Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62010CC0371

    Conclusions de l'avocat général Kokott présentées le 8 septembre 2011.
    National Grid Indus BV contre Inspecteur van de Belastingdienst Rijnmond/kantoor Rotterdam.
    Demande de décision préjudicielle: Gerechtshof Amsterdam - Pays-Bas.
    Transfert du siège de direction effective d’une société dans un État membre autre que celui de sa constitution - Liberté d’établissement - Article 49 TFUE - Imposition sur les plus-values latentes afférentes aux actifs d’une société procédant à un transfert de siège entre États membres - Détermination du montant de l’imposition au moment du transfert du siège - Recouvrement immédiat de l’imposition - Proportionnalité.
    Affaire C-371/10.

    Recueil de jurisprudence 2011 -00000

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2011:563

    CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    Mme Juliane Kokott

    présentées le 8 septembre 2011 (1)

    Affaire C‑371/10

    National Grid Indus BV

    contre

    Inspecteur van de Belastingdienst Rijnmond/kantoor Rotterdam

    [demande de décision préjudicielle formée par le Gerechtshof te Amsterdam (Pays-Bas)]

    «Liberté d’établissement – Sociétés – Imposition à la sortie pour les sociétés qui transfèrent leur siège vers un autre État membre – Constatation et imposition de réserves latentes – Gains de change latents»





    I –    Introduction

    1.        Est-il compatible avec la liberté d’établissement d’imposer immédiatement les réserves latentes en cas de transfert du siège de direction effective d’une société d’un État membre vers un autre, alors que le transfert de siège à l’intérieur du territoire national n’est pas soumis à une telle imposition? Le fait que les réserves latentes consistent en des gains de change qui cessent d’être apparents après le transfert de siège, en raison du fait que l’État de destination est également l’État de la devise dans laquelle est libellée la créance affectée au patrimoine de l’entreprise, joue-t-il un rôle à cet égard?

    2.        Ces questions hautement pertinentes pour le marché intérieur, visant la compatibilité avec le droit de l’Union de l’imposition à la sortie des entreprises (2), se posent dans le cadre d’un litige en instance devant le Gerechtshof te Amsterdam (Pays-Bas) et opposant National Grid Indus BV (ci-après «National Grid Indus»), une société de droit néerlandais ayant transféré son siège de direction effective au Royaume-Uni, tout en continuant cependant d’être considérée comme une société de droit néerlandais, et l’administration fiscale néerlandaise. D’un point de vue économique, le litige porte principalement sur une créance d’emprunt, affectée au patrimoine de l’entreprise et libellée en livres sterling, à l’égard d’une autre société du même groupe. À la différence de la situation qui prévalait auparavant aux Pays-Bas, les gains de change antérieurs n’apparaissent plus, au Royaume-Uni, comparativement aux florins néerlandais ou à l’euro. Le droit néerlandais exige de s’acquitter de l’impôt sur les sociétés sur ces gains de change à l’occasion du transfert hors des Pays-Bas.

    3.        La présente affaire offre à la Cour l’occasion de préciser, en considération notamment de ses arrêts Daily Mail and General Trust (3) et Cartesio (4), dans quelle mesure le transfert de siège au-delà des frontières nationales relève de la liberté d’établissement, si tant est que tel puisse être le cas. En outre, il convient de déterminer si la jurisprudence relative à l’imposition à la sortie de personnes physiques, notamment les arrêts de Lasteyrie du Saillant (5) et N (6), est applicable au transfert de société.

    II – Cadre juridique

    4.        Le cadre juridique, dans le droit de l’Union européenne, est déterminé en l’espèce par les dispositions relatives à la liberté d’établissement. Le litige au principal portant sur l’appréciation de la légalité d’un avis d’imposition de 2004 pour l’exercice social 2000/2001, il convient, dans le cadre de la réponse à la demande de décision préjudicielle, de se référer aux dispositions des traités dans la version résultant du traité d’Amsterdam (7) et, notamment, de retenir non pas l’article 49 TFUE, mais l’article 43 CE. Sont également pertinentes certaines dispositions des lois néerlandaises sur l’imposition des sociétés et sur l’impôt sur le revenu, ainsi que celles d’une convention tendant à éviter la double imposition.

    A –    Droit national

    5.        L’article 2, paragraphe 4, de la loi de 1969 relative à l’impôt des sociétés (Wet op de vennootschapsbelasting 1969, ci après la «Wet VPB») établit une fiction concernant le siège d’une société constituée en vertu du droit néerlandais: pour les besoins de cette loi, la société concernée est considérée comme étant résidente aux Pays-Bas. Par conséquent, une société qui transfère son siège de direction effective à l’étranger reste soumise à l’impôt de manière illimitée sur le territoire des Pays-Bas.

    6.        Aux termes de l’article 8 de la Wet VPB, l’article 16 de la loi de 1964 relative à l’impôt sur le revenu (Wet op de inkomstenbelasting 1964, ci-après la «Wet IB») est applicable par analogie au prélèvement de l’impôt des sociétés. Conformément à cet article 16, les gains d’une entreprise, qui n’ont pas encore été comptabilisés, sont ajoutés au bénéfice de l’année civile durant laquelle celui pour le compte duquel l’entreprise est exploitée cesse de tirer de cette entreprise un bénéfice imposable aux Pays-Bas (imposition du décompte final). À cet égard, la date correspondante fait office de date fictive à laquelle les réserves latentes et le fonds de commerce de l’entreprise sont réalisés.

    B –    Convention tendant à éviter la double imposition entre les Pays-Bas et le Royaume-Uni

    7.        Conformément aux articles 93 et 94 de la Constitution néerlandaise, la convention tendant à éviter la double imposition et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, conclue entre le Royaume des Pays-Bas et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (8) (ci-après la «convention»), prime les dispositions de droit national contraires.

    8.        Conformément à l’article 4, paragraphe 3, de la convention, une société qui, comme National Grid Indus, dispose d’un double siège – siège statutaire aux Pays-Bas, siège de direction effective au Royaume-Uni – est réputée n’être résidente que de l’État contractant dans lequel son siège de direction effective est situé. Cet État dispose d’une compétence exclusive au titre de l’article 7, paragraphe 1, de la convention, pour taxer les bénéfices d’entreprise, pour autant que ces derniers ne soient pas imputables à un établissement stable situé dans l’autre État contractant. Selon l’article 13, paragraphe 4, de la convention, ce pouvoir d’imposition inclut également les plus-values (latentes).

    9.        Conformément à la jurisprudence constante du Hoge Raad der Nederlanden, l’application de la convention a eu pour conséquence qu’une société telle que National Grid Indus, qui a transféré son siège de direction effective au Royaume-Uni, a cessé de dégager un bénéfice imposable de son entreprise aux Pays-Bas, de telle sorte que, en application de l’article 8 de la Wet VPB, lu en combinaison avec l’article 16 de la Wet IB, les réserves latentes et le fonds de commerce existant à la date du transfert sont soumis à une imposition du décompte final.

    III – Faits et questions préjudicielles

    10.      National Grid Indus est une société à responsabilité limitée de droit néerlandais constituée le 10 juin 1996, dont le siège statutaire est situé à Rotterdam. Elle fait partie de National Grid Transco Group, un groupe dont le siège de la société mère se trouve au Royaume-Uni et qui possède entre autres des réseaux d’électricité et de gaz au Royaume-Uni ainsi qu’aux États-Unis d’Amérique. La société mère britannique a apporté, le jour de la constitution de National Grid Indus, dans le capital social de cette dernière, une créance d’emprunt interne au groupe de sociétés d’un montant de 33 113 000 GBP contre remise de parts. De son côté, National Grid Indus était censée injecter ce montant dans une entreprise commune pakistanaise pour les besoins d’un projet de travaux d’électricité au Pakistan. Le projet n’a cependant pas été poursuivi et les activités de National Grid Indus sont restées limitées au financement de sociétés du groupe établies en Angleterre.

    11.      Le 15 décembre 2000, National Grid Indus a transféré son siège de direction effective et l’ensemble de ses activités à Londres. Elle a fermé ses bureaux de Rotterdam, remplacé sa direction néerlandaise par trois directeurs anglais, clôturé les comptes en banque néerlandais et ouvert un nouveau compte dans une banque anglaise. Il ressort des constatations de la juridiction de renvoi que National Grid Indus continue d’exister en tant que société de droit néerlandais en vertu tant du droit néerlandais que du droit anglais des sociétés (9). Les autorités fiscales anglaises considèrent que la société réside au Royaume-Uni depuis le 15 décembre 2000, le droit fiscal néerlandais considérant, au contraire, qu’il s’agit là d’un établissement stable au Royaume-Uni, lequel fait partie d’une société néerlandaise.

    12.      Selon les constatations de la juridiction de renvoi, des motifs raisonnables justifiaient le transfert de siège. D’une part, le taux auquel l’impôt sur les sociétés britanniques serait prélevé à l’avenir sur les intérêts d’emprunts perçus par National Grid Indus ne dépasserait plus le taux auquel les sociétés débitrices faisant partie du groupe pourraient déduire ces intérêts. D’autre part, le transfert de siège avait pour effet d’éliminer le risque de change par rapport au florin néerlandais ou à l’euro, étant donné que les bénéfices seraient calculés à l’avenir uniquement en livres sterling. En outre, en raison de l’abandon du projet au Pakistan, il n’existait plus de raison de maintenir d’établissement aux Pays-Bas pour pouvoir profiter d’une convention fiscale entre le Royaume des Pays-Bas et la République islamique du Pakistan.

    13.      Dans la période pendant laquelle National Grid Indus était résidente aux Pays-Bas, elle a dégagé, en ce qui concerne la créance d’emprunt de 33 113 000 GBP, un bénéfice de change latent d’un montant de 22 128 160 NLG (soit 10 041 321 euros) en raison d’augmentations du cours de la livre sterling par rapport au florin néerlandais. Toutefois, jusqu’à son transfert, elle était autorisée à évaluer, dans son bilan fiscal, la créance d’emprunt selon le cours historique, de sorte que le bénéfice de change n’a jusqu’alors pas été soumis à imposition.

    14.      Eu égard au fait que, conformément à la convention, les bénéfices d’entreprise, y compris les plus-values latentes, ne seraient à l’avenir assujettis à l’impôt qu’au Royaume-Uni, l’administration fiscale néerlandaise a saisi l’occasion du transfert de National Grid Indus pour soumettre à l’imposition du décompte final le bénéfice de change latent conformément à l’article 16 de la Wet IB lu en combinaison avec l’article 8 de la Wet VPB. Le montant de l’impôt ainsi fixé est exigible depuis le 27 avril 2004, étant entendu que des intérêts fiscaux ont été calculés à partir du 1er avril 2001, lendemain du dernier exercice social de la société aux Pays-Bas.

    15.      Le Gerechtshof te Amsterdam, qui est appelé à statuer en tant que juridiction d’appel sur le recours de National Grid Indus contre l’avis d’imposition concerné, a des doutes quant à la compatibilité de l’imposition de sortie avec la liberté d’établissement, et a sursis à statuer et déféré à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1)      Si un État membre impose, en raison du transfert du siège social, le décompte final d’une société constituée selon le droit de cet État membre et qui transfère son siège réel de cet État membre vers un autre État membre, cette société peut-elle invoquer, dans l’état actuel du droit communautaire, l’article 43 CE (devenu article 49 TFUE) contre cet État membre?

    2)      S’il est répondu par l’affirmative à la première question: une imposition du décompte final telle que celle en cause, qui impose les plus-values des éléments de patrimoine de la société transférés de l’État membre d’origine vers l’État membre d’accueil, telles qu’elles existaient au moment du transfert du siège, sans suspension et sans qu’il soit possible de tenir compte des moins-values ultérieures, est-elle contraire à l’article 43 CE (devenu article 49 TFUE), en ce sens qu’une telle imposition du décompte final ne peut pas être justifiée par la nécessité de répartir les pouvoirs d’imposition entre les États membres?

    3)      La réponse à la question précédente dépend-elle, notamment, de la circonstance que l’imposition du décompte final en cause concerne un gain (de change) généré dans le cadre de la compétence fiscale néerlandaise, tandis que ce gain ne peut pas être exprimé dans le pays d’accueil selon le régime fiscal qui y est en vigueur?»

    16.      National Grid Indus, les gouvernements néerlandais, danois, allemand, espagnol, français, italien, portugais, finlandais et suédois, ainsi que le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission européenne ont pris part à la procédure devant la Cour.

    IV – Appréciation

    A –    Quant à la première question préjudicielle

    17.      Par sa première question, la juridiction de renvoi souhaite essentiellement savoir si une société peut se prévaloir de la liberté d’établissement garantie par l’article 43 CE (devenu l’article 49 TFUE) à l’encontre de l’État membre selon le droit duquel elle a été constituée, dans l’hypothèse où ledit État membre perçoit l’imposition de décompte final à l’occasion du transfert du siège de direction effective de la société vers un autre État membre, en ce que la société est tenue de s’acquitter de l’impôt sur les sociétés, appliqué aux plus-values résultant des éléments d’actifs transférés, telles que générées jusqu’alors, mais non encore réalisées, sans report ni possibilité de prise en compte de moins-values ultérieures.

    18.      Il est de jurisprudence constante que les dispositions du traité sur la liberté d’établissement s’appliquent également à des mesures prises par l’État d’origine, qui affectent l’établissement, dans un autre État membre, de l’un des ressortissants de l’État d’origine ou de l’une des sociétés constituées selon le droit de ce dernier (10).

    19.      Se référant aux arrêts Daily Mail and General Trust (11) et Cartesio (12), les gouvernements ayant participé à la procédure font toutefois valoir qu’une société qui, comme National Grid Indus, souhaite transférer son siège de direction effective moyennant maintien de son statut, à savoir en gardant sa qualité de société de l’État de constitution, ne peut se prévaloir de la liberté d’établissement à l’égard de ce dernier. Il en irait ainsi également en ce qui concerne des mesures de droit fiscal liées à un transfert de siège, telles que l’imposition de décompte final.

    20.      Il est vrai que la Cour a jugé, dans l’arrêt Daily Mail and General Trust de 1988 que la liberté d’établissement ne confère aucun droit à une société constituée en conformité de la législation d’un État membre et y ayant son siège statutaire de transférer son siège de direction dans un autre État membre (13).

    21.      Dans les motifs de l’arrêt, la Cour a précisé à ce sujet que la liberté d’établissement ne confère aucun droit aux sociétés de droit national de transférer leur siège de direction dans un autre État membre tout en gardant leur qualité de sociétés de l’État membre selon la législation duquel elles ont été constituées (14). En effet, au-delà de l’ordre juridique national, en vertu duquel elles sont créées, les sociétés n’ont pas d’existence (15). Les législations nationales présentent d’importantes disparités concernant le lien de rattachement exigé pour leurs sociétés ainsi que la possibilité, et, le cas échéant, les modalités d’un transfert de siège, statutaire ou réel, d’une société de droit national, d’un État membre à l’autre (16). Au regard du traité CEE, ces disparités sont des problèmes qui ne sont pas résolus par les règles sur le droit d’établissement, mais qui doivent l’être par des travaux législatifs ou conventionnels, lesquels, toutefois, n’ont pas encore abouti (17).

    22.      Dans l’arrêt Cartesio de 2008, la Cour a confirmé que seul le droit national pouvait permettre de répondre à la question de savoir si une société devait effectivement être considérée comme une société relevant du droit de l’État selon la législation duquel elle avait été constituée et si elle était susceptible, à ce titre, de bénéficier du droit d’établissement (18).

    23.      Ainsi, un État membre a la faculté de ne pas permettre à une société relevant de son droit national de conserver cette qualité lorsqu’elle entend se réorganiser dans un autre État membre par le déplacement de son siège (19) sur le territoire de ce dernier, rompant ainsi le lien de rattachement que prévoit le droit national de l’État membre de constitution (20). La Cour a répondu à la question préjudicielle concernée en ce sens que la liberté d’établissement ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre qui empêche une société constituée en vertu du droit national de cet État membre de transférer son siège dans un autre État membre tout en gardant sa qualité de société relevant du droit national de l’État membre selon la législation duquel elle a été constituée.

    24.      Toutefois, en l’espèce, il est d’emblée répondu par l’affirmative à la question de savoir s’il convient de continuer de considérer National Grid Indus comme une société de droit néerlandais, malgré le transfert hors des Pays-Bas. En effet, ainsi qu’il ressort de l’ordonnance de renvoi, et comme l’ont également souligné National Grid Indus et la Commission, le droit néerlandais, à la différence du droit hongrois des sociétés qui sous-tendait l’affaire Cartesio, permet le transfert, dans un autre État membre, du siège social d’une société moyennant maintien par celle-ci de son statut.

    25.      Par conséquent, la société concernée est «vivante» et remplit toutes les conditions prévues dans le droit de l’État selon la législation duquel elle a été constituée pour continuer d’être considérée comme une société relevant du droit national concerné. Ainsi, pourquoi ne devrait-elle pas pouvoir invoquer la liberté d’établissement à l’encontre de son État de constitution?

    26.      Les gouvernements ayant pris part à la procédure renvoient à cet égard à l’arrêt Daily Mail and General Trust, selon lequel ni la possibilité d’un transfert de siège moyennant maintien du statut de société de l’État membre d’origine ni les modalités d’un tel transfert ne relèvent de la liberté d’établissement. Au nombre de ces modalités figureraient également les règles pertinentes de droit fiscal de l’État de sortie, les faits sur lesquels cet arrêt était fondé ayant précisément concerné des aspects de droit fiscal liés au transfert de siège.

    27.      Il est vrai que l’affaire Daily Mail and General Trust portait sur une disposition de la loi britannique relative à l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés, selon laquelle une autorisation du ministère des Finances était nécessaire pour permettre à une société de transférer, à l’étranger, son domicile fiscal, défini comme le siège de direction, tout en conservant sa personnalité juridique et sa qualité de société de droit anglais (21). Une infraction à cette disposition était punie d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende (22). Le transfert de direction, et donc du domicile fiscal, à l’étranger aurait présenté pour la société Daily Mail l’avantage, ce qui était d’ailleurs l’objectif déclaré, de ne plus soumettre à imposition au Royaume-Uni les plus-values des titres qu’elle détenait et qu’elle souhaitait aussitôt vendre. Le ministère des Finances britannique a proposé à Daily Mail d’aliéner une partie importante des titres avant le transfert de siège, ce qui aurait entraîné une obligation d’imposition au Royaume-Uni de la plus-value y afférente. Daily Mail a introduit un recours visant à faire constater que, en raison de la liberté d’établissement, elle ne devait disposer d’aucune autorisation pour transférer son siège (23).

    28.      Les questions préjudicielles posées par la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division, dans l’affaire Daily Mail and General Trust étaient expressément axées sur les aspects fiscaux du transfert de siège. C’est la Cour qui a conféré à la problématique du transfert de siège une dimension plus générale en déduisant de la lecture de la première question que, en substance, celle-ci visait d’abord à savoir si la liberté d’établissement conférait à une société constituée en conformité avec la législation d’un État membre et y ayant son siège statutaire le droit de transférer le siège de direction dans un autre État membre. La Cour ayant réfuté un tel droit, elle n’a pas jugé nécessaire de traiter séparément les aspects de droit fiscal liés au transfert de siège.

    29.      En revanche, l’avocat général Darmon, dans ses conclusions relatives à cette affaire (24), avait plus nettement mis en exergue les aspects de droit fiscal et indiqué qu’il serait paradoxal qu’un État, qui, bien qu’il puisse le faire, n’exige pas la dissolution de la société qui émigre, se trouve placé par le droit communautaire dans une situation fiscale défavorisée, alors justement que sa législation en matière de sociétés se rapproche davantage des objectifs communautaires en matière d’établissement.

    30.      Par conséquent, l’affaire Daily Mail and General Trust fournit effectivement des éléments en faveur de la conception que les gouvernements qui ont pris part à la procédure ont retenue quant à la lecture de l’arrêt rendu dans cette affaire. Toutefois, je considère qu’il convient d’interpréter l’arrêt Daily Mail and General Trust à la lumière de la jurisprudence ultérieure de la Cour et que, indépendamment des faits qui en sont à l’origine et de la formulation large de la réponse aux questions préjudicielles de la High Court, cet arrêt ne saurait être compris en ce sens que la liberté d’établissement ne pose aucune limite au traitement que l’État de constitution d’une société souhaitant émigrer peut appliquer à cette dernière.

    31.      Tout d’abord, il convient de mentionner les arrêts Centros (25), Überseeing (26) et Inspire Art (27), dont il résulte qu’une société valablement constituée dans un État membre, et qui souhaite transférer l’ensemble de ses activités dans un autre État membre, peut invoquer la liberté d’établissement à l’égard de l’État d’accueil. L’émigration en tant que telle n’est donc pas un processus échappant d’emblée à la liberté d’établissement.

    32.      Ensuite, pour ce qui est de l’État de sortie, il est vrai que, dans l’arrêt Cartesio, la Cour n’a pas abordé plus amplement la question visant à déterminer quelles conditions ou conséquences précises un État membre peut, le cas échéant, prévoir dans l’hypothèse d’un transfert de siège moyennant maintien de la qualité de société de droit national.

    33.      Or, il résulte de cet arrêt que, contrairement à ce que pourrait donner à penser le dispositif de large portée de l’arrêt Daily Mail and General Trust, et à la différence de la conception défendue par l’avocat général Darmon dans cette affaire, le domaine d’application de la liberté d’établissement peut bien entrer en ligne de compte, y compris à l’égard de l’État de constitution, dans l’hypothèse où une société souhaite transférer son siège de direction effective dans un autre État membre.

    34.      En effet, la Cour a précisé dans l’arrêt Cartesio qu’une société, qui a l’intention de transférer son siège dans un autre État membre et, corrélativement, de se transformer en une société relevant du droit national de l’État membre dans lequel elle se déplace, peut se prévaloir de la liberté d’établissement à l’égard de l’État de sortie dans l’hypothèse où ce dernier exigerait la dissolution et la liquidation préalables de la société (28). Si, dans un tel cas de transfert de siège auquel est associé, certes, non pas le maintien du statut, mais, néanmoins, la continuité de la société, la liberté d’établissement trouve à s’appliquer, il convient alors d’apprécier également les aspects fiscaux liés au transfert de siège par rapport à une telle liberté.

    35.      Il est donc constant que le transfert de siège à l’étranger n’est pas en tant que tel un processus échappant per se au domaine d’application de la liberté d’établissement. Au contraire, l’État de sortie est en principe tenu, au regard du droit de l’Union, d’autoriser l’émigration de la société constituée en vertu de son droit. Il dispose uniquement du pouvoir de décider s’il autorise la société à conserver, de surcroît, sa qualité de société relevant du droit national dudit État.

    36.      Dans ce contexte, un État membre ne saurait se voir conférer le pouvoir d’organiser les conséquences, au regard du droit fiscal, du transfert de siège auquel il associe de sa propre initiative le maintien du statut de la société, sans que cela soit subordonné au respect de la liberté d’établissement. Le droit de l’Union ne permet pas en effet à un État membre d’interdire l’émigration en tant que telle. La seule circonstance qu’une réglementation nationale admette une émigration à laquelle sont non seulement associés la continuité, mais également le maintien du statut, et qu’elle soit ainsi plus tolérante que le droit de l’Union ne l’exige ne justifie pas que les conséquences supplémentaires que le droit national associe à l’émigration échappent au domaine d’application de la liberté d’établissement. S’il convient d’apprécier, par rapport à la liberté d’établissement, les conséquences, au regard du droit fiscal, d’une émigration qui ne s’accompagne que du maintien de la continuité, il doit alors en aller de même en ce qui concerne l’émigration conservatrice du statut.

    37.      Je propose donc de répondre à la première question préjudicielle qu’une société peut se prévaloir de la liberté d’établissement garantie par l’article 43 CE (devenu l’article 49 TFUE) à l’égard de l’État membre selon le droit duquel elle a été constituée, dans l’hypothèse où ledit État membre perçoit l’imposition de décompte final à l’occasion du transfert du siège de direction effective de la société vers un autre État membre, en ce que la société est tenue de s’acquitter de l’impôt sur les sociétés, appliqué aux plus-values résultant des éléments d’actifs transférés, telles que générées jusqu’alors, mais non encore réalisées, sans report ni possibilité de prise en compte de moins-values ultérieures.

    B –    Quant aux deuxième et troisième questions préjudicielles

    38.      Par ses deuxième et troisième questions, la juridiction de renvoi souhaite savoir si l’article 43 CE (devenu l’article 49 TFUE) s’oppose à une imposition de décompte final de ce type, ou si cette dernière peut notamment être justifiée par la nécessité de répartir de manière équilibrée les pouvoirs d’imposition entre les États membres, et si la circonstance que la présente affaire concerne des gains de change latents qui disparaissent dans l’État de destination revêt une importance à cet égard.

    1.      Quant à l’existence d’une restriction à la liberté d’établissement

    39.      La juridiction de renvoi considère que l’imposition de décompte final constitue une restriction à la liberté d’établissement et se borne donc à interroger la Cour quant à une justification possible. La Commission, qui renvoie à ce sujet à l’arrêt de Lasteyrie du Saillant (29), confirme, elle aussi, que l’on est en présence d’une restriction, tout comme le fait National Grid Indus qui se réfère, au surplus, à l’arrêt N (30).

    40.      Les gouvernements allemand, français, italien et suédois, de même que le gouvernement du Royaume-Uni, défendent, en revanche, la thèse selon laquelle il n’existe pas de restriction à la liberté d’établissement. Les gouvernements se bornent, en partie, à réitérer à ce sujet les arguments fondés sur l’arrêt Daily Mail and General Trust, tels que ceux-ci ont déjà été avancés en relation avec la question relative au domaine d’application de la liberté d’établissement. Ils font cependant également valoir que la situation dans laquelle se trouve une société telle que National Grid Indus n’est pas comparable avec celle d’une société transférant son siège à l’intérieur de l’État membre de constitution. Dans ce cadre, les arguments relatifs à la comparabilité sont présentés du point de vue tant de la discrimination que d’une restriction (d’une autre nature).

    41.      En ce qui concerne les arguments relatifs à la comparabilité, j’estime superflu, dans le cadre de l’examen consistant à savoir si des dispositions nationales de droit fiscal réservant un traitement différent à des situations transfrontalières par rapport à des situations internes sont compatibles avec la liberté d’établissement, de procéder à l’appréciation des mêmes questions sous l’angle, une première fois, de la discrimination et, le cas échéant, une nouvelle fois, sous l’angle d’une restriction (d’une autre nature). Il convient au contraire de s’interroger de manière uniforme sur le point de savoir si le transfert de siège à l’étranger est traité de manière désavantageuse du point de vue fiscal comparativement à un transfert de siège à l’intérieur du territoire national. Si tel est le cas et que, par conséquent, le transfert de siège à l’étranger est, du moins, rendu moins attrayant qu’un transfert à l’intérieur du territoire national, il y a lieu de conclure à l’existence d’une restriction à la liberté d’établissement (31). Il convient cependant de considérer que pareille restriction est justifiée et donc admise pour autant que les situations ne sont pas comparables objectivement ou que la différence de traitement est justifiée par un motif impératif d’intérêt général (32).

    42.      En l’espèce, les Pays-Bas perçoivent une imposition de décompte final à l’occasion du transfert du siège de direction effective d’une société vers un autre État membre. La société est tenue de s’acquitter de l’impôt sur les sociétés appliqué aux plus-values résultant des éléments d’actifs transférés à l’étranger, telles que générées jusqu’alors, mais non encore réalisées, sans report ni possibilité de prise en compte de moins-values ultérieures. En revanche, en cas de transfert de siège à l’intérieur du territoire national, il n’est procédé à aucune imposition du décompte final. Les plus-values ne sont taxées que lorsqu’elles sont réalisées, par exemple par la vente des éléments d’actifs concernés. Pour les transferts de siège à l’étranger, cette différence de traitement crée indéniablement un désavantage qui, d’un point de vue économique, peut même prendre des proportions existentielles. Une imposition de décompte final, telle que celle en cause en l’espèce, est de nature, en raison de son effet dissuasif, à gêner l’exercice du droit d’établissement garanti par le droit de l’Union et constitue donc une restriction à la liberté d’établissement (33).

    2.      Quant à la justification de la restriction

    43.      Les raisons avancées par les gouvernements dans la présente procédure au sujet de l’absence de comparabilité entre transfert de siège à l’étranger et à l’intérieur du territoire national correspondent essentiellement à celles avancées quant à l’existence de motifs impérieux d’intérêt général. Étant donné, de surcroît, qu’il convient, selon la jurisprudence, d’apprécier le caractère comparable compte tenu de l’objectif que poursuit la disposition nationale en cause (34), je me bornerai à examiner ci-après, conformément au but de la question préjudicielle, si la restriction à la liberté d’établissement, que constitue l’imposition de décompte final, est justifiée par un objectif d’intérêt général.

    44.      Pour qu’une restriction à la liberté d’établissement puisse être justifiée par un motif impérieux d’intérêt général, il faut que la mesure concernée soit propre à garantir la réalisation de l’objectif d’intérêt général qu’elle poursuit, et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (35).

    45.      Ainsi que cela ressort de la deuxième question préjudicielle, la juridiction de renvoi fait principalement porter ses considérations quant à l’éventuelle justification de la restriction constatée sur la préservation d’une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres. Il convient donc d’examiner en premier lieu cette justification avant de traiter d’autres justifications que les gouvernements qui ont pris part à la procédure ont avancées.

    a)      Répartition équilibrée du pouvoir d’imposition

    46.      Il est de jurisprudence constante qu’une restriction à l’exercice d’une liberté fondamentale à l’intérieur de l’Union peut être justifiée en vue de la préservation de la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres (36). En l’absence de mesures d’unification ou d’harmonisation au niveau de l’Union, les États membres demeurent compétents pour définir, par voie conventionnelle ou unilatérale, les critères de répartition de leur pouvoir d’imposition (37). À cet égard, il n’est pas déraisonnable pour les États membres de s’inspirer de la pratique internationale et, notamment, des modèles de convention élaborés par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (38).

    i)      Objectif de l’imposition de décompte final et aptitude à atteindre cet objectif

    47.      L’imposition de décompte final est fondée, selon la juridiction de renvoi, sur le principe de territorialité reconnu au niveau international (39), en liaison avec une composante temporelle, et contribue essentiellement à répartir le pouvoir d’imposition. Elle est censée garantir que l’ensemble des bénéfices qu’une société a dégagés au cours de la période pendant laquelle elle a été assujettie à l’impôt aux Pays-Bas est également soumis à imposition dans ce pays. À cette fin, les plus-values latentes générées jusqu’alors sont considérées comme réalisées à la date du transfert. Cette imposition à la valeur du marché n’est du reste pas limitée au cas de transfert de siège et se produirait également en cas de transfert d’éléments particuliers d’actifs vers un établissement stable étranger. Étant donné que, au début de l’assujettissement à l’impôt sur son territoire, l’État d’accueil évalue, en règle générale, les éléments d’actifs et de passifs selon leur valeur économique actuelle («step-up»), les doubles impositions sont évitées et les moins-values ultérieures prises en considération dans l’État d’accueil. Une telle imposition est admise selon les conventions fiscales fondées sur le modèle de l’OCDE.

    48.      Ainsi qu’il ressort de la décision du Conseil du 8 décembre 2008, la combinaison de l’imposition de sortie par l’État de sortie et du «step-up» par l’État de destination constitue une possibilité courante pour garantir que les réserves latentes ne soient imposées qu’une (seule) fois. Pour autant que l’on puisse en juger, ni la convention ni le modèle de convention de l’OCDE ne contient de dispositions expresses pour le cas d’un transfert de siège à l’étranger. Or, la juridiction de renvoi a visé la jurisprudence constante du Hoge Raad der Nederlanden, selon laquelle l’application de la convention à une société de droit néerlandais qui transfère son siège au Royaume-Uni a pour conséquence que cette dernière cesse de générer un bénéfice imposable d’entreprise aux Pays-Bas. Après le transfert, seul le Royaume-Uni dispose du droit d’imposer les bénéfices de l’entreprise, y compris les plus-values latentes. La taxe de sortie a été introduite afin d’éviter que, dans une telle situation, les plus-values latentes générées à l’intérieur du pays n’échappent à l’imposition par les Pays-Bas. Par conséquent, la convention est, semble-t-il, comprise aux Pays-Bas en ce sens que ce pays perd le droit d’imposer les réserves latentes pour l’avenir. Ces dernières sont donc considérées comme étant réalisées à la date du transfert et sont imputées au dernier exercice fiscal national.

    49.      Pour ce qui est du modèle de convention de l’OCDE, on peut de toute façon déduire des explications relatives au modèle de convention que celle-ci ne s’oppose pas à ce que le transfert d’un élément d’actifs d’un établissement national stable vers le siège central ou un établissement stable situés à l’étranger soit considéré comme une aliénation, de sorte que les plus-values latentes générées jusqu’alors font l’objet d’une imposition à l’intérieur de l’État de la source (40).

    50.      Par ailleurs, il convient de mentionner la directive de fusion 2009/133/CE (41), dont l’article 12, paragraphe 1, prévoit que le transfert du siège statutaire d’une société européenne ou d’une société coopérative européenne d’un État membre à un autre État membre n’entraîne pas d’imposition des plus-values latentes résultant des éléments d’actifs qui restent rattachés à un établissement stable dans l’État membre de sortie et qui concourent à la formation des profits ou des pertes pris en compte aux fins de la fiscalité. Comme le font valoir la juridiction de renvoi et différents gouvernements ayant pris part à la procédure, cela amène à retenir l’argument a contrario, selon lequel la directive n’interdit pas l’imposition de sortie des éléments d’actifs transférés à l’étranger. La question de savoir dans quelle mesure une imposition de sortie est effectivement admise dans les cas couverts par la directive doit néanmoins être résolue en définitive en tenant compte du droit primaire et peut rester en suspens en l’espèce. Dans le présent contexte, les dispositions de la directive ne sont pertinentes à cet égard que pour autant qu’elles montrent que le législateur de l’Union procède à une répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres de manière à ce que les plus-values latentes générées dans l’État de sortie puissent être imposées dans ce même État.

    51.      Enfin, il convient de rappeler que, dans l’arrêt N (42), la Cour a reconnu que l’imposition de sortie des personnes physiques, en cause dans cette affaire, était de nature à assurer la préservation de la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres. Selon la réglementation concernée, le montant de l’impôt sur les plus-values latentes résultant d’une participation importante dans une société était fixé au moment de l’émigration du contribuable et le paiement en était suspendu jusqu’à la cession effective. Le fait qu’il s’agisse en l’espèce non pas de personnes physiques, mais de sociétés, et que l’imposition de décompte final doive être immédiatement versée ne joue aucun rôle concernant la question du caractère approprié et n’a de pertinence qu’en ce qui concerne la question du caractère nécessaire.

    52.      Il convient donc de retenir que l’imposition de décompte final est censée préserver une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres et qu’elle est apte à atteindre cet objectif d’intérêt général.

    ii)    Caractère nécessaire

    53.      Il reste à déterminer si l’imposition de décompte final, telle que celle en cause en l’espèce, va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif qu’elle poursuit.

    54.      Il convient ici de distinguer entre l’établissement du montant de la dette fiscale et son recouvrement.

    –       Établissement de l’imposition de décompte final

    55.      L’établissement de l’imposition de décompte final dans le cadre de l’avis d’imposition relatif au dernier exercice fiscal national apparaît en tant que tel comme n’étant pas disproportionné. La fiction utilisée à cette fin, et consistant à considérer que les bénéfices latents sont réalisés à la date du transfert, permet d’établir une distinction relativement rapide entre le niveau d’imposition de l’État de sortie et celui de l’État de destination, sans que cela entraîne de surcharge manifeste pour le contribuable par rapport à un impôt établi ultérieurement (43).

    56.      Il convient également de relever à cet égard que, en ce qui concerne l’établissement de l’impôt à la date de transfert, le transfert de siège à l’étranger n’est pas comparable à un transfert à l’intérieur du territoire national, car, dans ce dernier cas, et à supposer que le territoire fiscal soit uniforme, la souveraineté fiscale de l’État membre concerné demeure inchangée. Étant donné que, dans un tel cas, aucune répartition du pouvoir d’imposition entre différents États n’est nécessaire, il suffit de soumettre à imposition les plus-values latentes uniquement à la date à laquelle elles sont effectivement réalisées.

    –       Recouvrement de la dette fiscale

    57.      Il est considérablement plus difficile d’évaluer si le recouvrement immédiat de la dette fiscale est, lui aussi, compatible avec le principe de proportionnalité.

    58.      Il ressort de l’arrêt N (44) que l’imposition de sortie des personnes physiques détenant une participation substantielle dans une société ne peut être considérée comme étant proportionnée que si le paiement de la dette fiscale a été suspendu jusqu’à la réalisation effective des plus-values latentes, sans que des sûretés soient exigées à cette fin, et qu’il est tenu compte de moins-values ultérieures, non encore prises en considération dans l’État de destination.

    59.      National Grid Indus et la Commission considèrent que cette jurisprudence est en principe applicable à l’imposition de sortie des entreprises. Se référant à sa communication relative à l’imposition à la sortie du 19 décembre 2006 (45), la Commission reconnaît cependant que les États membres sont en droit d’imposer à l’entreprise qui émigre certaines obligations d’information, telles qu’une déclaration annuelle selon laquelle les actifs de l’entreprise sont encore en possession de l’établissement stable situé à l’étranger, accompagnée d’une déclaration émise à la date d’aliénation. La directive 77/799/CEE (46), relative à l’assistance mutuelle, et la directive 76/308/CEE (47), concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement, offrent aux autorités compétentes la possibilité de continuer de surveiller efficacement sur le plan fiscal l’entreprise qui a émigré et de recouvrer en temps utile la créance fiscale.

    60.      Les gouvernements ayant pris part à la procédure considèrent que le déplacement du siège de la société et des actifs de l’entreprise à l’étranger appelle une appréciation différente. Ils considèrent proportionné le recouvrement immédiat de l’impôt sur les plus-values générées à l’intérieur du territoire national, notamment parce qu’un suivi systématique de la destinée ultérieure des éléments d’actifs concernés est sinon impossible, du moins synonyme de dépenses, en tout état de cause, considérables et économiquement insoutenables, tant pour l’entreprise que pour l’administration fiscale. En outre, des moins-values ultérieures seraient prises en compte dans le cadre du «step-up» par l’État de destination.

    61.      Les gouvernements danois, espagnol et finlandais font valoir à cet égard que, à la différence d’une participation détenue par une personne physique dans une société, les actifs d’entreprise sont souvent destinés non pas à être ultérieurement aliénés en dégageant un bénéfice, mais à être utilisés dans le processus de production. Le propre de ces actifs est de voir leur valeur se déprécier et, en définitive, disparaître complètement avec le temps, notamment par l’usure ou le vieillissement ou, pour ce qui est de la propriété intellectuelle, en raison de l’expiration de la période de protection. Il n’est donc pas justifié de tenir compte d’une date ultérieure telle que celle de l’aliénation.

    62.      Dans ce contexte, le gouvernement néerlandais indique que la réalisation des plus-values générées dans l’État de destination et résultant des éléments d’actifs immobilisés peut, en partie, intervenir progressivement, en ce que, dans l’État de destination, ces éléments sont soumis à amortissement annuel sur le fondement de la valeur du marché évaluée dans le bilan d’ouverture. Si les plus-values résultant d’éléments d’actifs circulant sont réalisées régulièrement à la date de leur aliénation, les comptes annuels ne laissent cependant pas apparaître clairement à quelle date les éléments présents au moment du transfert du siège ont effectivement été vendus.

    63.      Les gouvernements néerlandais, allemand et espagnol considèrent que les mécanismes d’assistance administrative et judiciaire existant au niveau du droit de l’Union et des conventions bilatérales n’offrent, par ailleurs, pas de possibilité suffisante de surveiller en permanence la multitude des éléments d’actifs d’une entreprise ni même seulement de contrôler l’exactitude des données communiquées par une entreprise et de faire valoir son droit à impôt en temps utile. Les disparités existant entre les réglementations des différents États membres concernant le calcul des bénéfices et l’établissement du bilan annuel rendent encore plus difficile une telle coopération.

    64.      Le gouvernement italien considère que la jurisprudence de la Cour relative à la taxe de sortie des personnes physiques n’est pas applicable à la taxe de sortie d’entreprises, car les personnes physiques et les entreprises sont assujetties à des réglementations fiscales fondamentalement différentes. Si les personnes physiques ne voient en principe que leur revenu effectif imposé, l’imposition des entreprises intervient sur le fondement du bilan dans lequel les éléments d’actifs et de passifs sont mis en parallèle. Les plus-values d’éléments d’actifs apparaissent en principe immédiatement dans le bilan et sont donc immédiatement imposables en tant que telles. Ce n’est qu’à titre exceptionnel que la valeur initiale de l’élément d’actif peut être inscrite ultérieurement jusqu’à la réalisation des plus-values latentes. La première condition pour ce faire tient au maintien par l’entreprise de son siège à l’intérieur du territoire national et, ainsi, à la poursuite de son assujettissement à l’impôt sur ce territoire.

    65.      Le gouvernement finlandais indique en outre que les personnes morales présentent moins de stabilité sur le plan de leur identité que les personnes physiques. Les fusions, scissions, modifications de la forme juridique, ainsi que la création de filiales et la transmission de domaines d’activités à d’autres sociétés ont pour effet de rendre considérablement plus difficile une surveillance fiscale continue par l’État de sortie.

    66.      Il convient tout d’abord de relever que les arguments développés par les gouvernements ayant pris part à la procédure, et par lesquels ces derniers ont indiqué les difficultés d’un suivi, sont fondés sur une approche généralisatrice selon laquelle les entreprises et, en particulier, les sociétés présentent une situation patrimoniale très complexe. En revanche, le cas d’espèce montre que, indépendamment du fait de savoir si elles sont gérées par une personne morale ou par des personnes physiques, il peut même exister des entreprises dont la situation patrimoniale pertinente sur le plan fiscal présente une certaine simplicité. De la même manière, il peut évidemment exister des personnes privées dont la situation patrimoniale est tout aussi complexe que celle d’une entreprise, au sens décrit par les gouvernements.

    67.      La procédure au principal ne semblant concerner qu’une créance d’emprunt dont il devrait comparativement être facile de suivre la destinée, les difficultés de suivi invoquées par les gouvernements participants sont, en principe, sans importance pour la présente affaire. La nature et l’étendue du patrimoine devant être soumis à impôt ne s’opposent pas à elles seules à l’application de la solution dégagée par la Cour dans l’arrêt N ni au fait de considérer comme disproportionné un recouvrement immédiat de la créance fiscale sur les plus-values latentes.

    68.      Étant donné cependant qu’il est légitime jusqu’à un certain point, pour le législateur, d’adopter une approche généralisatrice et que la juridiction de renvoi a formulé sa deuxième question de manière générale et qu’il n’est pas à exclure que ladite juridiction ait à statuer, dans la procédure au principal, également sur la taxe de sortie d’autres éléments d’actifs, je souhaite ne pas omettre purement et simplement les arguments en question.

    Suivi impossible ou difficile des éléments d’actifs

    69.      Il apparaît bien plausible que la situation patrimoniale d’une entreprise puisse se présenter de manière tellement complexe qu’un suivi transfrontalier précis de la destinée de l’ensemble des éléments d’actifs immobilisés et circulants d’une entreprise soit, jusqu’à la réalisation de plus-values latentes incorporées dans ces éléments, presque impossible ou qu’il entraîne, en tout état de cause, des efforts que l’administration fiscale ne saurait assumer et qui représenteraient aussi une charge considérable pour les entreprises.

    70.      Dans un tel cas, la fourniture, par l’entreprise, d’informations sur son compte, comme l’a proposé la Commission, ne constitue pas une véritable alternative, car tant la mise à disposition que la vérification de l’exactitude de ces informations peuvent outrepasser, elles aussi, la limite du raisonnable. Certes, certaines mesures d’harmonisation déjà existantes en matière de comptabilité d’entreprises (48), ainsi que la directive 77/799 (49), relative à l’assistance mutuelle, et les directives relatives à l’assistance mutuelle en matière de recouvrement (50), offrent déjà certains allégements, sans pour autant résoudre le problème au fond.

    71.      Dans l’hypothèse où il ne serait pas possible de déterminer raisonnablement à quelle date les plus-values latentes ont effectivement été réalisées ni si, dans l’intervalle, des moins-values importantes sont encore intervenues, la suspension du paiement, indépendamment de la question d’un «step-up», n’est pas une mesure plus souple ni tout aussi adaptée pour garantir la créance fiscale de l’État de sortie. Au contraire, il manquerait un élément qui permettrait de déterminer jusqu’à quel moment une suspension pourrait entrer en ligne de compte. Le recouvrement immédiat de l’impôt devrait donc être considéré comme proportionné et admis, par conséquent, au regard de la liberté d’établissement.

    Suivi non problématique des éléments d’actifs

    72.      Si, comparativement, la nature et l’étendue du patrimoine de l’entreprise permettent, en revanche, d’assurer aisément le suivi transfrontalier dudit patrimoine jusqu’à réalisation des plus-values latentes, il est alors disproportionné de recouvrer immédiatement l’impôt dû à ce titre. Tout comme une entreprise demeurant sur le territoire national, une entreprise transférant son siège et l’ensemble de son activité économique à l’étranger a en effet intérêt à ne s’acquitter d’impôts au titre de plus-values latentes que lorsque celles-ci ont effectivement été réalisées. Par contre, il n’est pas porté atteinte outre mesure à l’intérêt de l’État de sortie à faire valoir son droit à impôt si ledit État, y compris pour ce qui est de la société qui émigre, attend jusqu’à la date de réalisation effective des plus-values latentes qu’il peut établir aisément.

    73.      Certes, l’exécution transfrontalière entraîne normalement davantage de difficultés qu’un recouvrement forcé à l’intérieur du territoire national. Les gouvernements allemand, espagnol et français renvoient à cet égard à l’arrêt Truck Center (51), dans lequel la Cour a, entre autres, approuvé, eu égard à la possibilité de recouvrement forcé, que soit appliquée, à des contribuables non résidents, une autre technique d’imposition que celle retenue pour les contribuables résidents, à savoir une imposition à la source.

    74.      Toutefois, le sujet qui nous intéresse ici n’a pas trait à une simple technique de recouvrement, mais porte sur la question de savoir si l’obligation immédiate et définitive, pour les sociétés qui émigrent, de verser, du simple fait de leur transfert dans un autre État membre, des impôts sur les plus-values latentes résultant d’éléments d’actifs faciles à appréhender, ne dépasse pas ce qui est nécessaire, alors que les sociétés demeurant sur le territoire national ne sont tenues de s’acquitter d’impôts similaires que sensiblement plus tard ou qu’elles peuvent même ne pas en être redevable. Or, il convient de tenir compte de ce que la société qui émigre, moyennant le maintien de son statut, continue de relever du droit de l’État de sortie et que des sanctions au titre du registre des sociétés pourraient aisément entrer en ligne de compte, dans l’hypothèse où une société de ce type devrait ne pas exécuter ses obligations au regard du droit fiscal. Du reste, l’État de sortie peut, si nécessaire, également recourir aux mécanismes des directives relatives à l’assistance mutuelle en matière de recouvrement (52).

    75.      Les particularités avancées par le gouvernement italien au sujet de l’imposition des entreprises n’aboutissent pas à une appréciation différente. Même s’il convient de considérer que la constitution de réserves latentes est une exception, il n’en demeure pas moins que les entreprises transférant leur siège à l’intérieur du territoire national profitent de cette exception, tandis que les sociétés qui émigrent en sont privées. Ces particularités ne sauraient revêtir d’importance pour ce qui est de la question de savoir si cette inégalité de traitement est proportionnée ou s’il convient, au contraire, d’envisager un délai de paiement à titre de moyen moins contraignant. L’argument tiré du changement plus fréquent d’identité des entreprises, tel qu’avancé par le gouvernement finlandais, ne saurait, lui non plus, se voir accorder une importance telle à conférer un caractère proportionné au recouvrement immédiat de la taxe de sortie. Si le suivi des éléments d’actifs ne pose en tant que tel aucun problème, alors il ne devrait pas non plus s’avérer difficile dans l’hypothèse où les événements mentionnés par le gouvernement finlandais se réaliseraient.

    Prise en considération de moins-values ultérieures

    76.      Pour autant qu’il faille suspendre le paiement de l’impôt, se pose la question supplémentaire de savoir comment prendre en considération d’éventuelles moins-values, intervenues après le transfert. Dans l’arrêt N (53), la Cour a jugé, en ce qui concerne l’imposition de sortie d’une personne physique détenant une participation substantielle dans une société, qu’il convenait de tenir pleinement compte de moins-values de ce type, à condition que ces dernières n’aient pas déjà été prises en considération dans l’État de destination. Toutefois, une approche nuancée s’impose concernant l’émigration d’entreprises.

    77.      Si l’État de destination prévoit un «step-up», c’est-à-dire l’inscription au bilan d’ouverture des éléments d’actifs à leur valeur du marché, il convient alors de partir du principe que des moins-values futures y seront prises en compte. L’État de sortie pourrait alors percevoir l’intégralité des montants d’impôt fixés au moment du transfert en cas de réalisation d’un fait générateur, tel que l’aliénation.

    78.      Dans le cas où l’État de destination ne tiendrait cependant pas compte d’une moins-value ultérieure, il ne saurait en résulter nécessairement que l’État de sortie soit tenu de tenir compte, dans son intégralité, d’une telle moins-value. La question de savoir lequel de deux États doit tenir compte de la moins-value est, au contraire, une question centrale liée à la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres, et au sujet de laquelle ces derniers conservent, en principe, la compétence législative à défaut de mesures d’harmonisation en droit de l’Union. Or, le principe de territorialité plaide en principe en faveur de la thèse selon laquelle il appartient à l’État de destination de prendre en considération les pertes intervenues sous l’empire de sa souveraineté fiscale. Par conséquent, il ne saurait être répondu de manière globale à la question de savoir si l’absence de prise en compte de moins-values ultérieures par l’État de sortie rend disproportionnée l’imposition de sortie.

    Gain de change n’apparaissant plus dans l’État de destination

    79.      À présent, pour ce qui est précisément du gain de change en cause dans l’affaire au principal, la juridiction de renvoi indique que celui-ci est devenu définitif avec le transfert de National Grid Indus au Royaume-Uni. Étant donné que, à partir de la date de transfert, les bénéfices de la société ne seraient plus calculés qu’en livres sterling, aucune moins-value ultérieure ne pourrait intervenir.

    80.      Les gouvernements néerlandais, allemand et portugais considèrent que la perception immédiate de l’impôt est d’autant plus justifiée dans un tel cas, alors que la Commission estime que les gains de change latents ne devraient être imposés qu’au moment où la créance d’emprunt a été satisfaite.

    81.      National Grid Indus considère en revanche que le gain de change latent a disparu à la date du transfert de siège. Le gain en question était fictif, dépourvu de réalité économique, et n’avait d’existence qu’à des fins fiscales. Son bénéfice imposable n’étant désormais plus exprimé au Royaume-Uni qu’en livres sterling, ce gain latent ne s’est pas réalisé à travers le transfert et a, au contraire, définitivement disparu.

    82.      Je ne peux déduire du droit de l’Union aucun élément au soutien de la thèse selon laquelle il conviendrait de refuser de reconnaître aux États membres le droit d’imposer des gains de change latents, intervenus dans une période pendant laquelle une entreprise opérait sur leur territoire. Étant donné que, comme la Cour en a jugé dans l’arrêt Deutsche Shell (54), les États membres peuvent être tenus de prendre fiscalement en considération des pertes de change, il convient de leur donner également la possibilité, pour des raisons tenant à la symétrie fiscale, d’imposer des gains de change même s’il ne s’agit que de gains de change latents. Comme l’a indiqué le gouvernement allemand, un gain de change latent constitue d’ores et déjà une véritable valeur économique, en ce qu’il augmente la solvabilité de l’entreprise. De plus, à défaut de pouvoir imposer des gains de change latents, le risque existerait que ces gains ne soient nullement soumis à imposition malgré leur réalisation ultérieure effective, s’ils devaient, comme dans le cas d’espèce, ne plus apparaître fiscalement dans l’État de destination.

    83.      Toutefois, l’immigration d’une entreprise vers un autre État membre, dans lequel le gain de change n’apparaît plus au niveau fiscal, ne saurait être considérée, en tant que telle, comme la réalisation de bénéfices. Aussi longtemps que l’emprunt n’a pas été remboursé, l’entreprise, tout comme une entreprise ayant conservé son siège sur le territoire national, ne dispose pas des liquidités du prêt nécessaires pour s’acquitter de la créance fiscale.

    84.      Or, les gains de change ne disparaissent pas non plus au moment du transfert. Si le prêt était remboursé après le transfert, l’entreprise qui émigre disposerait, dans la même mesure qu’une entreprise ayant conservé son siège sur le territoire national, des liquidités nécessaires pour s’acquitter de la créance fiscale. Le fait que les gains de change ne soient fiscalement plus apparents dans l’État de destination ne saurait entraîner la disparition de la créance fiscale de l’État de sortie.

    85.      La question se pose cependant de savoir s’il convient effectivement de considérer que des gains de change latents de ce type sont devenus définitifs au moment du transfert ou s’il y a également lieu de continuer de tenir compte de l’évolution du cours de la devise de l’emprunt et de celle de l’État de sortie jusqu’au remboursement effectif de l’emprunt, pour autant que des pertes de change interviennent ultérieurement.

    86.      Sur ce point, il convient tout d’abord de constater qu’il résulte de la nature des choses que les pertes de change ultérieures ne peuvent être prises en compte que par l’État de sortie. En effet, ces dernières, tout comme les gains de change antérieurs, n’apparaissent pas sur le plan fiscal dans l’État de destination.

    87.      Dans un cas comme le cas d’espèce, dans lequel le destin de la créance d’emprunt peut relativement aisément être suivi jusqu’au moment du remboursement ou de la réalisation d’un autre fait générateur, il y aurait dépassement de ce qui est nécessaire pour préserver une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition dans le fait, pour l’État de sortie, de ne pas tenir compte de pertes de change ultérieures et ainsi de taxer les entreprises qui émigrent à un niveau plus élevé que celles qui conservent leur siège sur le territoire national. Certes, en vertu du principe de territorialité, le pouvoir d’imposition de la créance d’emprunt, à la date à laquelle les pertes de change interviennent, revient en principe à l’État de destination. Or, comme l’évolution des cours ne s’y manifeste fiscalement ni dans un sens ni dans un autre, alors que, pour des situations purement internes, l’État de sortie tient compte de l’évolution des cours jusqu’au moment de la réalisation effective des gains de change latents, l’État de sortie demeure compétent, y compris après le transfert de l’entreprise, pour tenir compte de pertes de change de ce type dans le cadre de l’impôt qu’il calcule sur des gains de change antérieurs résultant de la même créance d’emprunt. Dans un tel cas, il n’y a pas de risque que les pertes soient doublement prises en compte; les pertes de change ne seraient, au contraire, nullement prises en compte dans une situation transfrontalière.

    88.      Il apparaît ainsi que l’imposition de sortie des bénéfices de change latents résultant d’une créance libellée en devise étrangère, et qui n’apparaissent plus fiscalement dans l’État de destination, ne peut être considérée comme proportionnée que si la créance d’impôt est assortie d’un délai de paiement jusqu’à la date à laquelle une entreprise ayant conservé son siège sur le territoire national devrait s’acquitter de l’impôt sur de tels bénéfices et que les pertes de change intervenues jusqu’à cette date sont prises en considération.

    iii) Conclusion partielle

    89.      Une imposition de décompte final telle que celle en cause en l’espèce est justifiée par l’exigence d’une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres, dans le cas où le suivi des éléments d’actifs de l’entreprise qui émigre ne peut, du fait de la nature et/ou de la portée desdits éléments, raisonnablement être assuré jusqu’à la date de réalisation effective des plus-values latentes générées sur le territoire national. S’il est possible d’assurer, de manière relativement simple, le suivi de ces éléments, alors la perception de la taxe de sortie avant la date de réalisation des plus-values latentes est disproportionnée. Seules les circonstances propres à chaque cas permettent de déterminer si, dans une telle situation, il convient de tenir compte de moins-values ultérieures.

    90.      Si le patrimoine de l’entreprise est composé essentiellement d’une créance libellée en devise étrangère et si les bénéfices de change latents, générés sur le territoire national, n’apparaissent plus fiscalement dans l’État de destination, il convient alors de suspendre le paiement de l’imposition de décompte final jusqu’à la date à laquelle une entreprise ayant conservé son siège sur le territoire national devrait s’acquitter de l’impôt sur de tels bénéfices, étant entendu qu’il convient d’admettre la prise en compte des pertes de change intervenues jusqu’à cette date.

    b)      Cohérence du système fiscal

    91.      Les gouvernements allemand et italien ont, de plus, fait valoir que la taxe de sortie était justifiée par l’exigence consistant à préserver la cohérence du système fiscal national.

    92.      Le gouvernement allemand considère qu’il existe un lien direct entre l’avantage résultant du fait que les réserves latentes ne sont pas imposées au jour du bilan annuel et le désavantage lié au fait que celles-ci sont détectées et imposées à la date du transfert. Les deux côtés de la médaille sont concernés. Les dispositions néerlandaises présentent une logique symétrique au sens de l’arrêt Krankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimstatt (55), car l’imposition de décompte final constitue le complément logique de l’exonération fiscale accordée précédemment aux plus-values latentes.

    93.      Le gouvernement italien voit, par contre, un lien direct entre l’imposition de décompte final et les déductions fiscales auxquelles une entreprise a pu procéder jusqu’à la date de transfert, en particulier par des amortissements relatifs aux coûts d’acquisition des éléments d’actifs. L’imposition de décompte final permet uniquement de compenser la réduction de recettes fiscales que l’État a subie auparavant à travers les avantages fiscaux ainsi accordés. Le transfert constitue la date ultime pour réaliser cette compensation.

    94.      La Cour a reconnu, dans une jurisprudence constante, que la nécessité de préserver la cohérence du système fiscal national constitue un motif impérieux d’intérêt général (56), bien que, pour autant que l’on puisse en juger, il n’ait laissé effectivement prospérer un tel motif que dans deux cas (57).

    95.      Un argumentaire fondé sur cette justification ne peut l’emporter, en vertu de la jurisprudence actuelle, que s’il existe un lien direct entre un avantage fiscal et sa compensation à travers une charge fiscale particulière, le caractère direct d’un tel lien devant être apprécié en considération de l’objectif que poursuit la réglementation concernée (58).

    96.      Dans l’arrêt Krankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimstatt (59), la Cour a confirmé l’existence d’un lien direct, personnel et matériel entre la faculté accordée initialement à une entreprise de déduire les pertes d’un établissement stable situé à l’étranger et la réintégration ultérieure de ces pertes, à savoir au moment où l’établissement stable étranger dégage de nouveau des bénéfices.

    97.      La réglementation fiscale néerlandaise examinée en l’espèce semble, elle aussi, se fonder sur une cohérence au sens indiqué ci-dessus. Il ressort en effet des travaux préparatifs mentionnés dans la demande de décision préjudicielle que le législateur néerlandais entendait tenir compte de la pratique commerciale selon laquelle, eu égard au fait qu’il s’agit d’une poursuite d’exploitation («going concern»), il convient également d’admettre la prise en compte, lors du calcul annuel des bénéfices, des conséquences sur les années suivantes d’une telle pratique. Certains bénéfices feraient donc l’objet d’un report. Fiscalement, une telle pratique serait admise dans l’attente de pouvoir assujettir ces bénéfices à imposition à une date ultérieure. Des réserves latentes de ce type peuvent résulter non seulement de plus-values qui ne sont pas détectées dans un premier temps, en ce que l’élément d’actif est évalué à sa valeur comptable dans le bilan fiscal, mais également de l’octroi de déductions pour amortissement, supérieures à la moins-value effective de l’élément d’actif. Dans les deux cas, l’État concerné a un intérêt légitime à soumettre les réserves latentes à imposition à une date ultérieure.

    98.      À la différence de la taxe de sortie française dont a été saisie la Cour dans l’affaire de Lasteyrie du Saillant (60), et à propos de laquelle elle a rejeté la justification tirée de la cohérence, l’imposition du décompte final néerlandaise poursuit ainsi l’objectif consistant à garantir, d’une manière générale, si une entreprise assujettie à l’impôt transfère son siège à l’étranger, l’imposition des plus-values générées pendant la période au cours de laquelle cette entreprise était résidente aux Pays-Bas.

    99.      Si, du fait du transfert, les Pays-Bas n’étaient plus en mesure d’assujettir à l’impôt des bénéfices latents générés pendant la période au cours de laquelle National Grid Indus avait sa résidence fiscale sur le territoire des Pays-Bas, il ne serait plus possible de procéder à une imposition cohérente. À ce sujet, les exigences liées à la cohérence fiscale et à une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition se recoupent (61).

    100. L’imposition du décompte final est donc également à même de préserver la cohérence du droit fiscal néerlandais. Pour ce qui est de la question du caractère nécessaire, les arguments développés au sujet de la répartition du pouvoir d’imposition sont pertinents.

    c)      Prévention de l’évasion fiscale

    101. Différents gouvernements qui ont participé à la procédure ont indiqué que la prévention de l’évasion fiscale pouvait également être retenue à titre de motif impérieux d’intérêt général pouvant justifier la restriction à la liberté d’établissement résultant de l’imposition du décompte final néerlandaise.

    102. Or, la prévention de l’évasion fiscale n’entre en ligne de compte en tant que justification autonome que si le but spécifique d’une telle restriction consiste à faire obstacle à des comportements consistant à créer des montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique, dans le but d’éluder l’impôt normalement dû sur les bénéfices générés par des activités réalisées sur le territoire national (62).

    103. Il convient de préciser sur ce point que le transfert de siège d’une personne morale à l’étranger ne saurait en tant que tel être considéré comme relevant de l’évasion fiscale (63), y compris s’il est motivé par des raisons fiscales. Le fait que les entreprises tentent de profiter des différences entre les systèmes fiscaux nationaux constitue en effet une forme légitime de manœuvres économiques et est inévitable dans un marché intérieur dans lequel l’imposition des entreprises n’est pas harmonisée (64). Par conséquent, et en vertu d’une jurisprudence constante, la réduction des recettes fiscales ne constitue pas un motif impérieux d’intérêt général (65). Par conséquent, le transfert du siège d’une société ne peut à lui seul, tout comme la création d’un établissement secondaire dans un autre État membre, fonder une présomption générale d’évasion fiscale.

    104. Il ne peut être déduit de la décision de renvoi que l’imposition du décompte final néerlandaise vise spécifiquement à faire obstacle à des montages purement artificiels au sens décrit ci-dessus. Il semble, au contraire, qu’un impôt de ce type soit perçu dans tous les cas de transfert de siège à l’étranger. La juridiction de renvoi indique même expressément, en ce qui concerne National Grid Indus, que le transfert de siège était justifié par des motifs raisonnables (66). De plus, dans ses observations écrites, le gouvernement néerlandais précise qu’il ne s’est pas fondé sur la justification tirée de la prévention de l’évasion fiscale pour motiver l’imposition du décompte final.

    105. Il s’ensuit que la réglementation en cause en l’espèce ne peut être justifiée par la prévention de l’évasion fiscale. Pour autant que l’imposition du décompte final contribue cependant à prévenir l’évasion fiscale sans viser précisément des montages purement artificiels, cet aspect est suffisamment pris en considération dans le cadre de la justification tirée de la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition (67).

    d)      Autres justifications

    106. Outre les justifications déjà exposées, les gouvernements ayant participé à la procédure ont invoqué d’autres justifications, à savoir la prévention de la double prise en compte des pertes, l’efficacité du contrôle fiscal et du recouvrement de l’impôt. Eu égard aux développements mentionnés ci-dessus quant à la sauvegarde d’une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition et à la cohérence du système fiscal national, il n’est pas nécessaire de procéder à un examen supplémentaire de ces justifications.

    3.      Conclusion des deuxième et troisième questions préjudicielles

    107. Je propose donc de répondre aux deuxième et troisième questions préjudicielles qu’une imposition de décompte final, telle que celle en cause dans la procédure au principal, est justifiée par les exigences liées à une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres et à la sauvegarde de la cohérence du système fiscal national, dans le cas où le suivi des éléments d’actifs de l’entreprise qui émigre ne peut, du fait de la nature et/ou de la portée desdits éléments, raisonnablement être assuré jusqu’à la date de réalisation effective des plus-values latentes générées sur le territoire national. S’il est possible d’assurer, de manière relativement simple, le suivi de ces éléments, alors la perception de l’imposition de décompte final avant la date de réalisation des plus-values latentes est disproportionnée. Seules les circonstances propres à chaque espèce permettent de déterminer si, dans une telle situation, il convient d’admettre la prise en compte de moins-values ultérieures. Si le patrimoine de l’entreprise est composé essentiellement d’une créance libellée en devise étrangère et si les bénéfices de change latents, générés sur le territoire national, n’apparaissent plus fiscalement dans l’État de destination, il convient alors de suspendre le paiement de l’imposition du décompte final jusqu’à la date à laquelle une entreprise ayant conservé son siège sur le territoire national devrait s’acquitter de l’impôt sur ces bénéfices, étant entendu qu’il convient d’admettre la prise en compte des pertes de change intervenues jusqu’à cette date.

    V –    Conclusion

    108. Eu égard aux développements figurant ci-dessus, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles du Gerechtshof te Amsterdam dans les termes suivants:

    «1)      Une société peut se prévaloir de la liberté d’établissement garantie par l’article 43 CE (devenu article 49 TFUE) à l’égard de l’État membre selon le droit duquel elle a été constituée, dans l’hypothèse où ledit État membre perçoit l’imposition de décompte final à l’occasion du transfert du siège de direction effective de la société vers un autre État membre, en ce que la société est tenue de s’acquitter de l’impôt sur les sociétés, appliqué aux plus-values résultant des éléments d’actifs transférés, telles que générées jusqu’alors, mais non encore réalisées, sans report ni possibilité de prise en compte de moins-values ultérieures.

    2)      Une telle imposition de décompte final est justifiée par les exigences liées à une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres et à la sauvegarde de la cohérence du système fiscal national, dans le cas où le suivi des éléments d’actifs de l’entreprise qui émigre ne peut, du fait de la nature et/ou de la portée desdits éléments, raisonnablement être assuré jusqu’à la date de réalisation effective des plus-values latentes générées sur le territoire national. S’il est possible d’assurer, de manière relativement simple, le suivi de ces éléments, alors la perception de l’imposition de décompte final avant la date de réalisation des plus-values latentes est disproportionnée. Seules les circonstances propres à chaque espèce permettent de déterminer si, dans une telle situation, il convient d’admettre la prise en compte de moins-values ultérieures.

    3)      Si le patrimoine de l’entreprise est composé essentiellement d’une créance libellée en devise étrangère et si les bénéfices de change latents, générés sur le territoire national, n’apparaissent plus fiscalement dans l’État de destination, il convient alors de suspendre le paiement de l’imposition du décompte final jusqu’à la date à laquelle une entreprise ayant conservé son siège sur le territoire national devrait s’acquitter de l’impôt sur ces bénéfices, étant entendu qu’il convient d’admettre la prise en compte des pertes de change intervenues jusqu’à cette date.»


    1 – Langue originale: l’allemand.


    2 –      Déjà le 19 décembre 2006, la Commission européenne a adressé, entre autres, au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne une communication relative à l’imposition à la sortie et à la nécessité de coordonner les politiques fiscales des États membres [COM(2006) 825 final]. Ensuite, le Conseil a adopté, le 2 décembre 2008, une résolution sur la coordination en matière de taxation à la sortie (JO C 323, p. 1). Actuellement, quatre procédures en manquement sont en instance devant la Cour en matière d’imposition à la sortie d’entreprises, à savoir contre la République portugaise (C-38/10), le Royaume d’Espagne (C-64/11), le Royaume de Danemark (C-261/11) et le Royaume des Pays-Bas (C-301/11). La Commission a déjà pris des mesures à l’égard, également, d’autres États membres; voir communiqués de presse de la Commission IP/10/299, du 18 mars 2010, et IP/11/78, du 27 janvier 2011.


    3 – Arrêt du 27 septembre 1988, Daily Mail and General Trust (81/87, Rec. p. 5483).


    4 – Arrêt du 16 décembre 2008 Cartesio (C-210/06, Rec. p. I-9641).


    5 –      Arrêt du 11 mars 2004, de Lasteyrie du Saillant (C-9/02, Rec. p. I-2409).


    6 – Arrêt du 7 septembre 2006, N (C-470/04, Rec. p. I-7409).


    7 –      Signé le 2 octobre 1997 et entré en vigueur le 1er mai 1999.


    8 –      Tractatenblad 1980, 205.


    9 –      Ce point est également confirmé par les observations écrites des gouvernements néerlandais et du Royaume-Uni.


    10 – En ce sens, arrêts de Lasteyrie du Saillant (précité note 5, point 42); du 27 novembre 2008, Papillon (C-418/07, Rec. p. I-8947, point 16); du 1er octobre 2009, Gaz de France – Berliner Investissement (C-247/08, Rec. p. I-9225, point 55), et du 21 janvier 2010, SGI (C-311/08, Rec. p. I-487, point 39).


    11 –      Précité note 3.


    12 –      Précité note 4.


    13 – Arrêt précité note 3, point 25, et point 1 du dispositif.


    14 –      Ibidem, point 24; l’italique n’est utilisé qu’ici.


    15 – Ibidem, point 19.


    16 – Ibidem, points 20 et 23.


    17 – Ibidem, point 23.


    18 – Arrêt précité note 4, points 109 et 123.


    19 –      La société Cartesio avait l’intention de transférer son siège «réel» de Hongrie en Italie (arrêt, point 119), à savoir le centre de direction de ses affaires (arrêt, points 101 et suiv.; l’avocat général Poiares Maduro parle, au point 3 de ses conclusions du 22 mai 2008, d’administration centrale). Or, le litige est précisément né du rejet, par le tribunal chargé de la tenue du registre des sociétés, de la demande de Cartesio tendant à faire enregistrer ce nouveau siège dans le registre des sociétés hongrois. Il était donc question, semble-t-il, non seulement du transfert de siège effectif, mais également du siège statutaire. Il ne ressort cependant pas de l’arrêt que cette circonstance ait revêtu de l’importance. Dans l’arrêt Daily Mail and General Trust, il était question, en revanche, et pour autant que l’on puisse en juger, uniquement du transfert de direction, sans qu’ait été également envisagée de modification du siège statutaire.


    20 – Arrêt Cartesio (précité note 4, point 110).


    21 –      Arrêt précité note 3, points 4, 5 et 17.


    22 –      Rapport d’audience de l’arrêt Daily Mail and General Trust (précité, p. 5485).


    23 – Arrêt Daily Mail and General Trust (précité note 3, point 7), et rapport d’audience relatif à cet arrêt, p. 5486 et suiv.


    24 –      Conclusions du 7 juin 1988, point 13.


    25 –      Arrêt du 9 mars 1999 (C-212/97, Rec. p. I-1459, points 17 et suiv.).


    26 –      Arrêt du 5 novembre 2002, Überseering (C-208/00, Rec. p. I-9919, points 52 et suiv.).


    27 –      Arrêt du 30 septembre 2003, Inspire Art (C-167/01, Rec. p. I-10155, points 95 et suiv.).


    28 –      Ibidem, points 111 à 113.


    29 –      Précité note 5, points 45 et suiv.


    30 –      Précité note 6.


    31 –      Voir, quant à la notion de restriction en matière de droit fiscal, Kokott, J., et Ost, H., «Europäische Grundfreiheiten und nationales Steuerrecht», EuZW 2011, p. 496.


    32 –      Voir arrêts du 25 février 2010, X Holding (C-337/08, Rec. p. I-1215, points 18 à 20), et, également, du 15 mai 2008, Lidl Belgium (C-414/06, Rec. p. I-3601, points 23 à 26), où cependant la question du caractère comparable n’est pas abordée. Cette structure d’examen correspond également à celle que retient la Cour habituellement en matière d’impôts directs dans le cadre de la liberté de circulation des capitaux; voir, par exemple, arrêt du 10 février 2011, Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen (C-436/08 et C‑437/08, non encore publié au Recueil, points 50, 52 et 58). Il existe également des parallèles dans la jurisprudence relative à la liberté de prestation de services; voir, par exemple, arrêt du 26 octobre 2010, Schmelz (C-97/09, non encore publié au Recueil, point 49).


    33 –      Voir, quant à l’imposition de sortie de personnes physiques, arrêts de Lasteyrie du Saillant (précité note 5, point 46) et N (précité note 6, points 34 et suiv.).


    34 –      Arrêts Papillon (précité note 10, point 27) et X Holding (précité note 32, point 22).


    35 – Arrêts N (précité note 6, point 40); du 23 octobre 2008, Krankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimstatt (C-157/07, Rec. p. I-8061, point 40, et X Holding (précité note 32, points 25 et suiv.).


    36 –      Arrêts du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C-446/03, Rec. p. I-10837, point 45); du 18 juillet 2007, Oy AA (C-231/05, Rec. p. I-6373, point 51); Lidl Belgium (précité note 32, point 42); du 17 septembre 2009, Glaxo Wellcome (C-182/08, Rec. p. I-8591, points 82 et 88); X Holding (précité note 32, points 25 à 33) et Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen (précité note 32, point 121).


    37 –      Arrêt Oy AA (précité note 36, point 52); voir aussi arrêts du 12 décembre 2006, Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation (C-374/04, Rec. p. I-11673, point 52), et du 3 juin 2010, Commission/Espagne (C-487/08, non encore publié au Recueil, point 38).


    38 –      Arrêts N (précité note 6, point 45); du 23 février 2006, van Hilten-van der Heijden (C-513/03, Rec. p. I-1957, point 48), et Lidl Belgium (précité note 32, point 22).


    39 –      Voir, à ce sujet, mes conclusions du 30 mars 2006, relatives à l’arrêt rendu dans l’affaire N (précité note 6, points 92 et suivants).


    40 –      Voir point 21 concernant l’article 7 du modèle de convention de l’OCDE 2008 et point 10 concernant l’article 13 du modèle de convention de l’OCDE 2010.


    41 –      Directive 2009/133/CE du Conseil, du 19 octobre 2009, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents, ainsi qu’au transfert du siège statutaire d’une SE ou d’une SCE d’un État membre à un autre (JO L 310, p. 34).


    42 –      Arrêt précité note 6, points 41 à 47.


    43 –      Voir arrêt N (précité note 6, points 49 et suiv.).


    44 –      Voir arrêt précité, points 49 et suiv.


    45 –      Précitée note 2.


    46 –      Directive du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs (JO L 336, p. 15), dans la version modifiée par la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992 (JO L 76, p. 1).


    47 –      Directive du Conseil, du 15 mars 1976, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances résultant d’opérations faisant partie du système de financement du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole, ainsi que de prélèvements agricoles et de droits de douane (JO L 73, p. 18), dans la version modifiée par la directive 2001/44/CE du Conseil, du 15 juin 2001 (JO L 175, p 17). La directive 76/308 a été codifiée et abrogée par la directive 2008/55/CE du Conseil, du 26 mai 2008, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives à certaines cotisations, à certains droits, à certaines taxes et autres mesures (JO L 150, p. 28), laquelle a été abrogée à son tour par la directive 2010/24/UE du Conseil, du 16 mars 2010, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures (JO L 84 , p. 1).


    48 –      Voir, par exemple, quatrième directive 78/660/CEE du Conseil, du 25 juillet 1978, fondée sur l’article 54 paragraphe 3 sous g) du traité et concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés (JO L 222, p. 11), et septième directive 83/349/CEE du Conseil, du 13 juin 1983, fondée sur l’article 54 paragraphe 3 point g) du traité, concernant les comptes consolidés (JO L 193, p. 1), à laquelle la Cour a renvoyé dans l’arrêt du 18 décembre 2007, A (C-101/05, Rec. p. I-11531, point 62).


    49 –      Précitée note 46.


    50 –      Précitées note 47.


    51 –      Arrêt du 22 décembre 2008 (C-282/07, Rec. p. I-10767, points 47 et suiv.).


    52 – Précitées note 47.


    53 –      Précité note 6, point 54.


    54 –      Arrêt du 28 février 2008, Deutsche Shell (C-293/06, Rec. p. I-1129, point 44).


    55 –      Précité note 35, point 42.


    56 –      Arrêts du 7 septembre 2004, Manninen (C-319/02, Rec. p. I-7477, point 42); Papillon (précité note 10, point 43), et du 22 décembre 2010, Tankreederei I (C-287/10, non encore publié au Recueil, point 23).


    57 –      Voir, d’une part, arrêts du 28 janvier 1992, Bachmann (C-204/90, Rec. p. I-249, point 35) et Commission/Belgique (C-300/90, Rec. p. I-305, point 21), qui concernent la même réglementation belge relative à la déductibilité de cotisations d’assurance, et, d’autre part, arrêt Krankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimstatt (précité note 35, point 43).


    58 –      Voir jurisprudence citée dans les deux précédentes notes de bas de page.


    59 –      Précité note 35, point 55.


    60 – Arrêt précité note 5, point 65.


    61 – Voir, sur ce point, point 106 de mes conclusions du 30 mars 2006 relatives à l’arrêt N (précité note 6).


    62 –      En ce sens, arrêts du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation (C-524/04, Rec. p. I-2107, points 72 et suiv.); du 18 juin 2009, Aberdeen Property Fininvest Alpha (C‑303/07, Rec. p. I-5145, points 63 et suiv.), et SGI (précité note 10, points 65 et suiv.).


    63 –      Voir, quant au transfert de domicile d’une personne physique à l’étranger, arrêt de Lasteyrie du Saillant (précité note 5, point 51); voir, à ce sujet également, arrêt du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas (C-196/04, Rec. p. I-7995, points 36 et suiv.).


    64 –      Voir point 62 de mes conclusions du 12 septembre 2006 relatives à l’arrêt Oy AA (précité note 36), de même que point 63 des conclusions de l’avocat général Geelhoed du 29 juin 2006 relatives à l’arrêt Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation (précité note 62); voir aussi arrêts de Lasteyrie du Saillant (précité note 5, point 60) et Deutsche Shell (précité note 54, point 43).


    65 –      Arrêts du 12 décembre 2002, Lankhorst-Hohorst (C-324/00, Rec. p. I-11779, point 36); de Lasteyrie du Saillant (précité note 5, point 51) et Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas (précité note 63, point 49).


    66 –      Voir, à ce sujet, point 12 ci-dessus.


    67 –      Voir, à ce sujet, arrêt SGI (précité note 10, point 66), dans lequel ces deux justifications ont été examinées conjointement.

    Top