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Document 62008CJ0188
Judgment of the Court (Second Chamber) of 29 October 2009. # Commission of the European Communities v Ireland. # Failure of a Member State to fulfil obligations - Directive 75/442/EEC - Waste - Domestic waste waters discharged through septic tanks in the countryside - Waste not covered by other legislation - Failure to transpose. # Case C-188/08.
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 29 octobre 2009.
Commission des Communautés européennes contre Irlande.
Manquement d’État - Directive 75/442/CEE - Déchets - Eaux usées domestiques évacuées au moyen de fosses septiques en milieu rural - Déchets non couverts par une autre législation - Non-transposition.
Affaire C-188/08.
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 29 octobre 2009.
Commission des Communautés européennes contre Irlande.
Manquement d’État - Directive 75/442/CEE - Déchets - Eaux usées domestiques évacuées au moyen de fosses septiques en milieu rural - Déchets non couverts par une autre législation - Non-transposition.
Affaire C-188/08.
Recueil de jurisprudence 2009 I-00172*
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2009:670
ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
29 octobre 2009 (*)
«Manquement d’État – Directive 75/442/CEE – Déchets – Eaux usées domestiques évacuées au moyen de fosses septiques en milieu rural – Déchets non couverts par une autre législation – Non-transposition»
Dans l’affaire C‑188/08,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 6 mai 2008,
Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes S. Pardo Quintillán et D. Lawunmi ainsi que M. M. Wilderspin, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
Irlande, représentée par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de M. J.‑C. Bonichot (rapporteur), président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la deuxième chambre, MM. C. W. A. Timmermans, K. Schiemann, P. Kūris et L. Bay Larsen, juges,
avocat général: Mme J. Kokott,
greffier: M. R. Grass,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), telle que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991 (JO L 78, p. 32, ci-après la «directive 75/442»), en ne transposant pas pleinement et correctement dans sa législation nationale les prescriptions des articles 4 et 8 de cette directive, relatives à l’élimination des eaux usées domestiques en milieu rural au moyen de fosses septiques et d’autres systèmes de traitement individuels des eaux usées (ci-après les «STIEU»).
Le cadre juridique
Le droit communautaire
2 Aux termes de l’article 1er de la directive 75/442:
«Aux fins de la présente directive, on entend par:
a) déchet: toute substance ou tout objet qui relève des catégories figurant à l’annexe I, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire.
[…]
d) gestion: la collecte, le transport, la valorisation et l’élimination des déchets, y compris la surveillance de ces opérations ainsi que la surveillance des sites de décharge après leur fermeture;
[…]»
3 L’article 2, paragraphe 1, de cette directive prévoit:
«Sont exclus du champ d’application de la présente directive:
[…]
b) lorsqu’ils sont déjà couverts par une autre législation:
[…]
iv) les eaux usées, à l’exception des déchets à l’état liquide;
[…]»
4 L’article 4 de ladite directive est libellé comme suit:
«Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les déchets seront valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans que soient utilisés des procédés ou méthodes susceptibles de porter préjudice à l’environnement, et notamment:
– sans créer de risque pour l’eau, l’air ou le sol, ni pour la faune et la flore,
– sans provoquer d’incommodités par le bruit ou les odeurs,
– sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier.
Les États membres prennent, en outre, les mesures nécessaires pour interdire l’abandon, le rejet et l’élimination incontrôlée des déchets.»
5 L’article 8 de cette même directive dispose:
«Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que tout détenteur de déchets:
– les remette à un ramasseur privé ou public ou à une entreprise qui effectue les opérations visées aux annexes II A ou II B
ou
– en assure lui-même la valorisation ou l’élimination en se conformant aux dispositions de la présente directive.»
6 Aux termes de l'article 13 de la directive:
«Les établissements ou entreprises qui assurent les opérations visées aux articles 9 à 12 sont soumis à des contrôles périodiques appropriés des autorités compétentes.»
7 La directive 75/442 a été ultérieurement codifiée par la directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, relative aux déchets (JO L 114, p. 9).
Le droit national
La loi de 1878 sur la santé publique
8 L’article 108 de la loi de 1878 sur la santé publique [Public Health (Ireland) Act, 1878] fait obligation aux autorités compétentes de détecter les nuisances préjudiciables à la santé et d’y mettre fin. Elle s’applique à «toute flaque, rigole, gouttière, tout cours d’eau, toutes toilettes, tout urinoir, toute fosse d’aisance, toute canalisation sanitaire ou tout bac à cendres dont l’odeur ou l’état sont tels que cela constitue une nuisance ou que cela nuit à la santé». Elle confère à ces autorités un pouvoir d’injonction, éventuellement assortie d’une astreinte, et le pouvoir de procéder d’office aux réparations nécessaires, aux frais du propriétaire.
La loi de 1977 sur la gestion de la pollution de l’eau au niveau des collectivités locales
9 La loi de 1977 sur la gestion de la pollution de l’eau au niveau des collectivités locales [Local Government (Water Pollution) Acts, 1977], telle que modifiée par la loi de 1990 sur la gestion de la pollution de l’eau au niveau des collectivités locales [Local Government (Water Pollution) Acts, 1990, ci-après la «loi de 1977 sur la gestion de la pollution de l’eau au niveau des collectivités locales»], interdit à son article 3, paragraphe 1, la pollution des eaux et sanctionne pénalement toute infraction à cette interdiction. L’article 3, paragraphe 2, sous a), de cette loi dispose cependant que toute personne poursuivie pour une telle infraction pourra, pour sa défense, prouver qu’elle a pris «toutes les précautions raisonnables pour prévenir la contamination des eaux à laquelle se rapporte le chef d’accusation en prévoyant, en entretenant, en utilisant, en faisant fonctionner et en supervisant des installations ou en recourant à des pratiques ou à des méthodes opératoires qui étaient appropriées aux fins de cette prévention».
10 L’article 3, paragraphe 5, de la loi de 1977 sur la gestion de la pollution de l’eau au niveau des collectivités locales prévoit des exceptions à l’interdiction de polluer inscrite au paragraphe 1 du même article. Ainsi, la première annexe du règlement d’application de cette loi, de 1978, [Local Government (Water Pollution) Regulations, 1978] contient une dispense en ce qui concerne les «eaux usées domestiques n’excédant pas cinq mètres cubes sur une période de vingt-quatre heures, qui sont rejetées dans un aquifère par une fosse septique ou quelque autre unité d’évacuation au moyen d’une zone de percolation, d’un puits perdu ou par toute autre méthode».
11 Les collectivités locales disposent de pouvoirs d’inspection, d’enquête et d’injonction en cas d’infraction à l’article 3 de la loi de 1977 sur la gestion de la pollution de l’eau au niveau des collectivités locales.
Les lois de 1990-2007 sur le contrôle des constructions et les textes complémentaires
12 En application des lois de 1990-2007 sur le contrôle des constructions, un nouveau règlement en matière de construction (Building Regulations) régit depuis le mois de juin 1992 les constructions nouvelles. Pour être présumés conformes à ce règlement, les projets doivent respecter les règles contenues dans les douze documents d’orientation technique publiés par le ministère irlandais de l’Environnement, du Patrimoine et des Administrations locales.
13 La partie H du règlement en matière de construction et le document d’orientation technique H contiennent les normes relatives aux fosses septiques. Le point H2 de ce règlement dispose qu’une fosse septique doit être:
«a) de capacité adéquate et construite de manière à être imperméable aux liquides;
b) convenablement ventilée,
c) située et construite de manière à:
i) ne pas nuire à la santé humaine,
ii) ne pas polluer, de façon à mettre en péril la santé publique, les eaux (y compris les eaux souterraines) qui sont utilisées comme source d’approvisionnement pour la consommation humaine,
[…]»
14 Le document d’orientation technique H renvoie à la norme S.R.6:1991 de la National Standards Authority of Ireland (autorité irlandaise de normalisation), intitulée «Recommandations relatives aux systèmes de fosses septiques pour le traitement et l’évacuation des effluents d’origine ménagère provenant d’une maison d’habitation individuelle». Cette norme constitue, en Irlande, la référence en matière de fosses septiques. Elle a été portée à la connaissance des autorités locales par la circulaire n° 1/92, du 8 janvier 1992, du ministère de l’Environnement, du Patrimoine et des Administrations locales. Par ailleurs, la norme I.S. EN 12566‑3:2005 réglemente depuis son entrée en vigueur le 1er juillet 2009 les systèmes dits «commerciaux».
15 La partie D du règlement en matière de construction prévoit que les travaux doivent être effectués conformément aux règles de l’art et que les matériaux utilisés doivent être adaptés à l’emploi qui en est fait. Les matériaux ou systèmes tels que les systèmes de traitement des eaux usées qui sont innovants doivent avoir été certifiés par l’Irish Agrément Board (commission irlandaise d’agrément) ou disposer d’une certification équivalente émanant d’un organisme de certification d’un État membre.
16 Les 37 autorités locales de contrôle des constructions veillent au respect du règlement en matière de construction.
Les lois d’aménagement et d’urbanisme de 2000-2006
17 Les lois d’aménagement et d’urbanisme de 2000-2006 (Planning and Development Acts, 2000-2006) soumettent la construction de tout nouveau STIEU à une autorisation d’urbanisme préalable. Celle-ci ne peut être délivrée que si le projet respecte les dispositions du plan d’aménagement correspondant [article 34, paragraphe 2, sous a), i), de la loi d’aménagement et d’urbanisme de 2000].
18 Le ministère de l’Environnement, du Patrimoine et des Administrations locales a par la suite publié la circulaire SP 5/03, du 31 juillet 2003. Celle-ci aborde trois sujets: la qualité et l’utilisation des informations dans les plans d’aménagement; l’évaluation des sites et de la conception, de l’installation et de la maintenance des fosses septiques; la nécessité de mécanismes de suivi appropriés (inspections, bases de données, tests). En ce qui concerne l’évaluation des sites et de la conception des fosses septiques, cette circulaire préconise de remplacer, dans le document d’orientation technique H, la norme S.R.6:1991 par une version actualisée du Manual on Treatment Systems for Single Houses (manuel sur le traitement des eaux usées pour les maisons isolées), publié en 2000 par l’Environmental Protection Agency (agence pour la protection de l’environnement) (ci-après le «manuel de l’EPA»).
19 Ont été adoptés par ailleurs:
– les lignes directrices sur le logement rural durable (Sustainable Rural Housing Guidelines), de 2005, adoptées sur le fondement de l’article 28 de la loi d’aménagement et d’urbanisme de 2000, qui ont ensuite été modifiées par les lignes directrices sur le plan d’urbanisme et la gestion de l’urbanisme (Development Plan and Development Management Guidelines), de 2007. L’article 4.5 desdites lignes directrices de 2005 reprend les recommandations de la circulaire SP 5/03. Celles-ci rappellent par ailleurs l’importance de prévoir dans les nouveaux projets d’urbanisme des installations adéquates d’épuration et d’assainissement des eaux usées;
– des plans d’aménagement (development plans) et des plans locaux (local area plans) qui encadrent la délivrance des autorisations d’urbanisme. Les plans d’aménagement doivent reprendre les objectifs de l’article 10, paragraphe 2, de la loi, c’est-à-dire, notamment, la conservation et la protection de l’environnement [sous c)], le développement durable [sous d)] ou encore la préservation du caractère du paysage [sous e)].
20 Enfin, l’article 31 de la loi d’aménagement et d’urbanisme de 2000 permet au ministre de l’Environnement d’ordonner aux autorités locales de mettre les plans d’aménagement en conformité avec les lois d’aménagement et d’urbanisme.
La réglementation du comté de Cavan de 2004 relative à la pollution de l’eau
21 Le code des collectivités locales (Local Government Code), de 2001, donne à celles-ci la possibilité d’adopter des arrêtés réglementaires (bye-laws) ayant force obligatoire, mais de portée locale. Dans ce cadre, le comté de Cavan a adopté l’arrêté réglementaire de 2004 relatif à la pollution de l’eau (systèmes de traitement des eaux usées pour les habitations particulières) [Water Pollution (Wastewater Treatment Systems for Single Houses) Bye-Laws, 2004], qui met en place un système complet dit de «gestion» des eaux usées issues de tous les STIEU, anciens comme nouveaux.
22 L’article 1.6 de cet arrêté impose que tout système de traitement des eaux usées soit conforme au manuel de l’EPA et à ses éventuelles mises à jour. En application de l’article 2.1 de cet arrêté, les STIEU doivent fonctionner correctement et être de capacité suffisante.
23 En outre, l’article 6.1 dudit arrêté prévoit que des inspections doivent être réalisées par une personne compétente tous les sept ans au moins.
24 Enfin, l’article 2.4 du même arrêté permet aux autorités compétentes d’ordonner des mesures provisoires et son article 8.1 dispose que toute violation d’une des obligations prévues par ce texte constitue un délit sanctionné pénalement.
La procédure précontentieuse
25 À la suite d’une plainte relative aux odeurs émises par une station d’épuration d’eaux urbaines résiduaires, la Commission a, le 18 octobre 2002, envoyé à l’Irlande une lettre de mise en demeure, estimant que celle-ci aurait dû transposer la directive 75/442 en ce qui concerne les aspects de la gestion de ces déchets tels que les odeurs, non réglés par la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO L 135, p. 40). Elle a ensuite émis, le 11 juillet 2003, un avis motivé portant sur le même grief.
26 Dans une lettre de mise en demeure complémentaire adressée en date du 19 décembre 2003, la Commission a soutenu que l’Irlande, qui se prévalait de l’exclusion prévue à l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 75/442, ne faisait état d’aucune législation existante, communautaire ou nationale, qui justifierait l’absence d’un texte spécifique de transposition de cette directive concernant les odeurs émises par les stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires. La Commission a par ailleurs étendu son action aux eaux usées domestiques éliminées en milieu rural au moyen de STIEU, au motif que, dans la mesure où aucune législation nationale n’organiserait la gestion de ces déchets, l’Irlande aurait manqué à ses obligations de transposition des articles 4 et 7 à 14 de ladite directive.
27 Le 22 décembre 2004, la Commission a adressé à l’Irlande un avis motivé complémentaire reprenant les griefs émis précédemment, concluant à une violation par l’Irlande des obligations lui incombant en vertu de la directive 75/442 et l’invitant à y remédier dans un délai de deux mois à compter de la réception de cet avis.
28 La Commission, tenant compte de l’adoption, à la fin de l’année 2005, d’une nouvelle législation sur les odeurs émises par les stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires, a abandonné le grief relatif à ce point.
29 En revanche, considérant que la situation demeurait insatisfaisante en ce qui concerne les eaux usées domestiques issues de fosses septiques et d’autres STIEU équipant les logements situés en milieu rural ou dans de petites agglomérations, à défaut pour l’Irlande d’avoir transposé, dans cette mesure, les articles 4 et 7 à 14 de la directive 75/442, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.
Sur le recours
Sur l’applicabilité de la directive 75/442 et sur la délimitation du manquement
30 L’Irlande conteste l’applicabilité de la directive 75/442 aux eaux usées domestiques éliminées par les STIEU équipant les logements situés en milieu rural.
Argumentation des parties
31 Selon l’Irlande, les eaux usées qui sont visées par le présent recours ne sont pas des déchets au sens de la directive 75/442, puisqu’elles ne figurent pas dans la «liste des déchets appartenant aux catégories énumérées à l’annexe I» adoptée par la Commission en application de l’article 1er, sous a), et selon la procédure de l’article 18 de cette directive. Elle conteste aussi la pertinence des rubriques de la nomenclature citées par la Commission. L’Irlande souligne en outre les difficultés pratiques qu’impliquerait le recours à la qualification de déchets pour ces eaux usées, dès lors qu’elle est confrontée à la gestion de 400 000 habitations disséminées en milieu rural. Elle soutient également que les cinquième, sixième, dixième et douzième considérants de la directive 75/442 indiquent que celle-ci ne vise pas les STIEU.
32 La Commission conteste que le préambule de la directive 75/442 puisse indiquer l’intention du législateur communautaire d’inclure ou non certains déchets dans le champ d’application de celle-ci du seul fait qu’il y fasse ou non expressément référence. Elle fait valoir que l’annexe I de cette directive a une portée très vaste. Elle soutient, en citant plusieurs rubriques de la nomenclature, que la «liste des déchets» couvre les eaux usées issues des fosses septiques et des autres STIEU. Elle relève aussi que les eaux usées sont spécifiquement mentionnées à l’article 2 de ladite directive et que la jurisprudence de la Cour confirme l’inclusion, dans certaines circonstances, des eaux usées dans le champ d’application de celle-ci, la Commission se référant à cet égard aux arrêts du 11 septembre 2003, AvestaPolarit Chrome (C‑114/01, Rec. p. I‑8725), et du 10 mai 2007, Thames Water Utilities, (C‑252/05, Rec. p. I‑3883). Elle estime aussi que la différence entre le texte de la directive 75/442 dans sa version initiale et celui résultant des modifications qui y ont été introduites par la directive 91/156 indique plutôt une volonté du législateur communautaire de ne pas exclure les eaux usées du champ d’application de la directive 75/442.
Appréciation de la Cour
33 Il résulte d’une jurisprudence constante que tant l’annexe I de la directive 75/442 que la liste des déchets incluse dans la décision 2000/532/CE de la Commission, du 3 mai 2000 (ci-après le «catalogue européen des déchets»), adoptée en application de l’article 1er de cette directive, n’ont qu’un caractère indicatif (voir, en ce sens, arrêts du 18 avril 2002, Palin Granit et Vehmassalon kansanterveystyön kuntayhtymän hallitus, C‑9/00, Rec. p. I‑3533, point 22; du 7 septembre 2004, Van de Walle e.a., C‑1/03, Rec. p. I‑7613, point 42, ainsi que Thames Water Utilities, précité, point 24). Il en résulte que la seule circonstance que les eaux usées ne figurent pas dans le catalogue européen des déchets ne permet pas de leur dénier la qualification de déchets.
34 Au demeurant, la Cour a jugé, au point 26 de l’arrêt Thames Water Utilities, précité, qu’il ressort de l’article 2, paragraphe 1, sous b), iv), de la directive 75/442 que le législateur communautaire a entendu expressément qualifier les eaux usées de «déchets» au sens de cette directive, tout en prévoyant que ces déchets puissent, sous certaines conditions, sortir de son champ d’application et relever d’une autre législation.
35 Il ressort de ce qui précède que les eaux usées visées par le présent recours sont des déchets au sens de la directive 75/442, indépendamment du fait qu’elles figurent ou non dans le catalogue européen des déchets.
36 Toutefois, il y a lieu, d’une part, de relever que la Commission, prenant en considération le fait que des réglementations communautaires autres que la directive 75/442, à savoir la directive 91/271, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, et la directive 80/68/CEE du Conseil, du 17 décembre 1979, concernant la protection des eaux souterraines contre la pollution causée par certaines substances dangereuses (JO 1980, L 20, p. 43), régissent en partie les eaux usées et les STIEU, a limité l’étendue de son recours aux eaux usées domestiques éliminées en milieu rural au moyen de STIEU.
37 Il convient, d’autre part, de donner acte à la Commission de ce que, dans sa réplique, elle a expressément abandonné les griefs relatifs à la transposition insuffisante des articles 7 et 9 à 14 de la directive 75/442, limitant ainsi l’objet de son recours à la transposition incorrecte des articles 4 et 8 de celle-ci. Elle a par ailleurs admis que la réglementation du comté de Cavan en vigueur constitue une «autre législation» au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de cette directive et a, en conséquence, également exclu ce comté de l’objet de son recours.
38 Il résulte de ce qui précède que le présent recours vise à faire constater que l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 75/442 dans la seule mesure où, à l’exception du comté de Cavan, elle n’a pas transposé les articles 4 et 8 de cette directive en ce qui concerne les eaux usées domestiques éliminées en milieu rural au moyen de STIEU.
Sur l’existence du manquement
Argumentation des parties
39 La Commission relève l’existence, sur l’ensemble du territoire irlandais, de graves dysfonctionnements susceptibles de porter atteinte à l’environnement, qu’elle estime liés à des déficiences des STIEU telles que des installations incorrectes, une localisation inadaptée ainsi que des capacités, des entretiens et des contrôles insuffisants, et à l’inaction des autorités administratives compétentes.
40 Elle soutient, par référence au point 37 de l’arrêt du 26 avril 2007, Commission/Italie (C‑135/05, Rec. p. I‑3475), que, s’il n’est, en principe, pas possible de déduire directement de la non-conformité d’une situation de fait avec les objectifs fixés à l’article 4 de la directive 75/442 que l’État membre concerné a nécessairement manqué aux obligations imposées par cette disposition, la persistance d’une telle situation, notamment lorsqu’elle entraîne une dégradation significative de l’environnement pendant une période prolongée sans intervention des autorités compétentes, peut néanmoins révéler que cet État membre a outrepassé la marge d’appréciation dont il dispose.
41 Or la Commission estime avoir fourni des preuves de l’existence, en Irlande, d’atteintes graves à l’environnement en relation avec l’utilisation des fosses septiques, sans être contredite à cet égard par cet État membre. Elle fait aussi remarquer que les réglementations irlandaises, anciennes comme récentes, n’ont pas abouti à améliorer la situation dans ce domaine.
42 La Commission demande donc à la Cour de constater que l’élimination des eaux usées domestiques en milieu rural au moyen de fosses septiques et d’autres STIEU n’est pas couverte en Irlande par une «autre législation» au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 75/442, qu’elle soit communautaire ou nationale, à l’exception de la réglementation applicable dans le comté de Cavan, et que cet État membre aurait dû adapter sa législation nationale pour répondre à toutes les obligations qui découlent des articles 4 et 8 de ladite directive.
43 L’Irlande fait valoir que, contrairement à ce que prétend la Commission, les instruments juridiques nationaux existants répondent bien aux exigences de la directive 75/442.
44 Elle estime en outre que le raisonnement de la Commission au soutien de l’affirmation selon laquelle la législation nationale en vigueur n’aurait pas permis de réduire en pratique la pollution, de même que les développements que cette institution consacre à la pollution des eaux en Irlande, sortent du cadre du présent recours. En tout état de cause, la Commission n’aurait pas démontré le lien entre l’utilisation des fosses septiques ou des autres STIEU et la pollution des eaux souterraines.
Appréciation de la Cour
45 L’article 2, paragraphe 1, sous b), iv), de la directive 75/442 prévoit que les eaux usées, à l’exception des déchets à l’état liquide, sont exclues du champ d’application de celle-ci lorsqu’elles sont déjà couvertes par une autre législation.
46 Il résulte de la lettre même de cette disposition comme des objectifs de la directive 75/442 que les eaux usées, qui doivent être considérées comme des déchets, n’échappent au régime juridique que cette dernière institue que lorsque, et dans la mesure où, elles sont régies par une autre législation au sens de cette directive, c’est-à-dire par des règles communautaires ou nationales qui comportent des dispositions précises organisant la gestion des déchets et assurent un niveau de protection au moins équivalent à celui qui découle de la directive 75/442, et plus particulièrement de ses articles 4, 8 et 15 (voir, en ce sens, arrêt Thames Water Utilities, précité, point 34).
47 Comme le relève la Commission, l’Irlande reconnaît ne pas avoir transposé expressément et spécifiquement la directive 75/442 en ce qui concerne les eaux usées, mais soutient que la législation irlandaise prise dans son ensemble permet d’assurer le respect de toutes les obligations résultant de cette directive.
48 Il y a lieu, dès lors, d’examiner s’il peut être considéré qu’existe en Irlande une «autre législation» au sens de la directive 75/442 qui permette d’assurer, en ce qui concerne les eaux usées, la protection de l’environnement.
49 Les prescriptions de la directive 75/442 pertinentes en l’espèce figurent à son article 4, qui dispose que les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les déchets seront valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans que soient utilisés des procédés ou des méthodes susceptibles de porter préjudice à l’environnement, et à son article 8, qui impose aux États membres de prendre les dispositions nécessaires pour que tout détenteur de déchets les remette à un ramasseur privé ou public, ou à une entreprise qui effectue les opérations soit d’élimination, soit de valorisation visées respectivement aux annexes II A et II B de cette même directive, ou en assure lui-même la valorisation ou l’élimination en se conformant aux dispositions de cette dernière.
50 Ces articles visent ainsi indistinctement «tout détenteur de déchets», et l'article 4 concerne tous les «procédés ou méthodes susceptibles de porter préjudice à l’environnement». Ces dispositions visent dès lors nécessairement les déchets issus de tous les STIEU, qu’ils aient été installés avant ou après l’entrée en vigueur de la directive 75/442. En conséquence, pour faire échapper les eaux usées au champ d’application de celle-ci, une «autre législation» au sens de son article 2, paragraphe 1, sous b), doit s’appliquer à toutes les eaux usées domestiques éliminées en milieu rural.
51 Les objectifs de la directive 75/442 sont la protection de la santé humaine et celle de l’environnement, ainsi qu’il est précisé, d’une part, à son troisième considérant, aux termes duquel «toute réglementation en matière d’élimination des déchets doit avoir comme objectif essentiel la protection de la santé de l’homme et de l’environnement contre les effets préjudiciables causés par le ramassage, le transport, le traitement, le stockage et le dépôt des déchets», et, d’autre part, à l’article 4 de cette directive.
52 Ainsi, afin de mettre en œuvre effectivement les objectifs et un niveau de protection équivalent à celui garanti par la directive 75/442, une «autre législation» au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de celle-ci doit, en tenant compte des particularités de la gestion d’une catégorie de déchets donnée et en s’inspirant éventuellement des modalités retenues par cette directive, contenir des dispositions spécifiques ayant pour but de prévenir les atteintes à l’environnement ou à la santé humaine pouvant résulter de ces déchets.
53 Pour ce qui est des eaux usées domestiques issues des STIEU, l’une des modalités pertinentes réside, comme le préconise la Commission, dans la mise en place d’un système approprié de vérification de la gestion de ces déchets, impliquant notamment un contrôle régulier, par les autorités compétentes, du fonctionnement et de l’entretien des STIEU.
54 En ce qui concerne, en premier lieu, l’existence, au niveau communautaire, d’une éventuelle «autre législation» au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 75/442, le recours de la Commission dans le dernier état de ses conclusions ne vise pas les eaux usées et les STIEU couverts par les directives 91/271 et 80/68, qui ne s’appliquent pas à l’élimination des eaux usées domestiques en milieu rural au moyen de fosses septiques et d’autres STIEU. Ces directives ne peuvent donc constituer une «autre législation» au sens de la directive 75/442.
55 En l’absence d’autre législation au niveau communautaire, une «autre législation» au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 75/442 peut aussi consister dans une législation nationale (voir, en ce sens, arrêt AvestaPolarit Chrome, précité, points 49 à 51).
56 En ce qui concerne, en second lieu, une éventuelle «autre législation» nationale, celle-ci ne doit pas nécessairement correspondre à un texte unique organisant la gestion des déchets concernés, mais peut consister en un ensemble de textes complémentaires, portant chacun sur une partie du champ d’application de la directive 75/442, à condition de remplir par ailleurs les conditions rappelées au point 46 du présent arrêt.
57 Il convient toutefois de rappeler que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé (voir, notamment, arrêts du 7 mars 2002, Commission/Grèce, C‑64/01, Rec. p. I‑2523, point 7, et du 6 décembre 2007, Commission/Allemagne, C‑456/05, Rec. p. I‑10517, point 15). Partant, un texte entré en vigueur après le terme de ce délai ne peut-être invoqué utilement pour contester l’existence d’un manquement.
58 C’est ainsi que, en l’espèce, la loi de 2007 sur les services liés à l’utilisation de l’eau, qui n’avait pas été adoptée ni n’était entrée en vigueur à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, ne peut être utilement invoquée par l’Irlande dans le cadre du présent recours. Il en est de même de la norme I.S. EN 12566-3:2005, relative aux systèmes dits «commerciaux», qui, d’après l’Irlande elle-même, n’est entrée en vigueur que le 1er juillet 2009.
59 Il s’ensuit que l’existence au niveau national d’une «autre législation» au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 75/442 ne peut résulter, dans le cadre du présent recours, que des dispositions, éventuellement complémentaires, issues de quatre ensembles législatifs adoptés avant l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, à savoir la loi de 1878 sur la santé publique, la loi de 1977 sur la gestion de la pollution de l’eau au niveau des collectivités locales, les lois de 1990‑2007 sur le contrôle des constructions et les lois d’aménagement et d’urbanisme de 2000‑2006.
60 Il y a lieu, dès lors, d’examiner si les règles posées par ces différents textes, premièrement, visent les eaux usées domestiques en milieu rural et, secondement, permettent d’assurer la réalisation des objectifs de la directive 75/442, notamment en instituant des mesures de contrôle suffisantes.
61 Il convient, dans un premier temps, d’examiner si le champ d’application desdits textes couvre d’une façon suffisamment précise le traitement et l’élimination des eaux usées domestiques en milieu rural.
62 La loi de 1878 sur la santé publique ne s’applique pas, a priori, aux fosses septiques et autres STIEU, dans la mesure où la liste des sources de nuisances visées par cette loi n’inclut pas ces systèmes. S’il est vrai que la seule circonstance que cette loi soit antérieure à l’apparition des techniques mises en œuvre dans lesdits systèmes ne permet pas de se prononcer quant à son applicabilité éventuelle à ces derniers, l’Irlande ne précise pas si ladite loi a pu trouver une application concernant les installations concernées.
63 Les lois de 1990-2007 sur le contrôle des constructions ne s’appliquent qu’aux STIEU construits après l’entrée en vigueur de celles-ci, soit depuis l’année 1992.
64 De même, les lois d’aménagement et d’urbanisme de 2000-2006 ont un champ d’application limité aux STIEU construits après leur entrée en vigueur, soit après l’année 2000. L’Irlande n’a, à cet égard, pas démontré que d’autres législations couvraient les installations antérieures d’une façon suffisamment précise.
65 Enfin, s’agissant de la loi de 1977 sur la gestion de la pollution de l’eau au niveau des collectivités locales, dans la mesure où elle interdit de polluer les eaux sans faire référence à l’origine de la pollution, elle s’applique aux eaux usées domestiques en milieu rural et à tous les STIEU. Cependant, l’exception prévue par cette loi pour les rejets d’eaux usées domestiques n’excédant pas cinq mètres cubes par jour est de nature à exclure de son champ d’application une grande partie des STIEU visés par le présent recours.
66 Il convient, dans un second temps, d’analyser les mêmes textes au regard des objectifs poursuivis par la directive 75/442.
67 La loi de 1878 sur la santé publique s’applique aux «nuisances préjudiciables à la santé». Elle ne se limite donc pas, contrairement à ce que soutient la Commission, aux seules incommodités visées à l’article 4, premier alinéa, deuxième tiret, de cette directive, c’est-à-dire aux bruits et aux odeurs. Cependant, cette loi ne fait aucune mention de la protection de l’environnement.
68 L’objectif de la loi de 1977 sur la gestion de la pollution de l’eau au niveau des collectivités locales est limité à la protection de l’eau. Cette préoccupation pourrait être pertinente, comme le soutient l’Irlande, en ce qui concerne certains aspects de la protection de la santé humaine et de l’environnement, en particulier du fait de la protection des nappes phréatiques utilisées pour la consommation humaine, mais cette protection, à elle seule, est insuffisante au regard de l’objectif plus large poursuivi par la directive 75/442.
69 En revanche, contrairement à ce que soutient la Commission, l’interdiction de polluer prévue par cette loi est suffisamment contraignante, puisque les infractions aux prescriptions qu’elle fixe sont sanctionnées pénalement et que les cas d’exonération de sanction pénale présentent un caractère limité.
70 Les lois de 1990-2007 sur le contrôle des constructions ne protègent directement que la santé humaine et les eaux destinées à la consommation humaine, sans référence aux autres composantes de l’environnement. Afin d’atteindre cet objectif, ces lois encadrent la construction des fosses septiques en faisant référence à la norme S.R.6:1991. Mais cette référence ne permet pas auxdites lois d’atteindre le niveau général et élevé de sécurité requis par la directive 75/442. La Commission relève à cet égard que cette norme n’est pas adaptée aux caractéristiques géologiques et pédologiques généralement constatées en Irlande, et l’Irlande, pour sa part, reconnaît implicitement l’inadaptation de ladite norme en annonçant, dans sa duplique, qu’elle ne s’y référera plus dans l’avenir.
71 Enfin, en application des lois d’aménagement et d’urbanisme de 2000‑2006, une personne souhaitant obtenir une autorisation d’urbanisme doit fournir à l’autorité compétente certaines informations relatives à l’installation d’un STIEU.
72 À cet égard, il convient d’observer, en premier lieu, que les informations au regard desquelles une telle autorisation est délivrée sont, comme la Commission le reconnaît dans sa réplique, complètes et pertinentes, permettant ainsi à l’autorité compétente de se prononcer en connaissance de cause.
73 En deuxième lieu, la Commission ne conteste plus, dans sa réplique, le caractère contraignant du plan d’urbanisme pour l’autorité chargée de délivrer les autorisations d’urbanisme. Or, si l’Irlande reconnaît implicitement l’absence de caractère contraignant des lignes directrices sur le logement rural durable, de 2005, et sur le plan d’urbanisme et la gestion de l’urbanisme, de 2007, puisqu’elle annonce, dans sa duplique, son intention de les rendre juridiquement obligatoires, la Commission admet dans ses écritures que le plan d’urbanisme doit tenir compte des objectifs définis à l’article 10, paragraphe 2, de la loi d’aménagement et d’urbanisme de 2000, qui mentionne spécifiquement les «objectifs de conservation et de protection de l’environnement». Toutefois, comme le souligne la Commission, cette disposition ne vise pas l’ensemble des objectifs de l’article 4 de la directive 75/442, dans la mesure où elle ne fait pas mention de la santé humaine.
74 En troisième lieu, les normes en vigueur avant l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, au regard desquelles l’autorisation d’urbanisme était accordée, ne permettaient pas d’assurer un niveau de protection de l’environnement et de la santé humaine aussi élevé que celui poursuivi par la directive 75/442. En effet, comme il a été indiqué au point 70 du présent arrêt, la norme S.R.6:1991, relative aux fosses septiques, ne serait pas adaptée aux caractéristiques géologiques et pédologiques d’une majeure partie du territoire irlandais.
75 En quatrième lieu, le code qui constitue la version actualisée du manuel de l’EPA, dont la pertinence est reconnue par la Commission dans le dernier état de ses écritures, n’a toujours pas force obligatoire pour l’autorité en charge de délivrer les autorisations d’urbanisme. De même, les recommandations de la circulaire SP 5/03 ne revêtent pas la force contraignante incontestable nécessaire à l’application effective du droit communautaire, ce que la Commission souligne dans son recours en faisant d’ailleurs état de nombreux cas de non-respect, dans les faits, de cette circulaire.
76 Enfin, il y a lieu d’examiner si les législations invoquées par l’Irlande assurent un système satisfaisant de contrôle de l’efficacité des STIEU.
77 En ce qui concerne la mise en place de systèmes de contrôle permettant le respect effectif des objectifs de la directive 75/442, il est constant que l’Irlande présente, dans une partie substantielle de son territoire, un habitat dispersé, constitué de nombreuses maisons individuelles isolées, non raccordées à un système collectif de traitement des eaux usées, ce qui implique un recours quasi systématique aux fosses septiques individuelles. D’après des chiffres concordants présentés par l’Irlande et par la Commission, il y aurait environ 400 000 fosses septiques dans cet État membre.
78 Il n’en résulte toutefois nullement que la mise en place d’un système adéquat d’évaluation et de vérification des STIEU soit impossible. La Commission reconnaît d’ailleurs à cet égard que la réglementation du comté de Cavan de 2004, qui impose des inspections tous les sept ans au minimum, est suffisante au regard des objectifs poursuivis par la directive 75/442.
79 Or, la loi de 1878 sur la santé publique dote les autorités de pouvoirs adaptés et leur impose une obligation de contrôle correspondant, comme l’admet la Commission, au niveau de sécurité exigé par cette directive. De même, contrairement à ce que laisse entendre la Commission, l’étendue des pouvoirs dévolus aux autorités par les lois de 1990-2007 sur le contrôle des constructions et l’existence de normes minimales d’inspection sont de nature à garantir l’efficacité de ces lois de manière raisonnable au regard des contraintes particulières prévalant en Irlande.
80 Les pouvoirs dont disposent les autorités compétentes en vertu de la loi de 1977 sur la gestion de la pollution de l’eau au niveau des collectivités locales et des lois d’aménagement et d’urbanisme de 2000-2006 sont adaptés, ce que ne conteste pas la Commission. Toutefois, ils ne s’exercent pas dans le cadre d’un système de vérification garantissant, par exemple au moyen d’inspections régulières selon une fréquence adaptée à la situation en Irlande, un niveau de protection équivalent à celui visé par la directive 75/442. Ainsi, comme le souligne la Commission, l’intervention du ministre de l’Environnement en application de l’article 31 de la loi d’aménagement et d’urbanisme de 2000 n’est que facultative. Le fait, invoqué par l’Irlande, que ce ministre examinerait systématiquement, en pratique, la compatibilité des plans d’aménagement avec les objectifs de cette loi ne permet pas de garantir, avec une force contraignante incontestable, le caractère obligatoire de cette intervention.
81 Il s’impose, par conséquent, de constater que la loi de 1878 sur la santé publique ne s’applique pas, a priori, aux STIEU et ne satisfait pas, en tout état de cause, aux objectifs de la directive 75/442, que la loi de 1977 sur la gestion de la pollution de l’eau au niveau des collectivités locales ne prévoit pas de système de contrôle approprié, que les lois de 1990-2007 sur le contrôle des constructions ne s’appliquent qu’aux STIEU construits après l’année 1992 et ne garantissent pas que ces équipements sont adaptés aux objectifs de la directive 75/442, et que les lois d’aménagement et d’urbanisme de 2000-2006 ne s’appliquent qu’aux STIEU construits après l’année 2000, soumettent l’installation des fosses septiques à une réglementation inadaptée aux objectifs de la directive et ne prévoient pas de système de contrôle approprié.
82 Il résulte de tout ce qui précède que les textes invoqués par l’Irlande, même pris dans leur ensemble, ne constituent pas une «autre législation» au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 75/442, dans la mesure où, en particulier, ils ne mettent en place que partiellement les procédures permettant d’assurer que les objectifs poursuivis par cette directive soient effectivement réalisés.
83 Par conséquent, l’Irlande ne peut valablement soutenir que l’existence d’une «autre législation» au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 75/442 la dispensait de prendre les dispositions nécessaires pour transposer totalement les articles 4 et 8 de celle-ci.
84 En l’absence d’une telle transposition, le recours de la Commission doit être considéré comme fondé.
85 Par conséquent, il convient de constater que, en n’ayant pas pris, sauf dans le comté de Cavan, toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux articles 4 et 8 de la directive 75/442 en ce qui concerne les eaux usées domestiques éliminées en milieu rural au moyen de fosses septiques et d’autres STIEU, l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.
Sur les dépens
86 En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En outre, selon le paragraphe 5 du même article, la partie qui se désiste est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens par l’autre partie dans ses observations sur le désistement. L’Irlande ayant, dans sa duplique, conclu à la condamnation aux dépens de la Commission, qui s’était, dans sa réplique, partiellement désistée de son recours, il convient de condamner l’Irlande aux trois quarts des dépens de la Commission et de décider que, pour le surplus, chaque partie supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:
1) En n’ayant pas pris, sauf dans le comté de Cavan, toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux articles 4 et 8 de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets, telle que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991, en ce qui concerne les eaux usées domestiques éliminées en milieu rural au moyen de fosses septiques et d’autres systèmes de traitement individuels des eaux usées, l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.
2) L’Irlande est condamnée aux trois quarts des dépens de la Commission des Communautés européennes et supporte ses propres dépens.
3) La Commission des Communautés européennes supporte le quart de ses propres dépens.
Signatures
* Langue de procédure: l’anglais.