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Document 62009CJ0050

Arrêt de la Cour (première chambre) du 3 mars 2011.
Commission européenne contre Irlande.
Manquement d’État - Directive 85/337/CEE - Obligation de l’autorité environnementale compétente de réaliser une évaluation des incidences de projets sur l’environnement - Pluralité d’autorités compétentes - Nécessité de garantir l’évaluation de l’interaction entre les facteurs susceptibles d’être affectés directement ou indirectement - Application de la directive aux travaux de démolition.
Affaire C-50/09.

Recueil de jurisprudence 2011 I-00873

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2011:109

Affaire C-50/09

Commission européenne

contre

Irlande

«Manquement d’État — Directive 85/337/CEE — Obligation de l’autorité environnementale compétente de réaliser une évaluation des incidences de projets sur l’environnement — Pluralité d’autorités compétentes — Nécessité de garantir l’évaluation de l’interaction entre les facteurs susceptibles d’être affectés directement ou indirectement — Application de la directive aux travaux de démolition»

Sommaire de l'arrêt

1.        Environnement — Évaluation des incidences de certains projets sur l'environnement — Directive 85/337 — Obligation, pour l'autorité compétente, de réaliser une évaluation des incidences sur l'environnement — Portée

(Directive du Conseil 85/337, telle que modifiée par les directives 97/11 et 2003/35, art. 3)

2.        Environnement — Évaluation des incidences de certains projets sur l'environnement — Directive 85/337 — Pluralité d'autorités compétentes — Condition — Compétences et règles gouvernant leur mise en oeuvre garantissant une évaluation complète et préalable à l'octroi de l'autorisation

(Directive du Conseil 85/337, telle que modifiée par les directives 97/11 et 2003/35, art. 2, 3 et 4)

3.        Environnement — Évaluation des incidences de certains projets sur l'environnement — Directive 85/337 — Champ d'application — Travaux de démolition — Inclusion

(Directive du Conseil 85/337, telle que modifiée par les directives 97/11 et 2003/35, art. 1er, § 2)

1.        L’article 3 de la directive 85/337, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, telle que modifiée par les directives 97/11 et 2003/35, met à la charge de l’autorité environnementale compétente l’obligation de réaliser une évaluation des incidences sur l’environnement qui doit comprendre une description des effets directs et indirects d’un projet sur les facteurs énumérés aux trois premiers tirets de cet article et l’interaction entre eux. Cette obligation d’évaluation se distingue des obligations énoncées aux articles 4 à 7, 10 et 11 de la directive 85/337, qui sont, pour l’essentiel, des obligations de collecte et d’échange d’informations, de consultation, de publicité et de garantie de l’existence d’un recours juridictionnel. Il s’agit là de dispositions d’ordre procédural, qui ne concernent que la mise en œuvre de l’obligation substantielle prévue à l’article 3 de cette directive.

Toutefois, même si, aux termes de l'article 8 de la même directive, le résultat des consultations et les informations recueillies conformément aux articles 5 à 7 de celle-ci doivent être pris en considération dans le cadre de la procédure d’autorisation, cette obligation de prise en considération, au terme du processus décisionnel, des éléments d’information recueillis par l’autorité environnementale compétente ne saurait être confondue avec l’obligation d’évaluation prescrite à l’article 3 de la directive 85/337. En effet, cette évaluation, qui doit être réalisée en amont du processus décisionnel, implique un examen au fond des informations collectées ainsi qu’une réflexion sur l’opportunité de les compléter, le cas échéant, par des données supplémentaires. Cette autorité environnementale compétente doit ainsi se livrer à un travail aussi bien d’investigation que d’analyse afin de parvenir à une appréciation aussi complète que possible des effets directs et indirects du projet concerné sur les facteurs énumérés aux trois premiers tirets dudit article 3 et de l’interaction entre eux.

Il découle donc tant du libellé des dispositions en cause de ladite directive que de l’économie générale de celle-ci que son article 3 constitue une disposition fondamentale. Une simple transposition des articles 4 à 11 de cette directive ne saurait être considérée comme réalisant automatiquement une transposition dudit article 3. Par conséquent, en ne transposant pas cet article 3, un État membre manque aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 85/337, telle que modifiée.

À cet égard, s'il est vrai que la transposition en droit interne d’une directive n’exige pas nécessairement une reprise formelle et textuelle des dispositions de celle-ci dans une disposition légale ou réglementaire expresse et spécifique et peut se satisfaire d’un contexte juridique général, dès lors que celui-ci assure effectivement la pleine application de la directive d’une façon suffisamment claire et précise, il n’en demeure pas moins que les dispositions d’une directive doivent être mises en œuvre avec une force contraignante incontestable, avec la spécificité, la précision et la clarté requises, afin que soit satisfaite l’exigence de la sécurité juridique qui requiert que, au cas où la directive vise à créer des droits pour les particuliers, les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits.

(cf. points 36, 38-41, 46, 107 et disp.)

2.        L’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, telle que modifiée par les directives 97/11 et 2003/35, indique que l’évaluation des incidences sur l’environnement doit avoir lieu avant l’octroi de l’autorisation. Ceci implique que l’examen des effets directs et indirects d’un projet sur les facteurs visés à l’article 3 de la même directive et sur l’interaction entre ces facteurs soit intégralement effectué avant ledit octroi.

Dans ces conditions, si rien ne s’oppose au choix d'un État membre de confier la réalisation des objectifs de ladite directive à deux autorités différentes, c’est à la condition que les compétences respectives de ces autorités et les règles gouvernant leur mise en oeuvre garantissent qu’une évaluation des incidences sur l’environnement est effectuée de manière complète et en temps utile, à savoir avant l’octroi de l’autorisation au sens de cette directive.

Ainsi, manque aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive, un État membre qui ne veille pas à ce que, lorsque plusieurs autorités détiennent des pouvoirs de décision sur un projet, les conditions prévues aux articles 2 à 4 de ladite directive soient pleinement respectées.

(cf. points 76-77, 107 et disp.)

3.        Les travaux de démolition relèvent du champ d’application de la directive 85/337, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, telle que modifiée par les directives 97/11 et 2003/35, et, à ce titre, ils peuvent constituer un «projet» au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de celle-ci.

En effet, la définition du terme «projet» figurant à l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive ne permet pas d’en déduire que des travaux de démolition ne pourraient pas satisfaire aux critères de cette définition. De tels travaux peuvent, en effet, être qualifiés d’«autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage». Cette interprétation est, par ailleurs, corroborée par le fait que, si les travaux de démolition étaient exclus du champ d’application de ladite directive, les références au «patrimoine culturel» à l’article 3 de celle-ci, aux «paysages importants du point de vue historique, culturel et archéologique» à l’annexe III, point 2, sous h), de la même directive et «au patrimoine architectural et archéologique» à l’annexe IV, point 3, de cette dernière seraient dépourvues d’objet.

(cf. points 97-98, 101)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

3 mars 2011 (*)

«Manquement d’État – Directive 85/337/CEE – Obligation de l’autorité environnementale compétente de réaliser une évaluation des incidences de projets sur l’environnement – Pluralité d’autorités compétentes – Nécessité de garantir l’évaluation de l’interaction entre les facteurs susceptibles d’être affectés directement ou indirectement – Application de la directive aux travaux de démolition»

Dans l’affaire C‑50/09,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 4 février 2009,

Commission européenne, représentée par MM. P. Oliver, C. Clyne et J.-B. Laignelot, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Irlande, représentée par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de MM. G. Simons, SC, et D. McGrath, BL, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. J.‑J. Kasel, A. Borg Barthet, M. Ilešič et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. N. Nanchev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 juin 2010,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que:

–      en ne transposant pas l’article 3 de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40), telle que modifiée par la directive 97/11/CE du Conseil, du 3 mars 1997 (JO L 73, p. 5), et par la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003 (JO L 156, p. 17, ci-après la «directive 85/337»),

–      en ne veillant pas à ce que, lorsque les autorités irlandaises chargées de l’aménagement du territoire et l’Agence pour la protection de l’environnement (ci-après l’«Agence») détiennent toutes deux des pouvoirs de décision sur un projet, les conditions prévues aux articles 2 à 4 de cette directive soient pleinement respectées, et

–      en excluant les travaux de démolition du champ d’application de sa législation transposant la même directive,

l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive.

 Le cadre juridique

 La réglementation de l’Union

2        L’article 1er, paragraphes 2 et 3, de la directive 85/337 dispose:

«2.      Au sens de la présente directive, ont entend par:

projet:

–        la réalisation de travaux de construction ou d’autres installations ou ouvrages,

–        d’autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l’exploitation des ressources du sol;

[...]

autorisation:

la décision de l’autorité ou des autorités compétentes qui ouvre le droit du maître d’ouvrage de réaliser le projet.

3.      La ou les autorités compétentes sont celles que les États membres désignent en vue de s’acquitter des tâches résultant de la présente directive.»

3        Aux termes de l’article 2, paragraphes 1 à 2 bis de ladite directive:

«1.      Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l’article 4.

2.      L’évaluation des incidences sur l’environnement peut être intégrée dans les procédures existantes d’autorisation des projets dans les États membres ou, à défaut, dans d’autres procédures ou dans celles à établir pour répondre aux objectifs de la présente directive.

bis         Les États membres peuvent prévoir une procédure unique pour répondre aux exigences de la présente directive et aux exigences de la directive 96/61/CE du Conseil, du 24 septembre 1996, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution […]»

4        L’article 3 de la même directive prévoit:

«L’évaluation des incidences sur l’environnement identifie, décrit et évalue de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier et conformément aux articles 4 à 11, les effets directs et indirects d’un projet sur les facteurs suivants:

–        l’homme, la faune et la flore,

–        le sol, l’eau, l’air, le climat et le paysage,

–        les biens matériels et le patrimoine culturel,

–        l’interaction entre les facteurs visés aux premier, deuxième et troisième tirets.»

5        L’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive 85/337 est libellé comme suit:

«1.      Sous réserve de l’article 2 paragraphe 3, les projets énumérés à l’annexe I sont soumis à une évaluation, conformément aux articles 5 à 10.

2.      Sous réserve de l’article 2 paragraphe 3, les États membres déterminent, pour les projets énumérés à l’annexe II:

a)      sur la base d’un examen cas par cas,

ou

b)      sur la base des seuils ou critères fixés par l’État membre,

si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10.

Les États membres peuvent décider d’appliquer les deux procédures visées aux points a) et b).»

6        Les articles 5 à 7 de ladite directive concernent les informations qui doivent être recueillies et les consultations auxquelles il doit être procédé dans le cadre de la procédure d’évaluation. L’article 5 a trait aux informations qui doivent être fournies par le maître d’ouvrage, l’article 6 traite de l’obligation de consulter les autorités exerçant des responsabilités spécifiques en matière d’environnement, d’une part, et le public, d’autre part, et l’article 7 vise l’obligation, dans le cas d’un projet transfrontalier, d’informer l’autre État membre concerné. L’article 8 de la même directive précise que le résultat de ces consultations et les informations recueillies doivent être pris en considération dans le cadre de la procédure d’autorisation.

7        Les articles 9 à 11 de la même directive, relatifs à la décision prise au terme de la procédure d’autorisation, portent, respectivement, sur l’information du public et des États membres concernés, sur le respect du secret commercial et industriel, sur le droit des membres du public à former un recours devant une instance juridictionnelle et sur l’échange d’informations entre les États membres et la Commission.

8        L’article 12, paragraphe 1, de la directive 85/337, dans sa version originale, faisait obligation aux États membres de se conformer à ses dispositions au plus tard le 3 juillet 1988. S’agissant des modifications apportées à cette directive par les directives 97/11 et 2003/35, les États membres étaient tenus de les mettre en œuvre au plus tard, respectivement, les 14 mars 1999 et 25 juin 2005.

 La réglementation nationale

 La loi de 2000 sur l’aménagement du territoire et le développement

9        La loi de 2000 sur l’aménagement du territoire et le développement (Planning and Development Act 2000), telle que modifiée par la loi de 2006 sur les infrastructures stratégiques (Strategic Infrastructure Act 2006, ci-après la «PDA»), définit le cadre juridique applicable à la délivrance des autorisations concernant la plupart des catégories de projets énumérées aux annexes I et II de la directive 85/337. Pour certains projets, l’autorisation prévue par la PDA, dénommée «autorisation d’aménagement du territoire» et délivrée, en principe, par une autorité locale, est la seule forme d’autorisation exigée pour la réalisation d’un projet. Dans ce cas, la PDA prévoit que les décisions prises par les autorités locales peuvent faire l’objet d’un recours devant le An Bord Pleanála [Conseil national en matière d’aménagement du territoire (ci-après le «Conseil»)].

10      La partie X de la PDA, qui comprend les articles 172 à 177, est consacrée aux évaluations des incidences sur l’environnement. L’article 176 prévoit que les projets nécessitant une telle évaluation sont définis par voie de règlement. L’article 172 dispose que, pour les projets régis par des dispositions réglementaires adoptées en vertu de l’article 176, les demandes d’autorisation doivent être accompagnées d’une déclaration relative aux incidences sur l’environnement. Conformément à l’article 173, lorsqu’une autorité chargée de l’aménagement du territoire est saisie d’une demande d’autorisation pour laquelle une déclaration relative aux incidences sur l’environnement lui est soumise, ladite autorité et, sur recours, le Conseil sont tenus de prendre en considération cette déclaration. L’article 177 prévoit que les informations à inclure dans une telle déclaration sont déterminées par voie de règlement.

11      Les modalités d’application de la PDA sont définies dans le règlement de 2001 sur l’aménagement du territoire et le développement (Planning and Development Regulations 2001), tel que modifié par le règlement de 2008 sur l’aménagement du territoire et le développement (ci-après le «PDR»), adopté en application, notamment, des articles 176 et 177 de la PDA.

12      La deuxième partie du PDR concerne les projets qui sont exemptés d’une évaluation des incidences sur l’environnement. L’article 6 de celui-ci renvoie à cet égard à la première partie de l’annexe 2 dudit règlement, laquelle, dans la catégorie 50, vise «la démolition d’un immeuble ou de toute autre structure». Les articles 9 et 10 du PDR énoncent les conditions dans lesquelles un projet en principe exempté doit néanmoins faire l’objet d’une procédure d’autorisation.

13      La dixième partie du PDR est consacrée aux évaluations des incidences sur l’environnement. L’article 93 de celui-ci, lu en combinaison avec l’annexe 5 dudit règlement, définit les catégories de projets pour lesquels une telle évaluation est requise. L’article 94 du PDR, qui énumère les informations qui doivent figurer dans une déclaration des incidences sur l’environnement, est libellé comme suit:

«Une déclaration relative aux incidences sur l’environnement doit contenir:

(a)      les informations spécifiées au point 1 de l’annexe 6,

(b)      les informations spécifiées au point 2 de l’annexe 6, dans la mesure où

(i)      ces informations sont pertinentes pour une phase donnée de la procédure d’autorisation et pour les caractéristiques spécifiques du projet ou du type de projet concerné, ainsi que des éléments de l’environnement susceptibles d’être affectés, et où

(ii)      la personne, ou les personnes, préparant la déclaration peuvent, dans les limites du raisonnable, être tenues de rassembler ces informations, compte tenu notamment des connaissances et méthodes d’évaluation actuelles, et

(c)      un résumé en langage non technique des informations requises au titre des points (a) et (b).»

14      L’annexe 6 du PDR précise les informations qui doivent figurer dans une déclaration relative aux incidences sur l’environnement. Le point 2, sous b), de cette annexe, prévoit qu’elle doit contenir:

«Une description des aspects de l’environnement susceptibles d’être significativement affectés par le projet proposé, y compris notamment:

–        l’homme, la faune et la flore,

–        le sol, l’eau, l’air, le climat et le paysage,

–        les biens matériels, y compris le patrimoine architectural et archéologique, et le patrimoine culturel,

–        l’interaction entre les facteurs ci-dessus mentionnés.»

15      Conformément à l’article 108 du PDR, l’autorité compétente en matière d’aménagement du territoire est tenue de vérifier que les informations contenues dans la déclaration relative aux incidences sur l’environnement sont conformes aux exigences dudit règlement.

 La loi de 1992 instituant l’Agence

16      La loi de 1992 instituant l’Agence pour la protection de l’environnement (Environmental Protection Agency Act 1992, ci-après l’«EPAA») a notamment introduit un nouveau système de réduction intégrée de la pollution en imposant à de nombreuses activités industrielles de détenir une autorisation accordée par l’Agence. Lorsque l’activité est nouvelle et/ou concerne une nouvelle construction, elle doit également obtenir l’autorisation d’aménagement prévue par la PDA.

17      L’article 98 de l’EPAA, qui interdisait aux autorités chargées de l’aménagement du territoire de prendre en considération les aspects liés aux risques de pollution lors de l’examen d’une demande d’autorisation d’aménagement du territoire, a été modifié par l’article 256 de la PDA en ce sens que, s’il est interdit à ces autorités d’assortir les autorisations qu’elles délivrent pour des activités nécessitant par ailleurs une autorisation de l’Agence de conditions imposant une réduction des émissions polluantes, elles peuvent néanmoins, le cas échéant, refuser la délivrance d’une autorisation d’aménagement du territoire pour des raisons environnementales. Cet article 98, dans sa version modifiée, prévoit la possibilité pour ces autorités d’inviter l’Agence à présenter des observations, notamment en ce qui concerne la déclaration relative aux incidences sur l’environnement. L’Agence n’est cependant pas tenue de déférer à cette invitation.

18      Le règlement de 1994 relatif à l’Agence pour la protection de l’environnement [Environmental Protection Agency (Licensing) Regulations 1994, ci-après l’«EPAR»] prévoit la possibilité pour l’Agence de notifier une demande d’autorisation à une autorité chargée de l’aménagement du territoire. L’autorité n’est toutefois pas tenue de répondre à cette notification.

 La loi de 1930 relative aux monuments nationaux

19      La loi de 1930 relative aux monuments nationaux (National Monuments Act 1930, ci-après la «NMA») régit la protection des vestiges archéologiques irlandais les plus importants du point de vue culturel, qui sont qualifiés de «monuments nationaux». Elle a été modifiée par une loi de 2004 [National Monuments (Amendment) Act 2004] en vue d’assouplir les contraintes imposées par la législation antérieure dans le cas de propositions tendant à la modification ou à l’enlèvement de monuments nationaux.

20      L’article 14 de la NMA confère au ministre de l’Environnement, du Patrimoine et des Administrations locales irlandais (ci-après le «ministre») un pouvoir d’appréciation pour prendre une décision permettant la destruction d’un monument national. Lorsqu’un monument national est découvert pendant la réalisation d’un projet routier ayant fait l’objet d’une évaluation des incidences sur l’environnement, l’article 14 bis de la NMA prévoit qu’il est, en principe, interdit d’exécuter tous travaux sur le monument dans l’attente des instructions du ministre. Ces instructions peuvent concerner différentes «interventions sur le monument», y compris sa démolition. Aucune évaluation des incidences sur l’environnement n’est prévue pour l’adoption de ces instructions. Cependant, l’article 14 ter de la NMA prévoit que les instructions du ministre doivent être communiquées au Conseil. Si ces instructions prévoient de modifier le projet routier approuvé, le Conseil est tenu d’examiner si cette modification est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement. Si ce dernier considère que tel est le cas, il doit exiger la présentation d’une déclaration relative aux incidences sur l’environnement.

 La procédure précontentieuse

21      À la suite de l’examen d’une plainte relative à la transposition de la directive 85/337 par l’Irlande, la Commission a estimé que cette directive n’avait pas été pleinement et correctement mise en œuvre par cet État membre et, par lettre du 19 novembre 1998, elle a mis ce dernier en demeure de présenter ses observations, conformément à la procédure en manquement. Une deuxième lettre de mise en demeure a été envoyée à l’Irlande le 9 février 2001.

22      Après examen des observations reçues en réponse à ces lettres de mise en demeure, la Commission a, le 6 août 2001, adressé à l’Irlande un avis motivé dans lequel elle concluait que cet État membre n’avait pas correctement transposé les articles 2 à 6, 8 et 9 de ladite directive. En réponse, l’Irlande a fait savoir à la Commission que des amendements législatifs nécessaires pour assurer la transposition étaient en cours d’adoption et a demandé une suspension de la procédure.

23      À la suite de nouvelles plaintes, la Commission a adressé à l’Irlande, le 2 mai 2006, une lettre de mise en demeure complémentaire.

24      N’étant pas satisfaite des réponses reçues, la Commission a émis, le 29 juin 2007, un avis motivé complémentaire, dans lequel elle concluait que l’Irlande n’avait toujours pas transposé correctement la directive 85/337, notamment les articles 2 à 4 de celle-ci, et invitait cet État membre à se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de sa réception. En réponse, l’Irlande a maintenu sa position selon laquelle la législation irlandaise en vigueur constitue désormais une transposition adéquate de cette directive.

25      La Commission a alors introduit le présent recours.

 Sur le recours

 Sur le premier grief, tiré de la non-transposition de l’article 3 de la directive

 Argumentation des parties

26      Selon la Commission, l’article 3 de la directive 85/337 revêt une importance fondamentale, en ce qu’il définit ce que constitue une évaluation des incidences sur l’environnement et, partant, il doit être transposé de manière explicite. Or, les dispositions invoquées par l’Irlande comme réalisant une transposition adéquate de l’article 3 de la directive seraient insuffisantes.

27      Ainsi, l’article 173 de la PDA, qui exige que l’autorité chargée de l’aménagement du territoire prenne en considération les informations contenues dans la déclaration relative aux incidences sur l’environnement présentée par le maître d’ouvrage, concernerait l’obligation, visée à l’article 8 de la directive 85/337, de prendre en considération les informations recueillies conformément aux articles 5 à 7 de celle-ci. En revanche, cet article 173 ne correspondrait pas à l’obligation plus large, mise par l’article 3 de ladite directive à la charge de l’autorité compétente, de garantir la réalisation d’une évaluation des incidences sur l’environnement qui identifie, décrive et évalue tous les facteurs visés à cet article 3.

28      Quant aux articles 94, 108 et 111 du PDR ainsi qu’à l’annexe 6 de ce règlement, la Commission relève qu’ils se bornent, d’une part, à énumérer les éléments sur lesquels le maître d’ouvrage doit fournir des informations dans sa déclaration relative aux incidences sur l’environnement et, d’autre part, à énoncer l’obligation pour les autorités compétentes de vérifier l’exhaustivité de ces informations. Les obligations prévues par ces dispositions se distingueraient de celle, mise par l’article 3 de la directive à la charge de l’autorité compétente, de procéder à une évaluation complète des incidences sur l’environnement.

29      S’agissant de la pertinence de la jurisprudence des juridictions irlandaises relative à l’application des dispositions en cause du droit national, la Commission relève que, si ces juridictions peuvent interpréter des dispositions ambiguës de façon à ce qu’elles soient compatibles avec une directive, elles ne sauraient combler les vides juridiques existant dans la législation nationale. Au demeurant, les extraits des décisions cités par l’Irlande porteraient non pas sur l’interprétation de cette législation, mais sur celle de la directive 85/337 elle-même.

30      L’Irlande conteste l’importance que la Commission confère à l’article 3 de ladite directive. Celui-ci, rédigé en des termes généraux, se bornerait à indiquer que l’évaluation des incidences sur l’environnement doit se faire conformément aux articles 4 à 11 de cette directive. En transposant lesdits articles 4 à 11 dans le droit national, un État membre assurerait par là même la transposition de cet article 3.

31      L’Irlande soutient que les articles 172, paragraphe 1, et 173 de la PDA ainsi que les articles 94 et 108 du PDR et l’annexe 6 de celui-ci assurent une transposition complète des dispositions de l’article 3 de la directive 85/337. Elle souligne que la Supreme Court (Irlande) a, dans deux arrêts de 2003 et 2007, à savoir, respectivement, O’Connell v. Environmental Protection Agency et Martin v. An Bord Pleanála, confirmé que le droit national fait obligation aux autorités de planification et à l’Agence d’évaluer les facteurs visés à cet article 3 et l’interaction entre ces facteurs. Ces arrêts, dont il conviendrait de tenir compte dans l’appréciation de la portée des dispositions nationales en cause, ne combleraient pas un vide juridique, mais se borneraient à constater que la législation nationale applicable impose aux autorités compétentes l’obligation de procéder à une évaluation des effets d’un projet sur l’environnement au regard des critères énoncés à l’article 3 de la directive 85/337.

32      À titre subsidiaire, l’Irlande se réfère à la notion de «planification adéquate et développement durable» visée à l’article 34 de la PDA. Il s’agirait du critère principal devant être pris en considération par toute autorité chargée de l’aménagement du territoire lorsqu’elle se prononce sur une demande d’autorisation. Cette notion s’ajouterait à tous les critères visés dans ledit article 34 ainsi que dans d’autres dispositions de la même loi, parmi lesquelles l’article 173 de celle-ci, dont il renforcerait l’application.

33      Enfin, l’Irlande fait valoir que la Commission ne respecte pas le pouvoir d’appréciation dont jouit un État membre au titre de l’article 249 CE en ce qui concerne la forme et les moyens permettant d’assurer la transposition d’une directive. En exigeant une transposition littérale de l’article 3 de la directive 85/337, la Commission ignorerait le corps législatif et jurisprudentiel qui s’est constitué en Irlande pendant 45 ans autour des notions de «planification adéquate» et de «développement durable».

 Appréciation de la Cour

34      À titre liminaire, il convient de constater que la Commission et l’Irlande font une lecture divergente de l’article 3 de la directive 85/337 et analysent différemment ses relations avec les articles 4 à 11 de celle-ci. La Commission soutient que cet article 3 édicte des obligations qui vont au-delà de celles requises par lesdits articles 4 à 11, tandis que l’Irlande estime qu’il n’est qu’une disposition rédigée en des termes généraux et que le processus détaillé d’évaluation des incidences sur l’environnement est précisé à ces articles 4 à 11.

35      À cet égard, il convient de relever que, si l’article 3 de ladite directive dispose que l’évaluation des incidences sur l’environnement a lieu «conformément aux articles 4 à 11» de celle-ci, les obligations visées par ces articles sont différentes de celle prévue à l’article 3 lui-même.

36      L’article 3 de la directive 85/337 met à la charge de l’autorité environnementale compétente l’obligation de réaliser une évaluation des incidences sur l’environnement qui doit comprendre une description des effets directs et indirects d’un projet sur les facteurs énumérés aux trois premiers tirets de cet article et l’interaction entre eux (arrêt du 16 mars 2006, Commission/Espagne, C-332/04, point 33). Ainsi que l’indique l’article 2, paragraphe 1, de la même directive, cette évaluation doit être effectuée avant que l’autorisation demandée en vue de la réalisation d’un projet ne soit délivrée.

37      Afin de satisfaire à l’obligation qui lui est imposée par ledit article 3, l’autorité environnementale compétente ne peut pas se limiter à identifier et à décrire les effets directs et indirects d’un projet sur certains facteurs, mais doit encore les évaluer de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier.

38      Cette obligation d’évaluation se distingue des obligations énoncées aux articles 4 à 7, 10 et 11 de la directive 85/337, qui sont, pour l’essentiel, des obligations de collecte et d’échange d’informations, de consultation, de publicité et de garantie de l’existence d’un recours juridictionnel. Il s’agit là de dispositions d’ordre procédural, qui ne concernent que la mise en œuvre de l’obligation substantielle prévue à l’article 3 de cette directive.

39      Certes, l’article 8 de la même directive prévoit que le résultat des consultations et les informations recueillies conformément aux articles 5 à 7 de celle-ci doivent être pris en considération dans le cadre de la procédure d’autorisation.

40      Toutefois, cette obligation de prise en considération, au terme du processus décisionnel, des éléments d’information recueillis par l’autorité environnementale compétente ne saurait être confondue avec l’obligation d’évaluation prescrite à l’article 3 de la directive 85/337. En effet, cette évaluation, qui doit être réalisée en amont du processus décisionnel (arrêt du 4 mai 2006, Commission/Royaume-Uni, C-508/03, Rec. p. I‑3969, point 103), implique un examen au fond des informations collectées ainsi qu’une réflexion sur l’opportunité de les compléter, le cas échéant, par des données supplémentaires. Cette autorité environnementale compétente doit ainsi se livrer à un travail aussi bien d’investigation que d’analyse afin de parvenir à une appréciation aussi complète que possible des effets directs et indirects du projet concerné sur les facteurs énumérés aux trois premiers tirets dudit article 3 et de l’interaction entre eux.

41      Il découle donc tant du libellé des dispositions en cause de ladite directive que de l’économie générale de celle-ci que son article 3 constitue une disposition fondamentale. Une simple transposition des articles 4 à 11 de cette directive ne saurait être considérée comme réalisant automatiquement une transposition dudit article 3.

42      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de rechercher si les dispositions nationales invoquées par l’Irlande constituent une transposition correcte de l’article 3 de la directive 85/337.

43      Il résulte de la lecture de l’article 172 de la PDA ainsi que de l’article 94 du PDR et de l’annexe 6 de celui-ci que ces dispositions sont relatives à l’obligation du maître d’ouvrage de fournir une déclaration sur les incidences que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement, ce qui correspond, comme le fait valoir à bon droit la Commission, à l’obligation mise à la charge du maître d’ouvrage par l’article 5 de la directive 85/337. L’article 108 du PDR ne fait d’autre obligation à l’autorité chargée de l’aménagement du territoire que celle de vérifier l’exhaustivité de ces informations.

44      S’agissant de l’article 173 de la PDA, selon lequel l’autorité chargée de l’aménagement du territoire, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’autorisation pour laquelle une déclaration relative aux incidences sur l’environnement lui est soumise, doit tenir compte de cette déclaration ainsi que de toute information supplémentaire qui lui est fournie, il ressort du libellé même de cet article qu’il se borne à énoncer une obligation de même nature que celle prévue à l’article 8 de la directive 85/337, à savoir celle de prendre en considération le résultat des consultations et des informations recueillies dans le cadre de la procédure d’autorisation. Cette obligation ne correspond pas à celle plus large, mise par l’article 3 de cette directive à la charge de l’autorité environnementale compétente, de procéder elle-même à une évaluation des incidences sur l’environnement au regard des facteurs énoncés à cette disposition.

45      Dans ces conditions, force est de constater que les dispositions nationales invoquées par l’Irlande ne permettent pas d’atteindre le résultat poursuivi par l’article 3 de ladite directive.

46      S’il est vrai que, selon une jurisprudence constante, la transposition en droit interne d’une directive n’exige pas nécessairement une reprise formelle et textuelle des dispositions de celle-ci dans une disposition légale ou réglementaire expresse et spécifique et peut se satisfaire d’un contexte juridique général, dès lors que celui-ci assure effectivement la pleine application de la directive d’une façon suffisamment claire et précise (voir, notamment, arrêt du 16 juillet 2009, Commission/Irlande, C-427/07, Rec. p. I‑6277, point 54 et jurisprudence citée), il n’en demeure pas moins que, conformément à une jurisprudence également constante, les dispositions d’une directive doivent être mises en œuvre avec une force contraignante incontestable, avec la spécificité, la précision et la clarté requises, afin que soit satisfaite l’exigence de la sécurité juridique qui requiert que, au cas où la directive vise à créer des droits pour les particuliers, les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits (voir, notamment, arrêt Commission/Irlande, précité, point 55 et jurisprudence citée).

47      À cet égard, il convient de relever que l’arrêt de la Supreme Court O’Connell v. Environmental Protection Agency, précité, procède certes, dans le passage invoqué par l’Irlande, à une interprétation des dispositions de droit interne dans un sens conforme à la directive 85/337. Toutefois, selon une jurisprudence constante de la Cour, une telle interprétation conforme des dispositions de droit interne ne peut, à elle seule, présenter la clarté et la précision requises pour satisfaire à l’exigence de sécurité juridique (voir, notamment, arrêt du 10 mai 2007, Commission/Autriche, C‑508/04, Rec. p. I-3787, point 79 et jurisprudence citée). Le passage de l’arrêt de la même juridiction nationale Martin v. An Bord Pleanála, précité, auquel se réfère également l’Irlande, porte quant à lui sur la question de savoir si tous les facteurs visés à l’article 3 de ladite directive sont mentionnés dans les procédures d’autorisation mises en place par la législation irlandaise. En revanche, il n’apporte aucune précision sur la question, décisive aux fins de l’appréciation du premier grief, de savoir en quoi doit consister l’examen dont ces facteurs doivent faire l’objet de la part des autorités nationales compétentes.

48      Quant aux notions de «planification adéquate» et de «développement durable» auxquelles se réfère également l’Irlande, il y a lieu de constater que, à supposer même que ces notions englobent les critères visés à l’article 3 de la directive 85/337, il n’est pas établi qu’elles exigent qu’il soit tenu compte de ces critères dans tous les cas où une évaluation des incidences sur l’environnement est requise.

49      Il s’ensuit que ni la jurisprudence nationale ni les notions de «planification adéquate» et de «développement durable» ne sauraient être invoquées pour combler le défaut de transposition dans l’ordre juridique irlandais de l’article 3 de la directive 85/337.

50      Il y a donc lieu de considérer comme fondé le premier grief soulevé par la Commission au soutien de son recours.

 Sur le deuxième grief, tiré du défaut de garantie du plein respect des articles 2 à 4 de la directive 85/337 lorsque plusieurs autorités interviennent dans le processus décisionnel

 Argumentation des parties

51      Pour la Commission, il est indispensable que l’évaluation des incidences sur l’environnement soit effectuée dans le cadre d’une procédure globale. Or, en Irlande, à la suite de la création de l’Agence, certains projets nécessitant une telle évaluation sont soumis à deux processus de décision distincts, l’un concernant la prise de décision des autorités chargées de l’aménagement du territoire sur les aspects de l’occupation des sols, l’autre portant sur la prise de décision de l’Agence sur les aspects liés à la pollution. La Commission admet que l’autorisation d’aménagement et l’autorisation de l’Agence peuvent être considérées, comme le fait la jurisprudence irlandaise (voir arrêt de la Supreme Court Martin v. An Bord Pleanála, précité), comme constituant ensemble une «autorisation» au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 85/337 et elle ne voit pas d’objection à ce que cette autorisation soit donnée en deux étapes successives. Toutefois, elle reproche à la législation irlandaise de ne pas faire obligation aux autorités chargées de l’aménagement du territoire et à l’Agence de coordonner leurs travaux. Selon la Commission, cette situation est contraire aux articles 2 à 4 de cette directive.

52      S’agissant de l’article 2 de ladite directive, la Commission relève qu’il requiert la réalisation d’une évaluation des incidences sur l’environnement pour les projets visés à l’article 4 de cette directive «avant l’octroi de l’autorisation». Or, la Commission estime qu’il existe, selon la législation irlandaise, la possibilité qu’une partie du processus de décision se déroule sans respecter cette condition. En effet, d’une part, cette législation n’exigerait pas qu’une demande d’autorisation soit déposée auprès des autorités chargées de l’aménagement du territoire avant qu’une demande d’autorisation soit présentée à l’Agence, laquelle ne serait pas habilitée à engager une évaluation des incidences sur l’environnement. D’autre part, les autorités chargées de l’aménagement du territoire ne seraient pas tenues, dans le cadre de leur évaluation, de prendre en considération les incidences en matière de pollution, lesquelles risqueraient de ne faire l’objet d’aucune évaluation.

53      En se référant à la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, arrêt du 20 novembre 2008, Commission/Irlande, C-66/06, point 59), la Commission souligne qu’elle n’est pas tenue d’attendre que l’application de la loi de transposition produise des effets dommageables ni de démontrer l’existence de ceux-ci, dès lors que le texte même de cette loi est insuffisant ou défectueux.

54      S’agissant de l’article 3 de la directive 85/337, la Commission considère que, lorsque plusieurs autorités sont compétentes, les procédures suivies par chacune d’elles doivent, prises ensemble, assurer la réalisation complète de l’évaluation requise par cet article 3. Or, la délimitation stricte des rôles distincts des autorités chargées de l’aménagement du territoire, d’une part, et de l’Agence, d’autre part, telle qu’elle est prévue par la législation irlandaise, ne prendrait pas formellement en compte la notion d’«environnement» dans la prise de décision. En effet, aucune des autorités impliquées dans le processus d’autorisation ne serait chargée de l’évaluation et de la prise en considération des interactions entre les facteurs visés aux premier à troisième tirets dudit article 3, lesquels relèvent respectivement des sphères de compétence distinctes de chacune de ces autorités.

55      À cet égard, la Commission, en se référant à l’article 98 de l’EPAA, tel que modifié, ainsi qu’à l’EPAR, observe qu’il n’existe aucun lien formel, sous la forme d’une obligation, pour les autorités compétentes, de se consulter entre la procédure suivie pour la délivrance d’une autorisation par l’autorité chargée de l’aménagement du territoire et celle suivie pour la délivrance d’une autorisation par l’Agence.

56      Afin d’illustrer son analyse, la Commission mentionne le cas des projets relatifs à l’installation d’un incinérateur à Duleek, dans le comté de Meath, et de l’usine de traitement de bois en service à Leap, dans le comté d’Offaly.

57      En se référant à l’arrêt du 4 mai 2006, Commission/Royaume-Uni (C‑98/04, Rec. p. I-4003), l’Irlande conteste la recevabilité du deuxième grief invoqué par la Commission au soutien de son recours, dans la mesure où, selon elle, la Commission n’a pas exposé de manière circonstanciée la raison pour laquelle la désignation par l’Irlande de deux autorités compétentes viole les exigences de la directive 85/337. Cette omission aurait nui à la préparation de sa défense.

58      Sur le fond, l’Irlande fait valoir que la conséquence de l’implication de plusieurs autorités compétentes dans le processus décisionnel, procédure permise par les articles 1er, paragraphe 3, et 2, paragraphe 2, de la directive 85/337, est que la participation et les obligations de ces dernières sont différentes et interviennent à des stades distincts avant que l’«autorisation du projet» ne soit donnée. S’appuyant sur l’arrêt de la Supreme Court Martin v. An Bord Plaenála, précité, l’Irlande fait valoir que cette directive ne suggère nulle part qu’un seul organe compétent doit effectuer une «évaluation globale» des incidences sur l’environnement.

59      L’Irlande conteste qu’il y ait une démarcation stricte entre les compétences des deux organes de prise de décision et soutient qu’il existe au contraire un chevauchement de celles-ci. La notion de «planification adéquate et développement durable», à laquelle la PDA fait référence, serait un concept très large, qui s’étendrait notamment à la pollution de l’environnement. Les autorités chargées de l’aménagement du territoire seraient tenues d’évaluer une telle pollution dans le contexte d’une décision relative à une autorisation d’aménagement. Diverses dispositions conféreraient d’ailleurs expressément à ces autorités le pouvoir de refuser une autorisation d’aménagement pour des motifs liés à l’environnement.

60      En réponse à l’argument de la Commission selon lequel il est possible qu’une demande d’autorisation soit présentée à l’Agence avant qu’une demande d’autorisation n’ait été soumise à une autorité chargée de l’aménagement du territoire et, partant, avant qu’une évaluation des incidences sur l’environnement n’ait été réalisée, l’Irlande fait valoir qu’une «autorisation de projet» en droit irlandais requiert à la fois une autorisation de l’autorité compétente en matière d’aménagement du territoire et une autorisation de l’Agence. Dans ces conditions, un maître d’ouvrage n’aurait aucun avantage pratique à demander une autorisation à l’Agence sans présenter simultanément une demande d’autorisation à l’autorité compétente en matière d’aménagement du territoire et, en pratique, une telle disjonction des demandes ne se produirait donc pas.

61      Par ailleurs, contrairement à l’affirmation de la Commission selon laquelle l’Agence ne pourrait pas engager une procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement, il existerait dans plusieurs cas, notamment pour les demandes d’autorisation de récupération ou d’élimination de déchets ainsi que pour les demandes d’autorisation de contrôle intégré et de prévention de la pollution, une obligation de soumettre à l’Agence une déclaration relative aux incidences sur l’environnement, indépendamment du dépôt antérieur ou non d’une demande d’autorisation auprès d’une autorité chargée de l’aménagement du territoire. En outre, dans de tels cas, l’Agence serait expressément habilitée à demander des informations complémentaires au demandeur et pourrait donc solliciter des informations matériellement similaires à celles contenues dans une déclaration relative aux incidences sur l’environnement.

62      L’Irlande considère qu’une obligation de consultation dans chaque cas entre l’autorité compétente en matière d’aménagement du territoire et l’Agence serait inappropriée. Il serait plus adéquat de permettre une telle consultation, tout en laissant aux organes de décision un pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité, dans chaque cas particulier, de procéder à cette consultation.

63      Enfin, l’arrêt du 20 novembre 2008, Commission/Irlande, précité, auquel se réfère la Commission pour se dispenser d’apporter la preuve de ses allégations, serait dépourvu de pertinence dans le cadre de la présente procédure. En effet, selon l’Irlande, dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, l’infraction alléguée concernait la manière dont la directive 85/337 avait été transposée dans le droit interne irlandais, tandis que la présente affaire concerne l’application de la législation assurant la transposition de cette directive. Alors qu’un système complet a été mis en place par la législation irlandaise pour l’évaluation des incidences sur l’environnement, la Commission allègue que cette législation pourrait ne pas être toujours appliquée adéquatement en pratique. À cet égard, la charge de la preuve reposerait sur la Commission qui n’y aurait pas satisfait. Les références aux projets de Duleek et de Leap ne corroboreraient en aucune manière les allégations de la Commission.

 Appréciation de la Cour

–       Sur la recevabilité du deuxième grief

64      Selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours introduit sur le fondement de l’article 226 CE, l’avis motivé et le recours doivent présenter les griefs de façon cohérente et précise, afin de permettre à l’État membre et à la Cour d’appréhender exactement la portée de la violation du droit de l’Union reprochée, condition nécessaire pour que ledit État puisse faire valoir utilement ses moyens de défense et pour que la Cour puisse vérifier l’existence du manquement allégué (voir, notamment, arrêts précités du 4 mai 2006, Commission/Royaume-Uni, C‑98/04, point 18, et du 20 novembre 2008, Commission/Irlande, point 31).

65      En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre de la procédure précontentieuse, tant les points 3.2.2 à 3.2.5 de l’avis motivé du 6 août 2001 que les points 2.17 et 2.18 de l’avis motivé complémentaire du 29 juin 2007 exposent la raison pour laquelle la stricte démarcation entre les rôles séparés assignés aux autorités chargées de l’aménagement du territoire, d’une part, et à l’Agence, d’autre part, ne satisfait pas, selon la Commission, aux exigences de la directive 85/337. Il y est expliqué que ce partage de compétences est incompatible avec le fait que la notion d’«environnement», telle qu’elle doit être prise en compte dans le processus décisionnel prévu par cette directive, implique une prise en considération de l’interaction entre les facteurs entrant dans les champs de compétence séparés de chacune des deux instances de décision.

66      Ce grief est exposé en des termes identiques ou similaires aux points 55 et suivants de la requête introductive d’instance qui, par ailleurs, contient, dans ses points 9 à 20, un résumé des dispositions pertinentes de la législation irlandaise.

67      Il résulte de ces constatations que les allégations émises par la Commission dans le cadre des procédures précontentieuse et contentieuse ont été suffisamment claires pour permettre à l’Irlande d’assurer utilement sa défense.

68      Par conséquent, il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par cet État membre au sujet du deuxième grief invoqué par la Commission.

–        Sur le fond

69      À titre liminaire, il convient de constater que, par son deuxième grief, la Commission critique la transposition par la législation irlandaise en cause des articles 2 à 4 de la directive 85/337, en ce que les procédures mises en place par cette législation ne garantissent pas le plein respect de ces articles lorsque plusieurs autorités nationales interviennent dans le processus décisionnel.

70      En conséquence, l’argumentation de l’Irlande, selon laquelle la Commission n’établirait pas suffisamment le fondement factuel de son recours, doit d’emblée être écartée. En effet, ainsi que l’a fait valoir la Commission, dans la mesure où c’est la manière dont la directive 85/337 a été transposée qui fait l’objet du recours en manquement, et non pas le résultat concret de l’application de la législation nationale relative à cette transposition, il convient de vérifier si ladite législation porte en elle-même le caractère insuffisant ou défectueux de la transposition de cette directive que la Commission allègue, sans qu’il soit nécessaire d’établir les effets réels de la législation nationale de transposition au regard de projets précis (voir arrêt du 20 novembre 2008, Commission/Irlande, précité, point 59).

71      L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 85/337 définit le terme «autorisation» comme étant la décision de l’autorité ou des autorités compétentes qui ouvre le droit du maître d’ouvrage de réaliser le projet. Le paragraphe 3 dudit article précise que la ou les autorités compétentes sont celles que les États membres désignent en vue de s’acquitter des tâches résultant de cette directive.

72      Dans le cadre de la liberté qui leur est ainsi laissée pour déterminer les instances compétentes en vue de la délivrance d’une autorisation au sens de ladite directive, les États membres peuvent décider de confier cette tâche à plusieurs entités, ce que la Commission a du reste expressément admis.

73      L’article 2, paragraphe 2, de la directive 85/337 ajoute que l’évaluation des incidences sur l’environnement peut être intégrée dans les procédures existantes d’autorisation des projets ou à défaut, dans d’autres procédures ou dans celles à établir pour répondre aux objectifs de cette directive.

74      Cette disposition implique que la liberté laissée aux États membres s’étend à la détermination des règles de procédure et des conditions d’octroi de l’autorisation en cause.

75      Toutefois, cette liberté ne peut être exercée que dans les limites posées par ladite directive et pour autant que les choix faits par les États membres garantissent le plein respect des objectifs fixés par celle-ci.

76      L’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337 indique ainsi que l’évaluation des incidences sur l’environnement doit avoir lieu «avant l’octroi de l’autorisation». Ceci implique que l’examen des effets directs et indirects d’un projet sur les facteurs visés à l’article 3 de la même directive et sur l’interaction entre ces facteurs soit intégralement effectué avant ledit octroi.

77      Dans ces conditions, si rien ne s’oppose au choix de l’Irlande de confier la réalisation des objectifs de ladite directive à deux autorités différentes, à savoir les autorités chargées de l’aménagement du territoire, d’une part, et l’Agence, d’autre part, c’est à la condition que les compétences respectives de ces autorités et les règles gouvernant leur mise en œuvre garantissent qu’une évaluation des incidences sur l’environnement est effectuée de manière complète et en temps utile, à savoir avant l’octroi de l’autorisation au sens de cette directive.

78      À cet égard, la Commission soutient qu’elle a identifié, dans la législation irlandaise, une lacune résultant de la combinaison de deux facteurs. Le premier serait l’absence de tout droit de l’Agence, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’autorisation d’un projet au regard des aspects liés à la pollution, d’engager une évaluation des incidences sur l’environnement. Le second serait la possibilité que l’Agence soit saisie et statue sur les questions de pollution avant que l’autorité chargée de l’aménagement du territoire, seule à pouvoir exiger du maître d’ouvrage une déclaration relative aux incidences sur l’environnement, n’ait été elle-même saisie.

79      En défense, l’Irlande, qui ne conteste pas que, de manière générale, l’Agence n’est pas habilitée à demander au maître d’ouvrage de produire une telle déclaration, fait valoir que ce dernier n’a aucun avantage pratique à demander une autorisation à l’Agence sans présenter simultanément une demande d’autorisation à l’autorité chargée de l’aménagement du territoire, dès lors qu’il a besoin d’une autorisation de ces deux autorités. Toutefois, l’Irlande n’a ni établi ni même allégué qu’il est juridiquement impossible à un maître d’ouvrage d’obtenir une décision de l’Agence tant qu’il n’a pas saisi l’autorité chargée de l’aménagement du territoire.

80      Certes, l’EPAR prévoit la possibilité pour l’Agence de notifier une demande d’autorisation à une autorité chargée de l’aménagement du territoire. Cependant, il est constant entre les parties qu’il ne s’agit pas d’une obligation et que, au demeurant, l’autorité qui a reçu la notification n’est pas tenue d’y répondre.

81      Il ne peut donc être exclu que l’Agence, en tant qu’autorité chargée de se prononcer sur l’autorisation d’un projet au regard des aspects liés à la pollution, statue sans qu’ait été réalisée une évaluation des incidences sur l’environnement conforme aux articles 2 à 4 de la directive 85/337.

82      L’Irlande fait valoir que, dans certains cas, relatifs notamment aux autorisations de récupération et d’élimination des déchets ainsi qu’aux autorisations de contrôle intégré et de prévention de la pollution, l’Agence est habilitée à exiger une déclaration relative aux incidences sur l’environnement, dont elle doit tenir compte. Toutefois, de telles règles ponctuelles ne sauraient combler la lacune de la législation irlandaise identifiée au point précédent.

83      L’Irlande soutient également que les autorités chargées de l’aménagement du territoire sont habilitées, depuis la modification de l’EPAA par l’article 256 de la PDA, à refuser, le cas échéant, la délivrance d’une autorisation pour des motifs liés à l’environnement et que les notions de «planification adéquate» et de «développement durable» confèrent à ces autorités, de manière générale, une telle habilitation.

84      Une telle extension des compétences des autorités chargées de l’aménagement du territoire peut, ainsi que le fait valoir l’Irlande, créer dans certains cas un chevauchement des compétences respectives des autorités responsables en matière d’environnement. Néanmoins, force est de constater qu’un tel chevauchement n’est pas de nature à combler la lacune relevée au point 81 du présent arrêt, qui laisse ouverte la possibilité pour l’Agence de statuer seule et sans évaluation des incidences sur l’environnement conforme aux articles 2 à 4 de la directive 85/337, sur un projet au regard des aspects liés à la pollution.

85      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que le deuxième grief invoqué par la Commission au soutien de son recours en manquement est fondé.

 Sur le troisième grief, tiré de la non-application de la directive 85/337 aux travaux de démolition

 Argumentation des parties

86      Selon la Commission, les travaux de démolition peuvent constituer un «projet» au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 85/337, en ce qu’ils relèvent de la notion d’«autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage». Or, dans le PDR, l’Irlande aurait exempté presque tous les travaux de démolition de l’obligation de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement. Après l’expiration du délai de deux mois fixé dans l’avis motivé complémentaire du 29 juin 2007, l’Irlande a certes notifié à la Commission un nouveau texte, modifiant le PDR, en ce sens qu’il réduit sensiblement le champ d’application de l’exemption prévue pour les travaux de démolition. Toutefois, ce texte ne pourrait être pris en considération dans le cadre du présent recours en manquement.

87      La Commission fait valoir que l’interprétation de l’Irlande, selon laquelle les travaux de démolition ne relèvent pas du champ d’application de ladite directive, se retrouve dans la NMA et elle renvoie à cet égard aux articles 14, 14 bis et 14 ter de cette loi, relatifs à la démolition d’un monument national.

88      Afin d’illustrer la manière dont, en violation de la directive 85/337, l’exclusion des travaux de démolition a permis, en application de l’article 14 bis de la NMA, la démolition d’un monument national sans la réalisation d’une évaluation des incidences sur l’environnement, la Commission se réfère à la décision ministérielle du 13 juin 2007 ordonnant la destruction d’un monument national afin de permettre la réalisation du projet de l’autoroute M3.

89      À titre liminaire, l’Irlande objecte que le troisième grief de la Commission, en tant qu’il vise l’article 14 de la NMA, est irrecevable, cette disposition n’ayant pas été mentionnée dans l’avis motivé complémentaire du 29 juin 2007.

90      Selon l’Irlande, les travaux de démolition ne relèvent pas du champ d’application de la directive 85/337, puisqu’ils ne sont pas mentionnés dans les annexes I et II de celle-ci. Au surplus, il ressortirait d’une lecture combinée des articles 10 de la PDA et 9 du PDR que les travaux de démolition ne sont exemptés de l’obligation d’obtenir une autorisation d’aménagement que si le projet n’est pas susceptible d’avoir des effets significatifs sur l’environnement.

91      S’agissant de l’obligation de procéder à des évaluations complémentaires, l’Irlande fait valoir que l’essence de la directive 85/337 implique que l’évaluation des incidences sur l’environnement soit effectuée au stade le plus précoce possible, avant le début du projet. La seule fois où il serait nécessaire de faire une nouvelle évaluation serait, conformément à l’annexe II, point 13, premier tiret, de cette directive, lorsque le projet a été modifié ou étendu.

92      Quant à la portée des instructions ministérielles émises au titre de l’article 14 bis de la NMA, l’Irlande souligne que cette disposition n’est applicable que dans le contexte d’un projet routier préalablement approuvé par le Conseil, sur la base d’une évaluation des incidences sur l’environnement. Seul le Conseil pourrait décider d’une modification du projet routier et il devrait dans ce cas apprécier si cette modification est ou non susceptible d’avoir des effets négatifs sur l’environnement. Dans ces conditions, la compétence du ministre pour émettre des instructions ministérielles ne saurait être mise sur le même plan que l’octroi d’une autorisation pour un projet routier. Ces instructions ne seraient données, le cas échéant, qu’après le début des travaux du projet et la découverte d’un nouveau monument national et ne viseraient qu’à réglementer la manière dont celui-ci sera traité. Au surplus, l’Irlande conteste qu’une décision ministérielle ordonnant la destruction d’un monument national ait été prise afin de permettre la réalisation du projet de l’autoroute M3.

 Appréciation de la Cour

–       Sur la recevabilité du troisième grief

93      Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’objet d’un recours introduit en application de l’article 226 CE est circonscrit par la procédure administrative précontentieuse prévue à cet article et le recours doit être fondé sur les mêmes motifs et moyens que ceux énoncés dans l’avis motivé (voir, notamment arrêt du 14 octobre 2004, Commission/France, C-340/02, Rec. p. I‑9845, point 26 et jurisprudence citée).

94      En l’espèce, il ressort de la lecture de l’avis motivé complémentaire du 29 juin 2007 que la Commission, aux points 2.34 à 2.38 de celui-ci, a reproché à l’Irlande d’avoir exclu les travaux de démolition du champ d’application de la législation nationale transposant la directive 85/337. Aux points 2.39 et 2.40 du même avis, la Commission a précisé que l’interprétation que l’Irlande faisait de cette directive se reflétait non seulement dans la PDA, mais également dans d’autres législations plus spécifiques, telles que la NMA, et elle a pris pour exemple la réalisation du projet de l’autoroute M3.

95      Il s’ensuit que, si la Commission n’a pas visé expressément l’article 14 de la NMA dans ledit avis motivé, elle s’est néanmoins référée clairement au mécanisme de décision prévu à cet article dans le cadre de son analyse des déficiences que, selon elle, cette loi comporte.

96      Dans ces conditions, l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’Irlande à l’encontre du troisième grief de la Commission doit être rejetée.

–       Sur le fond

97      Quant à la question de savoir si, comme le soutient la Commission dans ses écrits, les travaux de démolition entrent dans le champ d’application de la directive 85/337 ou si, ainsi que le fait valoir l’Irlande, ils en sont exclus, il convient de relever d’emblée que la définition du terme «projet» figurant à l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive ne permet pas d’en déduire que des travaux de démolition ne pourraient pas satisfaire aux critères de cette définition. De tels travaux peuvent, en effet, être qualifiés d’«autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage».

98      Cette interprétation est corroborée par le fait que, si les travaux de démolition étaient exclus du champ d’application de ladite directive, les références au «patrimoine culturel» à l’article 3 de celle-ci, aux «paysages importants du point de vue historique, culturel et archéologique» à l’annexe III, point 2, sous h), de la même directive et «au patrimoine architectural et archéologique» à l’annexe IV, point 3, de cette dernière seraient dépourvues d’objet.

99      Il est vrai que, conformément à l’article 4 de la directive 85/337, pour qu’un projet nécessite une évaluation des incidences sur l’environnement, il doit entrer dans l’une des catégories figurant aux annexes I et II de cette directive. Or, comme le fait valoir l’Irlande, celles-ci ne font pas de référence expresse à des travaux de démolition, à l’exception, sans pertinence dans le cadre du présent recours, du démantèlement des centrales nucléaires et autres réacteurs nucléaires, visé au point 2 de l’annexe I.

100    Toutefois, il y a lieu de tenir compte du fait que ces annexes visent plutôt des catégories sectorielles de projets, sans décrire la nature précise des travaux prévus. À titre d’illustration, il est possible de relever, comme l’a fait la Commission, que les «travaux d’aménagement urbain», visés au point 10, sous b), de ladite annexe II, comportent très souvent la démolition des structures existantes.

101    Il s’ensuit que les travaux de démolition relèvent bien du champ d’application de ladite directive et, à ce titre, ils peuvent constituer un «projet» au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de celle-ci.

102    Selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé (voir, notamment, arrêt du 16 juillet 2009, Commission/Irlande, précité, point 64 et jurisprudence citée).

103    L’Irlande ne conteste pas que, en application de la législation nationale telle qu’en vigueur à la date de l’avis motivé complémentaire, les travaux de démolition n’étaient pas soumis, en règle générale, à une évaluation des incidences sur l’environnement, mais bénéficiaient au contraire d’une exemption de principe.

104    Il ressort des règles prévues aux articles 14 à 14 ter de la NMA en ce qui concerne la démolition d’un monument national que, ainsi que le fait valoir la Commission, elles ne prennent aucunement en considération l’éventualité que de tels travaux de démolition puissent constituer, en eux-mêmes, un projet au sens des articles 1er et 4 de la directive 85/337 et, à ce titre, nécessiter une évaluation préalable de leurs incidences sur l’environnement. Toutefois, dès lors que le caractère insuffisant de la transposition de cette directive dans l’ordre juridique irlandais est établi, il n’y a pas lieu de rechercher quels sont les effets réels de cette législation au regard de la réalisation de projets précis, tels que celui de l’autoroute M3.

105    Quant aux changements législatifs intervenus postérieurement à l’introduction du recours en manquement, ils ne peuvent être pris en considération par la Cour (voir, notamment, arrêt du 16 juillet 2009, Commission/Irlande, précité, point 65 et jurisprudence citée).

106    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que le troisième grief invoqué par la Commission au soutien de son recours est fondé.

107    En conséquence, il y a lieu de constater que:

–      en ne transposant pas l’article 3 de la directive 85/337,

–      en ne veillant pas à ce que, lorsque les autorités chargées de l’aménagement du territoire et l’Agence détiennent toutes deux des pouvoirs de décision sur un projet, les conditions prévues aux articles 2 à 4 de cette directive soient pleinement respectées, et

–      en excluant les travaux de démolition du champ d’application de sa législation transposant la même directive,

l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive.

 Sur les dépens

108    Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de l’Irlande et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1)      L’Irlande:

–        en ne transposant pas l’article 3 de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, telle que modifiée par la directive 97/11/CE du Conseil, du 3 mars 1997, et par la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003,

–        en ne veillant pas à ce que, lorsque les autorités irlandaises chargées de l’aménagement du territoire et l’Agence pour la protection de l’environnement détiennent toutes deux des pouvoirs de décision sur un projet, les conditions prévues aux articles 2 à 4 de la directive 85/337, telle que modifiée par la directive 2003/35, soient pleinement respectées, et

–        en excluant les travaux de démolition du champ d’application de sa législation transposant la directive 85/337, telle que modifiée par la directive 2003/35,

a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive.

2)      L’Irlande est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.

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