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Document 62010CJ0085

    Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 10 mars 2011.
    Telefónica Móviles España SA contre Administración del Estado et Secretaría de Estado de Telecomunicaciones.
    Demande de décision préjudicielle: Tribunal Supremo - Espagne.
    Services de télécommunications - Directive 97/13/CE - Autorisations générales et licences individuelles - Taxes et redevances applicables aux entreprises titulaires de licences individuelles - Article 11, paragraphe 2 - Interprétation - Législation nationale ne prévoyant pas d’affectation spéciale pour une taxe - Augmentation de la taxe pour les systèmes numériques, sans la modifier pour les systèmes analogiques de première génération - Compatibilité.
    Affaire C-85/10.

    Recueil de jurisprudence 2011 I-01575

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2011:141

    Affaire C-85/10

    Telefónica Móviles España SA

    contre

    Administración del Estado
    et
    Secretaría de Estado de Telecomunicaciones

    (demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunal Supremo)

    «Services de télécommunications — Directive 97/13/CE — Autorisations générales et licences individuelles — Taxes et redevances applicables aux entreprises titulaires de licences individuelles — Article 11, paragraphe 2 — Interprétation — Législation nationale ne prévoyant pas d’affectation spéciale pour une taxe — Augmentation de la taxe pour les systèmes numériques, sans la modifier pour les systèmes analogiques de première génération — Compatibilité»

    Sommaire de l'arrêt

    Rapprochement des législations — Secteur des télécommunications — Cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles — Directive 97/13 — Taxes et redevances applicables aux entreprises titulaires de licences individuelles — Utilisation optimale de ressources rares — Imposition aux titulaires de licences individuelles d'une redevance pour l'utilisation de radiofréquences

    (Directive du Parlement européen et du Conseil 97/13, art. 11, § 2)

    Les exigences, prévues à l’article 11, paragraphe 2, de la directive 97/13, relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services de télécommunications, selon lesquelles une redevance imposée aux opérateurs de services de télécommunications pour l’utilisation de ressources rares doit poursuivre le but d’assurer une utilisation optimale de telles ressources et tenir compte de la nécessité de promouvoir le développement des services innovateurs et de la concurrence, doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui prévoit l’imposition d’une redevance aux opérateurs de services de télécommunications titulaires de licences individuelles pour l’utilisation de radiofréquences, sans prescrire une affectation spécifique des recettes obtenues au titre de cette redevance, et qui augmente de manière significative le montant de celle-ci pour une technologie déterminée sans le modifier pour une autre.

    A cet égard, il ne ressort d’aucun élément de la directive 97/13 que lesdites exigences impliqueraient qu'une telle redevance soit affectée à une finalité particulière ou qu’un usage particulier doive être fait, a posteriori, du produit de celle-ci par l'État membre concerné. Il en résulte que celui-ci peut librement utiliser ce produit.

    En outre, lesdites exigences ne sauraient s’opposer à ce que les États membres établissent, lors de la détermination du montant de cette redevance, une distinction, même significative, entre, d’une part, la technologie numérique ou analogique utilisée et, d’autre part, à l’intérieur de chaque technologie, les différentes utilisations qui en sont faites, pour autant que l’égalité des chances entre les différents opérateurs économiques est assurée.

    Au surplus, ces exigences ne sauraient, en principe, non plus faire obstacle à ce que les États membres puissent augmenter, même de manière significative, le montant exigible de ladite redevance pour une technologie déterminée en fonction des évolutions à la fois technologiques et économiques, qui s’opèrent sur le marché des services de télécommunications, sans le modifier pour une autre technologie pour autant que les différents montants imposés reflètent les valeurs économiques respectives des utilisations faites de la ressource rare.

    Enfin, le seul fait qu’une augmentation du montant de la redevance soit substantielle, n’entraîne pas, par lui-même, une incompatibilité avec le but que doit, aux termes de l’article 11, paragraphe 2, de la directive 97/13, poursuivre une redevance pour l’utilisation de ressources rares, pour autant que les exigences découlant de ce but sont respectées, à savoir que le montant de cette redevance n’est ni excessif ni sous-évalué.

    (cf. points 32, 34-36, 40 et disp.)







    ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

    10 mars 2011 (*)

    «Services de télécommunications – Directive 97/13/CE – Autorisations générales et licences individuelles – Taxes et redevances applicables aux entreprises titulaires de licences individuelles – Article 11, paragraphe 2 – Interprétation – Législation nationale ne prévoyant pas d’affectation spéciale pour une taxe – Augmentation de la taxe pour les systèmes numériques, sans la modifier pour les systèmes analogiques de première génération – Compatibilité»

    Dans l’affaire C‑85/10,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Supremo (Espagne), par décision du 19 janvier 2010, parvenue à la Cour le 12 février 2010, dans la procédure

    Telefónica Móviles España SA

    contre

    Administración del Estado,

    Secretaría de Estado de Telecomunicaciones,

    LA COUR (troisième chambre),

    composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, MM. D. Šváby, E. Juhász, G. Arestis et T. von Danwitz (rapporteur), juges,

    avocat général: M. N. Jääskinen,

    greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 janvier 2011,

    considérant les observations présentées:

    –        pour Telefónica Móviles España SA, par Me M. Lanchares Perlado, Procurador, assisté de Mes J. García Muñoz et A. Moreno Rebollo, abogados,

    –        pour le gouvernement espagnol, par M. J. M. Rodríguez Cárcamo, en qualité d’agent,

    –        pour la Commission européenne, par Mmes L. Lozano Palacios et C. Vrignon ainsi que par M. G. Braun, en qualité d’agents,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 11, paragraphe 2, de la directive 97/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 avril 1997, relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services de télécommunications (JO L 117, p. 15).

    2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Telefónica Móviles España SA (ci-après «Telefónica Móviles») à l’Administración del Estado et à la Secretaría de Estado de Telecomunicaciones au sujet d’un avis de mise en recouvrement, relatif à la période du 1er novembre au 31 décembre 2001, concernant le paiement d’une taxe de réservation du domaine public radioélectrique nécessaire à la prestation des services de télécommunications.

     Le cadre juridique

     La réglementation de l’Union

     La directive 97/13

    3        Il ressort du premier considérant de la directive 97/13 que celle-ci envisage la «libéralisation totale des services et infrastructures de télécommunications d’ici au 1er janvier 1998, avec des périodes de transition pour certains États membres».

    4        En vertu du troisième considérant de cette directive, «il convient d’établir un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles octroyées par les États membres dans le domaine des services de télécommunications».

    5        Selon le quatrième considérant de la directive 97/13, «il est nécessaire que des conditions soient attachées aux autorisations afin d’atteindre des objectifs d’intérêt public au bénéfice des utilisateurs des télécommunications». De plus, d’après ce considérant, le régime réglementaire dans le secteur des télécommunications «devrait tenir compte de la nécessité de faciliter l’introduction de nouveaux services ainsi que l’application généralisée des progrès techniques».

    6        Le cinquième considérant de ladite directive énonce que celle-ci «apportera, en conséquence, une contribution significative à l’entrée de nouveaux opérateurs sur le marché, dans le cadre du développement de la société de l’information».

    7        Le douzième considérant de la directive 97/13 prévoit que «toute taxe ou redevance imposée aux entreprises dans le cadre des procédures d’autorisation doit être fondée sur des critères objectifs, non discriminatoires et transparents».

    8        S’agissant de la limitation du nombre de licences individuelles, l’article 10, paragraphe 1, de cette directive dispose:

    «Les États membres ne peuvent limiter le nombre de licences individuelles pour une catégorie de services de télécommunications, quelle qu’elle soit, et pour l’établissement et/ou l’exploitation des infrastructures de télécommunications, que dans la mesure nécessaire pour garantir l’utilisation efficace du spectre des radiofréquences ou durant le temps nécessaire pour permettre l’attribution de numéros en nombre suffisant, conformément au droit communautaire.»

    9        Quant aux taxes et redevances applicables aux licences individuelles, l’article 11 de la directive 97/13 prévoit:

    «1.      Les États membres veillent à ce que les taxes imposées aux entreprises au titre des procédures d’autorisation aient uniquement pour objet de couvrir les frais administratifs afférents à la délivrance, à la gestion, au contrôle et à l’application des licences individuelles applicables. Les taxes applicables à une licence individuelle sont proportionnelles au volume de travail requis et sont publiées d’une manière appropriée et suffisamment détaillée pour que les informations soient facilement accessibles.

    2.      Nonobstant le paragraphe 1, dans le cas de ressources rares, les États membres peuvent autoriser leurs autorités réglementaires nationales à imposer des redevances afin de tenir compte de la nécessité d’assurer une utilisation optimale de cette ressource. Ces redevances sont non discriminatoires et tiennent compte notamment de la nécessité de promouvoir le développement de services innovateurs et de la concurrence.»

     La directive 2002/20/CE

    10      La directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive «autorisation») (JO L 108, p. 21), énonce à son trente-deuxième considérant:

    «Outre les taxes administratives, des redevances peuvent être prélevées pour l’utilisation des radiofréquences et des numéros, afin de garantir une exploitation optimale des ressources. Ces redevances ne devraient pas empêcher le développement de services novateurs ni la concurrence sur le marché. La présente directive ne préjuge pas du but dans lequel des redevances sont perçues pour les droits d’utilisation. Ces redevances peuvent, par exemple, servir à financer les activités des autorités réglementaires nationales qui ne peuvent être couvertes par des taxes administratives. [...]»

     La réglementation nationale

    11      Quant à la taxe de réservation de fréquence du domaine public radioélectrique, l’article 73 de la loi générale 11/1998, relative aux télécommunications (Ley 11/1998 General de Telecomunicaciones), du 24 avril 1998 (BOE n° 99, du 25 avril 1998, p. 13909, ci-après la «loi 11/1998»), dans sa version originale, établissait:

    «1.      La réservation d’une fréquence du domaine public radioélectrique en faveur d’une ou de plusieurs personnes ou entités est soumise à la perception d’une taxe annuelle conformément aux conditions établies dans le présent article. Le montant de cette taxe sera affecté au financement de la recherche et de la formation dans le secteur des télécommunications, ainsi que de la mise en œuvre des obligations de service public prévues aux articles 40 et 42 de la présente loi.

    Pour établir le montant de la taxe dont doivent s’acquitter les assujettis à son paiement, il convient de tenir compte de la valeur de marché de l’utilisation de la fréquence réservée et du rendement que pourrait en obtenir le bénéficiaire.

    Afin de déterminer ladite valeur de marché et l’éventuel rendement obtenu par le bénéficiaire de la réservation de fréquence, il y a lieu de prendre en considération, notamment, les paramètres suivants:

    1°      le degré d’utilisation et d’encombrement des différentes bandes de fréquences, selon les différentes zones géographiques;

    2°      le type de service pour lequel la fréquence est réservée et, en particulier, s’il entraîne des obligations de service public établies au Titre III;

    3°      la bande ou sous-bande réservée du spectre;

    4°      le matériel et la technologie utilisés;

    5°      la valeur économique découlant de l’utilisation ou de l’exploitation du domaine public réservé.

    2.      Le montant de la taxe à acquitter est calculé en multipliant la quantité d’unités de réserve radioélectrique [ci-après les «URR»] du domaine public réservé par la valeur attribuée à l’unité. Dans les territoires insulaires, la superficie à appliquer pour le calcul des unités radioélectriques utilisées pour déterminer la taxe correspondante est déterminée en excluant la couverture non sollicitée qui s’étend sur la zone maritime. Aux fins des dispositions contenues dans le présent paragraphe, on entend par [URR] un étalon de mesure conventionnel, correspondant à l’occupation réelle ou potentielle, pendant une période d’un an, d’une largeur de bande d’un kilohertz sur un territoire d’un kilomètre carré.

    3.      La valeur des paramètres précités est déterminée par l’arrêté ministériel visé à l’article 16, sauf lorsque le nombre de licences est limité, conformément aux dispositions des articles 20 et 21. Dans ce cas, la détermination est effectuée par l’arrêté ministériel approuvant le cahier des charges de l’appel d’offres correspondant.

    [...]

    8.      Le montant de la taxe faisant l’objet du présent article est destiné à couvrir les frais occasionnés par l’application du régime de licences prévu dans la présente loi lorsque les taxes et redevances visées aux articles 71, 72 et 74 sont insuffisantes.»

    12      Conformément à l’article 73, paragraphe 3, de la loi 11/1998, l’arrêté du ministre du Développement du territoire du 22 septembre 1998, qui établit le régime applicable aux licences individuelles pour les services et les réseaux de télécommunications ainsi que les conditions à remplir par leurs titulaires, a défini, à son annexe II, les cinq paramètres qui composent la taxe, prévus à l’article 73, paragraphe 1, de cette loi, respectivement dénommés coefficients C1 à C5, en leur attribuant une valeur. L’URR a ainsi été fixée à un montant de 0,0544 ESP, équivalant à 0,000327 euro.

    13      L’article 73 de la loi 11/1998 a été modifié par l’article 14 de la loi 14/2000, portant mesures fiscales, administratives et de nature sociale (Ley 14/2000 de Medidas fiscales, administrativas y del orden social), du 29 décembre 2000 (BOE n° 313, du 30 décembre 2000, p. 46631), entre autres, par la suppression de la seconde phrase du paragraphe 1, premier alinéa, ainsi que du paragraphe 8. De plus, le paragraphe 3 de cet article a été modifié en confiant à la loi de finances le soin de procéder à la détermination de la valeur des cinq paramètres qui composent la taxe.

    14      Conformément à cette dernière disposition, l’article 66 de la loi 13/2000, portant loi de finances pour l’année 2001 (Ley 13/2000 de Presupuestos Generales del Estado para el año 2001), du 28 décembre 2000 (BOE n° 312, du 29 décembre 2000, p. 46513), a fixé la valeur de ces paramètres pour l’année 2001. Le montant en découlant, dû pour l’utilisation du spectre par les systèmes de téléphonie numérique de deuxième génération (GSM et DCS-1800), a été augmenté pour l’année 2001 par rapport au niveau atteint pendant l’année 2000 tandis que celui concernant l’utilisation du spectre par des technologies analogiques n’a pas été changé.

     Le litige au principal et les questions préjudicielles

    15      Telefónica Móviles fournit, sur le marché espagnol, des services de télécommunications. Au cours de l’année 1998, elle a conclu un contrat de gestion de services publics avec l’État espagnol, qui avait pour objet la fourniture du «service de télécommunications à valeur ajoutée» pour des communications mobiles personnelles du type DCS-1800 sur la totalité du territoire national.

    16      Telefónica Móviles s’est vu attribuer la concession du domaine public radioélectrique nécessaire à la prestation dudit service et il a été convenu que la redevance applicable serait le produit du nombre d’URR par le prix de l’unité en vigueur au moment du paiement.

    17      Après avoir introduit une réclamation contre un avis de mise en recouvrement concernant la période du 1er novembre au 31 décembre 2001, qui a été rejetée par l’organisme administratif compétent, Telefónica Móviles a formé un recours contentieux administratif qui a également été rejeté. Soutenant que la réglementation espagnole, applicable au cours de la période pertinente, était contraire à l’article 11 de la directive 97/13, elle a introduit un pourvoi en cassation devant la juridiction de renvoi.

    18      Estimant que la résolution du litige dont il est saisi dépend de l’interprétation de la directive 97/13, le Tribunal Supremo a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1)      L’article 11, paragraphe 2, de la directive [97/13] et, en particulier, l’exigence d’assurer une utilisation optimale des ressources rares et de promouvoir des services innovateurs doivent-ils être interprétés comme s’opposant à une réglementation nationale qui dissocie une redevance perçue sur ce type de ressources (la taxe de réservation de fréquence du domaine public radioélectrique) de la finalité spécifique à laquelle elle était auparavant expressément affectée (le financement de la recherche et de la formation en matière de télécommunications ainsi que la mise en œuvre des obligations de service public), sans l’affecter à une autre finalité?

    2)      L’article 11, paragraphe 2, [de la directive 97/13] et, en particulier, l’exigence d’assurer une utilisation optimale des ressources rares et de promouvoir des services innovateurs s’opposent-ils à une réglementation nationale qui augmente, sans justification apparente et de façon notable, le montant de la taxe pour un système numérique DCS-1800, sans le modifier pour les systèmes analogiques de première génération comme le système TACS?»

     Sur les questions préjudicielles

    19      Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi vise à savoir si les exigences, prévues à l’article 11, paragraphe 2, de la directive 97/13, selon lesquelles une redevance imposée aux opérateurs de services de télécommunications pour l’utilisation de ressources rares doit poursuivre le but d’assurer une utilisation optimale de telles ressources et tenir compte de la nécessité de promouvoir le développement des services innovateurs et de la concurrence, doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale qui prévoit l’imposition d’une redevance aux opérateurs de services de télécommunications titulaires de licences individuelles pour l’utilisation de radiofréquences, sans prévoir une affectation spécifique des recettes obtenues au titre de cette redevance, et qui augmente de manière significative le montant de celle-ci pour une technologie déterminée sans le modifier pour une autre.

    20      La directive 97/13 fait, comme il ressort des premier, troisième, quatrième et cinquième considérants de celle-ci, partie des mesures prises pour la libéralisation totale des services et des infrastructures de télécommunications. Elle a établi, à cette fin, un cadre commun applicable aux régimes d’autorisations destiné à faciliter de manière significative l’entrée de nouveaux opérateurs sur le marché. Ce cadre prévoit, d’une part, des règles relatives aux procédures d’octroi des autorisations et au contenu de celles-ci et, d’autre part, des règles relatives à la nature, voire à l’ampleur, des charges pécuniaires, liées auxdites procédures, que les États membres peuvent imposer aux entreprises dans le secteur des services de télécommunications (arrêt du 18 septembre 2003, Albacom et Infostrada, C‑292/01 et C‑293/01, Rec. p. I‑9449, points 35 et 36).

    21      Le cadre commun, que la directive 97/13 vise à mettre en place, serait privé d’effet utile si les États membres étaient libres de déterminer les charges fiscales que doivent supporter les entreprises du secteur (arrêt Albacom et Infostrada, précité, point 38). Ainsi, les États membres ne peuvent percevoir d’autres taxes ou redevances au titre des procédures d’autorisation que celles prévues par la directive 97/13 (arrêt du 18 juillet 2006, Nuova società di telecomunicazioni, C‑339/04, Rec. p. I‑6917, point 35).

    22      Ces charges doivent, ainsi qu’il est précisé au douzième considérant de la directive 97/13, être fondées sur des critères objectifs, non discriminatoires et transparents. Par ailleurs, elles ne doivent pas être de nature à contrarier l’objectif de libéralisation totale du marché impliquant une ouverture complète de celui-ci à la concurrence (arrêt Albacom et Infostrada, précité, point 37).

    23      S’agissant, plus particulièrement, des taxes imposées par les États membres aux entreprises titulaires de licences individuelles au titre de l’article 11 de la directive 97/13, le paragraphe 1 de cet article prévoit que ces taxes ont uniquement pour objet de couvrir les frais administratifs liés au travail généré par la mise en œuvre desdites licences (arrêt du 19 septembre 2006, i-21 Germany et Arcor, C‑392/04 et C‑422/04, Rec. p. I‑8559, point 28).

    24      En cas d’utilisation de ressources rares, le paragraphe 2 dudit article autorise les États membres à fixer, en sus des redevances visant à couvrir les frais administratifs, une redevance supplémentaire ayant pour but d’assurer une utilisation optimale de telles ressources (voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2005, ISIS Multimedia Net et Firma O2, C‑327/03 et C‑328/03, Rec. p. I‑8877, point 23). En outre, cette dernière redevance doit, selon les termes de cette disposition, être non discriminatoire et tenir compte de la nécessité de promouvoir le développement de services innovateurs et de la concurrence.

    25      L’article 11, paragraphe 2, de la directive 97/13 fixe ainsi les exigences que doivent respecter les États membres lors de la détermination du montant d’une redevance pour l’utilisation d’une ressource rare, sans pour autant expressément prévoir un mode concret de détermination du montant d’une telle redevance ou un usage devant être fait, a posteriori, du produit de celle-ci.

    26      Dès lors, il convient d’examiner si les exigences que prévoit l’article 11, paragraphe 2, de la directive 97/13, visées par les questions préjudicielles, préjugent l’usage que peuvent faire les États membres des recettes obtenues au titre de la redevance en cause ou encore les montants déterminés à l’égard des différentes technologies.

    27      Ainsi qu’il ressort des observations écrites de la Commission européenne, l’autorisation d’utiliser un bien public qui constitue une ressource rare permet au titulaire de celle-ci de réaliser d’importants bénéfices économiques et lui confère des avantages par rapport à d’autres opérateurs souhaitant également utiliser et exploiter cette ressource, ce qui justifie l’imposition d’une redevance reflétant notamment la valeur de l’utilisation de la ressource rare en cause.

    28      Dans ces conditions, ainsi que l’ont soulevé le gouvernement espagnol et la Commission, le but d’assurer que les opérateurs utilisent de manière optimale les ressources rares auxquelles ils ont accès implique que le montant de cette redevance soit fixé à un niveau adéquat reflétant notamment la valeur de l’utilisation de ces ressources, ce qui exige une prise en considération de la situation économique et technologique du marché concerné.

    29      En effet, un niveau excessif du montant de ladite redevance est susceptible de décourager l’utilisation des ressources rares en cause et ainsi de déboucher sur une sous-utilisation de celles-ci. De même, un niveau sous-évaluant le montant de la redevance risque de nuire à l’efficacité de l’utilisation de ces ressources.

    30      S’agissant de l’exigence de prise en compte de la nécessité de promouvoir le développement de services innovateurs et de la concurrence, celle-ci implique que le montant de la redevance ne saurait avoir pour effet d’entraver l’accès de nouveaux opérateurs au marché ou de réduire la capacité d’innovation des opérateurs de services de télécommunications (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C‑431/07 P, Rec. p. I‑2665, point 125). Elle implique, en outre, que la concurrence ne soit pas faussée, ce qui ne peut être garanti que si l’égalité des chances entre les différents opérateurs économiques est assurée (voir, en ce sens, arrêt ISIS Multimedia Net et Firma O2, précité, points 38 et 39).

    31      Les États membres ne sauraient, ainsi, en principe, appliquer des redevances différentes à des opérateurs concurrents pour l’utilisation de ressources rares dont les valeurs apparaissent équivalentes en termes économiques (voir, en ce sens, arrêt ISIS Multimedia Net et Firma O2, précité, points 40 et 41).

    32      Cependant, il ne ressort d’aucun élément de la directive 97/13, visant l’introduction de la pleine concurrence sur le marché des services de télécommunications, que les exigences, prévues à l’article 11, paragraphe 2, de la directive 97/13, visées par les questions préjudicielles, impliqueraient que la redevance en cause soit affectée à une finalité particulière ou qu’un usage particulier doive être fait, a posteriori, du produit de celle-ci par l’État membre concerné. Il en résulte que celui-ci peut librement utiliser ce produit.

    33      Ce constat est, d’ailleurs, corroboré par la directive «autorisation», même si elle est inapplicable ratione temporis à l’affaire au principal, dont le trente-deuxième considérant énonce que les États membres peuvent prélever des redevances pour l’utilisation des radiofréquences et des numéros, afin de garantir une exploitation optimale des ressources, sans que cette directive préjuge le but dans lequel des redevances sont perçues pour les droits d’utilisation.

    34      En outre, les exigences selon lesquelles une redevance imposée aux opérateurs de services de télécommunications pour l’utilisation de ressources rares doit poursuivre le but d’assurer une utilisation optimale de telles ressources et tenir compte de la nécessité de promouvoir le développement des services innovateurs et de la concurrence ne sauraient, eu égard à ce qui précède, s’opposer à ce que les États membres établissent, lors de la détermination du montant de cette redevance, une distinction, même significative, entre, d’une part, la technologie numérique ou analogique utilisée et, d’autre part, à l’intérieur de chaque technologie, les différentes utilisations qui en sont faites, pour autant que l’égalité des chances entre les différents opérateurs économiques est assurée.

    35      Au surplus, ces exigences ne sauraient, en principe, non plus faire obstacle à ce que les États membres puissent augmenter, même de manière significative, le montant exigible de ladite redevance pour une technologie déterminée en fonction des évolutions à la fois technologiques et économiques, qui s’opèrent sur le marché des services de télécommunications, sans le modifier pour une autre technologie pour autant que les différents montants imposés reflètent les valeurs économiques respectives des utilisations faites de la ressource rare en cause.

    36      Enfin, le seul fait qu’une telle augmentation du montant de la redevance soit substantielle, ce qui, en l’occurrence, est incontesté entre les parties ayant soumis des observations écrites à la Cour, n’entraîne pas, par lui-même, une incompatibilité avec le but que doit, aux termes de l’article 11, paragraphe 2, de la directive 97/13, poursuivre une redevance pour l’utilisation de ressources rares, pour autant que les exigences découlant de ce but sont respectées, à savoir que le montant de cette redevance n’est ni excessif ni sous-évalué.

    37      Cependant, il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, le cas échéant, si la réglementation nationale en cause au principal répond aux conditions énoncées aux points 34 à 36 du présent arrêt.

    38      Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que les exigences, prévues à l’article 11, paragraphe 2, de la directive 97/13, visées par les questions préjudicielles, influent certes sur le niveau d’une telle redevance, mais n’imposent pas aux États membres d’affecter cette redevance à une finalité particulière ni d’utiliser le produit de celle-ci d’une manière déterminée.

    39      Le fait qu’un État membre ait antérieurement prévu, dans sa législation, une affectation de la redevance perçue pour l’utilisation de ressources rares au financement de la recherche et de la formation dans le secteur des télécommunications, comme à l’article 73, paragraphe 1, premier alinéa, seconde phrase, de la loi 11/1998, dans sa version originale, ne saurait avoir d’incidence sur l’interprétation de la directive 97/13 et ne remet ainsi pas en cause l’appréciation qui précède.

    40      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que les exigences, prévues à l’article 11, paragraphe 2, de la directive 97/13, selon lesquelles une redevance imposée aux opérateurs de services de télécommunications pour l’utilisation de ressources rares doit poursuivre le but d’assurer une utilisation optimale de telles ressources et tenir compte de la nécessité de promouvoir le développement des services innovateurs et de la concurrence, doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui prévoit l’imposition d’une redevance aux opérateurs de services de télécommunications titulaires de licences individuelles pour l’utilisation de radiofréquences, sans prescrire une affectation spécifique des recettes obtenues au titre de cette redevance, et qui augmente de manière significative le montant de celle-ci pour une technologie déterminée sans le modifier pour une autre.

     Sur les dépens

    41      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

    Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

    Les exigences, prévues à l’article 11, paragraphe 2, de la directive 97/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 avril 1997, relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services de télécommunications, selon lesquelles une redevance imposée aux opérateurs de services de télécommunications pour l’utilisation de ressources rares doit poursuivre le but d’assurer une utilisation optimale de telles ressources et tenir compte de la nécessité de promouvoir le développement des services innovateurs et de la concurrence, doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui prévoit l’imposition d’une redevance aux opérateurs de services de télécommunications titulaires de licences individuelles pour l’utilisation de radiofréquences, sans prescrire une affectation spécifique des recettes obtenues au titre de cette redevance, et qui augmente de manière significative le montant de celle-ci pour une technologie déterminée sans le modifier pour une autre.

    Signatures


    * Langue de procédure: l’espagnol.

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