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Document 62008CJ0407

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 1er juillet 2010.
Knauf Gips KG contre Commission européenne.
Pourvoi - Ententes - Plaques en plâtre - Accès au dossier - Moyens de preuve à charge et à décharge - Notion d’‘entreprise’ - Unité économique - Société responsable pour l’action de l’unité économique - Argument soulevé pour la première fois lors de la procédure juridictionnelle.
Affaire C-407/08 P.

Recueil de jurisprudence 2010 I-06375

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2010:389

Affaire C-407/08 P

Knauf Gips KG

contre

Commission européenne

«Pourvoi — Ententes — Plaques en plâtre — Accès au dossier — Moyens de preuve à charge et à décharge — Notion d’‘entreprise’ — Unité économique — Société responsable pour l’action de l’unité économique — Argument soulevé pour la première fois lors de la procédure juridictionnelle»

Sommaire de l'arrêt

1.        Concurrence — Procédure administrative — Respect des droits de la défense — Accès au dossier — Portée — Refus de communication d'un document — Conséquences

2.        Concurrence — Ententes — Preuve — Degré de précision exigé des éléments de preuve retenus par la Commission

(Art. 81, § 1, CE)

3.        Concurrence — Ententes — Entreprise — Notion — Unité économique — Existence pouvant être déduite d'un faisceau d'éléments concordants — Société mère ne détenant pas 100 % du capital d'une filiale — Circonstance n'excluant pas l'existence d'une unité économique

(Art. 101, § 1, TFUE)

4.        Concurrence — Ententes — Pratique concertée — Preuve de l'infraction — Charge de la preuve

(Art. 81, § 1, CE)

5.        Recours en annulation — Recevabilité — Personnes physiques ou morales — Entreprise destinataire d'une communication des griefs n'en ayant pas contesté les éléments de fait ou de droit au cours de la procédure administrative — Limitation de l'exercice du droit de recours — Violation des principes fondamentaux de légalité et de respect des droits de la défense

(Art. 101 TFUE, 102 TFUE et 263, al. 4, TFUE; charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, art. 47 et 52, § 1)

6.        Concurrence — Règles communautaires — Infractions — Imputation — Groupe de sociétés comportant plusieurs personnes juridiques à son sommet

(Art. 81 CE)

1.        Corollaire du principe du respect des droits de la défense, le droit d'accès au dossier implique, dans une procédure administrative en matière d'application des règles de concurrence, que la Commission doit donner à l'entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d'instruction qui sont susceptibles d'être pertinents pour sa défense. Ceux-ci comprennent tant les pièces à conviction que celles à décharge, sous réserve des secrets d'affaires d'autres entreprises, des documents internes à la Commission et d'autres informations confidentielles.

Néanmoins, l'absence de communication d'un document ne constitue une violation des droits de la défense que si l'entreprise concernée démontre, d'une part, que la Commission s'est fondée sur ce document pour étayer son grief relatif à l'existence d'une infraction et, d'autre part, que ce grief ne pourrait être prouvé que par référence audit document. En particulier, il lui incombe de démontrer que le résultat auquel la Commission est parvenue dans sa décision aurait été différent si devait être écarté comme moyen de preuve à charge un document non communiqué sur lequel la Commission s'est fondée pour incriminer cette entreprise. En revanche, s'agissant de l'absence de communication d'un document à décharge, l'entreprise concernée doit seulement établir que sa non-divulgation a pu influencer, à son détriment, le déroulement de la procédure et le contenu de la décision de la Commission, dans la mesure où elle aurait pu invoquer des éléments qui ne concordaient pas avec les déductions opérées par la Commission.

(cf. points 13, 22-23)

2.        Pour établir l’existence d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves sérieuses, précises et concordantes. Toutefois, chacune des preuves apportées par cette dernière ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqués par ladite institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence.

Dès lors, à supposer même qu’aucun des différents éléments d'une infraction ne constitue, considéré séparément, un accord ou une pratique concertée interdits par l’article 81, paragraphe 1, CE, une telle conclusion n’empêche pas que lesdits éléments, considérés dans leur ensemble, constituent un tel accord ou une telle pratique.

En effet, étant donné que l’interdiction de participer à des pratiques et à des accords anticoncurrentiels ainsi que les sanctions que les contrevenants peuvent encourir sont notoires, il est usuel que les activités que ces pratiques et ces accords comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement, le plus souvent dans un États tiers, et que la documentation y afférente soit réduite au minimum. Même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus d’une réunion, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence.

(cf. points 47-49)

3.        Le droit de la concurrence de l’Union vise les activités des entreprises. La notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. Placée dans ce contexte, cette notion doit être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales. L’existence d’une unité économique peut ainsi être déduite d’un faisceau d’éléments concordants, même si aucun de ces éléments, pris isolément, ne suffit pour établir l’existence d’une telle unité.

La circonstance selon laquelle une société mère ne détient pas 100 % du capital d'une filiale n'exclut pas l'éventuelle existence d'une unité économique au sens du droit de la concurrence.

(cf. points 64-65, 82)

4.        Il incombe à la partie ou à l’autorité qui allègue une violation des règles de la concurrence d’en apporter la preuve et il appartient à l’entreprise ou à l’association d’entreprises invoquant le bénéfice d’un moyen de défense contre une constatation d’infraction à ces règles d’apporter la preuve que les conditions d’application de ce moyen de défense sont remplies, de sorte que ladite autorité devra alors recourir à d’autres éléments de preuve. Ainsi, même si la charge légale de la preuve incombe selon ces principes soit à la Commission, soit à l’entreprise ou à l’association concernée, les éléments factuels qu’une partie invoque peuvent être de nature à obliger l’autre partie à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure que la charge de la preuve a été satisfaite.

(cf. point 80)

5.        S'agissant de l'application des règles de concurrence, aucune disposition du droit de l’Union n’impose au destinataire d'une communication des griefs de contester ses différents éléments de fait ou de droit au cours de la procédure administrative, sous peine de ne plus pouvoir le faire ultérieurement au stade de la procédure juridictionnelle. En effet, si la reconnaissance explicite ou implicite d’éléments de fait ou de droit par une entreprise durant la procédure administrative devant la Commission peut constituer un élément de preuve complémentaire lors de l’appréciation du bien-fondé d’un recours juridictionnel, elle ne saurait limiter l’exercice même du droit de recours devant le Tribunal dont dispose une personne physique ou morale en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

En l’absence de base légale expressément prévue à cet effet, une telle limitation est contraire aux principes fondamentaux de légalité et de respect des droits de la défense. Le droit à un recours effectif et à l’accès à un tribunal impartial est, au demeurant, garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui, conformément à l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, TUE, a la même valeur juridique que les traités. Selon l’article 52, paragraphe 1, de cette charte, toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par celle-ci doit être prévue par la loi.

(cf. points 89-91)

6.        Dans le cadre d'une procédure pour infraction aux règles du droit de la concurrence, afin d’apprécier si une société détermine de façon autonome son comportement sur le marché, il convient de prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques existant entre celle-ci et la société du même groupe qui a été considérée comme responsable pour les agissements dudit groupe, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l’objet d’une énumération exhaustive.

Dans le cas d'un groupe de sociétés au sommet duquel se trouvent plusieurs personnes juridiques, la Commission ne commet pas d'erreur d’appréciation en considérant l'une de ces sociétés comme seule responsable de l’action des sociétés de ce groupe, dont l’ensemble constitue une unité économique. En effet, le fait qu’il n’y ait pas une seule personne juridique à la tête du groupe ne fait pas obstacle à ce qu'une société soit tenue pour responsable de l’action de ce groupe. La structure juridique propre à un groupe de sociétés qui se caractérise par l’absence d’une seule personne juridique se trouvant au sommet de ce groupe n’est pas déterminante lorsque cette structure ne reflète pas le fonctionnement effectif et l’organisation réelle dudit groupe. En particulier, l'absence de liens juridiques de subordination entre deux sociétés au sommet du groupe ne remet pas en cause la conclusion selon laquelle l'une de ces deux sociétés doit être tenue pour responsable des agissements du groupe, dès lors que, en réalité, la seconde société ne détermine pas de manière autonome son comportement sur le marché en cause.

(cf. points 95, 98-100, 107-109)







ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

1er juillet 2010 (*)

«Pourvoi – Ententes – Plaques en plâtre – Accès au dossier – Moyens de preuve à charge et à décharge – Notion d’‘entreprise’ – Unité économique – Société responsable pour l’action de l’unité économique – Argument soulevé pour la première fois lors de la procédure juridictionnelle»

Dans l’affaire C‑407/08 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 19 septembre 2008,

Knauf Gips KG, anciennement Gebrüder Knauf Westdeutsche Gipswerke KG, établie à Iphofen (Allemagne), représentée par Mes M. Klusmann et S. Thomas, Rechtsanwälte,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre et R. Sauer, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, Mme P. Lindh, MM. U. Lõhmus, A. Ó Caoimh et A. Arabadjiev (rapporteur), juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 octobre 2009,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 février 2010,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Knauf Gips KG, anciennement Gebrüder Knauf Westdeutsche Gipswerke KG (ci-après «Knauf» ou la «requérante»), demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 8 juillet 2008, Knauf Gips/Commission (T‑52/03, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision 2005/471/CE de la Commission, du 27 novembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE à l’encontre de BPB plc, Gebrüder Knauf Westdeutsche Gipswerke KG, Société Lafarge SA et Gyproc Benelux NV (Affaire COMP/E-1/37.152 – Plaques en plâtre) (JO 2005, L 166, p. 8, ci-après la «décision litigieuse»).

 Le cadre juridique

2        L’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204), prévoit:

«La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d’entreprises des amendes de mille unités de compte au moins et d’un million d’unités de compte au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l’infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a)      elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [81], paragraphe 1, [CE] ou de l’article [82 CE] […]

[…]»

 Les faits à l’origine du litige

3        Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a résumé le cadre factuel à l’origine du litige dans les termes suivants:

«1      La requérante, Knauf […], produit et commercialise des matériaux de construction à base de plâtre.

2      La requérante est une société en commandite de droit allemand. Toutes ses parts sociales sont détenues par 21 membres de la famille Knauf ainsi que par une société détenant les parts des quatre autres associés. Les associés gestionnaires personnellement responsables sont MM. B et C.

3      À la suite des informations dont elle a eu connaissance, la Commission a procédé le 25 novembre 1998 à des vérifications inopinées auprès de huit entreprises actives dans le domaine des plaques en plâtre, dont la requérante et d’autres entreprises du groupe Knauf. Le 1er juillet 1999, elle a poursuivi ses investigations auprès de deux autres entreprises.

4      La Commission a ensuite adressé des demandes de renseignements, au titre de l’article 11 du règlement n° 17 […], aux différentes entreprises concernées. La Commission demandait des informations portant sur des documents obtenus dans les locaux de ces entreprises durant les vérifications de novembre 1998 et de juillet 1999. Knauf y a répondu le 14 septembre 1999.

5      Le 18 avril 2001, la Commission a engagé la procédure administrative et adopté une communication des griefs à l’encontre des entreprises BPB plc [ci-après ‘BPB’], Knauf, société Lafarge SA (ci-après ‘Lafarge’), Etex SA et Gyproc Benelux NV (ci-après ‘Gyproc’) [ci-après la ‘communication des griefs’]. Les entreprises concernées ont présenté leurs observations écrites et ont eu accès au dossier d’instruction de la Commission sous la forme d’une copie sur CD-ROM qui leur a été envoyée le 17 mai 2001.

6      La requérante a répondu à la communication des griefs par lettre du 6 juillet 2001.

7      Des auditions ont eu lieu le 17 juillet 2001. BPB et Gyproc ont présenté une partie de leur exposé à huis clos.

8      Par lettre du 10 août 2001, le conseiller-auditeur a transmis des versions non confidentielles de documents de BPB et de Gyproc à la requérante.

9      Par lettre du 20 août 2001, la requérante a demandé à avoir accès à toutes les pièces du dossier ayant été ajoutées à ce dernier depuis l’envoi du CD-ROM et, notamment, aux réponses à la communication des griefs des autres entreprises concernées par la procédure administrative.

10      Le 7 septembre 2001, le conseiller-auditeur a fait parvenir à la requérante trois documents supplémentaires que Lafarge avait transmis à la Commission à la suite de l’audition du 17 juillet 2001.

11      Le 11 septembre 2001, la Commission a rejeté la demande de la requérante du 20 août 2001 qui visait à obtenir l’accès à d’autres pièces du dossier.

12      Le 19 novembre 2002, le conseiller-auditeur a adopté son rapport.

13      Le 27 novembre 2002, la Commission a adopté la décision [litigieuse].

14      Le dispositif de la décision [litigieuse] énonce:

‘Article premier

BPB […], le groupe Knauf, […] Lafarge […] et Gyproc […] ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, [CE] en participant à un ensemble d’accords et de pratiques concertées dans le secteur des plaques en plâtre.

L’infraction a eu la durée suivante:

a)      BPB […]: du 31 mars 1992, au plus tard, au 25 novembre 1998;

b)      [le groupe] Knauf: du 31 mars 1992, au plus tard, au 25 novembre 1998;

c)      […] Lafarge […]: du 31 août 1992, au plus tard, au 25 novembre 1998;

d)      Gyproc […]: du 6 juin 1996, au plus tard, au 25 novembre 1998;

[…]

Article 3

Pour l’infraction visée à l’article 1er, les amendes suivantes sont infligées aux entreprises suivantes:

a)      BPB […]: 138,6 millions d’euros;

b)      […] Knauf […]: 85,8 millions d’euros;

c)      […] Lafarge […]: 249,6 millions d’euros;

d)      Gyproc […]: 4,32 millions d’euros;

[…]’

15      La Commission considère, dans la décision [litigieuse], que les entreprises en cause ont participé à une infraction unique et continue qui s’est manifestée par les comportements suivants, constitutifs d’accords ou de pratiques concertées:

–        les représentants de BPB et de Knauf se sont rencontrés à Londres (Royaume-Uni) en 1992 [ci-après la «réunion de Londres»] et ont exprimé la volonté commune de stabiliser les marchés des plaques en plâtre en Allemagne, au Royaume-Uni, en France et dans le Benelux;

–        les représentants de BPB et de Knauf ont mis en place, à partir de 1992, des systèmes d’échange d’informations, auxquels Lafarge et ensuite Gyproc ont adhéré, portant sur leurs volumes de ventes sur les marchés allemand, du Royaume-Uni, français et du Benelux;

–        les représentants de BPB, de Knauf et de Lafarge se sont, à diverses reprises, informés réciproquement à l’avance des hausses de prix sur le marché du Royaume-Uni;

–        faisant face à des développements particuliers sur le marché allemand, les représentants de BPB, de Knauf, de Lafarge et de Gyproc se sont rencontrés à Versailles (France) en 1996, à Bruxelles (Belgique) en 1997 et à La Haye (Pays-Bas) en 1998, en vue de se répartir ou, tout au moins, de stabiliser le marché allemand;

–        les représentants de BPB, de Knauf, de Lafarge et de Gyproc se sont informés réciproquement à diverses reprises et se sont concertés sur l’application de hausses des prix sur le marché allemand entre 1996 et 1998.

16      Aux fins du calcul du montant de l’amende, la Commission a fait application de la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les ‘lignes directrices’).

17      Pour la fixation du montant de départ des amendes, déterminé en fonction de la gravité de l’infraction, la Commission a tout d’abord considéré que les entreprises concernées avaient commis une infraction très grave par sa nature même, les pratiques en cause ayant eu pour objet de mettre fin à la guerre des prix et de stabiliser le marché par l’échange d’informations confidentielles. La Commission a estimé, en outre, que les pratiques en cause avaient eu un impact sur le marché, les entreprises concernées représentant la quasi-totalité de l’offre de plaques en plâtre et les différentes manifestations de l’entente ayant été mises en œuvre sur un marché très concentré et oligopolistique. Quant à l’étendue du marché géographique concerné, la Commission a estimé que l’entente avait couvert les quatre principaux marchés au sein de la Communauté européenne, à savoir l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France et le Benelux.

18      Estimant ensuite qu’il existait une disparité considérable entre les entreprises concernées, la Commission a procédé à un traitement différencié, se basant à cet effet sur le chiffre d’affaires tiré de la vente du produit en cause sur les marchés concernés, au cours de la dernière année complète de l’infraction. Sur cette base, le montant de départ des amendes a été fixé à 80 millions d’euros pour BPB, à 52 millions d’euros pour Knauf et pour Lafarge et à 8 millions d’euros pour Gyproc.

19      Afin d’assurer à l’amende un effet suffisamment dissuasif au vu de la taille et des ressources globales des entreprises, le montant de départ de l’amende infligée à Lafarge a été majoré de 100 %, passant à 104 millions d’euros.

20      Pour tenir compte de la durée de l’infraction, le montant de départ a ensuite été majoré de 65 % pour BPB et pour Knauf, de 60 % pour Lafarge et de 20 % pour Gyproc, l’infraction étant qualifiée par la Commission d’infraction de longue durée dans le cas de Knauf, de Lafarge et de BPB et de durée moyenne dans le cas de Gyproc.

21      S’agissant des circonstances aggravantes, le montant de base des amendes infligées à BPB et à Lafarge a été majoré de 50 % au titre de la récidive.

22      Ensuite, la Commission a diminué de 25 % l’amende infligée à Gyproc au titre des circonstances atténuantes, du fait qu’elle avait été un élément déstabilisateur contribuant à limiter les effets de l’entente sur le marché allemand et qu’elle était absente du marché du Royaume-Uni.

23      Enfin, la Commission a procédé à une réduction du montant des amendes de 30 % pour BPB et de 40 % pour Gyproc, en application de la section D, paragraphe 2, de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, […]). Partant, le montant final des amendes infligées était de 138,6 millions d’euros pour BPB, de 85,8 millions d’euros pour Knauf, de 249,6 millions d’euros pour Lafarge et de 4,32 millions d’euros pour Gyproc.»

 L’arrêt attaqué

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 février 2003, Knauf a introduit un recours en annulation de la décision litigieuse. À titre subsidiaire, elle a demandé au Tribunal de réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée.

5        Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son ensemble.

 Les conclusions des parties

6        Par son pourvoi, Knauf demande à la Cour:

–        d’annuler l’arrêt attaqué;

–        à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue de nouveau;

–        à titre plus subsidiaire encore, de réduire de manière adéquate, d’un montant qui ne soit cependant pas inférieur à 54,51 millions d’euros, l’amende qui lui a été infligée aux termes de l’article 3 de la décision litigieuse, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

7        La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de Knauf aux dépens.

 Sur le pourvoi

8        Au soutien de son pourvoi, Knauf invoque trois moyens tirés de la violation, en premier lieu, des droits de la défense, en deuxième lieu, de l’article 81 CE et, en troisième lieu, de l’article 15 du règlement n° 17.

 Sur le premier moyen du pourvoi, tiré d’une violation des droits de la défense 

9        Le présent moyen se divise en deux branches distinctes qu’il convient d’examiner successivement.

 Sur la première branche du premier moyen, relative au refus d’accès à des moyens de preuve à charge

–       Argumentation des parties

10      Knauf conteste, en substance, les points 49 et 50 de l’arrêt attaqué en ce que le Tribunal aurait illégalement manqué à son obligation d’examiner les conséquences du refus de la Commission de lui donner accès à certains éléments de preuve à charge. Selon la requérante, dès lors qu’elle avait identifié les éléments de preuve à charge non communiqués et les passages de la décision litigieuse fondés exclusivement sur de tels éléments, aucune indication supplémentaire ne serait nécessaire pour conclure que, si ces éléments avaient été écartés, les parties correspondantes de ladite décision auraient été différentes. Étant donné que ces dernières concernent l’élément matériel de l’infraction dans son ensemble, le résultat auquel aurait abouti cette décision aurait été différent.

11      La Commission considère que la première branche du premier moyen est inopérante, car elle critique un argument surabondant, ainsi qu’il découlerait du point 63 de l’arrêt attaqué. En outre, elle fait valoir que Knauf n’a pas démontré que le résultat auquel est parvenue la décision litigieuse aurait été différent si la requérante avait eu accès aux documents à charge non communiqués.

–       Appréciation de la Cour

12      Il y a lieu de relever que le Tribunal a constaté, au point 49 de l’arrêt attaqué, que, à l’exception de quelques exemples plus détaillés, la requérante n’a fait qu’énumérer les considérants de la décision litigieuse dans lesquels sont mentionnés les documents auxquels l’accès a été refusé et a conclu qu’une telle énumération ne suffit pas pour satisfaire à l’obligation posée par la jurisprudence selon laquelle la requérante doit démontrer que le résultat auquel la Commission est parvenue dans cette décision aurait été différent si les documents en cause avaient été écartés comme moyens de preuve à charge. En conséquence, ainsi qu’il l’a indiqué au point 50 du même arrêt, le Tribunal a procédé à l’examen de la prétendue violation de l’accès aux documents en tant que moyens de preuve contenant des éléments à charge uniquement à la lumière des griefs expressément soulevés par la requérante.

13      À cet égard, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que l’absence de communication d’un document ne constitue une violation des droits de la défense que si l’entreprise concernée démontre, d’une part, que la Commission s’est fondée sur ce document pour étayer son grief relatif à l’existence d’une infraction et, d’autre part, que ce grief ne pourrait être prouvé que par référence audit document. S’il existait d’autres preuves documentaires dont les parties ont eu connaissance au cours de la procédure administrative qui appuient spécifiquement les conclusions de la Commission, l’élimination en tant que moyen de preuve du document à conviction non communiqué n’infirmerait pas le bien-fondé des griefs retenus dans la décision contestée. Il incombe ainsi à l’entreprise concernée de démontrer que le résultat auquel la Commission est parvenue dans sa décision aurait été différent si devait être écarté comme moyen de preuve à charge un document non communiqué sur lequel la Commission s’est fondée pour incriminer cette entreprise (arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204/00 P, C‑205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C‑217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123, points 71 à 73).

14      Or, la simple énumération des considérants de la décision litigieuse dans lesquels sont mentionnés les documents auxquels l’accès a été refusé n’est pas de nature à démontrer, à elle seule, que le résultat auquel est parvenue la Commission dans cette décision aurait été différent si ces documents avaient été écartés comme moyen de preuve à charge.

15      Partant, la première branche du premier moyen du pourvoi doit être écartée comme non fondée.

 Sur la seconde branche du premier moyen, relative au refus d’accès à des moyens de preuve à décharge

–       Argumentation des parties

16      En premier lieu, Knauf reproche au Tribunal d’avoir résumé de manière erronée, aux points 64 et 65 de l’arrêt attaqué, son argumentation concernant le refus de la Commission de lui donner accès à certains moyens de preuve à décharge.

17      En deuxième lieu, Knauf estime que, aux points 70 à 78 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait une application inexacte de la jurisprudence de la Cour relative aux éléments de preuve à décharge. Ainsi, la requérante serait tenue de démontrer non pas que, si elle avait eu accès aux réponses à la communication des griefs fournies par les autres entreprises concernées, la décision litigieuse aurait eu un contenu différent, mais seulement qu’elle aurait pu utiliser ces documents pour sa défense. Or, le Tribunal aurait examiné si les moyens de preuve à décharge invoqués par la requérante auraient pu avoir des répercussions sur le résultat de ladite décision.

18      En troisième lieu, Knauf conteste l’appréciation du Tribunal selon laquelle la réponse de BPB à la communication des griefs ne comportait pas de moyens de preuve à décharge. Elle fait valoir que, conformément aux principes généraux en matière de preuve, les déclarations faites par les autres entreprises concernées constituent des éléments de preuve. En outre, le fait que la requérante a soulevé, au cours de la procédure administrative, les mêmes arguments ne modifierait pas la nature desdites déclarations.

19      En dernier lieu, la requérante reproche au Tribunal d’avoir omis de tenir compte de certains passages de la réponse de BPB à la communication des griefs qu’elle avait invoqués en tant qu’éléments à décharge non communiqués.

20      La Commission considère que le Tribunal a correctement appliqué la jurisprudence de la Cour en la matière et qu’il n’a pas dénaturé l’argumentation de la requérante.

21      Cette institution fait également valoir que Knauf se limite à reproduire les arguments qu’elle a déjà invoqués devant le Tribunal, cherchant ainsi à obtenir un nouvel examen de ses griefs par la Cour, ce qui rendrait la seconde branche du premier moyen irrecevable. Par ailleurs, la requérante n’aurait pas démontré en quoi les éléments de preuve non divulgués en cause auraient pu être utiles pour sa défense.

–       Appréciation de la Cour

22      Corollaire du principe du respect des droits de la défense, le droit d’accès au dossier implique que la Commission doit donner à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense. Ceux-ci comprennent tant les pièces à conviction que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires d’autres entreprises, des documents internes de la Commission et d’autres informations confidentielles (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 68 et jurisprudence citée).

23      S’agissant de l’absence de communication d’un document à décharge, il est de jurisprudence constante que l’entreprise concernée doit seulement établir que sa non-divulgation a pu influencer, au détriment de cette dernière, le déroulement de la procédure et le contenu de la décision de la Commission. Il suffit ainsi que l’entreprise démontre qu’elle aurait pu utiliser lesdits documents à décharge pour sa défense, en ce sens que, si elle avait pu s’en prévaloir lors de la procédure administrative, elle aurait pu invoquer des éléments qui ne concordaient pas avec les déductions opérées à ce stade par la Commission et aurait donc pu influencer, de quelque manière que ce soit, les appréciations portées par cette dernière dans la décision éventuelle, au moins en ce qui concerne la gravité et la durée du comportement qui lui était reproché, et, partant, le niveau de l’amende (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, points 74 et 75 ainsi que jurisprudence citée).

24      Il s’ensuit qu’il incombe à la requérante non seulement d’établir qu’elle n’a pas eu accès à certains éléments de preuve à décharge, mais également qu’elle aurait pu les utiliser pour sa défense.

25      Le Tribunal a constaté à cet égard, aux points 72 à 77 de l’arrêt attaqué, que la requérante n’a pas démontré qu’elle aurait pu utiliser pour sa défense les documents non divulgués en cause, étant donné que, au cours de la procédure administrative, elle avait soulevé la même argumentation que celle contenue dans lesdits documents et que celle-ci avait été rejetée par la Commission dans la décision litigieuse. C’est sur cette base que le Tribunal a pu conclure, au point 78 du même arrêt, que, même si la requérante avait pu se prévaloir de ces documents lors de la procédure administrative, les appréciations portées par la Commission n’auraient pu être influencées par lesdits documents.

26      Or, force est de relever que la requérante ne remet pas en cause les appréciations du Tribunal selon lesquelles cette dernière n’a pas démontré qu’elle aurait pu utiliser pour sa défense les documents qui n’ont pas été divulgués lors de la procédure administrative.

27      Partant, à supposer même que les documents en cause constituent des éléments de preuve à décharge, ainsi que le prétend la requérante, cette constatation n’est pas susceptible d’entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué.

28      De même, s’il est vrai, ainsi que le fait valoir la requérante, que le Tribunal, au point 74 de l’arrêt attaqué, a appliqué de manière erronée la jurisprudence rappelée au point 23 du présent arrêt en jugeant que les informations contenues dans un document à décharge non communiqué, à savoir le point 4.2.1 de la réponse de BPB à la communication des griefs, n’auraient pu changer le «résultat final» de la décision litigieuse, cette erreur n’est pas susceptible d’entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué dès lors que la requérante n’a pas tenté de démontrer qu’elle aurait pu utiliser ces informations pour sa défense à la lumière notamment de la constatation opérée par le Tribunal selon laquelle la Commission avait déjà tenu compte de tels arguments dans ladite décision.

29      Ce grief doit par conséquent être écarté comme inopérant.

30      Le grief tiré d’une prétendue dénaturation des arguments présentés par Knauf en première instance, lesquels auraient été résumés de manière erronée au point 65 de l’arrêt attaqué, ne saurait davantage prospérer.

31      En effet, lorsqu’il allègue une dénaturation de ses propres arguments, un requérant doit, en application des articles 256 TFUE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et 112, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement de procédure de la Cour, indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par le Tribunal (voir, par analogie, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 50). Or, la requérante n’identifie pas de manière précise ceux de ses arguments qui auraient été dénaturés dans l’arrêt attaqué.

32      Au demeurant, dans la mesure où la requérante ne reproche pas au Tribunal d’avoir omis de répondre à ses moyens et conclusions en première instance, la question de savoir si le Tribunal a résumé de manière erronée l’argumentation de la requérante est sans incidence sur la solution du présent litige.

33      Ne saurait non plus être accueilli le grief tiré d’une prétendue omission, par le Tribunal, de tenir compte de certains passages de la réponse de BPB à la communication des griefs, et notamment des points 4.1.16 et 4.2.3 de cette réponse.

34      S’agissant du point 4.1.16 de ladite réponse, il convient de relever que son apport principal réside dans l’affirmation selon laquelle «la concurrence demeurait intense à l’intérieur des différents marchés européens», en dépit du «prétendu engagement» pris lors de la réunion de Londres. Or, la question de la permanence de la concurrence a été examinée par le Tribunal aux points 72 et 75 de l’arrêt attaqué.

35      S’agissant du point 4.2.3 de la réponse de BPB à la communication des griefs, celui-ci indique que les données chiffrées échangées entre cette société et ses concurrents ne relevaient pas du processus de planification de celle-ci. Toutefois, lorsqu’il a examiné, aux points 73 et 74 de l’arrêt attaqué, les affirmations tenant à l’objet de cet échange d’informations, ainsi que le prétendu fait que les informations ainsi échangées n’étaient connues que de M. D, administrateur de Gyproc et président-directeur général de BPB, le Tribunal a implicitement répondu à l’argument de la requérante.

36      En conséquence, la seconde branche du premier moyen du pourvoi doit être écartée.

37      Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen invoqué par Knauf au soutien de son pourvoi.

  Sur le deuxième moyen du pourvoi, tiré d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE

 Argumentation des parties

38      Knauf fait valoir que le Tribunal a conclu à l’existence d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE, en se fondant, aux points 140 à 298 de l’arrêt attaqué, sur des constatations tirées d’éléments de preuve à charge non divulgués. Ainsi, le Tribunal ne se serait pas conformé à sa propre déclaration, figurant au point 63 du même arrêt, selon laquelle il ne tiendrait pas compte desdits éléments à charge dans son examen de l’affaire au fond.

39      En outre, la requérante considère que, même en tenant compte des éléments de preuve à charge non divulgués, aucun des cinq éléments de l’infraction qui lui est reprochée, à savoir la réunion de Londres en 1992, les échanges d’informations sur les quantités vendues en Allemagne, en France, au Benelux et au Royaume-Uni de 1992 à 1998, les échanges d’informations sur les hausses de prix au Royaume-Uni durant la même période, les accords sur les parts de marché en Allemagne (réunions de Versailles, de Bruxelles et de La Haye) à partir de juin 1996 et les accords sur les hausses de prix en Allemagne à partir de 1996, ne répond aux critères nécessaires pour constater l’existence d’une infraction au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE.

40      La Commission soutient que le deuxième moyen est irrecevable dans son ensemble puisqu’il ne concerne que des constatations de fait opérées par le Tribunal.

41      En outre, elle relève que Knauf ne conteste pas l’existence d’une infraction unique et continue sur laquelle la décision litigieuse est fondée. Or, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel devrait être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de concurrence.

 Appréciation de la Cour

42      S’agissant, en premier lieu, du grief selon lequel le Tribunal se serait fondé, pour conclure à l’existence d’une infraction au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE, sur des constatations tirées d’éléments de preuve à charge non divulgués, force est de relever que la requérante ne s’est référée que de manière sommaire aux points 140 à 298 de l’arrêt attaqué, sans indiquer de façon précise les éléments de preuve à charge non divulgués sur lesquels le Tribunal aurait fondé son raisonnement.

43      Or, il résulte des articles 256 TFUE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour et 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir, notamment, arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C-352/98 P, Rec. p. I-5291, point 34; du 8 janvier 2002, France/Monsanto et Commission, C-248/99 P, Rec. p. I-1, point 68, ainsi que du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission (C‑487/06 P, Rec. p. I‑10515, point 121).

44      Ce grief est, par conséquent, irrecevable.

45      S’agissant, en second lieu, du grief relatif au caractère d’infraction de chacun des cinq éléments du comportement reproché à la requérante, il convient de relever que le Tribunal a constaté, au point 306 de l’arrêt attaqué, qu’il résulte de la décision litigieuse que «l’ensemble des accords et des pratiques concertées du cas d’espèce s’inscrivaient dans une série d’efforts des entreprises en cause poursuivant un seul but économique, à savoir la restriction de la concurrence, et constituaient les diverses manifestations d’un accord complexe et continu qui a eu pour objet et pour effet de restreindre la concurrence. Estimant que les accords et les pratiques concertées précités avaient concrétisé, de manière ininterrompue à partir de 1992 jusqu’en 1998, la manifestation de la volonté commune desdites entreprises de stabiliser et, partant, de restreindre la concurrence au moins sur les marchés allemand, français, du Royaume-Uni et du Benelux des plaques en plâtre, la Commission a qualifié l’infraction d’unique, complexe et continue». Au point 321 dudit arrêt, le Tribunal a rejeté les griefs de la requérante dirigés contre la qualification de l’entente d’infraction unique et continue.

46      Knauf ne conteste pas la conclusion du Tribunal relative à l’existence d’une infraction unique et continue, mais se borne à affirmer qu’aucun des éléments constitutifs de l’infraction qui lui a été imputée n’étaye une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE.

47      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, pour établir l’existence d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves sérieuses, précises et concordantes (voir, en ce sens, arrêt du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C-114/85, C-116/85, C-117/85 et C-125/85 à C‑129/85, Rec. p. I-1307, point 127). Toutefois, chacune des preuves apportées par cette dernière ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqués par ladite institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence.

48      Dès lors, à supposer même qu’aucun des différents éléments de l’infraction en cause ne constitue, considéré séparément, un accord ou une pratique concertée interdits par l’article 81, paragraphe 1, CE, ainsi que le fait valoir la requérante, une telle conclusion n’empêche pas que lesdits éléments, considérés dans leur ensemble, constituent un tel accord ou une telle pratique.

49      En effet, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, étant donné que l’interdiction de participer à des pratiques et à des accords anticoncurrentiels ainsi que les sanctions que les contrevenants peuvent encourir sont notoires, il est usuel que les activités que ces pratiques et ces accords comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement, le plus souvent dans un États tiers, et que la documentation y afférente soit réduite au minimum. Même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus d’une réunion, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, points 55 à 57).

50      Ce grief est, par conséquent, dépourvu de fondement.

51      Partant, il convient de rejeter le deuxième moyen invoqué par Knauf au soutien de son pourvoi comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

 Sur le troisième moyen du pourvoi, tiré d’une violation des articles 15 du règlement n° 17 et 81 CE

 Argumentation des parties

52      Knauf fait valoir, à titre liminaire, qu’il ressort de la rédaction du point 348 de l’arrêt attaqué que le Tribunal n’a pas fait preuve d’objectivité ni d’impartialité, mais a, au contraire, préjugé qu’elle doit se voir infliger une amende pour les actes commis par Gebrüder Knauf Verwaltungsgesellschaft KG (ci-après «GKV») et les filiales de celle-ci, alors que la constatation selon laquelle ces dernières ont tiré profit de l’infraction en cause n’est aucunement motivée.

53      La requérante considère que le Tribunal a également enfreint l’article 15 du règlement n° 17 en concluant à l’existence d’une unité économique entre elle et les autres sociétés détenues par la famille Knauf (ci-après le «groupe Knauf»), ainsi qu’en lui imputant la responsabilité des agissements de celles-ci.

54      Knauf critique les éléments sur lesquels s’est fondé le Tribunal pour conclure à l’existence d’une unité économique entre Knauf, GKV et ses filiales. En particulier, l’arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission (C-286/98 P, Rec. p. I-9925), ne serait pas applicable en l’espèce puisque la requérante ne serait pas dominée et ne dominerait pas non plus une autre société. En outre, l’arrêt du Tribunal du 11 décembre 2003, Minoan Lines/Commission (T-66/99, Rec. p. II-5515), auquel s’est référé le Tribunal aux points 350, 351 et 355 de l’arrêt attaqué, ne serait pas applicable non plus, étant donné que cet arrêt concerne des relations de concession commerciale. Il en irait de même de l’arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission (T-9/99, Rec. p. II-1487), dans la mesure où l’existence d’une unité économique était fondée, dans cet arrêt, sur la détention, par la même personne en tant qu’associé, de toutes les parts des différentes sociétés, alors que, en l’espèce, la requérante et GKV seraient détenues par 22 personnes possédant chacune une participation minoritaire.

55      L’existence d’une unité économique ne pourrait pas non plus être inférée du fait que les nombreux associés issus de la famille Knauf exercent un contrôle commun sur la requérante et les autres sociétés du groupe du même nom, un tel contrôle commun étant exclu lorsque des changements de majorité ou des majorités variables sont possibles parmi les associés. Le contrat familial du 9 décembre 1994 (ci-après le «contrat familial»), mentionné par le Tribunal au point 349 de l’arrêt attaqué, ne soumettrait pas les sociétés concernées à un contrôle commun. Knauf estime à cet égard que l’arrêt attaqué est contraire à la jurisprudence de la Cour, et notamment à son arrêt du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission (C-196/99 P, Rec. p. I‑11005), dans lequel elle aurait jugé que le simple fait que le capital social de deux sociétés commerciales distinctes appartient à une même personne ou à une même famille n’est pas suffisant, en tant que tel, pour établir l’existence d’une unité économique entre ces deux sociétés.

56      En outre, le fait que les mêmes deux associés étaient les gestionnaires de toutes les sociétés du groupe Knauf et qu’ils les ont représentées pendant la période au cours de laquelle l’infraction a été relevée serait sans pertinence. Il en irait de même des échanges d’informations entre les sociétés de ce groupe, de la communication des chiffres d’affaires dans le cadre de la procédure administrative, du fait que la plupart des documents trouvés pendant les vérifications ont été rédigés sur le papier à en-tête de Knauf avec ses coordonnées et de la qualité d’interlocuteur de cette dernière au cours de la procédure administrative.

57      S’agissant de l’imputation à la requérante de la responsabilité des agissements des sociétés du groupe Knauf, celle-ci critique le point 356 de l’arrêt attaqué, en faisant valoir que le fait qu’elle soit la seule société non gérée par GKV n’explique pas la raison pour laquelle l’amende a été infligée non pas à cette dernière, mais uniquement à elle-même.

58      Knauf prétend qu’il existe une contradiction entre, d’une part, l’affirmation, contenue au point 357 de l’arrêt attaqué, selon laquelle elle coordonne les activités opérationnelles du groupe Knauf sur le marché pertinent et, d’autre part, celle figurant au point 337 dudit arrêt, aux termes de laquelle «il n’y a pas une personne juridique qui, à [la] tête [du groupe Knauf], aurait pu, en tant que responsable de la coordination de l’action du groupe, se voir imputer les infractions commises par les diverses sociétés la composant».

59      Enfin, la requérante critique les points 359 et 360 de l’arrêt attaqué, selon lesquels elle aurait dû contester, au cours de la procédure administrative, la conclusion selon laquelle elle constituait une unité économique avec les autres sociétés du groupe Knauf, sous peine de ne plus pouvoir le faire devant le Tribunal. Selon elle, une telle conclusion violerait le principe in dubio pro reo.

60      La Commission conteste l’ensemble des arguments soulevés par la requérante dans le cadre du troisième moyen invoqué au soutien du pourvoi en faisant valoir que les constatations opérées par le Tribunal concernant l’existence d’une unité économique ne contiennent aucune erreur de droit.

 Appréciation de la Cour

61      S’agissant, en premier lieu, du grief tiré d’un prétendu manque d’objectivité et d’impartialité du Tribunal en raison du fait qu’il a constaté, au point 348 de l’arrêt attaqué, que les filiales de GKV ont tiré profit de l’infraction en cause, il importe de rappeler que la Cour n’est pas compétente, dans le cadre d’un pourvoi, pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. L’appréciation des faits et des éléments de preuve soumis au Tribunal ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêt du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C‑322/07 P, C-327/07 P et C‑338/07 P, non encore publié au Recueil, point 52 ainsi que jurisprudence citée).

62      La requérante n’ayant pas allégué une dénaturation des éléments de preuve sur lesquels s’est fondé le Tribunal pour parvenir à la constatation, effectuée au point 348 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les filiales de GKV ont tiré profit de l’infraction en cause, son grief vise, en réalité, à obtenir une nouvelle appréciation de ces éléments de preuve, ce qui échappe à la compétence de la Cour. Il y a lieu, par conséquent, d’écarter ce grief comme irrecevable.

63      S’agissant, en second lieu, du grief tiré d’une violation de l’article 15 du règlement n° 17, il convient de relever que Knauf conteste tant la conclusion du Tribunal selon laquelle GKV et ses filiales, d’une part, et la requérante, d’autre part, constituent une unité économique au sens du droit de la concurrence que celle selon laquelle cette dernière est la société responsable de l’action du groupe Knauf.

64      En ce qui concerne la question de l’existence d’une unité économique, il importe de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que le droit de la concurrence de l’Union vise les activités des entreprises et que la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. La notion d’entreprise, placée dans ce contexte, doit être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C-97/08 P, non encore publié au Recueil, points 54 et 55 ainsi que jurisprudence citée).

65      L’existence d’une unité économique peut ainsi être déduite d’un faisceau d’éléments concordants, même si aucun de ces éléments, pris isolément, ne suffit pour établir l’existence d’une telle unité.

66      En l’espèce, le Tribunal a conclu à l’existence d’une unité économique sur le fondement d’un ensemble d’éléments. Ainsi, au point 344 de l’arrêt attaqué, il a constaté, premièrement, que les associés de la requérante ainsi que des autres sociétés détenues par la famille Knauf, notamment ceux de GKV, sont les mêmes, à savoir 21 personnes physiques membres de ladite famille et une société regroupant encore quatre autres membres de cette famille.

67      Deuxièmement, le Tribunal a relevé, au point 345 de l’arrêt attaqué, que les deux associés gestionnaires de Knauf, à savoir MM. B et C, sont également associés gestionnaires de toutes les sociétés du groupe Knauf.

68      Troisièmement, tout en constatant, au point 347 de l’arrêt attaqué, que GKV détient des participations dans plusieurs sociétés actives sur le marché des plaques en plâtre et contrôlées par la famille Knauf, le Tribunal a souligné, au point 348 dudit arrêt, que cette même société n’est qu’un holding, sans personnel, gérant les sociétés de participation qu’il détient pour les 22 associés qui le possèdent et qu’il dépend des gérants et des locaux de la requérante.

69      Quatrièmement, le Tribunal a tenu compte, au point 349 de l’arrêt attaqué, du contrat familial, dont l’article 1er, paragraphe 2, prévoit que son objet est d’assurer une direction et une gestion uniques des sociétés du groupe Knauf. Selon les paragraphes 3 et 4 du même article, l’objet dudit contrat est également de garantir, d’une part, un exercice unique et concentré des droits des sociétés dans l’ensemble du groupe et, d’autre part, l’adoption de décisions concernant la direction, la gestion, l’organisation et la forme juridique de la société de sorte que celles-ci ne puissent être empêchées par un seul associé ou par un petit nombre d’entre eux. Au nombre desdites sociétés figurent notamment, conformément à l’article 2 dudit contrat, Knauf et GKV.

70      Cinquièmement, le Tribunal a constaté, au point 346 de l’arrêt attaqué, que l’ensemble des chiffres de ventes de la requérante échangés dans le cadre de l’infraction en cause se rapportait à l’ensemble des sociétés du groupe Knauf actives sur le marché des plaques en plâtre et qu’il ne ressortait d’aucune pièce que MM. B et C n’auraient pas représenté ce groupe dans le cadre des différentes manifestations de l’infraction.

71      Enfin, il ressort du point 347 de l’arrêt attaqué que la requérante a elle-même, sans qu’une demande ait été présentée à cette fin par la Commission, transmis à celle-ci la totalité du chiffre d’affaires du groupe Knauf dans sa réponse du 19 septembre 2002 à la demande de renseignements effectuée au titre de l’article 11 du règlement n° 17.

72      C’est sur la base de l’ensemble de ces éléments que le Tribunal a pu conclure à juste titre, au point 350 de l’arrêt attaqué, que les sociétés appartenant à la famille Knauf constituent une entité économique unique.

73      S’agissant de la circonstance, expressément invoquée par Knauf, selon laquelle tant celle-ci que GKV sont détenues par 22 associés, dont aucun ne possède une majorité des parts ou des voix, ce qui rendrait possible la formation de majorités variables au sein des différentes sociétés du groupe Knauf, force est de relever que le Tribunal n’a tenu compte du fait que toutes ces sociétés sont détenues par les mêmes 22 associés, qui sont par ailleurs membres de la famille Knauf, qu’en tant qu’il s’agit de l’un seulement des éléments susceptibles de démontrer l’existence d’une unité économique. D’ailleurs, la possibilité de formation de majorités variables au sein d’un groupe de sociétés n’exclut pas par lui-même l’existence d’une entité économique unique.

74      Contrairement à ce que prétend Knauf, le Tribunal n’a pas non plus méconnu l’arrêt Aristrain/Commission, précité. En effet, au point 99 de cet arrêt, la Cour a jugé que le simple fait que le capital social de deux sociétés commerciales distinctes appartient à une même personne ou à une même famille n’est pas suffisant, en tant que tel, pour établir l’existence, entre ces deux sociétés, d’une unité économique. Or, ainsi qu’il a été relevé au point précédent, le Tribunal ne s’est pas fondé uniquement sur le fait que les sociétés du groupe Knauf sont détenues par une même famille pour conclure à l’existence d’une unité économique.

75      Knauf conteste également la pertinence du contrat familial auquel s’est référé le Tribunal au point 349 de l’arrêt attaqué. Selon elle, ce contrat vise uniquement à permettre que, à l’avenir, les participations constituant le capital des sociétés du groupe Knauf restent en la possession des membres de la famille Knauf. Il aurait pour but, en outre, d’empêcher que celles-ci soient dominées par certains associés ou groupes d’associés.

76      À supposer même que ledit contrat familial poursuive effectivement des objectifs tels que ceux mentionnés au point précédent, force est de relever que la requérante ne conteste pas que l’objet de ce contrat, expressément énoncé à son article 1er, paragraphe 2, est «d’assurer une direction et une gestion uniques des entreprises Knauf».

77      La requérante estime, en outre, que la circonstance que MM. B et C ont la qualité de gestionnaires de toutes les sociétés du groupe Knauf est dépourvue de pertinence quant à l’existence d’une unité économique dès lors que cette circonstance n’exclut pas que les différentes sociétés de ce groupe soient autonomes au regard du droit de la concurrence. Toutefois, le fait que lesdites sociétés sont gérées par les mêmes deux associés permet effectivement d’assurer la direction et la gestion uniques de celles-ci au sens de l’article 1er, paragraphe 2, du contrat familial.

78      Quant aux échanges des chiffres de ventes de l’ensemble des sociétés du groupe Knauf actives sur le marché des plaques en plâtre dans le cadre de l’infraction en cause, il convient de souligner que, contrairement à ce que soutient la requérante, cette circonstance constitue une preuve supplémentaire tendant à indiquer que ces sociétés agissaient, à tout le moins pendant l’infraction, en tant qu’unité économique dotée d’un intérêt commun.

79      L’allégation selon laquelle le Tribunal a violé le principe in dubio pro reo en considérant, au point 346 de l’arrêt attaqué, qu’il ne ressort d’aucune pièce que MM. B et C n’ont pas représenté le groupe Knauf dans le cadre de l’infraction ne saurait non plus prospérer. En effet, audit point 346, le Tribunal a simplement constaté que les éléments de preuve qui lui ont été soumis indiquent que MM. B et C ont joué un rôle de représentation de ce groupe dans le cadre de l’infraction et qu’il n’a été produit devant lui aucune pièce de nature à établir que tel n’est pas le cas.

80      Il importe de rappeler à cet égard la jurisprudence de la Cour selon laquelle il incombe à la partie ou à l’autorité qui allègue une violation des règles de la concurrence d’en apporter la preuve et il appartient à l’entreprise ou à l’association d’entreprises invoquant le bénéfice d’un moyen de défense contre une constatation d’infraction d’apporter la preuve que les conditions d’application de ce moyen de défense sont remplies, de sorte que ladite autorité devra alors recourir à d’autres éléments de preuve. Ainsi, même si la charge légale de la preuve incombe selon ces principes soit à la Commission, soit à l’entreprise ou à l’association concernée, les éléments factuels qu’une partie invoque peuvent être de nature à obliger l’autre partie à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure que la charge de la preuve a été satisfaite (voir arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, points 78 et 79).

81      Knauf fait également valoir que certains arrêts sur lesquels s’est fondé le Tribunal pour rendre l’arrêt attaqué ne sont pas pertinents.

82      S’agissant de l’arrêt Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, précité, il convient de relever que le Tribunal ne s’y est pas référé pour conclure à l’existence d’une unité économique. En outre, le fait que, dans le présent litige, il ne s’agit pas d’une filiale détenue à 100 % par une société mère, contrairement aux faits de l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, n’exclut pas l’éventuelle existence d’une unité économique au sens du droit de la concurrence.

83      S’agissant de l’arrêt Minoan Lines/Commission, précité, il importe de souligner que le Tribunal ne l’a cité qu’en tant qu’élément de référence à l’appui de considérations d’application générale en matière de concurrence, sans avoir opéré une quelconque analogie entre les circonstances spécifiques de l’affaire ayant donné lieu audit arrêt et celles de la présente espèce.

84      En effet, le Tribunal a rappelé, aux points 350, 351 et 355 de l’arrêt attaqué, en se référant à une jurisprudence constante, que la notion d’entreprise en droit de la concurrence doit être comprise comme désignant une unité économique du point de vue de l’objet de l’accord en cause même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales et qu’une telle entité économique consiste en une organisation unitaire d’éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à commettre une infraction visée par l’article 81, paragraphe 1, CE. Le Tribunal a également considéré que, lorsqu’un groupe de sociétés constitue une seule et même entreprise, la Commission peut imputer la responsabilité d’une infraction commise par ladite entreprise et infliger une amende à la société responsable de l’action du groupe dans le cadre de l’infraction.

85      Il en va de même de l’arrêt HFB e.a./Commission, précité, dès lors qu’il ressort du point 343 de l’arrêt attaqué que le Tribunal ne s’est référé à cet arrêt qu’à titre d’exemple afin d’illustrer la pertinence, pour l’appréciation de l’existence d’une unité économique, de certains éléments factuels, tels que, notamment, l’occupation par la même personne de fonctions clés au sein des organes de gestion des sociétés du groupe ainsi que le fait que cette personne représentait, lors des réunions du club des directeurs, les différentes sociétés et que ces dernières se sont vu attribuer un seul quota dans le cadre de l’entente.

86      Il résulte des considérations qui précèdent que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que les sociétés appartenant à la famille Knauf constituent une unité économique.

87      S’agissant du rôle de la requérante au sein du groupe Knauf, le Tribunal a constaté, au point 358 de l’arrêt attaqué, qu’elle s’est présentée, lors de la procédure administrative, comme le seul interlocuteur de la Commission et n’a contesté cette qualité à aucun moment au cours de ladite procédure. Au point 359 du même arrêt, le Tribunal a relevé que, bien qu’il apparût que la Commission considérait, dans la communication des griefs, que l’infraction concernait tout le groupe Knauf et que, sur la base des informations contenues dans cette communication, la requérante ne pouvait pas ignorer qu’elle était susceptible d’être la destinataire d’une décision finale de la Commission, elle a néanmoins répondu à cette dernière sans remettre en cause son rôle de société responsable de l’action dudit groupe dans le cadre de l’infraction.

88      Le Tribunal a conclu, au point 360 de l’arrêt attaqué, que, dans une telle situation, il incombait à la requérante de réagir au cours de la procédure administrative, sous peine de ne plus pouvoir le faire, en démontrant que, malgré les éléments retenus par la Commission, l’infraction commise par les sociétés du groupe Knauf ne lui était pas imputable.

89      Il y a lieu de relever à cet égard, ainsi que le fait valoir à bon droit la requérante, que, s’agissant de l’application des articles 81 CE et 82 CE, aucune disposition du droit de l’Union n’impose au destinataire de la communication des griefs de contester ses différents éléments de fait ou de droit au cours de la procédure administrative, sous peine de ne plus pouvoir le faire ultérieurement au stade de la procédure juridictionnelle.

90      En effet, si la reconnaissance explicite ou implicite d’éléments de fait ou de droit par une entreprise durant la procédure administrative devant la Commission peut constituer un élément de preuve complémentaire lors de l’appréciation du bien-fondé d’un recours juridictionnel, elle ne saurait limiter l’exercice même du droit de recours devant le Tribunal dont dispose une personne physique ou morale en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

91      En l’absence de base légale expressément prévue à cet effet, une telle limitation est contraire aux principes fondamentaux de légalité et de respect des droits de la défense. Il convient, au demeurant, de relever que le droit à un recours effectif et à l’accès à un tribunal impartial est garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui, conformément à l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, TUE, a la même valeur juridique que les traités. Selon l’article 52, paragraphe 1, de cette charte, toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par celle-ci doit être prévue par la loi.

92      Par conséquent, en jugeant qu’il incombait à Knauf de réagir au cours de la procédure administrative, sous peine de ne plus pouvoir le faire devant les juridictions de l’Union, le Tribunal a commis une erreur de droit.

93      Partant, il convient, d’une part, d’annuler l’arrêt attaqué en tant que le Tribunal a jugé, au point 362 de cet arrêt, que la requérante était la société responsable de l’action du groupe Knauf dans le cadre de l’infraction et, d’autre part, de rejeter le pourvoi pour le surplus.

 Sur le moyen du recours devant le Tribunal tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17

94      Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé, cette dernière annule la décision du Tribunal. Elle peut alors statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé. Tel est le cas en l’espèce.

95      S’agissant du rôle de la requérante au sein du groupe Knauf, il convient d’examiner si la Commission a commis une erreur d’appréciation en l’ayant considérée comme seule responsable de l’action des sociétés de ce groupe, dont l’ensemble constitue une unité économique, ainsi qu’il a été constaté au point 86 du présent arrêt.

96      Il ressort de l’organigramme fourni par la requérante en réponse à une question écrite du Tribunal que, en 2001, au sommet dudit groupe se trouvaient trois sociétés, à savoir la requérante, GKV et Knauf Fiber Glass GmbH. Cette dernière, dont le centre d’activités se situe aux États-Unis, n’était cependant pas active sur le marché des plaques en plâtre.

97      Ce même organigramme révèle que GKV détient, directement ou indirectement, des dizaines de sociétés, dont beaucoup sont actives sur ledit marché.

98      Il convient dès lors de vérifier si la Commission était fondée à imputer la responsabilité de l’infraction en cause à Knauf et non pas à GKV.

99      Tel serait le cas si cette dernière ne déterminait pas de façon autonome son comportement sur le marché en cause.

100    Afin d’apprécier si une société détermine de façon autonome son comportement sur le marché, il convient de prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques existant entre celle-ci et la société du même groupe qui a été considérée comme responsable pour les agissements dudit groupe, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l’objet d’une énumération exhaustive (voir, par analogie, arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 74).

101    En l’espèce, premièrement, il est constant que GKV n’est qu’une société holding, sans personnel, gérant les sociétés de participation qu’elle détient pour les 22 associés qui la possèdent, cette constatation n’étant pas critiquée par Knauf.

102    Deuxièmement, il ressort du point 497 de la décision litigieuse que GKV dépend de Knauf tant pour ses locaux que pour son personnel, à tout le moins en partie, une telle constatation n’étant pas non plus contestée par la requérante.

103    Troisièmement, il est constant que Knauf est la seule société du groupe Knauf active sur le marché en cause qui n’est pas gérée par GKV.

104    Quatrièmement, la plupart des documents du groupe Knauf saisis par la Commission pendant les vérifications ont été rédigés sur le papier à en-tête de la requérante qui mentionne les coordonnées de celle-ci. À supposer même que cette société soit fondée à prétendre, ainsi qu’elle le fait dans le cadre de son pourvoi, que ces documents ont été photocopiés par hasard ou sélectionnés intentionnellement par les fonctionnaires de la Commission chargés de la vérification, il n’en demeure pas moins qu’elle n’a versé au dossier aucun élément susceptible d’étayer cette thèse.

105    Cinquièmement, selon l’organigramme mentionné au point 96 du présent arrêt, parmi les sociétés du groupe Knauf actives sur le marché des plaques en plâtre, la requérante est la société dont le chiffre d’affaires pertinent est de loin le plus élevé. Cette circonstance indique que cette dernière jouit d’une importance prépondérante au sein de ce groupe, à tout le moins en ce qui concerne ce marché.

106    Il résulte des constatations qui précèdent que, en réalité, GKV ne détermine pas de manière autonome son comportement sur ledit marché, mais dépend à cet égard de Knauf.

107    Contrairement à ce que prétend cette dernière, le fait qu’il n’y ait pas une seule personne juridique à la tête du groupe Knauf ne fait pas obstacle à ce que la requérante soit tenue pour responsable de l’action de ce groupe.

108    En effet, la structure juridique propre à un groupe de sociétés qui se caractérise par l’absence d’une seule personne juridique se trouvant au sommet de ce groupe n’est pas déterminante lorsque cette structure ne reflète pas le fonctionnement effectif et l’organisation réelle dudit groupe.

109    Par conséquent, l’absence de liens juridiques de subordination entre la requérante et GKV ne saurait remettre en cause la conclusion selon laquelle la première de ces deux sociétés doit être tenue pour responsable des agissements du groupe Knauf, dès lors qu’il est constant que, en réalité, GKV ne détermine pas de manière autonome son comportement sur le marché des plaques en plâtre.

110    Il s’ensuit que la Commission n’a commis aucune erreur d’appréciation en jugeant que la requérante devait être considérée comme responsable de l’ensemble des agissements du groupe Knauf.

111    Partant, le quatrième moyen du recours introduit par la requérante devant le Tribunal, tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, doit être rejeté.

 Sur les dépens

112    Aux termes de l’article 122, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

113    Selon l’article 69, paragraphe 2, dudit règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de ce dernier, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 69, paragraphe 3, premier alinéa, du même règlement, la Cour peut décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

114    En l’espèce, Knauf et la Commission ayant succombé partiellement en leurs conclusions dans le cadre du pourvoi, il y a lieu de décider que chacune d’elles supporte ses propres dépens afférents à la présente instance.

115    En revanche, le recours en annulation formé par Knauf ayant été rejeté, il y a lieu de confirmer le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué en ce qui concerne les dépens relatifs à la procédure de première instance.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

1)      L’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 8 juillet 2008, Knauf Gips/Commission (T‑52/03), est annulé dans la mesure où il impute à Knauf Gips KG la responsabilité des infractions commises par les sociétés constituant le groupe Knauf. 

2)      Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

3)      Le recours de Knauf Gips KG tendant à l’annulation de la décision 2005/471/CE de la Commission, du 27 novembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE à l’encontre de BPB plc, Gebrüder Knauf Westdeutsche Gipswerke KG, Société Lafarge SA et Gyproc Benelux NV (Affaire COMP/E-1/37.152 – Plaques en plâtre), est rejeté.

4)      Chaque partie supporte ses propres dépens afférents à la présente instance et la totalité des dépens de première instance sont maintenus à la charge de Knauf Gips KG.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.

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