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Document 62009CO0333

    Ordonnance de la Cour (sixième chambre) du 27 novembre 2009.
    Sophie Noël contre SCP Brouard Daude et Centre de Gestion et d'Étude AGS IDF EST.
    Demande de décision préjudicielle: Conseil de prud'hommes de Caen - France.
    Renvoi préjudiciel - Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Pacte international relatif aux droits civils et politiques - Principe d'égalité de traitement - Licenciement pour motif économique - Absence de rattachement au droit communautaire - Incompétence manifeste de la Cour.
    Affaire C-333/09.

    Recueil de jurisprudence 2009 I-00205*

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2009:738

    ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

    27 novembre 2009 (*)

    «Renvoi préjudiciel – Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – Pacte international relatif aux droits civils et politiques – Principe d’égalité de traitement – Licenciement pour motif économique – Absence de rattachement au droit communautaire – Incompétence manifeste de la Cour»

    Dans l’affaire C‑333/09,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le conseil de prud’hommes de Caen (France), par décision du 11 juin 2009, parvenue à la Cour le 20 août 2009, dans la procédure

    Sophie Noël

    contre

    SCP Brouard Daude, liquidateur à la liquidation judiciaire de Pronuptia Boutiques Province SA,

    Centre de Gestion et d’Étude AGS IDF EST,

    LA COUR (sixième chambre),

    composée de Mme Lindh, président de chambre, MM. U. Lõhmus (rapporteur) et A. Ó Caoimh, juges,

    avocat général: M. P. Mengozzi,

    greffier: M. R. Grass,

    l’avocat général entendu,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 14 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), et 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 16 décembre 1966 et entré en vigueur le 23 mars 1976.

    2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Noël à la SCP Brouard Daude, liquidateur à la liquidation judiciaire de Pronuptia Boutiques Province SA, ainsi qu’au Centre de Gestion et d’Étude AGS IDF EST, au sujet de la contestation du licenciement de la requérante au principal pour motif économique.

     Le cadre juridique national

    3        Conformément à l’article L. 1235-7, second alinéa, du code du travail français, toute contestation portant sur la régularité ou la validité du licenciement se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité d’entreprise ou, dans le cadre de l’exercice par le salarié de son droit individuel à contester la régularité ou la validité du licenciement, à compter de la notification de celui-ci.

    4        La juridiction de renvoi expose que ladite disposition ne s’applique que dans le cas d’un licenciement pour motif économique. S’agissant d’un licenciement pour motif personnel, le délai de contestation, en vertu de l’article L. 3245-1 du code du travail, serait de cinq ans.

     Le litige au principal et les questions préjudicielles

    5        Il ressort de la décision de renvoi que Pronuptia Boutiques Province SA a, par lettre du 30 août 2006, notifié à Mme Noël son licenciement pour motif économique. Contestant la cause réelle et sérieuse de ce licenciement, la requérante au principal a saisi la juridiction de renvoi le 19 juin 2008.

    6        Dans le cadre de ce litige, les défendeurs au principal ont soulevé une exception d’irrecevabilité tirée de ce que, conformément à l’article L. 1235-7 du code du travail, le recours est tardif, dès lors qu’il a été introduit plus d’un an après la notification du licenciement contesté.

    7        La juridiction de renvoi s’interroge sur la conformité avec le principe d’égalité de traitement des dispositions du droit national prévoyant des délais de recours différents selon que le licenciement a lieu pour motif économique ou pour motif personnel.

    8        Dans ces conditions, le conseil de prud’hommes de Caen a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1)      L’article 14 de la [CEDH] intitulé ‘Interdiction de discrimination’ dispose: ‘La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation’.

    N’y a-t-il pas une discrimination en ce sens qu’il y aurait une différence de traitement entre les salariés, licenciés pour raison économique, ayant accepté le bénéfice d’une convention de reclassement personnalisé dont la faculté de contester la rupture de leur contrat resterait sous le régime de la prescription quinquennale et ceux qui l’ont refusé qui tomberaient sous le coup de la prescription annuelle visée à l’article L. 1235-7 du code du travail?

    2)      L’article 26 du [p]acte international relatif aux droits civils et politiques […] – qui n’est que le socle de l’article 14 de la [CEDH] – dispose: ‘Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. À cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes, une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique et de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation’.

    [Ainsi] le juge français doit-il, en application des dispositions de l’article 55 de la Constitution française du 4 octobre 1958, faire application des dispositions de l’article 26 du [p]acte international relatif aux droits civils et politiques […], et écarter les dispositions discriminatoires de l’article L. 1235-7 du code du travail qui résultent d’une simple loi nº 2005-35, du 18 janvier 2005, postérieure au 4 février 1981, date d’entrée en vigueur dudit [p]acte sur le territoire national?»

     Sur les questions préjudicielles

    9        En vertu de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsqu’elle est manifestement incompétente pour connaître d’une requête, la Cour, l’avocat général entendu, peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

    10      Il ressort d’une jurisprudence constante que, lorsqu’une réglementation nationale entre dans le champ d’application du droit communautaire, la Cour, saisie à titre préjudiciel, doit fournir tous les éléments d’interprétation nécessaires à l’appréciation, par la juridiction nationale, de la conformité de cette réglementation avec les droits fondamentaux, en tant que principes généraux du droit communautaire (voir, en ce sens, arrêts du 29 mai 1997, Kremzow, C‑299/95, Rec. p. I‑2629, point 15, et du 23 septembre 2008, Bartsch, C‑427/06, Rec. p. I‑7245, point 15).

    11      En revanche, la Cour n’a pas cette compétence à l’égard d’une réglementation qui ne se situe pas dans le cadre du droit communautaire et lorsque l’objet du litige au principal ne présente aucun élément de rattachement au droit communautaire (voir, notamment, ordonnances du 6 octobre 2005, Vajnai, C‑328/04, Rec. p. I‑8577, points 13; du 25 janvier 2007, Koval’ský, C‑302/06, point 20, ainsi que du 3 octobre 2008, Savia e.a., C‑287/08, point 8).

    12      En l’espèce, la décision de renvoi ne contient aucun élément concret susceptible de rattacher le litige au principal au droit communautaire. En effet, la juridiction de renvoi n’a pas précisé quels sont les droits conférés par l’ordre juridique communautaire auxquels peut prétendre la requérante au principal et dont l’exercice est prétendument rendu impossible ou excessivement difficile par la règle procédurale en cause au principal.

    13      Dans ces conditions, il convient de constater, sur le fondement de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure, que la Cour est manifestement incompétente pour répondre aux questions posées par le conseil de prud’hommes de Caen.

     Sur les dépens

    14      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

    Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne:

    La Cour de justice des Communautés européennes est manifestement incompétente pour répondre aux questions posées par le conseil de prud’hommes de Caen par décision du 11 juin 2009.

    Signatures


    * Langue de procédure: le français.

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