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Document 62009CJ0327

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 14 avril 2011.
Mensch und Natur AG contre Freistaat Bayern.
Demande de décision préjudicielle: Bayerischer Verwaltungsgerichtshof - Allemagne.
Article 249, quatrième alinéa, CE - Actes des institutions - Décision de la Commission adressée à un particulier - Règlement (CE) nº 258/97 - Nouvel aliment ou nouvel ingrédient alimentaire - Décision 2000/196/CE - ‘Stevia rebaudiana Bertoni: plantes et feuilles séchées’ - Refus de l’autorisation de mise sur le marché - Effets à l’égard d’une personne autre que le destinataire.
Affaire C-327/09.

Recueil de jurisprudence 2011 I-02897

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2011:249

Affaire C-327/09

Mensch und Natur AG

contre

Freistaat Bayern

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof)

«Article 249, quatrième alinéa, CE — Actes des institutions — Décision de la Commission adressée à un particulier — Règlement (CE) nº 258/97 — Nouvel aliment ou nouvel ingrédient alimentaire — Décision 2000/196/CE — ‘Stevia rebaudiana Bertoni: plantes et feuilles séchées’ — Refus de l’autorisation de mise sur le marché — Effets à l’égard d’une personne autre que le destinataire»

Sommaire de l'arrêt

Rapprochement des législations — Nouveaux aliments et nouveaux ingrédients alimentaires — Mise sur le marché — Règlement nº 258/97 — Décision de la Commission refusant de mettre sur le marché de l'Union un aliment ou un ingrédient alimentaire — Absence de caractère contraignant pour les personnes autres que les destinataires de ladite décision — Commercialisation sur le territoire d'un État membre d'un produit présentant des caractéristiques similaires à celui visé par la décision de refus de mise sur le marché — Obligations incombant aux autorités compétentes dudit État membre

(Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 258/97, art. 1er, § 2 et 7)

Une décision de la Commission prise sur la base de l’article 7 du règlement nº 258/97, relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires, et refusant de mettre sur le marché de l’Union un aliment ou un ingrédient alimentaire n’est pas contraignante pour d’autres personnes que la ou les personnes que cette décision désigne comme destinataires. En revanche, les autorités compétentes d’un État membre doivent vérifier si un produit commercialisé sur le territoire de cet État membre, dont les caractéristiques semblent correspondre à celles du produit qui a fait l’objet de ladite décision de la Commission, constitue un nouvel aliment ou un nouvel ingrédient alimentaire, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de ce règlement, et, le cas échéant, imposer à la personne concernée de se conformer aux dispositions dudit règlement.

(cf. point 36 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

14 avril 2011 (*)

«Article 249, quatrième alinéa, CE ? Actes des institutions – Décision de la Commission adressée à un particulier – Règlement (CE) nº 258/97 – Nouvel aliment ou nouvel ingrédient alimentaire – Décision 2000/196/CE – ‘Stevia rebaudiana Bertoni: plantes et feuilles séchées’ – Refus de l’autorisation de mise sur le marché – Effets à l’égard d’une personne autre que le destinataire»

Dans l’affaire C‑327/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof (Allemagne), par décision du 1er juillet 2009, parvenue à la Cour le 14 août 2009, dans la procédure

Mensch und Natur AG

contre

Freistaat Bayern,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, MM. E. Juhász (rapporteur), G. Arestis, J. Malenovský et T. von Danwitz, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 septembre 2010,

considérant les observations présentées:

–        pour Mensch und Natur AG, par Me H. Schmidt, Rechtsanwalt,

–        pour le gouvernement grec, par Mmes E. Leftheriotou et A. Vasilopoulou, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par M. M. Dowgielewicz, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement suédois, par Mme A. Falk, M. A. Engman et Mme S. Johannesson, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme L. Pignataro-Nolin et M. T. Scharf, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 novembre 2010,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 249, quatrième alinéa, CE, du règlement (CE) n° 258/97 du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 1997, relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires (JO L 43, p. 1), ainsi que de la décision 2000/196/CE de la Commission, du 22 février 2000, relative au refus d’autorisation de mise sur le marché de «Stevia rebaudiana Bertoni: plantes et feuilles séchées» en tant que nouvel aliment ou nouvel ingrédient alimentaire conformément au règlement n° 258/97 (JO L 61, p. 14).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mensch und Natur AG (ci-après «Mensch und Natur») au Freistaat Bayern (Land de Bavière) au sujet de l’interdiction de la mise sur le marché, en Allemagne, de certains produits commercialisés par ladite société, au motif que la composition de ces produits contient du Stevia rebaudiana Bertoni (ci‑après le «stevia»).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le règlement n° 258/97

3        Les premier et deuxième considérants du règlement n° 258/97 sont libellés comme suit:

«(1)      considérant que les différences entre les législations nationales en matière de nouveaux aliments ou de nouveaux ingrédients alimentaires peuvent entraver la libre circulation des denrées alimentaires; qu’elles peuvent créer des conditions de concurrence déloyale affectant directement le fonctionnement du marché intérieur;

(2)      considérant que, afin de protéger la santé publique, il est nécessaire de s’assurer que les nouveaux aliments et les nouveaux ingrédients alimentaires font l’objet d’une évaluation d’innocuité unique suivant une procédure communautaire avant d’être mis sur le marché dans la Communauté; […]»

4        L’article 1er dudit règlement dispose:

«1.      Le présent règlement a pour objet la mise sur le marché dans la Communauté de nouveaux aliments et de nouveaux ingrédients alimentaires.

2.      Le présent règlement s’applique à la mise sur le marché dans la Communauté d’aliments et d’ingrédients alimentaires pour lesquels la consommation humaine est jusqu’ici restée négligeable dans la Communauté et qui relèvent des catégories suivantes:

[…]

e)      les aliments et ingrédients alimentaires composés de végétaux ou isolés à partir de ceux-ci et les ingrédients alimentaires isolés à partir d’animaux, à l’exception des aliments et des ingrédients alimentaires obtenus par des pratiques de multiplication ou de reproduction traditionnelles et dont les antécédents sont sûrs en ce qui concerne l’utilisation en tant que denrées alimentaires;

[…]

3.      Le cas échéant, il peut être déterminé, selon la procédure prévue à l’article 13, si un type d’aliment ou d’ingrédient alimentaire relève du paragraphe 2 du présent article.»

5        L’article 3 de ce même règlement prévoit:

«1.      Les aliments ou ingrédients alimentaires qui relèvent du présent règlement ne doivent pas:

–        présenter de danger pour le consommateur,

–        induire le consommateur en erreur,

–        différer des aliments et ingrédients alimentaires qu’ils sont destinés à remplacer à un point tel que leur consommation normale impliquerait des inconvénients nutritionnels pour le consommateur.

2.      En vue de la mise sur le marché dans la Communauté des aliments et ingrédients alimentaires qui relèvent du présent règlement, les procédures prévues aux articles 4, 6, 7 et 8 s’appliquent, sur la base des critères définis au paragraphe 1 du présent article et des autres facteurs pertinents visés auxdits articles.

[…]»

6        Aux termes de l’article 4 du règlement n° 258/97:

«1.      La personne responsable de la mise sur le marché dans la Communauté, ci‑après dénommée ‘demandeur’, soumet une demande à l’État membre dans lequel le produit doit être mis sur le marché pour la première fois. Elle transmet, en même temps, une copie de la demande à la Commission.

2.      Il est procédé à l’évaluation initiale prévue à l’article 6.

À l’issue de la procédure visée à l’article 6 paragraphe 4, l’État membre visé au paragraphe 1 informe sans délai le demandeur:

–        qu’il peut procéder à la mise sur le marché de l’aliment ou de l’ingrédient alimentaire, lorsque l’évaluation complémentaire visée à l’article 6 paragraphe 3 n’est pas requise et qu’aucune objection motivée n’a été formulée conformément à l’article 6 paragraphe 4

ou

–        que, conformément à l’article 7, une décision d’autorisation est nécessaire.

3.      Chaque État membre notifie à la Commission le nom et l’adresse des organismes d’évaluation des aliments compétents sur son territoire pour établir les rapports d’évaluation initiale prévus à l’article 6 paragraphe 2.

4.      Avant la date d’entrée en vigueur du présent règlement, la Commission publie des recommandations concernant les aspects scientifiques relatifs:

–        aux informations qui doivent être fournies à l’appui de la demande, ainsi qu’à leur présentation,

–        à l’établissement des rapports d’évaluation initiale prévus à l’article 6.

[…]»

7        L’article 6 dudit règlement prévoit:

«1.      La demande visée à l’article 4 paragraphe 1 contient les informations nécessaires, y compris une copie des études effectuées, et tout autre élément permettant d’établir que l’aliment ou l’ingrédient alimentaire respecte les critères fixés à l’article 3 paragraphe 1 ainsi qu’une proposition appropriée concernant la présentation et l’étiquetage, conforme aux exigences fixées à l’article 8, de l’aliment ou de l’ingrédient alimentaire. En outre, la demande est accompagnée d’un résumé du dossier.

2.      À la réception de la demande, l’État membre visé à l’article 4 paragraphe 1 veille à ce qu’une évaluation initiale soit effectuée. À cette fin, il notifie à la Commission le nom de l’organisme compétent en matière d’évaluation des denrées alimentaires chargé d’établir le rapport d’évaluation initiale ou demande à la Commission de prendre avec un autre État membre des dispositions pour que l’un des organismes compétents en matière d’évaluation des denrées alimentaires visés à l’article 4 paragraphe 3 établisse ce rapport.

La Commission transmet sans délai aux États membres une copie du résumé du dossier fourni par le demandeur et le nom de l’organisme compétent chargé de procéder à l’évaluation initiale.

3.      Le rapport d’évaluation initiale est établi dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande remplissant les conditions fixées au paragraphe 1, conformément aux recommandations visées à l’article 4 paragraphe 4, et détermine si l’aliment ou l’ingrédient alimentaire doit faire ou non l’objet d’une évaluation complémentaire conformément à l’article 7.

4.      L’État membre concerné transmet sans délai le rapport de l’organisme compétent en matière d’évaluation des denrées alimentaires à la Commission, qui le transmet aux autres États membres. Un État membre ou la Commission peuvent, dans un délai de soixante jours à compter de la date de transmission du rapport par la Commission, formuler des observations ou présenter une objection motivée concernant la commercialisation de l’aliment ou de l’ingrédient alimentaire en cause. Les observations ou objections peuvent aussi porter sur la présentation ou l’étiquetage de l’aliment ou de l’ingrédient alimentaire.

La Commission est destinataire des observations ou objections formulées, qu’elle transmet aux États membres dans le délai de soixante jours visé au premier alinéa.

Le demandeur fournit, sur demande d’un État membre, une copie des informations utiles figurant dans la demande.»

8        L’article 7 de ce même règlement dispose:

«1.      Lorsque l’évaluation complémentaire est requise conformément à l’article 6 paragraphe 3 ou lorsqu’une objection est formulée conformément à l’article 6 paragraphe 4, une décision d’autorisation est prise selon la procédure prévue à l’article 13.

2.      La décision définit la portée de l’autorisation et, le cas échéant, précise:

–        les conditions d’utilisation de l’aliment ou de l’ingrédient alimentaire,

–        la dénomination de l’aliment ou de l’ingrédient alimentaire, ainsi que sa spécification,

–        les exigences spécifiques en matière d’étiquetage visées à l’article 8.

3.      La Commission informe sans délai le demandeur de la décision prise. Les décisions sont publiées au Journal officiel des Communautés européennes

9        L’article 13 du règlement n° 258/97 prévoit:

«1.      En cas de mise en œuvre de la procédure définie au présent article, la Commission est assistée par le comité permanent des denrées alimentaires, ci‑après dénommé ‘comité’.

2.      Le comité est saisi par son président, soit à l’initiative de celui-ci, soit à la demande du représentant d’un État membre.

3.      Le représentant de la Commission soumet au comité un projet des mesures à prendre. Le comité émet son avis sur ce projet dans un délai que le président peut fixer en fonction de l’urgence de la question en cause. L’avis est émis à la majorité prévue à l’article [205 paragraphe 2 CE] pour l’adoption des décisions que le Conseil est appelé à prendre sur proposition de la Commission. Lors des votes au sein du comité, les voix des représentants des États membres sont affectées de la pondération définie à l’article précité. Le président ne prend pas part au vote.

4.      a)     La Commission arrête les mesures envisagées lorsqu’elles sont conformes à l’avis du comité.

[…]»

10      Conformément à l’article 15 du règlement n° 258/97, celui-ci est entré en vigueur le quatre-vingt-dixième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.

 La décision 2000/196

11      Le troisième visa de la décision 2000/196 mentionne «la demande présentée par le professeur J. Geuns, Laboratoire de physiologie des végétaux, KUL, aux autorités belges compétentes le 5 novembre 1997 pour la mise sur le marché de ‘[stevia]: plantes et feuilles séchées’ en tant que nouvel aliment ou nouvel ingrédient alimentaire».

12      Les considérants de la décision 2000/196 sont libellés comme suit:

«(1)      Le premier rapport d’évaluation établi par les autorités belges compétentes conclut que, sur la base des informations fournies, le produit ne devrait pas obtenir l’autorisation [d’]être mis sur le marché.

(2)      En réponse au premier rapport d’évaluation, le demandeur a transmis une documentation complémentaire à la Commission qui a porté ces informations à la connaissance des États membres et du comité scientifique de l’alimentation humaine.

(3)      Une évaluation complémentaire a été effectuée conformément à l’article 7 du règlement [n° 258/97]. Le comité scientifique de l’alimentation humaine a émis, le 17 juin 1999, un avis qui confirme pour l’essentiel le premier rapport d’évaluation.

(4)      [Le stevia], plantes et feuilles séchées, est un nouvel aliment au sens du règlement […] nº 258/97 et comme il n’a pas été démontré que le produit est conforme aux critères définis à l’article 3, paragraphe 1, du règlement, il ne sera pas mis sur le marché communautaire.

(5)      Les mesures prévues par la présente décision sont conformes à l’avis du comité permanent des denrées alimentaires.»

13      Les articles 1er et 2 de la décision 2000/196 disposent:

«Article premier

‘[Le stevia]: plantes et feuilles séchées’ ne peut pas être mis sur le marché communautaire en tant qu’aliment ou ingrédient alimentaire.

Article 2

Le professeur J. Geuns, Laboratoire de physiologie des végétaux, KUL, Kardinal Mercierlaan 92, 3001 Heverlee, Belgique, est destinataire de la présente décision.»

 Le droit national

14      Selon l’article 2, paragraphe 1, point 1, de la loi du Land de Bavière relative à la surveillance des aliments (Bayerisches Lebensmittelüberwachungsgesetz) du 11 novembre 1997, les autorités peuvent, dans l’exercice de leurs missions, prendre des décisions individuelles afin de prévenir ou d’empêcher des violations des dispositions de la législation sur les denrées alimentaires.

15      L’article 3, paragraphe 1, du règlement relatif aux nouveaux aliments et ingrédients alimentaires (Neuartige Lebensmittel- und Lebensmittelzutaten-Verordnung) prévoit que les aliments et ingrédients alimentaires, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 258/97, ne peuvent pas être mis sur le marché par le responsable de la commercialisation en l’absence d’un agrément délivré dans le cadre des procédures visées à l’article 3, paragraphe 2, dudit règlement.

 Les faits au principal et les questions préjudicielles

16      Mensch und Natur produit et commercialise différentes variétés de thé. Dans certaines de celles-ci, des extraits de feuilles de stevia sont utilisés comme édulcorant.

17      Dans sa décision 2000/196, la Commission a décidé que le stevia ne pouvait pas être mis sur le marché de l’Union en tant qu’aliment ou ingrédient alimentaire. Cette décision à été prise à la suite de la demande présentée par le professeur Geuns, qui en est le destinataire.

18      Par décision du 8 avril 2003 adressée à Mensch und Natur, le Landratsamt Bad Tölz-Wolfratshausen (services administratifs de la circonscription de Bad Tölz-Wolfratshausen) a interdit la commercialisation de plusieurs variétés de thé, sous peine d’une amende administrative.

19      Dans cette décision, cette autorité a constaté que la demande d’autorisation du stevia en tant que nouvel aliment avait été rejetée par la décision 2000/196, laquelle obligeait tous les États membres à en interdire la commercialisation. Elle a également relevé que Mensch und Natur n’avait pas démontré que, avant l’entrée en vigueur du règlement n° 258/97, intervenue le 15 mai 1997, des quantités non négligeables des variétés de thé en cause avaient déjà été commercialisées dans l’Union européenne pour la consommation humaine.

20      Mensch und Natur a introduit un recours contre la décision du 8 avril 2003 du Landratsamt Bad Tölz-Wolfratshausen devant le Verwaltungsgericht München (tribunal administratif de Munich), soutenant que les produits contenant du stevia avaient été développés dès le début des années 90 par ses prédécesseurs et que, dès avant le 15 mai 1997, ces produits avaient été commercialisés en très grande quantité dans l’Union par vente par correspondance ainsi que dans des commerces de produits naturels. Par ailleurs, Mensch und Natur a soutenu que la décision 2000/196 n’avait aucun effet contraignant à son égard.

21      Le Verwaltungsgericht München a fait droit à ce recours par jugement du 13 mai 2004.

22      Le Freistaat Bayern a interjeté appel de ce jugement devant le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof (cour administrative de Bavière).

23      Estimant nécessaire d’obtenir certains éclaircissements sur l’interprétation du droit de l’Union pour se prononcer, le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 249, quatrième alinéa, CE s’oppose-t-il à une interprétation selon laquelle une décision de la Commission qui, d’après son libellé, ne s’adresse qu’à une personne déterminée est également contraignante pour d’autres entreprises qui, vu le sens et l’objectif de [cette] décision, doivent être traitées de la même manière?

2)      Faut-il considérer que la décision [2000/196], dont l’article 1er s’oppose à la mise sur le marché communautaire du [stevia] en tant qu’aliment ou ingrédient alimentaire, est également contraignante pour [Mensch und Natur] qui [le] commercialise actuellement dans la Communauté?»

 Sur les questions préjudicielles

24      Par ses deux questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande à la Cour, en substance, de préciser les effets juridiques d’une décision de la Commission refusant l’autorisation de mettre sur le marché de l’Union un produit en tant qu’aliment ou ingrédient alimentaire prise sur la base de l’article 7 du règlement n° 258/97.

25      Aux termes de l’article 249, quatrième alinéa, CE, «[l]a décision est obligatoire dans tous ses éléments pour le destinataire qu’elle désigne». Cette disposition est devenue l’article 288, quatrième alinéa, TFUE, qui dispose que «[l]a décision est obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu’elle désigne les destinataires, elle n’est obligatoire que pour ceux‑ci».

26      La nature de la procédure établie par le règlement n° 258/97 exclut également une interprétation extensive concernant les destinataires d’une décision prise en vertu de cet acte.

27      À cet égard, il convient de relever, d’une part, que ce règlement n’est applicable que pour les nouveaux aliments et nouveaux ingrédients alimentaires, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de celui-ci. Cette qualification dépend du point de savoir si la consommation humaine de ces aliments ou ingrédients alimentaires dans l’Union a été négligeable ou non avant l’entrée en vigueur dudit règlement.

28      L’article 1er, paragraphe 3, du règlement n° 258/97 ne prévoit que la possibilité de déterminer, «le cas échéant», si un type d’aliment ou d’ingrédient alimentaire relève du champ d’application dudit règlement par la voie de la procédure dite de «comitologie» établie à l’article 13 de celui-ci (voir arrêt du 15 janvier 2009, M-K Europa, C-383/07, Rec. p. I‑115, point 40). Toutefois, il n’incombe pas à l’entrepreneur d’engager la procédure établie à cet article 13 (arrêt M-K Europa, précité, point 43).

29      D’autre part, une décision de la Commission relative au refus d’autorisation de mise sur le marché d’un produit est basée essentiellement sur la demande d’une personne visant la mise sur le marché du produit concerné et sur les informations fournies par elle, ainsi qu’il découle notamment des articles 4, paragraphe 1, et 6, paragraphe 1, du règlement n° 258/97.

30      Il ne ressort pas du texte de la décision 2000/196 d’une manière certaine que la Commission a examiné la question de savoir s’il y a eu ou non une consommation humaine non négligeable du produit en cause dans l’Union avant l’entrée en vigueur dudit règlement.

31      En revanche, les États membres, qui sont liés par l’obligation de coopération loyale exprimée à l’article 10 CE et, actuellement, à l’article 4, paragraphe 3, TUE, doivent respecter le règlement n° 258/97 et, partant, veiller à ce qu’un aliment ou ingrédient alimentaire «nouveau», au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de ce règlement, relevant de ce fait de son champ d’application, ne soit pas commercialisé sur leur territoire sans la constatation, par l’autorité compétente de l’État membre concerné, de l’absence de nécessité d’une autorisation, conformément à l’article 4 dudit règlement, et, le cas échéant, sans l’autorisation de la Commission, conformément à l’article 7 de celui-ci.

32      Selon l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 258/97, les décisions prises sur la base de cet article sont publiées au Journal officiel de l’Union européenne.

33      Dans ces conditions, lorsque les autorités d’un État membre sont en possession d’informations selon lesquelles, sur le territoire de celui‑ci, sont commercialisés des produits dont les caractéristiques semblent correspondre à celles de produits dont la mise sur le marché de l’Union a été refusée par la Commission, elles doivent vérifier les circonstances de cette commercialisation sur la base des dispositions de ce règlement et, le cas échéant, empêcher la commercialisation de ces produits.

34      Tout d’abord, leur tâche consiste à déterminer si le produit en cause constitue ou non un nouvel aliment ou un nouvel ingrédient alimentaire, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 258/97, en donnant la possibilité à la personne intéressée de prouver que ce produit a été commercialisé en quantité non négligeable dans l’Union antérieurement à l’entrée en vigueur de ce règlement.

35      Ensuite, s’il est constaté que ce produit constitue un nouvel aliment ou un nouvel ingrédient alimentaire, l’autorité compétente de l’État membre concerné doit prendre les mesures nécessaires pour que les dispositions du règlement n° 258/97 soient effectivement appliquées, ce qui peut inclure l’injonction faite à la personne intéressée, pour pouvoir continuer la commercialisation dudit produit, de soumettre une demande conformément à l’article 4 de ce règlement.

36      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre aux questions posées qu’une décision de la Commission prise sur la base de l’article 7 du règlement n° 258/97 et refusant de mettre sur le marché de l’Union un aliment ou un ingrédient alimentaire n’est pas contraignante pour d’autres personnes que la ou les personnes que cette décision désigne comme destinataires. En revanche, les autorités compétentes d’un État membre doivent vérifier si un produit commercialisé sur le territoire de cet État membre, dont les caractéristiques semblent correspondre à celles du produit qui a fait l’objet de cette décision de la Commission, constitue un nouvel aliment ou un nouvel ingrédient alimentaire, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de ce règlement, et, le cas échéant, elles doivent imposer à la personne concernée de se conformer aux dispositions dudit règlement.

 Sur les dépens

37      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

Une décision de la Commission prise sur la base de l’article 7 du règlement (CE) n° 258/97 du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 1997, relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires, et refusant de mettre sur le marché de l’Union un aliment ou un ingrédient alimentaire n’est pas contraignante pour d’autres personnes que la ou les personnes que cette décision désigne comme destinataires. En revanche, les autorités compétentes d’un État membre doivent vérifier si un produit commercialisé sur le territoire de cet État membre, dont les caractéristiques semblent correspondre à celles du produit qui a fait l’objet de cette décision de la Commission, constitue un nouvel aliment ou un nouvel ingrédient alimentaire, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de ce règlement, et, le cas échéant, elles doivent imposer à la personne concernée de se conformer aux dispositions dudit règlement.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.

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