EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62008CJ0522

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 11 mars 2010.
Telekommunikacja Polska SA w Warszawie contre Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej.
Demande de décision préjudicielle: Naczelny Sąd Administracyjny - Pologne.
Communications électroniques - Services de télécommunication - Directive 2002/21/CE - Directive 2002/22/CE - Subordination de la conclusion d’un contrat de prestation de services à la conclusion d’un contrat relatif à la fourniture d’autres services - Interdiction - Internet haut débit.
Affaire C-522/08.

Recueil de jurisprudence 2010 I-02079

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2010:135

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

11 mars 2010 ( *1 )

«Communications électroniques — Services de télécommunication — Directive 2002/21/CE — Directive 2002/22/CE — Subordination de la conclusion d’un contrat de prestation de services à la conclusion d’un contrat relatif à la fourniture d’autres services — Interdiction — Internet haut débit»

Dans l’affaire C-522/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Naczelny Sąd Administracyjny (Pologne), par décision du 17 septembre 2008, parvenue à la Cour le 28 novembre 2008, dans la procédure

Telekomunikacja Polska SA w Warszawie

contre

Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász, G. Arestis (rapporteur) et D. Šváby, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 décembre 2009,

considérant les observations présentées:

pour Telekomunikacja Polska SA w Warszawie, par Mes H. Romańczuk, P. Paśnik et A. Mednis, adwokaci,

pour Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej, par Mmes D. Dziedzic-Chojnacka et H. Gruszecka, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par M. M. Dowgielewicz, Mme A. Kraińska et M. S. Sala, en qualité d’agents,

pour le gouvernement italien, par Mme I. Bruni, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

pour la Commission européenne, par MM. W. Wils et A. Nijenhuis ainsi que par Mme K. Mojzesowicz, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des directives 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre») (JO L 108, p. 33, ci-après la «directive ‘cadre’»), et 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel») (JO L 108, p. 51, ci-après la «directive ‘service universel’»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Telekomunikacja Polska SA w Warszawie (ci-après «TP») au Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej (président de l’autorité des communications électroniques, ci-après le «président de l’UKE»), au sujet de l’interdiction faite à TP de subordonner la conclusion d’un contrat de fourniture de services à la conclusion par l’utilisateur final d’un contrat relatif à la fourniture d’autres services.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

Les directives «cadre» et «service universel»

3

Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive «cadre»:

«La présente directive crée un cadre harmonisé pour la réglementation des services de communications électroniques, des réseaux de communications électroniques et des ressources et services associés. Elle fixe les tâches incombant aux autorités réglementaires nationales [(ci-après les ‘ARN’)] et établit une série de procédures visant à garantir l’application harmonisée du cadre réglementaire dans l’ensemble de [l’Union].»

4

Aux termes de l’article 2, sous g), de la directive «cadre», une ARN est «l’organisme ou les organismes chargés par un État membre d’une quelconque des tâches de réglementation assignées dans la présente directive et dans les directives particulières».

5

L’article 8 de la directive «cadre» prévoit:

«1.   Les États membres veillent, dans l’accomplissement des tâches de réglementation spécifiées dans la présente directive ainsi que dans les directives particulières, à ce que les [ARN] prennent toutes les mesures raisonnables visant à la réalisation des objectifs définis aux paragraphes 2, 3 et 4. Ces mesures sont proportionnées à ces objectifs.

[…]

4.   Les [ARN] soutiennent les intérêts des citoyens de l’Union européenne, notamment:

[…]

b)

en assurant un niveau élevé de protection des consommateurs dans leurs relations avec les fournisseurs, en particulier en garantissant l’existence de procédures de règlement des litiges simples et peu coûteuses mises en œuvre par un organisme indépendant des parties concernées;

[…]»

6

L’article 15 de la directive «cadre» concerne la procédure de définition du marché. Son paragraphe 3 prévoit:

«Les [ARN] tiennent le plus grand compte de la recommandation et des lignes directrices pour la définition des marchés pertinents correspondant aux circonstances nationales, en particulier les marchés géographiques pertinents sur leur territoire, conformément aux principes du droit de la concurrence. Les [ARN] suivent les procédures prévues aux articles 6 et 7 avant de définir des marchés qui diffèrent de ceux figurant dans la recommandation.»

7

L’article 16 de la directive «cadre», qui se réfère à la procédure d’analyse de marché, dispose:

«1.   Dès que possible après l’adoption de la recommandation ou de sa mise à jour éventuelle, les [ARN] effectuent une analyse des marchés pertinents, en tenant le plus grand compte des lignes directrices. Les États membres veillent à ce que cette analyse soit effectuée, le cas échéant, en coopération avec les autorités nationales chargées de la concurrence.

2.   Lorsque, conformément aux articles 16, 17, 18 ou 19 de la directive [‘service universel’] ou aux articles 7 ou 8 de la directive 2002/19/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive ‘accès’) (JO L 108, p. 7, ci-après la “directive ‘accès’”], l’[ARN] est tenue de se prononcer sur l’imposition, le maintien, la modification, ou la suppression d’obligations à la charge des entreprises, elle détermine, sur la base de son analyse de marché visée au paragraphe 1 du présent article, si un marché pertinent est effectivement concurrentiel.

[…]

4.   Lorsqu’une [ARN] détermine qu’un marché pertinent n’est pas effectivement concurrentiel, elle identifie les entreprises puissantes sur ce marché conformément à l’article 14 et impose à ces entreprises les obligations réglementaires spécifiques appropriées visées au paragraphe 2 du présent article ou maintient ou modifie ces obligations si elles sont déjà appliquées.

[…]»

8

Aux termes de l’article 10, paragraphe 1, de la directive «service universel»:

«Les États membres veillent à ce que, pour les compléments de services et les services qui s’ajoutent à ceux visés aux articles 4, 5, 6 et 7 et à l’article 9, paragraphe 2, les entreprises désignées établissent les conditions applicables de façon à ce que l’abonné ne soit pas tenu de payer pour des compléments de services ou des services qui ne sont pas nécessaires ou requis pour le service demandé.»

9

L’article 17 de la directive «service universel», intitulé «Contrôles réglementaires concernant les services de détail», prévoit à ses paragraphes 1 et 2:

«1.   Les États membres veillent à ce que:

a)

lorsque, à la suite d’une analyse du marché effectuée conformément à l’article 16, paragraphe 3, une [ARN] constate qu’un marché de détail donné, déterminé conformément à l’article 15 de la directive [‘cadre’], n’est pas en situation de concurrence réelle, et

b)

[lorsque l’ARN] conclut que les obligations imposées au titre de la directive [‘accès’] ou de l’article 19 de la présente directive ne permettraient pas de réaliser les objectifs fixés à l’article 8 de la directive [‘cadre’],

les [ARN] imposent les obligations réglementaires adéquates aux entreprises déterminées comme étant puissantes sur ce marché, conformément à l’article 14 de la directive [‘cadre’].

2.   Les obligations imposées au titre du paragraphe 1 sont fondées sur la nature du problème identifié et sont proportionnelles et justifiées à la lumière des objectifs établis à l’article 8 de la directive [‘cadre’]. Les obligations imposées peuvent inclure l’exigence que les entreprises visées ne pratiquent pas de prix excessifs, n’interdisent pas l’accès au marché ou ne restreignent pas la concurrence en fixant des prix d’éviction, ni ne privilégient de manière abusive certains utilisateurs finals ou groupent leurs services de façon déraisonnable. Les [ARN] peuvent appliquer à ces entreprises des mesures d’encadrement des tarifs de détail, des mesures visant à maîtriser certains tarifs ou des mesures visant à moduler les tarifs en fonction des coûts ou des prix sur des marchés comparables, afin de protéger les intérêts des utilisateurs finals tout en favorisant une concurrence réelle.»

10

L’article 20, paragraphe 1, de la directive «service universel» précise que, en matière de contrats, celle-ci s’applique sans préjudice de la réglementation de l’Union relative à la protection des consommateurs ainsi que de la réglementation nationale conforme à la législation de l’Union.

La directive 2005/29/CE

11

L’article 2 de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil («directive sur les pratiques commerciales déloyales») (JO L 149, p. 22), prévoit:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[…]

d)

‘pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs’ […]: toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs;

[…]»

12

Selon l’article 4 de cette directive:

«Les États membres ne restreignent ni la libre prestation de services, ni la libre circulation des marchandises pour des raisons relevant du domaine dans lequel la présente directive vise au rapprochement des dispositions en vigueur.»

La réglementation nationale

13

L’article 46, paragraphe 2, de la loi sur les télécommunications (ustawa — Prawo telekomunikacyjne) du 16 juillet 2004 (Dz. U. no 171, position 1800), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après la «loi sur les télécommunications»), dispose:

«2.   Dans le but de protéger l’utilisateur final, le président de l’[UKE] peut, par voie de décision, soumettre un opérateur de télécommunications jouissant d’une puissance significative sur le marché de détail aux obligations suivantes:

[…]

5)

ne pas imposer à l’utilisateur final la souscription de services qui lui sont inutiles.

[…]»

14

L’article 57, paragraphe 1, de la loi sur les télécommunications prévoit:

«1.   Un prestataire de services ne peut subordonner la conclusion d’un contrat de fourniture de services de télécommunications accessibles au public, y compris de fourniture d’un raccordement au réseau téléphonique public, à:

1)

la conclusion par l’utilisateur final d’un contrat relatif à la fourniture d’autres services ou à l’achat d’un équipement auprès d’un fournisseur déterminé.

[…]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

15

Par décision du 28 décembre 2006, le président de l’UKE a enjoint à TP de mettre fin aux infractions constatées, consistant à subordonner la conclusion du contrat de fourniture d’accès Internet haut débit «neostrada tp» à la conclusion d’un contrat de services téléphoniques. À la suite de la demande de réexamen de l’affaire introduite par TP, le président de l’UKE a, par décision du 14 mars 2007, maintenu la décision du 28 décembre 2006.

16

Par recours formé le 13 avril 2007 devant le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Warszawie (tribunal administratif de la voïvodie de Varsovie), TP a demandé l’annulation des deux décisions du président de l’UKE en faisant valoir que l’article 57, paragraphe 1, point 1, de la loi sur les télécommunications avait été appliqué à tort, malgré son incompatibilité avec la directive «service universel». Le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Warszawie a rejeté ce recours et a jugé que le président de l’UKE avait fait une application correcte de cet article.

17

Le 8 janvier 2008, TP a formé un recours en cassation contre cette dernière décision devant le Naczelny Sąd Administracyjny, qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Le droit communautaire autorise-t-il les États membres à interdire à l’ensemble des opérateurs fournissant des services de télécommunications de subordonner la conclusion d’un contrat de fourniture de services à l’achat d’un autre service (vente liée), et, plus particulièrement, ce type de mesures ne va-t-il pas au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs des directives du paquet télécommunications [directive ‘accès’, directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive ‘autorisation’) (JO L 108, p. 21), directive ‘cadre’ et directive ‘service universel’]?

2)

En cas de réponse positive à la première question, selon le droit communautaire, l’[ARN] est-elle compétente pour contrôler le respect de l’interdiction prévue à l’article 57, paragraphe 1, point 1, de [la loi sur les télécommunications]?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

18

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les directives du cadre réglementaire commun sur les communications électroniques doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui interdit de subordonner la conclusion d’un contrat de fourniture de services à la conclusion par l’utilisateur final d’un contrat relatif à la fourniture d’autres services.

19

Il ressort de la décision de renvoi que le litige au principal trouve son origine dans les allégations de TP selon lesquelles l’article 57, paragraphe 1, point 1, de la loi sur les télécommunications est notamment incompatible avec les articles 15 et 16 de la directive «cadre» ainsi que 10 et 17 de la directive «service universel». En effet, la demanderesse au principal fait valoir que ces dernières dispositions s’opposent à une réglementation nationale qui impose à tous les opérateurs de ne pas lier leurs prestations de services, sans évaluation du degré de concurrence sur le marché et indépendamment de leur position sur celui-ci.

20

Il s’ensuit que, afin de répondre à la question posée, il convient d’interpréter les dispositions pertinentes des directives «cadre» et «service universel».

21

Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive «cadre», l’objectif de cette directive est de créer un cadre harmonisé pour la réglementation des services de communications électroniques, des réseaux de communications électroniques et des ressources et services associés. Ladite directive fixe les tâches incombant aux ARN et établit une série de procédures visant à garantir l’application harmonisée du cadre réglementaire dans l’ensemble de l’Union. La directive «cadre» confère ainsi aux ARN des tâches spécifiques de réglementation des marchés de communications électroniques.

22

En vertu de l’article 15 de la directive «cadre», et notamment son paragraphe 3, les ARN sont tenues, en étroite collaboration avec la Commission européenne, de définir les marchés pertinents dans le secteur des communications électroniques. Conformément à l’article 16 de cette directive, les ARN procèdent à l’analyse des marchés ainsi définis et apprécient si ces marchés sont effectivement concurrentiels. Si un marché n’est pas effectivement concurrentiel, l’ARN concernée impose des obligations réglementaires ex ante aux entreprises puissantes sur ce marché.

23

S’agissant de la directive «service universel», il y a lieu de relever que son article 1er, paragraphe 1, prévoit que, dans le cadre de la directive «cadre», la directive «service universel» a trait à la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques aux utilisateurs finals. Elle vise à assurer la disponibilité dans toute l’Union de services de bonne qualité accessibles au public grâce à une concurrence et un choix effectifs et à traiter les cas où les besoins des utilisateurs finals ne sont pas correctement satisfaits par le marché. La directive «service universel» établit les droits des utilisateurs finals et les obligations correspondantes des entreprises fournissant des réseaux et des services de communications électroniques accessibles au public.

24

Conformément à l’article 10, paragraphe 1, de la directive «service universel», les États membres veillent à ce que, pour les compléments de services et les services qui s’ajoutent à ceux visés aux articles 4, 5, 6 et 7 et à l’article 9, paragraphe 2, de cette directive, les entreprises désignées établissent les conditions applicables de façon à ce que l’abonné ne soit pas tenu de payer pour des compléments de services ou des services qui ne sont pas nécessaires ou requis pour le service demandé.

25

L’article 17 de ladite directive est relatif aux contrôles réglementaires des services de détail. Conformément au paragraphe 1 de cet article, les ARN imposent les obligations réglementaires adéquates aux entreprises déterminées comme étant puissantes sur le marché lorsque, à la suite de l’analyse de ce marché, une ARN constate que celui-ci n’est pas en situation de concurrence réelle, et que l’ARN conclut que les obligations imposées au titre de la directive «accès» ou de l’article 19 de la directive «service universel» ne permettraient pas de réaliser les objectifs fixés à l’article 8 de la directive «cadre».

26

À cet égard, l’article 17, paragraphe 2, de la directive «service universel» prévoit notamment que les obligations imposées au titre du paragraphe 1 de cet article peuvent inclure l’exigence que les entreprises visées ne groupent leurs services de façon déraisonnable. Ainsi, une telle disposition permet aux ARN, après avoir constaté qu’un marché n’est pas concurrentiel, d’imposer aux entreprises puissantes sur ce marché l’obligation réglementaire de ne pas lier leurs prestations de services de façon déraisonnable.

27

Il convient dès lors d’examiner si une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, affecte les compétences que l’ARN concernée tire des dispositions susmentionnées des directives «cadre» et «service universel».

28

À cet égard, il y a lieu de constater, premièrement, qu’une telle réglementation, qui interdit de manière générale et non discriminatoire les ventes liées, n’affecte pas les compétences de l’ARN concernée pour procéder à la définition et à l’analyse des différents marchés de communications électroniques, conformément aux dispositions, respectivement, des articles 15 et 16 de la directive «cadre». Elle n’affecte pas non plus la compétence de ladite ARN d’imposer, après avoir effectué une analyse d’un marché, des obligations réglementaires ex ante aux entreprises puissantes sur ce marché au titre de l’article 16 de la directive «cadre» et de l’article 17 de la directive «service universel».

29

Deuxièmement, comme l’ont souligné le président de l’UKE et le gouvernement polonais, l’interdiction prévue à l’article 57, paragraphe 1, point 1, de la loi sur les télécommunications vise une protection accrue des consommateurs dans leurs relations avec les opérateurs de services de télécommunications. Si, certes, dans l’exercice de leurs tâches, les ARN sont, conformément à l’article 8, paragraphe 4, sous b), de la directive «cadre», tenues de soutenir les intérêts des citoyens de l’Union en assurant un niveau élevé de protection des consommateurs, il n’en reste pas moins que les directives «cadre» et «service universel» ne prévoient pas une harmonisation complète des aspects relatifs à la protection des consommateurs. En effet, l’article 20 de la directive «service universel», qui se rapporte aux contrats conclus entre les consommateurs et des fournisseurs de services de communications électroniques, énonce qu’il s’applique sans préjudice de la réglementation de l’Union relative à la protection des consommateurs ainsi que de la réglementation nationale en la matière conforme au droit de l’Union.

30

Il s’ensuit qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui interdit qu’une entreprise subordonne la conclusion d’un contrat de fourniture de services de télécommunications à la conclusion par l’utilisateur final d’un contrat de fourniture d’autres services afin de protéger les utilisateurs finals, ne saurait être interdite par les directives «cadre» et «service universel».

31

S’agissant de la conformité d’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, avec la réglementation de l’Union relative à la protection des consommateurs, il doit être rappelé que la Cour a déjà jugé que la directive 2005/29 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui, sauf certaines exceptions et sans tenir compte des circonstances spécifiques du cas d’espèce, interdit toute offre conjointe faite par un vendeur à un consommateur (arrêt du 23 avril 2009, VTB-VAB et Galatea, C-261/07 et C-299/07, Rec. p. I-2949, point 68).

32

En l’occurrence, il convient de préciser que, eu égard au fait que les décisions litigieuses au principal sont intervenues avant la date d’expiration du délai de transposition de la directive 2005/29, celle-ci ne s’applique à l’affaire au principal qu’à partir de cette date, à savoir à partir du 12 décembre 2007.

33

Il ressort de ces considérations qu’il convient de répondre à la première question que les directives «cadre» et «service universel» doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que l’article 57, paragraphe 1, point 1, de la loi sur les télécommunications, qui interdit de subordonner la conclusion d’un contrat de fourniture de services à la conclusion par l’utilisateur final d’un contrat relatif à la fourniture d’autres services. Toutefois, la directive 2005/29 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui, sauf certaines exceptions et sans tenir compte des circonstances spécifiques du cas d’espèce, interdit toute offre conjointe faite par un vendeur à un consommateur.

Sur la seconde question

34

Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.

Sur les dépens

35

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

 

Les directives 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre»), et 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel»), doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que l’article 57, paragraphe 1, point 1, de la loi sur les télécommunications (ustawa — Prawo telekomunikacyjne) du 16 juillet 2004, dans sa version applicable aux faits au principal, qui interdit de subordonner la conclusion d’un contrat de fourniture de services à la conclusion par l’utilisateur final d’un contrat relatif à la fourniture d’autres services.

 

Toutefois, la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil («directive sur les pratiques commerciales déloyales») doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui, sauf certaines exceptions et sans tenir compte des circonstances spécifiques du cas d’espèce, interdit toute offre conjointe faite par un vendeur à un consommateur.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le polonais.

Top