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Document 62009CJ0325

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 21 juillet 2011.
Secretary of State for Work and Pensions contre Maria Dias.
Demande de décision préjudicielle: Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) - Royaume-Uni.
Libre circulation des personnes - Directive 2004/38/CE - Article 16 - Droit de séjour permanent - Périodes accomplies avant la date de transposition de cette directive - Séjour légal - Séjour sur le seul fondement d’une carte de séjour délivrée au titre de la directive 68/360/CEE et sans que soient satisfaites les conditions pour bénéficier d’un quelconque droit de séjour.
Affaire C-325/09.

Recueil de jurisprudence 2011 I-06387

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2011:498

Affaire C-325/09

Secretary of State for Work and Pensions

contre

Maria Dias

(demande de décision préjudicielle, introduite par

la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division))

«Libre circulation des personnes — Directive 2004/38/CE — Article 16 — Droit de séjour permanent — Périodes accomplies avant la date de transposition de cette directive — Séjour légal — Séjour sur le seul fondement d’une carte de séjour délivrée au titre de la directive 68/360/CEE et sans que soient satisfaites les conditions pour bénéficier d’un quelconque droit de séjour»

Sommaire de l'arrêt

1.        Citoyenneté de l'Union européenne — Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres — Directive 2004/38 — Droit de séjour permanent des citoyens de l'Union — Acquisition au terme d'une période de séjour ininterrompu de cinq ans dans l'État membre d'accueil — Périodes accomplies légalement avant la date de transposition de la directive — Inclusion

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2004/38, art. 16, § 1)

2.        Libre circulation des personnes — Droit d'entrée et de séjour des ressortissants des États membres — Délivrance du titre de séjour — Caractère déclaratif et non constitutif de droits — Effets

(Directives du Conseil 68/360 et 90/364)

3.        Citoyenneté de l'Union européenne — Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres — Directive 2004/38 — Droit de séjour permanent des citoyens de l'Union — Acquisition au terme d'une période de séjour ininterrompu de cinq ans dans l'État membre d'accueil — Périodes accomplies légalement avant la date de transposition de la directive sur le seul fondement d'une carte de séjour valablement délivrée en vertu de la directive 68/360 — Exclusion

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2004/38, art. 16, § 1 et 4; directive du Conseil 68/360)

1.        Les périodes de séjour ininterrompu de cinq ans, accomplies avant la date de transposition de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, à savoir le 30 avril 2006, conformément à des instruments du droit de l’Union antérieurs à cette date, doivent être prises en considération aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de cette directive. D’autre part, des absences de l’État membre d’accueil, inférieures à deux ans consécutifs, intervenues avant le 30 avril 2006 et postérieurement à un séjour légal ininterrompu de cinq ans accompli avant cette date, ne sont pas de nature à affecter l’acquisition du droit de séjour permanent au titre dudit article 16, paragraphe 1.

(cf. point 35)

2.        Le droit des ressortissants d’un État membre d’entrer sur le territoire d’un autre État membre et d’y séjourner, aux fins voulues par le traité, constitue un droit directement conféré par celui-ci ou, selon le cas, par les dispositions prises pour la mise en œuvre dudit traité. La délivrance d’un titre de séjour à un ressortissant d’un État membre doit être considérée non comme un acte constitutif de droits, mais comme un acte destiné à constater, de la part d’un État membre, la situation individuelle d’un ressortissant d’un autre État membre au regard des dispositions du droit de l’Union. Le caractère déclaratif des cartes de séjour implique que ces cartes ne font qu’attester un droit préexistant. Par conséquent, de même que ce caractère empêche de qualifier d’illégal, au sens du droit de l’Union, le séjour d’un citoyen en considération de la seule circonstance qu’il ne dispose pas d’une carte de séjour, il fait obstacle à ce que soit considéré comme légal, au sens du droit de l’Union, le séjour d’un citoyen de celle-ci en raison du seul fait qu’une telle carte lui a été valablement délivrée.

(cf. points 48, 54)

3.        L’article 16, paragraphes 1 et 4, de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, doit être interprété en ce sens que:

- des périodes de séjour accomplies avant le 30 avril 2006 sur le seul fondement d’une carte de séjour valablement délivrée en vertu de la directive 68/360, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l’intérieur de la Communauté, et sans que soient satisfaites les conditions pour bénéficier d’un quelconque droit de séjour ne sauraient être considérées comme accomplies légalement aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, et que

- des périodes de séjour inférieures à deux ans consécutifs, accomplies sur le seul fondement d’une carte de séjour valablement délivrée en vertu de la directive 68/360 et sans que soient satisfaites les conditions pour bénéficier d’un droit de séjour, intervenues avant le 30 avril 2006 et postérieurement à un séjour légal ininterrompu de cinq ans accompli avant cette date, ne sont pas de nature à affecter l’acquisition du droit de séjour permanent au titre dudit article 16, paragraphe 1.

En effet, même si l’article 16, paragraphe 4, de la directive 2004/38 ne se réfère qu’aux absences de l’État membre d’accueil, le lien d’intégration entre la personne concernée et cet État membre est également mis en cause dans le cas d’un citoyen qui, tout en ayant séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans, décide par la suite de rester dans cet État membre sans disposer d’un droit de séjour. À cet égard, l’intégration, qui préside à l’acquisition du droit de séjour permanent prévu à l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, est fondée non seulement sur des facteurs spatiaux et temporels, mais également sur des facteurs qualitatifs, relatifs au degré d’intégration dans l’État membre d’accueil.

(cf. points 63-64, 67 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

21 juillet 2011 (*)

«Libre circulation des personnes – Directive 2004/38/CE – Article 16 – Droit de séjour permanent – Périodes accomplies avant la date de transposition de cette directive – Séjour légal – Séjour sur le seul fondement d’une carte de séjour délivrée au titre de la directive 68/360/CEE et sans que soient satisfaites les conditions pour bénéficier d’un quelconque droit de séjour»

Dans l’affaire C‑325/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni), par décision du 4 août 2009, parvenue à la Cour le 12 août 2009, dans la procédure

Secretary of State for Work and Pensions

contre

Maria Dias,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. D. Šváby, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. G. Arestis et J. Malenovský, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 décembre 2010,

considérant les observations présentées:

–        pour Mme Dias, par M. A. Berry, barrister, mandaté par M. J. Borrero, solicitor, 

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Ossowski, en qualité d’agent, assisté de Mme K. Smith, barrister,

–        pour le gouvernement danois, par Mme B. Weis Fogh, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement portugais, par M. L. Fernandes, en qualité d’agent, 

–        pour la Commission européenne, par Mme D. Maidani et M. M. Wilderspin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 février 2011,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 16 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO L 158, p. 77, et rectificatifs JO L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34), en ce qui concerne des séjours intervenus avant la date de transposition de cette directive, ainsi que sur l’interprétation de la directive 68/360/CEE du Conseil, du 15 octobre 1968, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 13), en ce qui concerne les cartes de séjour délivrées conformément à cette dernière directive. 

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Secretary of State for Work and Pensions (ministre du Travail et des Pensions) à Mme Dias au sujet du droit de cette dernière au bénéfice du complément de revenu («income support»).

 Le cadre juridique 

 Le droit de l’Union

 La directive 68/360

3        Aux termes de l’article 4 de la directive 68/360:

«1.      Les États membres reconnaissent le droit de séjour sur leur territoire aux [ressortissants desdits États et aux membres de leur famille auxquels s’applique le règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2)], qui sont en mesure de présenter les documents énumérés au paragraphe 3.

2.      Le droit de séjour est constaté par la délivrance d’un document dénommé ‘carte de séjour de ressortissant d’un État membre de la CEE’. Ce document doit comporter la mention qu’il a été délivré en application du règlement […] nº 1612/68 et des dispositions prises par les États membres en application de la présente directive. Le libellé de cette mention figure en annexe à la présente directive.

3.      Pour la délivrance de la carte de séjour de ressortissant d’un État membre de la CEE, les États membres ne peuvent demander que la présentation des documents ci-après énumérés:

–        au travailleur:

a)      le document sous le couvert duquel il a pénétré sur leur territoire;

b)      une déclaration d’engagement de l’employeur ou une attestation de travail;

[…]» 

4        L’article 6 de ladite directive prévoyait:

«1.      La carte de séjour:

a)      doit être valable pour l’ensemble du territoire de l’État membre qui l’a délivrée;

b)      doit avoir une durée de validité de cinq ans au moins à dater de la délivrance et être automatiquement renouvelable.

2.      Les interruptions de séjour ne dépassant pas six mois consécutifs ainsi que les absences motivées par l’accomplissement d’obligations militaires n’affectent pas la validité de la carte de séjour.

3.      Lorsque le travailleur occupe un emploi pendant une durée supérieure à trois mois et inférieure à un an au service d’un employeur de l’État d’accueil ou pour le compte d’un prestataire de service, l’État membre d’accueil lui délivre un titre temporaire de séjour dont la durée de validité peut être limitée à la durée prévue de l’emploi.

Sous réserve des dispositions de l’article 8, paragraphe 1, sous c), un titre temporaire de séjour est également délivré au travailleur saisonnier occupé pour une durée de plus de trois mois. La durée de l’emploi doit être indiquée dans les documents visés à l’article 4, paragraphe 3, sous b).»

5        L’article 7 de la même directive énonçait:

«1.      La carte de séjour en cours de validité ne peut être retirée au travailleur du seul fait qu’il n’occupe plus d’emploi, soit que l’intéressé ait été frappé d’une incapacité temporaire de travail résultant d’une maladie ou d’un accident, soit qu’il se trouve en situation de chômage involontaire dûment constatée par le bureau de main-d’œuvre compétent.

2.      Lors du premier renouvellement, la durée de validité de la carte de séjour peut être limitée, sans pouvoir être inférieure à une période de douze mois, lorsque le travailleur se trouve dans une situation de chômage involontaire dans l’État d’accueil depuis plus de douze mois consécutifs.»

6        L’annexe de la directive 68/360, intitulée «Libellé de la mention prévue à l’article 4, paragraphe 2», disposait:

«La présente carte est délivrée en application du règlement (CEE) nº 1612/68 du Conseil des Communautés européennes du 15 octobre 1968 et des dispositions prises en exécution de la directive du Conseil du 15 octobre 1968.

Conformément aux dispositions du règlement précité, le titulaire de la présente carte a le droit d’accéder dans les mêmes conditions que les travailleurs […] aux activités salariées et de les exercer sur le territoire […]»

 La directive 90/364/CEE

7        L’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 90/364/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour (JO L 180, p. 26), énonçait: 

«Les États membres accordent le droit de séjour aux ressortissants des États membres qui ne bénéficient pas de ce droit en vertu d’autres dispositions du droit communautaire, ainsi qu’aux membres de leur famille tels qu’ils sont définis au paragraphe 2, à condition qu’ils disposent, pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille, d’une assurance maladie couvrant l’ensemble des risques dans l’État membre d’accueil et de ressources suffisantes pour éviter qu’ils ne deviennent, pendant leur séjour, une charge pour l’assistance sociale de l’État membre d’accueil.»

8        Aux termes de l’article 2, paragraphes 1 et 2, de ladite directive:

«1.      Le droit de séjour est constaté par la délivrance d’un document dénommé ‘carte de séjour de ressortissant d’un État membre de la CEE’, dont la validité peut être limitée à cinq ans, renouvelable. Toutefois, les États membres peuvent, quand ils l’estiment nécessaire, demander la revalidation de la carte au terme des deux premières années de séjour. Lorsqu’un membre de la famille n’a pas la nationalité d’un État membre, il lui est délivré un document de séjour ayant la même validité que celui délivré au ressortissant dont il dépend.

Pour la délivrance de la carte ou du document de séjour, l’État membre ne peut demander au requérant que de présenter une carte d’identité ou un passeport en cours de validité et de fournir la preuve qu’il répond aux conditions prévues à l’article 1er.

2.      Les articles 2 et 3, l’article 6, paragraphe 1 point a) et paragraphe 2 ainsi que l’article 9 de la directive 68/360/CEE sont applicables, mutatis mutandis, aux bénéficiaires de la présente directive.

[…]

Les États membres ne peuvent déroger aux dispositions de la présente directive que pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. […]»

9        L’article 3 de la même directive disposait:

«Le droit de séjour demeure tant que les bénéficiaires de ce droit répondent aux conditions prévues par l’article 1er

La directive 2004/38

10      Aux termes du dix-septième considérant de la directive 2004/38:

«La jouissance d’un séjour permanent pour les citoyens de l’Union qui ont choisi de s’installer durablement dans l’État membre d’accueil renforcerait le sentiment de citoyenneté de l’Union et est un élément clef pour promouvoir la cohésion sociale, qui est l’un des objectifs fondamentaux de l’Union. Il convient dès lors de prévoir un droit de séjour permanent pour tous les citoyens de l’Union et les membres de leur famille qui ont séjourné dans l’État membre d’accueil, conformément aux conditions fixées par la présente directive, au cours d’une période continue de cinq ans, pour autant qu’ils n’aient pas fait l’objet d’une mesure d’éloignement.»

11      Le chapitre III de ladite directive, intitulé «Droit de séjour», comprend les articles 6 à 15 de celle-ci.

12      Sous l’intitulé «Droit de séjour jusqu’à trois mois», ledit article 6 prévoit:

«1.      Les citoyens de l’Union ont le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une période allant jusqu’à trois mois, sans autres conditions ou formalités que l’exigence d’être en possession d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité.

2.      Les dispositions du paragraphe 1 s’appliquent également aux membres de la famille munis d’un passeport en cours de validité qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui accompagnent ou rejoignent le citoyen de l’Union.»

13      L’article 7 de la directive 2004/38, intitulé «Droit de séjour de plus de trois mois», est libellé comme suit:

«1.      Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois:

a)      s’il est un travailleur salarié ou non salarié dans l’État membre d’accueil, ou

b)      s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil, ou,

c)      –       s’il est inscrit dans un établissement privé ou public, agréé ou financé par l’État membre d’accueil sur la base de sa législation ou de sa pratique administrative, pour y suivre à titre principal des études, y compris une formation professionnelle et

–        s’il dispose d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil et garantit à l’autorité nationale compétente, par le biais d’une déclaration ou par tout autre moyen équivalent de son choix, qu’il dispose de ressources suffisantes pour lui-même et pour les membres de sa famille afin d’éviter de devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de leur période de séjour; ou

d)      si c’est un membre de la famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l’Union qui lui-même satisfait aux conditions énoncées aux points a), b) ou c).

2.      Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s’étend aux membres de la famille n’ayant pas la nationalité d’un État membre lorsqu’ils accompagnent ou rejoignent dans l’État membre d’accueil le citoyen de l’Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c).

3.      Aux fins du paragraphe 1, point a), le citoyen de l’Union qui n’exerce plus d’activité salariée ou non salariée conserve la qualité de travailleur salarié ou [...] non salarié dans les cas suivants:

a)      s’il a été frappé par une incapacité de travail temporaire résultant d’une maladie ou d’un accident;

b)      s’il se trouve en chômage involontaire dûment constaté après avoir été employé pendant plus d’un an et s’est fait enregistrer en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent;

c)      s’il se trouve en chômage involontaire dûment constaté à la fin de son contrat de travail à durée déterminée inférieure à un an ou après avoir été involontairement au chômage pendant les douze premiers mois et s’est fait enregistrer en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent; dans ce cas, il conserve le statut de travailleur pendant au moins six mois;

d)      s’il entreprend une formation professionnelle. À moins que l’intéressé ne se trouve en situation de chômage involontaire, le maintien de la qualité de travailleur suppose qu’il existe une relation entre la formation et l’activité professionnelle antérieure.

4.      Par dérogation au paragraphe 1, point d), et au paragraphe 2 ci-dessus, seul le conjoint, le partenaire enregistré au sens de l’article 2, paragraphe 2, point b), et les enfants à charge bénéficient du droit de séjour en tant que membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui remplit les conditions énoncées au paragraphe 1, point c). L’article 3, paragraphe 1, s’applique à ses ascendants directs à charge et à ceux de son conjoint ou partenaire enregistré.»

14      Sous le chapitre IV de la directive 2004/38, intitulé «Droit de séjour permanent», l’article 16 de celle-ci, lui-même intitulé «Règle générale pour les citoyens de l’Union et les membres de leur famille», énonce:

«1.      Les citoyens de l’Union ayant séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil acquièrent le droit de séjour permanent sur son territoire. Ce droit n’est pas soumis aux conditions prévues au chapitre III.

2.      Le paragraphe 1 s’applique également aux membres de la famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui ont séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans avec le citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil.

3.      La continuité du séjour n’est pas affectée par des absences temporaires ne dépassant pas au total six mois par an, ni par des absences plus longues pour l’accomplissement d’obligations militaires ou par une absence ininterrompue de douze mois consécutifs au maximum pour des raisons importantes, telles qu’une grossesse et un accouchement, une maladie grave, des études ou une formation professionnelle, ou le détachement pour raisons professionnelles dans un autre État membre ou un pays tiers.

4.      Une fois acquis, le droit de séjour permanent ne se perd que par des absences d’une durée supérieure à deux ans consécutifs de l’État membre d’accueil.»

15      L’article 38 de la directive 2004/38 prévoit:

«1.      Les articles 10 et 11 du règlement (CEE) nº 1612/68 sont abrogés avec effet au 30 avril 2006.

2.      Les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE sont abrogées avec effet au 30 avril 2006.

3.      Les références faites aux directives et dispositions abrogées sont considérées comme étant faites à la présente directive.»

16      Conformément à l’article 40, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2004/38, les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci avant le 30 avril 2006.

 Le droit national

17      La loi de 1992 relative aux cotisations et aux prestations de sécurité sociale (Social Security Contributions and Benefits Act 1992) et le règlement (général) de 1987 relatif au complément de revenu [Income Support (General) Regulations 1987] constituent la réglementation applicable au complément de revenu.

18      Le complément de revenu est une prestation accordée en fonction des ressources à différents groupes de personnes. Le bénéfice de cette prestation est soumis, parmi d’autres conditions, à celle selon laquelle les revenus ne doivent pas dépasser le «montant applicable» établi, lequel peut être fixé à zéro, ce qui implique que, en pratique, aucune prestation n’est accordée dans un tel cas.

19      Le montant applicable fixé pour une «personne d’origine étrangère» est de zéro, cette personne étant définie comme «un demandeur qui ne réside pas habituellement au Royaume-Uni, dans les îles Anglo-Normandes, sur l’Île de Man ou en République d’Irlande». Pour pouvoir être considérée comme résidant habituellement au Royaume-Uni, dans les îles Anglo-Normandes, sur l’Île de Man ou en République d’Irlande, il faut que la personne réclamant le complément de revenu soit titulaire d’un «droit de séjour».

20      Le «droit de séjour» permettant de prétendre au bénéfice du complément de revenu n’est pas explicitement défini. Depuis le mois de mai de l’année 2004, le droit national a cherché à limiter le versement de cette prestation, afin que certaines personnes ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assurance sociale.

21      Ainsi, en ce qui concerne les citoyens de l’Union européenne, certains droits de séjour, tel que celui octroyé conformément à l’article 6 de la directive 2004/38, sont exclus et ne permettent donc pas le versement dudit complément. En revanche, parmi d’autres groupes de personnes, les travailleurs salariés ou non salariés au sens de la même directive – y compris ceux qui conservent une telle qualité, conformément à l’article 7, paragraphe 3, de cette dernière –, ainsi que les membres de leur famille au sens de ladite directive, ne sont pas considérés comme des «personnes d’origine étrangère» aux fins du complément de revenu et ont donc droit au versement de celui-ci.

22      Il est généralement admis que le droit de séjour permanent prévu à l’article 16 de la directive 2004/38 constitue un droit de séjour qui permet de bénéficier du complément de revenu.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

23      Mme Dias est une ressortissante portugaise qui est entrée au Royaume-Uni au cours du mois de janvier de l’année 1998. Selon la juridiction de renvoi, le séjour de l’intéressée se compose des cinq périodes suivantes (ci-après, respectivement, les «première à cinquième périodes»):

–        de janvier 1998 à l’été 2002: en activité;

–        de l’été 2002 au 17 avril 2003: en congé de maternité;

–        du 18 avril 2003 au 25 avril 2004: sans emploi;

–        du 26 avril 2004 au 23 mars 2007: en activité, et

–        depuis le 24 mars 2007: sans emploi.

24      Le 13 mai 2000, le Home Office a délivré à Mme Dias une carte de séjour correspondant au droit de séjour prévu à l’article 4 de la directive 68/360. Cette carte contenait les mentions énoncées à l’annexe de cette directive. En outre, elle indiquait une période de validité allant du 13 mai 2000 au 13 mai 2005 et précisait que «[l]a validité de la présente carte représente la date limite de votre séjour au Royaume-Uni. Cette date limite s’applique, sauf si elle est remplacée par une autre date, à toute admission subséquente sur le territoire que vous pourrez obtenir après une absence du Royaume-Uni au cours de la période de validité de la présente carte».

25      À la fin du mois de mars de l’année 2007, Mme Dias a demandé le bénéfice du complément de revenu.

26      Selon le Social Security Commissioner (Commissaire à la sécurité sociale, ci-après le «Commissioner»), Mme Dias n’ayant plus, à ladite date, la qualité de travailleur au sens de la directive 2004/38, elle ne pouvait prétendre au bénéfice du complément de revenu qu’en tant que titulaire d’un droit de séjour permanent au titre de l’article 16 de cette directive. À cet égard, le Commissioner a estimé que ledit droit de séjour ne pouvait être invoqué que postérieurement à la date de transposition de la directive 2004/38 au Royaume-Uni, à savoir à partir du 30 avril 2006.

27      Dans la mesure où, selon le Commissioner, Mme Dias n’était pas non plus un travailleur au sens du droit de l’Union pendant la troisième période de son séjour au Royaume-Uni, il a considéré qu’elle ne pouvait ajouter cette période, aux fins du droit de séjour permanent, ni aux première et deuxième périodes de séjour ni à la quatrième période, en tant que telles.

28      Cependant, le Commissioner a estimé que le séjour au Royaume-Uni de Mme Dias pendant la troisième période pouvait être considéré comme un séjour valable aux fins du droit de séjour permanent, soit en raison de la carte de séjour qui lui avait été délivrée, soit en vertu de l’article 18 CE.

29      Par conséquent, le Commissioner a décidé d’accorder le complément de revenu à Mme Dias.

30      La décision du Commissioner a été attaquée par le Secretary of State for Work and Pensions devant la juridiction de renvoi.

31      Selon cette juridiction, la décision du Commissioner part de la prémisse selon laquelle le droit de séjour permanent prévu à l’article 16 de la directive 2004/38 ne peut pas tenir compte des périodes de séjour ayant pris fin avant le 30 avril 2006, date de transposition de cette directive au Royaume-Uni. La juridiction de renvoi considère, quant à elle, que ces périodes peuvent être prises en compte aux fins de la détermination dudit droit de séjour. Toutefois, dans la mesure où cette question faisait l’objet de la demande de décision préjudicielle introduite par elle dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 octobre 2010, Lassal (C-162/09, non encore publié au Recueil), elle n’a pas estimé nécessaire de déférer de nouveau la même question à la Cour.

32      En partant de la prémisse du Commissioner, la juridiction de renvoi considère, à l’instar de celui-ci, que Mme Dias ne pouvait pas être considérée comme un travailleur au sens du droit de l’Union pendant la troisième période de son séjour au Royaume-Uni. En revanche, cette juridiction estime que, pendant cette période, l’intéressée ne pouvait tirer un droit de séjour au titre de l’article 16 de la directive 2004/38 sur le seul fondement de la carte de séjour qui lui avait été délivrée. Enfin, selon la même juridiction, le séjour de Mme Dias pendant ladite période pouvait être considéré comme un séjour valable aux fins de la détermination du droit de séjour permanent, en vertu du seul article 18 CE, dans le cas où il serait constaté que l’article 16 de la directive 2004/38 contient une lacune en ce qui concerne les séjours accomplis antérieurement à la date de transposition de celle-ci dans l’ordre juridique des États membres.

33      C’est dans ce contexte que la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Un citoyen de l’Union européenne présent dans un État membre dont il n’a pas la nationalité et titulaire, avant la transposition de la directive 2004/38 […], d’une carte de séjour valablement délivrée en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 68/360 […], mais ayant été, pendant un certain temps au cours de la validité de cette carte, en situation de chômage volontaire, incapable de subvenir lui-même à ses besoins et en dehors des conditions pour pouvoir bénéficier d’une telle carte, reste-t-il durant cette période, sur le seul fondement de sa carte de séjour, quelqu’un ayant ‘séjourné légalement’ dans l’État membre d’accueil aux fins de l’acquisition ultérieure d’un droit de séjour permanent en vertu de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38?

2)      Si le fait d’avoir séjourné légalement en tant que travailleur pendant une période ininterrompue de cinq ans avant le 30 avril 2006 [sur le territoire d’un État membre d’accueil] ne donne pas accès au droit de séjour permanent institué à l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38[...], ce séjour ininterrompu en tant que travailleur fait-il naître un droit de séjour permanent résultant directement de l’article 18, paragraphe 1, CE au motif qu’il existe une lacune dans la directive?»

 Sur les questions préjudicielles

 Observations liminaires concernant l’incidence de l’arrêt Lassal sur l’affaire au principal 

34      Ainsi qu’il a été relevé au point 31 du présent arrêt, les questions posées par la juridiction de renvoi partent d’une prémisse du Commissioner selon laquelle les périodes de séjour de Mme Dias au Royaume-Uni ayant pris fin avant la date de transposition dans cet État membre de la directive 2004/38, à savoir le 30 avril 2006, elles ne peuvent pas être prises en considération aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent prévu à l’article 16 de cette directive. Cette juridiction considère qu’une telle prémisse est erronée, mais elle n’a toutefois pas estimé nécessaire de déférer une nouvelle question à la Cour à cet égard, étant donné que cette question faisait déjà l’objet de la demande de décision préjudicielle introduite par la même juridiction dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Lassal, précité.

35      Or, dans ledit arrêt Lassal, la Cour a dit pour droit, d’une part, que les périodes de séjour ininterrompu de cinq ans, accomplies avant la date de transposition de la directive 2004/38, à savoir le 30 avril 2006, conformément à des instruments du droit de l’Union antérieurs à cette date, doivent être prises en considération aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de cette directive et, d’autre part, que des absences de l’État membre d’accueil, inférieures à deux ans consécutifs, intervenues avant le 30 avril 2006 et postérieurement à un séjour légal ininterrompu de cinq ans accompli avant cette date, ne sont pas de nature à affecter l’acquisition du droit de séjour permanent au titre dudit article 16, paragraphe 1.

36      Il s’ensuit que la prémisse sur laquelle sont fondées les questions préjudicielles est, ainsi que l’a relevé à bon droit la juridiction de renvoi, erronée et que c’est à la lumière de l’arrêt Lassal, précité, qu’il y a lieu d’examiner ces questions.

37      À cet égard, ainsi qu’il ressort du point 23 du présent arrêt, il y a lieu de relever, d’une part, que Mme Dias a séjourné au Royaume-Uni en tant que travailleur, au sens des instruments du droit de l’Union en vigueur à cette époque, du mois de janvier 1998 au 17 avril 2003 (première et deuxième périodes de son séjour).

38      Par conséquent, il convient de constater que Mme Dias a accompli une période de séjour ininterrompu de cinq ans au Royaume-Uni avant la date de transposition dans cet État membre de la directive 2004/38, à savoir le 30 avril 2006, conformément aux instruments du droit de l’Union en vigueur antérieurement à cette date et que cette période doit être prise en considération aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de cette directive.

39      D’autre part, durant la troisième période de son séjour au Royaume-Uni, à savoir du 18 avril 2003 au 25 avril 2004, Mme Dias était en chômage volontaire et n’avait donc pas le statut de travailleur au sens des instruments du droit de l’Union en vigueur à cette époque. En revanche, elle avait recouvré un tel statut au cours de la quatrième période dudit séjour, soit du 26 avril 2004 au 23 mars 2007. En outre, durant la troisième période, Mme Dias continuait à être titulaire de la carte de séjour qui lui avait été valablement délivrée le 13 mai 2000 en sa qualité de travailleur, en vertu de la directive 68/360, et ce même si, durant cette période, elle ne satisfaisait pas aux conditions lui permettant de bénéficier d’un droit de séjour, ni conformément au droit de l’Union ni au titre du droit national.

40      Dans la mesure où le droit de séjour permanent prévu à l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38 ne saurait être acquis qu’à partir du 30 avril 2006 (arrêt Lassal, précité, point 38), se pose donc la question de savoir quelle est l’incidence, aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent, au titre de cette disposition, d’une période de séjour telle que celle qui s’est écoulée du 18 avril 2003 au 25 avril 2004, à savoir la troisième période du séjour de Mme Dias au Royaume-Uni.

41      Dès lors, à la lumière de l’arrêt Lassal, précité, il convient de reformuler les questions posées par la juridiction de renvoi en ce sens que cette dernière demande, en substance, si les périodes de séjour d’un citoyen de l’Union dans un État membre d’accueil, effectuées sur le seul fondement d’une carte de séjour valablement délivrée en vertu de la directive 68/360 et sans que soient satisfaites les conditions pour pouvoir bénéficier d’un quelconque droit de séjour, intervenues avant le 30 avril 2006 et postérieurement à une période de séjour légal ininterrompue de cinq ans accomplie avant cette date, sont de nature à affecter l’acquisition du droit de séjour permanent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38.

 Sur les questions préjudicielles, telles que reformulées par la Cour à la lumière de l’arrêt Lassal

42      Pour répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi, telles que reformulées par la Cour, il convient d’examiner, en premier lieu, la question de savoir si les périodes de séjour d’un citoyen de l’Union dans un État membre d’accueil effectuées sur le seul fondement d’une carte de séjour valablement délivrée en vertu de la directive 68/360 et alors que le titulaire de cette carte ne satisfait pas aux conditions pour bénéficier d’un quelconque droit de séjour peuvent être considérées comme accomplies légalement aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38.

43      À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que les périodes de séjour ininterrompu de cinq ans, accomplies avant la date de transposition de la directive 2004/38, conformément à des instruments du droit de l’Union antérieurs à cette date, doivent être prises en considération aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de cette directive (arrêt Lassal, précité, points 40 et 59).

44      La troisième période du séjour de Mme Dias au Royaume-Uni n’étant fondée que sur la seule possession d’une carte de séjour délivrée conformément à la directive 68/360, la présente affaire implique donc que soit examinée la question de savoir si ces cartes de séjour avaient un caractère déclaratif ou constitutif de droits.

45      À cet égard, Mme Dias soutient qu’une carte de séjour délivrée par le gouvernement de l’État membre d’accueil et non révoquée par ce dernier, alors qu’il en avait la possibilité, conférait un droit de séjour à l’intéressée pendant toute la validité de cette carte. Selon elle, dans la mesure où la directive 68/360 ne comportait aucune disposition équivalente à l’article 3 de la directive 90/364, le droit de séjour reconnu en application de la directive 68/360 et attesté par la délivrance d’une carte de séjour demeurait jusqu’à ce que cette carte ait expiré ou ait été révoquée, indépendamment du fait que le titulaire de la carte a cessé de satisfaire aux conditions nécessaires pour le séjour.

46      En revanche, les gouvernements du Royaume-Uni et danois ainsi que la Commission européenne considèrent que la carte de séjour délivrée en vertu de la directive 68/360 avait une valeur purement déclarative et n’était constitutive d’aucun droit de séjour.

47      La thèse soutenue par Mme Dias ne saurait être accueillie.

48      En effet, ainsi que la Cour l’a jugé à plusieurs reprises, le droit des ressortissants d’un État membre d’entrer sur le territoire d’un autre État membre et d’y séjourner, aux fins voulues par le traité CE, constitue un droit directement conféré par celui-ci ou, selon le cas, par les dispositions prises pour la mise en œuvre dudit traité. La délivrance d’un titre de séjour à un ressortissant d’un État membre doit être considérée non comme un acte constitutif de droits, mais comme un acte destiné à constater, de la part d’un État membre, la situation individuelle d’un ressortissant d’un autre État membre au regard des dispositions du droit de l’Union (voir arrêt du 23 mars 2006, Commission/Belgique, C-408/03, Rec. p. I-2647, points 62 et 63 ainsi que jurisprudence citée).

49      Un tel caractère déclaratif et non constitutif de droits, à l’égard des titres de séjour, a été reconnu par la Cour indépendamment du fait que ce titre a été délivré en vertu des dispositions de la directive 68/360 ou de la directive 90/364 (voir, en ce sens, arrêt Commission/Belgique, précité, point 65).

50      Il s’ensuit que les différences entre les dispositions des directives 90/364 et 68/360 ne sauraient justifier la thèse selon laquelle, contrairement au principe rappelé au point 48 du présent arrêt, les cartes de séjour délivrées en vertu de cette dernière directive auraient été de nature à constituer des droits au bénéfice des titulaires de celle-ci.

51      Par ailleurs, il convient de relever que l’article 3 de la directive 90/364 se référait non pas à la carte délivrée pour constater le droit de séjour, mais au droit de séjour en tant que tel ainsi qu’aux conditions prévues pour accorder ce dernier. Par conséquent, aucune conséquence ne saurait être tirée de cette disposition en ce qui concerne la nature de la carte de séjour prévue à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 90/364 ni a fortiori de celle prévue à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 68/360. 

52      En outre, la seule disposition de la directive 68/360 qui se référait au retrait de la carte de séjour, à savoir l’article 7, paragraphe 1, de cette directive, confirme l’existence d’un lien intrinsèque entre ladite carte et le droit de séjour préexistant du citoyen concerné. En effet, à l’instar du droit de séjour d’un travailleur, lequel n’était pas perdu, de même que la condition de travailleur elle-même, du seul fait que son titulaire n’occupait plus d’emploi, soit parce qu’il avait été frappé d’une incapacité temporaire de travail résultant d’une maladie ou d’un accident, soit parce qu’il se trouvait en situation de chômage involontaire dûment constatée par le bureau de main-d’œuvre compétent, ladite disposition ne permettait pas non plus le retrait de la carte de séjour en cours de validité d’un travailleur qui se trouvait dans une telle situation.

53      Enfin, il est certes vrai que, concernant le caractère déclaratif des cartes de séjour, la Cour ne s’est prononcée qu’au sujet de situations dans lesquelles une telle carte n’avait pas été délivrée alors que le citoyen de l’Union concerné remplissait les conditions pour séjourner dans l’État membre d’accueil conformément au droit de l’Union.

54      Toutefois, ainsi qu’il a été relevé aux points 48 à 52 du présent arrêt, le caractère déclaratif des cartes de séjour implique que ces cartes ne font qu’attester un droit préexistant. Par conséquent, de même que ce caractère empêche de qualifier d’illégal, au sens du droit de l’Union, le séjour d’un citoyen en considération de la seule circonstance qu’il ne dispose pas d’une carte de séjour, il fait obstacle à ce que soit considéré comme légal, au sens du droit de l’Union, le séjour d’un citoyen de celle-ci en raison du seul fait qu’une telle carte lui a été valablement délivrée.

55      Dès lors, il convient de constater que les périodes de séjour accomplies avant le 30 avril 2006, sur le seul fondement d’une carte valablement délivrée en vertu de la directive 68/360 et sans que soient satisfaites les conditions permettant de bénéficier d’un quelconque droit de séjour, ne sauraient être considérées comme accomplies légalement aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38.

56      À la lumière de cette constatation, les questions posées, telles que reformulées par la Cour au point 41 du présent arrêt, impliquent que soit examinée, en second lieu, l’incidence de telles périodes de séjour, intervenues avant le 30 avril 2006 et postérieurement à un séjour légal ininterrompu de cinq ans accompli avant cette date, sur l’acquisition dudit droit de séjour permanent.

57      À cet égard, il convient de rappeler que le droit de séjour permanent prévu à l’article 16 de la directive 2004/38 ne saurait être acquis qu’à partir du 30 avril 2006, ainsi qu’il a été dit au point 40 du présent arrêt. Par conséquent, contrairement aux périodes de séjour légal ininterrompu de cinq ans accomplies à partir de cette date, qui confèrent aux citoyens de l’Union, à compter du moment même où elles ont été accomplies, le droit de séjour permanent, les périodes accomplies avant cette date ne permettent pas à ces derniers de bénéficier d’un tel droit de séjour avant le 30 avril 2006.

58      Dans la mesure où les périodes de séjour d’un citoyen de l’Union dans un État membre d’accueil, effectuées sur le seul fondement d’une carte de séjour valablement délivrée en vertu de la directive 68/360, mais sans que soient satisfaites les conditions pour bénéficier d’un quelconque droit de séjour, ne sauraient être considérées comme accomplies légalement aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, se pose alors la question de savoir quelle est l’incidence sur cette acquisition d’une telle période de séjour intervenue avant le 30 avril 2006 et postérieurement à un séjour légal ininterrompu de cinq ans déjà accompli avant cette date.

59      À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que la Cour a déjà jugé que l’article 16, paragraphe 4, de la directive 2004/38 vise la perte du droit de séjour permanent en raison d’absences d’une durée supérieure à deux ans consécutifs de l’État membre d’accueil et qu’une telle mesure se justifie par le fait que, après une telle absence, le lien avec l’État membre d’accueil est distendu (arrêt Lassal, précité, point 55).

60      Ensuite, la Cour a également jugé que ladite disposition a vocation à être appliquée indépendamment du point de savoir si des périodes de séjour accomplies avant ou après le 30 avril 2006 sont concernées, au motif que, dans la mesure où les périodes de séjour de cinq ans accomplies avant cette date doivent être prises en compte aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent prévu à l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, l’inapplication du paragraphe 4 de cet article auxdites périodes impliquerait que les États membres seraient tenus d’accorder ledit droit de séjour permanent même en cas d’absences importantes qui remettent en cause le lien entre la personne concernée et l’État membre d’accueil (arrêt Lassal, précité, point 56).

61      Enfin, la Cour en a conclu que l’application de l’article 16, paragraphe 4, de la directive 2004/38 à des périodes de séjour légal ininterrompu de cinq ans accomplies avant le 30 avril 2006 implique notamment que les absences de l’État membre d’accueil, inférieures à deux ans consécutifs, intervenues postérieurement à ces périodes, mais avant cette date, ne sont pas de nature à affecter le lien d’intégration du citoyen de l’Union concerné et que, par conséquent, ces absences ne sont pas de nature à affecter l’acquisition du droit de séjour permanent au titre dudit article 16, paragraphe 1 (arrêt Lassal, précité, points 57 et 58).

62      Un tel raisonnement doit également être appliqué par analogie aux périodes de séjour accomplies sur le seul fondement d’une carte de séjour valablement délivrée en vertu de la directive 68/360 et sans que soient satisfaites les conditions pour bénéficier d’un quelconque droit de séjour, intervenues avant le 30 avril 2006 et postérieurement à un séjour légal ininterrompu de cinq ans accompli avant cette date.

63      En effet, même si l’article 16, paragraphe 4, de la directive 2004/38 ne se réfère qu’aux absences de l’État membre d’accueil, le lien d’intégration entre la personne concernée et cet État membre est également mis en cause dans le cas d’un citoyen qui, tout en ayant séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans, décide par la suite de rester dans cet État membre sans disposer d’un droit de séjour.

64      À cet égard, il convient de relever, ainsi que l’a fait Mme l’avocat général aux points 106 et 107 de ses conclusions, que l’intégration, qui préside à l’acquisition du droit de séjour permanent prévu à l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, est fondée non seulement sur des facteurs spatiaux et temporels, mais également sur des facteurs qualitatifs, relatifs au degré d’intégration dans l’État membre d’accueil.

65      S’agissant donc de situations comparables, il en résulte que la règle énoncée à l’article 16, paragraphe 4, de la directive 2004/38 doit être également appliquée par analogie aux périodes de présence dans l’État membre d’accueil accomplies sur le seul fondement d’une carte de séjour valablement délivrée en vertu de la directive 68/360 et sans que soient satisfaites les conditions pour bénéficier d’un quelconque droit de séjour, intervenues avant le 30 avril 2006 et postérieurement à un séjour légal ininterrompu de cinq ans accompli avant cette date.

66      Il s’ensuit que les périodes inférieures à deux ans consécutifs, accomplies sur le seul fondement d’une carte de séjour valablement délivrée en vertu de la directive 68/360 et sans que soient satisfaites les conditions requises pour bénéficier d’un quelconque droit de séjour, intervenues avant le 30 avril 2006 et postérieurement à un séjour légal ininterrompu de cinq ans accompli avant cette date, ne sont pas de nature à affecter l’acquisition du droit de séjour permanent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38.

67      Au vu de ce qui précède, il convient de répondre aux questions posées que l’article 16, paragraphes 1 et 4, de la directive 2004/38 doit être interprété en ce sens que:

–        des périodes de séjour accomplies avant le 30 avril 2006 sur le seul fondement d’une carte de séjour valablement délivrée en vertu de la directive 68/360 et sans que soient satisfaites les conditions pour bénéficier d’un quelconque droit de séjour ne sauraient être considérées comme accomplies légalement aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, et

–        des périodes de séjour inférieures à deux ans consécutifs, accomplies sur le seul fondement d’une carte de séjour valablement délivrée en vertu de la directive 68/360 et sans que soient satisfaites les conditions pour bénéficier d’un droit de séjour, intervenues avant le 30 avril 2006 et postérieurement à un séjour légal ininterrompu de cinq ans accompli avant cette date, ne sont pas de nature à affecter l’acquisition du droit de séjour permanent au titre dudit article 16, paragraphe 1.

 Sur les dépens

68      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

L’article 16, paragraphes 1 et 4, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, doit être interprété en ce sens que:

–        des périodes de séjour accomplies avant le 30 avril 2006 sur le seul fondement d’une carte de séjour valablement délivrée en vertu de la directive 68/360/CEE du Conseil, du 15 octobre 1968, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l’intérieur de la Communauté, et sans que soient satisfaites les conditions pour bénéficier d’un quelconque droit de séjour ne sauraient être considérées comme accomplies légalement aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, et

–        des périodes de séjour inférieures à deux ans consécutifs, accomplies sur le seul fondement d’une carte de séjour valablement délivrée en vertu de la directive 68/360 et sans que soient satisfaites les conditions pour bénéficier d’un droit de séjour, intervenues avant le 30 avril 2006 et postérieurement à un séjour légal ininterrompu de cinq ans accompli avant cette date, ne sont pas de nature à affecter l’acquisition du droit de séjour permanent au titre dudit article 16, paragraphe 1.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.

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