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Document 62011CC0463

    Conclusions de l'avocat général Wathelet présentées le 19 décembre 2012.
    L contre M.
    Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg - Allemagne.
    Directive 2001/42/CE - Évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement - Article 3, paragraphes 4 et 5 - Détermination du type de plans susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement - Plans de construction ‘de développement interne’ dispensés d’évaluation environnementale en vertu de la législation nationale - Appréciation erronée de la condition qualitative du ‘développement interne’ - Absence d’incidence sur la validité du plan de construction - Atteinte à l’effet utile de la directive.
    Affaire C-463/11.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2012:830

    CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    M. MELCHIOR WATHELET

    présentées le 19 décembre 2012 ( 1 )

    Affaire C‑463/11

    L

    contre

    M

    [demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg (Allemagne)]

    «Directive 2001/42/CE — Évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement — Détermination des types de plans susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement — Article 3, paragraphe 5, de la directive 2001/42 — Plan de construction ‘de développement interne’ élaboré dans le cadre d’une procédure nationale sans évaluation environnementale au titre de la directive 2001/42 — Maintien en vigueur d’un plan de construction qui, à la suite d’une erreur d’appréciation, a été qualifié de ‘de développement interne’ — Effet utile de l’article 3 de la directive 2001/42»

    1. 

    La «commune M» a adopté un plan de construction qu’elle estimait conforme aux conditions prévues par le droit allemand pour l’application d’une procédure dite «accélérée», qui conformément au droit de l’Union, dispense l’auteur du plan de réaliser une évaluation environnementale. Dans la mesure où le Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg (Allemagne), saisi par L, pourrait constater que cette procédure a été utilisée illégalement, la directive 2001/42/CE ( 2 ) (ci-après la «directive ESIE», ESIE pour évaluation stratégique des incidences sur l’environnement) ne serait-elle pas privée d’effet utile par une autre disposition de droit allemand qui stipule que «la violation de dispositions de forme et de procédure prévues par le [code de l’urbanisme ( 3 )] n’a pas d’incidence sur la validité du plan [de construction]»?

    2. 

    La Cour est ainsi interrogée par la voie du renvoi préjudiciel sur l’interprétation de l’article 3, paragraphes 4 et 5, de la directive ESIE. Dans le litige devant la juridiction de renvoi, le demandeur au principal, L, sollicite, dans le cadre d’une procédure de contrôle abstrait des normes, l’annulation d’un «plan de construction de développement interne» ( 4 ) de la défenderesse au principal, à savoir commune M.

    I – Le cadre juridique

    A – Le droit de l’Union

    3.

    L’article 3 de la directive ESIE, qui définit le champ d’application de celle-ci, dispose:

    «1.   Une évaluation environnementale est effectuée, conformément aux articles 4 à 9, pour les plans et programmes visés aux paragraphes 2, 3 et 4 susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

    2.   Sous réserve du paragraphe 3, une évaluation environnementale est effectuée pour tous les plans et programmes:

    a)

    qui sont élaborés pour les secteurs de l’agriculture, [...] de l’aménagement du territoire urbain et rural ou de l’affectation des sols et qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 85/337/CEE [du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40),] pourra être autorisée à l’avenir; ou

    b)

    pour lesquels, étant donné les incidences qu’ils sont susceptibles d’avoir sur des sites, une évaluation est requise en vertu des articles 6 et 7 de la directive 92/43/CEE.

    3.   Les plans et programmes, visés au paragraphe 2 qui déterminent l’utilisation de petites zones au niveau local et des modifications mineures des plans et programmes visés au paragraphe 2, ne sont obligatoirement soumis à une évaluation environnementale que lorsque les États membres établissent qu’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

    4.   Pour les plans et programmes, autres que ceux visés au paragraphe 2, qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets pourra être autorisée à l’avenir, les États membres déterminent s’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

    5.   Les États membres déterminent si les plans ou programmes visés aux paragraphes 3 et 4 sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, soit en procédant à un examen au cas par cas, soit en déterminant des types de plans et programmes ou en combinant ces deux approches. À cette fin, les États membres tiennent compte, en tout état de cause, des critères pertinents fixés à l’annexe II, afin de faire en sorte que les plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient couverts par la présente directive.

    [...]»

    4.

    L’annexe II de la directive ESIE énumère les critères permettant de déterminer l’ampleur probable des incidences visées à l’article 3, paragraphe 5, de cette directive.

    B – Le droit allemand

    5.

    L’article 1er, paragraphe 6, du BauGB prévoit qu’il convient, lors de l’élaboration des plans directeurs d’urbanisme, de tenir compte notamment:

    «[...]

    7.   des intérêts de la protection de l’environnement, y compris de la protection de la nature et de la conservation des paysages, en particulier

    [...]

    b) des objectifs de conservation et de l’objectif de protection des zones Natura 2000 au sens de la loi fédérale sur la protection de la nature (Bundesnaturschutzgesetz),

    [...]

    d) des incidences d’origine environnementale sur le patrimoine culturel et autres biens matériels,

    [...]»

    6.

    L’article 1er, paragraphe 7, du BauGB prévoit que, «[l]ors de l’élaboration des plans directeurs d’urbanisme, les intérêts publics et privés doivent être équitablement mis en balance, aussi bien les uns par rapport aux autres qu’entre eux-mêmes».

    7.

    Les plans directeurs d’urbanisme sont élaborés, complétés ou modifiés selon une «procédure standard» (articles 2 et suivants du BauGB), à moins qu’il soit possible de recourir à la «procédure simplifiée» (article 13 du BauGB) ou, dans le cas des plans de construction de développement interne, à une «procédure accélérée» (article 13 bis du BauGB).

    8.

    La directive ESIE a été transposée en droit allemand par la loi portant sur l’adaptation au droit européen de la législation sur l’urbanisme ( 5 ). Par cette loi, l’évaluation environnementale a été intégrée dans la procédure standard d’élaboration des plans directeurs d’urbanisme.

    9.

    En ce qui concerne cette procédure standard, l’article 2 du BauGB, intitulé «Élaboration des plans directeurs d’urbanisme», dispose:

    «[...]

    (3) Lors de l’élaboration des plans directeurs d’urbanisme, il convient de rechercher et d’évaluer les intérêts qui présentent une importance aux fins de la mise en balance [notamment des intérêts publics et privés ( 6 )].

    (4) Une évaluation environnementale est réalisée pour les intérêts de l’environnement visés à l’article 1er, paragraphe 6, point 7, et à l’article 1er bis; celle-ci consiste à rechercher les incidences environnementales notables probables, puis à les décrire et à les évaluer dans un rapport sur l’environnement [...]. La commune établit, pour chaque plan directeur d’urbanisme, l’étendue et le degré de précision que doit revêtir la recherche des intérêts nécessaires aux fins de la mise en balance. L’évaluation environnementale est fonction de ce qu’il est raisonnablement possible d’exiger compte tenu de l’état des connaissances et des méthodes d’évaluation généralement reconnues, ainsi que du contenu et du degré de précision du plan directeur d’urbanisme. Le résultat de l’évaluation environnementale doit être pris en compte dans la mise en balance. [...]»

    10.

    En ce qui concerne la procédure simplifiée, l’article 13, paragraphe 3, première phrase, du BauGB dispose que «[celle-ci] est réalisée sans évaluation environnementale en application de l’article 2, paragraphe 4, sans rapport sur l’environnement en application de l’article 2 bis, sans indication des types d’informations disponibles en matière d’environnement en application de l’article 3, paragraphe 2, deuxième phrase, et sans déclaration récapitulative en application de l’article 6, paragraphe 5, troisième phrase, et de l’article 10, paragraphe 4. L’article 4 quater n’est pas applicable».

    11.

    L’article 13 bis du BauGB, intitulé «Plans de construction de développement interne», dispose:

    «(1)   Un plan de construction visant à la remise en état de surfaces, à la densification ou à d’autres mesures de développement interne (‘Bebauungsplan der Innenentwicklung’ – plan de construction de développement interne) peut être élaboré selon une procédure accélérée. Le plan de construction ne peut être élaboré selon une procédure accélérée que si celui-ci fixe une surface au sol constructible autorisée au sens de l’article 19, paragraphe 2, du règlement d’urbanisme [(Baunutzungsverordnung)], ou une superficie de surface au sol constructible comprenant au total

    1.

    moins de 20000 m2 [...], ou

    2.

    de 20000 m2 à moins de 70000 m2 lorsqu’une évaluation approximative tenant compte des critères énoncés à l’annexe 2 du présent code permet de considérer que le plan de construction n’est pas susceptible d’avoir des incidences environnementales notables dont la prise en compte dans la mise en balance serait requise en application de l’article 2, paragraphe 4, quatrième phrase (examen préalable au cas par cas) [...]

    [...]

    (2)   Dans le cadre de la procédure accélérée

    1.

    Les dispositions relatives à la procédure simplifiée prévues à l’article 13, paragraphes 2 et 3, première phrase, sont applicables par analogie;

    [...]»

    12.

    En résumé, l’article 13 bis du BauGB prévoit donc, premièrement, une condition quantitative (à savoir un seuil maximal de superficie) et, deuxièmement, une condition qualitative (à savoir que le plan soit «de développement interne») ( 7 ).

    13.

    L’article 214 du BauGB, qui fait partie de la section intitulée «Maintien en vigueur des plans», dispose:

    «(1)   La violation de dispositions de forme et de procédure prévues par le présent code n’a une incidence sur la validité du plan d’utilisation des surfaces et sur les règlements municipaux pris en application de ce même code que lorsque:

    1.

    En violation de l’article 2, paragraphe 3, des aspects essentiels des intérêts affectés par la planification, que la commune connaissait ou aurait dû connaître, n’ont pas été recherchés ou évalués correctement, que ce vice est évident et qu’il a eu une incidence sur l’issue de la procédure;

    [...]

    (2 bis)   Pour les plans de construction qui ont été établis selon une procédure accélérée en application de l’article 13 bis, les dispositions suivantes s’ajoutent à celles des paragraphes 1 et 2 ci-dessus:

    1.

    La violation de dispositions de forme et de procédure et de dispositions relatives au rapport qu’entretient le plan de construction avec le plan d’utilisation des surfaces est sans incidence sur la validité du plan de construction, y compris dans le cas où elle a son origine dans le fait que la condition visée à l’article 13 bis, paragraphe 1, première phrase, a été appréciée de manière erronée. [(souligné par mes soins)]

    [...]»

    II – Le litige au principal et la question préjudicielle

    14.

    L est propriétaire de terrains et d’un domaine agricole situés dans une zone concernée par le plan de construction attaqué au principal.

    15.

    Le 14 septembre 2005, le conseil municipal de M a décidé d’élaborer un plan de construction selon la procédure standard pour une zone plus étendue que la zone concernée par le plan qui fera l’objet du litige, mais incluant celle-ci, afin d’opérer une planification à partir de l’urbanisation existante et de la compléter par de nouvelles zones résidentielles en périphérie.

    16.

    Cette décision a été publiée le 16 septembre 2005. Dans le cadre de la participation du public qui a suivi, L et d’autres personnes ont soulevé des objections, notamment pour des raisons de protection de l’environnement. Le Landratsamt a exigé la réalisation d’une évaluation des incidences sur les habitats naturels pour les surfaces situées au Sud d’un certain chemin «S».

    17.

    Le 25 avril 2007, le conseil municipal de M a décidé de mener une procédure distincte pour les surfaces situées au Sud du chemin «S».

    18.

    Le 23 avril 2008, ledit conseil municipal a arrêté un projet portant sur une zone plus petite et a décidé d’élaborer le plan de construction y afférent selon la procédure accélérée prévue à l’article 13 bis du BauGB.

    19.

    Il ressort de la motivation de la décision de M que le plan n’est pas susceptible de produire des effets négatifs durables sur l’environnement et qu’il prévoit au total une surface au sol constructible de 11800 m2 environ, ce qui est en dessous du seuil fixé à l’article 13 bis, paragraphe 1, deuxième phrase, point 1, du BauGB.

    20.

    Le 26 avril 2008, la commune M a mis le plan de construction à la disposition du public pendant un mois, avec la possibilité de présenter des observations. Au cours de la mise à disposition du public, L et d’autres personnes ont réitéré leurs objections et ont exigé un rapport sur l’environnement.

    21.

    Le Landratsamt a relevé que, bien que la planification en cause puisse être qualifiée de «de développement interne», au sens de l’article 13 bis du BauGB, l’inclusion de surfaces non bâties situées à la périphérie de l’agglomération n’était pas impérativement nécessaire. Il a ajouté qu’il émettait des réserves sur la conclusion selon laquelle le plan n’était pas susceptible d’avoir des effets négatifs durables sur l’environnement.

    22.

    Le 23 juillet 2008, le conseil municipal de M a arrêté le plan de construction sous forme de règlement municipal. La décision a été publiée le 2 août 2008.

    23.

    Le 31 juillet 2009, L a introduit une demande de contrôle abstrait des normes («Normenkontrollantrag») auprès de la juridiction de renvoi. Il a fait valoir que le plan de construction litigieux était entaché d’irrégularités formelles et matérielles. Il a soutenu notamment que la commune n’avait pas tenu compte du fait qu’elle urbanisait des zones extérieures à l’agglomération. Par voie de conséquence, les intérêts de l’environnement auraient été recherchés et évalués de manière erronée.

    24.

    La commune M contesta les allégations de L et fit valoir que le recours à la procédure accélérée instaurée par l’article 13 bis du BauGB était licite.

    25.

    La juridiction de renvoi considère que le plan de construction litigieux n’est pas un plan de construction «de développement interne» au sens de l’article 13 bis du BauGB et qu’il ne pouvait donc être adopté au moyen d’une procédure accélérée sans évaluation environnementale, en raison du fait qu’une partie de la surface incluse dans le plan dépassait la zone déjà bâtie, en incluant une pente raide située à l’extérieur de la localité.

    26.

    Elle estime donc que ce plan a fait l’objet d’une appréciation erronée de la condition dite «qualitative» de l’article 13 bis, paragraphe 1, première phrase, du BauGB (à savoir qu’il doit s’agir d’un plan de développement interne) appréciation qui serait toutefois, en vertu de l’article 214, paragraphe 2 bis, point 1, du BauGB, sans incidence sur la validité dudit plan.

    27.

    Dans ce contexte, le Verwaltungsgericht Baden-Württemberg se demande si les limites de la marge d’appréciation que l’article 3, paragraphe 5, de la directive ESIE confère aux États membres ne sont pas franchies dans la mesure où un État membre instaure des dispositions nationales ayant pour effet de maintenir en vigueur des plans adoptés selon une procédure accélérée sans en respecter toutes les conditions, décide de surseoir à statuer et pose à la Cour la question préjudicielle suivante:

    «Un État membre excède-t-il les limites de sa marge d’appréciation en application de l’article 3, paragraphes 4 et 5, de la directive [ESIE] lorsque, dans le cadre de la législation sur les plans de construction des communes, lesquels déterminent l’utilisation de petites zones au niveau local et définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets pourra être autorisée à l’avenir mais ne relèvent pas de l’article 3, paragraphe 2, de la directive [ESIE], il détermine, en tenant compte des critères pertinents de l’annexe II de la directive [ESIE], un type particulier de plan de construction caractérisé à la fois par un seuil supérieur de superficie et par une condition qualitative, en prévoyant, d’une part, que l’élaboration d’un tel plan n’est pas soumise aux dispositions de procédure relatives à l’évaluation environnementale normalement applicables aux plans de construction et, d’autre part, qu’une violation de ces dispositions de procédure qui a son origine dans le fait que la commune a apprécié de manière erronée la condition qualitative est sans incidence sur la validité de ce plan de construction d’un type particulier?»

    III – L’analyse

    A – Sur la pertinence de la question préjudicielle pour la solution du litige au principal

    28.

    Sans soulever expressément une exception d’irrecevabilité, le gouvernement allemand soutient qu’«il est peu probable» que la question préjudicielle soit pertinente pour résoudre le litige au principal. La commune M considère, dans le même esprit, que la pertinence de la question préjudicielle pour l’issue du litige pose problème.

    29.

    Je suis d’avis que la question est, de toute évidence, pertinente.

    30.

    En effet, il convient à cet égard de rappeler ( 8 ) que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure instituée par l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Toutefois, la Cour a également jugé que, dans des circonstances exceptionnelles, il lui appartient d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national en vue de vérifier sa propre compétence. Le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées.

    31.

    Or, il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation demandée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal.

    32.

    Au contraire, il ressort clairement de la décision de renvoi que la réponse à la question soumise à la Cour est déterminante pour l’arrêt du juge a quo. En effet, si le législateur allemand a excédé les limites de la marge d’appréciation conférée par la directive ESIE, par les effets conjugués, d’une part, de la décision de renoncer à une évaluation environnementale dans le cadre de plans de construction ( 9 ) et, d’autre part, de l’article 214, paragraphe 2 bis, point 1, du BauGB, qui maintient en vigueur des plans de construction pour lesquels la procédure accélérée et la dispense de l’évaluation environnementale ont été appliquées à tort, la juridiction de renvoi devrait pouvoir statuer sur la demande de contrôle des normes en laissant inappliquée l’une ou l’autre des dispositions nationales en cause. Dans ce cas-là, interviendrait l’obligation prévue par le droit national de soumettre les plans de construction à une évaluation environnementale dans le cadre de la procédure standard.

    B – Sur le fond

    33.

    En substance, L et la Commission européenne considèrent que, – en combinant la procédure accélérée (article 13 bis du BauGB) avec le maintien en vigueur d’un plan qui, à la suite d’une appréciation erronée, s’avère ne pas être un plan de développement interne (article 214, paragraphe 2 bis, point 1, du BauGB), – l’État membre concerné a excédé les limites de la marge d’appréciation que lui accorde l’article 3, paragraphe 5, de la directive ESIE. En revanche, la commune M et le gouvernement allemand estiment que lesdites dispositions nationales sont compatibles avec les exigences de l’article 3 de ladite directive. Si le gouvernement hellénique semble prêt à accepter la position du gouvernement allemand, il y voit tout de même un risque que l’objectif de cette directive ne soit pas atteint.

    34.

    Après l’analyse des articles 13 bis, paragraphe 1, deuxième phrase, point 1 (titre 1), et 214, paragraphe 2 bis, point 1, du BauGB, ainsi que du cumul d’application de ces deux dispositions (titre 2), j’aborderai les règles et les principes du droit de l’Union auxquels il pourrait être porté atteinte dans la présente affaire, à savoir l’effet utile de la directive ESIE et les principes d’effectivité, de coopération loyale et de protection juridictionnelle effective (titre 3). Dans le contexte de mes remarques finales, je réfuterai les arguments de la commune M ainsi que ceux du gouvernement allemand (titre 4).

    1. L’article 13 bis, paragraphe 1, deuxième phrase, point 1, du BauGB (sur l’utilisation d’une procédure accélérée pour élaborer des plans de construction de développement interne)

    35.

    La question préjudicielle, à défaut d’être concise (la phrase ne comptant pas moins de 17 lignes), est, en réalité, très précise, à savoir un État membre excède-t-il les limites de la marge d’appréciation qui lui est conférée par la directive ESIE ( 10 ), lorsque, dans le cadre de la législation sur les plans de construction élaborés par les communes ( 11 ), il détermine, en tenant compte des critères pertinents de l’annexe II de cette directive, un type particulier de plan de construction ( 12 ), en prévoyant, premièrement, que l’élaboration d’un tel plan n’est pas soumise aux dispositions de procédure relatives à l’évaluation environnementale normalement applicables aux plans de construction et, deuxièmement, qu’une violation de ces dispositions de procédure ( 13 ) est sans incidence sur la validité de ce plan de construction d’un type particulier?

    36.

    Il y a lieu tout d’abord de relever que l’objectif essentiel de la directive ESIE, ainsi qu’il ressort de l’article 1er de celle-ci, consiste à soumettre à une évaluation environnementale les plans et les programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, et ce lors de leur élaboration et avant leur adoption ( 14 ).

    37.

    Dans la présente affaire, la juridiction de renvoi expose que, en ce qui concerne les plans de construction, le législateur allemand a, en application de l’article 3, paragraphe 5, de la directive ESIE, établi que l’élaboration ou la modification desdits plans, y compris aux fins de les compléter, étaient en principe soumises à une obligation d’évaluation environnementale, dans le cadre d’une procédure standard ( 15 ).

    38.

    En revanche, il dispense de cette obligation, entre autres, les plans de construction qui satisfont à la condition qualitative du développement interne ( 16 ) et qui restent en deçà du seuil de superficie fixé à l’article 13 bis, paragraphe 1, deuxième phrase, point 1, du BauGB, sauf s’il existe un motif d’exclusion en application de l’article 13 bis, paragraphe 1, quatrième et cinquième phrases, du BauGB.

    39.

    La décision de renvoi considère que, ce faisant, le législateur allemand a fait usage de l’habilitation de l’article 3, paragraphe 5, première phrase, deuxième possibilité, de la directive ESIE et a établi cette exception en déterminant un «type» particulier de plan, tout en tenant compte – ainsi que l’impose l’article 3, paragraphe 5, seconde phrase, de la directive ESIE – des critères pertinents fixés à l’annexe II de cette même directive. J’ajoute que le gouvernement allemand a également confirmé dans ses observations écrites que ladite disposition de l’article 13 bis du BauGB a été adoptée en vue de transposer la directive ESIE, notamment, son article 3, paragraphe 5, première phrase, deuxième variante.

    40.

    La juridiction de renvoi estime que le choix ainsi fait par le législateur allemand de considérer que ce type de plans n’était pas, en principe, susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement, se situe dans les limites de la marge d’appréciation que l’article 3, paragraphe 5, de la directive ESIE confère aux États membres.

    41.

    À cet égard, je relève qu’il résulte de l’arrêt Valčiukienė e.a. ( 17 ) – prononcé juste après le renvoi dans la présente affaire – que la marge d’appréciation dont les États membres disposent en vertu de l’article 3, paragraphe 5, de la directive ESIE pour déterminer les types de plans qui sont susceptibles ou non d’avoir des incidences notables sur l’environnement «trouve ses limites dans l’obligation énoncée à l’article 3, paragraphe 3, de cette directive, lu en combinaison avec le paragraphe 2 du même article, de soumettre à une évaluation environnementale les plans susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leurs caractéristiques, de leurs incidences et des zones susceptibles d’être touchées» (point 46).

    42.

    En conséquence, toujours selon cet arrêt (point 47), un État membre qui fixerait un critère ayant pour conséquence que, en pratique, la totalité d’une catégorie de plans serait d’avance soustraite à une évaluation environnementale outrepasserait la marge d’appréciation dont il dispose en vertu de l’article 3, paragraphe 5, de la directive ESIE, sauf si la totalité des plans exclus pouvait être considérée, sur la base de critères pertinents tels que, notamment, leur objet, l’étendue du territoire qu’ils couvrent ou la sensibilité des espaces naturels qui sont concernés, comme n’étant pas susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

    43.

    À la lumière de ladite jurisprudence, je ne suis pas persuadé que, dans le cadre de l’article 13 bis, paragraphe 1, deuxième phrase, point 1, du BauGB, le législateur allemand ait véritablement agi dans les limites de la marge d’appréciation que l’article 3, paragraphe 5, de la directive ESIE confère aux États membres dans le cas des plans et des programmes qui relèvent du champ d’application de l’article 3, paragraphes 3 et 4, de ladite directive.

    44.

    En effet, j’observe, à l’instar de la Commission, que dans la présente affaire se pose la question de savoir si le législateur allemand a licitement pris en considération tous les critères pertinents au titre de l’annexe II de la directive ESIE – notamment, celui qui a été cité expressément par la Cour dans l’arrêt Valčiukienė e.a., précité, à savoir la sensibilité des espaces naturels concernés (mentionée au point 2, sixième tiret, de l’annexe II de la directive ESIE ( 18 )). L’exposé des motifs auquel fait référence le gouvernement allemand n’aborde d’ailleurs absolument pas ce critère sur le fond.

    45.

    Quoi qu’il en soit, aux fins des présentes conclusions et pour donner à la juridiction a quo une réponse utile à la question préjudicielle posée, il convient, premièrement, de prendre acte de la constatation de cette juridiction relative à la conformité de l’article 13 bis, paragraphe 1, deuxième phrase, point 1, du BauGB avec la directive ESIE – ce que ladite juridiction devra de toute façon examiner d’une manière approfondie dans la procédure au principal – et, deuxièmement, de se concentrer sur le fait que de toute évidence le problème posé par le juge de renvoi est celui du cumul d’application des deux dispositions en question, à savoir des articles 13 bis, paragraphe 1, deuxième phrase, point 1, et 214, paragraphe 2 bis, point 1, du BauGB.

    2. L’article 214, paragraphe 2 bis, point 1, du BauGB (sur le maintien en vigueur des plans)

    46.

    Selon le juge de renvoi, la première condition qualitative de l’article 13 bis, paragraphe 1, première phrase, du BauGB ne serait pas respectée, dans les circonstances de l’affaire au principal, dans la mesure où le plan en cause comprendrait des mesures de développement externe et non seulement interne. C’est cette appréciation du juge de renvoi qui donne pertinence à la question préjudicielle.

    47.

    D’ailleurs, s’il s’agissait d’un véritable plan de développement interne, la procédure accélérée aurait été utilisée à bon escient et il n’y aurait, en principe, aucun problème.

    48.

    Si nous acceptons par ailleurs la constatation du juge de renvoi que l’article 13 bis, paragraphe 1, du BauGB est, lui, conforme à la directive ESIE, le problème se situe alors au niveau de l’effet utile de cette directive en cas d’application de l’article 214, paragraphe 2 bis, point 1, du BauGB et d’appréciation erronée de la condition visée à l’article 13 bis, paragraphe 1, deuxième phrase, point 1, du BauGB.

    49.

    Il ressort en effet du dossier soumis à la Cour que l’article 214, paragraphe 2 bis, point 1, du BauGB sur le maintien en vigueur des plans a pour effet que les plans, pour l’élaboration desquels une évaluation environnementale aurait dû être effectuée, restent valides, bien qu’ils aient été élaborés sans évaluation environnementale.

    50.

    Force est de constater que le système allemand enlève alors tout effet utile à l’article 3, paragraphe 1, de la directive ESIE, qui impose que ces plans soient soumis à une évaluation environnementale.

    51.

    En effet, pour que les dispositions de la directive ESIE aient un effet utile, les États membres doivent garantir, entre autres, qu’une étude d’impact conforme à l’environnement ait lieu pour tous les plans et programmes pour lesquels on ne peut pas exclure qu’ils n’aient un effet sur l’environnement. Je suis d’avis qu’un tel risque existe dans l’affaire au principal et, ainsi que je l’explique dans les présentes conclusions, que le droit allemand n’apporte pas cette garantie.

    52.

    En effet, un plan qui ne remplit pas les conditions de l’article 13 bis du BauGB n’est pas un plan qui, aux fins de la directive ESIE, n’est pas susceptible d’avoir des effets sur l’environnement. Pour un tel plan, selon ladite directive, il doit donc y avoir une étude d’impact sur l’environnement. Or, selon le droit allemand, et justement en raison de l’impossibilité de sanction juridique de pareille irrégularité prévue à l’article 214, paragraphe 2 bis, point 1, du BauGB, ce ne sera pas le cas.

    53.

    De ce fait, l’application par une commune de l’article 13 bis du BauGB n’est pas susceptible d’être contrôlée par le juge.

    54.

    Dans la procédure au principal, le juge n’a en effet aucune possibilité de suspendre l’affaire (par exemple pour faire procéder à une évaluation environnementale) ou de faire en sorte d’une autre façon que la violation de l’obligation de réaliser une étude d’impact sur l’environnement soit corrigée. D’où la question préjudicielle du juge de renvoi.

    55.

    En l’absence d’une telle possibilité de contrôle juridique, rien ne garantit que la commune, dans le cadre de son appréciation, respecte en toute hypothèse des critères de l’annexe II de la directive ESIE que le législateur allemand a précisément eu l’intention de prendre en compte en introduisant la notion de développement interne.

    56.

    Force est dès lors de relever que l’application de l’article 214, paragraphe 2 bis, point 1, du BauGB met en échec l’application de l’article 3, paragraphe 5, première phrase, de la directive ESIE en rendant impossible toute sanction du dépassement par les autorités nationales de la marge d’appréciation que cette directive leur confère.

    3. Sur la violation des principes d’effectivité, de coopération loyale et de la protection juridictionnelle effective

    57.

    La jurisprudence de la Cour, et en particulier le récent arrêt Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne ( 19 ), intervenu après la date de la décision de renvoi, conforte la conclusion à laquelle je suis parvenu aux points 50 et 56 des présentes conclusions.

    58.

    En effet, il résulte désormais de la jurisprudence de la Cour (point 44 dudit arrêt), «que, dès lors qu’un ‘plan’ ou ‘programme’ aurait dû préalablement à son adoption être soumis à une évaluation de ses incidences sur l’environnement conformément aux exigences de la directive [ESIE], les autorités compétentes sont obligées de prendre toutes les mesures générales ou particulières afin de remédier à l’omission d’une telle évaluation (voir, par analogie, arrêt Wells [ ( 20 )], point 68)» (souligné par mes soins).

    59.

    L’arrêt Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne, précité, ajoute, à son point 45, qu’une «telle obligation incombe également aux juridictions nationales saisies de recours à l’encontre d’un tel acte national et, à cet égard, il convient de rappeler que les modalités procédurales applicables à de tels recours pouvant être introduits à l’encontre de tels ‘plans’ ou ‘programmes’ relèvent de l’ordre juridique interne de chaque État membre en vertu du principe de l’autonomie procédurale des États membres, à condition toutefois qu’elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (voir arrêt Wells, précité, point 67 et jurisprudence citée)» (souligné par mes soins).

    60.

    Par conséquent, selon le point 46 de l’arrêt Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne, précité, «les juridictions saisies à cet égard doivent adopter, sur le fondement de leur droit national, des mesures tendant à la suspension ou à l’annulation du ‘plan’ ou ‘programme’ adopté en méconnaissance de l’obligation de procéder à une évaluation environnementale (voir, par analogie, arrêt Wells, précité, point 65)» (souligné par mes soins).

    61.

    Enfin, au point 47 de l’arrêt Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne, précité, la Cour juge que «[e]n effet, l’objectif fondamental de la directive [ESIE] serait méconnu si, saisies à cet égard, les juridictions nationales n’adoptaient pas, dans le cadre de tels recours et dans les limites de l’autonomie procédurale, les mesures, prévues par leur droit national, propres à empêcher qu’un tel plan ou programme, y compris les projets devant être déployés dans le cadre de ce programme, puisse être mis en œuvre en l’absence d’une évaluation environnementale» (souligné par mes soins).

    62.

    Il est donc clair que, lorsque la directive ESIE impose l’évaluation des incidences d’un projet sur l’environnement et que cette évaluation n’a pas été réalisée – comme c’est le cas dans l’affaire au principal – il doit être juridiquement possible d’empêcher la mise en œuvre du plan concerné.

    63.

    De plus, dans l’arrêt Wells, précité, notamment à son point 66, la Cour a constaté que l’État membre était tenu de réparer tout préjudice causé par l’omission irrégulière d’une évaluation des incidences sur l’environnement ( 21 ).

    64.

    J’ajouterai également, ainsi que l’a souligné la Cour dans l’arrêt Alassini e.a. ( 22 ), que «[l]es exigences d’équivalence et d’effectivité expriment l’obligation générale pour les États membres d’assurer la protection juridictionnelle des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union».

    65.

    Dès lors que l’effet utile de la directive ESIE est mis en échec par des dispositions nationales, telles celles au principal, relatives au maintien en vigueur des plans entachés d’irrégularités, le principe d’effectivité est violé ainsi que cela ressort clairement de la jurisprudence de la Cour, citée aux points 57 à 64 des présentes conclusions.

    66.

    En effet, comme nous l’avons vu ci-dessus, il ressort du dossier soumis à la Cour que l’article 214, paragraphe 2 bis, point 1, du BauGB rend impossible, en pratique, l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union.

    67.

    Sans oublier que, selon l’article 4, paragraphe 3, TUE, les États membres doivent faciliter l’accomplissement par l’Union européenne de sa mission et s’abstenir de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l’Union, il ressort aussi d’une jurisprudence constante que tout juge national, saisi dans le cadre de sa compétence, a, en tant qu’organe d’un État membre, l’obligation, par application du principe de coopération loyale énoncé par cet article, d’appliquer intégralement le droit de l’Union directement applicable et de protéger les droits que celui-ci confère aux particuliers, en laissant inappliquée toute disposition éventuellement contraire de la loi nationale, que celle-ci soit antérieure ou postérieure à la règle du droit de l’Union ( 23 ).

    68.

    Dans la présente affaire, il doit être également tenu compte du fait que la Cour a jugé que serait incompatible avec les exigences inhérentes à la nature même du droit de l’Union, toute disposition d’un ordre juridique national ou toute pratique législative, administrative ou judiciaire, qui aurait pour effet de diminuer l’efficacité du droit de l’Union par le fait de refuser au juge compétent pour appliquer ce droit, le pouvoir de faire, au moment même de cette application, tout ce qui est nécessaire pour écarter les dispositions législatives nationales formant éventuellement obstacle, même temporaire, à la pleine efficacité des normes de l’Union ( 24 ).

    69.

    Dans le cadre de recours dénonçant l’irrégularité ou l’omission d’évaluations environnementales, les juridictions nationales doivent donc pouvoir adopter, dans les limites de l’autonomie procédurale, les mesures propres à empêcher qu’un projet puisse être mis en œuvre en l’absence d’une évaluation environnementale requise par la directive ESIE ( 25 ). De même, il convient, dans le cadre d’un processus d’autorisation qui ne prévoit pas, en principe, d’évaluation environnementale, d’effectuer a posteriori toute évaluation qui aurait été omise lors de procédures antérieures concourant à l’autorisation du projet global ( 26 ).

    70.

    Un dernier élément, mais non le moindre, à savoir le principe de la protection juridictionnelle effective, constitue un principe général du droit de l’Union ( 27 ), qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a trouvé sa consécration dans les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 ( 28 ). Ce principe général du droit de l’Union est aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 29 ).

    71.

    Manifestement, des dispositions nationales telles que celles au principal ne respectent pas ce principe général.

    4. Remarques finales

    72.

    En guise de remarques finales, je me tournerai, à présent, vers les arguments de la commune M et du gouvernement allemand.

    73.

    Tout d’abord, les observations de la commune M ne me paraissent, en substance, que tendre à minimiser les cas possibles d’application de l’article 214 du BauGB en cas d’appréciation erronée des conditions prévues à l’article 13 bis, paragraphe 1, du BauGB.

    74.

    La commune M tente, essentiellement, de démontrer que l’article 214 du BauGB ne s’applique que si l’erreur dans l’appréciation de la notion de développement interne à l’article 13 bis, paragraphe 1, du BauGB est objectivement inconcevable ou qu’elle a été faite en pleine connaissance de cause ou encore qu’il n’y a même eu aucune appréciation des conditions d’application de la procédure accélérée.

    75.

    Selon ladite commune, tel ne serait pas le cas dans la présente affaire, parce qu’il n’y a pas eu volonté de commettre d’erreur, voire même qu’elle n’a pas eu conscience de commettre une erreur, ou encore que celle-ci était purement marginale et insignifiante. Cet argument peut également être retrouvé, sous une forme ou une autre, dans les observations du gouvernement allemand.

    76.

    En effet, le gouvernement allemand prétend que l’application de l’article 214, paragraphe 2 bis, point 1, du BauGB serait rare, notamment parce que les communes allemandes sont liées par la loi et aussi du fait qu’il y a d’autres dispositions programmatiques générales dans le droit allemand de l’urbanisme qui limiteraient le recours à la procédure accélérée.

    77.

    Il suffit de relever que cet argument est inopérant dans la présente affaire ( 30 ). D’ailleurs, qu’il soit possible, ainsi que le fait valoir le gouvernement allemand, de limiter les situations dans lesquelles l’article 214, paragraphe 2 bis, point 1, du BauGB permet de maintenir en vigueur un plan de construction de développement interne n’est de toute façon pas suffisant pour assurer sa compatibilité avec l’article 3, paragraphe 5, de la directive ESIE.

    78.

    Le gouvernement allemand ajoute que l’erreur sur l’existence de la condition qualitative, prévue à l’article 13 bis, paragraphe 1, du BauGB, doit être «manifeste et grave», qu’il n’y a pas «d’atteinte notable» à des intérêts environnementaux ou à un contournement des conditions dudit article 13 bis ( 31 ), «qu’il faut faire contrepoids à la vulnérabilité des plans directeurs d’urbanisme au risque d’erreur» ( 32 ). Le gouvernement allemand plaide que l’article 214, paragraphe 2 bis, point 1, du BauGB ne couvre pas toutes les violations. Ainsi, il ne s’appliquerait pas a) en cas d’absence totale d’une situation concrète de développement interne ( 33 ); b) s’il n’y a pas au moins une appréciation de la situation de fait dans la perspective du développement interne ( 34 ); c) si les incertitudes et les doutes compréhensibles sont dépassés ( 35 ); d) si la zone interne est dépassée d’une manière qui ne soit pas insignifiante en termes de superficie ( 36 ), ou e) s’il s’agit de surfaces qui ne sont pas situées sur la limite entre le secteur extérieur et le secteur intérieur ( 37 ).

    79.

    Force est de constater que, par toute cette argumentation, ledit gouvernement s’efforce de démontrer que, sauf faute évidente, erreur en connaissance de cause, ou affectation d’éléments essentiels, l’article 214, paragraphe 2 bis, point 1, du BauGB ne s’appliquera pas.

    80.

    Cette interprétation de l’article 214 du BauGB ressortit non pas à la compétence de la Cour, mais à celle du juge de renvoi qui, ceci dit, ne donne aucune indication qui permette de croire qu’il la partage. Cela étant, même si l’interprétation de la commune M et du gouvernement allemand était exacte, leur argumentation serait ici inopérante puisque la question préjudicielle porte sur tous les types d’erreurs qui peuvent être couverts par l’article 214 du BauGB.

    81.

    Il est clair, en tout cas, que l’article 214 du BauGB est applicable lorsque la condition qualitative de l’article 13 bis, paragraphe 1, deuxième phrase, point 1, du BauGB a été appréciée de manière erronée. Selon la juridiction de renvoi, dans les circonstances de l’affaire au principal, le plan comprend des mesures de développement externe, ce qui mettrait en cause l’existence même d’un plan de construction de développement interne, permettant d’appliquer la procédure accélérée.

    82.

    Le gouvernement allemand soutient, en outre, ( 38 ) que le plan de construction de développement interne est un plan qui détermine «l’utilisation de petites zones au niveau local». Ainsi, il remplirait simultanément la condition centrale de l’article 3, paragraphe 3, de la directive ESIE. Il fait valoir que, en raison des motifs d’exclusion de l’article 13 bis, paragraphe 1, quatrième et cinquième phrases, du BauGB, il ne peut, par définition, s’agir de plans au sens de l’article 3, paragraphe 2, de la directive ESIE, dont le législateur de l’Union a considéré qu’ils étaient en principe soumis à évaluation environnementale. Si même cette observation est exacte, elle n’enlève rien aux conclusions auxquelles je suis arrivé à propos de l’article 214 du BauGB. Il en est de même des observations du gouvernement allemand, aux paragraphes 74 à 81 de ses observations écrites, puisque le problème – au moins dans la présente affaire devant la Cour ( 39 ) – est non pas la conformité de l’article 13 bis du BauGB à la directive ESIE, mais la compatibilité du cumul des articles 13 bis et 214 du BauGB avec ladite directive.

    83.

    Il est également vrai ( 40 ) que toute violation de la condition qualitative de l’article 13 bis du BauGB n’entraîne pas systématiquement des incidences environnementales notables, mais il n’empêche que ce n’est – en fait – plus un plan de construction de développement interne.

    84.

    Il est encore vrai, comme le soutient le gouvernement allemand ( 41 ), que l’article 214 du BauGB n’enlève rien de leur caractère invalidant aux erreurs d’appréciation qui concernent le seuil de superficie, mais force est de constater que, de nouveau, là n’est pas le problème ( 42 ), mais bien le fait que l’inexistence de la condition qualitative de base est dépourvue d’incidence sur l’invalidité, absence d’effets juridiques pointée par le gouvernement allemand lui-même au paragraphe 88 de ses observations.

    85.

    Ledit gouvernement soutient, enfin, que «le droit de l’Union n’exige pas qu’un vice de procédure soit impérativement sanctionné par la nullité de l’acte juridique correspondant mais qu’il reconnaît, en tant que principes généraux du droit, le caractère définitif des actes administratifs et la préoccupation de sécurité juridique qui lui est sous-jacente» ( 43 ).

    86.

    S’il est vrai que le droit de l’Union n’exige pas un type particulier de sanction juridique, il ne peut admettre qu’une directive soit privée d’effet utile. Si l’effet juridique d’un dépassement par un État membre de la marge d’appréciation que lui laisse la directive ne doit pas nécessairement être la nullité de l’acte juridique qui concrétise ce dépassement, il doit au moins impliquer que ce dépassement ne puisse être exécuté ou mis en œuvre (qu’il s’agisse par exemple, d’une suspension ou d’une condition suspensive à l’exécution d’un plan ou encore dans le cas présent d’une procédure où l’évaluation environnementale pourrait encore se faire pendant la procédure judiciaire).

    87.

    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, je suis d’avis qu’une exclusion totale de protection et de contrôle juridiques en cas d’absence irrégulière d’évaluation des incidences sur l’environnement – telle celle dans l’affaire au principal – prive la directive ESIE de son effet utile ( 44 ), ne respecte pas le principe d’effectivité des procédures nationales garantissant la protection des droits des citoyens ainsi que le principe de protection juridictionnelle effective et est contraire au principe de la coopération loyale en vertu de laquelle les États membres sont tenus d’effacer les conséquences illicites d’une violation du droit de l’Union ( 45 ).

    IV – Conclusion

    88.

    Par conséquent, il convient de répondre à la question posée par le Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg de la manière suivante:

    L’article 3 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, ainsi que les principes d’effectivité, de coopération loyale et de protection juridictionnelle effective, s’opposent à la réglementation d’un État membre – telle que celle au principal – aux termes de laquelle la violation d’une condition imposée par la norme de transposition de cette directive pour dispenser l’adoption d’un plan de construction d’un type particulier d’une évaluation environnementale préalable ne peut donner lieu à aucun recours juridictionnel dans la mesure où cette réglementation prive cette violation de toute incidence sur la validité dudit plan de construction.


    ( 1 ) Langue originale: le français.

    ( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (JO L 197, p. 30).

    ( 3 ) Le code de l’urbanisme (Baugesetzbuch), dans sa version publiée le 23 septembre 2004 (BGBl. 2004 I, p. 2414), tel que modifié par la loi du 22 juillet 2011 (BGBl. 2011 I, p. 1509, ci-après le ‘BauGB’).

    ( 4 ) En langue allemande «Bebauungsplan der Innenentwicklung». Ces termes renvoient à la notion du droit allemand de l’urbanisme de «Innenbereich» (secteur interne) qui désigne les parties de la localité formant déjà une agglomération [article 34 du BauGB].

    ( 5 ) Europarechtsanpassungsgesetz Bau, loi du 24 juin 2004 (BGBl. 2004 I, p. 1359).

    ( 6 ) Voir, notamment, point 6 des présentes conclusions.

    ( 7 ) Respectivement, l’article 13 bis, paragraphe 2, deuxième phrase, point 1, et l’article 13 bis, paragraphe 1, première phrase, du BauGB.

    ( 8 ) Voir, par exemple, arrêt du 18 mars 2010, Gielen (C-440/08, Rec. p. I-2323, points 27 à 29 et jurisprudence citée). Voir, également, arrêt du 22 juin 2010, Melki et Abdeli (C-188/10 et C-189/10, Rec. p. I-5667, point 27 et jurisprudence citée).

    ( 9 ) Au sens de l’article 13 bis, paragraphe 1, deuxième phrase, point 1, du BauGB (dispositions combinées de l’article 13 bis, paragraphe 2, point 1, et de l’article 13, paragraphe 3, première phrase, du BauGB) qui selon le juge de renvoi n’a pas été appliqué correctement.

    ( 10 ) En application de son article 3, paragraphes 4 et 5.

    ( 11 ) Lesquels déterminent l’utilisation de petites zones au niveau local, définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets pourra être autorisée à l’avenir et ne relèvent pas de l’article 3, paragraphe 2, de la directive ESIE.

    ( 12 ) Caractérisé à la fois par une condition quantitative (à savoir un seuil maximal de superficie) et une condition qualitative (à savoir d’être de «de développement interne»). Voir points 11 et 12 des présentes conclusions.

    ( 13 ) Dans le cas présent, la juridiction de renvoi estime que la commune a apprécié de manière erronée la condition qualitative.

    ( 14 ) Voir arrêts du 17 juin 2010, Terre wallonne et Inter-Environnement Wallonie (C-105/09 et C-110/09, Rec. p. I-5611, point 32); du 22 septembre 2011, Valčiukienė e.a. (C-295/10, Rec. p. I-8819, point 37), ainsi que du 28 février 2012, Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne, C‑41/11, non encore publié au Recueil, point 40).

    ( 15 ) Article 2, paragraphe 4, du BauGB.

    ( 16 ) Article 13 bis, paragraphe 1, première phrase, du BauGB. Voir, à cet égard, jurisprudence relative à l’illicéité des seuils de grandeur comme seul critère – dans le cadre de la disposition analogue de l’article 4, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 85/337 – notamment, arrêts du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a. (C-72/95, Rec. p. I-5403); du 22 octobre 1998, Commission/Allemagne (C-301/95, Rec. p. I-6135); du 21 septembre 1999, Commission/Irlande (C-392/96, Rec. p. I-5901), et du 16 juillet 2009, Commission/Irlande (C-427/07, Rec. p. I-6277).

    ( 17 ) Précité (points 46 et 47). Voir, également, arrêt du 16 mars 2006, Commission/Espagne (C‑332/04, points 77 à 81).

    ( 18 ) C’est-à-dire «la valeur et la vulnérabilité de la zone susceptible d’être touchée».

    ( 19 ) Précité (points 44 à 47). Voir, échos dans la doctrine, De Waele, H., Jurisprudentie bestuursrecht 2012, no 99; Gazin, F., «Directive», Europe 2012, avril, comm. no 4, p. 14; Koufaki, I., «Stratigiki ektimisi epiptoseon schedion kai programmaton sto perivallon», Nomiko Vima, 2012, p. 461 et 462, et Aubert, M., e.a., «Chronique de jurisprudence de la CJUE – Maintien provisoire d’une norme nationale incompatible avec le droit de l’Union», L’actualité juridique droit administratif, 2012, p. 995 et 996.

    ( 20 ) Arrêt du 7 janvier 2004 (C-201/02, Rec. p. I-723).

    ( 21 ) Voir point 66 de cet arrêt. Voir, également, l’affaire Leth (C‑420/11), pendante devant la Cour, laquelle porte essentiellement sur la question de savoir si l’absence pure et simple d’une évaluation environnementale peut créer des droits à l’indemnisation par l’État. Voir conclusions de l’avocat général Kokott dans ladite affaire.

    ( 22 ) Arrêt du 18 mars 2010 (C-317/08 à C-320/08, Rec. p. I-2213, point 49).

    ( 23 ) Voir en ce sens, notamment, arrêts du 9 mars 1978, Simmenthal (106/77, Rec. p. 629, points 16 et 21), et du 19 juin 1990, Factortame e.a. (C-213/89, Rec. p. I-2433, point 19).

    ( 24 ) Voir, notamment, arrêts précités Simmenthal (points 22 et 23) et Factortame e.a. (point 20).

    ( 25 ) Voir, en ce sens, arrêt Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne, précité, ainsi que point 39 des conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Leth, précitée.

    ( 26 ) Arrêt du 17 mars 2011, Brussels Hoofdstedelijk Gewest e.a. (C-275/09, Rec. p. I-1753, point 37), ainsi que point 39 des conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Leth, précitée.

    ( 27 ) Voir, notamment, arrêts du 15 mai 1986, Johnston (222/84, Rec. p. 1651, point 18); du 15 octobre 1987, Heylens e.a. (222/86, Rec. p. 4097, point 14), et du 11 janvier 2001, Siples (C-226/99, Rec. p. I-277, point 17).

    ( 28 ) Voir, notamment, arrêts Heylens e.a., précité (point 14), et du 3 décembre 1992, Oleificio Borelli/Commission (C-97/91, Rec. p. I-6313, point 14).

    ( 29 ) Voir arrêt du 22 décembre 2010, DEB (C-279/09, Rec. p. I-13849, points 30 et 31); ordonnance du 1er mars 2011, Chartry (C-457/09, Rec. p. I-819, point 25), ainsi que arrêt du 28 juillet 2011, Samba Diouf (C-69/10, Rec. p. I-715, point 49). Voir, également, arrêt du 6 novembre 2012, Otis e.a. (C‑199/11, points 46 et suiv.).

    ( 30 ) Voir arrêt du 27 février 2003, Santex (C-327/00, Rec. p. I-1877, points 57 et suiv.).

    ( 31 ) Voir paragraphe 31 des observations du gouvernement allemand.

    ( 32 ) Ibidem (paragraphe 43).

    ( 33 ) Ibidem (paragraphe 45).

    ( 34 ) Ibidem (paragraphe 48).

    ( 35 ) Ibidem (paragraphe 49).

    ( 36 ) Idem.

    ( 37 ) Voir paragraphe 50 des observations du gouvernement allemand.

    ( 38 ) Ibidem (paragraphe 73).

    ( 39 ) Voir point 45 des présentes conclusions.

    ( 40 ) Ibidem (paragraphe 83).

    ( 41 ) Ibidem (paragraphe 87).

    ( 42 ) Voir même argument au paragraphe 90 de ses observations.

    ( 43 ) Ibidem (paragraphe 100). Le gouvernement allemand se réfère à la jurisprudence suivante, à savoir arrêts du 13 janvier 2004, Kühne & Heitz (C-453/00, Rec. p. I-837, point 24), et du 12 février 2008, Kempter (C-2/06, Rec. p. I-411, point 37).

    ( 44 ) Voir, notamment, point 36 et jurisprudence citée des présentes conclusions.

    ( 45 ) Voir, notamment, arrêt Wells, précité (point 64).

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