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Document 62011CO0411

    Ordonnance de la Cour (cinquième chambre) du 15 décembre 2011.
    Zdeněk Altner contre Commission européenne.
    Pourvoi - Recours en annulation - Refus de la Commission d’engager une procédure en manquement - Recours en carence - Irrecevabilité manifeste - Droit à une juridiction impartiale.
    Affaire C-411/11 P.

    Recueil de jurisprudence 2011 -00000

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2011:852

    ORDONNANCE DE LA COUR (cinquième chambre)

    15 décembre 2011 (*)

    «Pourvoi – Recours en annulation – Refus de la Commission d’engager une procédure en manquement – Recours en carence – Irrecevabilité manifeste – Droit à une juridiction impartiale»

    Dans l’affaire C‑411/11 P,

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 29 juillet 2011,

    Zdeněk Altner, demeurant à Prague (République tchèque), représenté par Me J. Čapek, advokát,

    partie requérante,

    l’autre partie à la procédure étant:

    Commission européenne,

    partie défenderesse en première instance,

    LA COUR (cinquième chambre),

    composée de M. M. Safjan, président de chambre, M. J.‑J. Kasel (rapporteur) et Mme M. Berger, juges,

    avocat général: M. Y. Bot,

    greffier: M. A. Calot Escobar,

    l’avocat général entendu,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        Par son pourvoi, M. Altner demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 6 juillet 2011, Altner/Commission (T‑190/11, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a rejeté son recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de la Commission, du 25 novembre 2010, portant refus d’engager une procédure en constatation de manquement au titre de l’article 258 TFUE à l’encontre de la République tchèque (ci-après la «décision litigieuse»), et, d’autre part, à la constatation de l’abstention d’agir illégale de la Commission.

     Les antécédents du litige

    2        Il ressort du pourvoi que, par pétition du 31 mai 2010 et par mise en demeure du 6 août 2010, M. Altner a saisi la Commission européenne afin que celle-ci engage une procédure en manquement à l’encontre de la République tchèque. Cette procédure visait à contraindre cet État membre à faire cesser les différentes formes de persécution auxquelles étaient exposés M. Altner ainsi que les personnes de son entourage et à faire respecter tant l’indépendance de la profession d’avocat que l’impartialité du pouvoir judiciaire à l’égard des partis politiques.

    3        Le 25 novembre 2010, la Commission a adopté la décision litigieuse, par laquelle elle informait M. Altner qu’elle n’entendait donner aucune suite aux demandes de ce dernier.

     La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

    4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 mars 2011, M. Altner a demandé à ce dernier:

    –        d’annuler la décision litigieuse, et

    –        de constater que la Commission s’est illégalement abstenue d’engager une procédure en constatation de manquement à l’encontre de la République tchèque.

    5        Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté ce recours comme étant manifestement irrecevable, en jugeant ce qui suit aux points 5 à 13 de celle-ci:

    «5      Dans la présente affaire, la partie requérante tend, d’une part, à obtenir l’annulation de la décision [litigieuse] et, d’autre part, à faire constater que la Commission s’est illégalement abstenue d’instruire la plainte visant à faire constater la violation du droit de l’Union par la République tchèque en relation avec la protection judiciaire du droit de vote.

    6      Selon une jurisprudence constante, les particuliers ne sont pas recevables à attaquer un refus de la Commission d’engager une procédure en constatation de manquement à l’encontre d’un État membre (ordonnance de la Cour du 12 juin 1992, Asia Motor France/Commission, C‑29/92, Rec. p. I‑3935, point 21; ordonnance du Tribunal du 13 novembre 1995, Dumez/Commission, T‑126/95, Rec. p. II‑2863, point 33, et arrêt du Tribunal du 22 mai 1996, AITEC/Commission, T‑277/94, Rec. p. II‑351, point 55).

    7      En effet, lorsque, comme en l’espèce, une décision de la Commission revêt un caractère négatif, cette décision doit être appréciée en fonction de la nature de la demande à laquelle elle constitue une réponse (arrêt de la Cour du 8 mars 1972, Nordgetreide/Commission, 42/71, Rec. p. 105, point 5; ordonnance Dumez/Commission, précitée, point 34, et arrêt du Tribunal du 22 octobre 1996, Salt Union/Commission, T‑330/94, Rec. p. II‑1475, point 32).

    8      Il convient de rappeler que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE prévoit que toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cette disposition, un recours en annulation contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

    9      Or, dans le cadre de la procédure en constatation de manquement régie par l’article 258 TFUE, les seuls actes que la Commission peut être amenée à prendre sont adressés aux États membres (ordonnances du Tribunal du 29 novembre 1994, Bernardi/Commission, T‑479/93 et T-559/93, Rec. p. II‑1115, point 31, et du 19 février 1997, Intertronic/Commission, T‑117/96, Rec. p. II‑141, point 32).

    10      Il s’ensuit que la demande de la partie requérante visant à l’annulation de la décision [litigieuse] doit être rejetée comme étant manifestement irrecevable.

    1l      Par identité de motifs doit être également rejetée comme manifestement irrecevable la demande du requérant visant à faire constater l’omission illégale d’agir de la Commission. En effet, les personnes physiques ou morales ne peuvent se prévaloir de l’article 265, troisième alinéa, TFUE qu’en vue de faire constater qu’une institution, un organe ou un organisme de l’Union s’est abstenu d’adopter, en violation du traité [FUE], des actes, autres que des recommandations ou des avis, dont elles sont les destinataires potentiels ou qui les concerneraient soit de manière directe, soit, selon le cas, de manière directe et individuelle (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 26 novembre 1996, T. Port, C‑68/95, Rec. p. I‑6065, points 58 et 59).

    12      Il s’ensuit que la demande de la partie requérante visant à faire constater que la Commission s’est abstenue de statuer en violation du traité [FUE] en n’engageant pas contre un État membre une procédure en constatation de manquement doit également être rejetée comme étant manifestement irrecevable.

    13      Il en résulte que le recours doit être rejeté comme manifestement irrecevable, sans qu’il soit nécessaire de le signifier à la Commission.»

     Les conclusions des parties

    6        Par son pourvoi, M. Altner demande à la Cour:

    –        de constater que la démarche suivie par le Tribunal dans l’ordonnance attaquée méconnaît le droit à un procès équitable;

    –        d’annuler l’ordonnance attaquée;

    –        de constater que, dans le cadre des procédures intentées au moyen de la pétition du 31 mai 2010 et de la mise en demeure du 6 août 2010, la Commission n’a pas examiné les pièces qui sont mentionnées dans le pourvoi pour répondre à la question de savoir si, dans le cas du requérant, la République tchèque viole ou non l’obligation des États membres de respecter l’indépendance de la profession d’avocat, laquelle exige d’assurer l’impartialité du pouvoir judiciaire des États membres à l’égard des partis politiques au niveau européen;

    –        de confirmer que l’examen de ladite pétition concernant la protection de l’indépendance de la profession d’avocat dans une situation qui indique l’existence d’un traitement inhumain de l’avocat dans le but de favoriser les intérêts éventuels d’un parti politique au niveau européen relève des compétences générales de la Commission, en vertu des principes du droit naturel du droit de l’Union, et

    –        d’annuler la décision litigieuse.

     Sur le pourvoi

    7        En vertu de l’article 119 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, l’avocat général entendu, le rejeter, partiellement ou totalement, par voie d’ordonnance motivée.

    8        À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que les particuliers ne sont pas recevables à attaquer un refus de la Commission d’engager une procédure en manquement à l’encontre d’un État membre (ordonnances Asia Motor France/Commission, précitée, point 21 et jurisprudence citée, ainsi que du 22 juin 2011, Grúas Abril Asistencia/Commission, C‑521/10 P, point 29).

    9        Par conséquent, les conclusions du requérant présentées devant le Tribunal contre le refus de la Commission d’engager à l’encontre de la République tchèque une procédure en manquement en vertu de l’article 258 TFUE n’étaient pas recevables. C’est donc à bon droit que le Tribunal a déclaré irrecevable le recours dont il était saisi.

    10      À l’appui de son pourvoi, M. Altner soulève, en substance, un moyen unique tiré de ce que le Tribunal aurait violé le droit à un procès équitable et, plus particulièrement, le droit à un juge impartial.

    11      Dans ce contexte, M. Altner fait valoir que l’un des membres de la quatrième chambre du Tribunal, en sa fonction de juge rapporteur dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance attaquée, n’a pas respecté son devoir d’exercer ses fonctions en toute impartialité conformément au serment prêté au titre de l’article 2 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. En effet, ce membre n’aurait pas pu ignorer que lui-même et le requérant ont fréquenté, dès l’année 1967, la même faculté de droit. En raison du fait que leurs relations n’étaient pas bonnes, il aurait dû se dessaisir du dossier pour éviter d’être suspecté de partialité.

    12      Selon M. Altner, les irrégularités dont est entachée l’ordonnance attaquée sont motivées par les efforts déployés par ce membre pour mériter la confiance de ceux qui l’ont fait nommer en qualité de juge au Tribunal, malgré son passé notoirement connu et, plus particulièrement, ses rapports avec un parti politique national.

    13      Il convient de relever que, par le moyen unique invoqué au soutien de son pourvoi, M. Altner allègue une violation du droit à un procès équitable tel qu’il découle, notamment, de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, lequel constitue un droit fondamental que l’Union européenne respecte en tant que principe général en vertu de l’article 6, paragraphe 3, TUE (voir arrêts du 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a., C‑305/05, Rec. p. I‑5305, point 29; du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, Rec. p. I‑4777, point 44, ainsi que du 19 février 2009, Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement, C‑308/07 P, Rec. p. I‑1059, point 41).

    14      Un tel droit implique nécessairement l’accès par toute personne à un tribunal indépendant et impartial. Dès lors, ainsi que la Cour a eu l’occasion de le préciser, l’existence de garanties en matière de composition du tribunal représente la pierre angulaire du droit à un procès équitable, dont le juge de l’Union doit notamment vérifier le respect lorsqu’une violation de ce droit est invoquée et que la contestation sur ce point n’apparaît pas d’emblée manifestement dépourvue de sérieux (voir, en ce sens, arrêts précités Chronopost et La Poste/UFEX e.a., point 46, ainsi que Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement, point 42).

    15      Il importe d’ajouter que l’exigence d’impartialité recouvre deux aspects. En premier lieu, le tribunal doit être subjectivement impartial, c’est-à-dire qu’aucun de ses membres ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, l’impartialité personnelle se présumant jusqu’à preuve du contraire. En second lieu, le tribunal doit être objectivement impartial, c’est-à-dire qu’il doit offrir les garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (arrêts précités Chronopost et La Poste/UFEX e.a., point 54, ainsi que Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement, point 46 et jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme citée).

    16      Or, en l’espèce, il y a lieu de relever que les arguments invoqués par M. Altner pour mettre en cause l’impartialité du juge rapporteur dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance attaquée ne sont pas de nature à établir le bien-fondé de son moyen unique. En effet, ces arguments constituent de simples allégations relevant de la vie privée de l’un des membres de la formation de jugement ayant rendu l’ordonnance attaquée, allégations qui ne sont étayées par aucun élément de preuve et ne se réfèrent à aucune circonstance précise permettant d’établir une partialité personnelle dudit membre.

    17      Par ailleurs, M. Altner ne produit aucun élément de nature à mettre en cause l’impartialité objective du Tribunal en tant que tel.

    18      Le moyen unique invoqué par le requérant à l’appui de son pourvoi est donc manifestement non fondé et, partant, ce dernier doit être rejeté.

     Sur les dépens

    19      Aux termes de l’article 69, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de ce même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée sans que le pourvoi ait été notifié à la partie défenderesse, il convient de décider que le requérant supporte ses propres dépens.

    Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) ordonne:

    1)      Le pourvoi est rejeté.

    2)      M. Altner supporte ses propres dépens.

    Signatures


    * Langue de procédure: le tchèque.

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