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Dokumentas 62010CJ0467

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 1er mars 2012.
Procédure pénale contre Baris Akyüz.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Landgericht Gießen.
Directives 91/439/CEE et 2006/126/CE — Reconnaissance mutuelle des permis de conduire — Refus d’un État membre de reconnaître, à une personne n’ayant pas l’aptitude physique et mentale à la conduite selon la réglementation de cet État, la validité d’un permis de conduire délivré par un autre État membre.
Affaire C-467/10.

Teismo praktikos rinkinys. Bendrasis rinkinys

Europos teismų praktikos identifikatorius (ECLI): ECLI:EU:C:2012:112

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

1er mars 2012 ( *1 )

«Directives 91/439/CEE et 2006/126/CE — Reconnaissance mutuelle des permis de conduire — Refus d’un État membre de reconnaître, à une personne n’ayant pas l’aptitude physique et mentale à la conduite selon la réglementation de cet État, la validité d’un permis de conduire délivré par un autre État membre»

Dans l’affaire C-467/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landgericht Gießen (Allemagne), par décision du 21 septembre 2010, parvenue à la Cour le 28 septembre 2010, dans la procédure pénale contre

Baris Akyüz,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. U. Lõhmus, A. Rosas (rapporteur), A. Ó Caoimh et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 octobre 2011,

considérant les observations présentées:

pour M. Akyüz, par Me J. Häller, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et N. Graf Vitzthum, en qualité d’agents,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Varone, avvocato dello Stato,

pour la Commission européenne, par M. G. Braun et Mme N. Yerrell, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 1er, paragraphe 2, et 8, paragraphes 2 et 4, de la directive 91/439/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au permis de conduire (JO L 237, p. 1), ainsi que des articles 2, paragraphe 1, et 11, paragraphe 4, de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, relative au permis de conduire (JO L 403, p. 18).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre M. Akyüz, ressortissant allemand, pour avoir conduit, les 5 décembre 2008 et 1er mars 2009, des véhicules automobiles sur le territoire allemand sans être en possession du permis de conduire exigé à cette fin.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

La directive 91/439

3

Le premier considérant de la directive 91/439 énonce:

«considérant qu’il est souhaitable, aux fins de la politique commune des transports et en vue d’une contribution à l’amélioration de la sécurité de la circulation routière ainsi que pour faciliter la circulation des personnes qui s’établissent dans un État membre autre que celui dans lequel elles ont passé un examen de conduite, qu’il y ait un permis de conduire national de modèle communautaire reconnu mutuellement par les États membres sans obligation d’échange».

4

En vertu du quatrième considérant de cette même directive, il est nécessaire, pour répondre à des impératifs de sécurité routière, de fixer des conditions minimales auxquelles le permis de conduire peut être délivré.

5

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de ladite directive, «[l]es permis de conduire délivrés par les États membres sont mutuellement reconnus».

6

L’article 7, paragraphe 1, de la directive 91/439 dispose:

«1.   La délivrance du permis de conduire est également subordonnée à:

a)

la réussite d’une épreuve de contrôle des aptitudes et des comportements, d’une épreuve de contrôle des connaissances ainsi qu’à la satisfaction des normes médicales, conformément aux dispositions des annexes II et III;

b)

l’existence de la résidence normale ou la preuve de la qualité d’étudiant pendant une période d’au moins six mois sur le territoire de l’État membre délivrant le permis de conduire.»

7

L’article 8, paragraphes 2 et 4, de la même directive prévoit:

«2.   Sous réserve du respect du principe de territorialité des lois pénales et de police, l’État membre de résidence normale peut appliquer au titulaire d’un permis de conduire délivré par un autre État membre ses dispositions nationales concernant la restriction, la suspension, le retrait ou l’annulation du droit de conduire et, si nécessaire, procéder à ces fins à l’échange de ce permis.

[…]

4.   Un État membre peut refuser de reconnaître, à une personne faisant l’objet sur son territoire d’une des mesures visées au paragraphe 2, la validité de tout permis de conduire établi par un autre État membre.

Un État membre peut de même refuser de délivrer un permis de conduire à un candidat qui fait l’objet d’une telle mesure dans un autre État membre.»

La directive 2006/126

8

Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2006/126, «[l]es permis de conduire délivrés par les États membres sont mutuellement reconnus».

9

L’article 7, paragraphes 1 et 5, de ladite directive dispose:

«1.   Le permis de conduire est uniquement délivré aux demandeurs qui:

a)

ont réussi une épreuve de contrôle des aptitudes et des comportements et une épreuve de contrôle des connaissances et qui répondent à des normes médicales, conformément aux dispositions des annexes II et III;

[…]

e)

ont leur résidence normale sur le territoire de l’État membre délivrant le permis de conduire ou peuvent prouver qu’ils y font des études depuis 6 mois au moins.

[…]

5.   […]

Sans préjudice de l’article 2, l’État membre qui délivre un permis fait diligence en vue de s’assurer que l’intéressé remplit les conditions prévues au paragraphe 1 du présent article et applique ses dispositions nationales en matière d’annulation ou de retrait du droit de conduire s’il est établi qu’un permis a été délivré sans que ces conditions aient été respectées.»

10

L’article 11, paragraphe 4, de la directive 2006/126 est libellé comme suit:

«Un État membre refuse de délivrer un permis de conduire à un demandeur dont le permis de conduire fait l’objet d’une restriction, d’une suspension ou d’un retrait dans un autre État membre.

Un État membre refuse de reconnaître, à une personne dont le permis de conduire fait l’objet, sur son territoire, d’une restriction, d’une suspension ou d’un retrait, la validité de tout permis de conduire délivré par un autre État membre.

Un État membre peut également refuser de délivrer un permis de conduire à un demandeur dont le permis a fait l’objet d’une annulation dans un autre État membre.»

11

L’article 16, paragraphes 1 et 2, de ladite directive prévoit:

«1.   Les États membres adoptent et publient, au plus tard le 19 janvier 2011, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à l’article 1er, paragraphe 1, à l’article 3, à l’article 4, paragraphes 1, 2 et 3, et paragraphe 4, points b) à k), à l’article 6, paragraphe 1, et paragraphe 2, points a), c), d) et e), à l’article 7, paragraphe 1, points b), c) et d), et paragraphes 2, 3 et 5, à l’article 8, à l’article 10, à l’article 13, à l’article 14, à l’article 15, ainsi qu’à l’annexe I, point 2, à l’annexe II, point 5.2 en ce qui concerne les catégories A1, A2 et A, et aux annexes IV, V et VI. Ils communiquent immédiatement le texte de ces dispositions à la Commission.

2.   Ils appliquent ces dispositions à partir du 19 janvier 2013.»

12

L’article 17, premier alinéa, de cette même directive dispose:

«La directive 91/439/CEE est abrogée avec effet au 19 janvier 2013, sans préjudice des obligations des États membres en ce qui concerne les délais de transposition en droit national de cette directive indiqués à l’annexe VII, partie B.»

13

L’article 18 de la directive 2006/126 est ainsi libellé:

«La présente directive entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

L’article 2, paragraphe 1, l’article 5, l’article 6, paragraphe 2, point b), l’article 7, paragraphe 1, point a), l’article 9, l’article 11, paragraphes 1, 3, 4, 5 et 6, l’article 12 ainsi que les annexes I, II et III sont applicables à partir du 19 janvier 2009.»

La réglementation nationale

14

L’article 28, paragraphes 1, 4 et 5, du règlement relatif à l’accès des personnes à la circulation routière (règlement relatif au permis de conduire) [Verordnung über die Zulassung von Personen zum Straßenverkehr (Fahrerlaubnis-Verordnung)], du 18 août 1998 (BGBl. 1998 I, p. 2214), dans sa version en vigueur jusqu’au 15 janvier 2009 (ci-après la «FeV»), disposait:

«(1)   Les titulaires d’un permis de conduire valide de l’[Union européenne] ou de l’[Espace économique européen (EEE)] ayant leur résidence normale au sens de l’article 7, paragraphe 1 ou 2, en Allemagne sont autorisés — sous réserve des restrictions prévues aux paragraphes 2 à 4 — à conduire des véhicules dans ce pays dans la limite des droits qui sont les leurs. Les conditions attachées aux permis de conduire étrangers sont également respectées en Allemagne. Les dispositions du présent règlement s’appliquent à ces permis de conduire sauf dispositions contraires.

[…]

(4)   L’autorisation visée au paragraphe 1 ne s’applique pas aux titulaires d’un permis de conduire de l’[Union] ou de l’EEE,

1.

dont le permis a été établi à titre provisoire, que ce soit en vue de l’apprentissage ou pour tout autre motif,

2.

qui, au moment de sa délivrance, avaient leur résidence normale en Allemagne, à moins qu’ils n’aient obtenu le permis en tant qu’étudiants ou élèves au sens de l’article 7, paragraphe 2, pendant un séjour de six mois au minimum,

3.

dont le permis de conduire a fait l’objet, en Allemagne, d’une mesure de retrait provisoire ou définitif prise par un tribunal, ou d’une mesure de retrait immédiatement exécutoire ou définitive prise par une autorité administrative, auxquels le permis de conduire a été refusé par une décision définitive ou auxquels le permis de conduire n’a pas été retiré uniquement parce qu’ils y ont renoncé entre-temps,

4.

auxquels en raison d’une décision de justice devenue définitive aucun permis de conduire ne doit être délivré ou

5.

aussi longtemps que ces personnes sont soumises en Allemagne, dans l’État de délivrance du permis de conduire ou dans l’État où elles ont leur résidence normale, à une interdiction de conduire ou dont le permis de conduire a été confisqué, saisi ou mis sous séquestre conformément à l’article 94 du code de procédure pénale allemand.

(5)   Le droit de faire usage en Allemagne d’un permis de conduire de l’[Union] ou de l’EEE après l’une des décisions mentionnées au paragraphe 4, points 3 et 4, est accordé sur demande lorsque les motifs ayant justifié le retrait ou l’interdiction de solliciter le droit de conduire ont disparu. L’article 20, paragraphes 1 et 3, [de la FeV] s’applique par analogie.»

15

L’article 28, paragraphes 1, 4 et 5 de la FeV, dans sa version résultant du règlement du 7 janvier 2009 (BGBl. 2009 I, p. 29), a pour objet de transposer en droit allemand l’article 11, paragraphe 4, de la directive 2006/126. Ces paragraphes 4 et 5 sont désormais libellés comme suit:

«(4)   L’autorisation visée au paragraphe 1 ne s’applique pas aux titulaires d’un permis de conduire de l’[Union] ou de l’EEE,

[…]

2.

qui, sur la base de mentions figurant sur le permis de conduire ou d’informations incontestables provenant de l’État de délivrance de ce permis, avaient lors de cette délivrance leur résidence normale en Allemagne, à moins qu’ils n’aient obtenu le permis en tant qu’étudiants ou élèves au sens de l’article 7, paragraphe 2, pendant un séjour de six mois au minimum,

3.

dont le permis de conduire a fait l’objet, en Allemagne, d’une mesure de retrait provisoire ou définitif prise par un tribunal, ou d’une mesure de retrait immédiatement exécutoire ou définitive prise par une autorité administrative, auxquels le permis de conduire a été refusé par une décision définitive ou auxquels le permis de conduire n’a pas été retiré uniquement parce qu’ils y ont renoncé entre-temps.

[…]

Dans le cas visé à la première phrase, points 2 et 3, l’autorité compétente peut adopter un acte administratif constatant que l’intéressé n’a pas le droit de conduire. Il y a lieu d’appliquer la première phrase, points 3 et 4, uniquement lorsque les mesures qui sont énumérées dans cette phrase sont enregistrées au registre central de la circulation et n’ont pas été radiées en application de l’article 29 de la loi sur le transport routier (Straßenverkehrsgesetz).

(5)   Le droit de faire usage en Allemagne d’un permis de conduire de l’[Union] ou de l’EEE après l’une des décisions mentionnées au paragraphe 4, points 3 et 4, est accordé sur demande lorsque les motifs ayant justifié le retrait ou l’interdiction de solliciter le droit de conduire ont disparu. Le paragraphe 4, troisième phrase, ainsi que l’article 20, paragraphes 1 et 5, s’appliquent par analogie.»

16

L’article 21, paragraphe 1, point 1, de la loi sur le transport routier prévoit:

«(1)   Est puni d’une peine d’emprisonnement d’un an ou d’une amende,

1.

quiconque circule sans disposer du permis de conduire nécessaire à cette fin

[…]»

Les faits à l’origine du litige au principal et les questions préjudicielles

17

M. Akyüz, né en 1989, a fait l’objet de plusieurs condamnations pénales entre 2004 et 2008, notamment pour coups et blessures, conduite sans permis, extorsion collective grave en bande organisée ainsi que pour menaces et injures.

18

Le 4 mars 2008, M. Akyüz a introduit auprès du Landrat des Wetteraukreises (président de l’arrondissement de Wetterau, ci-après le «Landrat») une demande visant à obtenir la délivrance d’un permis de conduire pour les véhicules de catégorie B. Par lettre du 12 juin 2008, le Landrat a subordonné cette délivrance à la production d’un rapport d’expertise médico-psychologique favorable au demandeur. Ce dernier s’est soumis à l’expertise requise. Dans son rapport en date du 8 septembre 2008, l’expert ayant examiné M. Akyüz est parvenu à la conclusion selon laquelle l’intéressé ne pouvait être considéré comme remplissant les conditions d’aptitude physique et mentale à la conduite en toute sécurité d’un véhicule à moteur du groupe 1 (catégorie B, L, M, S) sur la voie publique. Selon cet expert, il existait des indices démontrant un potentiel d’agressivité élevé dudit demandeur.

19

Par décision du 10 septembre 2008, devenue définitive, le Landrat a rejeté la demande de délivrance d’un permis de conduire au motif que M. Akyüz ne remplissait pas les conditions d’aptitude physique et mentale à la conduite d’un véhicule à moteur en toute sécurité.

20

Le 24 novembre 2008, M. Akyüz a obtenu à Děčin (République tchèque) un permis de conduire pour les véhicules de catégorie B. Selon des informations fournies par l’ambassade d’Allemagne à Prague, ni le service des étrangers compétent ni la police de Děčin ne sont en mesure d’établir si M. Akyüz séjournait en République tchèque à cette date. Selon un courriel des services de cette ambassade du 6 octobre 2009, ledit service dispose uniquement d’une déclaration couvrant la période du 1er juin au 1er décembre 2009. Le permis de conduire tchèque de M. Akyüz aurait été délivré à Děčin le 8 juin 2009. Selon la photocopie dudit permis, celui-ci a toutefois été délivré pour la première fois le 24 novembre 2008.

21

Les autorités allemandes ont constaté que M. Akyüz conduisait des véhicules en Allemagne les 5 décembre 2008 et 1er mars 2009.

22

Par jugement du 17 décembre 2009, l’Amtsgericht Friedberg, dans sa formation en qualité de Jugendschöffengericht (tribunal pour mineur), a reconnu M. Akyüz coupable de conduite sans permis dans les deux cas susmentionnés.

23

M. Akyüz a fait appel de ce jugement devant le Landgericht Gießen.

24

Éprouvant des doutes notamment quant à la question de savoir si les autorités allemandes sont tenues de reconnaître le permis de conduire délivré à M. Akyüz par les autorités compétentes tchèques, dans la mesure où ce dernier ne s’est pas vu retirer un permis par les autorités de la République fédérale d’Allemagne, mais où la délivrance d’un permis a seulement été refusée à l’intéressé dans cet État membre, le Landgericht Gießen a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«a)

Les dispositions combinées de l’article 1er, paragraphe 2, et de l’article 8, paragraphes 2 et 4, de la directive 91/439 […]

b)

Les dispositions combinées de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 11, paragraphe 4, de la directive 2006/126 […]

doivent-elles être interprétées en ce sens:

1)

qu’elles interdisent à un État membre (État membre d’accueil) de refuser de reconnaître sur son territoire le permis de conduire délivré par un autre État membre (État membre de délivrance) lorsque l’obtention de ce permis dans l’État membre de délivrance a été précédée d’un refus de délivrance dudit permis dans l’État membre d’accueil au motif que la personne en cause ne remplissait pas les conditions d’aptitude physique et mentale à la conduite d’un véhicule à moteur en toute sécurité.

2)

en cas de réponse affirmative: qu’elles interdisent à un État membre (État membre d’accueil) de refuser de reconnaître sur son territoire le permis de conduire délivré par un autre État membre (État membre de délivrance) lorsque l’obtention de ce permis dans l’État membre de délivrance a été précédée d’un refus de délivrance dans l’État membre d’accueil au motif que la personne en cause ne remplissait pas les conditions d’aptitude physique et mentale à la conduite d’un véhicule à moteur en toute sécurité et que, en raison de mentions figurant sur le permis de conduire lui-même, d’autres informations incontestables provenant de l’État membre de délivrance, ou d’autres renseignements indiscutables, notamment d’éventuelles indications fournies par le titulaire du permis de conduire lui-même ou d’autres renseignements certains détenus par l’État membre d’accueil, il est établi que l’on est en présence d’une infraction à la règle de la résidence normale figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 91/439 […] ou à l’article 7, paragraphe 1, sous e), de la directive 2006/126 […]

si ces autres renseignements indiscutables, notamment d’éventuelles indications fournies par le titulaire du permis de conduire lui-même ou d’autres renseignements certains détenus par l’État membre d’accueil ne suffisent pas: les informations proviennent-elles également de l’État membre de délivrance au sens de la jurisprudence de la Cour lorsqu’elles ont été transmises par cet État membre non pas directement, mais uniquement indirectement, sous la forme d’une communication, fondée sur les informations précitées et effectuée par des tiers, notamment l’ambassade de l’État membre d’accueil dans l’État membre de délivrance.

3)

qu’elles interdisent à un État membre (État membre d’accueil) de refuser de reconnaître sur son territoire le permis de conduire délivré par un autre État membre (État membre de délivrance) lorsque les conditions formelles pour l’obtention d’un permis de conduire ont certes été respectées dans l’État membre de délivrance, mais qu’il est établi que le séjour en cause ne vise que l’obtention dudit permis et non un autre objectif protégé par le droit de l’Union européenne, notamment, par les libertés fondamentales du traité FUE et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ou inscrits dans la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (tourisme des permis de conduire)?»

Sur les questions préjudicielles

Observations liminaires

25

À titre liminaire, il importe de constater que les questions posées par la juridiction de renvoi portent sur l’interprétation des dispositions pertinentes, d’une part, de la directive 91/439 et, d’autre part, de la directive 2006/126 qui abroge et remplace cette directive.

26

Ainsi, il y a lieu de déterminer dans quelle mesure ces dispositions sont applicables aux faits du litige au principal.

27

Selon le gouvernement allemand, seules les dispositions de la directive 91/439 sont applicables audit litige. En effet, il ressortirait du permis de conduire obtenu en République tchèque par M. Akyüz que la date de délivrance de ce permis est le 24 novembre 2008. Or, conformément à l’article 18, second alinéa, de la directive 2006/126, l’article 11, paragraphe 4, de celle-ci serait applicable à partir du19 janvier 2009, soit postérieurement à la date de délivrance dudit permis. La Commission estime, en revanche, que les dispositions de la directive 2006/126 sont applicables en ce qui concerne le trajet effectué en Allemagne par M. Akyüz le 1er mars 2009.

28

D’une part, il ressort du dossier dont dispose la Cour que les trajets effectués en Allemagne par M. Akyüz qui sont à l’origine du litige au principal ont eu lieu les 5 décembre 2008 et 1er mars 2009.

29

D’autre part, bien que la décision de renvoi mentionne également le 8 juin 2009 en tant que date à laquelle le permis de conduire tchèque aurait été délivré à M. Akyüz, il importe de relever qu’il ressort de ladite décision que la photocopie de ce permis de conduire indique toutefois que celui-ci a été délivré pour la première fois le 24 novembre 2008.

30

Il apparaît donc que ledit permis de conduire a été délivré à M. Akyüz par les autorités compétentes tchèques le 24 novembre 2008, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier. Dans l’hypothèse où ce permis n’aurait été délivré que le 8 juin 2009, M. Akyüz n’aurait pas été en possession d’un permis de conduire tchèque à la date à laquelle les trajets qui sont à l’origine du litige au principal ont eu lieu et la question de la reconnaissance d’un permis qui n’aurait été délivré qu’après ceux-ci serait dépourvue de pertinence dans le cadre de la présente affaire.

31

Si la directive 91/439 n’est abrogée qu’à partir du 19 janvier 2013, les articles 2, paragraphe 1, et 11, paragraphe 4, de la directive 2006/126 sont toutefois applicables à partir du 19 janvier 2009, conformément à l’article 18, second alinéa, de celle-ci.

32

Il convient de constater que l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2006/126 prévoit la reconnaissance mutuelle des permis de conduire délivrés par les États membres. L’article 11, paragraphe 4, deuxième alinéa, de celle-ci dispose cependant qu’un État membre refuse de reconnaître la validité de tout permis de conduire délivré par un autre État membre à une personne dont le permis de conduire fait l’objet, sur son territoire, d’une restriction, d’une suspension ou d’un retrait, et ce indépendamment de la question de savoir si ledit permis a été délivré avant la date à laquelle ladite disposition est devenue applicable.

33

Il en résulte que lesdites dispositions sont applicables ratione temporis en ce qui concerne le second trajet faisant l’objet du litige au principal, à savoir le trajet effectué par M. Akyüz le 1er mars 2009.

34

Dans ces conditions, il convient d’examiner les questions posées par la juridiction de renvoi au regard tant des articles 1er, paragraphe 2, et 8, paragraphes 2 et 4, de la directive 91/439 que des articles 2, paragraphe 1, et 11, paragraphe 4, de la directive 2006/126.

Sur la première question

35

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions combinées des articles 1er, paragraphe 2, et 8, paragraphes 2 et 4, de la directive 91/439 ainsi que celles des articles 2, paragraphe 1, et 11, paragraphe 4, de la directive 2006/126 doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à la réglementation d’un État membre d’accueil qui permet à celui-ci de refuser de reconnaître, sur son territoire, un permis de conduire délivré dans un autre État membre lorsque le titulaire de ce permis n’a fait l’objet, de la part de cet État membre d’accueil, d’aucune mesure au sens desdits articles 8, paragraphe 4, de la directive 91/439 ou 11, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2006/126, mais s’est vu refuser, dans ce dernier État, la délivrance d’un premier permis de conduire au motif qu’il ne remplissait pas, selon la réglementation de cet État, les conditions d’aptitude physique et mentale à la conduite d’un véhicule à moteur en toute sécurité.

36

Le gouvernement allemand estime que, si un demandeur s’est vu refuser la délivrance d’un premier permis de conduire au motif qu’il ne remplissait pas les conditions physiques et mentales exigées pour conduire en toute sécurité un véhicule, le fait de lui permettre d’accéder à la circulation routière représente un danger au moins aussi important que le fait de permettre un tel accès à des personnes qui ont été privées de leur permis de conduire pour des raisons analogues. Selon ce gouvernement, la notion de «retrait» devrait ainsi être entendue dans un sens large, de sorte qu’elle englobe également le refus initial de délivrance d’un permis de conduire.

37

Ledit gouvernement invoque également la nécessité de prendre en compte certains droits fondamentaux des usagers de la route, tels que le droit à la vie, le droit à l’intégrité de la personne ainsi que le droit de propriété, réaffirmés respectivement aux articles 2, 3 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, avec lesquels les libertés fondamentales devraient être rendues compatibles et qui imposeraient que les États membres n’autorisent pas, sur leur territoire, la participation à la circulation d’un conducteur dont il connu avec certitude qu’il présente un danger important pour les autres usagers.

38

La Commission ajoute qu’une personne qui s’est vu refuser la délivrance d’un premier permis de conduire pour des motifs qui, s’il s’agissait d’un permis de conduire délivré antérieurement, auraient conduit à la restriction, la suspension, le retrait ou l’annulation de celui-ci devrait être traitée de la même manière que si elle relevait de ces derniers cas de figure. En outre, cette circonstance ne constituerait pas une raison pour accorder à ladite personne un traitement privilégié en ce qui concerne les mesures applicables sur son lieu de résidence ou pour ne pas autoriser ou ne pas obliger les États membres à appliquer les mesures restrictives prévues lorsque sont réunies les conditions établies pour la mise en œuvre de celles-ci.

39

Le gouvernement italien relève, en revanche, que la première question posée par la juridiction de renvoi ne comporte aucune référence au critère de la «résidence normale». Bien qu’espérant une interprétation évolutive des règles du droit de l’Union en vue de permettre le refus de reconnaissance d’un permis délivré dans des circonstances telles que celles en cause au principal, ce gouvernement en déduit que les dispositions combinées des articles 1er, paragraphe 2, et 8, paragraphes 2 et 4, de la directive 91/439 ainsi que celles des articles 2, paragraphe 1, et 11, paragraphe 4, de la directive 2006/126 ne semblent pas permettre un tel refus.

40

À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie de la Cour, l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 91/439 prévoit la reconnaissance mutuelle, sans aucune formalité, des permis de conduire délivrés par les États membres. Cette disposition impose à ces derniers une obligation claire et précise, qui ne laisse aucune marge d’appréciation quant aux mesures à adopter pour s’y conformer (voir, notamment, arrêts du 19 février 2009, Schwarz, C-321/07, Rec. p. I-1113, point 75, et du 19 mai 2011, Grasser, C-184/10, Rec. p. I-4057, point 19). Il y a lieu de constater qu’il en va de même en ce qui concerne l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2006/126, dont le libellé est identique à celui de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 91/439.

41

Il incombe à l’État membre de délivrance de vérifier si les conditions minimales imposées par le droit de l’Union, notamment celles relatives à la résidence et à l’aptitude à conduire, prévues à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 91/439, sont remplies et, partant, si la délivrance d’un permis de conduire est justifiée (voir arrêts précités Schwarz, point 76, et Grasser, point 20).

42

Dès lors que les autorités d’un État membre ont délivré un permis de conduire conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 91/439, les autres États membres ne sont pas en droit de vérifier le respect des conditions de délivrance prévues par cette directive. En effet, la détention d’un permis de conduire délivré par un État membre doit être considérée comme constituant la preuve que le titulaire de ce permis remplissait, au jour où ce dernier lui a été délivré, lesdites conditions (voir, notamment, arrêts précités Schwarz, point 77, et Grasser, point 21).

43

L’article 8, paragraphes 2 et 4, de la directive 91/439 permet néanmoins aux États membres, dans certaines circonstances et, notamment, pour des raisons de sécurité de la circulation routière, ainsi qu’il ressort du dernier considérant de la directive 91/439, d’appliquer leurs dispositions nationales en matière de restriction, de suspension, de retrait et d’annulation du permis de conduire à l’égard de tout titulaire d’un permis ayant sa résidence normale sur leur territoire (arrêt Schwarz, précité, point 79).

44

Ainsi, l’article 8, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive 91/439 autorise un État membre à refuser de reconnaître la validité d’un permis de conduire obtenu dans un autre État membre par une personne faisant l’objet, sur le territoire du premier État membre, d’une mesure de restriction, de suspension, de retrait ou d’annulation de permis. L’article 11, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2006/126 prévoit, quant à lui, qu’un État membre est tenu de refuser de reconnaître la validité de tout permis de conduire obtenu dans un autre État membre par une personne dont le permis de conduire fait l’objet, sur le territoire du premier État membre, d’une restriction, d’une suspension ou d’un retrait.

45

Toutefois, la Cour a itérativement rappelé que la faculté prévue à l’article 8, paragraphe 4, de la directive 91/439 constitue une dérogation au principe général de reconnaissance mutuelle des permis de conduire et est, de ce fait, d’interprétation stricte (voir, notamment, arrêts du 20 novembre 2008, Weber, C-1/07, Rec. p. I-8571, point 29; Schwarz, précité, point 84, et ordonnance du 2 décembre 2010, Scheffler, C-334/09, Rec. p. I-12379, point 63).

46

En effet, les exceptions à l’obligation de reconnaissance des permis de conduire délivrés dans les États membres sans formalité, qui mettent ce principe en balance avec le principe de la sécurité routière, ne sauraient être comprises de manière large sans vider de toute substance le principe de reconnaissance mutuelle des permis de conduire délivrés dans les États membres conformément à la directive 91/439 (voir, en ce sens, ordonnances du 9 juillet 2009, Wierer, C-445/08, point 52, et Scheffler, précitée, point 63).

47

En l’occurrence, force est de constater que le refus de délivrance d’un premier permis de conduire ne figure pas parmi les hypothèses qui peuvent entraîner la non-reconnaissance par un État membre d’un permis de conduire délivré dans un autre État membre conformément aux articles 8, paragraphe 4, de la directive 91/439 et 11, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2006/126.

48

Il convient de relever que, lors de l’audience de plaidoiries, le gouvernement allemand a, en substance, fait valoir que, si le refus de délivrance d’un premier permis de conduire dans un État membre est fondé sur des inaptitudes graves, non prises en compte par la directive 91/439, telles qu’un potentiel d’agressivité élevé du demandeur, cet État membre n’est pas tenu de reconnaître un permis de conduire délivré ultérieurement à l’intéressé dans un autre État membre.

49

Par ailleurs, selon ledit gouvernement, pour que puisse être reconnu le permis de conduire délivré dans un autre État membre postérieurement à un refus de délivrance d’un premier permis de conduire sur le territoire de l’État membre d’accueil, il est nécessaire que, préalablement à la délivrance du permis de conduire à l’intéressé par cet autre État membre, ce dernier soit informé par l’État membre d’accueil des motifs ayant conduit au refus de délivrance et qu’il vérifie si ces motifs ont disparu.

50

Cette argumentation ne saurait être retenue.

51

En effet, il y a lieu de constater d’emblée que, si le refus de délivrance d’un premier permis de conduire peut certes être en partie fondé sur le comportement du demandeur, un tel refus, qui a lieu dans le cadre d’une procédure administrative, ne saurait constituer, à la différence des hypothèses prévues aux articles 8, paragraphes 2 et 4, de la directive 91/439 et 11, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2006/126, la sanction d’une infraction commise par ce demandeur.

52

En outre, il convient de constater que la délivrance d’un premier permis de conduire pourrait être refusée pour des motifs autres que ceux justifiant la restriction, la suspension, le retrait ou l’annulation d’un permis.

53

À cet égard, il ressort du quatrième considérant de la directive 91/439 et du huitième considérant de la directive 2006/126 que celles-ci n’édictent qu’une harmonisation minimale des dispositions nationales relatives aux conditions auxquelles un permis de conduire peut être délivré. Il est ainsi loisible aux États membres de maintenir ou d’adopter des dispositions plus strictes en la matière.

54

S’agissant de l’aptitude physique et mentale à la conduite, la Cour a souligné que le fait que, conformément au point 5 de l’annexe III de la directive 91/439, un État membre puisse exiger, pour toute délivrance d’un permis de conduire, un examen médical plus sévère que ceux mentionnés à ladite annexe n’affecte pas l’obligation, pour cet État membre, de reconnaître les permis de conduire délivrés par les autres États membres conformément à cette directive (voir arrêt du 26 juin 2008, Wiedemann et Funk, C-329/06 et C-343/06, Rec. p. I-4635, point 53).

55

Il convient de constater, d’une part, que la solution préconisée par le gouvernement allemand impliquerait que soit opéré un examen des motifs non pris en compte par la directive 91/439 ou par la directive 2006/126 et invoqués par un État membre pour refuser la délivrance d’un permis de conduire, afin de déterminer ceux qui pourraient entraîner le refus de reconnaissance par cet État membre d’un permis de conduire délivré ultérieurement dans un autre État membre. La possibilité pour un État membre de refuser la reconnaissance d’un permis de conduire délivré dans un autre État membre dépendrait ainsi de la gravité du motif, non pris en compte par la directive 91/439 ou par la directive 2006/126, sur la base duquel la délivrance d’un premier permis de conduire a été refusée dans le premier État membre. À défaut d’indications à cet égard dans les directives 91/439 et 2006/126, une telle solution ne saurait être envisagée.

56

D’autre part, permettre à l’État membre d’accueil de ne pas reconnaître un permis de conduire délivré dans un autre État membre, au motif que le titulaire de ce permis s’est vu refuser la délivrance d’un premier permis de conduire dans le premier État et que l’État membre de délivrance n’a pas vérifié si les motifs ayant entraîné ledit refus de délivrance ont disparu, aurait pour effet que l’État membre ayant établi les conditions les plus strictes pour la délivrance d’un permis de conduire pourrait déterminer le seuil d’exigences que devraient respecter les autres États membres pour que les permis de conduire délivrés dans ces derniers puissent être reconnus sur son territoire.

57

Dans ce contexte, il importe de rappeler qu’admettre qu’un État membre soit en droit de se fonder sur ses dispositions nationales pour s’opposer indéfiniment à la reconnaissance d’un permis délivré dans un autre État membre serait la négation même du principe de reconnaissance mutuelle des permis de conduire, qui constitue la clé de voûte du système mis en place par la directive 91/439 (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Kapper, C-476/01, Rec. p. I-5205, point 77, et ordonnance du 28 septembre 2006, Kremer, C-340/05, point 30).

58

Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’un refus de délivrance d’un premier permis de conduire ne saurait être assimilé aux hypothèses, prévues aux articles 8, paragraphes 2 et 4, de la directive 91/439 et 11, paragraphe 4, de la directive 2006/126, qui peuvent entraîner la non-reconnaissance par un État membre d’un permis de conduire délivré dans un autre État membre.

59

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première question que les dispositions combinées des articles 1er, paragraphe 2, et 8, paragraphes 2 et 4, de la directive 91/439 ainsi que celles des articles 2, paragraphe 1, et 11, paragraphe 4, de la directive 2006/126 doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à la réglementation d’un État membre d’accueil qui permet à celui-ci de refuser de reconnaître, sur son territoire, un permis de conduire délivré dans un autre État membre lorsque le titulaire de ce permis n’a fait l’objet, de la part de cet État membre d’accueil, d’aucune mesure au sens desdits articles 8, paragraphe 4, de la directive 91/439 ou 11, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2006/126, mais s’est vu refuser, dans ce dernier État, la délivrance d’un premier permis de conduire au motif qu’il ne remplissait pas, selon la réglementation de cet État, les conditions d’aptitude physique et mentale à la conduite d’un véhicule à moteur en toute sécurité.

Sur les deuxième et troisième questions

60

Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions combinées des articles 1er, paragraphe 2, et 8, paragraphes 2 et 4, de la directive 91/439 ainsi que celles des articles 2, paragraphe 1, et 11, paragraphe 4, de la directive 2006/126 doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent également à un refus de reconnaissance tel que celui mentionné au point précédent, d’une part, dans le cas où il serait en outre établi, sur la base d’informations transmises par l’État membre de délivrance, non pas directement mais uniquement de manière indirecte, sous la forme d’une communication, fondée sur des informations provenant de l’État membre de délivrance et effectuée par des tiers, notamment par les services de l’ambassade de l’État membre d’accueil dans l’État membre de délivrance, que le titulaire du permis de conduire en cause ne remplissait pas la condition de résidence normale au sens des articles 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 91/439 ou 7, paragraphe 1, sous e), de la directive 2006/126 lors de la délivrance de ce permis et, d’autre part, dans le cas où les conditions formelles de délivrance de celui-ci dans l’État membre de délivrance auraient certes été respectées, mais où il serait établi que la résidence du demandeur dans ce dernier État membre ne visait qu’à l’obtention dudit permis de conduire.

61

Il convient de rappeler que, ainsi que le soutient le gouvernement allemand, le non-respect de la condition de résidence normale au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 91/439 est susceptible à lui seul de justifier le refus par un État membre de reconnaître le permis de conduire délivré par un autre État membre (voir arrêt du 13 octobre 2011, Apelt, C-224/10, Rec. p. I-9601, point 34).

62

En effet, il découle de la jurisprudence de la Cour que les articles 1er, paragraphe 2, 7, paragraphe 1, sous b), ainsi que 8, paragraphes 2 et 4, de la directive 91/439 ne s’opposent pas à ce qu’un État membre d’accueil refuse de reconnaître sur son territoire le permis de conduire délivré dans un autre État membre, lorsqu’il est établi, non pas en fonction d’informations émanant de l’État membre d’accueil, mais sur la base de mentions figurant sur le permis de conduire lui-même ou d’autres informations incontestables provenant de l’État membre de délivrance, que la condition de résidence normale prévue audit article 7, paragraphe 1, sous b), n’a pas été respectée (voir, en ce sens, arrêts précités Wiedemann et Funk, point 72, ainsi que Grasser, point 33).

63

Ainsi que la Cour l’a déjà jugé au point 33 de l’arrêt Grasser, précité, le fait que le titulaire dudit permis n’a fait l’objet, de la part de l’État membre d’accueil, d’aucune mesure au sens de l’article 8, paragraphe 2, de ladite directive est sans incidence à cet égard.

64

Ces considérations sont transposables aux articles 2, paragraphe 1, et 11, paragraphe 4, de la directive 2006/126 en ce qui concerne le non-respect de la condition de résidence normale.

65

Ainsi qu’il découle du point 46 du présent arrêt, cette exception à l’obligation de reconnaissance des permis de conduire délivrés dans les États membres sans formalité, qui met en balance le principe de reconnaissance mutuelle des permis de conduire avec celui de la sécurité routière, ne saurait être comprise de manière large sans vider de toute substance le principe de reconnaissance mutuelle (voir, en ce sens, ordonnance Wierer, précitée, point 52).

66

L’énumération, telle que visée au point 62 du présent arrêt, des sources d’information sur lesquelles l’État membre d’accueil peut se fonder pour refuser la reconnaissance d’un permis de conduire délivré dans un autre État membre, sans recourir à l’assistance mutuelle ni à la procédure d’échange d’informations instituées aux articles 12, paragraphe 3, de la directive 91/439 et 15 de la directive 2006/126, est donc limitative et exhaustive (voir, en ce sens, ordonnance Wierer, précitée, point 53).

67

Pour qu’une information puisse être qualifiée d’information incontestable provenant de l’État membre de délivrance attestant que le titulaire du permis de conduire n’avait pas sa résidence dans ce dernier État lors de la délivrance de son permis de conduire, il importe qu’elle émane d’une autorité dudit État membre.

68

Dans l’affaire au principal, il résulte des considérations qui précèdent que, si les autorités allemandes disposent d’informations incontestables émanant des autorités tchèques, attestant que M. Akyüz n’avait pas sa résidence normale sur le territoire de la République tchèque lors de la délivrance d’un permis de conduire à celui-ci par cet État membre, elles seraient en droit de refuser de reconnaître ce permis. Le principe de reconnaissance mutuelle s’oppose à un refus fondé sur toute autre information (voir, en ce sens, ordonnance Wierer, précitée, point 59).

69

À cet égard, il n’est pas exclu que des informations obtenues auprès des autorités du registre de la population de l’État membre de délivrance puissent être considérées comme de telles informations (ordonnance Wierer, précitée, point 61).

70

En revanche, les explications ou informations que le titulaire d’un permis a fournies au cours de la procédure administrative ou judiciaire en exécution d’une obligation de collaboration qui lui est imposée en vertu du droit national de l’État membre d’accueil ne sauraient être qualifiées d’informations incontestables provenant de l’État membre de délivrance attestant que le titulaire n’avait pas sa résidence dans ce dernier État lors de la délivrance de son permis de conduire (ordonnance Wierer, précitée, point 54).

71

La circonstance que des informations sont transmises par l’État membre de délivrance aux autorités compétentes de l’État membre d’accueil non pas directement, mais uniquement de manière indirecte, sous la forme d’une communication effectuée par des tiers, n’apparaît pas, en soi, de nature à exclure que ces informations puissent être considérées comme émanant de l’État membre de délivrance, pour autant qu’elles proviennent d’une autorité de ce dernier État.

72

Par conséquent, ainsi que le soutiennent le gouvernement allemand et, en substance, la Commission, le seul fait que les autorités compétentes de l’État membre d’accueil fassent intervenir leur représentation dans l’État membre de délivrance pour se procurer de telles informations auprès des autorités compétentes de l’État membre de délivrance n’exclut pas que ces informations soient considérées comme émanant de ce dernier État.

73

Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si les informations obtenues dans des circonstances telles que celles du litige au principal peuvent être qualifiées d’informations émanant de l’État membre de délivrance.

74

Le cas échéant, il appartient également à ladite juridiction d’évaluer lesdites informations et d’apprécier si elles constituent des informations incontestables, attestant que le titulaire du permis de conduire n’avait pas sa résidence normale sur le territoire de l’État membre de délivrance lors de l’obtention de son permis de conduire.

75

Dans le cadre de ladite appréciation des informations émanant de l’État membre de délivrance dont elle dispose, la juridiction de renvoi peut tenir compte de toutes les circonstances du litige dont elle est saisie. Elle peut notamment prendre en considération la circonstance éventuelle que des informations émanant de l’État membre de délivrance indiquent que le titulaire du permis de conduire n’a été présent sur le territoire de cet État que durant une période très brève et a établi une résidence purement fictive sur le territoire de celui-ci, dans le seul but d’échapper à l’application de conditions plus strictes prévues pour la délivrance d’un permis de conduire dans son État membre de résidence réelle.

76

Il convient toutefois de souligner que, étant inhérent à l’exercice de son droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres qui est conféré aux citoyens de l’Union par l’article 21, paragraphe 1, TFUE et reconnu par les directives 91/439 et 2006/126, le fait que le titulaire d’un permis de conduire ait établi sa résidence dans un État membre donné dans le but de bénéficier d’une législation moins contraignante en ce qui concerne les conditions de délivrance du permis de conduire (voir, par analogie, arrêt du 9 mars 1999, Centros, C-212/97, Rec. p. I-1459, point 27) ne permet pas, à lui seul, d’établir le non-respect de la condition de résidence normale telle que prévue respectivement aux articles 7, paragraphe 1, sous b), et 7, paragraphe 1, sous e), desdites directives justifiant le refus par un État membre de reconnaître le permis de conduire délivré dans un autre État membre.

77

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions que les dispositions combinées des articles 1er, paragraphe 2, et 8, paragraphes 2 et 4, de la directive 91/439 ainsi que celles des articles 2, paragraphe 1, et 11, paragraphe 4, de la directive 2006/126 doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à la réglementation d’un État membre d’accueil qui permet à celui-ci de refuser de reconnaître, sur son territoire, le permis de conduire délivré dans un autre État membre dans le cas où il est établi, sur la base d’informations incontestables, émanant de l’État membre de délivrance, que le titulaire du permis de conduire ne remplissait pas la condition de résidence normale prévue aux articles 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 91/439 et 7, paragraphe 1, sous e), de la directive 2006/126 lors de la délivrance de ce permis. À cet égard, la circonstance que ces informations sont transmises par l’État membre de délivrance aux autorités compétentes de l’État membre d’accueil non pas directement, mais uniquement de manière indirecte, sous la forme d’une communication effectuée par des tiers, n’est pas, en soi, de nature à exclure que ces informations puissent être considérées comme émanant de l’État membre de délivrance, pour autant qu’elles proviennent d’une autorité de ce dernier État membre. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si les informations obtenues dans des circonstances telles que celles du litige au principal peuvent être qualifiées d’informations émanant de l’État membre de délivrance ainsi que, le cas échéant, d’évaluer lesdites informations et d’apprécier, en tenant compte de toutes les circonstances du litige dont elle est saisie, si elles constituent des informations incontestables, attestant que le titulaire du permis n’avait pas sa résidence normale sur le territoire de ce dernier État lors de la délivrance de son permis de conduire.

Sur les dépens

78

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

 

1)

Les dispositions combinées des articles 1er, paragraphe 2, et 8, paragraphes 2 et 4, de la directive 91/439/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au permis de conduire, ainsi que celles des articles 2, paragraphe 1, et 11, paragraphe 4, de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, relative au permis de conduire, doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à la réglementation d’un État membre d’accueil qui permet à celui-ci de refuser de reconnaître, sur son territoire, un permis de conduire délivré par un autre État membre lorsque le titulaire de ce permis n’a fait l’objet, de la part de cet État membre d’accueil, d’aucune mesure au sens desdits articles 8, paragraphe 4, de la directive 91/439 ou 11, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2006/126, mais s’est vu refuser, dans ce dernier État, la délivrance d’un premier permis de conduire au motif qu’il ne remplissait pas, selon la réglementation de cet État, les conditions d’aptitude physique et mentale à la conduite d’un véhicule à moteur en toute sécurité.

 

2)

Lesdites dispositions combinées doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à la réglementation d’un État membre d’accueil qui permet à celui-ci de refuser de reconnaître, sur son territoire, le permis de conduire délivré dans un autre État membre dans le cas où il est établi, sur la base d’informations incontestables, émanant de l’État membre de délivrance, que le titulaire du permis de conduire ne remplissait pas la condition de résidence normale prévue aux articles 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 91/439 et 7, paragraphe 1, sous e), de la directive 2006/126 lors de la délivrance de ce permis. À cet égard, la circonstance que ces informations sont transmises par l’État membre de délivrance aux autorités compétentes de l’État membre d’accueil non pas directement, mais uniquement de manière indirecte, sous la forme d’une communication effectuée par des tiers, n’est pas, en soi, de nature à exclure que ces informations puissent être considérées comme émanant de l’État membre de délivrance, pour autant qu’elles proviennent d’une autorité de ce dernier État membre.

Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si les informations obtenues dans des circonstances telles que celles du litige au principal peuvent être qualifiées d’informations émanant de l’État membre de délivrance ainsi que, le cas échéant, d’évaluer lesdites informations et d’apprécier, en tenant compte de toutes les circonstances du litige dont elle est saisie, si elles constituent des informations incontestables, attestant que le titulaire du permis n’avait pas sa résidence normale sur le territoire de ce dernier État lors de la délivrance de son permis de conduire.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.

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