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Document 62009CJ0326

    Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 17 mars 2011.
    Commission européenne contre République de Pologne.
    Manquement d’État - Directive 2004/113/CE - Politique sociale - Égalité de traitement entre les femmes et les hommes - Accès à des biens et services et fourniture de biens et services - Non-transposition dans le délai prescrit.
    Affaire C-326/09.

    Recueil de jurisprudence 2011 -00000

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2011:155

    ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

    17 mars 2011 (*)

    «Manquement d’État – Directive 2004/113/CE – Politique sociale – Égalité de traitement entre les femmes et les hommes – Accès à des biens et services et fourniture de biens et services – Non-transposition dans le délai prescrit»

    Dans l’affaire C‑326/09,

    ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 12 août 2009,

    Commission européenne, représentée par MM. M. van Beek et M. Kaduczak, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie requérante,

    contre

    République de Pologne, représentée par M. M. Dowgielewicz, en qualité d’agent,

    partie défenderesse,

    LA COUR (cinquième chambre),

    composée de M. M. Ilešič, faisant fonction de président de la cinquième chambre, M. E. Levits et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

    avocat général: Mme E. Sharpston,

    greffier: M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas adopté les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2004/113/CE du Conseil, du 13 décembre 2004, mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services (JO L 373, p. 37), ou, en tout état de cause, en ne l’ayant pas informée de l’adoption de ces dispositions, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

    2        Conformément à l’article 17 de la directive 2004/113, les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à ladite directive avant le 21 décembre 2007 et les communiquer immédiatement à la Commission.

     La procédure précontentieuse

    3        N’ayant pas été informée des mesures prises par la République de Pologne pour assurer la transposition de la directive 2004/113 dans l’ordre juridique national dans le délai prescrit, la Commission a engagé la procédure en manquement prévue à l’article 226 CE et a, par une lettre du 29 janvier 2008, mis cet État membre en demeure de présenter ses observations dans un délai de deux mois à compter de la notification de cette lettre.

    4        Par des lettres transmises à la Commission le 1er avril 2008, la République de Pologne a indiqué que certaines dispositions de la directive 2004/113 correspondaient à des dispositions légales nationales existantes et que les mesures nécessaires à la transposition de cette directive faisaient l’objet des travaux législatifs en cours.

    5        Ne disposant d’aucune information de nature à établir que lesdites mesures avaient été adoptées, la Commission a, par une lettre du 27 juin 2008, émis un avis motivé invitant la République de Pologne à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à ses obligations découlant de ladite directive dans un délai de deux mois à compter de la réception de cet avis.

    6        La République de Pologne a répondu audit avis motivé par une lettre du 21 août 2008. Elle dressait, dans cette dernière, une liste d’actes assurant la mise en œuvre de certaines dispositions de la directive 2004/113, tout en concédant que la transposition requise n’était toujours pas complète et que les travaux législatifs en cours étaient encore au stade de l’élaboration d’un projet de loi.

    7        Plus précisément, la République de Pologne faisait valoir qu’un projet de loi sur l’égalité de traitement dont l’objectif était de parachever la transposition de la directive 2004/113 dans l’ordre juridique polonais était en cours d’élaboration. Les travaux législatifs entrepris dans ce domaine auraient été associés aux travaux d’examen et de transposition intégrale d’autres directives relatives à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement. Ce projet de loi sur l’égalité de traitement aurait été adopté le 27 juin 2008 par le comité européen du Conseil des ministres et devait être soumis au Conseil des ministres, avant d’être transmis sans délai à la Diète pour y être débattu. La loi correspondante devait, selon cet État membre, être adoptée au cours du mois de décembre 2008.

    8        N’ayant reçu depuis lors aucune autre information de la République de Pologne concernant l’adoption des mesures nécessaires à la transposition de ladite directive, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

     Sur le recours

     Argumentation des parties

    9        La Commission soutient que la République de Pologne n’a pas adopté les dispositions nécessaires pour se conformer à la directive 2004/113 ou, en tout état de cause, qu’elle ne les lui a pas communiquées.

    10      La République de Pologne, en revanche, conteste l’existence du manquement allégué.

    11      Dans son mémoire en défense, la République de Pologne soutient, en premier lieu, que la législation nationale relative à l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services, en vigueur à la date prévue pour la mise en œuvre de la directive 2004/113, était déjà en conformité avec les dispositions de cette dernière. À cet égard, ledit État membre se réfère à une liste contenant les intitulés des onze actes législatifs nationaux, au nombre desquels figurent la Constitution polonaise du 2 avril 1997, la loi du 23 avril 1964 sur le code civil, la loi du 17 novembre 1964 sur le code de procédure civile et la loi du 6 juin 1997 sur le code pénal, qui assurent, selon lui, la réalisation des objectifs visés par la directive 2004/113.

    12      La République de Pologne souligne que le droit polonais contient de nombreuses dispositions législatives tendant à assurer l’égalité entre les hommes et les femmes, dont des dispositions permettent d’engager des poursuites pour violation du principe de l’égalité de traitement.

    13      Aussi, l’objectif visé par la directive 2004/113, à savoir l’établissement d’un cadre pour lutter contre la discrimination fondée sur le sexe, en vue de mettre en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes, serait-il réalisé.

    14      En second lieu, la République de Pologne fait remarquer qu’elle est partie à des accords internationaux relatifs aux droits de l’homme, à savoir, notamment, la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, le pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 16 décembre 1966 et entré en vigueur le 23 mars 1976, le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 16 décembre 1966 et entré en vigueur le 3 janvier 1976, ainsi que la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 18 décembre 1979 et entrée en vigueur le 3 septembre 1981.

    15      La réalisation effective des objectifs fixés par la directive 2004/113 serait donc assurée, en Pologne, par le contexte juridique général.

    16      Dans son mémoire en duplique, la République de Pologne soutient que, s’il est vrai, d’une part, que, dans sa réponse à l’avis motivé, elle a fait référence aux travaux législatifs entrepris dans le domaine de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes et, d’autre part, que la question de ces travaux n’a pas été abordée dans son mémoire en défense, il n’en résulte pas que sont inexactes ses affirmations selon lesquelles la mise en œuvre effective de la directive 2004/113 est assurée par les dispositions du droit polonais déjà en vigueur. Quant aux travaux relatifs au projet de loi sur l’égalité de traitement, ils permettront, selon la République de Pologne, l’adoption d’une loi systémique ordonnant et précisant les règles de protection contre la discrimination. Toutefois, cela ne signifierait pas que le niveau actuel de cette protection ne corresponde pas aux exigences fixées par la directive 2004/113.

    17      En outre, la République de Pologne précise, pour la première fois dans le cadre de cette affaire, dans son mémoire en duplique du 23 décembre 2009, que certaines dispositions de la directive 2004/113, notamment les articles 5, 8, 9 et 12 de celle-ci, ont été transposées en droit national.

     Appréciation de la Cour

    18      En premier lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, s’il est vrai que dans le cadre d’une procédure en manquement il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué et d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de cette existence, il n’en demeure pas moins que les États membres sont tenus de faciliter à la Commission l’accomplissement de sa mission (voir, notamment, arrêts du 25 octobre 2007, Commission/Irlande, C‑248/05, Rec. p. I‑9261, points 66 et 67; du 22 janvier 2009, Commission/Pologne, C‑492/07, point 17, ainsi que du 29 octobre 2009, Commission/Pologne, C‑551/08, point 15). En effet, s’agissant de vérifier si les dispositions destinées à assurer la transposition d’une directive de l’Union en droit national sont de nature à garantir la mise en œuvre effective de ladite directive, la Commission est largement tributaire des éléments fournis par l’État membre concerné (voir, en ce sens, arrêts précités Commission/Irlande, point 68, ainsi que du 22 janvier 2009, Commission/Pologne, point 18).

    19      En l’espèce, il importe de relever que, tout au long de la procédure précontentieuse, la République de Pologne a fait valoir que, bien que certaines dispositions de la directive 2004/113 correspondissent à des dispositions légales nationales existantes, la transposition requise n’était toujours pas complète et que l’adoption des mesures nécessaires à la transposition de ladite directive faisait l’objet des travaux législatifs en cours. L’assertion selon laquelle une transposition correcte et complète était assurée par le contexte juridique général a ainsi été invoquée pour la première fois par la République de Pologne dans son mémoire en défense.

    20      Toutefois, même si la République de Pologne soutient désormais que la réglementation nationale existante constitue une transposition correcte et complète de la directive 2004/113, de telle sorte qu’il n’était pas nécessaire qu’elle procède formellement à la transposition de celle-ci, il n’en demeure pas moins que cet État membre n’a pas fourni d’indications suffisamment précises quant au contenu des normes nationales qui, selon lui, transposent cette directive.

    21      Or, il ne résulte pas des allégations de la République de Pologne que celle-ci ait affirmé avoir effectué la transposition de certains articles de ladite directive, notamment celle des articles 3, 10, 13 et 14 de cette dernière.

    22      De surcroît, il découle de la jurisprudence que, lorsqu’une directive prévoit expressément que les dispositions de transposition de cette directive contiennent une référence à celle-ci ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle, il est en tout état de cause nécessaire d’adopter un acte positif de transposition (voir arrêts du 18 décembre 1997, Commission/Espagne, C‑360/95, Rec. p. I‑7337, point 13, et Commission/Espagne, C‑361/95, Rec. p. I‑7351, point 15, ainsi que du 1er octobre 2009, Commission/Espagne, C‑502/08, point 21).

    23      En l’espèce, l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2004/113 prévoit que les mesures de transposition doivent contenir une référence à celle-ci ou être accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Or, la République de Pologne n’allègue pas que les dispositions légales qu’elle invoque satisfont à cette condition.

    24      En second lieu, si la République de Pologne indique dans son mémoire en duplique que la transposition de l’article 5 de la directive 2004/113, concernant l’interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe dans le calcul des primes et des prestations aux fins des services d’assurance et des services financiers connexes, a été mise en œuvre par les changements de la réglementation nationale opérés par la loi du 13 février 2009 modifiant la loi sur l’activité d’assurance et certaines autres lois, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêts du 14 septembre 2004, Commission/Espagne, C‑168/03, Rec. p. I‑8227, point 24; du 30 juin 2009, Commission/Belgique, C‑490/08, point 8, et du 17 décembre 2009, Commission/Belgique, C‑120/09, point 19).

    25      Or, en faisant valoir que les dispositions de l’article 5 de ladite directive ont été transposées dans le droit national au cours du mois de février 2009, soit postérieurement à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé qui lui a été adressé par la Commission, la République de Pologne a admis implicitement que la réglementation nationale préexistante ne constituait pas une transposition complète de la directive 2004/113.

    26      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que, à l’expiration du délai imparti dans ledit avis motivé, la République de Pologne n’avait pas pris les mesures nécessaires pour assurer la transposition de la directive 2004/113 dans son ordre juridique.

    27      Dès lors, le recours introduit par la Commission doit être considéré comme fondé.

    28      Par conséquent, il convient de constater que, en n’ayant pas adopté, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2004/113, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

     Sur les dépens

    29      En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République de Pologne et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

    Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:

    1)      En n’ayant pas adopté, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2004/113/CE du Conseil, du 13 décembre 2004, mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

    2)      La République de Pologne est condamnée aux dépens.

    Signatures


    * Langue de procédure: le polonais.

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