38 Le 13 juillet 2011, la requérante a été entendue par le panel de sélection, sous la présidence de M. Y.
39 Dans son procès-verbal du 18 juillet 2011, dressé à l’issue de la procédure de sélection, le panel a conclu à l’unanimité que M. A était le meilleur candidat au poste litigieux et a recommandé sa nomination.
40 Par courriel du 27 juillet 2011, la requérante a été informée de ce que M. A avait été sélectionné par le panel.
41 Par note du 28 juillet 2011, le président de la Banque a porté à la connaissance du personnel sa décision, prise après consultation de ses collègues du comité de direction, de nommer M. A au poste litigieux (ci-après la « décision du 28 juillet 2011 »).
42 Par courriel du 29 juillet 2011, la requérante a demandé au directeur du département des ressources humaines d’être informée par écrit des motifs pour lesquels sa candidature n’avait pas été retenue ainsi que des raisons justifiant le choix d’un autre candidat.
43 Par courrier du 5 septembre 2011, la requérante a adressé au président de la Banque une réclamation visant à l’annulation de la décision du 28 juillet 2011 ainsi qu’une demande d’indemnisation des préjudices prétendument causés par l’illégalité de cette décision et par le fait d’avoir été obligée à se présenter devant un panel de sélection dont l’un des membres était un des harceleurs présumés à l’encontre duquel une procédure d’enquête était en cours.
44 Le 8 septembre 2011, la requérante a été reçue par un agent du département des ressources humaines qui lui a donné accès à la partie du procès-verbal du panel de sélection la concernant.
45 Par courrier du 19 septembre 2011, le président de la Banque a accusé réception de la réclamation du 5 septembre 2011. Il a informé la requérante qu’en raison de l’absence jusqu’au 23 septembre 2011 de la personne responsable au sein du département des ressources humaines, la réclamation et la demande indemnitaire seraient traitées dès le retour de congé de cet agent et qu’il lui ferait part de sa décision après cette date.
Conclusions des parties et procédure
46 La requérante conclut dans sa requête à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision du 28 juillet 2011 ;
– enjoindre à la Banque de prendre les mesures nécessaires afin de mettre en place une procédure régulière visant à pourvoir le poste litigieux ;
– établir la responsabilité de la Banque à son égard quant à l’illégalité de la décision de nommer M. A au poste litigieux ;
– condamner la Banque au paiement d’une indemnité en réparation des préjudices matériel et moral qu’elle a subis, l’indemnisation devant être assortie des intérêts moratoires :
– concernant le préjudice moral : 50 000 euros ;
– concernant le préjudice matériel à titre de perte de rémunération : 436 100 euros ;
– à titre de mesure d’instruction, ordonner une expertise pour constater l’étendue des préjudices matériel et moral résultant de l’illégalité de la décision du 28 juillet 2011, dont l’objet est plus amplement exposé dans l’offre de preuve annexée à la requête ;
– condamner la Banque au paiement des dépens de la procédure.
47 La Banque conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme irrecevable et/ou non fondé ;
– condamner la requérante aux dépens.
48 Dans sa réplique présentée le 6 juin 2012, la requérante a demandé au Tribunal d’ordonner, à titre de mesure d’instruction, l’audition d’un témoin tel que précisé dans une offre de preuve annexée à ladite réplique et, à titre subsidiaire, d’accepter en tant que nouvelle offre de preuve le témoignage dudit témoin produit dans cette annexe. Cette demande a été faite à l’appui des conclusions en annulation du recours. Interrogée par le Tribunal sur cette demande de mesure d’instruction dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure mentionnées au point suivant, la requérante a précisé qu’elle n’avait pu être formulée dans sa requête parce qu’elle n’avait pris connaissance qu’en février 2012 des faits sur lesquels ce témoin serait susceptible de s’exprimer.
49 Par lettres du greffe du 29 janvier 2014, les parties ont été invitées à répondre à des mesures d’organisation de la procédure. Elles ont dûment déféré à cette invitation.
50 À l’audience, la requérante s’est désistée des deuxième et cinquième chefs de conclusions de sa requête.
En droit
1. Sur le premier chef de conclusions, visant à l’annulation de la décision du 28 juillet 2011
51 À l’appui de sa demande en annulation, la requérante invoque trois moyens. Le premier est tiré de l’existence d’irrégularités viciant la procédure de recrutement. Le deuxième est pris de l’erreur manifeste d’appréciation. Le troisième est fondé sur un détournement de pouvoir.
52 Lors de l’audience, la requérante a déclaré qu’elle renonçait à se prévaloir des deuxième et troisième moyens.
53 Il y a donc lieu de considérer que la requérante invoque un moyen unique, tiré de l’existence d’irrégularités viciant la procédure de recrutement. Ce moyen est divisé en deux branches : la première est tirée du manque d’impartialité du panel de sélection et la seconde de la violation du principe d’égalité de traitement dans le choix des questions soumises aux candidats, choix qui aurait favorisé M. A.
Sur la première branche du moyen, tirée du manque d’impartialité du panel de sélection
54 Dans le cadre de la première branche de son unique moyen d’annulation, la requérante soulève deux griefs : elle se plaint, en premier lieu, du manque d’impartialité du président du panel de sélection, M. Y, et, en second lieu, du manque d’impartialité des autres membres du panel.
Sur le premier grief, tiré du manque d’impartialité de M. Y en tant que membre et président du panel de sélection
– Arguments des parties
55 La requérante fait valoir que la décision du 28 juillet 2011 a été prise suite à une recommandation du directeur du département des ressources humaines basée sur une procédure de recrutement entachée d’irrégularités et qu’elle doit dès lors être annulée. Elle relève que, le 28 février 2011, une procédure d’enquête en matière de respect de la dignité de la personne au travail a été ouverte à sa demande pour des faits d’intimidation et de harcèlement dont elle s’estimait victime depuis septembre 2008, notamment de la part de M. Y. En date du 11 juillet 2011, le comité d’enquête aurait précisé dans son avis que M. Y était perçu comme un « homme ambitieux » et un « rouleau compresseur qui avance sans trop s’occuper des dommages collatéraux qu’il peut causer » et qu’il aurait écarté la requérante de son poste en s’appropriant tous les aspects stratégiques que la division de la coordination comportait.
56 La requérante affirme que, en raison de la procédure d’enquête pour harcèlement qui avait été ouverte à sa demande et qui visait M. Y, ce dernier se trouvait dans une situation de conflit d’intérêts par rapport à elle pendant la procédure de sélection, situation qui l’empêchait de donner un avis objectif et impartial sur sa candidature. La requérante ajoute que, de surcroît, M. Y présidait le panel de sélection, ce qui lui aurait permis d’influencer directement ou indirectement les autres membres du panel quant au choix de l’attributaire du poste. En raison de la présence de M. Y dans le panel de sélection, l’avis de ce panel n’aurait donc pas pu présenter les garanties d’impartialité et d’objectivité requises.
57 La requérante se plaint également de ce que, malgré l’avis du comité d’enquête, dans lequel celui-ci avait constaté dans le chef de M. Y certains des comportements qu’elle avait dénoncés, et malgré sa demande expresse que M. Y ne fasse pas partie du panel de sélection, la Banque n’ait pas modifié la composition du panel et qu’elle ait dû se présenter devant un panel de sélection dans lequel siégeait un de ses harceleurs présumés.
58 La Banque rétorque que, dans la mesure où M. Y était le directeur du département qui recrutait, sa nomination comme membre du panel de sélection répondait à une pratique constante et était conforme aux bonnes pratiques. S’agissant de l’avis du comité d’enquête, la Banque relève que celui-ci aurait conclu qu’aucun acte de harcèlement n’était imputable aux harceleurs présumés. Elle aurait également adopté des mesures aptes à garantir l’impartialité des panels, telles que la présence au sein du panel d’un représentant du département des ressources humaines et la présence comme membre observateur d’un représentant du comité paritaire pour l’égalité des chances entre hommes et femmes (ci-après le « COPEC »). Enfin, le procès-verbal du panel de sélection montrerait que M. Y n’avait pas pris de position discriminatoire vis-à-vis de la requérante et que sa position comme président du panel n’avait joué aucun rôle dans la décision du 28 juillet 2011. En effet, il résulterait du procès-verbal du panel que la requérante avait été classée en dernière position sur les cinq candidats, que la décision du panel de recommander M. A pour le poste litigieux avait été prise à l’unanimité des membres du panel et que les notes attribuées par les membres du panel à chacun des candidats étaient homogènes, aucun membre ne s’étant éloigné de façon significative de la ligne exprimée par les autres.
– Appréciation du Tribunal
59 Il est de jurisprudence constante que le large pouvoir d’appréciation dont est investi un jury de concours ou un panel de sélection quant à la détermination des modalités et du contenu détaillé des épreuves orales auxquelles sont soumis les candidats doit être compensé par une observation scrupuleuse des règles régissant l’organisation de ces épreuves (arrêts Girardot/Commission, T‑92/01, EU:T:2002:220, point 24, et Christensen/Commission, T‑336/02, EU:T:2005:115, point 38).
60 Il est de jurisprudence tout aussi constante qu’un jury de concours est tenu de garantir que ses appréciations sur tous les candidats examinés, lors des épreuves orales, soient portées dans des conditions d’égalité et d’objectivité (arrêt Pantoulis/Commission, T‑290/03, EU:T:2005:316, point 90, et la jurisprudence citée). Bien que la procédure de recrutement en cause n’ait pas pris la forme d’un concours, cette jurisprudence peut être appliquée en l’espèce dès lors qu’un panel de sélection a pour but, à l’instar d’un jury de concours, de choisir les meilleurs candidats parmi ceux ayant postulé suite à la publication d’un avis de vacance de poste et dispose d’une importante marge de manœuvre dans l’organisation des tests de sélection.
61 Par conséquent, il incombait à la Banque, en vertu des principes de bonne administration et d’égalité de traitement, de veiller à la bonne organisation de la procédure de sélection et d’assurer à tous les candidats à cette procédure de sélection le déroulement le plus serein et régulier possible des entretiens avec le panel de sélection. Cela imposait que tous les membres du panel de sélection, désignés par la Banque, aient possédé l’indépendance nécessaire pour que leur objectivité ne puisse être mise en doute.
62 Il appartient dès lors au Tribunal de vérifier si le panel de sélection a été constitué et a fonctionné régulièrement, dans le respect notamment de son devoir d’impartialité, ce respect étant l’une des règles qui président aux travaux des jurys de concours comme aux travaux des panels de sélection et qui sont soumises au contrôle du juge de l’Union (voir, en ce qui concerne le fonctionnement d’un jury de concours, ordonnance Meierhofer/Commission, F‑74/07 RENV, EU:F:2011:63, point 62).
63 Le Tribunal est donc appelé à examiner, en l’espèce, si M. Y se trouvait dans une situation de conflit d’intérêts par rapport à la requérante dans la mesure où il faisait l’objet d’une procédure d’enquête pour harcèlement dont elle était à l’origine. Dans l’affirmative, le manquement de M. Y à son obligation de s’abstenir d’évaluer la candidature de la requérante constituerait une violation de son devoir d’impartialité et, par suite, du devoir d’impartialité du panel dans son ensemble.
64 À cet égard, il convient de rappeler qu’un conflit d’intérêts concerne la situation dans laquelle un fonctionnaire ou un agent est amené, dans l’exercice de ses fonctions, à se prononcer sur une affaire au traitement ou à la solution de laquelle il a un intérêt personnel de nature à compromettre son indépendance (à titre d’exemple, arrêt Giannini/Commission, T‑100/04, ci-après l’« arrêt Giannini », EU:T:2008:68, point 223).
65 Or, la seule circonstance qu’un membre d’un jury de concours ou d’un panel dans le cadre d’une procédure de sélection soit visé par une plainte pour harcèlement déposée par un candidat au concours ou à la procédure de sélection ne saurait, en tant que telle, impliquer l’obligation pour le membre concerné de se récuser du jury ou du panel de sélection (voir, en ce sens, arrêt BY/AESA, F‑81/11, EU:F:2013:82, point 72). En revanche, s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, que ce membre du jury est en conflit d’intérêts en ce sens qu’il a, directement ou indirectement, un intérêt personnel à favoriser ou à défavoriser l’un des candidats, l’obligation d’impartialité, telle que consacrée à l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, exige que celui-ci ne puisse pas s’exprimer sur les mérites de ce candidat, notamment si la personne retenue à l’issue de la sélection en cause est censée collaborer ultérieurement sous son autorité hiérarchique.
66 En l’occurrence, il est constant que la division RPP nouvellement créée était intégrée dans le département du risque-crédit et que M. Y, en tant que directeur de ce département, allait devenir le supérieur hiérarchique direct du candidat qui serait nommé au poste litigieux. Le Tribunal doit donc examiner si la requérante a fourni des indices objectifs, pertinents et concordants selon lesquels M. Y, en tant que membre et président du panel de sélection, avait un intérêt personnel de nature à compromettre son indépendance dans l’évaluation de sa candidature au poste litigieux.
67 À cet égard, d’une part, il est constant que, le 28 février 2011, une procédure d’enquête en matière de respect de la dignité de la personne au travail a été ouverte à la demande de la requérante pour des faits d’intimidation et de harcèlement notamment commis par M. Y. Dès lors, le Tribunal observe que la Banque a estimé qu’une telle procédure d’enquête était nécessaire au vu des circonstances et qu’il n’y avait pas lieu de rejeter d’emblée la demande de la requérante.
68 Il n’est pas non plus contesté que, le 11 juillet 2011, le comité d’enquête en charge de la plainte déposée par la requérante a émis son avis, lequel ne contient aucune conclusion formelle sur la question de savoir si les comportements reprochés à M. Y étaient constitutifs de harcèlement, même si le comité d’enquête a notamment constaté que certains comportements dénoncés par la requérante étaient avérés. En réponse à une question formulée par le Tribunal lors de l’audience, la Banque a affirmé que, normalement, l’avis d’un comité d’enquête en matière de harcèlement est transmis au président de la Banque pour adoption d’une décision, mais pas directement aux harceleurs présumés ni au plaignant. Elle a également précisé que, sans doute, M. Y avait reçu communication formelle de la décision de ne pas donner suite à la plainte de la requérante que le président de la Banque avait prise au vu de l’avis du comité d’enquête, mais pas de l’avis lui-même.
69 D’autre part, il est également constant que l’avis de vacance pour le poste litigieux a été publié le 20 mai 2011 et que l’entretien de la requérante avec le panel de sélection a eu lieu le 13 juillet 2011, soit deux jours après que le comité d’enquête avait rendu son avis, puis que, le 18 juillet 2011, le panel de sélection a rédigé son procès-verbal retenant M. A pour ce poste.
70 Il ressort ainsi des points précédents que la procédure de sélection s’est déroulée en parallèle à la procédure d’enquête.
71 Ensuite, il ressort de l’avis du comité d’enquête que la requérante s’est plainte notamment d’une « mise au placard » par M. Y à travers la dilution et/ou l’amenuisement de son rôle et de ses responsabilités.
72 À cet égard, le comité d’enquête a constaté qu’« [a]u fil du temps la position de [la requérante] a changé aux yeux de [M. Y] : de collaboratrice appréciée et notée très favorablement, elle est devenue un élément qui gênait dans le parcours qu’il s’était assigné. Comme elle était en plus une concurrente pour la place de [d]irecteur [g]énéral de la [DG ‘Gestion des risques’], [M. Y] n’a eu aucune hésitation pour remplir les vacances de pouvoir laissées par [la requérante] du fait de sa maladie et que cette dernière essayait de son lit de maladie de combler tant soit peu » et que, de ce fait, M. Y « a peu à peu écarté [la requérante] de son poste en s’appropriant tous les aspects stratégiques que le service de coordination comporte. Actuellement il est ainsi constant […] que l’organigramme de la [DG ‘Gestion des risques’] est tel que [M. Y] concentre entre ses mains toutes les fonctions clés, stratégiques, donnant une haute visibilité vis-à-vis de la hiérarchie de la Banque et que [la requérante] est confinée à des fonctions administratives. Ce que [la requérante] a anticipé est donc arrivé ».
73 Dans son avis, le comité d’enquête affirme également que les « relations [de la requérante], préalablement excellentes avec [M. Y] se détérioraient, [M. Y] comblant les vides laissés par [la requérante] et grignotant au fur et à mesure les fonctions les plus importantes et demandantes intellectuellement [de la requérante], cette dernière n’acceptant pas cet effritement de ses compétences. Finalement, toute communication et toute relation de confiance entre les deux étai[en]t devenue[s] impossible[s] ».
74 De même, le comité d’enquête observe que M. Y « est […] perçu comme un homme ambitieux qui a des visions sur son avenir professionnel et qui est décrit par d’aucuns comme un rouleau compresseur qui avance sans trop s’occuper des dommages collatéraux qu’il peut causer » et que « [la requérante] était là, elle entravait ses ambitions et son absence […] pour cause de maladie bloquait partiellement une bonne exécution d[u] travail, elle était à écarter ».
75 Il ressort ainsi de l’avis du comité d’enquête que M. Y avait effectivement adopté certains des comportements que la requérante lui reprochait et que, au moment de l’entretien de la requérante avec le panel de sélection, le 13 juillet 2011, les relations professionnelles entre la requérante et M. Y étaient gravement détériorées.
76 Étant donné que M. Y serait devenu le supérieur hiérarchique direct de la requérante si elle avait été sélectionnée et nommée au poste litigieux, le Tribunal estime que, au vu des considérations et des faits exposés aux points 67 à 75 du présent arrêt, et notamment des faits que le comité d’enquête, dans son avis, considère comme établis, la requérante a fourni, en l’espèce, des indices objectifs, pertinents et concordants au soutien de sa thèse selon laquelle, lorsque M. Y a été nommé membre du panel de sélection, il se trouvait dans une situation de conflit d’intérêts de nature à mettre en doute sa capacité à apprécier avec l’objectivité nécessaire la candidature de la requérante.
77 Il est constant que M. Y a participé à l’entretien et à l’évaluation de la requérante, alors qu’il aurait dû s’abstenir dans la mesure où il se trouvait dans une situation de conflit d’intérêts à son égard.
78 En outre, il convient de rappeler que les articles 5.1 et 10.3 des bonnes pratiques disposent que le président du panel de sélection a un droit de vote prépondérant en cas d’absence de consensus sur la recommandation finale et que, dans les délibérations, il doit parler en dernier pour ne pas influencer les autres membres du panel de sélection. Par conséquent, il ressort de ces dispositions que M. Y, en tant que président du panel de sélection, a été en position de jouer un rôle prépondérant dans les travaux du panel et d’influencer les autres membres du panel de sélection.
79 Au vu des considérations qui précèdent et sans préjuger du contenu des débats entre les membres du panel de sélection et des positions prises par les différents membres du panel, y compris par M. Y, il convient de conclure que M. Y, du fait d’avoir siégé dans le panel de sélection, a violé son devoir d’impartialité. Par voie de conséquence, dans la mesure où chacun des membres du panel de sélection doit posséder l’indépendance nécessaire pour que l’objectivité du panel de sélection dans son ensemble ne puisse être compromise, il y a lieu de considérer que le devoir d’impartialité du panel de sélection dans son ensemble a été violé.
80 Cette conclusion ne saurait être infirmée par les arguments de la Banque.
81 D’abord, s’agissant de l’argument selon lequel il aurait été « inconcevable » que le directeur du département qui recrute, en l’espèce M. Y, ne préside pas tous les entretiens du panel de sélection, il suffit de signaler que l’article 4.1 des bonnes pratiques dispose que le président du panel représente « habituellement la direction générale » qui pourvoit le poste et que l’annexe I des instructions n’exige pas que le panel soit composé du directeur du département qui recrute. Dès lors, dans la réglementation interne de la Banque, il n’est pas question du département recruteur, mais de la direction générale qui recrute, et il est permis que le directeur du département qui pourvoit le poste ne soit pas membre du panel de sélection.
82 Par ailleurs, il y a lieu de rappeler (voir points 30 et 31 ci-dessus) que la requérante avait demandé, par courriel du 14 juin 2011 adressé au directeur du département des ressources humaines, que M. Y soit remplacé, demande qui lui a été refusée le même jour par ledit directeur. Or, en présence d’un conflit d’intérêts, la Banque aurait dû éviter que M. Y soit membre, et à plus forte raison président, du panel de sélection ou, à tout le moins, aurait dû faire en sorte qu’il s’abstienne de toute intervention lors de l’entretien et de l’évaluation de la requérante, ce qu’elle n’a pas fait.
83 Ensuite, en ce qui concerne l’argument selon lequel l’avis du comité d’enquête du 11 juillet 2011 aurait conclu à l’absence de harcèlement de la part de M. Y, raison pour laquelle il n’y avait pas de conflit d’intérêts dans le chef de M. Y, le Tribunal rappelle que la procédure de sélection s’est déroulée en parallèle à la procédure d’enquête (voir point 70 du présent arrêt) et que, lorsque, le 14 juin 2011, le directeur du département des ressources humaines a refusé de remplacer M. Y dans le panel de sélection, le comité d’enquête n’avait pas encore rendu son avis. L’entretien du panel de sélection avec la requérante étant initialement prévu pour le 17 juin 2011, la Banque ne voyait donc pas d’inconvénient à ce que M. Y, qui à cette date faisait l’objet d’une procédure d’enquête pour harcèlement, soit membre du panel de sélection. L’argument de la Banque tiré des conclusions négatives de l’avis du comité d’enquête quant à l’existence d’actes de harcèlement commis par M. Y manque donc de pertinence. En tout état de cause, quelle que soit la date à laquelle M. Y a pu savoir que le comité d’enquête avait émis son avis, cet avis n’a pu avoir aucune incidence sur l’existence même du conflit d’intérêts dans le chef de M. Y pendant la procédure de sélection. En effet, le fait que les relations professionnelles entre M. Y et la requérante étaient gravement détériorées avant le début de la procédure de sélection, tel que cela ressort de l’avis du comité d’enquête, suffit, en l’espèce, pour conclure à l’existence d’un conflit d’intérêts dans le chef de M. Y.
84 De même, le Tribunal relève que l’existence d’un risque de conflit d’intérêts dans le chef d’un membre du panel de sélection par rapport à un candidat ne peut être contrebalancée ni par la présence d’un représentant du département des ressources humaines au sein du panel ni par la présence d’un observateur du COPEC.
85 Enfin, s’agissant de l’argument de la Banque selon lequel il ressortirait du procès-verbal du panel de sélection que M. Y n’a pas pris de position discriminatoire à l’égard de la requérante et que M. A a été sélectionné à l’unanimité, le Tribunal observe qu’en effet, ainsi que le fait valoir la Banque, les notes attribuées par chaque membre du panel à chacun des candidats sont relativement homogènes. Cette constatation ne permet toutefois pas d’exclure l’existence d’un conflit d’intérêts dans le chef de M. Y ni la possibilité que M. Y, en tant que président du panel, ait pu influencer l’évaluation des candidats effectuée par les autres membres du panel de sélection.
86 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la procédure de sélection a été irrégulière en ce que le président du panel de sélection, et, par suite, le panel dans son ensemble, a violé son devoir d’impartialité. Il convient dès lors de déclarer fondé le premier grief de la première branche du moyen.
Sur le second grief, tiré du manque d’impartialité des autres membres du panel de sélection
– Arguments des parties
87 La requérante allègue que les membres du panel autres que M. Y ont pu se montrer partiaux, car la plupart d’entre eux avaient approuvé la réorganisation de la DG « Gestion des risques », et notamment la création de la division RPP dont le chef se verrait attribuer la quasi-totalité des rôles et des responsabilités qui faisaient partie de ses fonctions en tant que chef de la division de la coordination.
88 La Banque ne se prononce pas sur ce second grief.
– Appréciation du Tribunal
89 Il suffit d’observer que la requérante se borne à alléguer que les autres membres du panel de sélection ont pu violer leur devoir d’impartialité, sans pour autant faire valoir qu’ils l’ont fait en l’espèce. Ce faisant, elle se livre à de pures spéculations sans apporter aucun élément de preuve susceptible de démontrer cette allégation. Dans ces circonstances, le second grief de la première branche du moyen doit être rejeté comme non fondé.
90 Au vu des considérations qui précèdent, il convient de conclure que la première branche de l’unique moyen du recours, tiré de l’existence d’irrégularités viciant la procédure de sélection, est partiellement fondée.
Sur la seconde branche du moyen, prise de la violation du principe d’égalité de traitement
Arguments des parties
91 La requérante affirme que l’exposé oral de dix minutes devant le panel de sélection auquel tous les candidats étaient soumis consistait en une brève présentation sur un sujet technique à partir de deux notes internes de la Banque qui avaient été distribuées à tous les candidats avant leur entretien avec le panel de sélection. Or, dans la mesure où M. A aurait rédigé ou participé à la rédaction de ces deux notes internes, ce dernier aurait été injustement privilégié par rapport aux autres candidats. En favorisant manifestement l’un des candidats au poste litigieux par son choix de fonder l’épreuve de l’exposé oral sur les deux notes internes susvisées, le panel de sélection aurait violé le principe d’égalité de traitement.
92 La Banque admet que M. A a collaboré à la phase de préparation des deux notes internes en cause, mais estime qu’aucun candidat n’a été indûment désavantagé, car ces notes n’exigeaient pas pour être comprises des connaissances particulières et avaient été distribuées à tous les candidats avant l’entretien. L’exposé oral n’aurait été qu’une épreuve parmi les différentes épreuves qui composaient la procédure de sélection et il n’aurait pas eu pour but d’évaluer les compétences techniques des candidats, mais plutôt leurs compétences de communication et de persuasion.
Appréciation du Tribunal
93 Il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que le principe de non-discrimination, ou d’égalité de traitement, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée. Il ressort ainsi qu’il y a violation du principe de non-discrimination lorsque deux catégories de personnes, dont les situations factuelle et juridique ne présentent pas des différences essentielles, se voient appliquer un traitement différent ou lorsque des situations différentes sont traitées de manière identique. Pour qu’une différence de traitement puisse être compatible avec le principe général de non-discrimination, cette différence doit être justifiée sur la base d’un critère objectif et raisonnable et proportionnée par rapport au but poursuivi par cette différenciation (voir, par exemple, arrêts Giannini, EU:T:2008:68, point 131, et la jurisprudence citée, et Brown/Commission, F‑37/05, EU:F:2009:121, point 64).
94 Le principe d’égalité de traitement constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui s’applique notamment dans le domaine des concours et au respect duquel le jury de concours doit veiller strictement lors du déroulement du concours. Si le jury jouit d’un large pouvoir d’appréciation quant aux modalités et au contenu détaillé des épreuves, il appartient néanmoins au juge de l’Union d’exercer son contrôle dans la mesure nécessaire pour assurer un traitement égal des candidats et l’objectivité du choix entre ceux-ci opéré par le jury (arrêts Giannini, EU:T:2008:68, point 132, et De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, point 43).
95 Enfin, il convient d’observer que tout examen comporte, en général et de façon inhérente, un risque d’inégalité de traitement, eu égard au caractère nécessairement limité du nombre de questions pouvant raisonnablement être posées lors d’un examen à propos d’un sujet déterminé. Il a dès lors été admis qu’une violation du principe d’égalité de traitement ne peut être constatée que lorsque le jury n’a pas limité, lors du choix des épreuves, le risque d’inégalité des chances à celui inhérent, en règle générale, à tout examen (arrêts Giannini, EU:T:2008:68, point 133, et De Mendoza Asensi/Commission, EU:F:2014:14, point 45).
96 En l’espèce, il ressort du dossier que les candidats devaient tous répondre à une question similaire que chaque membre du panel de sélection leur posait. En outre, le panel de sélection avait mis en place une épreuve identique pour tous les candidats, qui consistait en une présentation orale sur la base de deux notes internes de la Banque, afin d’évaluer leur capacité à présenter un thème complexe et technique à un public non spécialisé et à le convaincre de leur proposition. Les deux notes susvisées devaient donc servir à tester les capacités de communication, de présentation, d’explication et de persuasion des candidats, et non pas leurs connaissances techniques.
97 Il ressort également du dossier que M. A a participé à la rédaction des deux notes internes soumises aux candidats aux fins de la présentation orale devant le panel de sélection. Le Tribunal estime que le seul fait d’être l’auteur ou le co-auteur de telles notes confère une familiarité réelle avec leur contenu et facilite potentiellement toute présentation basée sur celles-ci.
98 Certes, ainsi que le fait valoir la Banque, il a été jugé que la familiarité avec un document que certains candidats à un concours ont pu acquérir par leur travail n’implique pas qu’ils aient été indûment avantagés par le choix du jury de prendre ce document comme base pour les questions d’une épreuve, dans la mesure où, d’une part, l’avantage conféré à certains candidats par le choix dudit document fait partie du risque inhérent, en règle général, à tout examen et, d’autre part, où le texte de ce document avait été accessible avant l’épreuve (arrêt Giannini, EU:T:2008:68, point 164).
99 À cet égard, le Tribunal relève que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Giannini (EU:T:2008:68), le requérant, candidat évincé d’un concours, se plaignait du fait que d’autres candidats avaient travaillé avant le concours sur des documents préparatoires du document qui avait servi de base à l’épreuve écrite. Il ressort de l’arrêt Giannini (EU:T:2008:68) que l’identité entre les documents préparatoires et le document soumis aux candidats ne pouvait être présumée et que les candidats qui avaient travaillé sur les documents préparatoires ne pouvaient pas se fier à une éventuelle connaissance acquise par leur travail sur lesdits documents préparatoires. Le Tribunal de première instance des Communautés européennes en a conclu que la facilité potentielle que les candidats qui avaient travaillé sur les documents préparatoires auraient pu avoir eue pour passer l’épreuve écrite grâce à leur familiarité avec lesdits documents préparatoires était d’une pertinence fort limitée et a jugé que les candidats concernés n’avaient pas été indûment avantagés.
100 En revanche, dans la présente affaire, force est de constater qu’un seul candidat, M. A, connaissait mieux que ses concurrents les documents mis à disposition des candidats pour préparer leur exposé. Qui plus est, à la différence de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Giannini (EU:T:2008:68), M. A, en tant qu’auteur ou co-auteur, avait travaillé directement sur les deux notes internes de la Banque, et non sur des documents préparatoires de ces deux notes internes, dont le contenu en tant que documents préparatoires n’aurait pas forcément été identique à celui des deux notes internes en cause. En conséquence, dans la mesure où l’exposé oral des candidats visait notamment à évaluer la capacité de ces derniers à convaincre un public non spécialisé, l’avantage par rapport aux autres candidats dont a bénéficié M. A dans l’épreuve de l’exposé oral en raison de sa participation à la rédaction en tout ou en partie des deux notes susmentionnées est bien réel et pertinent.
101 Cette appréciation ne saurait être infirmée par le fait que les deux notes internes en cause avaient été mises à la disposition de tous les candidats avant leur entretien avec le panel de sélection, ni par l’argument de la Banque, mis en avant à l’audience, selon lequel ces deux notes étaient largement connues de tous les candidats bien avant le début de la procédure de sélection. À l’audience, la Banque a admis que le panel de sélection aurait pu choisir, pour l’épreuve de l’exposé oral, d’autres textes que les deux notes susvisées. Il est donc établi que M. A a été indûment privilégié par rapport aux autres candidats.
102 Par conséquent, il y a lieu de conclure que, en ayant choisi de fonder l’épreuve de l’exposé oral commune à tous les candidats sur les deux notes internes de la Banque susmentionnées, la Banque a violé le principe d’égalité de traitement.
103 La seconde branche du moyen unique du recours est donc fondée.
104 Au vu des considérations qui précèdent, et sans qu’il soit besoin d’examiner la demande de mesures d’instruction, il convient d’accueillir le premier chef de conclusions, visant à l’annulation de la décision du 28 juillet 2011.
2. Sur les deuxième et troisième chefs de conclusions, visant à obtenir une indemnisation
Sur la recevabilité
Arguments des parties
105 La Banque fait valoir que le juge de l’Union ne dispose d’aucun titre de compétence si le recours dont il est saisi n’est pas dirigé contre un acte de l’administration portant rejet des prétentions du requérant. En l’espèce, par son courrier du 19 septembre 2011, le président de la Banque a informé la requérante que sa demande indemnitaire du 5 septembre 2011 serait traitée dès le retour de congé de la personne responsable au sein du département des ressources humaines, le 23 septembre 2011. Or, la requérante a saisi le Tribunal de sa demande en indemnité le 27 octobre 2011, sans avoir obtenu de réponse expresse de la Banque à sa demande du 5 septembre 2011, et avant l’expiration du délai de trois mois pour qu’une décision implicite de rejet de cette demande ne soit intervenue. Par suite, les conclusions indemnitaires devraient être rejetées comme irrecevables.
106 La Banque ajoute que les conclusions indemnitaires font double emploi, à tout le moins en partie, avec la demande en indemnité formulée dans le recours introduit le 28 septembre 2011 devant le Tribunal et enregistré sous la référence F‑95/11, en ce qui concerne le préjudice que la requérante aurait subi du fait de la publication du poste litigieux. Les conclusions indemnitaires seraient donc, en tout état de cause, également irrecevables pour litispendance, du moins en partie.
107 En réponse à la demande formulée par le Tribunal, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, de clarifier sa position relative à la recevabilité des conclusions indemnitaires au vu des arrêts De Nicola/BEI (T‑37/10 P, EU:T:2012:205) et De Nicola/BEI (T‑264/11 P, EU:T:2013:461), la Banque affirme que si, selon ces arrêts, une demande indemnitaire pourrait être soumise au juge de l’Union sans pour autant qu’une demande en indemnité ait été adressée au préalable à l’administration, lorsqu’une personne décide de demander au préalable à l’administration de prendre position sur une certaine question, même si cette procédure n’est pas obligatoire, l’intéressé doit permettre à l’administration qu’il a décidé de saisir de se prononcer dans un délai raisonnable. Cette notion de délai raisonnable, mise en exergue dans l’arrêt Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI (C‑334/12 RX‑II, EU:C:2013:134, points 26 à 30), s’appliquerait tant au délai dont dispose une personne pour adresser une demande à l’administration qu’au délai dont dispose l’administration pour prendre position sur cette demande.
108 La requérante rétorque que les conclusions indemnitaires de son recours sont à considérer comme recevables.
Appréciation du Tribunal
109 En premier lieu, en ce qui concerne la recevabilité de l’ensemble des conclusions indemnitaires, le Tribunal rappelle qu’aux termes de l’article 41 du règlement du personnel de la Banque, en substance, tout différend entre la Banque et les membres de son personnel est susceptible d’un recours juridictionnel devant le juge de l’Union, un tel recours pouvant cependant être précédé d’une procédure amiable devant la commission de conciliation de la Banque, et ce indépendamment de l’action introduite devant le juge (arrêt De Nicola/BEI, EU:T:2012:205, point 74).
110 Il a déjà été jugé qu’il ressort clairement de l’article 41 du règlement du personnel de la Banque, qui prévoit une procédure de conciliation se déroulant indépendamment du recours formé devant le juge, que la recevabilité dudit recours contentieux n’est nullement subordonnée à l’épuisement de cette procédure administrative qui présente un caractère facultatif pour les employés de la Banque (voir, en ce sens, arrêt De Nicola/BEI, T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, EU:T:2001:69, point 96), alors que les fonctionnaires ou agents doivent attendre la fin de la procédure précontentieuse prévue par le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).
111 En outre, il a été jugé dans l’arrêt De Nicola/BEI (EU:T:2013:461, points 69 à 73), rendu sur pourvoi contre l’arrêt du Tribunal De Nicola/BEI (F‑59/09, EU:F:2011:19), dans lequel, par application par analogie de l’article 91, paragraphe 1, du statut, le Tribunal avait estimé qu’il ne disposait d’aucun titre de compétence pour statuer sur un recours en indemnité dont il était saisi au motif que ce recours n’était pas dirigé contre un acte adopté par la Banque faisant grief à l’intéressé, aucune demande en indemnité n’ayant été soumise au préalable à la Banque, que, faute de réglementation interne pertinente au sein de la Banque, le Tribunal n’était pas en droit de faire dépendre sa compétence ou la recevabilité d’un recours en indemnité dont il était saisi de « l’absence de demande indemnitaire adressée à la Banque et de tout acte faisant grief auquel il serait possible de rattacher les conclusions indemnitaires ». Le Tribunal de l’Union européenne a considéré que la seule réglementation pertinente dans ce contexte était celle prévue à l’article 41 du règlement du personnel de la Banque, dont la nature et la ratio legis sont très différentes de celles du statut, y compris de ses articles 90 et 91, et que l’existence même du règlement du personnel interdit de procéder à des analogies strictes par rapport audit statut.
112 Il ressort de la jurisprudence mentionnée au point précédent que la recevabilité d’un recours en indemnité d’un membre du personnel de la Banque ne peut être conditionnée à l’introduction au préalable auprès de la Banque d’une demande indemnitaire ni non plus à l’existence d’un acte faisant grief auquel il serait possible de rattacher les conclusions indemnitaires. Dans ces conditions, la demande indemnitaire adressée à la Banque par un membre de son personnel relève de la procédure interne de règlement amiable, laquelle, par application de l’article 41 du règlement du personnel, est en tout état de cause facultative.
113 En l’espèce, comme cela a été exposé au point 43 du présent arrêt, par courrier du 5 septembre 2011, la requérante a adressé à la Banque une demande d’indemnisation visant à obtenir la réparation des préjudices prétendument subis en raison notamment de l’illégalité de la décision du 28 juillet 2011. Le 27 octobre 2011, alors que la Banque ne s’était pas encore prononcée sur sa demande, elle a introduit le présent recours. Dans la mesure où la demande indemnitaire adressée à la Banque l’a été dans le cadre de la procédure administrative interne de règlement amiable des différends entre les membres du personnel et la Banque et où la recevabilité du recours en indemnité devant le Tribunal n’est pas subordonnée à l’épuisement de cette procédure administrative, le présent recours en indemnité doit être considéré comme recevable.
114 Cette conclusion ne saurait être infirmée par la jurisprudence invoquée par la Banque dans son mémoire en défense. En effet, les arrêts du Tribunal De Nicola/BEI (F‑55/08, EU:F:2009:159) et De Nicola/BEI (F‑59/09, EU:F:2011:19) auxquels elle se réfère ont été respectivement annulés spécialement dans leurs points invoqués par la Banque par les arrêts du Tribunal de l’Union européenne De Nicola/BEI (EU:T:2012:205) et De Nicola/BEI (EU:T:2013:461), arrêts que le Tribunal a d’ailleurs soumis à la Banque pour observations dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure (voir point 107 ci-dessus).
115 De même, le Tribunal constate que le point 137 de l’arrêt du Tribunal De Nicola/BEI (EU:F:2011:19), point également invoqué par la Banque dans son mémoire en défense, manque de pertinence, étant donné qu’il porte sur la question de savoir quel est le point de départ pour calculer le délai raisonnable dans lequel un employé de la Banque doit introduire son recours devant le Tribunal afin qu’il ne soit pas considéré comme tardif. De même, les points 26 à 30 de l’arrêt Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI (EU:C:2013:134), invoqués par la Banque dans ses observations en réponse aux mesures d’organisation de la procédure sur les arrêts du Tribunal de l’Union européenne De Nicola/BEI (EU:T:2012:205) et De Nicola/BEI (EU:T:2013:461), ne sont pas non plus pertinents, car ils traitent de la notion de « délai raisonnable » dans lequel un agent de la Banque doit introduire un recours en annulation à l’encontre d’un acte émanant de cette dernière qui lui fait grief.
116 En l’espèce, le Tribunal n’est pas appelé à examiner la question de la durée du délai pour introduire un recours devant le juge de l’Union sous peine que ce recours soit considéré comme tardif, mais à examiner s’il peut connaître d’un recours en indemnité ou non. En particulier, il lui incombe d’analyser s’il peut connaître d’un recours en indemnité d’un membre du personnel de la Banque introduit sans que le requérant ait attendu la réponse de la Banque à la demande indemnitaire qu’il lui avait préalablement adressée. L’argumentation en défense développée par la Banque manque donc de pertinence.
117 En second lieu, s’agissant de l’irrecevabilité partielle des conclusions indemnitaires pour litispendance, il convient de rappeler que, lorsqu’un recours présente une identité de parties, d’objet et de moyens avec un recours déposé antérieurement, il doit, conformément à une jurisprudence constante, être rejeté comme irrecevable (ordonnance Vienne e.a./Parlement, F‑22/06, EU:F:2006:89, point 12, et la jurisprudence citée).
118 Il incombe donc au Tribunal d’examiner si les recours dans l’affaire F‑95/11 et dans la présente affaire, respectivement introduits les 28 septembre et 27 octobre 2011, opposent les mêmes parties, portent sur le même objet et sont fondés sur les mêmes moyens.
119 S’agissant de la condition relative à l’identité des parties en cause dans le cadre des deux recours, force est de constater qu’elle est remplie en l’espèce. En effet, les deux recours opposent la requérante à la Banque.
120 S’agissant des conditions relatives à l’identité d’objet, il y a lieu de relever que, dans l’affaire F‑95/11, la requérante demande réparation des dommages résultant de l’illégalité de la décision de la Banque de modifier la nature de ses tâches ainsi que leurs conditions d’exercice en lui retirant les responsabilités qu’elle assumait en matière de politique générale du risque, telle que cette décision ressort de la note au personnel du 30 mars 2011. Elle demande également réparation des dommages qu’elle aurait subis suite à la violation par la Banque de ses devoirs de sollicitude et de protection auxquels celle-ci serait tenue en cas d’absence de son personnel pour cause de maladie, ainsi que de l’article 42 du règlement du personnel du fait de ne pas avoir adopté, pour la lui communiquer par la suite, une décision individuelle à son égard visant la modification des conditions d’exercice et la nature de ses fonctions.
121 Dans la présente affaire, la requérante demande la réparation des dommages que lui aurait causés l’illégalité de la décision du 28 juillet 2011 et le fait d’avoir été obligée de se présenter devant un panel de sélection dont l’un des membres faisait l’objet, à sa demande, d’une procédure d’enquête pour harcèlement moral en cours.
122 Par conséquent, force est de constater que les conclusions indemnitaires du présent recours et celles du recours dans l’affaire F‑95/11 ne présentent pas une identité d’objet. La fin de non-recevoir opposée par la Banque tirée de la litispendance doit donc être écartée.
123 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure à la recevabilité des conclusions indemnitaires.
Sur le fond
Arguments des parties
124 La requérante fait valoir que la procédure de sélection a créé dans son chef une grande inquiétude alors que, malgré ses demandes, elle a dû se présenter devant un panel de sélection dont l’un des membres était un des harceleurs présumés visé par une procédure d’enquête dont elle était à l’origine et qui était en cours.
125 La requérante affirme également que la décision du 28 juillet 2011 a entraîné chez elle un sentiment d’incompréhension, d’humiliation et une profonde déception par rapport à la Banque. Cette décision aurait aussi causé un dommage à sa réputation professionnelle dans la mesure où, alors que la majorité des fonctions attachées au poste litigieux lui étaient attribuées avant la réorganisation de la DG « Gestion des risques », elle n’a pas été nommée à ce poste. La décision du 28 juillet 2011 lui aurait ainsi causé un préjudice moral important, qu’elle évalue ex aequo et bono à un montant de 50 000 euros.
126 Enfin, la requérante soutient que la décision du 28 juillet 2011 lui a causé un préjudice matériel, correspondant à une perte de rémunération étant donné que sa nomination au poste litigieux lui aurait permis de justifier d’une contribution décisive aux objectifs stratégiques de la DG « Gestion des risques » et de bénéficier d’un avancement de carrière plus rapide. La requérante évalue le préjudice matériel ex aequo et bono à un montant de 436 100 euros.
127 La Banque affirme que la demande en indemnité est dépourvue de tout fondement, aucun comportement illégal ne pouvant lui être reproché. En tout état de cause, pour ce qui est du préjudice matériel, la requérante n’aurait pas démontré la réalité de ce préjudice, la perte de rémunération étant purement hypothétique.
Appréciation du Tribunal
128 Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité de l’administration suppose que le requérant démontre l’existence d’une irrégularité, d’un dommage réel et d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué. Ces conditions devant être cumulativement remplies, le fait que l’une d’entre elles fait défaut suffit pour rejeter un recours en indemnité (arrêt Arguelles Arias/Conseil, F‑122/12, EU:F:2013:185, point 128).
129 En l’espèce, il doit être relevé que le préjudice moral dont la requérante se prévaut trouve son origine en partie dans la décision du 28 juillet 2011 et en partie dans le fait qu’elle a dû se présenter devant un panel de sélection qui était composé d’un de ses harceleurs présumés à l’égard duquel elle savait qu’une procédure d’enquête était en cours et qui se trouvait dans une situation de conflits d’intérêts par rapport à elle.
130 Au point 104 du présent arrêt il a été jugé que la décision du 28 juillet 2011 devait être annulée pour violation du devoir d’impartialité du panel de sélection et violation du principe d’égalité de traitement des candidats, et au point 77 du présent arrêt il a été jugé que M. Y aurait dû s’abstenir lors de l’entretien du panel de sélection avec la requérante et lors de l’évaluation de celle-ci. Des irrégularités dans le chef de la Banque ayant été constatées, il convient d’examiner si ces fautes ont eu des conséquences dommageables pour la requérante.
131 S’agissant, en premier lieu, du préjudice moral que la requérante estime avoir subi, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (arrêt CH/Parlement, F‑129/12, EU:F:2013:203, point 64).
132 Le Tribunal rappelle qu’il est constant que le sentiment d’injustice et les tourments qu’occasionne le fait, pour une personne, de devoir mener une procédure contentieuse afin de voir ses droits reconnus constitue un préjudice qui peut être déduit du seul fait que l’administration a commis des illégalités. Sachant que ces préjudices sont réparables lorsque ceux-ci ne sont pas compensés par la satisfaction résultant de l’annulation d’un acte (voir, en ce sens, arrêt CC/Parlement, F‑9/12, EU:F:2013:116, point 128, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑457/13 P), le Tribunal, tenant compte des conditions dans lesquelles la décision du 28 juillet 2011 est intervenue, à savoir à l’issue d’une procédure de sélection dans laquelle la requérante a dû se présenter devant un panel de sélection présidé par l’un des harceleurs présumés à l’égard duquel elle savait qu’une procédure d’enquête était en cours et qui se trouvait dans une situation de conflits d’intérêts par rapport à elle, et au cours de laquelle le principe d’égalité de traitement entre les candidats n’a pas été respecté, décide qu’il sera fait une juste appréciation, dans les circonstances particulières de l’espèce, du préjudice moral subi par la requérante en fixant, ex æquo et bono, la réparation dudit chef de préjudice à la somme de 25 000 euros.
133 S’agissant, en second lieu, de la demande de la requérante tendant à ce que la Banque soit condamnée à réparer le préjudice matériel que la décision du 28 juillet 2011 lui aurait causé au motif que la décision de ne pas la nommer au poste litigieux aurait eu un impact sur sa rémunération future, le Tribunal constate que la requérante n’a pas établi la réalité du dommage subi. En effet, à supposer même que, à l’issue de la procédure de sélection, la requérante ait été nommée au poste litigieux, il n’est pas possible de déterminer, d’une manière concrète, quelles possibilités d’avancement dans sa carrière elle aurait eues, de telles possibilités d’avancement étant purement hypothétiques. Il s’ensuit qu’il ne peut être fait droit aux conclusions indemnitaires en ce sens de la requérante.
134 Il résulte de tout ce qui précède que la Banque est condamnée à verser à la requérante la somme de 25 000 euros.
Sur les dépens
135 Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.
136 Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que, le recours ayant été pour l’essentiel accueilli, la Banque est la partie qui succombe. En outre, la requérante a, dans ses conclusions, expressément demandé que la Banque soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a lieu de décider que la Banque doit supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision du président de la Banque européenne d’investissement du 28 juillet 2011 portant nomination de M. A au poste de chef de la division « Politique du risque et de la tarification » est annulée.
2) La Banque européenne d’investissement est condamnée à payer à CG la somme de 25 000 euros.
3) Le recours est rejeté pour le surplus.
4) La Banque européenne d’investissement supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par CG.
Rofes i Pujol |
Bradley |
Svenningsen |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 juillet 2014.
Le greffier |
Le président |
W. Hakenberg |
M. I. Rofes i Pujol |
* Langue de procédure : le français.