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Document 62008CJ0054

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 24 mai 2011.
Commission européenne contre République fédérale d'Allemagne.
Manquement d’État - Article 43 CE - Liberté d’établissement - Notaires - Condition de nationalité - Article 45 CE - Participation à l’exercice de l’autorité publique - Directives 89/48/CEE et 2005/36/CE.
Affaire C-54/08.

Recueil de jurisprudence 2011 I-04355

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2011:339

Affaire C-54/08

Commission européenne

contre

République fédérale d'Allemagne

«Manquement d’État — Article 43 CE — Liberté d’établissement — Notaires — Condition de nationalité — Article 45 CE — Participation à l’exercice de l’autorité publique — Directives 89/48/CEE et 2005/36/CE»

Sommaire de l'arrêt

1.        Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Libre prestation des services — Dérogations — Activités participant à l'exercice de l'autorité publique — Activités de notaire — Exclusion — Condition de nationalité pour l'accès à la profession de notaire — Inadmissibilité

(Art. 43 CE et 45, al. 1, CE)

2.        Recours en manquement — Objet du litige — Détermination au cours de la procédure précontentieuse — Adaptation en raison d'un changement en droit de l'Union — Admissibilité — Conditions

(Art. 226 CE)

3.        Recours en manquement — Examen du bien-fondé par la Cour — Situation à prendre en considération — Situation à l'expiration du délai fixé par l'avis motivé — Situation d’incertitude résultant des circonstances particulières survenues lors du processus législatif — Absence de manquement

(Art. 43 CE, 45, al. 1, CE et 226 CE; directive du Parlement européen et du Conseil 2005/36)

1.        Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 43 CE, un État membre dont la réglementation impose une condition de nationalité pour l’accès à la profession de notaire, dès lors que les activités confiées aux notaires dans l’ordre juridique de cet État membre ne participent pas à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE. À cet égard, l’article 45, premier alinéa, CE constitue une dérogation à la règle fondamentale de la liberté d’établissement qui doit recevoir une interprétation qui limite sa portée à ce qui est strictement nécessaire pour sauvegarder les intérêts que cette disposition permet aux États membres de protéger. En outre, cette dérogation doit être restreinte aux seules activités qui, prises en elles-mêmes, constituent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique.

Afin d'apprécier si les activités confiées aux notaires comportent une participation directe et spécifique à l'exercice de l'autorité publique, il y a lieu de prendre en considération la nature des activités exercées par les notaires. À cet égard, une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE fait défaut aux différentes activités exercées par les notaires, malgré les importants effets juridiques conférés à leurs actes, dans la mesure où soit la volonté des parties, soit la surveillance ou la décision du juge revêtent une importance particulière.

En effet, d'une part, en ce qui concerne les actes authentiques, ne font l'objet d'une authentification que les actes ou les conventions auxquels les parties ont librement souscrit alors que le notaire ne peut modifier de façon unilatérale la convention qu'il est appelé à authentifier sans avoir recueilli au préalable le consentement des parties. Par ailleurs, si l'obligation de vérification incombant aux notaires poursuit, certes, un objectif d’intérêt général, toutefois, la seule poursuite de cet objectif ne saurait justifier que les prérogatives nécessaires à cette fin soient réservées aux seuls notaires ressortissants de l’État membre concerné ni suffire pour qu’une activité soit considérée comme participant directement et spécifiquement à l’exercice de l’autorité publique.

D’autre part, en ce qui concerne la force exécutoire, si l’apposition par le notaire de la formule exécutoire sur l’acte authentique confère à ce dernier la force exécutoire, celle-ci repose sur la volonté des parties de passer un acte ou une convention, après vérification de leur conformité avec la loi par le notaire, et de leur conférer ladite force exécutoire. De même, la force probante dont jouit un acte notarié relève du régime des preuves et n’a donc pas d’incidence directe sur la question de savoir si l’activité comportant l’établissement de cet acte, prise en elle-même, constitue une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique, d'autant plus que l’acte notarié ne lie pas inconditionnellement le juge dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, celui-ci prenant sa décision d’après son intime conviction.

Ces considérations s’appliquent, mutatis mutandis, aux actes devant être conclus par acte notarié sous peine de nullité, tels que, notamment, les contrats portant sur l’acquisition et le transfert du droit de propriété sur un terrain et sur le transfert d’un patrimoine actuel, les promesses de donation, les contrats de mariage, les pactes sur succession future ainsi que les contrats de renonciation à une succession ou à la réserve héréditaire ainsi qu'en ce qui concerne l’intervention du notaire en matière de droit des sociétés.

Un État membre ne saurait non plus invoquer, à cet égard, la compétence, conférée aux notaires dans un Land déterminé, pour authentifier les actes établissant un partenariat enregistré entre personnes du même sexe, dès lors qu'un tel partenariat doit, en outre, pour produire ses effets, être inscrit au registre de l’état civil par les soins de l’office de l’état civil, lequel est par ailleurs chargé de l’administration dudit registre.

Enfin, en ce qui concerne le statut spécifique des notaires, premièrement, il résulte du fait que la qualité des services fournis peut varier d’un notaire à l’autre en fonction, notamment, des aptitudes professionnelles des personnes concernées, que, dans les limites de leurs compétences territoriales respectives, les notaires exercent leur profession dans des conditions de concurrence, ce qui n’est pas caractéristique de l’exercice de l’autorité publique. Deuxièmement, le notaire est seul responsable des actes accomplis dans le cadre de son activité professionnelle.

(cf. points 83, 85-86, 88-89, 91-92, 95-97, 99-101, 103, 106-111, 116)

2.        Dans le cadre d'un recours en manquement, si les conclusions contenues dans la requête ne sauraient, en principe, être étendues au-delà des manquements allégués dans le dispositif de l’avis motivé et dans la lettre de mise en demeure, il n’en demeure pas moins que la Commission est recevable à faire constater un manquement aux obligations qui trouvent leur origine dans la version initiale d’un acte de l’Union, par la suite modifié ou abrogé, et qui ont été maintenues par les dispositions d’un nouvel acte de l’Union. En revanche, l’objet du litige ne saurait être étendu à des obligations qui découlent de nouvelles dispositions n’ayant pas d’équivalent dans la version initiale de l’acte en cause, sous peine de constituer une violation des formes substantielles de la régularité de la procédure constatant le manquement.

(cf. point 128)

3.        Lorsque, au cours du processus législatif, des circonstances particulières, telle que l’absence de prise de position claire du législateur ou l’absence de précision quant à la détermination du champ d’application d’une disposition du droit de l’Union, donnent lieu à une situation d’incertitude, il n’est pas possible de constater qu’il existait, au terme du délai imparti dans l’avis motivé, une obligation suffisamment claire pour les États membres de transposer une directive.

(cf. points 140-142)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

24 mai 2011 (*)

«Manquement d’État – Article 43 CE – Liberté d’établissement – Notaires – Condition de nationalité – Article 45 CE – Participation à l’exercice de l’autorité publique – Directives 89/48/CEE et 2005/36/CE»

Dans l’affaire C‑54/08,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 12 février 2008,

Commission européenne, représentée par MM. H. Støvlbæk et G. Braun, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

soutenue par:

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par Mme S. Behzadi-Spencer, en qualité d’agent,

partie intervenante,

contre

République fédérale d’Allemagne, représentée par M. M. Lumma, Mme J. Kemper ainsi que par MM. U. Karpenstein et J. Möller, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par:

République de Bulgarie, représentée par M. T. Ivanov et Mme E. Petranova, en qualité d’agents,

République tchèque, représentée par M. M. Smolek, en qualité d’agent,

République d’Estonie, représentée par M. L. Uibo, en qualité d’agent,

République française, représentée par MM. G. de Bergues et B. Messmer, en qualité d’agents,

République de Lettonie, représentée par Mmes L. Ostrovska, K. Drēviņa et J. Barbale, en qualité d’agents,

République de Lituanie, représentée par M. D. Kriaučiūnas et Mme E. Matulionytė, en qualité d’agents,

République de Hongrie, représentée par Mmes R. Somssich et K. Veres ainsi que par M. M. Fehér, en qualité d’agents,

République d’Autriche, représentée par MM. E. Riedl, G. Holley et M. Aufner, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

République de Pologne, représentée par MM. M. Dowgielewicz et C. Herma ainsi que par Mme D. Lutostańska, en qualité d’agents,

République de Slovénie, représentée par Mmes V. Klemenc et Ž. Cilenšek Bončina, en qualité d’agents,

République slovaque, représentée par M. J. Čorba et Mme B. Ricziová, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev (rapporteur) et J.‑J. Kasel, présidents de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász, G. Arestis, M. Ilešič, Mme C. Toader et M. M. Safjan, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: M. M.-A. Gaudissart, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 avril 2010,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 septembre 2010,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en imposant une condition de nationalité pour l’accès à la profession de notaire et en ne transposant pas, pour cette profession, la directive 89/48/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans (JO 1989, L 19, p. 16), telle que modifiée par la directive 2001/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 14 mai 2001 (JO L 206, p. 1, ci-après la «directive 89/48»), et/ou la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (JO L 255, p. 22), la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 43 CE et 45 CE ainsi que de ces directives.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

2        Le douzième considérant de la directive 89/48 énonçait que «le système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur ne préjuge en rien l’application de l’article [45 CE]».

3        L’article 2 de la directive 89/48 était ainsi libellé:

«La présente directive s’applique à tout ressortissant d’un État membre voulant exercer à titre indépendant ou salarié une profession réglementée dans un État membre d’accueil.

La présente directive ne s’applique pas aux professions qui font l’objet d’une directive spécifique instaurant entre les États membres une reconnaissance mutuelle des diplômes.»

4        La profession de notaire n’a fait l’objet d’aucune réglementation du type de celle visée audit article 2, second alinéa.

5        La directive 89/48 prévoyait un délai de transposition expirant, conformément à son article 12, le 4 janvier 1991.

6        La directive 2005/36 a abrogé, en vertu de son article 62, la directive 89/48 avec effet à partir du 20 octobre 2007.

7        Le neuvième considérant de la directive 2005/36 est libellé comme suit:

«Tout en maintenant, pour la liberté d’établissement, les principes et les garanties sous-jacents aux différents systèmes de reconnaissance en vigueur, il convient d’en améliorer les règles à la lumière de l’expérience. En outre, les directives pertinentes ont été modifiées à plusieurs reprises et une réorganisation ainsi qu’une rationalisation de leurs dispositions devraient être opérées par le biais d’une uniformisation des principes applicables. Il convient donc de remplacer les directives 89/48/CEE [...]»

8        Le quatorzième considérant de cette directive énonce:

«Le mécanisme de reconnaissance établi par [la directive 89/48] reste inchangé. [...]»

9        Aux termes du quarante et unième considérant de la directive 2005/36, celle-ci «ne préjuge pas l’application de l’article 39, paragraphe 4, [CE] et de l’article 45 [CE], notamment en ce qui concerne les notaires».

 La réglementation nationale

 L’organisation générale de la profession de notaire

10      Les notaires exercent leurs activités, dans l’ordre juridique allemand à l’exception du Land de Bade-Wurtemberg, dans le cadre d’une profession libérale. L’organisation de la profession de notaire est régie par le code fédéral du notariat (Bundesnotarordnung), du 24 février 1961 (BGBl. 1961 I, p. 97), tel que modifié par la sixième loi de modification du code fédéral du notariat (Sechstes Gesetz zur Änderung der Bundesnotarordnung), du 15 juillet 2006 (BGBl. 2006 I, p. 1531, ci-après la «BNotO»).

11      Les notaires sont nommés, conformément à l’article 1er de la BNotO, par les Länder en qualité d’officiers publics indépendants chargés de l’authentification d’actes juridiques et d’autres tâches dans le domaine de l’«administration préventive de la justice».

12      L’article 4, première phrase, de la BNotO prévoit que le nombre de notaires à nommer est celui correspondant aux besoins d’une bonne administration de la justice.

13      Le notaire se voit attribuer, conformément à l’article 10, paragraphes 1, première phrase, et 2, première phrase, de la BNotO, un lieu déterminé comme siège de ses activités, où il est tenu d’avoir son étude. L’exercice de ses activités est, en principe, circonscrit, conformément aux articles 10a et 11 de la BNotO, à une zone territoriale déterminée.

14      En vertu de l’article 17, paragraphe 1, première phrase, de la BNotO, le notaire perçoit pour son activité les honoraires prescrits par la loi.

15      Conformément à l’article 19, paragraphe 1, de la BNotO, le notaire est seul responsable des actes accomplis dans le cadre de son activité professionnelle, la responsabilité de l’État étant exclue à cet égard.

16      Dans le Land de Bade-Wurtemberg, conformément à la possibilité prévue à l’article 115, paragraphe 1, de la BNotO, la fonction notariale est exercée, sur le territoire de Bade, par des «Notare im Landesdienst» (notaires au service du Land), qui sont des fonctionnaires employés par le Land. Sur le reste du territoire de la République fédérale d’Allemagne, et selon les Länder, le notaire exerce sa profession, en vertu de l’article 3 de la BNotO, à titre exclusif ou conjointement avec la profession d’avocat («Anwaltsnotare»).

17      La charge de notaire ne peut être assumée, en application de l’article 5 de la BNotO, que par un ressortissant de nationalité allemande.

 Les activités notariales

18      Conformément à l’article 20, paragraphe 1, première phrase, de la BNotO, le notaire est compétent pour procéder à toute sorte d’authentification ainsi que pour certifier des signatures, des signes de la main et des copies. L’intervention du notaire peut être obligatoire ou facultative, en fonction de l’acte qu’il est appelé à authentifier. Par cette intervention, le notaire constate la réunion de toutes les conditions légalement requises pour la réalisation de l’acte en cause ainsi que la capacité juridique et la capacité d’agir des parties concernées.

19      Conformément à l’article 17, paragraphe 1, de la loi sur l’authentification des documents (Beurkundungsgesetz), du 28 août 1969 (BGBl. 1969 I, p. 1513), telle que modifiée par la loi du 23 juillet 2002 (BGBl. 2002 I, p. 2850), le notaire doit rechercher la volonté des parties intéressées, clarifier les faits, informer ces parties sur la portée juridique de l’acte en question et reproduire par écrit leurs déclarations de façon claire et non équivoque, afin d’éviter des erreurs ou des doutes et qu’une partie inexpérimentée ne soit désavantagée.

20      Aux termes de l’article 4 de cette loi, telle que modifiée, le notaire doit refuser l’authentification lorsqu’elle n’est pas conciliable avec les devoirs de sa fonction, en particulier lorsqu’il est sollicité afin de concourir à la poursuite d’un but manifestement illicite ou malhonnête.

21      L’article 286 du code de procédure civile (Zivilprozessordnung), dans sa version publiée le 5 décembre 2005 (BGBl. 2005 I, p. 3202, et rectificatifs BGBl. 2006 I, p. 431, et BGBl. 2007 I, p. 1781, ci-après la «ZPO»), consacre le principe de la libre appréciation des preuves par le juge.

22      L’article 415, paragraphe 1, de la ZPO, figurant au titre 9, intitulé «Des preuves documentaires», du chapitre 1er du livre 2 de ce code, prévoit que les documents dressés dans la forme prescrite par une autorité publique dans le cadre de ses compétences ou par une personne investie de la foi publique dans le cadre de la sphère d’activités qui lui est confiée, à savoir les actes authentiques, constituent, lorsqu’ils sont établis au sujet d’une déclaration faite devant l’autorité ou la personne habilitée à dresser le document, la preuve pleine et entière de l’événement authentifié par l’autorité ou la personne en question. Selon l’article 415, paragraphe 2, de la ZPO, la preuve que cet événement a été authentifié de manière incorrecte est, en principe, admissible.

23      De même, l’article 418, paragraphe 1, de la ZPO prévoit que les actes authentiques ayant un contenu autre que ceux visés à l’article 415 constituent la preuve pleine et entière des faits qu’ils attestent si le témoignage est fondé sur la perception personnelle de l’autorité publique ou de la personne bénéficiant de la foi publique. Selon l’article 418, paragraphe 2, de la ZPO, la preuve que les faits attestés sont incorrects est, en principe, admissible.

24      En droit civil, l’article 125 du code civil (Bürgerliches Gesetzbuch), dans sa version publiée le 2 janvier 2002 (BGBl. 2002 I, p. 42, et rectificatifs BGBl. 2002 I, p. 2909, et BGBl. 2003 I, p. 738), prévoit que l’inobservation de la forme prescrite par la loi pour un acte juridique entraîne la nullité de celui-ci.

25      Dans ce contexte, certaines transactions doivent être conclues par acte notarié, sous peine de nullité. Il s’agit notamment des contrats portant sur l’acquisition et le transfert du droit de propriété sur un terrain et sur le transfert d’un patrimoine actuel, des promesses de donation, des contrats de mariage, des pactes sur succession future et des contrats de renonciation à la succession ou à la réserve héréditaire.

26      En Bavière, les notaires ayant leur siège dans ce Land peuvent, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, première phrase, de la loi d’exécution de la loi sur le partenariat enregistré (Gesetz zur Ausführung des Lebenspartnerschaftsgesetzes), du 26 octobre 2001 (Bayerisches GVBl., p. 677), telle que modifiée par la loi du 10 décembre 2005 (Bayerisches GVBl., p. 586, ci-après l’«AGLPartG»), authentifier les actes établissant un partenariat enregistré entre personnes du même sexe. Selon les dispositions de l’article 2 de l’AGLPartG, le notaire communique l’établissement d’un tel partenariat à l’office de l’état civil compétent qui est chargé de l’inscrire au registre de l’état civil qu’il administre.

27      En droit des sociétés, les articles 23, paragraphe 1, première phrase, 30, paragraphe 1, et 130, paragraphe 1, première phrase, de la loi sur les sociétés par actions (Aktiengesetz), du 6 septembre 1965 (BGBl. 1965 I, p. 1089), telle que modifiée par la loi du 22 septembre 2005 (BGBl. 2005 I, p. 2802), prévoient que l’authentification notariée est requise pour les statuts d’une société par actions, pour la nomination du premier conseil de surveillance d’une société par actions nouvellement fondée et pour les délibérations de l’assemblée générale d’une telle société. Les articles 2, paragraphe 1, première phrase, et 53, paragraphe 2, première phrase, de la loi relative aux sociétés à responsabilité limitée (Gesetz betreffend die Gesellschaften mit beschränkter Haftung, RGBl. 1898, p. 846), telle que modifiée par la loi du 4 juillet 1980 (BGBl. 1980 I, p. 836), requièrent la forme notariée s’agissant de la conclusion et de la modification d’un contrat créant une société à responsabilité limitée. De même, toutes les transformations de personnes morales ou d’entités par fusion, détachement de l'actif ou changement de forme juridique doivent faire l’objet d’un document notarié, en vertu des articles 6, 163, paragraphe 3, et 193, paragraphe 3, première phrase, de la loi sur les transformations des sociétés (Umwandlungsgesetz), du 28 octobre 1994 (BGBl. 1994 I, p. 3210, et rectificatif BGBl. 1995 I, p. 428).

28      En vertu de l’article 794, paragraphe 1, point 5, de la ZPO, l’exécution forcée a lieu, sous certaines conditions, sur la base d’actes authentiques dressés par un notaire allemand dans la forme prescrite dans le cadre de ses compétences si, dans l’acte authentique, le débiteur s’est soumis, s’agissant du droit en cause, à une exécution forcée immédiate.

29      En vertu de l’article 797, paragraphe 2, de la ZPO, le notaire qui conserve l’acte authentique en délivre des exemplaires exécutoires.

30      Le recours contre l’octroi de la formule exécutoire prévu à l’article 797, paragraphe 3, de la ZPO permet de soulever des griefs de forme et de fond contre l’octroi de cette formule. De même, l’article 797, paragraphe 4, de la ZPO permet de remettre en cause, dans le cadre d’une procédure d’opposition à l’exécution forcée, le droit constaté dans l’acte authentique en cause.

 La procédure précontentieuse

31      La Commission a été saisie d’une plainte visant la condition de nationalité pour l’accès à la profession de notaire en Allemagne. Après avoir procédé à l’examen de cette plainte, la Commission a, par une lettre du 8 novembre 2000, mis la République fédérale d’Allemagne en demeure de lui présenter, dans un délai de deux mois, ses observations au sujet, notamment, d’une part, de la conformité avec l’article 45, premier alinéa, CE de ladite condition de nationalité ainsi que, d’autre part, du défaut de transposition de la directive 89/48 en ce qui concerne la profession de notaire.

32      Par une lettre du 20 mars 2001, la République fédérale d’Allemagne a répondu à ladite lettre de mise en demeure.

33      La Commission a adressé, le 10 juillet 2002, une lettre de mise en demeure complémentaire à cet État membre, lui reprochant d’avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 43 CE et 45, premier alinéa, CE ainsi que de la directive 89/48.

34      Ledit État membre a répondu à cette lettre de mise en demeure complémentaire par une lettre du 31 octobre 2002.

35      N’ayant pas été convaincue par les arguments invoqués par la République fédérale d’Allemagne, la Commission a, le 18 octobre 2006, adressé à cet État membre un avis motivé dans lequel elle a conclu que celui-ci avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 43 CE et 45, premier alinéa, CE ainsi que de la directive 89/48. Cette institution a invité ledit État membre à prendre les mesures requises pour se conformer à cet avis motivé dans un délai de deux mois à compter de sa réception.

36      Par une lettre du 18 décembre 2006, la République fédérale d’Allemagne a exposé les motifs pour lesquels elle estimait que la position défendue par la Commission n’était pas fondée.

37      C’est dans ces conditions que la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

 Sur le recours

 Sur le premier grief

 Argumentation des parties

38      Par son premier grief, la Commission demande à la Cour de constater que, en réservant l’accès à la profession de notaire uniquement à ses propres ressortissants, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 43 CE et 45, premier alinéa, CE.

39      Cette institution souligne, à titre liminaire, que l’accès à la profession de notaire n’est soumis à aucune condition de nationalité dans certains États membres et que cette condition a été supprimée par d’autres États membres, tels que le Royaume d’Espagne, la République italienne et la République portugaise.

40      La Commission rappelle, en premier lieu, que l’article 43 CE constitue l’une des dispositions fondamentales du droit de l’Union qui vise à assurer le bénéfice du traitement national à tout ressortissant d’un État membre qui s’établit, ne serait-ce qu’à titre secondaire, dans un autre État membre pour y exercer une activité non salariée et interdit toute discrimination fondée sur la nationalité.

41      Cette institution ainsi que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord font valoir que l’article 45, premier alinéa, CE doit faire l’objet d’une interprétation autonome et uniforme (arrêt du 15 mars 1988, Commission/Grèce, 147/86, Rec. p. 1637, point 8). En ce qu’il prévoit une exception à la liberté d’établissement pour les activités participant à l’exercice de l’autorité publique, cet article devrait, en outre, être interprété de manière stricte (arrêt du 21 juin 1974, Reyners, 2/74, Rec. p. 631, point 43).

42      L’exception prévue à l’article 45, premier alinéa, CE devrait donc être restreinte aux activités qui, par elles-mêmes, comportent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique (arrêt Reyners, précité, points 44 et 45). Selon la Commission, la notion d’autorité publique implique l’exercice d’un pouvoir décisionnel exorbitant du droit commun se traduisant par la capacité d’agir indépendamment de la volonté d’autres sujets ou même contre cette volonté. En particulier, l’autorité publique se manifesterait, selon la jurisprudence de la Cour, par l’exercice de pouvoirs de contrainte (arrêt du 29 octobre 1998, Commission/Espagne, C‑114/97, Rec. p. I‑6717, point 37).

43      De l’avis de la Commission et du Royaume-Uni, les activités participant à l’exercice de l’autorité publique doivent être distinguées de celles exercées dans l’intérêt général. En effet, diverses professions se verraient attribuer des compétences particulières dans l’intérêt général, sans pour autant participer à l’exercice de l’autorité publique.

44      Seraient également exclues du champ d’application de l’article 45, premier alinéa, CE les activités constituant une assistance ou une collaboration au fonctionnement de l’autorité publique (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 1993, Thijssen, C‑42/92, Rec. p. I-4047, point 22).

45      En outre, la Commission et le Royaume-Uni rappellent que l’article 45, premier alinéa, CE vise en principe des activités déterminées et non une profession tout entière, à moins que les activités concernées ne soient pas détachables de l’ensemble de celles exercées par ladite profession.

46      La Commission procède, en deuxième lieu, à l’examen des différentes activités exercées par le notaire dans l’ordre juridique allemand.

47      S’agissant de l’authentification des actes et des conventions, la Commission fait valoir que le notaire se borne à témoigner de la volonté des parties, après avoir conseillé celles-ci, et à donner à cette volonté des effets juridiques. Dans l’exercice de cette activité, le notaire ne disposerait d’aucun pouvoir décisionnel à l’égard des parties.

48      Le fait que cette activité soit considérée dans la législation allemande comme appartenant au domaine de la «justice préventive» ne remettrait pas en cause cette analyse, étant donné que les notaires ne participeraient pas à l’exercice de l’autorité publique puisqu’ils n’ont pas le pouvoir d’imposer de décisions.

49      Ainsi, l’authentification effectuée par le notaire ne serait que la confirmation d’un accord préalable entre les parties. Le fait que certains actes doivent être obligatoirement authentifiés serait dénué de pertinence, étant donné que de nombreuses procédures auraient un caractère obligatoire sans pour autant être la manifestation de l’exercice de l’autorité publique.

50      Il en irait de même en ce qui concerne les particularités du régime des preuves attaché aux actes notariés, une force probante comparable étant également conférée à d’autres actes ne relevant pas de l’exercice de l’autorité publique, tels que les procès-verbaux établis par les gardes champêtres, les agents des forêts, les gardes-chasse et les gardes-pêche assermentés. Le fait que le notaire engage sa responsabilité lors de l’établissement des actes notariés ne serait pas davantage pertinent. En effet, tel serait le cas en ce qui concerne la plupart des professionnels indépendants, tels que les avocats, les architectes ou les médecins.

51      Quant à la force exécutoire des actes authentiques, la Commission considère que l’apposition de la formule exécutoire précède la mise à exécution proprement dite sans en faire partie. Ainsi, cette force exécutoire ne conférerait aucun pouvoir de contrainte aux notaires. Par ailleurs, toute contestation éventuelle serait tranchée non pas par le notaire, mais par le juge.

52      L’activité de conseiller juridique, liée en règle générale à celle de l’authentification, exercée par le notaire dans l’ordre juridique allemand, ne constituerait pas non plus une participation à l’exercice de l’autorité publique.

53      De l’avis de la Commission, à la différence des officiers de l’état civil, les notaires sont, en règle générale, chargés non pas de la constitution et de la modification de l’état civil, mais du règlement de la répartition des biens entre les partenaires. Les tâches confiées en Bavière aux notaires en matière de partenariats enregistrés entre personnes du même sexe ne permettraient aucune déduction s’agissant de l’appréciation, au regard du droit de l’Union, de la participation qualifiée des notaires à l’exercice de l’autorité publique.

54      La Commission considère, en troisième lieu, à l’instar du Royaume-Uni, que les règles du droit de l’Union contenant des références à l’activité notariale ne préjugent pas l’application à cette activité des articles 43 CE et 45, premier alinéa, CE.

55      En effet, s’agissant du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1), ainsi que du règlement (CE) n° 805/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées (JO L 143, p. 15), la Commission estime que ces règlements se bornent à prévoir l’obligation des États membres de reconnaître et de rendre exécutoires des actes reçus et exécutoires dans un autre État membre.

56      En outre, le règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil, du 8 octobre 2001, relatif au statut de la société européenne (SE) (JO L 294, p. 1), le règlement (CE) n° 1435/2003 du Conseil, du 22 juillet 2003, relatif au statut de la société coopérative européenne (SEC) (JO L 207, p. 1), ainsi que la directive 2005/56/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005, sur les fusions transfrontalières des sociétés de capitaux (JO L 310, p. 1), ne seraient pas, quant à eux, pertinents aux fins de la solution du présent litige, ceux-ci se limitant à confier aux notaires, ainsi qu’à d’autres autorités compétentes désignées par les États membres, la tâche de certifier l’accomplissement de certains actes et formalités préalables au transfert du siège, à la constitution et à la fusion de sociétés.

57      Quant à la résolution du Parlement européen du 23 mars 2006 sur les professions juridiques et l’intérêt général relatif au fonctionnement des systèmes juridiques (JO C 292E, p. 105, ci-après la «résolution de 2006»), celle-ci serait un acte purement politique, dont le contenu serait ambigu, puisque, d’une part, au point 17 de cette résolution, le Parlement européen aurait affirmé que l’article 45 CE doit s’appliquer à la profession de notaire, alors que, d’autre part, au point 2 de celle-ci, il aurait confirmé la position formulée dans sa résolution du 18 janvier 1994 sur la situation et l’organisation du notariat dans les douze États membres de la Communauté (JO C 44, p. 36, ci-après la «résolution de 1994»), dans laquelle il exprimait son souhait que soit supprimée la condition de nationalité pour l’accès à la profession de notaire prévue dans la réglementation de plusieurs États membres.

58      La Commission et le Royaume-Uni ajoutent que l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 septembre 2003, Colegio de Oficiales de la Marina Mercante Española (C‑405/01, Rec. p. I‑10391), auquel font référence plusieurs États membres dans leurs observations écrites, concernait l’exercice par les capitaines et les seconds de navires marchands d’un vaste ensemble de fonctions de maintien de la sécurité, de pouvoirs de police ainsi que de compétences en matière notariale et d’état civil. Dès lors, la Cour n’aurait pas eu l’occasion d’examiner en détail les différentes activités exercées par les notaires au regard de l’article 45, premier alinéa, CE. Par conséquent, cet arrêt ne suffirait pas pour qu’il soit conclu à l’application de cette disposition aux notaires.

59      Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la République fédérale d’Allemagne, la jurisprudence de la Cour distingue les notaires des autorités publiques en reconnaissant qu’un acte authentique peut être établi par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée (arrêt du 17 juin 1999, Unibank, C-260/97, Rec. p. I-3715, points 15 et 21).

60      La République fédérale d’Allemagne, soutenue par la République de Bulgarie, la République tchèque, la République d’Estonie, la République française, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République de Hongrie, la République d’Autriche, la République de Pologne, la République de Slovénie et la République slovaque, fait valoir que les notaires participent à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE. 

61      La République fédérale d’Allemagne considère, à l’instar de la Commission, que la notion d’«autorité publique», au sens de l’article 45, premier alinéa, CE, doit être interprétée de façon autonome et qu’il convient de donner à cette notion une interprétation stricte. Cet État membre ainsi que la République d’Estonie, la République de Pologne et la République slovaque estiment toutefois que l’exercice de prérogatives exorbitantes et de pouvoirs de coercition ainsi que l’existence d’un rapport hiérarchique avec les citoyens ne constituent pas les seules formes de l’exercice de l’autorité publique. De même, la République de Lettonie fait observer que la participation à l’exercice de l’autorité publique n’est pas limitée aux seules activités de prise de décision indépendamment de la volonté des intéressés. 

62      Selon la République fédérale d’Allemagne, d’autres activités pourraient également entrer dans la notion d’exercice de l’autorité publique, lorsqu’elles sont caractérisées par des attributions spéciales à l’égard des citoyens, lorsqu’elles sont non pas simplement préparatoires ou de nature technique, mais contraignantes vis-à-vis de l’autorité qui prend les décisions, et lorsqu’elles ne sont pas uniquement sporadiques.

63      Cet État membre considère que les activités confiées aux notaires dans l’ordre juridique allemand relèvent de l’«administration préventive de la justice», laquelle aurait une fonction complémentaire à celle de la justice contentieuse. Dans le cadre de leurs activités, les notaires conserveraient une attitude aussi objective et indépendante à l’égard des parties qu’un tribunal ordinaire appelé à trancher un litige. 

64      Toutes les activités confiées aux notaires dans l’ordre juridique allemand seraient des activités produisant des effets à l’égard des citoyens. En outre, les activités participant à l’exercice de l’autorité publique ne seraient pas sporadiques, mais constitueraient la partie essentielle des activités des notaires.

65      La mission de «justice préventive» serait ainsi transférée par l’État aux notaires afin d’alléger les juridictions, à l’exception du Land de Bade-Wurtemberg, où l’État lui-même continuerait à l’accomplir. En procédant à l’authentification d’un acte ou d’une convention, le notaire déciderait de façon définitive et contraignante le point de savoir si l’acte juridique soumis à une condition de forme est passé dans les conditions souhaitées par les parties. Avant de procéder à l’authentification, le notaire vérifierait si les conditions générales sont réunies et informerait dans l’impartialité les parties sur les conséquences juridiques de l’acte. Il contrôlerait également la licéité des arrangements convenus par les parties.

66      L’acte notarié serait doté, en outre, d’une force probante qui lie, selon la République fédérale d’Allemagne, les juridictions dans leur appréciation des preuves.

67      S’agissant de l’établissement de titres exécutoires et de l’octroi de la formule exécutoire, cet État membre fait valoir que les contrats notariés sont, dans l’ordre juridique allemand, des titres exécutoires dont l’exécution forcée peut être obtenue sur la base d’une formule exécutoire apposée par le notaire sans l’intervention d’une juridiction. 

68      Selon ledit État membre, l’authentification d’un acte ou d’une convention donnerait lieu à un titre contraignant qui, si dans cet acte ou convention le débiteur se soumet à une exécution forcée immédiate, équivaut à un jugement ayant acquis force de chose jugée.

69      En outre, dans le cadre de l’exécution forcée déclenchée sur la base d’un acte notarié et d’une formule exécutoire notariée, l’autorité d’exécution serait liée par les constatations relatives à la créance contenues dans ledit acte ainsi que par la formule exécutoire. L’établissement d’un titre exécutoire et l’apposition de la formule exécutoire comporteraient ainsi l’exercice de pouvoirs spéciaux à l’égard des citoyens, indépendamment de leur volonté, les parties pouvant, toutefois, demander la mainlevée de l’exécution et contester la licéité de l’octroi de ladite formule. 

70      La République fédérale d’Allemagne fait valoir, en outre, que, en Bavière, les notaires sont compétents pour la conclusion de partenariats enregistrés entre personnes du même sexe.

71      Par ailleurs, les actes du droit de l’Union mentionnés aux points 55 et 56 du présent arrêt placeraient les actes notariés au même rang que les décisions de justice.

72      La République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République d’Autriche, la République de Pologne et la République de Slovénie font valoir également que, dans son arrêt Colegio de Oficiales de la Marina Mercante Española, précité, la Cour a qualifié, pour les besoins de l’article 39, paragraphe 4, CE, les tâches notariales des capitaines des navires espagnols comme une participation à l’exercice de l’autorité publique. En outre, il résulterait de l’arrêt Unibank, précité, que l’établissement d’actes authentiques par un officier public tel que le notaire comporte une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique.

 Appréciation de la Cour

–       Considérations liminaires

73      Par son premier grief, la Commission reproche à la République fédérale d’Allemagne de faire obstacle à l’établissement, en vue de l’exercice de la profession de notaire, des ressortissants des autres États membres sur son territoire, en réservant l’accès à cette profession, en violation de l’article 43 CE, à ses propres ressortissants.

74      Ce grief concerne donc uniquement la condition de nationalité requise par la réglementation allemande en cause pour l’accès à ladite profession au regard de l’article 43 CE.

75      Il convient, par conséquent, de préciser que ledit grief ne porte ni sur le statut et l’organisation du notariat dans l’ordre juridique allemand ni sur les conditions d’accès, autres que celle afférente à la nationalité, à la profession de notaire dans cet État membre.

76      Au demeurant, il importe de souligner, ainsi que l’a indiqué la Commission lors de l’audience, que le premier grief ne concerne pas non plus l’application des dispositions du traité CE relatives à la libre prestation des services.

77      De même, l’application des dispositions du traité concernant la libre circulation des travailleurs ne faisant pas l’objet du présent grief, celui-ci ne concerne pas la fonction notariale exercée par les «Notare im Landesdienst» dans le Land de Bade-Wurtemberg, qui sont des fonctionnaires employés par le Land.

–       Sur le fond

78      Il convient de rappeler d’emblée que l’article 43 CE constitue l’une des dispositions fondamentales du droit de l’Union (voir en ce sens, notamment, arrêt Reyners, précité, point 43).

79      La notion d’établissement au sens de cette disposition est une notion très large, impliquant la possibilité pour un ressortissant de l’Union de participer, de façon stable et continue, à la vie économique d’un État membre autre que son État membre d’origine, et d’en tirer profit, favorisant ainsi l’interpénétration économique et sociale à l’intérieur de l’Union européenne dans le domaine des activités non salariées (voir, notamment, arrêt du 22 décembre 2008, Commission/Autriche, C‑161/07, Rec. p. I‑10671, point 24).

80      La liberté d’établissement reconnue aux ressortissants d’un État membre sur le territoire d’un autre État membre comporte notamment l’accès aux activités non salariées et leur exercice dans les conditions définies par la législation de l’État membre d’établissement pour ses propres ressortissants (voir, notamment, arrêt du 28 janvier 1986, Commission/France, 270/83, Rec. p. 273, point 13, et, en ce sens, arrêt Commission/Autriche, précité, point 27). En d’autres termes, l’article 43 CE interdit à chaque État membre de prévoir dans sa législation, pour les personnes qui font usage de la liberté de s’y établir, des conditions d’exercice de leurs activités différentes de celles définies pour ses propres ressortissants (arrêt Commission/Autriche, précité, point 28).

81      L’article 43 CE vise ainsi à assurer le bénéfice du traitement national à tout ressortissant d’un État membre qui s’établit dans un autre État membre pour y exercer une activité non salariée et interdit toute discrimination fondée sur la nationalité résultant des législations nationales en tant que restriction à la liberté d’établissement (arrêt Commission/France, précité, point 14).

82      Or, en l’espèce, la législation nationale litigieuse réserve l’accès à la profession de notaire aux ressortissants allemands, consacrant ainsi une différence de traitement en raison de la nationalité prohibée, en principe, par l’article 43 CE.

83      La République fédérale d’Allemagne fait cependant valoir que les activités notariales sont soustraites du champ d’application de l’article 43 CE puisqu’elles participent à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE. Il convient donc, dans un premier temps, d’examiner la portée de la notion d’exercice de l’autorité publique au sens de cette dernière disposition et, dans un second temps, de vérifier si les activités confiées aux notaires dans l’ordre juridique allemand relèvent de cette notion.

84      S’agissant de la notion d’«exercice de l’autorité publique» au sens de l’article 45, premier alinéa, CE, il convient de souligner que l’appréciation de celle-ci doit tenir compte, selon une jurisprudence constante, du caractère propre au droit de l’Union des limites posées par cette disposition aux exceptions permises au principe de la liberté d’établissement, afin d’éviter que l’effet utile du traité en matière de liberté d’établissement ne soit déjoué par des dispositions unilatérales prises par les États membres (voir, en ce sens, arrêts Reyners, précité, point 50; Commission/Grèce, précité, point 8, et du 22 octobre 2009, Commission/Portugal, C-438/08, Rec. p. I-10219, point 35).

85      Il est également de jurisprudence constante que l’article 45, premier alinéa, CE constitue une dérogation à la règle fondamentale de la liberté d’établissement. Comme telle, cette dérogation doit recevoir une interprétation qui limite sa portée à ce qui est strictement nécessaire pour sauvegarder les intérêts que cette disposition permet aux États membres de protéger (arrêts Commission/Grèce, précité, point 7; Commission/Espagne, précité, point 34; du 30 mars 2006, Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti, C‑451/03, Rec. p. I‑2941, point 45; du 29 novembre 2007, Commission/Autriche, C‑393/05, Rec. p. I‑10195, point 35, et Commission/Allemagne, C‑404/05, Rec. p. I‑10239, points 37 et 46, ainsi que Commission/Portugal, précité, point 34).

86      En outre, la Cour a souligné itérativement que la dérogation prévue à l’article 45, premier alinéa, CE doit être restreinte aux seules activités qui, prises en elles-mêmes, constituent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique (arrêts précités Reyners, point 45; Thijssen, point 8; Commission/Espagne, point 35; Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti, point 46; Commission/Allemagne, point 38, et Commission/Portugal, point 36).

87      À cet égard, la Cour a eu l’occasion de considérer que sont exclues de la dérogation prévue à l’article 45, premier alinéa, CE certaines activités auxiliaires ou préparatoires par rapport à l’exercice de l’autorité publique (voir, en ce sens, arrêts précités Thijssen, point 22; Commission/Espagne, point 38; Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti, point 47; Commission/Allemagne, point 38, et Commission/Portugal, point 36), ou certaines activités dont l’exercice, bien qu’il comporte des contacts, même réguliers et organiques, avec des autorités administratives ou judiciaires, voire un concours, même obligatoire, à leur fonctionnement, laisse intacts les pouvoirs d’appréciation et de décision desdites autorités (voir, en ce sens, arrêt Reyners, précité, points 51 et 53), ou encore certaines activités qui ne comportent pas d’exercice de pouvoirs décisionnels (voir, en ce sens, arrêts précités Thijssen, points 21 et 22; du 29 novembre 2007, Commission/Autriche, points 36 et 42; Commission/Allemagne, points 38 et 44, ainsi que Commission/Portugal, points 36 et 41), de pouvoirs de contrainte (voir en ce sens, notamment, arrêt Commission/Espagne, précité, point 37) ou de pouvoirs de coercition (voir, en ce sens, arrêts du 30 septembre 2003, Anker e.a., C‑47/02, Rec. p. I‑10447, point 61, ainsi que Commission/Portugal, précité, point 44).

88      Il convient de vérifier, à la lumière des considérations qui précèdent, si les activités confiées aux notaires dans l’ordre juridique allemand comportent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique.

89      À cette fin, il y a lieu de prendre en considération la nature des activités exercées par les membres de la profession en cause (voir, en ce sens, arrêt Thijssen, précité, point 9).

90      La République fédérale d’Allemagne et la Commission s’accordent sur le fait que l’activité principale des notaires dans l’ordre juridique allemand, qu’il convient d’examiner en premier lieu, consiste en l’établissement, avec les solennités requises, d’actes authentiques. Pour ce faire, le notaire devrait vérifier, notamment, que toutes les conditions légalement exigées pour la réalisation de l’acte sont réunies. L’acte authentique jouirait, en outre, d’une force probante et d’une force exécutoire.

91      Il y a lieu de souligner, à cet égard, que font l’objet d’une authentification, en vertu de la législation allemande, les actes ou les conventions auxquels les parties ont librement souscrit. En effet, celles-ci décident elles-mêmes, dans les limites posées par la loi, de la portée de leurs droits et obligations et choisissent librement les stipulations auxquelles elles veulent se soumettre lorsqu’elles présentent un acte ou une convention pour authentification au notaire. L’intervention de ce dernier suppose, ainsi, l’existence préalable d’un consentement ou d’un accord de volonté des parties.

92      En outre, le notaire ne peut modifier de façon unilatérale la convention qu’il est appelé à authentifier sans avoir recueilli au préalable le consentement des parties.

93      L’activité d’authentification confiée aux notaires ne comporte donc pas, en tant que telle, une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE.

94      Le fait que certains actes ou certaines conventions doivent obligatoirement faire l’objet d’une authentification sous peine de nullité n’est pas susceptible de remettre en cause cette conclusion. En effet, il est courant que la validité d’actes divers soit soumise, dans les ordres juridiques nationaux et selon les modalités prévues, à des exigences de forme ou encore à des procédures obligatoires de validation. Cette circonstance ne saurait, dès lors, suffire à étayer la thèse défendue par la République fédérale d’Allemagne.

95      L’obligation des notaires de vérifier, avant de procéder à l’authentification d’un acte ou d’une convention, que toutes les conditions légalement exigées pour la réalisation de cet acte ou de cette convention sont réunies et, si tel n’est pas le cas, de refuser de procéder à cette authentification n’est pas non plus susceptible de remettre en cause la conclusion qui précède.

96      Certes, ainsi que le souligne la République fédérale d’Allemagne, le notaire exerce cette vérification en poursuivant un objectif d’intérêt général, à savoir garantir la légalité et la sécurité juridique des actes conclus entre particuliers. Toutefois, la seule poursuite de cet objectif ne saurait justifier que les prérogatives nécessaires à cette fin soient réservées aux seuls notaires ressortissants de l’État membre concerné.

97      Le fait d’agir en poursuivant un objectif d’intérêt général ne suffit pas, en soi, pour qu’une activité donnée soit considérée comme participant directement et spécifiquement à l’exercice de l’autorité publique. En effet, il est constant que les activités exercées dans le cadre de diverses professions réglementées impliquent fréquemment, dans les ordres juridiques nationaux, l’obligation pour les personnes qui les exercent de poursuivre un tel objectif, sans que ces activités relèvent pour autant de l’exercice d’une telle autorité.

98      Cependant, le fait que les activités notariales poursuivent des objectifs d’intérêt général, qui visent notamment à garantir la légalité et la sécurité juridique des actes conclus entre particuliers, constitue une raison impérieuse d’intérêt général qui permet de justifier d’éventuelles restrictions à l’article 43 CE découlant des spécificités propres à l’activité notariale, telles que l’encadrement dont les notaires font l’objet au travers des procédures de recrutement qui leur sont appliquées, la limitation de leur nombre et de leurs compétences territoriales ou encore leur régime de rémunération, d’indépendance, d’incompatibilités et d’inamovibilité, pour autant que ces restrictions permettent d’atteindre lesdits objectifs et sont nécessaires à cette fin.

99      Il est également vrai que le notaire doit refuser d’authentifier un acte ou une convention qui ne remplit pas les conditions légalement requises, cela indépendamment de la volonté des parties. Cependant, à la suite d’un tel refus, ces dernières restent libres soit de remédier à l’illégalité constatée, soit de modifier les stipulations de l’acte ou de la convention en cause, soit encore de renoncer à cet acte ou à cette convention.

100    S’agissant de la force probante et de la force exécutoire dont bénéficie l’acte notarié, il ne saurait être contesté que celles-ci confèrent auxdits actes d’importants effets juridiques. Cependant, le fait qu’une activité donnée comporte l’établissement d’actes dotés de tels effets ne saurait suffire pour que cette activité soit considérée comme participant directement et spécifiquement à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE.

101    En effet, en ce qui concerne, en particulier, la force probante dont jouit un acte notarié, il convient de préciser que celle-ci relève du régime des preuves consacré par la loi dans l’ordre juridique en cause. Ainsi, les articles 415 et 418 de la ZPO, lesquels déterminent la force probante de l’acte authentique, font partie du titre 9, intitulé «Des preuves documentaires», du chapitre 1er du livre 2 de ce code. La force probante conférée par la loi à un acte donné n’a donc pas d’incidence directe sur la question de savoir si l’activité comportant l’établissement de cet acte, prise en elle-même, constitue une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique, ainsi que l’exige la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêts précités Thijssen, point 8, et Commission/Espagne, point 35).

102    En outre, ainsi qu’il découle en particulier des articles 415, paragraphe 2, et 418, paragraphe 2, de la ZPO, la preuve que l’événement ayant fait l’objet de l’authentification a été authentifié de manière incorrecte ou que les faits attestés sont erronés est, en principe, admissible.

103    Il ne saurait donc être soutenu que l’acte notarié, en raison de sa force probante, lie inconditionnellement le juge dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation dès lors qu’il est constant que celui-ci prend sa décision d’après son intime conviction en tenant compte de l’ensemble des faits et des preuves recueillis au cours de la procédure judiciaire. Le principe de la libre appréciation des preuves par le juge est, par ailleurs, consacré à l’article 286 de la ZPO.

104    S’agissant de la force exécutoire de l’acte authentique, il convient d’indiquer, ainsi que le fait valoir la République fédérale d’Allemagne, que celle-ci permet la mise à exécution de l’obligation que cet acte renferme sans l’intervention préalable du juge.

105    La force exécutoire de l’acte authentique ne traduit cependant pas, dans le chef du notaire, des pouvoirs comportant une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique. En effet, ainsi qu’il découle de l’article 794, paragraphe 1, point 5, de la ZPO, la force exécutoire de l’acte notarié est conditionnée, notamment, par l’accord du débiteur pour se soumettre à une éventuelle exécution forcée de cet acte sans qu’une procédure préalable soit engagée. Il s’ensuit que l’acte notarié ne jouit pas de la force exécutoire sans l’accord du débiteur. Ainsi, si l’apposition par le notaire de la formule exécutoire sur l’acte authentique confère à ce dernier la force exécutoire, celle-ci repose sur la volonté des parties de passer un acte ou une convention, après vérification de leur conformité avec la loi par le notaire, et de leur conférer ladite force exécutoire.

106    Les considérations qui précèdent s’appliquent, mutatis mutandis, aux actes devant être conclus par acte notarié sous peine de nullité, tels que, notamment, les contrats portant sur l’acquisition et le transfert du droit de propriété sur un terrain et sur le transfert d’un patrimoine actuel, les promesses de donation, les contrats de mariage, les pactes sur succession future ainsi que les contrats de renonciation à une succession ou à la réserve héréditaire.

107    Ces mêmes considérations s’imposent d’ailleurs en ce qui concerne l’intervention du notaire en matière de droit des sociétés, décrite au point 27 du présent arrêt.

108    La République fédérale d’Allemagne ne saurait non plus fonder sa thèse sur la compétence, conférée aux notaires dans le seul Land de Bavière, pour authentifier les actes établissant un partenariat enregistré entre personnes du même sexe, dès lors que, outre ce qui précède, il ressort des dispositions de l’article 2 de l’AGLPartG qu’un tel partenariat doit, en outre, pour produire ses effets, être inscrit au registre de l’état civil par les soins de l’office de l’état civil, lequel est par ailleurs chargé de l’administration dudit registre.

109    En ce qui concerne, en deuxième lieu, le statut spécifique des notaires dans l’ordre juridique allemand, il suffit de rappeler, ainsi qu’il ressort des points 86 et 89 du présent arrêt, que c’est au regard de la nature des activités en cause, prises en elles-mêmes, et non pas au regard de ce statut en tant que tel, qu’il convient de vérifier si ces activités relèvent de la dérogation prévue à l’article 45, premier alinéa, CE.

110    Deux précisions s’imposent néanmoins à cet égard. Premièrement, il est constant que, en principe, chaque partie a le libre choix d’un notaire. S’il est vrai que les honoraires des notaires sont fixés par la loi, il n’en reste pas moins que la qualité des services fournis peut varier d’un notaire à l’autre en fonction, notamment, des aptitudes professionnelles des personnes concernées. Il s’ensuit que, dans les limites de leurs compétences territoriales respectives, les notaires exercent leur profession, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 18 de ses conclusions, dans des conditions de concurrence, ce qui n’est pas caractéristique de l’exercice de l’autorité publique.

111    Il y a lieu de relever, deuxièmement, que, conformément à l’article 19, paragraphe 1, de la BNotO, le notaire est seul responsable des actes accomplis dans le cadre de son activité professionnelle.

112    En troisième lieu, l’argument que tire la République fédérale d’Allemagne de certains actes de l’Union n’emporte pas davantage la conviction. En effet, s’agissant des règlements visés au point 55 du présent arrêt, il convient de relever que ceux-ci portent sur la reconnaissance et l’exécution d’actes authentiques reçus et exécutoires dans un État membre, et n’affectent pas, par conséquent, l’interprétation de l’article 45, premier alinéa, CE. Cette constatation n’est pas non plus remise en cause par les actes de l’Union mentionnés au point 56 du présent arrêt dans la mesure où ils se bornent, comme le fait valoir à juste titre la Commission, à confier aux notaires, ainsi qu’à d’autres autorités compétentes désignées par les États membres, la tâche de certifier l’accomplissement de certains actes et formalités préalables au transfert du siège, à la constitution et à la fusion de sociétés.

113    S’agissant des résolutions de 1994 et de 2006, mentionnées au point 57 du présent arrêt, force est de souligner que celles-ci sont dépourvues d’effets juridiques, étant donné que de telles résolutions ne constituent pas, par nature, des actes contraignants. Au demeurant, bien qu’elles indiquent que la profession de notaire relève de l’article 45 CE, le Parlement a explicitement exprimé son souhait, dans la résolution de 1994, que des mesures soient prises pour que la condition de nationalité pour l’accès à la profession de notaire soit supprimée, cette position étant à nouveau implicitement confirmée dans la résolution de 2006.

114    En ce qui concerne, en quatrième lieu, l’argument que tire la République fédérale d’Allemagne de l’arrêt Colegio de Oficiales de la Marina Mercante Española, précité, il convient de préciser que l’affaire à l’origine de cet arrêt portait sur l’interprétation de l’article 39, paragraphe 4, CE, et non pas sur celle de l’article 45, premier alinéa, CE. En outre, il ressort du point 42 dudit arrêt que, lorsqu’elle a jugé que les fonctions confiées aux capitaines et aux seconds de navires constituent une participation à l’exercice de prérogatives de puissance publique, la Cour visait l’ensemble des fonctions exercées par ceux-ci. La Cour n’a donc pas examiné l’unique attribution en matière notariale confiée aux capitaines et aux seconds de navires, à savoir la réception, la garde et la remise de testaments, séparément de leurs autres compétences, telles que, notamment, les pouvoirs de coercition ou de sanction dont ils sont investis.

115    Quant à l’arrêt Unibank, précité, auquel se réfère également la République fédérale d’Allemagne, force est de constater que l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt ne portait aucunement sur l’interprétation de l’article 45, premier alinéa, CE. En outre, la Cour a jugé, au point 15 dudit arrêt, que, pour qu’un acte soit qualifié d’acte authentique au sens de l’article 50 de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), est nécessaire l’intervention soit d’une autorité publique, soit de toute autre autorité habilitée par l’État d’origine.

116    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que les activités notariales, telles qu’elles sont définies en l’état actuel de l’ordre juridique allemand, ne participent pas à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE.

117    Il convient par conséquent de constater que la condition de nationalité requise par la réglementation allemande pour l’accès à la profession de notaire constitue une discrimination fondée sur la nationalité interdite par l’article 43 CE.

118    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que le premier grief est fondé.

 Sur le second grief

 Argumentation des parties

119    La Commission reproche à la République fédérale d’Allemagne de ne pas avoir transposé, en ce qui concerne la profession de notaire, la directive 89/48 pour la période allant jusqu’au 20 octobre 2007 et la directive 2005/36 à compter de cette date. Selon cette institution, la portée de la directive 2005/36 ne dépasse pas, en ce qui concerne les notaires, celle de la directive 89/48.

120    La Commission estime, à l’instar du Royaume-Uni, que la profession de notaire est une profession réglementée au sens de l’article 1er, sous c), de la directive 89/48 et relève, par conséquent de son champ d’application. Le quarante et unième considérant de la directive 2005/36 n’aurait pas pour effet d’exclure cette profession du champ d’application de cette directive à moins que ladite profession ne relève de l’article 45, premier alinéa, CE, ce que la Commission conteste en l’occurrence. En outre, si le législateur de l’Union avait voulu exclure les notaires du champ d’application de ladite directive, il l’aurait fait expressément.

121    La Commission rappelle que les directives 89/48 et 2005/36 permettent aux États membres de prévoir soit un test d’aptitude, soit un stage d’adaptation, qui seraient de nature à assurer le haut niveau de qualification requis des notaires. En outre, l’application de ces directives aurait pour effet non pas d’empêcher le recrutement de notaires par concours, mais seulement de donner accès audit concours aux ressortissants des autres États membres. Une telle application serait également sans incidence sur la procédure de nomination des notaires.

122    La République fédérale d’Allemagne considère, à l’instar de la République de Lettonie et de la République de Slovénie, que le second grief de la Commission est irrecevable dans la mesure où il concerne un prétendu défaut de transposition tant de la directive 89/48 que de la directive 2005/36.

123    En effet, d’une part, la Commission aurait critiqué, dans son avis motivé, le défaut de transposition de la directive 89/48, alors que, à la date d’émission dudit avis motivé, la directive 2005/36, laquelle a abrogé la directive 89/48, aurait été adoptée. 

124    D’autre part, la référence à la directive 2005/36, faite par la Commission pour la première fois dans sa requête, aurait pour effet d’étendre l’objet du litige tel qu’il a été déterminé au cours de la procédure précontentieuse. En effet, la portée de cette directive dépasserait de loin celle de la directive 89/48. 

125    Quant au fond, la République fédérale d’Allemagne, la République de Bulgarie, la République de Lettonie, la République de Hongrie, la République d’Autriche, la République de Pologne, la République de Slovénie et la République slovaque font valoir que ces directives ne s’appliquent pas aux notaires en raison du fait que les activités exercées par ces derniers participent à l’exercice de l’autorité publique.

 Appréciation de la Cour

–       Sur la recevabilité

126    Il est de jurisprudence constante que l’existence d’un manquement, dans le cadre d’un recours fondé sur l’article 226 CE, doit être appréciée au regard de la législation de l’Union en vigueur au terme du délai que la Commission a imparti à l’État membre concerné pour se conformer à son avis motivé (voir, notamment, arrêts du 9 novembre 1999, Commission/Italie, C-365/97, Rec. p. I-7773, point 32; du 5 octobre 2006, Commission/Belgique, C-275/04, Rec. p. I-9883, point 34, et du 19 mars 2009, Commission/Allemagne, C‑270/07, Rec. p. I‑1983, point 49).

127    En l’espèce, ledit délai est venu à terme le 18 décembre 2006. Or, à cette date, la directive 89/48 était encore en vigueur, la directive 2005/36 n’ayant abrogé cette dernière qu’à partir du 20 octobre 2007. Partant, dans la mesure où le présent grief est fondé sur un prétendu défaut de transposition de la directive 89/48, celui-ci n’est pas dépourvu d’objet (voir, par analogie, arrêt du 11 juin 2009, Commission/France, C-327/08, point 23).

128    S’agissant de la recevabilité du présent grief, dans la mesure où il concerne le prétendu défaut de transposition de la directive 2005/36, il y a lieu de rappeler que, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, si les conclusions contenues dans la requête ne sauraient, en principe, être étendues au-delà des manquements allégués dans le dispositif de l’avis motivé et dans la lettre de mise en demeure, il n’en demeure pas moins que la Commission est recevable à faire constater un manquement aux obligations qui trouvent leur origine dans la version initiale d’un acte de l’Union, par la suite modifié ou abrogé, et qui ont été maintenues par les dispositions d’un nouvel acte de l’Union. En revanche, l’objet du litige ne saurait être étendu à des obligations qui découlent de nouvelles dispositions n’ayant pas d’équivalent dans la version initiale de l’acte en cause, sous peine de constituer une violation des formes substantielles de la régularité de la procédure constatant le manquement (voir, à cet égard, arrêts Commission/Italie, précité, point 36; du 12 juin 2003, Commission/Italie, C-363/00, Rec. p. I-5767, point 22, et du 10 septembre 2009, Commission/Grèce, C‑416/07, Rec. p. I‑7883, point 28).

129    Par conséquent, les conclusions contenues dans la requête de la Commission visant à faire constater que la République fédérale d’Allemagne a manqué à ses obligations découlant de la directive 2005/36 sont, en principe, recevables à condition que les obligations découlant de cette directive soient analogues à celles qui découlent de la directive 89/48 (voir, par analogie, arrêt du 10 septembre 2009, Commission/Grèce, précité, point 29).

130    Or, ainsi qu’il découle du neuvième considérant de la directive 2005/36, tout en visant à améliorer, à réorganiser et à rationaliser les dispositions existantes par une uniformisation des principes applicables, cette directive maintient, pour la liberté d’établissement, les principes et les garanties sous-jacents aux différents systèmes de reconnaissance en vigueur, tels que celui instauré par la directive 89/48.

131    De même, le quatorzième considérant de la directive 2005/36 énonce que le mécanisme de reconnaissance établi, notamment, par la directive 89/48 reste inchangé.

132    En l’occurrence, le reproche que fait la Commission à la République fédérale d’Allemagne vise, en ce qui concerne la profession de notaire, le défaut de transposition non pas d’une disposition déterminée de la directive 2005/36, mais de cette directive dans sa globalité.

133    Dans ces conditions, il convient de constater que la prétendue obligation de transposition à la profession de notaire de la directive 2005/36 est analogue à celle découlant de la directive 89/48 dans la mesure où, d’une part, les principes et les garanties sous-jacents au mécanisme de reconnaissance instauré par cette dernière directive sont maintenus dans la première et, d’autre part, ce mécanisme de reconnaissance est resté inchangé après l’adoption de la directive 2005/36.

134    Par conséquent, le présent grief doit être considéré comme recevable.

–       Sur le fond

135    La Commission reproche à la République fédérale d’Allemagne de ne pas avoir transposé les directives 89/48 et 2005/36 en ce qui concerne la profession de notaire. Il convient, par conséquent, d’examiner si lesdites directives ont vocation à s’appliquer à cette profession.

136    À cet égard, il y a lieu de tenir compte du contexte législatif dans lequel celles-ci s’inscrivent.

137    Il convient ainsi de relever que le législateur a expressément prévu, au douzième considérant de la directive 89/48, que le système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur, instauré par celle-ci, «ne préjuge en rien l’application [...] de l’article [45 CE]». La réserve ainsi émise traduit la volonté du législateur de laisser les activités relevant de l’article 45, premier alinéa, CE en dehors du champ d’application de cette directive.

138    Or, au moment de l’adoption de ladite directive, la Cour n’avait pas encore eu l’occasion de se prononcer sur la question de savoir si les activités notariales relèvent ou non de l’article 45, premier alinéa, CE.

139    Au cours des années qui ont suivi l’adoption de la directive 89/48, le Parlement, dans ses résolutions de 1994 et de 2006, mentionnées aux points 57 et 113 du présent arrêt, a affirmé, d’une part, que l’article 45, premier alinéa, CE devait s’appliquer intégralement à la profession de notaire en tant que telle, alors que, d’autre part, il a fait état de son souhait que soit supprimée la condition de nationalité pour l’accès à cette profession.

140    En outre, lors de l’adoption de la directive 2005/36, laquelle s’est substituée à la directive 89/48, le législateur de l’Union a pris le soin de préciser, au quarante et unième considérant de la première de ces directives, que celle-ci ne préjuge pas l’application de l’article 45 CE, «notamment en ce qui concerne les notaires». Or, en émettant cette réserve, le législateur de l’Union n’a pas pris position sur l’applicabilité de l’article 45, premier alinéa, CE, et, partant, de la directive 2005/36, aux activités notariales.

141    En attestent, notamment, les travaux préparatoires de cette dernière directive. En effet, le Parlement avait proposé, dans sa résolution législative sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (JO 2004, C 97E, p. 230), arrêtée en première lecture le 11 février 2004, qu’il soit explicitement indiqué dans le texte de la directive 2005/36 que celle-ci ne s’applique pas aux notaires. Si cette proposition n’a pas été retenue dans la proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles [COM(2004) 317 final], ni dans la position commune (CE) n° 10/2005, du 21 décembre 2004, arrêtée par le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251 du traité instituant la Communauté européenne, en vue de l’adoption d’une directive du Parlement européen et du Conseil relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (JO 2005, C 58E, p. 1), c’est non pas au motif que la directive envisagée devait s’appliquer à la profession de notaire, mais au motif notamment qu’«une dérogation aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services pour les activités qui impliquent une participation directe et spécifique à l’autorité publique [était] prévue par l’article 45 [, premier alinéa,] CE».

142    À cet égard, compte tenu des circonstances particulières qui ont accompagné le processus législatif ainsi que de la situation d’incertitude qui en a résulté, comme il ressort du contexte législatif rappelé ci-dessus, il n’apparaît pas possible de constater qu’il existait, au terme du délai imparti dans l’avis motivé, une obligation suffisamment claire pour les États membres de transposer les directives 89/48 et 2005/36 en ce qui concerne la profession de notaire.

143    Il y a lieu, par conséquent, de rejeter le second grief.

144    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en imposant une condition de nationalité pour l’accès à la profession de notaire, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 43 CE et de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

145    En vertu de l’article 69, paragraphe 3, du règlement de procédure, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Étant donné qu’il n’est fait que partiellement droit au recours de la Commission, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

146    Aux termes de l’article 69, paragraphe 4, premier alinéa, de ce même règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. La République de Bulgarie, la République tchèque, la République d’Estonie, la République française, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République de Hongrie, la République d’Autriche, la République de Pologne, la République de Slovénie, la République slovaque et le Royaume-Uni supporteront par conséquent leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:

1)      En imposant une condition de nationalité pour l’accès à la profession de notaire, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 43 CE.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission européenne, la République fédérale d’Allemagne, la République de Bulgarie, la République tchèque, la République d’Estonie, la République française, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République de Hongrie, la République d’Autriche, la République de Pologne, la République de Slovénie, la République slovaque et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supportent leurs propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.

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