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Document 62011CJ0601

    Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 11 juillet 2013.
    République française contre Commission européenne.
    Pourvoi – Recours en annulation – Protection contre les encéphalopathies spongiformes transmissibles – Règlement (CE) nº 746/2008 – Règlement autorisant des mesures de surveillance et d’éradication moins contraignantes que celles prévues antérieurement – Principe de précaution – Niveau de protection de la santé humaine – Éléments nouveaux de nature à modifier la perception du risque – Défaut de motivation – Dénaturation des faits – Erreur de droit.
    Affaire C‑601/11 P.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2013:465

    ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

    11 juillet 2013 ( *1 )

    «Pourvoi — Recours en annulation — Protection contre les encéphalopathies spongiformes transmissibles — Règlement (CE) no 746/2008 — Règlement autorisant des mesures de surveillance et d’éradication moins contraignantes que celles prévues antérieurement — Principe de précaution — Niveau de protection de la santé humaine — Éléments nouveaux de nature à modifier la perception du risque — Défaut de motivation — Dénaturation des faits — Erreur de droit»

    Dans l’affaire C‑601/11 P,

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 28 novembre 2011,

    République française, représentée par Mmes E. Belliard, C. Candat et R. Loosli-Surrans ainsi que par MM. G. de Bergues et S. Menez, en qualité d’agents,

    partie requérante,

    les autres parties à la procédure étant:

    Commission européenne, représentée par MM. F. Jimeno Fernández et D. Bianchi, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie défenderesse en première instance,

    Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord,

    partie intervenante en première instance,

    LA COUR (quatrième chambre),

    composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, MM. J. Malenovský, U. Lõhmus (rapporteur), M. Safjan et Mme A. Prechal, juges,

    avocat général: M. M. Wathelet,

    greffier: M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    Par son pourvoi, la République française demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 septembre 2011, France/Commission (T-257/07, Rec. p. II-4153, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation partielle du règlement (CE) no 746/2008 de la Commission, du 17 juin 2008, modifiant l’annexe VII du règlement (CE) no 999/2001 du Parlement européen et du Conseil fixant les règles pour la prévention, le contrôle et l’éradication de certaines encéphalopathies spongiformes transmissibles (JO L 202, p. 11, ci-après le «règlement litigieux»).

    Le cadre juridique

    Le règlement (CE) no 178/2002

    2

    L’article 7 du règlement (CE) no 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO L 31, p. 1), dispose:

    «1.   Dans des cas particuliers où une évaluation des informations disponibles révèle la possibilité d’effets nocifs sur la santé, mais où il subsiste une incertitude scientifique, des mesures provisoires de gestion du risque, nécessaires pour assurer le niveau élevé de protection de la santé choisi par [l’Union], peuvent être adoptées dans l’attente d’autres informations scientifiques en vue d’une évaluation plus complète du risque.

    2.   Les mesures adoptées en application du paragraphe 1 sont proportionnées et n’imposent pas plus de restrictions au commerce qu’il n’est nécessaire pour obtenir le niveau élevé de protection de la santé choisi par [l’Union], en tenant compte des possibilités techniques et économiques et des autres facteurs jugés légitimes en fonction des circonstances en question. Ces mesures sont réexaminées dans un délai raisonnable, en fonction de la nature du risque identifié pour la vie ou la santé et le type d’informations scientifiques nécessaires pour lever l’incertitude scientifique et réaliser une évaluation plus complète du risque.»

    Le règlement (CE) no 999/2001

    3

    Le règlement (CE) no 999/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, fixant les règles pour la prévention, le contrôle et l’éradication de certaines encéphalopathies spongiformes transmissibles (JO L 147, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 722/2007 de la Commission, du 25 juin 2007 (JO L 164, p. 7, ci-après le «règlement no 999/2001»), prévoit à son article 13, paragraphe 1:

    «Quand la présence d’une [encéphalopathie spongiforme transmissible (ci-après l’‘EST‘)] est officiellement confirmée, les mesures suivantes sont appliquées dans les plus brefs délais:

    [...]

    b)

    une enquête est effectuée afin d’identifier tous les animaux à risque conformément à l’annexe VII, point 1;

    c)

    tous les animaux et produits d’origine animale à risque, énumérés à l’annexe VII, point 2, du présent règlement, identifiés par l’enquête visée au point b) du présent paragraphe, sont abattus et détruits conformément au règlement (CE) no 1774/2002 [du Parlement européen et du Conseil, du 3 octobre 2002, établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine (JO L 273, p. 1)].

    [...]»

    4

    L’article 23 du règlement no 999/2001 est libellé comme suit:

    «Après consultation du comité scientifique approprié sur toute question susceptible d’avoir un effet sur la santé publique, les annexes sont modifiées ou complétées et toute mesure transitoire appropriée est adoptée, conformément à la procédure visée à l’article 24, paragraphe 2.

    [...]»

    5

    L’article 24 bis de ce règlement dispose:

    «Les décisions à adopter conformément à l’une des procédures visées à l’article 24 sont fondées sur une évaluation appropriée des risques potentiels pour la santé humaine et animale et, en tenant compte des preuves scientifiques existantes, maintiennent, ou si cela est justifié du point de vue scientifique, augmentent le niveau de protection de la santé humaine et animale assuré dans [l’Union].»

    6

    Avant l’entrée en vigueur du règlement (CE) no 727/2007 de la Commission, du 26 juin 2007, modifiant les annexes I, III, VII et X du règlement no 999/2001 (JO L 165, p. 8), l’annexe VII du règlement no 999/2001, intitulée «Éradication de l’encéphalopathie spongiforme transmissible», prévoyait:

    «1.

    L’enquête visée à l’article 13, paragraphe 1, [sous] b), doit identifier:

    [...]

    b)

    pour les ovins et les caprins:

    tous les ruminants autres qu’ovins et caprins, présents dans l’exploitation à laquelle appartient l’animal chez lequel la maladie a été confirmée,

    dans la mesure où ils sont identifiables, les parents et, pour les femelles, tous les embryons et ovules et les derniers descendants de la femelle chez laquelle la maladie a été confirmée,

    tous les autres ovins et caprins présents dans l’exploitation à laquelle appartient l’animal chez lequel la maladie a été confirmée, en plus de ceux visés au deuxième tiret,

    l’origine possible de la maladie et l’identification des autres exploitations dans lesquelles se trouvent des animaux, des embryons ou des ovules susceptibles d’avoir été infectés par l’agent de l’EST ou d’avoir été exposés à la même source d’alimentation ou de contamination,

    les mouvements d’aliments potentiellement contaminés, d’autres matériels ou de tout autre support de transmission susceptibles d’avoir véhiculé l’agent de [l’encéphalopathie spongiforme bovine (ci-après l’‘ESB’)] vers l’exploitation en question ou à partir de celle-ci.

    2)

    Les mesures prévues à l’article 13, paragraphe 1, [sous] c), comprennent au moins:

    [...]

    b)

    en cas de confirmation de l’EST chez un ovin ou un caprin, à partir du 1er octobre 2003, selon la décision de l’autorité compétente :

    i)

    soit la mise à mort et la destruction complète de tous les individus, embryons et ovules identifiés par l’enquête visée au point 1, [sous] b), deuxième et troisième tirets,

    ii)

    soit la mise à mort et la destruction complète de tous les individus, embryons et ovules identifiés par l’enquête visée au point 1, [sous] b), deuxième et troisième tirets, à l’exception [des animaux génétiquement non sensibles ou âgés de moins de deux mois uniquement destinés à l’abattage];

    iii)

    si l’animal infecté provient d’une autre exploitation, l’État membre peut décider, sur la base de l’historique du cas en question, d’appliquer des mesures d’éradication dans l’exploitation d’origine en plus ou au lieu de celle dans laquelle l’infection a été confirmée; dans le cas de terres de pâturage commun utilisées par plus d’un troupeau, les États membres peuvent décider de limiter ces mesures à un seul troupeau, après un examen motivé de tous les facteurs épidémiologiques; lorsque plusieurs troupeaux sont détenus dans une seule exploitation, les États membres peuvent décider de limiter les mesures au troupeau au sein duquel la tremblante a été confirmée, à condition qu’il ait été vérifié que les troupeaux avaient été détenus séparément les uns des autres et que la propagation de l’infection entre les troupeaux par contact direct ou indirect était improbable.

    c)

    en cas de confirmation de l’ESB chez un ovin ou un caprin, la mise à mort et la destruction complète de tous les individus, embryons et ovules identifiés par l’enquête visée au point 1, [sous] b), deuxième à cinquième tirets.

    [...]»

    Le règlement litigieux

    7

    Le règlement litigieux a modifié l’annexe VII du règlement no 999/2001, en reprenant presque à l’identique le texte de cette annexe, dans sa rédaction issue du règlement no 727/2007.

    8

    Les dispositions contestées par la République française dans le cadre du présent pourvoi sont les points 2.3, sous b), iii), et sous d), ainsi que 4 du chapitre A de l’annexe VII du règlement no 999/2001 (ci-après, ensemble, les «mesures contestées»).

    9

    Le point 2.3, sous b), iii), dudit chapitre A prévoit les conditions dans lesquelles les États membres peuvent décider, en cas de confirmation d’une EST chez un ovin ou un caprin et pourvu que l’ESB soit exclue conformément aux procédures de tests prévues par le règlement no 999/2001, de ne pas mettre à mort et de ne pas détruire l’ensemble des animaux identifiés lorsque la proportion des ovins génétiquement résistants est faible dans l’élevage, lorsqu’il est difficile d’obtenir des ovins de remplacement résistants, pour préserver la richesse génétique d’un élevage ou d’une race, ou encore après un examen motivé de tous les facteurs épidémiologiques.

    10

    En vertu du point 2.3, sous d), du chapitre A de l’annexe VII du règlement no 999/2001, les États membres peuvent décider, dans certaines conditions, de remplacer la mise à mort et la destruction des individus par leur abattage à des fins de consommation humaine, à condition que les animaux soient abattus sur le territoire de l’État membre concerné et que tous les animaux qui sont âgés de plus de 18 mois ou qui présentent plus de deux incisives permanentes ayant percé la gencive soient soumis à un test de dépistage des EST.

    11

    Le point 4 du même chapitre fixe les conditions du maintien en exploitation des animaux issus d’un troupeau infecté par l’EST et de leur abattage à des fins de consommation humaine dans les deux années qui suivent la détection du dernier cas d’EST. Il dispose que tous les animaux âgés de plus de 18 mois qui sont morts ou abattus à des fins de consommation humaine sont soumis à un test de dépistage des EST.

    Les antécédents du litige et le règlement litigieux

    12

    Les antécédents du litige ont été exposés aux points 12 à 46 de l’arrêt attaqué et peuvent être résumés comme suit.

    13

    Les EST sont des maladies neurodégénératives qui affectent tant les animaux que les humains et dont l’évolution est lente et l’issue fatale. Parmi les EST pouvant affecter les ovins, les caprins ou les bovins, il est possible de distinguer les pathologies suivantes: l’ESB, la tremblante classique et la tremblante atypique.

    14

    Étant donné que l’ESB, maladie transmissible à l’homme, pourrait théoriquement infecter également les ovins et les caprins dans des conditions naturelles, plusieurs mesures pour la prévention et l’éradication des EST chez les ovins et les caprins ont été introduites dans la législation de l’Union.

    15

    Le 22 mai 2001 fut adopté le règlement no 999/2001 qui rassemble au sein d’un même texte l’ensemble des dispositions existantes en matière de lutte contre les EST. Ce règlement prévoit des mesures concernant les animaux qui sont suspectés d’avoir été infectés par une EST et des mesures à suivre en cas de constatation de la présence d’une EST chez des animaux, y compris la destruction des animaux à risque. Ce règlement impose, en outre, à chaque État membre de mettre en place un programme annuel de surveillance des EST qui se fait notamment sur la base d’un dépistage à l’aide de tests dits «rapides» portant sur des échantillons de la population d’ovins et de caprins.

    16

    Les tests rapides permettent d’identifier dans un laps de temps réduit l’existence d’une EST, mais non pas de déterminer son type, à savoir l’ESB, la tremblante classique ou la tremblante atypique. Lorsque les résultats de ces tests rapides sont positifs, le tronc cérébral subit des examens de confirmation dans un laboratoire de référence. Lorsque, à la suite de ces tests, l’ESB ne peut pas être exclue, ces tests sont complétés par des tests biologiques effectués sur des souris vivantes.

    17

    Le règlement no 999/2001 a été modifié à plusieurs reprises entre les années 2001 et 2007. Ces modifications ont notamment porté sur des mesures de lutte contre les EST chez les ovins et les caprins eu égard à l’évolution des connaissances scientifiques en matière d’EST, telle que le développement des tests moléculaires de discrimination capables de différencier l’ESB de la tremblante classique ou de la tremblante atypique (ci-après les «tests de discrimination»). L’application desdits tests suppose l’identification préalable d’un cas d’EST qui peut notamment être faite par des tests rapides.

    18

    En application de la réglementation en vigueur en 2005, les États membres avaient uniquement le choix, lorsqu’un animal, dans un troupeau d’ovins ou de caprins, était atteint d’une EST qui n’était pas une ESB, soit de détruire l’ensemble des animaux du troupeau auquel appartenait l’animal atteint, soit, dans le cas où l’animal atteint était un ovin, de détruire seulement les animaux génétiquement sensibles du troupeau après que le génotype de l’ensemble des animaux du troupeau avait été déterminé afin de distinguer les animaux sensibles et les animaux résistants. En outre, l’État membre pouvait ne pas mettre à mort les ovins et les caprins âgés de moins de deux mois qui étaient uniquement destinés à l’abattage. En revanche, lorsqu’un animal était atteint d’ESB, les États membres devaient veiller à la mise à mort et à la destruction complète de tous les ovins et caprins, des embryons, des ovules et de tous les animaux, ainsi qu’à l’élimination des matériels et des autres supports de transmission.

    19

    À la suite de la confirmation, le 28 janvier 2005, de la présence d’une ESB chez une chèvre née au cours de l’année 2000 et abattue en France au cours de l’année 2002, un programme de surveillance accrue des caprins a été mis en place. Il s’agissait du premier cas d’infection par l’ESB d’un petit ruminant dans des conditions naturelles.

    20

    Le 15 juillet 2005, la Commission européenne a adopté la communication intitulée «Feuille de route pour les EST» [COM(2005) 322 final], dans laquelle elle a annoncé son intention de proposer de nouvelles mesures visant à assouplir les mesures d’éradication en vigueur pour les petits ruminants en tenant compte des nouveaux instruments de diagnostic disponibles et en maintenant le niveau actuel de protection des consommateurs. Cette institution a notamment estimé que, lorsque l’ESB était exclue, il n’y avait plus de risque pour la santé publique et qu’un abattage de la totalité du cheptel pourrait être considéré comme disproportionné par rapport aux enjeux liés à la protection de la santé publique.

    21

    Le 21 septembre 2005, les autorités françaises ont saisi l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) afin qu’elle examine, d’une part, les risques sanitaires des mesures proposées par la Commission dans la feuille de route sur les EST à l’égard des ovins et des caprins et, d’autre part, la fiabilité des tests de discrimination.

    22

    Le 26 octobre 2005, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a adopté un avis sur la classification des cas d’EST atypique chez les petits ruminants en recommandant que les programmes de surveillance utilisent une combinaison appropriée de tests et d’échantillons afin de garantir que les cas de tremblante atypique continuent à être identifiés.

    23

    Entre les mois de décembre 2005 et de février 2006, les programmes de surveillance des EST mis en œuvre dans l’Union européenne ont permis de détecter deux ovins provenant de France et un ovin provenant de Chypre suspectés d’être infectés par l’ESB. À la suite de ces détections, la Commission a mis en place une surveillance renforcée des EST affectant les ovins dans l’ensemble des États membres.

    24

    Le 15 mai 2006, l’AFSSA a rendu un avis dans lequel elle s’est opposée à la proposition de la Commission d’assouplir la politique d’abattage afin de permettre une mise à la consommation humaine de viande d’animaux issus de cheptels de petits ruminants infectés par la tremblante. Elle a estimé qu’il n’était pas possible de conclure que, à l’exception de l’ESB, toutes les souches d’EST potentiellement présentes chez les petits ruminants, y compris les formes atypiques, ne présentaient aucun risque sanitaire pour l’homme.

    25

    Faisant suite aux nouvelles demandes introduites par les autorités françaises, l’AFSSA a rendu, le 15 janvier 2007, un avis relatif à l’évolution des mesures de police sanitaire dans lequel elle a considéré que les tests de discrimination ne permettaient d’exclure la présence de l’ESB ni chez l’animal testé ni a fortiori dans le troupeau auquel il appartenait et que la transmission à l’homme des EST autres que l’ESB ne pouvait être exclue. Par conséquent, l’AFSSA a recommandé le maintien de la réglementation en vigueur en matière de tremblante classique.

    26

    Saisie par la Commission, l’EFSA a rendu, les 25 janvier et 8 mars 2007, deux avis relatifs, respectivement, à une évaluation quantitative du risque résiduel d’ESB dans la viande ovine et les produits à base de viande ovine, et à certains aspects du risque suscité par les EST chez les ovins et caprins.

    27

    S’agissant de ce premier avis concernant l’ESB, l’EFSA a considéré que sa prévalence plus probable chez les ovins était nulle. Quant à l’avis portant sur l’EST, elle a considéré que, même s’il n’y avait pas de preuve d’un lien épidémiologique ou moléculaire entre la tremblante, classique ou atypique, et les EST chez les humains, la transmission à l’homme d’agents des EST animales autres que l’ESB ne pouvait être exclue. En outre, elle a considéré que les tests de discrimination décrits dans le droit de l’Union apparaissaient, jusqu’alors, fiables pour différencier l’ESB de la tremblante, classique ou atypique, même si ni la sensitivité diagnostique ni la spécificité des tests de discrimination ne pouvaient être considérées comme parfaites.

    28

    À la suite de l’avis de l’EFSA du 8 mars 2007, la Commission a soumis au vote du Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, le 24 avril 2007, un projet de règlement modifiant les annexes I, III, VII, et X du règlement no 999/2001.

    29

    Le 26 juin 2007, la Commission a adopté le règlement no 727/2007 à l’encontre duquel la République française a introduit un recours devant le Tribunal.

    30

    Le 24 janvier 2008, à la demande de la Commission, l’EFSA a rendu un avis intitulé «Clarification scientifique et technique de l’interprétation et de considérations de certaines facettes des conclusions de son avis du 8 mars 2007 relatif à certains aspects du risque d’EST chez les ovins et caprins». Dans cet avis, l’EFSA a précisé sa position quant aux questions de la transmission à l’homme des EST animales autres que l’ESB et de la fiabilité des tests de discrimination.

    31

    Le 30 avril 2008, le laboratoire de référence a publié un avis dans lequel il a précisé que les deux ovins provenant de France et l’ovin provenant de Chypre soumis à des tests complémentaires (voir point 23 ci-dessus) ne pouvaient être considérés comme des cas d’ESB.

    32

    Le 17 juin 2008, la Commission a adopté le règlement litigieux qui modifie l’annexe VII du règlement no 999/2001, en conférant aux États membres un plus grand choix de mesures à adopter lorsqu’un troupeau d’ovins ou de caprins est atteint d’une EST dont il a pu être déterminé, à la suite d’un test discriminatoire, qu’elle n’est pas l’ESB. Ce règlement reprend presque à l’identique les dispositions du règlement no 727/2007 relatives à ladite annexe VII, tout en complétant la motivation de celui-ci.

    33

    Ainsi, le règlement litigieux autorise, en substance, la mise à la consommation humaine, d’une part, de la viande de petits ruminants âgés de plus de 18 mois qui font partie d’un cheptel au sein duquel un cas d’EST, qui n’est pas de l’ESB, a été détecté et qui, pour ceux qui sont abattus immédiatement ou dans les deux années qui suivent la détection du dernier cas d’EST, ont été soumis à un test rapide dont le résultat est négatif et, d’autre part, de la viande de petits ruminants qui sont âgés de 3 à 18 mois et qui font partie d’un cheptel au sein duquel un cas d’EST, qui n’est pas de l’ESB, a été détecté, sans qu’ils soient soumis à des tests rapides.

    La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

    34

    Par requête déposée le 17 juillet 2007, la République française a demandé au Tribunal d’annuler le point 3 de l’annexe du règlement no 727/2007, pour violation du principe de précaution, en ce qu’il assouplit le régime d’éradication des EST. Cet État membre a également introduit une demande en référé visant à obtenir le sursis à l’exécution dudit régime jusqu’au prononcé de l’arrêt. Le Tribunal a fait droit à cette dernière demande par ordonnance du 28 septembre 2007 (T-257/07 R, Rec. p. II-4153).

    35

    À la suite de l’adoption du règlement litigieux, le Tribunal a accueilli, par décision du 6 octobre 2008, la demande de la République française d’étendre la procédure judiciaire aux dispositions dudit règlement et a permis le dépôt de conclusions et la production de moyens supplémentaires. Par ordonnance du 30 octobre 2008 (T‑257/07 R II), le Tribunal a également fait droit à la seconde demande de la République française de sursis à l’exécution et, par décision du 30 janvier 2009, a rejeté la demande de la Commission de statuer selon une procédure accélérée.

    36

    À l’appui de son recours, la République française a soulevé un moyen unique tiré de la violation du principe de précaution par la Commission en raison de l’introduction, par le règlement litigieux, des mesures contestées.

    37

    La Commission, soutenue par le Royaume-Uni, a conclu au rejet du recours.

    38

    Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité.

    39

    Le Tribunal a d’emblée exposé, aux points 66 à 89 de l’arrêt attaqué, des considérations de principe relatives à la protection de la santé humaine, au principe de précaution et à l’étendue du contrôle juridictionnel sur les actes des institutions de l’Union en matière de politique agricole commune.

    40

    Le Tribunal a ensuite examiné les arguments, invoqués par la République française à l’appui de son moyen unique, visant à contester, d’une part, l’évaluation du risque faite par la Commission et, d’autre part, la gestion du risque par cette dernière.

    41

    En premier lieu, en ce qui concerne l’évaluation du risque faite par la Commission, la République française a soutenu, premièrement, que la Commission n’avait pas tenu compte des incertitudes scientifiques en ce qui concerne le risque de transmissibilité à l’homme des EST autres que l’ESB, deuxièmement, que la Commission n’avait pas fait évaluer scientifiquement la fiabilité des tests rapides, troisièmement, que cette institution avait ignoré les incertitudes scientifiques quant à la fiabilité des tests de discrimination et, quatrièmement, que la Commission n’avait pas fait évaluer en temps voulu les risques résultant de l’adoption des mesures contestées.

    42

    Aux points 93 à 202 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté l’ensemble de ces griefs.

    43

    S’agissant du grief tiré de l’absence de prise en compte et de l’interprétation erronée des incertitudes scientifiques relatives à la transmissibilité à l’homme des EST autres que l’ESB, le Tribunal a écarté celui-ci aux points 93 à 109 dudit arrêt en considérant que c’était à tort que la République française soutenait que la Commission avait, lors de l’évaluation des risques avant l’adoption du règlement litigieux, ignoré les incertitudes scientifiques concernant cette transmissibilité, étant donné qu’il ressortait du considérant 12 du règlement litigieux que la Commission avait reconnu expressément qu’il était impossible d’exclure toute transmissibilité à l’homme des EST autres que l’ESB affectant les ovins ou caprins.

    44

    En outre, le Tribunal a jugé que, vu le caractère limité et peu représentatif des éléments scientifiques permettant d’étayer qu’une EST affectant les ovins ou les caprins autre que l’ESB était transmissible à l’homme au moment de l’adoption du règlement litigieux, c’était sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission avait pu constater, au même considérant 12, que le degré de probabilité qu’une EST autre que l’ESB affectant les ovins ou les caprins soit transmissible à l’homme était extrêmement faible. Par ailleurs, la République française n’avait avancé, selon le Tribunal, aucun argument et n’avait soumis aucun élément de preuve de nature à priver de plausibilité l’appréciation faite par la Commission.

    45

    Aux points 110 à 136 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le grief de la République française tiré de l’absence de consultation d’experts scientifiques sur la fiabilité des tests rapides. Le Tribunal a notamment estimé que c’était sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission avait pu considérer que l’évaluation de la fiabilité des tests rapides, contenue dans les avis de l’EFSA du 17 mai et du 26 septembre 2005, était pertinente dans le cadre de l’usage de ces tests en vue du contrôle de la mise à la consommation humaine de viande d’ovins ou de caprins. Il n’était donc pas nécessaire de consulter spécifiquement l’EFSA à cette fin.

    46

    Le Tribunal a également rejeté les griefs de la République française selon lesquels, d’une part, la Commission n’aurait pas eu connaissance, avant l’adoption des mesures contestées, des limites des tests rapides lorsque ceux-ci sont pratiqués sur de jeunes sujets et, d’autre part, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en adoptant les mesures contestées alors que l’EFSA avait recommandé de faire réévaluer ces tests étant donné lesdites limites.

    47

    Aux points 137 à 173 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné et écarté le grief relatif à la fiabilité des tests de discrimination.

    48

    Tout d’abord, aux points 143 à 148 de cet arrêt, le Tribunal a, premièrement, rejeté l’argument de la République française tiré de l’absence de prise en compte des incertitudes scientifiques subsistant en ce qui concerne les tests de discrimination, en constatant que la Commission avait fait état de ces incertitudes dans les considérants du règlement litigieux. Le Tribunal a, deuxièmement, rejeté comme inopérant l’argument tiré de l’absence de consultation de l’EFSA lors de l’élaboration des mesures contestées. Troisièmement, le Tribunal a considéré que la République française ne démontrait pas que la Commission n’avait pas réexaminé les mesures en cause à la suite de l’avis de l’EFSA du 24 janvier 2008, vu que le règlement litigieux contenait des références audit avis.

    49

    Ensuite, aux points 149 à 171 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté le grief tiré de ce que la Commission avait minimisé les doutes des experts scientifiques relatifs à la fiabilité des tests de discrimination dus au manque de compréhension de la véritable biodiversité des agents des EST et de la manière dont ceux-ci interagissent en cas de co-infection. Le Tribunal a, notamment, jugé que la Commission pouvait, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, déduire de l’avis de l’EFSA du 24 janvier 2008 que la possibilité d’une co-infection de petits ruminants n’avait pas été démontrée dans des conditions naturelles et en conclure que le risque d’existence d’une telle co-infection et, a fortiori, le risque de non-détection de cette co-infection étaient réduits. Le Tribunal a également considéré que la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant que la prévalence de l’ESB chez les petits ruminants pouvait être considérée comme très faible.

    50

    Enfin, s’agissant de l’avis de l’AFSSA du 8 octobre 2008 et de celui de l’EFSA du 22 octobre 2008, le Tribunal a constaté, aux points 172 et 173 de l’arrêt attaqué, que ceux-ci avaient été émis après l’adoption du règlement litigieux, de sorte que les arguments de la République française fondés sur lesdits avis étaient inopérants.

    51

    Aux points 174 à 202 dudit arrêt, le Tribunal a écarté le grief tiré de l’absence d’appréciation de l’augmentation du risque résultant de l’adoption du règlement litigieux. En particulier, il a considéré que, au vu des avis scientifiques de l’EFSA et de l’AFSSA et compte tenu de l’absence de données nécessaires pour effectuer une évaluation quantitative précise, il ne pouvait être reproché à la Commission de ne pas avoir eu à sa disposition, lors de l’adoption du règlement litigieux, une évaluation scientifique quantitative du risque supplémentaire pour l’homme de se voir exposé aux EST à la suite de l’adoption dudit règlement. Dès lors, le Tribunal a jugé que la Commission n’avait pas violé des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union.

    52

    En second lieu, s’agissant de l’argumentation relative à la gestion du risque, la République française faisait grief à la Commission d’avoir violé son obligation de garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine ainsi que le principe de précaution en ce que cette institution s’était fondée sur un double postulat relatif, d’une part, à l’absence de transmissibilité à l’homme des EST autres que l’ESB affectant les animaux et, d’autre part, à la fiabilité des tests de discrimination afin de distinguer avec certitude la tremblante de l’ESB, alors que les données scientifiques les plus récentes auraient fait état d’importantes incertitudes concernant ces deux postulats.

    53

    Le Tribunal a écarté ces griefs aux points 206 à 264 de l’arrêt attaqué.

    54

    À cet égard, le Tribunal a constaté, dans ses considérations liminaires figurant aux points 206 à 214 de l’arrêt attaqué, que la compétence de la Commission pour adopter les dispositions litigieuses n’avait pas été remise en cause par la République française. Il a rappelé que les autorités publiques compétentes ont l’obligation de maintenir ou, le cas échéant, d’augmenter le niveau de protection de la santé humaine sans que celui-ci soit pour autant le plus élevé possible. Pour satisfaire à cette obligation, il appartiendrait à l’autorité compétente, en application du principe de précaution, de gérer le risque dépassant le niveau jugé acceptable pour la société par des mesures visant à le circonscrire audit niveau. Le Tribunal en a conclu que l’assouplissement des mesures préventives adoptées antérieurement devait être justifié par des éléments nouveaux modifiant l’appréciation du risque en cause. Le Tribunal a considéré que de tels éléments nouveaux, comme nouvelles connaissances ou découvertes, étaient susceptibles de modifier à la fois la perception du risque et le niveau de risque jugé acceptable par la société.

    55

    En outre, le Tribunal a considéré que ce n’est que lorsque ce nouveau niveau de risque dépasse le niveau jugé acceptable pour la société qu’une violation du principe de précaution doit être constatée par le juge. Toutefois, il a rappelé que le contrôle du juge sur la détermination par l’autorité compétente du niveau de risque jugé inacceptable pour la société est limité à l’erreur manifeste d’appréciation, au détournement de pouvoir ou au dépassement des limites de son pouvoir d’appréciation. Quant à l’erreur manifeste d’appréciation, le Tribunal a précisé que la partie qui s’en prévaut est tenue d’apporter les éléments de preuve suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus par l’autorité compétente.

    56

    S’agissant des trois éléments invoqués par la Commission – à savoir, premièrement, l’absence de lien épidémiologique entre, d’une part, la tremblante, classique ou atypique, affectant les petits ruminants et, d’autre part, les EST affectant les humains depuis la mise en œuvre des mesures préventives initiales; deuxièmement, la mise au point et la validation de tests de discrimination permettant de distinguer de manière fiable la tremblante de l’ESB dans un laps de temps restreint, et, troisièmement, la très faible probabilité de présence de l’ESB chez les ovins et les caprins selon les données épidémiologiques – le Tribunal a estimé que la République française contestait non pas le caractère nouveau de ces éléments, mais l’appréciation selon laquelle ils pouvaient justifier l’adoption des mesures contestées. En conséquence, le Tribunal a considéré qu’il convenait d’apprécier si, au vu de ces éléments nouveaux, la Commission était en droit d’adopter le règlement litigieux, dès lors que celui-ci permettait de maintenir un niveau élevé de protection de la santé humaine tout en réduisant le coût des mesures de prévention pour la société ou, au contraire, si, en adoptant ledit règlement, la Commission avait violé le principe de précaution et, partant, l’obligation de maintenir un niveau élevé de protection de la santé humaine, en exposant les personnes à des risques dépassant le niveau jugé acceptable pour la société.

    57

    À cet égard, le Tribunal a examiné, en premier lieu, aux points 227 à 248 de l’arrêt attaqué, si le règlement litigieux entraînait une augmentation du risque d’exposition de l’homme aux EST affectant les petits ruminants en raison de la mise à la consommation humaine de viande de petits ruminants qui ont fait partie d’un troupeau au sein duquel un cas d’EST a été détecté. Ayant constaté qu’il y avait une augmentation non négligeable de ce risque, le Tribunal a toutefois considéré que ce constat ne suffisait pas pour établir une violation du principe de précaution ou de l’obligation de maintenir un niveau élevé de protection de la santé humaine. Selon cette juridiction, il convenait en outre de vérifier si cette augmentation avait amené les risques pour la santé humaine à un niveau jugé inacceptable pour la société.

    58

    Le Tribunal a dès lors vérifié, en second lieu, aux points 249 à 264 de l’arrêt attaqué, si l’adoption du règlement litigieux avait entraîné des risques pour la santé humaine dépassant le niveau jugé acceptable pour la société.

    59

    S’agissant du risque résultant de la consommation humaine de viande de petits ruminants infectés par des EST autres que l’ESB, le Tribunal a constaté que, vu le risque extrêmement faible de transmissibilité à l’homme de ces EST affectant des petits ruminants, la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que les mesures contestées n’entraînaient pas une augmentation du risque pour la santé humaine allant au-delà du niveau de risque jugé acceptable pour la société.

    60

    Quant au risque provenant de la consommation humaine de viande d’ovins ou de caprins infectés par l’ESB, le Tribunal a relevé que, même si les mesures contestées ne permettaient pas d’exclure que de la viande provenant d’un troupeau au sein duquel un animal a été infecté par l’ESB soit mise à la consommation humaine, la prévalence de l’ESB classique chez les petits ruminants était très faible et un seul cas d’ESB classique avait été confirmé chez les petits ruminants et concernait une chèvre qui avait été nourrie aux farines animales, lesquelles ont été entre-temps interdites.

    61

    Le Tribunal a conclu que la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que le risque supplémentaire d’exposition de l’homme à l’ESB classique affectant les petits ruminants qu’entraînait l’adoption des dispositions contestées ne générait pas de risques pour la santé humaine qui dépassaient le niveau jugé acceptable pour la société.

    62

    Par ailleurs, le Tribunal a estimé qu’il ressortait des différents avis scientifiques que la signification, l’origine et la transmissibilité des ESB de type L ou H étaient, à la date d’adoption du règlement litigieux, spéculatives. Ainsi, la Commission n’avait pas non plus commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que le risque supplémentaire d’exposition du consommateur aux ESB autres que l’ESB classique était acceptable.

    63

    Par conséquent, le Tribunal a jugé que, en adoptant le règlement litigieux, la Commission n’avait pas violé le principe de précaution ni l’obligation de maintenir un niveau élevé de protection de la santé humaine consacrée par l’article 152, paragraphe 1, CE et par l’article 24 bis du règlement no 999/2001.

    La procédure devant la Cour

    64

    La République française demande à la Cour:

    d’annuler l’arrêt attaqué;

    de statuer à titre définitif et d’annuler le règlement litigieux ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

    de condamner la Commission aux dépens.

    65

    La Commission demande à la Cour:

    de rejeter le pourvoi, et

    de condamner la partie requérante aux dépens.

    Sur le pourvoi

    66

    À l’appui de son pourvoi, la République française invoque quatre moyens tirés, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation, le deuxième, d’une dénaturation des faits, le troisième, d’une erreur dans la qualification juridique des faits et, le quatrième, d’une erreur de droit tenant à la violation de l’article 24 bis du règlement no 999/2001 et du principe de précaution.

    67

    La Commission considère que l’ensemble des moyens invoqués au soutien du pourvoi doit être rejeté comme manifestement irrecevable ou, en tout état de cause, comme non fondé.

    68

    Il convient d’examiner au préalable l’exception générale d’irrecevabilité invoquée par la Commission.

    Sur l’exception générale d’irrecevabilité

    69

    La Commission excipe, à titre liminaire, de l’irrecevabilité du pourvoi en ce qu’il constitue une tentative de faire examiner à nouveau la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échapperait à la compétence de la Cour. Selon cette institution, tous les moyens présentés par la République française soit se limitent à répéter le moyen et les arguments que cette dernière avait fait valoir devant le Tribunal, soit visent à examiner à nouveau les preuves retenues par celui-ci.

    70

    À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 256 TFUE et de l’article 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit.

    71

    Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que, dès lors qu’une partie conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent à nouveau être discutés au cours d’un pourvoi. En effet, si une partie ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et arguments déjà utilisés devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens (voir, notamment, arrêts du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C-514/07 P, C-528/07 P et C-532/07 P, Rec. p. I-8533, point 116, ainsi que du 26 juin 2012, Pologne/Commission, C‑335/09 P, point 27).

    72

    S’agissant du présent pourvoi, il suffit de constater que, ainsi qu’il ressort notamment du point 66 du présent arrêt, et contrairement à ce que soutient la Commission, la République française ne vise pas de manière générale à remettre en cause les appréciations factuelles du Tribunal en réitérant le moyen et les arguments soulevés devant ce dernier. En revanche, la requérante fait valoir, pour l’essentiel, des questions de droit qui peuvent légalement faire l’objet du pourvoi. Il convient, par conséquent, de rejeter l’exception générale d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

    73

    Cela étant, dans la mesure où la Commission excipe de manière plus précise de l’irrecevabilité de certains moyens ou griefs spécifiques du pourvoi, il y aura lieu d’aborder ces exceptions dans le cadre de l’examen des moyens concernés.

    Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

    Argumentation des parties

    74

    Le premier moyen se subdivise, en substance, en deux branches. Par la première branche du premier moyen, la République française fait valoir que le Tribunal n’a pas, dans l’arrêt attaqué, répondu à suffisance de droit à ses griefs tirés de l’absence de prise en compte, par la Commission, des données scientifiques disponibles.

    75

    La République française souligne le fait que, s’il est vrai que le Tribunal a affirmé que la Commission avait connaissance des données scientifiques disponibles quand elle a adopté le règlement litigieux, il n’en demeure pas moins que, par son argumentation, cet État membre cherchait à établir que la Commission n’avait pas pris pleinement en considération ces données, alors que celles-ci remettaient en cause les deux postulats sur lesquels elle s’était fondée pour l’adoption des dispositions du règlement no 727/2007, à savoir, d’une part, l’absence de transmissibilité à l’homme d’EST autres que l’ESB et, d’autre part, la fiabilité des tests de discrimination. Le fait d’avoir cité, dans le préambule du règlement litigieux, les conclusions de l’avis de l’EFSA du 24 janvier 2008 n’impliquerait pas que ces conclusions avaient réellement été prises en considération par la Commission.

    76

    En outre, le Tribunal aurait omis d’examiner la question de savoir si la Commission était en droit de reprendre à l’identique, dans le règlement litigieux, les dispositions du règlement no 727/2007, malgré le fait que les avis de l’EFSA remettaient en cause les deux postulats sur lesquels la Commission s’était fondée pour adopter ces dispositions.

    77

    Par la seconde branche du premier moyen, la République française fait valoir que le Tribunal n’a pas répondu à suffisance de droit à ses griefs tirés de la violation de l’article 24 bis du règlement no 999/2001, dans la mesure où cette juridiction a considéré que ces griefs revenaient à demander de vérifier si les mesures contestées étaient appropriées pour assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine.

    78

    À cet égard, le Tribunal aurait considéré à tort que ledit article 24 bis ne faisait que transcrire l’obligation contenue dans l’article 152, paragraphe 1, CE, selon laquelle les autorités publiques compétentes doivent assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine au sein de l’Union. De l’avis de la République française, l’article 24 bis du règlement no 999/2001 pose une exigence supplémentaire par rapport à celle contenue dans l’article 152, paragraphe 1, CE, à savoir que les décisions prises sur la base de l’article 24 de ce règlement ne diminuent pas le niveau de protection établi par les mesures préventives en vigueur, voire que ces décisions augmentent ce niveau. Ainsi, le Tribunal aurait dû s’assurer que les mesures contestées maintenaient ou augmentaient le niveau de protection de la santé humaine qui était garanti par les mesures préventives antérieures.

    79

    La Commission considère que le premier moyen doit être rejeté comme manifestement irrecevable ou en tout état de cause comme dénué de fondement, dès lors que le raisonnement suivi par le Tribunal aux points 97, 144, 145, 201 et 221 de l’arrêt attaqué démontre que la Commission avait adopté le règlement litigieux après un examen approfondi des meilleures données scientifiques et des résultats les plus récents de la recherche au niveau international.

    80

    S’agissant notamment de l’argument que la Commission n’était pas en droit de reprendre à l’identique, dans le règlement litigieux, les dispositions du règlement no 727/2007, cette institution observe que le pourvoi n’indique pas de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué. En tout état de cause, la requérante ne préciserait pas la raison pour laquelle la Commission ne saurait être autorisée à reprendre, dans le règlement litigieux, les mesures du règlement précédent, dès lors que celles-ci étaient justifiées, mais demanderait à la Cour de procéder à une réévaluation des faits, dans la mesure où la République française se limiterait à reprocher au Tribunal d’avoir fait la même lecture que la Commission des avis de l’EFSA.

    81

    Quant à l’article 24 bis du règlement no 999/2001, la République française n’aurait pas indiqué les éléments qui justifieraient une autre interprétation de cette disposition que celle retenue par le Tribunal. Toutefois, la Commission estime que le Tribunal s’est assuré du respect non seulement de l’article 152, paragraphe 1, CE mais également dudit article 24 bis en ce qu’il a vérifié, aux points 211, 221, 249 et 266 de l’arrêt attaqué, si les nouvelles mesures augmentaient le risque pour la santé humaine et a conclu que tel n’était pas le cas.

    Appréciation de la Cour

    82

    À titre liminaire, il convient de rappeler que la question de la portée de l’obligation de motivation constitue une question de droit qui est soumise au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C-413/06 P, Rec. p. I-4951, point 30 et jurisprudence citée).

    83

    La Cour a également jugé que l’obligation de motivation, qui incombe au Tribunal conformément à l’article 36 du statut de la Cour de justice, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 81 du règlement de procédure du Tribunal, n’impose pas à ce dernier de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation du Tribunal peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les motifs de la décision du Tribunal et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir, notamment, arrêts du 10 février 2011, Activision Blizzard Germany/Commission, C-260/09 P, Rec. p. I-419, point 84, et du 28 juillet 2011, Mediaset/Commission, C‑403/10 P, point 88).

    84

    En ce qui concerne la première branche du premier moyen tirée de la violation de l’obligation de motivation relative à l’argument se rapportant à l’absence de prise en compte des données scientifiques disponibles, il ressort des points 96 à 109 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a vérifié si le règlement litigieux faisait bien état des avis scientifiques disponibles et des incertitudes qui y sont exprimées. Le Tribunal en a conclu que la Commission n’avait pas ignoré les incertitudes scientifiques lors de l’évaluation des risques ayant précédé l’adoption des mesures contestées et que, dès lors, les constatations de cette institution n’étaient pas entachées d’une erreur manifeste d’appréciation. En outre, le Tribunal a considéré que la République française n’avait avancé aucun argument ni élément de preuve de nature à priver de plausibilité l’appréciation faite par la Commission.

    85

    Or, dans ces conditions, il ne saurait être considéré que le Tribunal n’a pas motivé à suffisance de droit son rejet de l’argument, invoqué devant lui par la République française, se rapportant à l’absence de prise en compte des données scientifiques disponibles.

    86

    Quant au grief tiré de ce que le Tribunal aurait omis d’examiner si la Commission était en droit de reprendre à l’identique, dans le règlement litigieux, les dispositions du règlement no 727/2007, il convient de relever que l’examen des mémoires déposés par la République française devant le Tribunal, et notamment de ses conclusions supplémentaires soumises à la suite de l’adoption du règlement litigieux, révèle que l’assertion relative à l’identité des mesures adoptées par ce dernier règlement par rapport au règlement no 727/2007 a été évoquée devant le Tribunal non pas en tant qu’argument autonome, mais comme une simple constatation faite dans le cadre de la comparaison de ces deux règlements.

    87

    Si la République française a, certes, mentionné une fois, dans le cadre de son argumentation devant le Tribunal, qu’elle ne comprenait pas comment la pleine prise en considération de l’avis de l’EFSA du 24 janvier 2008 avait pu conduire la Commission à adopter dans le règlement litigieux des dispositions identiques aux mesures contestées, force est de constater que ladite observation ne fait l’objet d’aucun développement particulier ni ne s’accompagne d’une argumentation spécifique qui serait destinée à étayer celle-ci.

    88

    Il découle de ce qui précède que la République française n’ayant pas exposé avec la clarté et la précision requises les raisons pour lesquelles la Commission n’était pas en droit de reprendre à l’identique, dans le règlement litigieux, les dispositions du règlement no 727/2007, son observation quant à l’identité de deux règlements en cause ne saurait être considérée comme un moyen distinct qui aurait justifié une réponse spécifique dans l’arrêt attaqué. Par conséquent, le Tribunal n’a pas violé son obligation de motivation en ne répondant pas explicitement à cette observation.

    89

    S’agissant de la seconde branche du premier moyen, par laquelle la République française invoque le non-respect de l’obligation de motivation quant à la violation alléguée de l’article 24 bis du règlement no 999/2001, il convient d’observer que la requérante conteste, par son argumentation, non pas l’insuffisance de motivation, mais vise à mettre en cause le bien-fondé de la motivation du Tribunal.

    90

    Or, il importe de relever que, aux points 79, 211 à 213, 249 et 266 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fourni une motivation suffisante en ce qu’elle permet, d’une part, à la requérante de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à ses arguments relatifs à la violation de l’article 24 bis du règlement no 999/2001 et, d’autre part, à la Cour d’exercer son contrôle.

    91

    Par conséquent, l’argument tiré de la violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne l’application de l’article 24 bis du règlement no 999/2001 doit être écarté comme dénué de fondement. Dans la mesure où la question du bien-fondé de cette motivation se confond avec la prétendue violation dudit article 24 bis faisant l’objet de la première branche du quatrième moyen du pourvoi, cette question sera examinée dans le cadre du quatrième moyen.

    92

    Il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent que le premier moyen est pour partie irrecevable et pour partie non fondé.

    Sur le deuxième moyen, tiré de la dénaturation des faits

    Argumentation des parties

    93

    Le deuxième moyen se subdivise en trois branches. Par la première branche de son deuxième moyen, la République française fait valoir que le Tribunal a, aux points 101 à 108 de l’arrêt attaqué, dénaturé la portée des avis de l’EFSA des 8 mars 2007 et 24 janvier 2008 en ce qu’il a considéré que la Commission avait pu déduire desdits avis, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que le risque de transmissibilité à l’homme des EST autres que l’ESB était extrêmement faible. Dans ces avis, l’EFSA aurait, en réalité, conclu non pas que ce risque était extrêmement faible, mais qu’il n’était pas possible d’exclure ladite transmissibilité.

    94

    En particulier, la République française soutient que les points 101 à 106 de l’arrêt attaqué ne font état d’aucune appréciation, par l’EFSA, du degré de probabilité de risque de transmissibilité à l’homme des EST autres que l’ESB. En outre, en considérant, au point 107 de cet arrêt, que les modèles expérimentaux en cause étaient peu représentatifs, le Tribunal aurait dénaturé la portée des avis de l’EFSA. Selon ledit État membre, le Tribunal a confondu l’absence de certitude de l’existence d’un risque avec la faiblesse de la probabilité de ce risque.

    95

    Par la deuxième branche dudit moyen, la République française invoque une dénaturation par le Tribunal, aux points 116 à 122 de l’arrêt attaqué, de la portée des avis de l’EFSA des 17 mai et 26 septembre 2005 ainsi que celui du 7 juin 2007, dès lors que cette juridiction a jugé que la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant, d’une part, que les tests rapides étaient fiables et, d’autre part, que l’évaluation de la fiabilité de ces tests contenue dans ces avis était également valable dans le cadre du contrôle de la mise à la consommation humaine de viande d’ovins ou de caprins.

    96

    À cet égard, la République française souligne que, s’il est vrai que l’EFSA a, dans ses avis, considéré que les tests rapides pouvaient être recommandés pour l’évaluation de la prévalence de la tremblante classique et de l’ESB, il ne saurait néanmoins en être déduit que ces tests seraient fiables dans le cadre du contrôle de la mise à la consommation humaine de viande d’ovins ou de caprins. En effet, le degré d’exigence de fiabilité des tests rapides ne pourrait être le même pour suivre l’évolution épidémiologique de la tremblante classique ainsi que de l’ESB et pour contrôler de manière systématique les carcasses en vue de permettre leur consommation.

    97

    Par la troisième branche de son deuxième moyen, la République française estime que le Tribunal a, aux points 215 à 221 de l’arrêt attaqué, dénaturé les faits lorsqu’il a considéré que les éléments scientifiques invoqués par la Commission pour justifier l’adoption du règlement litigieux constituaient des éléments nouveaux par rapport aux mesures préventives antérieures.

    98

    Selon la République française, il ne ressortait ni des mémoires de la Commission ni de l’intervention de cette dernière à l’audience devant le Tribunal qu’elle ait revendiqué le caractère nouveau des éléments scientifiques dont elle se prévalait, à l’exception de la mise au point et de la validation des tests de discrimination. Ainsi, la Commission n’aurait jamais présenté en tant qu’éléments scientifiques nouveaux l’absence de lien épidémiologique entre la tremblante classique ou atypique affectant les petits ruminants et les EST affectant les humains ni la faible prévalence de l’ESB chez les petits ruminants.

    99

    Cette dénaturation des faits aurait eu une incidence déterminante sur l’appréciation de la légalité du règlement litigieux, dans la mesure où, ainsi qu’il résulterait des points 83 et 212 de l’arrêt attaqué, le principe de précaution exigerait, pour justifier un assouplissement des mesures préventives en vigueur, que les institutions compétentes présentent des éléments nouveaux de nature à modifier la perception du risque ou montrent que ce risque peut être circonscrit par des mesures moins contraignantes que celles existantes.

    100

    La Commission soutient que les deux premières branches du deuxième moyen sont irrecevables, dès lors que, d’une part, les arguments de la République française se fondent sur une appréciation et une interprétation des faits par le Tribunal, ce qui relève de la seule compétence de cette juridiction, et, d’autre part, l’État membre requérant n’indique pas, de façon précise, les éléments critiqués de l’arrêt attaqué ou les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique sa demande, notamment les pièces du dossier desquelles il résulterait une prétendue inexactitude matérielle de ces constatations.

    101

    Quant à la troisième branche du deuxième moyen, celle-ci serait également irrecevable ou, en tout état de cause, non fondée. En effet, la République française se bornerait à faire prévaloir son interprétation des faits sur l’approche différente suivie par la Commission.

    102

    À cet égard, la Commission indique que l’appréciation du besoin de modifier certaines mesures en vigueur découle non pas de l’apparition d’éléments nouveaux, mais essentiellement de la prise en compte de l’évolution des données et des preuves scientifiques. En effet, l’exigence d’éléments nouveaux auxquels se réfère la République française ne se trouverait ni dans l’article 24 bis du règlement no 999/2001 ni dans l’article 7 du règlement no 178/2002, ces dispositions se référant à l’évaluation des informations disponibles et aux preuves scientifiques existantes.

    Appréciation de la Cour

    103

    S’agissant des première et deuxième branches du deuxième moyen, relatives à une prétendue dénaturation, par le Tribunal, de la portée de certains avis de l’EFSA, respectivement, aux points 101 à 108 et 116 à 122 de l’arrêt attaqué, il y a lieu d’observer que, dans lesdits points, le Tribunal a examiné les griefs de la République française visant à faire constater que la Commission avait commis une erreur manifeste dans l’appréciation des avis scientifiques à sa disposition, en ce qu’elle avait considéré, d’une part, que le risque de transmission à l’homme d’une EST autre que l’ESB affectant des animaux était extrêmement faible et, d’autre part, que l’évaluation de la fiabilité des tests rapides qui avait été effectuée dans le contexte de mesures de surveillance épidémiologique des EST chez les petits ruminants, était également valable dans le contexte des mesures contestées autorisant la mise à la consommation humaine de viande de petits ruminants en cas de résultat négatif desdits tests.

    104

    Dans le cadre du présent pourvoi, la République française conteste, en s’appuyant essentiellement sur les mêmes arguments que ceux qu’elle avait déjà présentés devant le Tribunal, les mêmes appréciations de la Commission, que le Tribunal a considéré comme n’étant pas manifestement erronées, en invoquant une dénaturation des avis de l’EFSA des 17 mai et 26 septembre 2005, des 8 mars et 7 juin 2007 ainsi que du 24 janvier 2008.

    105

    À cet égard, force est de constater, d’une part, que l’argumentation de la requérante procède d’une lecture partielle de l’arrêt attaqué. En effet, en ce qui concerne le risque de transmission à l’homme des EST autre que l’ESB affectant des animaux, il ressort clairement du point 107 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a également pris en considération la déclaration du SEAC (Spongiform Encephalopathy Advisory Committee) sur le risque potentiel pour la santé humaine des modifications relatives au contrôle de la tremblante classique du mois de février 2008. Selon le Tribunal, dans cette déclaration, même s’il a confirmé qu’un lien entre la tremblante classique et les EST affectant des humains ne pouvait être exclu, le SEAC a toutefois considéré que ce risque devait être très faible. Selon cet organisme, la fréquence très faible et relativement constante de cas d’EST affectant des humains à travers le monde attestait de ce qu’il devait y avoir, à tout le moins, une barrière substantielle, si elle n’était pas complète, à la transmission de la tremblante classique aux humains. Or, la requérante ne conteste pas la pertinence ni la validité de cette déclaration.

    106

    D’autre part, le République française n’a pas démontré à suffisance de droit que le Tribunal s’est livré à une interprétation des avis scientifiques précités qui est manifestement contraire à leur contenu.

    107

    Par conséquent, il y a lieu de rejeter les première et deuxième branches du deuxième moyen comme non fondées.

    108

    Quant à la troisième branche du deuxième moyen, dirigée contre les points 215 à 221 de l’arrêt attaqué, il convient de vérifier si la République française a démontré une dénaturation de l’argumentation de la Commission en ce qui concerne le caractère nouveau des éléments scientifiques justifiant l’adoption des mesures contestées.

    109

    Il y a lieu d’observer à cet égard que, s’il est certes vrai que, dans les points précités de l’arrêt attaqué, le Tribunal a présenté comme nouveaux, par rapport à la situation existant au moment de l’adoption des mesures préventives initiales, les trois éléments mentionnés au point 56 du présent arrêt, force est de constater qu’une telle qualification n’était pas fondée sur l’argumentation présentée par la Commission devant le Tribunal, mais résultait de l’application de la jurisprudence énoncée aux points 83 et 212 de l’arrêt attaqué.

    110

    Dans ces derniers points de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé la jurisprudence de la Cour selon laquelle, lorsque des éléments nouveaux modifient la perception d’un risque ou montrent que ce risque peut être circonscrit par des mesures moins contraignantes que celles existantes, il appartient aux institutions, et notamment à la Commission, qui a le pouvoir d’initiative, de veiller à une adaptation de la réglementation aux données nouvelles (voir arrêt du 12 janvier 2006, Agrarproduktion Staebelow, C-504/04, Rec. p. I-679, point 40). Le Tribunal en a déduit que l’assouplissement de mesures préventives adoptées antérieurement devait être justifié par des éléments nouveaux, tels que de nouvelles connaissances ou de nouvelles découvertes scientifiques, modifiant l’appréciation du risque en cause.

    111

    Il s’ensuit que le grief tiré d’une prétendue dénaturation de l’argumentation de la Commission doit être rejeté, sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’argumentation de la Commission contestant le bien-fondé de l’exigence du caractère nouveau des données scientifiques afin de justifier l’adoption des mesures contestées.

    112

    Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter la troisième branche du deuxième moyen et, par conséquent, le deuxième moyen dans son ensemble comme non fondé.

    Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur dans la qualification juridique des faits

    Argumentation des parties

    113

    Par son troisième moyen, la République française fait grief au Tribunal d’avoir commis une erreur dans la qualification juridique des faits en ce qu’il a considéré que les éléments scientifiques invoqués par la Commission constituaient des éléments nouveaux de nature à modifier la perception du risque.

    114

    Ainsi, de l’avis de la République française, c’est à tort que le Tribunal, aux points 215 à 221 de l’arrêt attaqué, a non seulement présumé que les trois éléments scientifiques invoqués par la Commission étaient nouveaux, mais aussi que ces éléments étaient de nature à modifier la perception du risque.

    115

    La République française estime que, même si les tests de discrimination constituaient un élément scientifique nouveau, cet élément n’était pas de nature à modifier la perception du risque car la fiabilité de ces tests était limitée. En ce qui concerne l’absence de lien épidémiologique entre la tremblante classique et les EST affectant les humains ainsi que la faible prévalence de l’ESB chez les petits ruminants, la République française est d’avis que, ces éléments scientifiques ayant déjà été identifiés lors de l’adoption des mesures préventives antérieures, ils ne pouvaient entraîner une modification de la perception du risque.

    116

    La Commission conclut que le troisième moyen doit être rejeté comme manifestement irrecevable au motif que l’appréciation du Tribunal, selon laquelle la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation sur la base des évolutions scientifiques, constitue une appréciation de nature factuelle.

    117

    En tout état de cause, ce moyen devrait être rejeté comme étant dénué de fondement dans la mesure où l’évaluation scientifique des risques dont dérivaient les mesures contestées serait fondée sur des preuves scientifiques, disponibles au moment de leur adoption, qui montreraient qu’il y avait eu un changement de circonstances.

    Appréciation de la Cour

    118

    Le troisième moyen de la République française est dirigé, tout comme la troisième branche du deuxième moyen, contre les points 215 à 221 de l’arrêt attaqué. Par son argumentation avancée à l’appui du présent moyen, la requérante conteste le fait que les éléments identifiés par le Tribunal, dont elle nie le caractère nouveau, ont pu avoir pour effet de modifier la perception du risque dans la société.

    119

    À cet égard, il est de jurisprudence constante que, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (voir, notamment, arrêts du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C-551/03 P, Rec. p. I-3173, point 51; du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C-397/03 P, Rec. p. I-4429, point 105, ainsi que Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, précité, point 29).

    120

    Toutefois, il ne ressort pas des points 215 à 221 de l’arrêt attaqué, visés par la République française dans le cadre de son troisième moyen, que le Tribunal y aurait procédé à une quelconque qualification juridique au regard de la perception du risque par la société. En effet, il s’y est limité à examiner le caractère nouveau des éléments scientifiques invoqués par la Commission, ce qui constitue une constatation de faits.

    121

    Dès lors, en considérant que le Tribunal a opéré, aux points 215 à 221 de l’arrêt attaqué, une qualification juridique des faits, la République française fait une lecture erronée de cet arrêt.

    122

    Le troisième moyen doit donc être écarté comme non fondé.

    Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur de droit

    Argumentation des parties

    123

    Le quatrième moyen est subdivisé en trois branches.

    124

    Par la première branche de ce moyen, qui est connexe à la seconde branche du premier moyen, la République française soutient que, en considérant, aux points 249 et 250 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas violé les dispositions de l’article 24 bis du règlement no 999/2001 dès lors qu’elle avait respecté l’obligation contenue dans l’article 152, paragraphe 1, CE, le Tribunal a commis une erreur de droit. À cet égard, la République française soutient que ledit article 24 bis pose une exigence supplémentaire par rapport à l’article 152, paragraphe 1, CE, de sorte que c’est à tort que le Tribunal s’est limité à considérer que les mesures que la Commission avait adoptées en vertu de cette dernière disposition assuraient un niveau élevé de protection de la santé humaine. Pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal aurait dû s’assurer que ces mesures maintenaient ou augmentaient le niveau de protection de la santé humaine qui était garanti par les mesures préventives antérieures.

    125

    Par la deuxième branche de son quatrième moyen, la République française fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en présumant, au point 213 de l’arrêt attaqué, que les éléments scientifiques invoqués par la Commission pour justifier l’adoption du règlement litigieux pouvaient entraîner une évolution du niveau de risque jugé acceptable. À titre subsidiaire, le Tribunal aurait également commis une telle erreur en omettant de vérifier si, pour déterminer le niveau de risque jugé acceptable, la Commission avait pris en compte la gravité et l’irréversibilité des effets adverses des EST pour la santé humaine. Enfin, la République française soutient qu’il y avait nécessairement une augmentation du risque pour la santé humaine qui dépassait le niveau acceptable pour la société.

    126

    S’agissant de sa troisième branche du quatrième moyen, la République française invoque une erreur de droit, en ce que le Tribunal n’a pas pris en compte le fait que les mesures contestées ne se substituent pas aux mesures préventives antérieures, mais qu’elles les complètent par des mesures alternatives plus souples. La coexistence des mesures initiales et des mesures nouvelles soulèverait la question de la cohérence d’une telle réglementation que le Tribunal aurait dû examiner. Cette erreur de droit aurait eu pour conséquence une appréciation erronée du grief de la République française tiré de la violation du principe de précaution dans la gestion du risque.

    127

    La Commission estime que le quatrième moyen doit être rejeté comme manifestement irrecevable ou en tout état de cause comme étant dénué de fondement.

    128

    Concernant la première branche de ce moyen, la Commission considère que le Tribunal a correctement effectué son examen. À supposer que, en adoptant des mesures d’assouplissement fondées sur des éléments scientifiques, la Commission ait pu contribuer à l’augmentation de l’exposition de l’homme à l’agent de la tremblante, cela n’aurait pour autant pas affaibli le niveau de protection de la santé publique étant donné que le risque de transmission de la tremblante à l’homme était extrêmement faible. Dès lors, le niveau de protection n’aurait pas été abaissé et l’article 24 bis du règlement no 999/2001 aurait bien été respecté.

    129

    Quant à la deuxième branche du quatrième moyen, la Commission soutient que la République française n’a pas avancé les éléments à l’appui de son argument selon lequel le risque pour la santé humaine avait dépassé le niveau jugé acceptable pour la société en raison des mesures contestées. Ni devant le Tribunal ni dans le cadre du présent pourvoi, la République française n’aurait présenté d’élément de preuve de nature à contredire l’appréciation de la Commission et du Tribunal sur cet aspect.

    130

    Enfin, en ce qui concerne la troisième branche du quatrième moyen, la Commission estime que la République française tente de substituer son analyse à celle du Tribunal.

    Appréciation de la Cour

    131

    S’agissant de la première branche du quatrième moyen, tirée d’une prétendue violation de l’article 24 bis du règlement no 999/2001, il convient de rappeler que, aux termes de cette disposition, les décisions à adopter conformément à l’une des procédures visées à l’article 24 dudit règlement, à savoir également les modifications des annexes, «sont fondées sur une évaluation appropriée des risques potentiels pour la santé humaine et animale et, en tenant compte des preuves scientifiques existantes, maintiennent, ou si cela est justifié du point de vue scientifique, augmentent le niveau de protection de la santé humaine et animale assuré dans [l’Union]».

    132

    L’article 24 bis a été inclus dans le règlement no 999/2001 par le règlement (CE) no 1923/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006 (JO L 404, p. 1). Il ressort des travaux préparatoires de ce dernier règlement que l’article 24 bis ne figurait pas dans la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, du 6 décembre 2004, modifiant le règlement no 999/2001 [COM(2004) 775 final], présentée par la Commission, mais trouve son origine dans l’avis du 29 mars 2006 de la Commission de l’agriculture et du développement rural et son inclusion au texte du règlement a été proposée par le Parlement européen dans son projet de résolution législative du 27 avril 2006.

    133

    Bien que les considérants du règlement no 1923/2006 ne contiennent pas d’explication quant à l’objectif de la disposition concernée, il résulte notamment des justifications fournies par le Parlement dans son projet de résolution susvisé que «[c]et amendement vise à garantir que les aspects essentiels du règlement à l’examen ne peuvent être modifiés par la Commission et les États membres, dans le cadre de la procédure de comitologie, que si une justification est fournie selon laquelle une réduction du niveau de protection de la santé humaine et animale est exclue». Par ailleurs, dans l’exposé des motifs joint à ce projet, le Parlement fait état des difficultés d’accorder l’attention nécessaire lorsque la Commission, conjointement avec les États membres, adopte par étapes successives une liste complexe de modifications.

    134

    Il ressort ainsi desdits travaux préparatoires que l’article 24 bis du règlement no 999/2001 a été envisagé comme une garantie visant à éviter que soient adoptées, en application de la procédure de comitologie, des mesures qui seraient de nature à diminuer le niveau de protection de la santé humaine et animale dans l’Union.

    135

    Il n’en résulte toutefois pas, contrairement à ce que soutient la partie requérante, que ledit article 24 bis exclut tout assouplissement des mesures préventives antérieures. En effet, d’une part, l’article 24 bis du règlement no 999/2001 n’érige pas en critère le fait que la comparaison devrait être effectuée par rapport au niveau de protection résultant des mesures préventives antérieures adoptées dans le même domaine, mais se réfère en général au niveau de protection de la santé «assuré dans [l’Union]». D’autre part, il ressort tant de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 178/2002 que de la jurisprudence citée au point 110 du présent arrêt que les mesures provisoires de gestion du risque, qui sont adoptées dans le contexte de l’incertitude scientifique, doivent être réexaminées dans un délai raisonnable afin de garantir qu’elles soient proportionnées et qu’elles n’imposent pas plus de restrictions au commerce qu’il n’est nécessaire pour obtenir le niveau élevé de protection de la santé choisi par l’Union.

    136

    Dès lors, le niveau de protection de la santé humaine est en étroite corrélation avec le niveau de risque jugé acceptable pour la société, lequel dépend, à son tour, des connaissances scientifiques disponibles à un moment donné. Or, il n’est pas exclu que, compte tenu de l’évolution des données scientifiques, le même niveau de protection puisse être assuré par des mesures moins restrictives.

    137

    Quant à la question de savoir si le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, aux points 65 et 250 de l’arrêt attaqué, que l’article 24 bis du règlement no 999/2001 ne faisait que transcrire l’obligation contenue dans l’article 168, paragraphe 1, premier alinéa, TFUE, il convient, pour procéder à cette appréciation, de mettre ces points en perspective avec l’ensemble des motifs de cet arrêt.

    138

    Il y a lieu d’observer à cet égard que le Tribunal mentionne, certes, aux points 74, 79, 81, 174 à 176 et 250 de l’arrêt attaqué, l’obligation des institutions de garantir un niveau élevé de protection de la santé publique, de la sécurité et de l’environnement, ce qui peut donner l’impression, ainsi que le soutient la République française, que le Tribunal se contente de vérifier si les mesures contestées respectent l’obligation contenue à l’article 168, paragraphe 1, premier alinéa, TFUE. Cependant, il ressort clairement des points 211 à 213, 221, 249 et 266 de l’arrêt attaqué que le Tribunal interprète l’article 24 bis du règlement no 999/2001 en prenant dûment en compte l’obligation de maintenir le niveau de protection de la santé humaine assuré dans l’Union.

    139

    Aux points 211 à 213 de l’arrêt attaqué le Tribunal a notamment formulé les observations suivantes:

    «211

    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que les autorités publiques compétentes ont l’obligation de maintenir un niveau élevé de protection de la santé humaine sans que celui-ci soit pour autant le plus élevé possible [...]. L’article 24 bis du règlement no 999/2001 rappelle cette obligation dans le contexte des pouvoirs conférés à la Commission pour modifier les annexes du règlement no 999/2001 en soumettant l’adoption de décisions prises dans le contexte dudit règlement à la condition du maintien, ou si cela est justifié du point de vue scientifique, de l’augmentation du niveau de protection de la santé humaine assuré dans la Communauté. Le principe de précaution est un des instruments permettant auxdites autorités de satisfaire à cette obligation [...]. En effet, ledit principe impose à l’autorité publique de gérer un risque dépassant le niveau de risque jugé acceptable pour la société de manière à le circonscrire audit niveau [...]. La gestion du risque par l’adoption de mesures appropriées visant à assurer un niveau élevé de protection de la santé publique, de la sécurité et de l’environnement correspond donc à l’ensemble des actions entreprises par une institution afin de faire face à un risque de manière à le circonscrire à un niveau acceptable.

    212

    En outre, il appartient à l’autorité compétente de réexaminer les mesures provisoires qu’elles ont adoptées en vertu du principe de précaution dans un délai raisonnable. En effet, il a été jugé que, lorsque des éléments nouveaux modifient la perception d’un risque ou montrent que ce risque peut être circonscrit par des mesures moins contraignantes que celles existant, les institutions, et notamment la Commission, doivent veiller à une adaptation de la réglementation aux données nouvelles [...]. Ainsi, l’assouplissement de mesures préventives adoptées antérieurement doit être justifié par des éléments nouveaux modifiant l’appréciation du risque en cause.

    213

    Ces éléments nouveaux, tels que de nouvelles connaissances ou de nouvelles découvertes scientifiques, lorsqu’ils justifient un assouplissement d’une mesure préventive, modifient le contenu concret de l’obligation pour les autorités publiques de maintenir de manière constante un niveau élevé de protection de la santé humaine. En effet, ces éléments nouveaux peuvent modifier la perception du risque ainsi que le niveau de risque jugés acceptables par la société. La légalité de l’adoption d’une mesure préventive moins contraignante ne s’apprécie pas en fonction du niveau de risque jugé acceptable pris en considération pour l’adoption des mesures préventives initiales. En effet, l’adoption de mesures préventives initiales afin de ramener le risque à un niveau jugé acceptable s’effectue en fonction d’une évaluation des risques et, notamment, de la détermination du niveau de risque jugé acceptable pour la société. Si des éléments nouveaux modifient cette évaluation des risques, la légalité de l’adoption de mesures préventives moins contraignantes doit s’apprécier en tenant compte de ces éléments nouveaux et non en fonction des éléments ayant déterminé l’évaluation des risques dans le cadre de l’adoption des mesures préventives initiales. Ce n’est que lorsque ce nouveau niveau de risque dépasse le niveau de risque jugé acceptable pour la société qu’une violation du principe de précaution doit être constatée par le juge.»

    140

    Il ressort de ces motifs que le Tribunal reconnaît, en substance, à l’article 24 bis du règlement no 999/2001 la même portée que celle résultant des points 134 à 136 du présent arrêt. Dans la mesure où la République française n’a pas contesté le bien-fondé de cette interprétation, mais s’est limitée à invoquer les points de l’arrêt attaqué mentionnant l’obligation de maintenir le niveau élevé de protection de la santé humaine, il convient de rejeter la première branche du quatrième moyen comme non fondée.

    141

    En ce qui concerne la deuxième branche du quatrième moyen tirée d’une erreur de droit, en ce que le Tribunal aurait présumé, au point 213 de l’arrêt attaqué, que les éléments scientifiques invoqués par la Commission pour justifier l’adoption du règlement litigieux pouvaient entraîner une évolution du niveau de risque jugé acceptable, force est de constater que, nonobstant la manière dont cette argumentation est formulée, la République française se borne, en réalité, à contester une appréciation factuelle dont le contrôle ne relève pas de la compétence de la Cour dans le cadre du pourvoi, en vertu de l’article 256, paragraphe 1, premier alinéa, TFUE et de la jurisprudence rappelée au point 70 du présent arrêt.

    142

    S’agissant de l’argument de la requérante, invoqué à titre subsidiaire, selon lequel le Tribunal a commis une erreur de droit en omettant de vérifier si, pour déterminer le niveau de risque jugé acceptable, la Commission avait pris en compte la gravité de la réalisation du risque de transmission à l’homme des EST et l’irréversibilité des EST comme maladies, il convient de rappeler que, s’agissant d’un domaine où le législateur de l’Union est appelé à effectuer des appréciations complexes, le contrôle juridictionnel de l’exercice de sa compétence doit se limiter à examiner s’il n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’un détournement de pouvoir ou si le législateur n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (arrêt du 9 septembre 2003, Monsanto Agricoltura Italia e.a., C-236/01, Rec. p. I-8105, point 135).

    143

    Or, étant donné ce large pouvoir d’appréciation de la Commission en vue de la détermination du niveau de risque jugé inacceptable pour la société, c’est à juste titre que le Tribunal a limité son contrôle aux erreurs manifestes d’appréciation.

    144

    D’ailleurs, il ressort des mémoires déposés devant le Tribunal que la République française a explicitement annoncé dans ses conclusions supplémentaires qu’elle ne contestait pas le fait qu’il appartient aux institutions de l’Union de déterminer le niveau de risque jugé inacceptable pour la société.

    145

    Or, il suffit de constater que l’argumentation présentée par la République française ne comporte aucun élément susceptible de révéler qu’une erreur manifeste a été commise par la Commission et qui n’aurait pas été détectée par le Tribunal.

    146

    Dans ces conditions, le grief tiré d’une prétendue violation de droit dans le cadre de l’appréciation de l’évolution du niveau de risque jugé acceptable doit être écarté comme en partie irrecevable et en partie non fondé.

    147

    Quant à la troisième branche du quatrième moyen de la République française, tirée d’une prétendue incohérence du règlement litigieux, il convient de constater que ce grief présente un caractère nouveau, dans la mesure où celui-ci n’a pas été soulevé par la requérante devant le Tribunal.

    148

    En effet, devant cette juridiction, la requérante n’a pas soutenu que le fait que les mesures contestées ne se substituaient pas aux mesures préventives antérieures mais qu’elles les complétaient par des mesures alternatives aurait une incidence sur l’appréciation de la légalité du règlement litigieux.

    149

    Or, dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est, en principe, limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les juges du fond (voir, notamment, arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C-266/05 P, Rec. p. I-1233, point 95 et jurisprudence citée). Une partie ne peut donc pas, en principe, soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas invoqué devant le Tribunal, dans la mesure où cela reviendrait à permettre à la Cour de contrôler la légalité de la solution retenue par le Tribunal eu égard à des moyens dont ce dernier n’a pas eu à connaître (arrêt du 15 septembre 2011, Allemagne/Commission, C‑544/09 P, point 63).

    150

    En conséquence, il convient d’écarter la troisième branche du quatrième moyen comme irrecevable.

    151

    Eu égard à ce qui précède, le quatrième moyen doit être rejeté comme en partie irrecevable et en partie non fondé.

    152

    Aucun des moyens présentés par la requérante au soutien de son pourvoi ne pouvant être accueilli, celui-ci doit être rejeté dans son ensemble.

    Sur les dépens

    153

    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République française et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

     

    Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête:

     

    1)

    Le pourvoi est rejeté.

     

    2)

    La République française est condamnée aux dépens.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure: le français.

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