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Document 62009CJ0400

    Arrêt de la Cour (première chambre) du 28 juillet 2011.
    Orifarm A/S et autres (C-400/09) et Paranova Danmark A/S et Paranova Pack A/S (C-207/10) contre Merck Sharp & Dohme Corp. et Merck Sharp & Dohme BV et Merck Sharp & Dohme.
    Demandes de décision préjudicielle: Højesteret - Danemark.
    Marques - Directive 89/104/CEE - Article 7, paragraphe 2 - Produits pharmaceutiques - Importation parallèle - Reconditionnement du produit revêtu de la marque - Nouvel emballage indiquant le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché, sous les instructions duquel le produit a été reconditionné, comme l’auteur du reconditionnement - Reconditionnement physique effectué par une entreprise indépendante.
    Affaires jointes C-400/09 et C-207/10.

    Recueil de jurisprudence 2011 I-07063

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2011:519

    Affaires jointes C-400/09 et C-207/10

    Orifarm A/S e.a.

    contre

    Merck Sharp & Dohme Corp., anciennement Merck & Co. Inc., e.a.

    (demandes de décision préjudicielle, introduites par le Højesteret)

    «Marques — Directive 89/104/CEE — Article 7, paragraphe 2 — Produits pharmaceutiques — Importation parallèle — Reconditionnement du produit revêtu de la marque — Nouvel emballage indiquant le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché, sous les instructions duquel le produit a été reconditionné, comme l’auteur du reconditionnement — Reconditionnement physique effectué par une entreprise indépendante»

    Sommaire de l'arrêt

    Rapprochement des législations — Marques — Directive 89/104 — Importation parallèle, après reconditionnement et réapposition de la marque, de médicaments — Nouvel emballage indiquant le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché comme l'auteur du reconditionnement — Reconditionnement physique effectué par une entreprise indépendante — Opposition du titulaire — Inadmissibilité

    (Directive du Conseil 89/104, art. 7, § 2)

    L’article 7, paragraphe 2, de la première directive 89/104 sur les marques doit être interprété en ce sens qu’il ne permet pas au titulaire d’une marque afférant à un produit pharmaceutique, lequel fait l’objet d’importations parallèles, de s’opposer à la commercialisation ultérieure de ce produit reconditionné en raison du seul fait que le nouvel emballage indique, en tant que reconditionneur, non pas l’entreprise ayant, sur commande, effectivement reconditionné ledit produit et qui dispose d’une autorisation pour ce faire, mais l’entreprise qui est titulaire de l’autorisation de mise sur le marché dudit produit, sous les instructions de laquelle le reconditionnement a été effectué et qui en assume la responsabilité.

    S’agissant de la condition de l'épuisement du droit conféré par la marque, selon laquelle le nouvel emballage doit indiquer clairement l’auteur du reconditionnement du produit, cette exigence se justifie par l’intérêt du titulaire de la marque à ce que le consommateur ou l’utilisateur final ne puisse être amené à croire qu’il est responsable du reconditionnement.

    Or, cet intérêt du titulaire est entièrement préservé lorsque figure clairement sur l’emballage du produit reconditionné le nom de l’entreprise sur commande et sous les instructions de laquelle le reconditionnement a été effectué et qui en assume la responsabilité. En effet, une telle indication, pourvu qu’elle soit imprimée de façon à être comprise par une personne normalement attentive, est de nature à éviter l’impression erronée dans l’esprit du consommateur ou de l’utilisateur final que le produit a été reconditionné par le titulaire.

    En outre, du fait que cette entreprise assume la pleine responsabilité des opérations liées au reconditionnement, le titulaire peut faire valoir ses droits, et, le cas échéant, obtenir des dommages et intérêts dans l’hypothèse où l’état originaire du produit contenu dans l’emballage a été affecté par le reconditionnement ou que la présentation du produit reconditionné est telle qu’elle puisse nuire à la réputation de la marque. Dans une telle hypothèse, une entreprise qui figure en tant que reconditionneur sur le nouvel emballage d’un produit reconditionné serait tenue de répondre pour tout dommage causé par l’entreprise qui a effectivement procédé au reconditionnement et ne saurait s’exonérer de sa responsabilité en avançant, notamment, que celle-ci a agi contre ses instructions.

    Dans ces conditions, le titulaire de la marque n’a pas d’intérêt légitime à exiger que figure sur l’emballage le nom de l’entreprise qui a effectivement reconditionné le produit au seul motif que le reconditionnement est susceptible d’affecter l’état originaire de ce produit et, partant, de porter éventuellement atteinte aux droits de marque.

    En effet, l’intérêt du titulaire de la marque dans la préservation de l’état originaire du produit contenu dans l’emballage est suffisamment protégé par l’exigence selon laquelle il doit être démontré que le reconditionnement ne saurait affecter l’état originaire dudit produit. Cette démonstration incombe au titulaire de l’autorisation de mise sur le marché, sous les instructions duquel le reconditionnement a été effectué et qui en assume la responsabilité.

    (cf. points 28-32, 36 et disp.)







    ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

    28 juillet 2011 (*)

    «Marques – Directive 89/104/CEE – Article 7, paragraphe 2 – Produits pharmaceutiques – Importation parallèle – Reconditionnement du produit revêtu de la marque – Nouvel emballage indiquant le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché, sous les instructions duquel le produit a été reconditionné, comme l’auteur du reconditionnement – Reconditionnement physique effectué par une entreprise indépendante»

    Dans les affaires jointes C‑400/09 et C‑207/10,

    ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre des articles 234 CE et 267 TFUE, introduites par le Højesteret (Danemark), par décisions des 7 octobre 2009 et 22 avril 2010, parvenues à la Cour respectivement les 19 octobre 2009 et 30 avril 2010, dans les procédures

    Orifarm A/S,

    Orifarm Supply A/S,

    Handelsselskabet af 5. januar 2002 A/S, en liquidation,

    Ompakningsselskabet af 1. november 2005 A/S (C-400/09),

    et

    Paranova Danmark A/S,

    Paranova Pack A/S (C-207/10)

    contre

    Merck Sharp & Dohme Corp., anciennement Merck & Co. Inc.,

    Merck Sharp & Dohme BV,

    Merck Sharp & Dohme,

    LA COUR (première chambre),

    composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. J.-J. Kasel, M. Ilešič (rapporteur), E. Levits et M. Safjan, juges,

    avocat général: M. Y. Bot,

    greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 avril 2011,

    considérant les observations présentées:

    –        pour Orifarm A/S, Orifarm Supply A/S, Handelsselskabet af 5. januar 2002 A/S, en liquidation, et Ompakningsselskabet af 1. november 2005 A/S, par Mes J. J. Bugge et K. Jensen, advokater,

    –        pour Paranova Danmark A/S et Paranova Pack A/S, par Me E. B. Pfeiffer, advokat,

    –        pour Merck Sharp & Dohme Corp., anciennement Merck & Co. Inc., Merck Sharp & Dohme BV et Merck Sharp & Dohme, par M. R. Subiotto, QC, et Me T. Weincke, advokat,

    –        pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek et Mme K. Havlíčková, en qualité d’agents,

    –        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato,

    –        pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes et P. A. Antunes, en qualité d’agents,

    –        pour la Commission européenne, par MM. H. Krämer, H. Støvlbæk et F. W. Bulst, en qualité d’agents,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 mai 2011,

    rend le présent

    Arrêt

    1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 7, paragraphe 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), ainsi que de la jurisprudence de la Cour y afférente, et notamment les arrêts du 23 mai 1978, Hoffmann-La Roche (102/77, Rec. p. 1139); du 3 décembre 1981, Pfizer (1/81, Rec. p. 2913), ainsi que du 11 juillet 1996, Bristol-Myers Squibb e.a. (C-427/93, C-429/93 et C-436/93, Rec. p. I-3457), et MPA Pharma (C-232/94, Rec. p. I-3671). Dans ces arrêts, la Cour a précisé les conditions dans lesquelles un importateur parallèle peut commercialiser des médicaments reconditionnés revêtus d’une marque, sans que le titulaire de la marque puisse s’y opposer.

    2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant, dans l’affaire C-400/09, Orifarm A/S (ci-après «Orifarm»), Orifarm Supply A/S (ci-après «Orifarm Supply»), Handelsselskabet af 5. januar 2002 A/S, en liquidation (ci-après «Handelsselskabet»), et Ompakningsselskabet af 1. november 2005 A/S (ci-après «Ompakningsselskabet») et, dans l’affaire C-207/10, Paranova Danmark A/S (ci-après «Paranova Danmark») et Paranova Pack A/S (ci-après «Paranova Pack») à Merck Sharp & Dohme Corp., anciennement Merck & Co. Inc., Merck Sharp & Dohme BV ainsi que Merck Sharp & Dohme (ci-après, ensemble, «Merck»), au sujet de l’absence d’indication du reconditionneur effectif sur le nouvel emballage de médicaments importés parallèlement.

     Le cadre juridique

    3        La directive 89/104 a été abrogée par la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 299, p. 25), entrée en vigueur le 28 novembre 2008. Néanmoins, les litiges au principal demeurent régis, compte tenu de la date des faits, par la directive 89/104.

    4        L’article 5 de la directive 89/104, intitulé «Droits conférés par la marque», prévoyait:

    «1.      La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires:

    a)      d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée;

    b)      d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque.

    2.      Tout État membre peut également prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’État membre et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.

    3.      Si les conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 sont remplies, il peut notamment être interdit:

    a)      d’apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement;

    b)      d’offrir les produits, de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe;

    c)      d’importer ou d’exporter les produits sous le signe;

    d)      d’utiliser le signe dans les papiers d’affaires et la publicité.

    […]»

    5        Aux termes de l’article 7 de la même directive, intitulé «Épuisement du droit conféré par la marque»:

    «1.      Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement.

    2.      Le paragraphe 1 n’est pas applicable lorsque des motifs légitimes justifient que le titulaire s’oppose à la commercialisation ultérieure des produits, notamment lorsque l’état des produits est modifié ou altéré après leur mise dans le commerce.»

     Les litiges au principal et les questions préjudicielles

     L’affaire C-400/09

    6        Orifarm, Orifarm Supply, Handelsselskabet et Ompakningsselskabet sont des sociétés qui font partie du groupe Orifarm. Ce groupe est le plus important importateur parallèle de médicaments des pays nordiques et était, au cours de l’année 2008, le plus important fournisseur de médicaments des pharmacies danoises. Le siège central du groupe se trouve à Odense (Danemark).

    7        Merck, qui figure parmi l’un des plus importants groupes mondiaux de production de médicaments, a fabriqué les médicaments en cause au principal, lesquels ont été importés parallèlement sur le marché danois par le groupe Orifarm. Merck est également titulaire des droits de marque se rapportant à ces médicaments et habilité à ester en justice dans le cadre d’accords de licence conclus avec les titulaires des droits de marque.

    8        Orifarm et Handelsselskabet sont ou ont été titulaires d’autorisations de mise sur le marché et de vente desdits médicaments, tandis qu’Orifarm Supply et Ompakningsselskabet, qui ont effectué leur reconditionnement, sont ou ont été titulaires d’une autorisation pour ce faire.

    9        Toutes les décisions concernant l’achat, le reconditionnement et la vente des médicaments en cause au principal, y inclus celles relatives à la conception des nouveaux emballages ainsi qu’à l’étiquetage, ont été prises par Orifarm ou Handelsselskabet. Ompakningsselskabet et Orifarm Supply ont acheté et reconditionné ces médicaments en assumant la responsabilité quant au respect des directives émanant du Lægemiddelstyrelsen (agence danoise des médicaments) destinées aux entreprises qui procèdent au reconditionnement.

    10      L’emballage desdits médicaments indiquait que ceux-ci ont été reconditionnés par Orifarm ou Handelsselskabet.

    11      Merck a introduit devant le Sø- og Handelsretten (tribunal maritime et commercial) deux recours contre, d’une part, Orifarm et Orifarm Supply ainsi que, d’autre part, Handelsselskabet et Ompakningsselskabet, au motif que, sur l’emballage des médicaments en cause au principal, ne figurait pas le nom du reconditionneur effectif. Dans des arrêts rendus respectivement les 21 février et 20 juin 2008, le Sø- og Handelsretten a constaté que les parties défenderesses ont porté atteinte aux droits de marque de Merck en omettant d’indiquer sur l’emballage le nom de l’entreprise qui a effectivement réalisé le reconditionnement et les a, en conséquence, condamnées à payer une réparation pécuniaire à Merck.

    12      Étant saisi des pourvois en cassation introduits par Orifarm, Orifarm Supply, Handelsselskabet et Ompakningsselskabet contre ces arrêts du Sø- og Handelsretten, le Højesteret a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1)      Faut-il comprendre la jurisprudence de la Cour, telle qu’elle ressort des arrêts [précités Bristol-Myers Squibb e.a. ainsi que MPA Pharma], en ce sens qu’un importateur parallèle, qui est le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament d’importation parallèle et dispose des informations le regardant, et qui donne à une entreprise indépendante des instructions pour l’achat et le reconditionnement du médicament, ainsi que pour la présentation détaillée de l’emballage et les dispositions à prendre en ce qui concerne le médicament, porte atteinte aux droits du titulaire d’une marque en se présentant lui-même comme reconditionneur sur l’emballage extérieur du médicament importé, au lieu d’indiquer le nom de l’entreprise indépendante qui est le titulaire de l’autorisation de reconditionnement, et a importé le médicament et réalisé le reconditionnement en pratique, notamment en (ré)apposant la marque concernée?

    2)      S’il est admis que le fait, pour le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché, de se présenter lui-même comme reconditionneur, au lieu de l’entreprise qui a – sur commande – effectué le reconditionnement en pratique, ne crée pas le risque d’induire le consommateur/utilisateur final en erreur en l’amenant à croire que le titulaire de la marque est responsable du reconditionnement du médicament en question, cela a-t-il une importance dans la réponse à apporter à la première question?

    3)      S’il est admis que le risque de faire croire que le titulaire de la marque est responsable du reconditionnement du médicament est écarté en indiquant comme reconditionneur l’entreprise qui a effectué le reconditionnement en pratique, cela a-t-il une importance dans la réponse à apporter à la première question?

    4)      La réponse à apporter à la première question est-elle déterminée par le seul risque que le titulaire de la marque puisse être, à tort, considéré comme le responsable du reconditionnement du médicament, ou d’autres préoccupations du titulaire de la marque sont-elles également pertinentes, comme [...]:

    a)      le fait que l’entreprise qui importe le médicament et effectue concrètement le reconditionnement en (ré)apposant la marque sur l’emballage extérieur du médicament soit ainsi susceptible de porter atteinte, de façon indépendante, au droit de marque du titulaire, et

    b)      le fait que, en raison de circonstances dont l’auteur du reconditionnement est responsable, le reconditionnement puisse affecter l’état originaire du médicament ou la présentation du médicament reconditionné soit telle qu’il pourrait être considéré qu’elle nuirait à la réputation du titulaire de la marque (voir, notamment, arrêt Bristol-Myers Squibb e.a.[, précité])?

    5)      Le fait que le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché qui s’est présenté comme reconditionneur fasse, au moment de la notification au titulaire de la marque préalablement à la mise sur le marché prévue pour le médicament d’importation parallèle reconditionné, partie du même groupe (en tant que société sœur) que le véritable auteur du reconditionnement a-t-il une incidence sur la réponse à apporter à la première question?»

     L’affaire C-207/10

    13      Paranova Danmark et Paranova Pack sont des filiales de Paranova Group A/S (ci-après «Paranova Group»), lequel exerce une activité d’importation parallèle de médicaments vers le Danemark, la Suède et la Finlande. Le siège dudit groupe se trouve à Ballerup (Danemark) où sont également établies les deux filiales.

    14      À l’instar des faits de l’affaire C-400/09, Paranova Group a importé parallèlement, au Danemark, les médicaments en cause au principal, lesquels ont été fabriqués par Merck, qui est titulaire des droits de marque portant sur ces médicaments ou est habilité à ester en justice dans le cadre d’accords de licence conclus avec les titulaires des marques.

    15      Paranova Danmark est titulaire d’une autorisation de mise sur le marché desdits médicaments, tandis que Paranova Pack, qui a effectué leur reconditionnement, est titulaire d’une autorisation pour ce faire.

    16      Toutes les décisions concernant l’achat, le reconditionnement et la vente des médicaments en cause au principal, y inclus celles relatives à la conception des nouveaux emballages ainsi qu’à l’étiquetage, ont été prises par Paranova Danmark. Paranova Pack a procédé aux achats et au reconditionnement effectif de ces médicaments dans le respect des conditions imposées aux sociétés de reconditionnement par le Lægemiddelstyrelsen et les a remis en vente conformément à la législation pharmaceutique, en assumant la responsabilité liée à ces diverses opérations.

    17      L’emballage desdits médicaments indiquait que ceux-ci ont été reconditionnés par Paranova Danmark.

    18      Merck a introduit deux recours contre Paranova Danmark et Paranova Pack, au motif que, sur l’emballage des médicaments en cause au principal, ne figurait pas le nom du reconditionneur effectif. À la suite de ces recours, il a été interdit à Paranova Danmark et à Paranova Pack – respectivement par ordonnance du 26 octobre 2004 rendue par le fogedretten i Ballerup, confirmée en appel, le 15 août 2007, par le Sø- og Handelsretten, ainsi que par arrêt de cette dernière juridiction du 31 mars 2008 – de vendre lesdits médicaments, au motif que leur emballage n’indiquait pas le nom de l’entreprise qui avait effectivement procédé au reconditionnement.

    19      Étant saisi des pourvois en cassation introduits par Paranova Danmark et Paranova Pack contre ces arrêts du Sø- og Handelsretten, le Højesteret a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1)      L’article 7, paragraphe 2, de la [directive 89/104] et la jurisprudence y afférente, notamment les arrêts [précités] Hoffmann-La Roche, Pfizer ainsi que Bristol-Myers Squibb e.a., doivent-ils être interprétés en ce sens que le titulaire d’un droit de marque peut se prévaloir de ce droit pour s’opposer à ce qu’une société de vente de produits d’importation parallèle, titulaire d’une autorisation de mise sur le marché d’un médicament dans un État membre, vende ce médicament en indiquant qu’il est reconditionné par la société de vente, bien que celle-ci confie le reconditionnement physique à une autre société, le reconditionneur, à laquelle la société de vente donne des instructions en matière d’achats, de reconditionnement, de conception plus spécifique de l’emballage des médicaments ainsi que d’autres dispositions en rapport avec le médicament, qui est titulaire d’une autorisation de reconditionnement et appose la marque sur le nouvel emballage dans le cadre du reconditionnement?

    2)      Cela a-t-il une incidence sur la réponse à la première question s’il y a lieu d’admettre que le consommateur ou l’utilisateur final n’est pas induit en erreur quant à l’origine de la marchandise et ne peut pas être amené à croire que le titulaire de la marque est responsable du reconditionnement, du fait de l’indication, par l’importateur parallèle, du nom du fabricant à côté de la mention susmentionnée relative à l’identité du responsable du reconditionnement?

    3)      Le risque de tromperie du consommateur ou de l’utilisateur final quant à la responsabilité du titulaire de la marque pour le reconditionnement est-il seul pertinent pour la réponse à la première question, ou une autre considération tenant au titulaire de la marque est-elle pertinente, par exemple:

    a)      le fait que celui qui procède effectivement à l’achat, au reconditionnement et la réapposition de la marque du titulaire sur l’emballage des médicaments est susceptible de porter ainsi lui-même atteinte, à cette occasion, aux droits du titulaire de la marque et que cela peut être imputable à des circonstances pour lesquelles celui qui a procédé au reconditionnement physique assume la responsabilité,

    b)      que le reconditionnement affecte l’état originaire du médicament, ou

    c)      que la présentation du produit reconditionné est telle qu’il convient de reconnaître l’existence d’une atteinte à la marque ou à la réputation du titulaire?

    4)      Si la Cour considère, dans la réponse à la troisième question, qu’il est également pertinent de tenir compte du fait que la société de reconditionnement est susceptible de porter elle-même atteinte aux droits de marque du titulaire, il est demandé à la Cour d’indiquer s’il importe, dans le cadre de la réponse à cette troisième question, que la société de vente de l’importateur parallèle et la société de conditionnement soient individuellement et solidairement responsables en vertu du droit national pour les atteintes aux droits de marque du titulaire.

    5)      La réponse à la première question est-elle affectée par le fait que l’importateur parallèle, qui est titulaire de l’autorisation de mise sur le marché et qui a indiqué être responsable du reconditionnement, appartienne, à la date de notification préalable du titulaire de la marque de la vente envisagée du médicament reconditionné, au même groupe que la société qui a procédé au reconditionnement (société sœur)?

    6)      Le fait que la société de reconditionnement soit mentionnée comme fabricant dans la notice d’accompagnement a-t-il une incidence sur la réponse à la première question?»

    20      Par ordonnance du président de la première chambre de la Cour du 31 janvier 2011, les affaires C-400/09 et C-207/10 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

     Sur les questions préjudicielles

    21      Par ses questions, qu’il convient de traiter ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7, paragraphe 2, de la directive 89/104 doit être interprété en ce sens qu’il permet au titulaire d’une marque afférente à un produit pharmaceutique, lequel fait l’objet d’importations parallèles, de s’opposer à la commercialisation ultérieure de ce produit reconditionné en raison du fait que le nouvel emballage indique en tant que reconditionneur non pas l’entreprise ayant, sur commande, effectivement reconditionné ledit produit et qui dispose d’une autorisation pour ce faire, mais l’entreprise qui est titulaire de l’autorisation de mise sur le marché dudit produit, sous les instructions de laquelle le reconditionnement a été effectué et qui en assume la responsabilité.

    22      Orifarm, Paranova Danmark, les gouvernements tchèque et portugais ainsi que la Commission européenne estiment que ces questions telles que reformulées appellent une réponse négative, tandis que Merck et le gouvernement italien sont d’avis contraire.

    23      À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 89/104, l’opposition du titulaire de la marque au reconditionnement de produits revêtus de cette marque, en tant qu’elle constitue une dérogation à la libre circulation des marchandises, ne peut être admise si l’exercice de ce droit par le titulaire constitue une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres au sens de l’article 30, seconde phrase, CE (devenu article 36, seconde phrase, TFUE) (voir arrêt du 26 avril 2007, Boehringer Ingelheim e.a., C-348/04, Rec. p. I-3391, point 16 ainsi que jurisprudence citée).

    24      Constitue une telle restriction déguisée au sens de cette dernière disposition l’exercice, par le titulaire d’une marque, de son droit de s’opposer au reconditionnement si cet exercice contribue à cloisonner artificiellement les marchés entre les États membres et si, par ailleurs, le reconditionnement a lieu de telle manière que les intérêts légitimes du titulaire sont respectés (voir arrêt Boehringer Ingelheim e.a., précité, point 17 ainsi que jurisprudence citée).

    25      La Cour a constaté à ce dernier égard que, dans l’hypothèse où le reconditionnement est opéré dans des conditions qui ne sauraient affecter l’état originaire du produit contenu dans l’emballage, la fonction essentielle de la marque en tant que garantie de provenance est sauvegardée. Ainsi, le consommateur ou l’utilisateur final n’est pas induit en erreur sur la provenance des produits, mais reçoit effectivement des produits fabriqués sous le contrôle unique du titulaire de la marque (voir arrêts précités Bristol-Myers Squibb e.a., point 67, ainsi que MPA Pharma, point 39).

    26      Elle a toutefois également relevé que l’impossibilité pour le titulaire de se prévaloir de son droit de marque pour s’opposer à la commercialisation sous sa marque des produits reconditionnés par un importateur équivaut à reconnaître à l’importateur une certaine faculté qui, dans des circonstances normales, est réservée au titulaire lui-même. Par conséquent, dans l’intérêt du titulaire en tant que propriétaire de la marque et pour le protéger contre tout abus, il convient de n’admettre cette faculté que pour autant que l’importateur respecte aussi certaines autres exigences (voir, en ce sens, arrêts précités Bristol-Myers Squibb e.a., points 68 et 69, ainsi que MPA Pharma, points 40 et 41).

    27      Il ressort ainsi d’une jurisprudence constante, et notamment des arrêts sur l’interprétation desquels la juridiction de renvoi interroge la Cour, que le titulaire d’une marque ne peut légitimement s’opposer à la commercialisation ultérieure d’un produit pharmaceutique revêtu de sa marque, lequel a été reconditionné par un importateur qui y a réapposé ladite marque:

    –        lorsqu’il est établi qu’une telle opposition contribuerait à cloisonner artificiellement les marchés entre États membres, notamment en raison du fait que le reconditionnement est nécessaire pour commercialiser le produit dans l’État membre d’importation;

    –        lorsqu’il est démontré que le reconditionnement ne saurait affecter l’état originaire du produit contenu dans l’emballage;

    –        lorsqu’il est indiqué clairement sur le nouvel emballage l’auteur du reconditionnement du produit et le nom du fabricant;

    –        lorsque la présentation du produit reconditionné n’est pas telle qu’elle puisse nuire à la réputation de la marque et à celle de son titulaire, ce qui implique, en particulier, que l’emballage ne doit pas être défectueux, de mauvaise qualité ou de caractère brouillon, et

    –        lorsque l’importateur avertit, préalablement à la mise en vente du produit reconditionné, le titulaire de la marque et lui fournit, à sa demande, un spécimen du produit reconditionné (voir, notamment, arrêts précités Hoffmann-La Roche, point 14; Bristol-Myers Squibb e.a., point 79; MPA Pharma, point 50, et Boehringer Ingelheim e.a., point 21, ainsi que arrêt du 22 décembre 2008, The Wellcome Foundation, C-276/05, Rec. p. I-10479, point 23).

    28      S’agissant de la condition en cause dans les affaires au principal, selon laquelle le nouvel emballage doit indiquer clairement l’auteur du reconditionnement du produit, cette exigence se justifie par l’intérêt du titulaire de la marque à ce que le consommateur ou l’utilisateur final ne puisse être amené à croire qu’il est responsable du reconditionnement (voir arrêts précités Bristol-Myers Squibb e.a., point 70, ainsi que MPA Pharma, point 42).

    29      Or, ainsi qu’il a été constaté par M. l’avocat général aux points 34 et 35 de ses conclusions, cet intérêt du titulaire est entièrement préservé lorsque figure clairement sur l’emballage du produit reconditionné le nom de l’entreprise sur commande et sous les instructions de laquelle le reconditionnement a été effectué et qui en assume la responsabilité. En effet, une telle indication, pourvu qu’elle soit imprimée de façon à être comprise par une personne normalement attentive, est de nature à éviter l’impression erronée dans l’esprit du consommateur ou de l’utilisateur final que le produit a été reconditionné par le titulaire.

    30      En outre, du fait que cette entreprise assume la pleine responsabilité des opérations liées au reconditionnement, le titulaire peut faire valoir ses droits, et, le cas échéant, obtenir des dommages et intérêts dans l’hypothèse où l’état originaire du produit contenu dans l’emballage a été affecté par le reconditionnement ou que la présentation du produit reconditionné est telle qu’elle puisse nuire à la réputation de la marque. Il convient de préciser à cet égard que, dans une telle hypothèse, une entreprise qui figure en tant que reconditionneur sur le nouvel emballage d’un produit reconditionné serait tenue de répondre pour tout dommage causé par l’entreprise qui a effectivement procédé au reconditionnement et ne saurait s’exonérer de sa responsabilité en avançant, notamment, que celle-ci a agi contre ses instructions.

    31      Dans ces conditions, le titulaire de la marque n’a pas d’intérêt légitime à exiger que figure sur l’emballage le nom de l’entreprise qui a effectivement reconditionné le produit au seul motif que le reconditionnement est susceptible d’affecter l’état originaire de ce produit et, partant, de porter éventuellement atteinte aux droits de marque.

    32      En effet, l’intérêt du titulaire de la marque dans la préservation de l’état originaire du produit contenu dans l’emballage est suffisamment protégé par l’exigence, rappelée au point 27 du présent arrêt, selon laquelle il doit être démontré que le reconditionnement ne saurait affecter l’état originaire dudit produit. Cette démonstration incombe, dans des conditions telles que celles des affaires au principal, au titulaire de l’autorisation de mise sur le marché, sous les instructions duquel le reconditionnement a été effectué et qui en assume la responsabilité.

    33      Merck soutient cependant qu’il serait nécessaire, pour protéger les consommateurs, d’indiquer sur l’emballage du produit reconditionné le nom de l’entreprise qui a effectivement réalisé le reconditionnement. En effet, ceux-ci auraient un intérêt à connaître le nom de cette entreprise, notamment lorsqu’il leur est possible, en vertu de leur droit national, d’engager une action non seulement à l’encontre du titulaire de l’autorisation de mise sur le marché, mais également à l’encontre de l’auteur du reconditionnement lorsqu’ils ont subi des dommages en raison de cette dernière opération.

    34      Cette argumentation ne saurait toutefois être retenue. Il suffit de constater, à cet égard, qu’il résulte clairement du libellé de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 89/104 que l’exception au principe de l’épuisement du droit conféré par la marque prévu à cette disposition est limitée à la protection des intérêts légitimes du titulaire de la marque, la protection spécifique des intérêts légitimes des consommateurs étant, quant à elle, assurée par d’autres instruments de droit.

    35      En tout état de cause, à supposer même que les intérêts du titulaire de la marque se confondent, ne serait-ce que partiellement, avec ceux du consommateur, il n’en reste pas moins que, comme l’a relevé M. l’avocat général aux points 42 et 43 de ses conclusions, l’indication sur l’emballage du produit de l’entreprise responsable du reconditionnement de celui-ci permet au consommateur, dans l’optique du droit de marque, d’être adéquatement informé.

    36      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’article 7, paragraphe 2, de la directive 89/104 doit être interprété en ce sens qu’il ne permet pas au titulaire d’une marque afférente à un produit pharmaceutique, lequel fait l’objet d’importations parallèles, de s’opposer à la commercialisation ultérieure de ce produit reconditionné en raison du seul fait que le nouvel emballage indique, en tant que reconditionneur, non pas l’entreprise ayant, sur commande, effectivement reconditionné ledit produit et qui dispose d’une autorisation pour ce faire, mais l’entreprise qui est titulaire de l’autorisation de mise sur le marché dudit produit, sous les instructions de laquelle le reconditionnement a été effectué et qui en assume la responsabilité.

     Sur les dépens

    37      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

    Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

    L’article 7, paragraphe 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens qu’il ne permet pas au titulaire d’une marque afférente à un produit pharmaceutique, lequel fait l’objet d’importations parallèles, de s’opposer à la commercialisation ultérieure de ce produit reconditionné en raison du seul fait que le nouvel emballage indique, en tant que reconditionneur, non pas l’entreprise ayant, sur commande, effectivement reconditionné ledit produit et qui dispose d’une autorisation pour ce faire, mais l’entreprise qui est titulaire de l’autorisation de mise sur le marché dudit produit, sous les instructions de laquelle le reconditionnement a été effectué et qui en assume la responsabilité.

    Signatures


    * Langue de procédure: le danois.

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