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Document 62008CC0160

    Conclusions de l'avocat général Trstenjak présentées le 11 février 2010.
    Commission européenne contre République fédérale d'Allemagne.
    Manquement d’État - Marchés publics de services - Articles 43 CE et 49 CE - Directives 92/50/CEE et 2004/18/CE - Services publics de secours - Transport médical d’urgence et transport sanitaire qualifié - Obligation de transparence - Article 45 CE - Activités participant à l’exercice de l’autorité publique - Article 86, paragraphe 2, CE - Services d’intérêt économique général.
    Affaire C-160/08.

    Recueil de jurisprudence 2010 I-03713

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2010:67

    CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    MME VERICA TRSTENJAK

    présentées le 11 février 2010 ( 1 )

    Affaire C-160/08

    Commission européenne

    contre

    République fédérale d’Allemagne

    Table des matières

     

    I — Introduction

     

    II — Cadre juridique

     

    A — La directive 92/50

     

    B — La directive 2004/18

     

    III — Les faits

     

    IV — Procédure précontentieuse

     

    V — Procédure devant la Cour et conclusions des parties

     

    VI — Principaux arguments des parties

     

    VII — Appréciation juridique

     

    A — Recevabilité

     

    1. Les services de secours en tant que services mixtes dans le système des directives sur les marchés publics

     

    2. La modification de la formulation des demandes dans la requête

     

    3. Conclusion

     

    B — Bien-fondé du recours

     

    1. L’inapplicabilité de l’exemption sectorielle de l’article 45, premier alinéa, CE

     

    2. L’absence de justification au sens de l’article 86, paragraphe 2, CE

     

    3. Analyse des neuf passations de marchés litigieuses

     

    a) Passation de marchés par la ville de Magdebourg (Saxe-Anhalt)

     

    i) La violation de l’article 16 de la directive 92/50 ou de l’article 35, paragraphe 4, de la directive 2004/18

     

    ii) L’absence de violation des principes de droit primaire de non-discrimination et de transparence

     

    — Analyse du bien-fondé dans le cas de figure où le moyen fondé sur la violation du droit primaire serait partiellement irrecevable

     

    — Subsidiairement: examen du bien-fondé au cas où le moyen relatif à la violation du droit primaire devrait être jugé entièrement recevable

     

    Le principe de primauté du droit dérivé

     

    La preuve de l’intérêt transfrontalier à l’attribution de services de seconde catégorie

     

    iii) Conclusion

     

    b) Passations de marchés par les villes de Bonn (Rhénanie-du-Nord-Westphalie) et de Witten (Rhénanie-du-Nord-Westphalie), par la région de Hanovre (Basse-Saxe) et par l’arrondissement de Hameln-Pyrmont (Basse-Saxe)

     

    c) La passation de marché par l’arrondissement d’Uelzen (Basse-Saxe)

     

    d) Les passations de marchés par les groupements locaux de services de secours de Westsachsen (Saxe), de Chemnitz/Stollberg (Saxe) et de Vogtland (Saxe)

     

    e) Conclusion

     

    4. La pratique illégale de la République fédérale d’Allemagne en matière de passation de marchés

     

    VIII — Sur les dépens

     

    IX — Conclusion

    «Manquement d’État — Marchés publics de services — Articles 43 CE et 49 CE — Directives 92/50/CEE et 2004/18/CE — Services publics de secours — Transport médical d’urgence et transport sanitaire qualifié — Obligation de transparence — Article 45 CE — Activités participant à l’exercice de l’autorité publique — Article 86, paragraphe 2, CE — Services d’intérêt économique général»

    I — Introduction

    1.

    La présente affaire concerne un recours en manquement formé par la Commission européenne en vertu de l’article 226 CE, par lequel celle-ci demande à la Cour de constater que, en ayant attribué des marchés de prestations de services dans le domaine des services publics de secours dans les Länder de Saxe-Anhalt, de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, de Basse-Saxe et de Saxe sans qu’ils aient fait l’objet d’un appel d’offres ou de manière non transparente et en ne publiant pas d’avis concernant des marchés qu’elle a passés, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services ( 2 ), et de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du , relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services ( 3 ), ainsi qu’aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services (articles 43 CE et 49 CE).

    II — Cadre juridique

    A — La directive 92/50

    2.

    Conformément à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 92/50, les pouvoirs adjudicateurs veillent à ce qu’il n’y ait pas de discrimination entre les différents prestataires de services.

    3.

    L’article 10 de la directive 92/50 dispose:

    «Les marchés qui ont pour objet à la fois des services figurant à l’annexe I A et des services figurant à l’annexe I B sont passés conformément aux dispositions des titres III à VI lorsque la valeur des services figurant à l’annexe I A dépasse celle des services figurant à l’annexe I B. Dans les autres cas, le marché est passé conformément aux articles 14 et 16.»

    4.

    En vertu de l’article 16 de la directive 92/50:

    «1.   Les pouvoirs adjudicateurs qui ont passé un marché public ou organisé un concours envoient un avis concernant les résultats de la procédure d’attribution à l’Office des publications officielles des Communautés européennes.

    2.   Les avis seront publiés:

    […]»

    B — La directive 2004/18

    5.

    Selon l’article 2 de la directive 2004/18, les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité, de manière non discriminatoire et agissent avec transparence.

    6.

    L’article 22 de la directive 2004/18 dispose:

    «Les marchés qui ont pour objet à la fois des services figurant à l’annexe II A et des services figurant à l’annexe II B sont passés conformément aux articles 23 à 55 lorsque la valeur des services figurant à l’annexe II A dépasse celle des services figurant à l’annexe II B. Dans les autres cas, le marché est passé conformément à l’article 23 et à l’article 35, paragraphe 4.»

    7.

    En vertu de l’article 35, paragraphe 4, de la directive 2004/18:

    «Les pouvoirs adjudicateurs qui ont passé un marché public ou conclu un accord-cadre envoient un avis concernant les résultats de la procédure de passation au plus tard 48 jours après la passation du marché ou de la conclusion de l’accord-cadre.

    […]

    Dans le cas des marchés publics de services énumérés à l’annexe II B, les pouvoirs adjudicateurs indiquent, dans l’avis, s’ils en acceptent la publication. Pour ces marchés de services, la Commission établit, selon la procédure visée à l’article 77, paragraphe 2, les règles relatives à l’élaboration de rapports statistiques sur la base de ces avis et à la publication de ces rapports.

    […]»

    III — Les faits

    8.

    En Allemagne, le droit des services de secours relève de la compétence législative des Länder, qui font usage de leur pouvoir d’aménagement législatif de différentes manières.

    9.

    Dans la majorité des Länder allemands, les services de secours sont assurés dans le cadre d’un système dualiste, qui établit une distinction entre les services publics de secours et les prestations de services de secours reposant sur des autorisations accordées conformément aux lois des Länder sur les services de secours.

    10.

    Les services publics de secours comprennent généralement aussi bien les prestations de transport d’urgence que les prestations de transport sanitaire qualifié. Le transport d’urgence désigne l’acheminement, sous supervision spécialisée, de personnes blessées ou malades en danger de mort, en voiture de secours ou en ambulance. Le transport sanitaire qualifié est l’acheminement, sous supervision spécialisée, de personnes malades, blessées ou ayant besoin d’une assistance quelconque, dont la situation ne revêt pas un caractère d’urgence, en véhicule sanitaire.

    11.

    Plusieurs Länder ont choisi de laisser les villes, les arrondissements, les groupements locaux de services de secours, etc. choisir les prestataires des services publics de secours. À cette fin, ces collectivités locales concluent généralement des contrats relatifs à la fourniture de services de secours à la population de l’ensemble d’un territoire avec différents prestataires de services. Lorsque la rémunération de ces services est directement assurée par la collectivité locale, le modèle contractuel en cause est qualifié de «modèle de soumission». En revanche, lorsque la rémunération est assurée par la perception d’une contrepartie financière, par le contractant, directement auprès des patients ou des caisses de maladie, le modèle en cause est qualifié de «modèle de concession».

    12.

    Par son recours, la Commission critique l’attribution de marchés publics dans le domaine des services publics de secours dans les Länder de Basse-Saxe, de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, de Saxe et de Saxe-Anhalt, dans lesquels le modèle de soumission est toujours appliqué. La Commission désapprouve notamment le fait que, dans ces Länder, les marchés dans le domaine des services publics de secours, qui relèvent des directives en matière de marchés publics, n’ont en règle générale pas fait l’objet d’un appel d’offres et n’ont pas été attribués de manière transparente.

    IV — Procédure précontentieuse

    13.

    La Commission ayant reçu plusieurs plaintes, elle a, par lettre du 10 avril 2006, informé la République fédérale d’Allemagne du fait que, dans le cadre de la passation de marchés de services de secours à titre onéreux dans les Länder de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, de Basse-Saxe, de Saxe et de Saxe-Anhalt, elle pourrait avoir violé les directives en matière de marchés publics ainsi que le droit primaire. Elle a, en même temps, informé cet État membre du fait que, dans le cadre de l’adjudication des concessions de services de secours, elle pourrait avoir violé les principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services. Conformément à l’article 226 CE, le gouvernement allemand a donc été invité à présenter ses observations sur la position de la Commission dans un délai de deux mois.

    14.

    Dans ses observations du 10 juillet 2006, la République fédérale d’Allemagne a contesté ces atteintes au droit communautaire. En outre, une modification législative se serait produite en Saxe en 2005, avec pour conséquence que, dans ce Land, les services de secours feraient l’objet d’une adjudication à la suite d’une procédure de sélection tenant compte des principes d’une concurrence exempte de discrimination, et ce, au plus tard, à partir du .

    15.

    Par lettre du 15 décembre 2006, la Commission a adressé un avis motivé à la République fédérale d’Allemagne. Elle y concluait que la République fédérale d’Allemagne avait manqué ou continuait de manquer aux obligations qui lui incombent en vertu des directives 92/50 et 2004/18 ainsi qu’aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services. Elle a invité cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour se conformer audit avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.

    16.

    Dans sa réponse du 22 février 2007, la République fédérale d’Allemagne a de nouveau rejeté le point de vue juridique de la Commission. Aucune violation du droit communautaire ne serait identifiable dans les cas particuliers mentionnés par la Commission.

    V — Procédure devant la Cour et conclusions des parties

    17.

    La République fédérale d’Allemagne ne s’étant pas conformée à l’avis motivé, la Commission a introduit un recours sur le fondement de l’article 226 CE, le 15 avril 2008.

    18.

    La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

    constater que, en passant des marchés de services dans le domaine des services publics de secours sans faire preuve de transparence et sans procéder à des appels d’offres publics et en ne publiant pas d’avis sur les marchés attribués, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des directives 92/50 et 2004/18 ainsi qu’aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services (articles 43 CE et 49 CE);

    condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.

    19.

    La République fédérale d’Allemagne demande à la Cour de rejeter le recours et de condamner la Commission aux dépens.

    20.

    Par ordonnance du président de la Cour du 16 décembre 2008, le Royaume des Pays-Bas a été admis à intervenir à l’appui des conclusions de la République fédérale d’Allemagne. Il demande, au soutien de la défenderesse, le rejet du recours de la Commission.

    VI — Principaux arguments des parties

    21.

    Selon la Commission, dans le cadre de la passation de marchés dans le domaine de la prestation des services publics de transport d’urgence et de transport sanitaire qualifié, une pratique d’adjudication des marchés à des prestataires locaux contraire au droit des marchés publics, sans appel d’offres à l’échelle européenne et sans garantie d’une transparence appropriée, s’est établie dans plusieurs Länder.

    22.

    En renvoyant à neuf exemples concrets de marchés passés dans les Länder de Basse-Saxe, de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, de Saxe et de Saxe-Anhalt, la Commission souligne tout d’abord que les villes, les arrondissements et les groupements locaux de services de secours compétents pour les marchés respectifs constituent des pouvoirs adjudicateurs au sens des directives en matière de marchés publics. Par ailleurs, les marchés passés dans le domaine des services publics de secours devraient être qualifiés de marchés publics à titre onéreux dont le montant dépasserait nettement, dans les exemples en cause, les seuils financiers d’application définis par les directives 92/50 ou 2004/18.

    23.

    Dans la mesure où ces marchés publics ont été passés avant le 31 janvier 2006, ils relèveraient de la directive 92/50. Comme ces marchés portaient sur des services mixtes, ils auraient dû être attribués dans le respect des dispositions des titres III et IV ou des articles 14 et 16 de la directive 92/50, selon que la valeur des prestations de transport ou celle des prestations médicales était supérieure. Pour les marchés passés après le délai de transposition de la directive 2004/18, cette dernière contiendrait des dispositions équivalentes.

    24.

    Compte tenu du fait que tous les exemples mentionnés concernaient des marchés présentant un intérêt transfrontalier, la République fédérale d’Allemagne aurait également manqué au principe de non-discrimination et à l’obligation de transparence, inhérents aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services.

    25.

    Selon la Commission, lesdites violations ne constituent pas des cas isolés, mais prouvent l’existence, en matière d’attribution de marchés publics, d’une pratique générale contraire au droit communautaire. Elle estime que son appréciation est confirmée par le nombre très limité d’appels d’offres au niveau européen relatifs aux services de secours ou d’avis d’attribution de marché.

    26.

    Selon le gouvernement allemand, le fait que la Commission veuille déduire une condamnation globale de la pratique de la République fédérale d’Allemagne en matière de passation de marchés sur la base d’éléments de fait relatifs à certaines procédures de passation de marchés dans quatre Länder sur seize est irrégulier. En outre, certains éléments de fait allégués par la Commission seraient incorrects.

    27.

    Le gouvernement allemand invoque, en outre, l’exemption sectorielle de l’article 45, premier alinéa, CE lu en combinaison avec l’article 55 CE, en vertu de laquelle les chapitres du traité CE relatifs à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services ne s’appliquent pas aux activités participant, dans un État membre, même à titre occasionnel, à l’exercice de l’autorité publique, ce qui serait le cas des services de secours en cause en l’espèce. Étant donné que ces deux chapitres du traité constitueraient le fondement juridique des directives en matière de marchés publics, ces dernières ne seraient pas non plus applicables en l’espèce.

    28.

    À titre subsidiaire, le gouvernement allemand invoque le fait que les services de secours en cause satisfont aux conditions requises pour être privilégiés en vertu de l’article 86, paragraphe 2, CE. Cette disposition prévoyant une dérogation non seulement aux règles en matière de concurrence, mais également à toutes les autres dispositions du traité, le recours de la Commission serait également dépourvu de fondement de ce point de vue. Enfin, le gouvernement allemand renvoie à deux décisions du Bundesgerichtshof du 1er décembre 2008 en vertu desquelles le droit des marchés publics serait désormais également applicable dans le cadre de la passation de marchés relatifs à des services de secours.

    29.

    Le gouvernement néerlandais part du principe que la République fédérale d’Allemagne n’a porté atteinte ni aux directives en matière de marchés publics ni aux articles 43 CE et 49 CE. Les services publics de secours en cause devraient être qualifiés de services d’intérêt économique général au sens de l’article 86, paragraphe 2, CE. À cet égard, il conviendrait de tenir compte du fait que l’exception prévue par cette disposition s’applique également dans le domaine des libertés fondamentales. Enfin, le gouvernement néerlandais évoque la possibilité d’une application de l’exemption sectorielle des articles 45 CE et 55 CE. À ce sujet, il incline à penser que les conditions d’application de ces dispositions dérogatoires pourraient être remplies en ce qui concerne les services de secours en cause.

    VII — Appréciation juridique

    A — Recevabilité

    30.

    Une caractéristique particulière des procédures en manquement au sens de l’article 226 CE réside dans le fait que la détermination de l’objet de la procédure au cours de la procédure précontentieuse limite l’objet recevable d’un recours en justice ultérieur. Suivant une jurisprudence constante, l’avis motivé et le recours en manquement qui s’ensuit doivent être fondés sur les mêmes motifs et moyens, de sorte que la Cour ne peut pas examiner un grief qui n’a pas été formulé dans l’avis motivé ( 4 ).

    31.

    Cette condition de recevabilité, qui interdit une extension des griefs figurant dans le recours par rapport à ceux figurant dans l’avis motivé, vise à assurer la protection des droits de la défense de l’État membre en cause, qui doit avoir la possibilité de se conformer à ses obligations découlant du droit communautaire et de faire utilement valoir ses moyens de défense à l’encontre des griefs formulés par la Commission. Cette condition reflète également la règle générale et fondamentale de droit procédural en vertu de laquelle la procédure contentieuse éventuelle doit avoir pour objet un litige clairement défini ( 5 ).

    32.

    Selon moi, dans le cadre de la formulation de ses demandes en l’espèce, c’est de manière illicite que la Commission est allée au-delà des griefs formulés dans l’avis motivé. Afin de préciser et de délimiter cette extension illégale du recours, je m’intéresserai, tout d’abord, à la classification des services de secours en cause dans le système des directives en matière de marchés publics. Ensuite, je montrerai comment, dans sa requête, la Commission a modifié la formulation de ses demandes figurant dans l’avis motivé et comment cette modification a également entraîné un changement de l’objet du recours.

    33.

    Le fait que la République fédérale d’Allemagne n’ait pas expressément invoqué l’illégalité de l’extension du recours est toutefois sans importance. L’interdiction de l’extension de l’objet du litige constituant une garantie essentielle voulue par le traité, dont l’observation est une forme substantielle de la régularité de la procédure constatant un manquement d’un État membre ( 6 ), la Cour peut constater cette extension d’office, même si la République fédérale d’Allemagne ne l’a pas critiquée ( 7 ).

    1. Les services de secours en tant que services mixtes dans le système des directives sur les marchés publics

    34.

    Aussi bien la directive 92/50 que la directive 2004/18 effectuent une différenciation entre les services de première catégorie et ceux de seconde catégorie. Les premiers sont énumérés dans l’annexe I A de la directive 92/50 ainsi que dans l’annexe II A de la directive 2004/18, dont le contenu est identique, et ils couvrent notamment les services dans le domaine des transports terrestres. Les services de seconde catégorie sont énumérés dans l’annexe I B de la directive 92/50 ainsi que dans l’annexe II B de la directive 2004/18, dont le contenu est identique, et ils couvrent notamment les services sanitaires. Du point de vue du droit des marchés publics, la différence la plus importante entre les services de première catégorie des annexes I A ou II A et les services de seconde catégorie des annexes I B ou II B réside dans le fait que la directive sur les marchés publics en cause ne s’applique pleinement qu’aux services de première catégorie ( 8 ). En ce qui concerne les services de seconde catégorie, il est simplement prévu que les règles relatives aux spécifications techniques s’appliquent et que les pouvoirs adjudicateurs doivent informer la Commission de l’attribution des marchés ( 9 ).

    35.

    En l’espèce, il n’est pas contesté que les services de secours en cause doivent être considérés comme des services mixtes, composés aussi bien de services de première catégorie que de services de seconde catégorie. Cette classification découle directement de l’arrêt Tögel ( 10 ), dans lequel les services de transport de blessés et de malades en présence d’un infirmier ont été qualifiés de services mixtes au sens de l’article 10 de la directive 92/50 ( 11 ). À cet égard, le transport de personnes doit être considéré comme un service de première catégorie, alors que les services sanitaires durant le transport doivent être considérés comme un service de seconde catégorie.

    36.

    Conformément à l’article 10 de la directive 92/50 ou à l’article 22 de la directive 2004/18, la directive sur les marchés publics en cause est pleinement applicable aux marchés mixtes relatifs à des services de première et de seconde catégorie lorsque la valeur des services de première catégorie dépasse celle des services de seconde catégorie. Dans le cas contraire, les marchés mixtes doivent être considérés comme des marchés portant sur des services de seconde catégorie.

    2. La modification de la formulation des demandes dans la requête

    37.

    Dans son avis motivé, la Commission a expressément pris en compte la nature mixte des services de secours en cause, aussi bien dans le cadre de son appréciation juridique que dans celui de la formulation des différents griefs.

    38.

    Dans son avis motivé, la Commission a, en particulier, invoqué le fait que les services de secours en cause sont caractérisés par une prépondérance des services de transport au sens de l’annexe I A de la directive 92/50 ou de l’annexe II A de la directive 2004/18, de sorte que, à l’occasion de la passation de ces marchés, la République fédérale d’Allemagne aurait violé l’article 10 lu en combinaison avec les titres III et IV de la directive 92/50 et, depuis le 1er février 2006, l’article 22 lu en combinaison avec les articles 23 à 55 de la directive 2004/18. Au cas où, dans certains des cas exposés, les services sanitaires au sens de l’annexe I B de la directive 92/50 ou de l’annexe II B de la directive 2004/18 seraient prépondérants, la Commission invoque, à titre subsidiaire, une violation de l’article 10 lu en combinaison avec l’article 16 de la directive 92/50 et, depuis le , de l’article 22 lu en combinaison avec l’article 35, paragraphe 4, de la directive 2004/18, et, en tout cas, une violation des principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services au sens des articles 43 CE et 49 CE et du principe de non-discrimination qui leur est inhérent.

    39.

    Dans son recours, la Commission s’est délibérément abstenue de répondre à la question de savoir si les services de secours en cause concernaient de manière primordiale les services de transport de personnes ou, au contraire, les services sanitaires. Selon elle, cette question pourrait désormais rester en suspens, car les passations de marchés critiquées auraient en tout cas porté atteinte aux règles relatives à l’obligation de notification des marchés passés, conformément à l’article 16 de la directive 92/50 ou à l’article 35, paragraphe 4, de la directive 2004/18, ainsi qu’au principe de non-discrimination, inhérent aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services.

    40.

    En changeant ainsi la formulation de sa demande, la Commission a modifié de manière illicite l’objet du recours.

    41.

    Alors que, dans son avis motivé, la Commission est partie du principe que la passation de marchés relatifs aux services de secours n’aurait violé les principes de transparence et de non-discrimination issus du droit primaire que dans les cas où l’aspect relatif aux services sanitaires était prépondérant, elle fonde son recours sur un point de vue différent selon lequel les principes de transparence et de non-discrimination auraient toujours dû être respectés dans le cadre de la passation des marchés relatifs aux services de secours en cause. Toutefois, cela implique nécessairement que les principes de non-discrimination et de transparence puissent également être violés de manière directe dans le contexte de la passation de marchés relatifs à des services de secours pour lesquels l’aspect du transport est prépondérant, ce qui n’a été invoqué ni explicitement ni implicitement dans l’avis motivé.

    42.

    L’extension de l’objet de la procédure réside donc dans le fait qu’une violation des principes de non-discrimination et de transparence inhérents aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services est désormais également invoquée en ce qui concerne la passation de marchés relatifs à des services mixtes de secours pour lesquels l’aspect du transport est prépondérant. Le présent recours doit être déclaré irrecevable sur ce point.

    43.

    On ne saurait y opposer que les obligations de publicité et d’appel à la concurrence prévues par les directives sur les marchés publics constituent, en fin de compte, une expression, en droit dérivé, des principes de non-discrimination et de transparence du droit primaire et que, sur le fond, avec sa demande désormais fondée sur le droit primaire, la Commission ne serait donc pas allée au-delà des griefs formulés dans l’avis motivé. En effet, le point déterminant réside dans le fait que, dans son recours, la Commission invoque une violation du droit primaire en ce qui concerne des services mixtes de première catégorie, alors qu’elle exposait encore, dans son avis motivé, que ces services relevaient entièrement des directives sur les marchés publics et n’invoquait donc qu’une violation de ces directives. Par conséquent, au cours de la procédure précontentieuse, la République fédérale d’Allemagne n’a pas pu s’intéresser à la question de savoir si la passation de marchés relatifs à la prestation de services de secours, qui portent primordialement sur des prestations de transport de personnes et relèvent donc entièrement des directives sur les marchés publics, peut être appréciée directement à l’aune des critères de droit primaire résultant des principes de non-discrimination et de transparence ( 12 ).

    44.

    Si la modification de l’objet du recours que j’ai signalée venait à être jugée licite, cela conduirait à une atteinte inacceptable aux droits de la défense de la République fédérale d’Allemagne, car cette dernière se verrait ainsi privée de l’opportunité de discuter, dès la procédure précontentieuse, de la question fondamentale visant à déterminer si et dans quelle mesure la Commission pouvait fonder en droit primaire ses demandes relatives à la passation de marchés relatifs à des services mixtes de première catégorie.

    45.

    À ce stade, il convient également de renvoyer au fait que, dans son recours, la Commission semble, à certains endroits, invoquer une violation de l’article 2 de la directive 2004/18 et demander une condamnation correspondante de la République fédérale d’Allemagne ( 13 ). Dans la mesure où les conclusions de la Commission devraient être comprises en ce sens, cette demande doit également être rejetée comme irrecevable, car la violation de l’article 2 de la directive 2004/18 n’a pas été invoquée de manière expresse dans l’avis motivé.

    3. Conclusion

    46.

    Je conclus, des considérations qui précèdent, que le présent recours en manquement doit être rejeté comme irrecevable dans la mesure où il a également pour objet une violation des principes de non-discrimination et de transparence inhérents aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services en ce qui concerne la passation de marchés de services de secours pour lesquels le transport présente un caractère prédominant.

    47.

    Au cas où la Cour parviendrait à la conclusion que, par son recours, la Commission demande aussi la constatation d’une violation de l’article 2 de la directive 2004/18, cette demande doit également être rejetée comme irrecevable.

    B — Bien-fondé du recours

    48.

    La République fédérale d’Allemagne oppose trois lignes d’argumentation au recours en manquement formé par la Commission. Premièrement, le gouvernement allemand invoque l’exemption sectorielle de l’article 45 CE et, à titre subsidiaire, la justification prévue à l’article 86, paragraphe 2, CE. Deuxièmement, il conteste certaines des données de fait exposées par la Commission. Troisièmement, il conteste la demande de la Commission relative à la constatation de l’existence d’une pratique contraire au droit des marchés publics.

    49.

    Dans ce contexte, j’examinerai d’abord, ci-après, la problématique de la passation de marchés relatifs à des services de secours au regard de l’article 45, premier alinéa, CE en combinaison avec l’article 55 CE et, ensuite, à la lumière de l’article 86, paragraphe 2, CE. Puis je m’intéresserai à chacune des neuf passations de marchés critiquées par la Commission. Enfin, j’étudierai la question de savoir si les résultats de ces examens justifient la constatation de l’existence d’une pratique contraire au droit des marchés publics.

    1. L’inapplicabilité de l’exemption sectorielle de l’article 45, premier alinéa, CE

    50.

    Conformément à l’article 45, premier alinéa, CE lu en combinaison avec l’article 55 CE, les dispositions de droit primaire relatives à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services ne s’appliquent pas aux activités participant, dans un État membre, même à titre occasionnel, à l’exercice de l’autorité publique. Si, dans un État membre, une activité participe à l’exercice de l’autorité publique, elle est alors exclue du champ d’application de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services.

    51.

    Il en va de même pour les dispositions de droit dérivé adoptées pour la mise en œuvre des chapitres relatifs à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services. Dans la mesure où ces actes de droit dérivé régissent également des activités participant à l’exercice de l’autorité publique, une interprétation de ces dispositions en conformité avec le traité aboutit à la constatation que lesdites activités sont, dans les États membres en cause, exclues du champ d’application de ces dispositions ( 14 ).

    52.

    Au cas où les prestations de transport d’urgence et de transport sanitaire, qui font l’objet des passations de marchés litigieuses, participeraient à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE, la violation des principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services qu’invoque la Commission devrait être rejetée comme dépourvue de fondement. Par ailleurs, comme la directive 92/50 et la directive 2004/18 ont été adoptées sur le fondement des articles 47, paragraphe 2, CE et 55 CE, et donc dans l’exercice des règles de compétence de droit primaire du chapitre relatif à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services, le moyen fondé sur la violation de ces directives sur les marchés publics devrait, dans ce cas, également être rejeté comme dépourvu de fondement.

    53.

    Toutefois, il me semble douteux que la prestation de services de transport d’urgence et de transport sanitaire puisse, au sens de l’article 45, premier alinéa, CE, être qualifiée d’activité participant, même à titre occasionnel, à l’exercice de l’autorité publique.

    54.

    Premièrement, il convient de rappeler que l’interprétation de la notion d’«exercice de l’autorité publique» au sens de l’article 45, premier alinéa, CE relève du domaine du droit communautaire. En effet, l’ordre juridique communautaire n’entend pas, en principe, définir ses qualifications en s’inspirant d’un ordre juridique national ou de plusieurs d’entre eux sans précision expresse ( 15 ).

    55.

    Il convient donc de répondre à la question de savoir si une activité participe à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE sur le fondement de la définition, en droit communautaire, de l’autorité publique au sens de cette disposition.

    56.

    L’exercice de l’autorité publique (ou une participation à celui-ci) au sens de l’article 45 CE implique la faculté d’user de droits exclusifs, de privilèges de puissance publique ou de pouvoirs de coercition qui s’imposent aux citoyens ( 16 ).

    57.

    Compte tenu de l’importance capitale des libertés fondamentales pour le marché intérieur, l’article 45, premier alinéa, CE — le cas échéant en combinaison avec l’article 55 CE — doit, en tant qu’exception aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services, faire l’objet d’une interprétation restrictive ( 17 ). Ainsi, toute activité dans le cadre de laquelle des droits exclusifs, des privilèges de puissance publique ou des pouvoirs de coercition peuvent être exercés vis-à-vis du citoyen ne relève pas du champ d’application de la dérogation prévue à l’article 45, premier alinéa, CE. Au contraire, il est nécessaire que la participation à l’exercice de l’autorité publique présente une intensité suffisante et soit suffisamment directe.

    58.

    En d’autres termes, la condition relative à l’«exercice de l’autorité publique» au sens de l’article 45, premier alinéa, CE implique un exercice suffisamment qualifié de droits exclusifs, de privilèges de puissance publique ou de pouvoirs de coercition. Cette appréciation qualitative de la participation aux missions de puissance publique a été synthétisée par la Cour dans l’exigence selon laquelle une application de l’article 45, premier alinéa, CE — le cas échéant en combinaison avec l’article 55 CE — implique une participation «directe» et «spécifique» à l’exercice de l’autorité publique ( 18 ).

    59.

    Ainsi, dans son arrêt du 29 octobre 1998, Commission/Espagne ( 19 ), la Cour a, dans le cadre de l’examen de la question de savoir si les activités d’entreprises de sécurité privée en Espagne participaient à l’exercice de l’autorité publique, souligné que, même lorsque de telles entreprises sont, dans des situations déterminées, appelées à assister les Forces et corps de sécurité, il ne s’agit là que de fonctions auxiliaires. Par conséquent, les entreprises de sécurité privée ne participent pas «directement et spécifiquement» à l’exercice de l’autorité publique. Dans ses conclusions dans cette affaire, l’avocat général Alber a suggéré une telle conclusion en indiquant qu’il ne faut pas voir, dans la distinction entre fonctions principales et d’assistance, un critère quantitatif, mais bien un critère qualitatif, et qu’il existe une distinction graduelle entre les prérogatives respectives du personnel de sécurité privée et des Forces et corps de sécurité ( 20 ).

    60.

    La Cour s’est montrée tout aussi stricte dernièrement, dans son arrêt Commission/Portugal ( 21 ), dans lequel elle a jugé que les activités des organismes privés de contrôle technique de véhicules en cause dans cette affaire ne relèvent pas de la dérogation prévue à l’article 45 CE, même si ces organismes établissent des certificats relatifs au contrôle technique effectué et exercent, de ce point de vue, des prérogatives de puissance publique. Toutefois, selon la Cour, cet exercice de prérogatives de puissance publique ne remplit pas le critère qualitatif de la participation «directe et spécifique» à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45 CE. À cet égard, la Cour renvoie, d’une part, au fait que l’établissement du certificat ne revenait qu’à tirer les conséquences juridiques prévues pour le contrôle technique en cause, sans que les organismes de contrôle technique disposent d’une véritable autonomie décisionnelle. En outre, la décision de certifier ou non le contrôle technique était prise dans le cadre d’une surveillance étatique directe ( 22 ).

    61.

    Auparavant, la Cour avait déjà constaté, à l’occasion de l’examen de l’applicabilité de l’exemption sectorielle de l’article 45 CE aux commissaires auprès des entreprises d’assurances et des institutions privées de prévoyance, que l’exercice de fonctions simplement auxiliaires et préparatoires vis-à-vis d’une entité qui exerce effectivement l’autorité publique en disposant de la décision finale ne peut pas être considéré comme une participation à l’exercice de l’autorité publique au sens de ladite dérogation ( 23 ).

    62.

    En résumé, il convient de constater que, en vertu d’une jurisprudence désormais constante, la reconnaissance d’un «exercice de l’autorité publique» au sens de l’article 45, premier alinéa, CE doit répondre à des exigences qualitatives élevées, qui, jusqu’à maintenant, ont presque toujours fait échec à l’invocation de l’article 45 CE ( 24 ).

    63.

    En l’espèce, il me semble que les prestataires de services de transport d’urgence et de transport sanitaire participent certes, dans une mesure limitée, à l’exercice de l’autorité publique, sans toutefois que les caractéristiques qualitatives requises pour l’application de l’article 45 CE soient réunies.

    64.

    La République fédérale d’Allemagne estime que la participation à l’exercice de l’autorité publique est, tout d’abord, établie par le fait que les contrats en cause doivent, en droit allemand, être qualifiés de contrats de droit public. Deuxièmement, elle souligne les droits exclusifs dont disposent les services de secours dans le domaine du droit de la voirie et de la circulation routière, qui résident notamment dans le fait que l’usage du gyrophare et de la sirène permet de donner des ordres aux autres usagers de la route, auxquels ces derniers doivent se conformer, sous peine d’une amende en cas de non-respect. Troisièmement, la République fédérale d’Allemagne indique que les services d’aide médicale d’urgence participent souvent à l’organisation des services de secours et à l’exécution de missions régaliennes dans le domaine de la protection incendie et de la protection civile et qu’ils contribuent à la prévention policière des risques par la mise à disposition de moyens de secours lors d’interventions des services de sécurité. Quatrièmement, elle met l’accent sur la désignation des personnels des services de secours en qualité de fonctionnaires administratifs qui est souvent prévue par le droit des Länder.

    65.

    Ces arguments ne convainquent pas.

    66.

    Le premier argument de la République fédérale d’Allemagne méconnaît le principe en vertu duquel l’ordre juridique communautaire n’entend pas, en principe, définir ses qualifications en s’inspirant d’un ordre juridique national ou de plusieurs d’entre eux ( 25 ). Le fait que, en droit allemand, les services de secours en cause fassent l’objet d’une organisation de droit public ne présente pas de pertinence pour la réponse à la question de savoir si ces services de secours relèvent du domaine d’application de l’article 45 CE.

    67.

    Bien que la République fédérale d’Allemagne parte ensuite, à juste titre, du principe que l’usage du gyrophare et de la sirène par les services de secours doit être considéré comme l’exercice d’un droit exclusif, il me semble que les modalités concrètes de ce droit exclusif n’atteignent pas l’intensité requise par une jurisprudence constante pour que le domaine d’application de l’article 45 CE soit ouvert. Les droits exclusifs invoqués se limitent en effet, d’une part, à aménager de manière spécifique les véhicules des services de secours et à les équiper d’un gyrophare et d’une sirène et, d’autre part, dans certaines circonstances, à donner la priorité à ces véhicules par rapport aux autres usagers dans le cadre de la circulation routière, le non-respect de ces droits exclusifs par les autres usagers de la route étant puni d’une amende. Selon moi, ces droits exclusifs dont l’intensité est relativement faible ne remplissent pas les exigences qualitatives élevées, précitées, de l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45 CE.

    68.

    Dans ce contexte, l’invocation, par le gouvernement allemand, de la participation des services d’aide médicale d’urgence à l’organisation des services de secours ainsi qu’à la protection incendie et à la protection civile, et de la mise à disposition de moyens de secours lors d’interventions des services de sécurité et des pompiers n’apparaît pas non plus convaincante. À ce sujet, il convient, en premier lieu, de renvoyer au fait que la mise à disposition de moyens de secours lors d’interventions des services de sécurité doit, en règle générale, être considérée comme une activité purement auxiliaire et préparatoire qui, en vertu de la jurisprudence déjà exposée, ne peut constituer une participation directe à l’exercice de l’autorité publique. Même si les exemples mentionnés par la République fédérale d’Allemagne, relatifs à la participation des services d’aide médicale d’urgence à l’organisation des services de secours ainsi qu’à la protection incendie et à la protection civile ( 26 ), devaient constituer plus que des activités purement auxiliaires et préparatoires, ces activités ne remplissent pas non plus les exigences qualitatives élevées, déjà exposées, de l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45 CE.

    69.

    L’argument relatif à la possibilité de désignation des personnels des services de secours en qualité de fonctionnaires administratifs qui est souvent prévue par le droit des Länder est enfin déjà mis en échec par la constatation en vertu de laquelle, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, une extension de l’exception permise par les articles 45 CE et 55 CE à une profession entière ne saurait être admise lorsque les activités participant éventuellement à l’exercice de l’autorité publique constituent un élément détachable de l’ensemble de l’activité professionnelle en cause ( 27 ).

    70.

    Je conclus de ce qui précède que l’activité en cause, relative à la prestation de services de secours, ne constitue pas, en tant que telle, une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique. Par conséquent, l’exemption sectorielle de l’article 45 CE n’est pas applicable en l’espèce.

    2. L’absence de justification au sens de l’article 86, paragraphe 2, CE

    71.

    En renvoyant à l’arrêt Ambulanz Glöckner ( 28 ), la République fédérale d’Allemagne invoque, à titre subsidiaire, le fait que les services de secours doivent être considérés comme des services d’intérêt économique général au sens de l’article 86, paragraphe 2, CE, la justification prévue par cette disposition étant pleinement applicable dans le domaine de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services.

    72.

    Cette argumentation ne me convainc pas.

    73.

    Il convient d’approuver l’argumentation de la République fédérale d’Allemagne dans la mesure où elle expose que, dans ses arrêts du 23 octobre 1997, Commission/Pays-Bas ( 29 ), et du , Corsica Ferries France ( 30 ), la Cour a jugé que la justification de l’article 86, paragraphe 2, CE était également applicable pour des mesures étatiques incompatibles avec les dispositions du traité relatives à libre circulation des marchandises et à la libre prestation des services et a ainsi confirmé que l’article 86, paragraphe 2, CE peut être invoqué pour justifier des violations de l’article 86, paragraphe 1, CE en relation avec les libertés fondamentales ( 31 ).

    74.

    Toutefois, compte tenu des développements récents de la jurisprudence de la Cour, il se pose tout d’abord la question de savoir si lesdits arrêts Commission/Pays-Bas et Corsica Ferries France sont encore entièrement valables sur ce point. Suivant la jurisprudence récente, la circonstance qu’une activité soit, compte tenu de ses modalités concrètes, exclue du champ d’application des règles de concurrence ne signifie, en effet, pas nécessairement qu’elle est également exclue du champ d’application des règles sur la libre circulation ( 32 ).

    75.

    Dans ce contexte, la question se pose de savoir si la ligne jurisprudentielle relative à l’applicabilité de l’article 86, paragraphe 2, CE dans le domaine des libertés fondamentales qui a été établie par les arrêts Commission/Pays-Bas et Corsica Ferries France, précités, ne devrait pas être réévaluée, d’autant plus que la Cour semblait encore exclure une telle applicabilité dans sa jurisprudence plus ancienne ( 33 ).

    76.

    En l’espèce, il n’est pas nécessaire de poursuivre le débat sur cette question. En effet, la République fédérale d’Allemagne n’arrive déjà pas à prouver que les conditions d’application de l’article 86, paragraphe 2, CE sont, en tant que telles, remplies.

    77.

    Il incombe à l’État membre invoquant l’article 86, paragraphe 2, CE de démontrer que les conditions prévues par cette disposition sont réunies ( 34 ).

    78.

    En l’espèce, au niveau des faits, l’article 86, paragraphe 2, CE requiert qu’il soit prouvé que les services de secours en cause doivent être considérés comme des services d’intérêt économique général, qu’une modification de la pratique litigieuse en matière de passation de marchés publics dans le sens du droit communautaire mettrait en péril la prestation de ces services en droit ou en fait ou y ferait échec, et que le développement des échanges n’ait pas été affecté par la pratique litigieuse dans une mesure contraire à l’intérêt de la Communauté.

    79.

    Alors qu’il ne devrait pas être contesté que les services de transport d’urgence doivent être considérés comme des services d’intérêt économique général au sens de l’article 86, paragraphe 2, CE ( 35 ), la République fédérale d’Allemagne n’apporte pas de preuve, en l’espèce, du fait que la pratique litigieuse en matière de passation de marchés est indispensable et que l’accomplissement de la mission de prestation des services de secours en cause ne peut pas être assuré par d’autres moyens, plus respectueux du droit communautaire.

    80.

    À cet égard, la République fédérale d’Allemagne expose seulement que l’intégration de prestataires de services de secours toujours nouveaux au système de services de secours d’une région pourrait rendre plus difficiles, voire impossibles, les subventions croisées entre zones à forte densité de population, dans lesquelles la fourniture de services de secours génère des bénéfices, et zones avec une faible densité de population, nettement moins rentables. En outre, la protection des organisations sanitaires, constituées sous forme d’associations, qui opèrent en Allemagne, qui est inhérente à la pratique actuelle en matière de passation de marchés, serait indispensable, car ces organisations sont soumises à une obligation d’aide en cas de catastrophe. Seules ces organisations garantiraient la possibilité de faire appel, en cas de catastrophe, à un grand nombre d’aides bénévoles résidant près du lieu de l’intervention, ces aides devant avoir la possibilité d’acquérir, dans le cadre des services de secours, une expérience pratique régulière.

    81.

    Dans son mémoire en réplique, en ce qui concerne l’argument relatif aux subventions croisées, la Commission oppose à l’allégation selon laquelle les organisations sanitaires ont besoin de subventions croisées pour organiser de manière profitable la couverture des zones moins rentables qu’il ne s’agit pas d’un argument à l’encontre de la publication d’appels d’offres pour les services de secours conformément aux règles du droit communautaire. Les différences de rentabilité entre certaines régions pourraient être prises en compte par une rémunération plus élevée pour les services dans les zones moins rentables. Une autre possibilité résiderait dans la passation de marchés combinés pour les services de secours et de transport de malades pour des zones géographiquement délimitées, qui couvrent aussi bien des zones rentables que des zones moins rentables.

    82.

    Dans son mémoire en duplique, la République fédérale d’Allemagne n’affirme pas que ces alternatives pour la passation de marchés que la Commission a exposées rendraient plus difficile, voire impossible, l’accomplissement de la mission de prestation de services de transport d’urgence, compte tenu des circonstances de fait et de droit pertinentes. Dans ce contexte, l’argument relatif au caractère indispensable de la pratique litigieuse en matière de passation de marchés résultant des subventions croisées qui en découlent doit être rejeté comme insuffisamment circonstancié.

    83.

    Il en va de même en ce qui concerne l’argument relatif au grand nombre d’aides bénévoles résidant près des lieux d’intervention. À cet égard, la Commission a renvoyé, en tant que pratique conforme au droit des marchés publics, à la possibilité d’établir un appel d’offres dans lequel la présence sur place pourrait être retenue comme critère de sélection. La République fédérale d’Allemagne n’a pas non plus rejeté cette possibilité de manière circonstanciée dans son mémoire en duplique.

    84.

    Ces considérations me conduisent à conclure que la République fédérale d’Allemagne n’a pas fourni la preuve qui lui incombe, selon laquelle la pratique litigieuse en matière de passation de marchés relatifs aux services de secours remplirait les conditions matérielles de l’article 86, paragraphe 2, CE. Déjà pour ce motif, son invocation de l’article 86, paragraphe 2, CE doit donc être rejetée comme dépourvue de fondement.

    3. Analyse des neuf passations de marchés litigieuses

    85.

    La Commission critique neuf procédures de passation de marchés relatifs à la prestation de services de secours, dans quatre Länder. C’est sur ce fondement que la constatation de l’existence d’une pratique illégale en matière de passation de marchés en Allemagne est demandée. À cet égard, une pratique illégale ne pouvant exister que dans la mesure où il a effectivement été porté atteinte au droit communautaire dans le cadre des différentes procédures de passation de marchés critiquées, j’examinerai tout d’abord si et dans quelle mesure des violations des dispositions et des principes invoqués par la Commission peuvent être constatées dans le cadre des différentes passations de marchés.

    a) Passation de marchés par la ville de Magdebourg (Saxe-Anhalt)

    86.

    Suivant les indications de la Commission, la ville de Magdebourg, en tant que pouvoir adjudicateur, applique depuis octobre 2005 une «procédure d’autorisation» portant sur la passation des marchés de services de secours à titre onéreux. L’objet de la prestation aurait été la mise à disposition de véhicules et de personnel pour le transport d’urgence ou le transport sanitaire qualifié pour la période 2007-2011, pour un montant de plus de sept millions d’euros par an. Il n’y aurait pas eu d’appel d’offres européen.

    87.

    La République fédérale d’Allemagne ne conteste pas cette présentation des faits.

    88.

    Selon la Commission, cette passation de marchés constitue une violation de l’article 16 de la directive 92/50 ou de l’article 35, paragraphe 4, de la directive 2004/18 par la République fédérale d’Allemagne. En outre, cette passation de marchés violerait, également, les principes de transparence et de non-discrimination inhérents aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services.

    i) La violation de l’article 16 de la directive 92/50 ou de l’article 35, paragraphe 4, de la directive 2004/18

    89.

    Je me rallie à la position de la Commission en ce qui concerne le fait que la passation de marché litigieuse par la ville de Magdebourg a, en tout cas, porté atteinte à l’article 16 de la directive 92/50 ou à l’article 35, paragraphe 4, de la directive 2004/18.

    90.

    Suivant l’exposé de la Commission, qui n’est pas contesté, la ville de Magdebourg a, en tant que pouvoir adjudicateur au sens des directives sur les marchés publics, conclu avec un prestataire de services un contrat onéreux portant sur la prestation de services de secours, dont le montant estimé dépasse les seuils des directives 92/50 et 2004/18. Même s’il n’a pas été déterminé précisément à quel moment les différentes opérations pertinentes du point de vue du droit des marchés publics ont été réalisées (suivant les indications de la Commission, la procédure a débuté en octobre 2005) et s’il n’est donc pas établi si la passation de marché litigieuse doit être analysée entièrement ou partiellement sur le fondement de la directive 92/50 ou, au contraire, entièrement ou partiellement sur le fondement de la directive 2004/18 ( 36 ), l’absence d’informations plus précises sur la chronologie de la procédure de passation de marché ne peut pas conduire à un rejet de la violation du droit des marchés publics en l’espèce. En effet, aussi bien sous l’empire de la directive 92/50 que sous celui de la directive 2004/18, la ville de Magdebourg aurait dû respecter l’obligation de notification des marchés passés (article 16 de la directive 92/50 ou article 35, paragraphe 4, de la directive 2004/18), et ce indépendamment de la question de savoir si l’aspect des transports ou, au contraire, celui des services sanitaires présentait une valeur prépondérante dans ces services de secours.

    ii) L’absence de violation des principes de droit primaire de non-discrimination et de transparence

    — Analyse du bien-fondé dans le cas de figure où le moyen fondé sur la violation du droit primaire serait partiellement irrecevable

    91.

    Comme je l’ai déjà exposé dans le cadre de l’examen de la recevabilité, le présent recours doit être rejeté comme irrecevable dans la mesure où il vise à faire constater que, dans le cadre de la passation de marchés relatifs à des services de secours portant primordialement sur des prestations de transport de personnes, il a été porté atteinte aux principes de non-discrimination et de transparence inhérents aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services ( 37 ).

    92.

    Le moyen relatif à la violation de ces principes de droit primaire n’est donc recevable que dans la mesure où il critique la passation de marchés de services de secours portant primordialement sur des prestations de services sanitaires.

    93.

    Afin que ce moyen — ainsi restreint — puisse être jugé fondé, la Commission devrait, tout d’abord, prouver que les passations de marchés qu’elle critique avaient pour objet des services de secours portant de manière primordiale sur des services sanitaires. Toutefois, en l’espèce, la Commission ne l’a ni affirmé ni, à plus forte raison, prouvé. Au contraire, selon elle, il importe peu que les services en cause portent primordialement sur le transport de personnes ou plutôt sur les services sanitaires.

    94.

    Étant donné que, dans le cadre d’une procédure en manquement en vertu de l’article 226 CE, c’est à la Commission qu’il incombe d’établir l’existence du manquement allégué et d’apporter à la Cour tous les éléments nécessaires à l’appréciation de l’affaire ( 38 ) et compte tenu du fait que, eu égard aux constatations exposées ci-dessus, la Commission n’a pas satisfait à son obligation de démonstration et d’administration de la preuve, le moyen relatif à la violation des principes de non-discrimination et de transparence inhérents aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services doit, dans la mesure où il est recevable, être rejeté comme dépourvu de fondement.

    — Subsidiairement: examen du bien-fondé au cas où le moyen relatif à la violation du droit primaire devrait être jugé entièrement recevable

    95.

    Au cas où, contrairement à la position que je défends, la Cour jugerait entièrement recevable le moyen relatif à la violation des principes de non-discrimination et de transparence inhérents aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services, le bien-fondé de ce moyen dans son ensemble devrait être examiné.

    96.

    Dans cette hypothèse, le point de départ de l’analyse du bien-fondé réside dans la constatation du fait que la Commission s’est délibérément abstenue de répondre à la question de savoir si les services de secours en cause portaient de manière primordiale sur des services de transport de personnes ou, au contraire, sur des services sanitaires. Il n’est ainsi pas possible de déterminer si les services de secours — en tant que services mixtes au sens de la directive 92/50 ou de la directive 2004/18 — sont soumis à l’application pleine et entière des directives en matière de marchés publics ( 39 ) et s’ils auraient donc dû faire l’objet d’un appel d’offres conforme à ces directives. La Commission a tenté de contourner ce problème en invoquant plus généralement, dans son recours, une violation des principes de non-discrimination et de transparence inhérents aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services.

    97.

    En l’espèce, cette décision de tactique procédurale de la Commission conduit, toutefois, à poser la question de principe visant à savoir si, lorsque la Commission constate que les agissements d’un État membre pourraient porter atteinte aussi bien au droit primaire qu’aux directives 92/50 ou 2004/18 dans leur intégralité, elle peut librement décider, dans le cadre d’une procédure en manquement conformément à l’article 226 CE, si elle fonde ses demandes sur une base de droit primaire ou, au contraire, sur la base des directives en matière de marchés publics. J’examinerai cette question ci-après, en me fondant sur le principe de primauté du droit dérivé et en tenant compte de l’objet et du but du recours au sens de l’article 226 CE.

    98.

    Ensuite, j’aborderai les strictes exigences de droit primaire qui, en vertu de la jurisprudence récente, s’appliquent à la preuve de l’intérêt transfrontalier des passations de marchés portant sur des services de seconde catégorie et j’exposerai la conclusion à laquelle conduit cette jurisprudence pour l’appréciation de la présente affaire.

    Le principe de primauté du droit dérivé

    99.

    Suivant une jurisprudence constante, le principe de primauté du droit dérivé signifie que l’harmonisation exhaustive d’une certaine matière, au niveau du droit communautaire dérivé, conduit à ce que toute mesure nationale liée à cette matière doit être appréciée au regard des dispositions du droit dérivé et non pas de celles du traité ( 40 ).

    100.

    En l’espèce, la Commission invoque essentiellement, au niveau du droit primaire, une violation des principes de non-discrimination et de transparence inhérents aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services.

    101.

    Suivant une jurisprudence constante, le principe de droit primaire d’égalité de traitement implique, en matière de marchés publics, que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres, et cela indépendamment de leur nationalité ( 41 ). Les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination en raison de la nationalité impliquent une obligation de transparence qui consiste à garantir, en faveur de tout soumissionnaire potentiel, un degré de publicité adéquat permettant une ouverture du marché à la concurrence ainsi que le contrôle de l’impartialité des procédures d’adjudication ( 42 ).

    102.

    Ce principe d’égalité de traitement et de mise en place d’une transparence suffisante prévu par le droit primaire a fait l’objet d’une harmonisation très approfondie dans les directives 92/50 et 2004/18 qui contiennent des dispositions extrêmement détaillées sur les différentes obligations d’information, de communication et de publicité. Les obligations de transparence de droit dérivé se distinguent par leur harmonisation détaillée, qui, en ce qui concerne certains points, doit être considérée comme une harmonisation exhaustive ( 43 ).

    103.

    Dans le contexte de la primauté du droit dérivé, la question se pose donc, en l’espèce, de savoir si la Commission peut invoquer une violation du principe de non-discrimination prévu par le droit primaire et du principe de transparence qui en découle, alors que les passations des marchés en cause relèveraient entièrement des directives en matière de marchés publics au cas où l’aspect relatif au transport présenterait un poids prépondérant ( 44 ) et bien que les principes de non-discrimination et de transparence, inhérents aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services, soient détaillés dans ces directives et aient même fait l’objet d’une harmonisation exhaustive en ce qui concerne certaines matières.

    104.

    Jusqu’à maintenant, cette question n’a pas encore trouvé de réponse définitive dans la jurisprudence de la Cour.

    105.

    Il est établi que la primauté du droit dérivé exclut le recours aux justifications consacrées par le droit primaire pour des entraves aux libertés fondamentales, dans la mesure où lesdites entraves concernent une matière dans laquelle les justifications font l’objet d’une harmonisation exhaustive ( 45 ). À l’inverse, une disposition nationale par laquelle un État membre se conforme à ses obligations résultant du droit dérivé ne peut pas être considérée comme une violation d’une liberté fondamentale ( 46 ). En effet, le fait de pouvoir invoquer une autorisation de droit primaire à l’encontre d’une interdiction de droit dérivé ou une interdiction de droit primaire à l’encontre d’un principe de droit dérivé constituerait une remise en question de l’autorité du droit dérivé ( 47 ).

    106.

    Même si plusieurs arrêts rendus à titre préjudiciel ont également confirmé que les dispositions nationales ne peuvent plus être évaluées à l’aune des libertés fondamentales lorsqu’il existe une réglementation de droit dérivé exhaustive ( 48 ), il n’a en principe pas été établi, jusqu’à aujourd’hui, si le non-respect des libertés fondamentales ne peut plus non plus être invoqué directement dans le cadre d’une procédure en manquement, lorsque les agissements litigieux constituent également ou peuvent également constituer une violation de dispositions de droit dérivé, qui ont réalisé une harmonisation exhaustive d’une matière relevant de ces libertés fondamentales ( 49 ).

    107.

    Selon moi, le non-respect des principes de non-discrimination et de transparence inhérents aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services ne peut plus être invoqué directement dans le cadre d’un recours en manquement, lorsque les agissements litigieux constituent également une violation de dispositions de droit dérivé, fondées sur lesdites libertés fondamentales, présentant le caractère de mesures d’harmonisation exhaustive. En revanche, si, dans un tel cas, il était permis à la Commission de choisir entre l’invocation de la violation d’une liberté fondamentale et l’invocation de la violation d’une disposition de droit dérivé procédant à une harmonisation exhaustive, l’autorité du droit dérivé en serait fortement compromise.

    108.

    La particularité des actes de droit dérivé qui procèdent à une harmonisation totale réside dans le fait que les États membres ne peuvent ni aller au-delà ni aller en deçà des règles de droit communautaire pertinentes. Dans ce contexte, les règles engendrant une harmonisation totale sont, en principe, formulées de manière très concrète. Par conséquent, si une matière relevant d’une liberté fondamentale fait l’objet d’une harmonisation complète en droit dérivé, il est quasiment exclu que le droit primaire et le droit dérivé imposent exactement les mêmes obligations aux États membres. La règle de droit dérivé constitue, en effet, une matérialisation et un affinement des dispositions relatives aux libertés fondamentales sous forme de droits et d’obligations concrets. Par contre, les règles de droit primaire sont beaucoup plus générales et peuvent donc, en principe, faire l’objet de différentes applications. Cette différence de niveau de détail conduit nécessairement, quant au fond, à une tension entre le droit primaire et le droit dérivé qui procède à une harmonisation exhaustive, notamment entre une autorisation de droit primaire et une interdiction de droit dérivé, ou inversement.

    109.

    Dans la jurisprudence précitée relative à l’inapplicabilité des justifications de droit primaire lorsqu’elles font l’objet d’une harmonisation complète, ce conflit entre l’autorisation de droit primaire et l’interdiction de droit dérivé est tranché en faveur de cette dernière, qui bénéficie ainsi d’une priorité d’application. Sur le fondement d’une mise en balance des intérêts identique, le conflit général entre la liberté fondamentale de droit primaire, dont le contenu est plus abstrait et moins bien défini, et une règle de droit dérivé fondée sur cette liberté, engendrant une harmonisation exhaustive, dont le contenu est fortement concrétisé et affiné, doit être tranché en faveur de cette règle de droit dérivé ( 50 ), comme la Cour le confirme désormais dans une jurisprudence constante en matière préjudicielle ( 51 ).

    110.

    Eu égard aux considérations qui précèdent, si la Commission constate que les agissements d’un État membre pourraient porter atteinte aussi bien à des dispositions de droit primaire qu’au droit dérivé entièrement harmonisé fondé sur ce droit primaire, elle ne peut se contenter, dans le cadre d’un recours en manquement, d’invoquer de manière générale une violation du droit primaire.

    111.

    Il doit en aller de même dans un cas tel que l’espèce, dans lequel une violation du principe de non-discrimination, inhérent aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services, et du principe de transparence qui en découle est invoquée, bien que les directives en matière de marchés publics puissent être pleinement applicables et que le principe de transparence soit justement défini en détail par ces directives (de manière exhaustive en ce qui concerne certains points). En effet, compte tenu de la concrétisation extrêmement détaillée des obligations de transparence en droit dérivé, dans les directives sur les marchés publics, le problème de la tension entre une autorisation de droit primaire et une interdiction de droit dérivé, et inversement, se pose également en l’espèce. Eu égard à l’appréciation déjà exposée, ce problème doit être résolu en faveur des règles de droit dérivé ( 52 ).

    112.

    Compte tenu de ces considérations, la Commission ne peut pas, dans un cas tel que l’espèce, se contenter d’invoquer de manière générale une violation des principes de non-discrimination et de transparence, inhérents aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services.

    113.

    Cette constatation est confirmée par une analyse détaillée de l’objet et du but de la procédure en manquement au sens de l’article 226 CE. Cette procédure remplit essentiellement une fonction juridique objective, à savoir la mise en œuvre et la garantie uniforme du droit communautaire ( 53 ). L’objectif de la procédure en manquement au sens de l’article 226 CE n’est donc pas la sanction de l’État membre. La constatation en vertu de laquelle certains agissements ou une certaine situation sont contraires au droit communautaire ne constitue pas une fin en soi, mais vise d’abord à vérifier si et dans quelle mesure il existe une situation contraire au droit communautaire. La constatation, par la Cour, d’une violation du traité par un État membre doit, en même temps, permettre d’établir quelles mesures sont requises par le droit communautaire pour (r)établir une situation conforme à ce dernier ( 54 ).

    114.

    Si, dans une procédure telle que celle qui fait l’objet de l’espèce, il devait être constaté de manière générale que la République fédérale d’Allemagne a, avec la passation de marché litigieuse, porté atteinte aux principes de non-discrimination et de transparence institués par le droit primaire, sans qu’il soit déterminé si les services mixtes en cause présentent primordialement le caractère de services de première catégorie et si les directives en matière de marchés publics sont, par conséquent, pleinement applicables, il ne pourrait ensuite pas être établi avec certitude quelles mesures sont requises par le droit communautaire pour (r)établir une situation conforme à ce dernier. En effet, si les services de secours relevaient entièrement des directives en matière de marchés publics, un respect du principe de transparence institué par le droit primaire, qui est moins concrétisé et moins délimité, ne suffirait pas à remplir les dispositions extrêmement détaillées des directives en matière de marchés publics ( 55 ).

    115.

    Ces considérations m’amènent à conclure que, compte tenu de la primauté du droit dérivé et du but de la procédure en manquement au sens de l’article 226 CE, la passation de marché par la ville de Magdebourg que la Commission critique ne saurait être appréciée à l’aune des principes de non-discrimination et de transparence inhérents aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services.

    La preuve de l’intérêt transfrontalier à l’attribution de services de seconde catégorie

    116.

    Les situations purement nationales ne relèvent, en principe, pas du champ d’application des libertés fondamentales. Par conséquent, si elle invoque une atteinte aux principes de non-discrimination et de transparence inhérents aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services, la Commission doit fournir la preuve d’un intérêt transfrontalier à la passation de marché en cause.

    117.

    Dans son arrêt Commission/Irlande ( 56 ), la Cour a souligné, en ce qui concerne la passation de marchés relatifs à des services de l’annexe I B de la directive 92/50, que ces services sont certes, en principe, soumis aux principes du traité dans le domaine de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services, mais que la Commission doit toujours fournir la preuve d’un intérêt transfrontalier certain au marché en cause. Dans ce contexte, le simple renvoi, par la Commission, à l’existence d’une plainte qui lui a été adressée en relation avec le marché en cause ne saurait suffire à démontrer que ledit marché présentait un intérêt transfrontalier certain et à constater, par conséquent, l’existence d’un manquement ( 57 ).

    118.

    Ce strict examen de l’existence d’un intérêt transfrontalier au marché portant sur des services de seconde catégorie peut être expliqué — du moins en partie — par le fait que les marchés relatifs à des services de l’annexe I B de la directive 92/50 ou de l’annexe II B de la directive 2004/18 ne présentent, a priori, pas d’importance transfrontalière du point de vue du législateur communautaire. À cet égard, lesdites directives prévoient simplement une publicité ex post pour cette catégorie de services ( 58 ).

    119.

    Étant donné que, dans le cadre d’une procédure en manquement, il appartient à la Commission d’apporter à la Cour l’ensemble des éléments d’appréciation de l’affaire, la Commission ne peut pas échapper aux exigences de droit primaire plus strictes en ce qui concerne la preuve d’un intérêt transfrontalier, qui s’appliquent aux marchés relatifs à des services mixtes dans le cadre desquels les services de seconde catégorie sont prépondérants, en s’abstenant délibérément de répondre à la question du classement, en droit des marchés publics, des services mixtes en cause. Par conséquent, la Commission doit, également dans un cas tel que l’espèce, prouver l’intérêt transfrontalier du marché relatif aux services en cause conformément aux critères stricts que la Cour a établis dans son arrêt Commission/Irlande, en ce qui concerne les services de seconde catégorie.

    120.

    À titre de preuve de l’intérêt transfrontalier de la passation de marché par la ville de Magdebourg, la Commission renvoie simplement à une plainte générale relative à la passation de marchés de services de secours en Allemagne et à l’importance économique des services en cause, le montant élevé du marché faisant nécessairement présumer l’existence d’un vif intérêt de la part de prestataires de services étrangers. Ces considérations générales de la Commission, qui ne se réfèrent en aucune manière à la passation de marché par la ville de Magdebourg et qui sont, en outre, partiellement fondées sur des suppositions, ne remplissent pas les exigences élevées auxquelles doit répondre la preuve d’un intérêt transfrontalier à la passation d’un marché de services de seconde catégorie.

    121.

    En l’absence de preuve d’un élément transfrontalier, l’argumentation de la Commission selon laquelle la passation de marché par la ville de Magdebourg aurait également porté atteinte aux principes de non-discrimination et de transparence inhérents à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services doit être rejetée comme dépourvue de fondement.

    iii) Conclusion

    122.

    Les considérations qui précèdent m’amènent à la conclusion que la passation de marché litigieuse par la ville de Magdebourg constitue une violation, par la République fédérale d’Allemagne, de l’article 16 de la directive 92/50 ou de l’article 35, paragraphe 4, de la directive 2004/18. Pour le surplus, l’argumentation de la Commission relative à la passation de marché par la ville de Magdebourg doit être rejetée comme irrecevable et à défaut, à tout le moins, comme dépourvue de fondement.

    b) Passations de marchés par les villes de Bonn (Rhénanie-du-Nord-Westphalie) et de Witten (Rhénanie-du-Nord-Westphalie), par la région de Hanovre (Basse-Saxe) et par l’arrondissement de Hameln-Pyrmont (Basse-Saxe)

    123.

    La Commission expose ce qui suit en ce qui concerne les passations de marchés litigieuses par les villes de Bonn et de Witten, par la région de Hanovre et par l’arrondissement de Hameln-Pyrmont.

    124.

    En 2004, la ville de Bonn aurait, en tant que pouvoir adjudicateur, attribué un marché de services de secours pour la période allant du 1er janvier 2005 au , sans appel d’offres européen. L’objet du marché serait, entre autres, l’exploitation de quatre services de garde et son montant s’élèverait à au moins 5,28 millions d’euros.

    125.

    Depuis 2005 au moins, la ville de Witten aurait, en tant que pouvoir adjudicateur, attribué des services de secours, sans appel d’offres européen, pour un montant annuel de 945753 euros. L’objet des marchés serait l’exploitation d’un service de garde.

    126.

    En 2004, la région de Hanovre, en tant que pouvoir adjudicateur, aurait organisé un appel d’offres portant sur la fourniture de services de secours sur son territoire, auquel seuls les opérateurs déjà chargés de ces services, l’Arbeiter-Samariter-Bund (ci-après l’«ASB»), la Deutsches Rotes Kreuz (ci-après la «DRK»), la Johanniter-Unfallhilfe (ci-après la «JUH») et RKT GmbH, étaient autorisés à participer. Le volume du marché qui portait sur la période allant du 1er janvier 2005 au s’élèverait à 65 millions d’euros environ.

    127.

    En 1993, l’arrondissement de Hameln-Pyrmont aurait chargé la section d’arrondissement de la DRK de fournir des services de secours sur son territoire. Le contrat, d’une durée initiale de dix ans, n’aurait pas été résilié, mais aurait été prolongé de dix années supplémentaires en 2003, sans qu’il soit procédé à un appel d’offres. De plus, un nouveau service de garde aurait été créé en 1999 dans la commune d’Emmerthal et la DRK aurait également été chargée d’en assurer l’exploitation sans appel d’offres préalable. Le montant total de ces marchés s’élèverait à 7,2 millions d’euros par an.

    128.

    La République fédérale d’Allemagne ne conteste pas cette présentation des faits.

    129.

    Dans l’ensemble de ces cas, la Commission invoque une violation des règles de publicité sur les marchés passés (article 16 de la directive 92/50 ou article 35, paragraphe 4, de la directive 2004/18). Ces violations sont avérées et non contestées.

    130.

    En revanche, je considère que la violation des principes de transparence et de non-discrimination inhérents aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services que la Commission invoque également dans ces cas n’est pas établie. Ce moyen s’avère inopérant en raison des mêmes objections de doctrine juridique et de droit des preuves que celles que j’ai déjà exposées dans le cadre de l’analyse de la passation de marché par la ville de Magdebourg ( 59 ).

    c) La passation de marché par l’arrondissement d’Uelzen (Basse-Saxe)

    131.

    En ce qui concerne la passation de marché par l’arrondissement d’Uelzen, la Commission expose que la DRK fournissait, sur le fondement d’un contrat du 10 juillet 1984, des services de secours sur le territoire de l’arrondissement d’Uelzen, à l’exception du secteur de Bevensen-Bienenbüttel. Des modifications considérables auraient été apportées à ce contrat en 2004 et elles devraient être considérées comme une nouvelle passation de marché. Dans le cadre de cette nouvelle passation de marché, l’article 16 de la directive 92/50 n’aurait pas été respecté et il aurait, en outre, été porté atteinte aux principes de transparence et de non-discrimination inhérents aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services.

    132.

    La République fédérale d’Allemagne indique que la modification contractuelle de 2004 résulterait du fait que, en 1984, l’arrondissement d’Uelzen aurait chargé le groupement de communes de Bevensen d’assurer le service de secours dans le secteur de Bevensen-Bienenbüttel. En 2002, la DRK aurait, sous la forme d’un transfert d’activités, repris l’intégralité du service de secours du groupement de communes de Bevensen. Cela expliquerait les modifications contractuelles conclues entre l’arrondissement d’Uelzen et la DRK en 2004, qui n’engendreraient pas une modification suffisamment substantielle du contrat initial pour constituer une nouvelle passation de marché. Par conséquent, la passation de marché litigieuse datant de 1984 et étant donc antérieure au délai de transposition de la directive 92/50, le non-respect de cette dernière ne pourrait pas être invoqué.

    133.

    La Cour a répondu à la question de savoir dans quelles conditions des modifications d’un contrat existant doivent être considérées comme une passation de marché en soi, au sens des directives en matière de marchés publics, dans son arrêt du 19 juin 2008, pressetext Nachrichtenagentur ( 60 ). Elle a notamment souligné que des modifications apportées aux dispositions d’un marché public pendant la durée de sa validité constituent une nouvelle passation de marché au sens de la directive 92/50 lorsqu’elles présentent des caractéristiques substantiellement différentes de celles du marché initial et sont, en conséquence, de nature à démontrer la volonté des parties de renégocier les termes essentiels de ce marché ( 61 ). On peut, notamment, parler d’une modification substantielle lorsqu’elle étend le marché, dans une mesure importante, à des services non initialement prévus ( 62 ).

    134.

    Il découle des documents déposés par le gouvernement allemand et de ses explications que, en 2004, le marché public a été étendu à la prestation de services publics de secours dans le secteur du poste de secours de Bevensen, qui représente environ un quart de la superficie de l’arrondissement. La République fédérale d’Allemagne reconnaît, également, que le montant du marché pour l’arrondissement d’Uelzen dans son ensemble s’élève à environ 4,45 millions d’euros par an et que le montant des services de secours à fournir dans le secteur du poste de secours de Bevensen s’élève à au moins 670000 euros par an ( 63 ).

    135.

    Par conséquent, les modifications contractuelles négociées en 2004 entre l’arrondissement d’Uelzen et la DRK ont conduit à ce que le marché relatif à la prestation de services de secours a été étendu à une zone supplémentaire de l’arrondissement, ce qui a induit un accroissement d’environ 25% du secteur couvert et une augmentation d’au moins 15% du montant global du marché. Par conséquent, les modifications du marché négociées en 2004 doivent être considérées comme substantielles, et donc comme une nouvelle passation de marché relative aux services publics de secours dans l’ensemble de l’arrondissement, qui était soumise à la directive 92/50. Les indications de la République fédérale d’Allemagne — non étayées — relatives à la reprise des activités de secours d’un autre prestataire ne modifient en rien cette appréciation.

    136.

    À cet égard, il n’est pas contesté que l’article 16 de la directive 92/50 n’a pas été respecté dans le cadre de la nouvelle passation de marché en 2004. Par conséquent, la violation de cette disposition par la République fédérale d’Allemagne est prouvée en l’espèce.

    137.

    Par contre, je considère que la violation des principes de transparence et de non-discrimination inhérents aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services qu’invoque également la Commission n’est pas prouvée. Ce moyen s’avère inopérant en raison des mêmes objections de doctrine juridique et de droit des preuves que celles que j’ai déjà exposées dans le cadre de l’analyse de la passation de marché par la ville de Magdebourg ( 64 ).

    d) Les passations de marchés par les groupements locaux de services de secours de Westsachsen (Saxe), de Chemnitz/Stollberg (Saxe) et de Vogtland (Saxe)

    138.

    En ce qui concerne les passations de marchés litigieuses des groupements locaux de services de secours de Westsachsen, de Chemnitz/Stollberg et de Vogtland, la Commission expose ce qui suit.

    139.

    Le groupement local de services de secours de Westsachsen aurait, en tant que pouvoir adjudicateur, conclu des contrats relatifs à la prestation de services de secours avec l’ASB, la DRK, la JUH et le corps des pompiers professionnels de Zwickau, pour une durée de quatre ans et un montant total de 7,9 millions d’euros par an. En 2003, ces contrats auraient été prolongés de quatre ans, sans appel d’offres. À leur terme, ces contrats auraient été prolongés jusqu’au 31 décembre 2008.

    140.

    Le groupement local de services de secours de Chemnitz/Stollberg aurait, en tant que pouvoir adjudicateur, conclu des contrats relatifs à la prestation de services de secours avec l’ASB, la DRK, la JUH et le corps des pompiers professionnels de Chemnitz, pour une durée de quatre ans et un montant total de 3,3 millions d’euros par an. Ces contrats auraient été prolongés de quatre années supplémentaires en 2002, sans appel d’offres. À leur terme, ces contrats auraient été prolongés jusqu’au 31 décembre 2008.

    141.

    En 2002 et en 2004, le groupement local de services de secours de Vogtland aurait, en tant que pouvoir adjudicateur, conclu des contrats relatifs à la prestation de services de secours avec l’ASB, la DRK, la JUH, la société de services de secours privée de Plauen et le corps des pompiers professionnels de Plauen, pour une durée de quatre ans et un montant total de 3,9 millions d’euros par an, et ce sans appel d’offres. Ces contrats auraient une durée de quatre ans et, à leur terme, ils auraient été prolongés jusqu’au 31 décembre 2008 sans appel d’offres.

    142.

    Dans l’ensemble de ces cas, la Commission invoque une violation des règles de publicité sur les marchés passés (article 16 de la directive 92/50 ou article 35, paragraphe 4, de la directive 2004/18). Ces violations sont avérées.

    143.

    Cette constatation n’est pas remise en cause par les explications de la République fédérale d’Allemagne selon lesquelles, depuis l’entrée en vigueur de la loi du Land de Saxe sur les incendies, les services de secours et la protection en cas de catastrophe (Sächsisches Gesetz über den Brandschutz, Rettungsdienst und Katastrophenschutz) du 1er janvier 2005, l’attribution d’un marché dans le domaine des services de secours doit être précédée d’un appel d’offres. La République fédérale d’Allemagne n’a, en particulier, pas contesté la constatation de la Commission selon laquelle, dans l’ensemble des cas litigieux, les marchés passés ont été prolongés, sous l’empire de l’ancienne réglementation, jusqu’au .

    144.

    En vertu d’une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé ( 65 ). En l’espèce, c’est donc la situation au 16 février 2007 qui importe. À cette date, la violation des directives en matière de marchés publics qui est invoquée est avérée.

    145.

    Par contre, je considère que la violation des principes de transparence et de non-discrimination inhérents aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services que la Commission invoque également dans l’ensemble de ces cas n’est pas prouvée. Ce moyen s’avère inopérant en raison des mêmes objections de doctrine juridique et de droit des preuves que celles que j’ai déjà exposées dans le cadre de l’analyse de la passation de marché par la ville de Magdebourg ( 66 ).

    e) Conclusion

    146.

    Les considérations qui précèdent m’amènent à conclure que, dans le cas des passations de marchés litigieuses (villes de Magdebourg, de Bonn et de Witten, région de Hanovre, arrondissements d’Uelzen et de Hameln-Pyrmont, groupements locaux de services de secours de Westsachsen, de Chemnitz/Stollberg et de Vogtland), la République fédérale d’Allemagne a violé l’article 16 de la directive 92/50 ou l’article 35, paragraphe 4, de la directive 2004/18. Par contre, la Commission n’a pas prouvé l’existence d’une violation additionnelle des principes de transparence et de non-discrimination inhérents aux principes de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services.

    4. La pratique illégale de la République fédérale d’Allemagne en matière de passation de marchés

    147.

    En l’espèce, la Commission invoque le fait que les passations de marchés qu’elle critique montrent l’existence d’une pratique générale bien ancrée en la matière. Dans ce contexte, elle demande qu’il soit constaté que, en conséquence d’une pratique illégale en matière de passation de marchés, la République fédérale d’Allemagne a porté atteinte au droit communautaire.

    148.

    Si l’existence d’une pratique contraire au droit des marchés publics est prouvée dans un État membre, cette pratique peut, en tant que telle, être contestée dans le cadre d’une procédure conformément à l’article 226 CE ( 67 ). À cette fin, la Commission doit, dans une première phase, présenter de manière circonstanciée des violations répétées, qui montrent l’existence d’une pratique. Il appartient ensuite à l’État membre en cause de réfuter de manière concrète les violations qui lui sont reprochées. Dans une deuxième phase, il convient de vérifier si les violations qui ont été démontrées peuvent être considérées comme une démonstration suffisamment documentée et circonstanciée de la pratique reprochée ( 68 ).

    149.

    En l’espèce, la Commission a prouvé que les villes de Magdebourg (Saxe-Anhalt), de Bonn (Rhénanie-du-Nord-Westphalie) et de Witten (Rhénanie-du-Nord-Westphalie), la région de Hanovre (Basse-Saxe), les arrondissement d’Uelzen (Basse-Saxe) et de Hameln-Pyrmont (Basse-Saxe), ainsi que les groupements locaux de services de secours de Westsachsen (Saxe), de Chemnitz/Stollberg (Saxe) et de Vogtland (Saxe) ont méconnu les règles de publicité prévues à l’article 16 de la directive 92/50 ou à l’article 35, paragraphe 4, de la directive 2004/18 dans le cadre de procédures de passation de marchés relatives à des services de secours.

    150.

    En outre, la Commission a exposé qu’il résulterait de ses recherches que, pour la période allant de 2001 à 2006 et pour la République fédérale d’Allemagne dans son ensemble, seuls deux marchés attribués ont fait l’objet d’une publicité. La République fédérale d’Allemagne n’a pas contesté ce fait.

    151.

    Eu égard à ce qui précède, il convient donc de constater qu’il existe, dans les Länder de Saxe-Anhalt, de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, de Basse-Saxe et de Saxe, une pratique générale et bien ancrée en matière de passation de marchés pour des services de secours dans le cadre de laquelle les règles de publicité de l’article 16 de la directive 92/50 ou de l’article 35, paragraphe 4, de la directive 2004/18 ne sont pas respectées.

    152.

    L’argument invoqué par la République fédérale d’Allemagne, selon lequel, à la suite de deux décisions du Bundesgerichtshof du 1er décembre 2008 ( 69 ), les Länder doivent revoir leurs procédures de passation de marchés de services de secours et les réorganiser dans le respect du droit des marchés publics, ne s’oppose pas à la constatation d’une telle pratique contraire au droit des marchés publics dans ces Länder.

    153.

    Comme je l’ai déjà indiqué, l’existence d’un manquement doit, en vertu d’une jurisprudence constante, être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé ( 70 ). En l’espèce, c’est donc la situation au 16 février 2007 qui importe. À cette date, les violations des directives en matière de marchés publics qui sont invoquées sont avérées.

    154.

    Pour le même motif, les explications de la République fédérale d’Allemagne relatives à la modification de la situation juridique dans le Land de Saxe, dans lequel le modèle de soumission aurait été abrogé au 1er janvier 2009, ne sont pas pertinentes en l’espèce.

    155.

    Toutefois, la réponse à la question de savoir si la Commission a seulement contesté la pratique en matière de passation de marchés dans les Länder de Saxe-Anhalt, de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, de Basse-Saxe et de Saxe ou si elle a invoqué la pratique en matière de passation de marchés dans ces quatre Länder à titre d’exemple d’une pratique générale et bien ancrée dans tous les Länder est controversée.

    156.

    À cet égard, les considérations de la Commission sont contradictoires, car elle indique expressément, dans sa requête, que le recours se limite à la pratique en matière de passation de marchés en Saxe-Anhalt, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, en Basse-Saxe et en Saxe, bien que ladite pratique, qui fait l’objet du litige, se retrouve dans d’autres Länder ( 71 ). En revanche, dans sa réplique, la Commission demande la constatation de la non-conformité de cette pratique au droit des marchés publics pour l’ensemble du territoire allemand ( 72 ).

    157.

    À cet sujet, il convient de rappeler que les nouvelles demandes présentées en cours d’instance sont en principe irrecevables ( 73 ). Par conséquent, il convient de se fonder, en l’espèce, sur la demande géographiquement limitée présentée dans la requête, par laquelle la Commission a seulement contesté la pratique en matière de passation de marchés dans les Länder de Saxe-Anhalt, de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, de Basse-Saxe et de Saxe.

    158.

    Les considérations exposées ci-dessus m’amènent à conclure que, à l’occasion de la passation de marchés relatifs à des prestations de services de secours rémunérés dans les Länder de Saxe-Anhalt, de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, de Basse-Saxe et de Saxe, la République fédérale d’Allemagne a violé, jusqu’au 31 janvier 2006, l’article 10 lu en combinaison avec l’article 16 de la directive 92/50 et, depuis le , l’article 22 lu en combinaison avec l’article 35, paragraphe 4, de la directive 2004/18.

    VIII — Sur les dépens

    159.

    Conformément à l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Suivant l’article 69, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour, la Cour peut cependant répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

    160.

    En l’espèce, ce n’est que partiellement que la Commission obtient gain de cause. Je suggère donc que la Cour condamne la Commission et la République fédérale d’Allemagne à supporter leurs propres dépens.

    IX — Conclusion

    161.

    Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de:

    1)

    constater que, dans le cadre de la passation de marchés relatifs à des services de secours rémunérés dans les Länder de Saxe-Anhalt, de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, de Basse-Saxe et de Saxe, la République fédérale d’Allemagne a violé, jusqu’au 31 janvier 2006, l’article 10 lu en combinaison avec l’article 16 de la directive 92/50/CEE du Conseil, du , portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, et, depuis le , l’article 22 lu en combinaison avec l’article 35, paragraphe 4, de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du , relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services;

    2)

    rejeter le recours pour le surplus;

    3)

    condamner la Commission européenne et la République fédérale d’Allemagne à supporter leurs propres dépens.


    ( 1 ) Langue originale: l’allemand.

    ( 2 ) JO L 209, p. 1.

    ( 3 ) JO L 134, p. 114.

    ( 4 ) Voir, simplement, arrêts du 7 mai 1987, Commission/Belgique (186/85, Rec. p. 2029, point 13); du , Commission/Allemagne (76/86, Rec. p. 1021, point 8); du , Commission/Pays-Bas (C-350/02, Rec. p. I-6213, point 20), et du , Commission/Italie (C-326/07, Rec. p. I-2291, point 29).

    ( 5 ) Arrêts du 22 mars 2007, Commission/Belgique (C-437/04, Rec. p. I-2513, points 39 et suiv.), et Commission/Pays-Bas (précité note 4, points 18 et suiv.).

    ( 6 ) Voir, simplement, arrêt du 27 avril 2006, Commission/Allemagne (C-441/02, Rec. p. I-3449, point 59).

    ( 7 ) Argument a fortiori tiré de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour. Voir également Karpenstein, P., et Karpenstein, U., dans Grabitz, E., et Hilf, M., Das Recht der Europäischen Union, article 226 CE, point 82 (39e mise à jour, juillet 2009).

    ( 8 ) Article 8 de la directive 92/50 et article 20 de la directive 2004/18.

    ( 9 ) Article 9 de la directive 92/50 et article 21 de la directive 2004/18.

    ( 10 ) Arrêt du 24 septembre 1998 (C-76/97, Rec. p. I-5357, point 40).

    ( 11 ) Le transport de personnes relève de la notion de «transports terrestres» au sens de la catégorie 2 de l’annexe I A de la directive 92/50 ou de la catégorie 2 de l’annexe II A de la directive 2004/18. Les services médicaux relèvent de la notion de «services sanitaires» au sens de la catégorie 25 de l’annexe I B de la directive 92/50 ou de la catégorie 25 de l’annexe II B de la directive 2004/18.

    ( 12 ) Dans ce contexte, la question se pose, en particulier, de savoir si un examen de la passation des marchés en cause sur le fondement des principes de droit primaire de non-discrimination et de transparence est compatible avec le principe de primauté du droit dérivé ainsi qu’avec l’objet et le but du recours en manquement au sens de l’article 226 CE. À ce sujet, voir points 95 et suiv. des présentes conclusions.

    ( 13 ) Sous le titre «La violation de l’article 16 de la directive 92/50/CEE et de l’article 35, paragraphe 4, de la directive 2004/18/CE», la Commission expose, au point 39 de sa requête du 15 avril 2008, que les articles 14 et 16 de la directive 92/50 ainsi que les articles 23 et 35, paragraphe 4, de la directive 2004/18 étaient en tout cas applicables en l’espèce. Elle invoque ensuite, au point 40, une violation de l’article 16 de la directive 92/50 ou de l’article 35, paragraphe 4, de la directive 2004/18. Au point 41, elle expose que l’article 3, paragraphe 2, de la directive 92/50 ainsi que l’article 2 de la directive 2004/18 seraient également applicables en l’espèce, sans toutefois invoquer expressément leur violation ou présenter des considérations supplémentaires au sujet de ces deux articles. Cependant, dans le résumé de ses demandes figurant au point 72, la Commission invoque une violation de l’article 10 en combinaison avec l’article 16 de la directive 92/50 et des articles 2 et 22 en combinaison avec l’article 35, paragraphe 4, de la directive 2004/18.

    ( 14 ) Voir point 28 des conclusions de l’avocat général Lenz du 19 septembre 1991 dans l’affaire Commission/Grèce (arrêt du , C-306/89, Rec. p. I-5863). Voir, également, Randelzhofer, A., et Forsthoff, U., dans Grabitz, E., et Hilf, M., Das Recht der Europäischen Union, article 45 CE, point 14 (39e mise à jour, juillet 2009).

    ( 15 ) Arrêts du 2 avril 1998, EMU Tabac e.a. (C-296/95, Rec. p. I-1605, point 30); du , Commission/Allemagne (C-103/01, Rec. p. I-5369, point 33), et du , Société Pipeline Méditerranée et Rhône (C-314/06, Rec. p. I-12273, point 21).

    ( 16 ) Conclusions de l’avocat général Mayras du 28 mai 1974 dans l’affaire Reyners (arrêt du , 2/74, Rec. p. 631).

    ( 17 ) Cette approche restrictive est confirmée par une jurisprudence désormais constante de la Cour qui renvoie au fait que l’appréciation des exceptions à la liberté d’établissement prévues à l’article 45 CE doit tenir compte du caractère communautaire des limites posées par cet article aux exceptions à ladite liberté. Voir, simplement, arrêt du 22 octobre 2009, Commission/Portugal (C-438/08, Rec. p. I-10219, point 35).

    ( 18 ) Voir, simplement, arrêts Commission/Portugal (précité note 17, point 36); du 13 juillet 1993, Thijssen (C-42/92, Rec. p. I-4047, point 22), et du , Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti (C-451/03, Rec. p. I-2941, point 46).

    ( 19 ) C-114/97, Rec. p. I-6717, points 38 et 39.

    ( 20 ) Conclusions du 7 mai 1998, points 27 et 28. La constatation selon laquelle l’activité des entreprises de gardiennage ou de sécurité privée ne constitue normalement pas une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique a été confirmée dans les arrêts du , Commission/Belgique (C-355/98, Rec. p. I-1221, points 25 et 26); du , Commission/Italie (C-283/99, Rec. p. I-4363, points 20 et suiv.), et du , Commission/Italie (C-465/05, Rec. p. I-11091, points 31 et suiv.).

    ( 21 ) Précité note 17.

    ( 22 ) La Cour était déjà parvenue à une conclusion similaire dans ses arrêts du 29 novembre 2007, Commission/Autriche (C-393/05, Rec. p. I-10195, points 37 et suiv.) et Commission/Allemagne (C-404/05, Rec. p. I-10239, points 39 et suiv.), dans le cadre de l’examen des activités d’organismes privés de contrôle de produits issus de l’agriculture biologique.

    ( 23 ) Arrêt Thijssen (précité note 18, points 17 et suiv.). Voir, également, arrêt Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti (précité note 18, points 44 et suiv.) en ce qui concerne certaines activités de conseil et d’assistance fiscale des Centri di Assistenza Fiscale en Italie.

    ( 24 ) Outre les arrêts déjà mentionnés, voir, simplement, arrêt du 18 décembre 2007, Jundt (C-281/06, Rec. p. I-12231, points 35 et suiv.), en ce qui concerne l’exercice d’une activité d’enseignement pour le compte d’une université.

    ( 25 ) Voir points 54 et 55 des présentes conclusions.

    ( 26 ) À titre d’exemples des missions d’intérêt public assurées par les prestataires de services de secours, la République fédérale d’Allemagne renvoie à des mesures d’évacuation, de sécurité et de barrage en cas d’urgence et, en général, à la participation des prestataires de services d’aide médicale d’urgence à la planification, à l’organisation et à la gestion du service de secours, dans le cadre de laquelle ils auraient notamment le droit d’imposer à des tiers des obligations d’information et de déclaration ou pourraient décider de l’intervention d’autres services spécialisés.

    ( 27 ) Arrêts du 29 novembre 2007, Commission/Allemagne (précité note 22, point 47), et Commission/Autriche (précité note 22, point 45).

    ( 28 ) Arrêt du 25 octobre 2001 (C-475/99, Rec. p. I-8089).

    ( 29 ) C-157/94, Rec. p. I-5699, points 27 et suiv.

    ( 30 ) C-266/96, Rec. p. I-3949, point 59.

    ( 31 ) Voir, également, Mestmäcker, E., et Schweitzer, H., dans Immenga, U., et Mestmäcker, E., Wettbewerbsrecht. Kommentar zum Europäischen Kartellrecht, 4e édition, Munich, 2007, article 86, paragraphe 2, CE, point 42, ainsi que Pernice, I., et Wernicke, S., dans Grabitz, E., et Hilf, M., Das Recht der Europäischen Union, article 86 CE, point 53.

    ( 32 ) Arrêt du 11 décembre 2007, International Transport Workers’ Federation et Finnish Seamen’s Union (C-438/05, Rec. p. I-10779, point 53). Voir, également, arrêt du , Meca-Medina et Majcen/Commission (C-519/04 P, Rec. p. I-6991, points 31 à 34).

    ( 33 ) Arrêt du 10 juillet 1984, Campus Oil e.a. (72/83, Rec. p. 2727, point 19).

    ( 34 ) Voir, simplement, arrêt du 23 octobre 1997, Commission/France (C-159/94, Rec. p. I-5815, point 101).

    ( 35 ) Voir, simplement, arrêt Ambulanz Glöckner (précité note 28, point 55).

    ( 36 ) Ce sont les règles en vigueur au moment où l’acte doit être réalisé ou omis qui sont pertinentes. Voir, à ce sujet, Egger, A., Europäisches Vergaberecht, Baden-Baden, 2008, point 416. Voir, également, arrêt du 5 octobre 2000, Commission/France (C-337/98, Rec. p. I-8377, points 38 et suiv.).

    ( 37 ) Voir points 30 et suiv. des présentes conclusions.

    ( 38 ) Voir arrêts du 13 novembre 2007, Commission/Irlande (C-507/03, Rec. p. I-9777, point 33); du , Commission/Suède (C-438/07, Rec. p. I-9517, point 49), et du , Commission/Finlande (C-246/08, Rec. p. I-10605, point 52).

    ( 39 ) Voir points 34 et suiv. des présentes conclusions.

    ( 40 ) Voir, simplement, arrêt du 11 décembre 2003, Deutscher Apothekerverband (C-322/01, Rec. p. I-14887, point 64).

    ( 41 ) Arrêt du 13 octobre 2005, Parking Brixen (C-458/03, Rec. p. I-8585, point 48).

    ( 42 ) Arrêts du 6 avril 2006, ANAV (C-410/04, Rec. p. I-3303, point 21), et du , Acoset (C-196/08, Rec. p. I-9913, point 49). En ce qui concerne cette relation entre le principe de non-discrimination et le principe de transparence, voir arrêts Commission/Irlande (précité note 38, points 30 et 31); du , Telaustria et Telefonadress (C-324/98, Rec. p. I-10745, points 60 et suiv.); du , Coname (C-231/03, Rec. p. I-7287, points 17 et 18), et du , Commission/Italie (C-412/04, Rec. p. I-619, point 66).

    ( 43 ) En général, il convient de partir du principe que les directives 92/50 et 2004/18 ne devaient pas harmoniser totalement, en tant que telles, les passations de marchés publics qui relèvent de leurs domaines d’application respectifs. Cela découle déjà du titre de ces directives qui évoquent la «coordination» des procédures de passation des marchés. Le fait que ces directives aient poursuivi l’objectif d’une harmonisation minimale n’exclut toutefois pas que certaines matières aient, malgré tout, fait l’objet d’une harmonisation complète. Eu égard aux règles très détaillées que contiennent ces directives en ce qui concerne les obligations d’information, de communication et de publicité dans le cadre des différentes procédures de passation de marché, la délimitation entre une harmonisation minimale — très détaillée — et une harmonisation exhaustive est extrêmement difficile dans ce domaine. Comme l’avocat général Mazák l’a établi, à juste titre, aux points 12 et suiv. de ses conclusions du 22 septembre 2009 dans l’affaire Commission/France (arrêt du , C-299/08, Rec. p. I-11587) et comme la Cour l’a confirmé aux points 28 et suiv. de son arrêt du dans la même affaire, l’énumération des différentes procédures de passation de marché dans les articles 28 et suiv. de la directive 2004/18 doit, en tout cas, être considérée comme limitative. Il en découle directement qu’au moins certaines des dispositions relatives à ces procédures doivent être considérées comme réalisant une harmonisation exhaustive.

    ( 44 ) Si la Commission avait, par contre, apporté la preuve du fait que les services de secours doivent être considérés comme des marchés relatifs à des services de seconde catégorie et ne relèvent donc que partiellement des directives en matière de marchés publics, une application des principes découlant des articles 43 CE et 49 CE serait possible (en cas d’existence d’un intérêt transfrontalier certain), conformément à une jurisprudence constante. Voir, simplement, arrêt Commission/Irlande (précité note 38, points 29 et 30).

    ( 45 ) Arrêts du 5 octobre 1977, Tedeschi (5/77, Rec. p. 1555, points 33 et suiv.); du , van Bennekom (227/82, Rec. p. 3883, point 35); du , Bristol-Myers Squibb e.a. (C-427/93, C-429/93 et C-436/93, Rec. p. I-3457, point 25), et du , Danske Slagterier (C-445/06, Rec. p. I-2119, point 25).

    ( 46 ) Voir, simplement, arrêt Deutscher Apothekerverband (précité note 40, points 52 et suiv.).

    ( 47 ) En ce sens, voir Randelzhofer, A., et Fortsthoff, U., dans Grabitz, E., et Hilf, M., op. cit. (note 14), avant les articles 39 CE à 55 CE, point 149.

    ( 48 ) Il peut être renvoyé, à titre d’arrêt de principe, à l’arrêt du 12 octobre 1993, Vanacker et Lesage (C-37/92, Rec. p. I-4947). Voir, également, arrêts du , DaimlerChrysler (C-324/99, Rec. p. I-9897, points 32 et suiv.); du , Radlberger Getränkegesellschaft et S. Spitz (C-309/02, Rec. p. I-11763, points 52 et suiv.); du , Denkavit (C-145/02, Rec. p. I-51, points 22 et suiv.), et du , A.G.M.-COS.MET (C-470/03, Rec. p. I-2749, points 50 et suiv.).

    ( 49 ) Dans le sens de la limitation du champ d’application des libertés fondamentales résultant d’actes de droit dérivé réalisant une harmonisation exhaustive, voir Kingreen, T., Kommentar zu EUV/EGV (édité par Calliess, C., et Ruffert, M.), 3e éd., 2007, articles 28 CE à 30 CE, point 18.

    ( 50 ) Même si l’arrêt Danske Slagterier (précité note 45, points 18 et suiv.) confirme la possibilité qu’un citoyen invoque la libre circulation des marchandises malgré l’existence de deux directives d’harmonisation, la Cour ne s’est cependant pas prononcée, dans cet arrêt, contre la priorité d’application du droit dérivé, au sens des considérations exposées ci-dessus. En effet, comme je l’ai souligné dans mes conclusions du 4 septembre 2008 dans cette affaire (point 82), rien n’indique que le législateur communautaire voulait régir également les droits des citoyens de l’Union et leur ôter la possibilité de se prévaloir de leur droit en matière de libre circulation des marchandises au titre de l’article 28 CE.

    ( 51 ) Voir, à cet égard, les arrêts mentionnés dans la note 48.

    ( 52 ) Dans ce contexte, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une harmonisation minimale, il est fixé des standards minimaux que les États membres doivent atteindre. Si ces standards minimaux prévoient des règles strictes en ce qui concerne les procédures et les délais à respecter, qui doivent être observées pour garantir les principes d’égalité de traitement et de transparence, il peut apparaître une tension avec les dispositions de droit primaire, aussi forte que dans le cas d’une harmonisation totale.

    ( 53 ) Gaitanides, C., dans von der Groeben, H., et Schwarze, J. (éditeurs), Kommentar zum Vertrag über die Europäische Union und zur Gründung der Europäischen Gemeinschaft, 6e édition., Baden-Baden, 2003, article 226 CE, point 2. Voir également Rengeling, H. W., Middeke, A., et Gellermann, M., Handbuch des Rechtsschutzes in der Europäischen Union, 2e édition, Munich, 2003, § 6, point 2.

    ( 54 ) Voir Gaitanides, C., op. cit. note 53, point 12. Selon elle, la procédure de l’article 226 CE ne porte ni sur la responsabilité de l’État membre au sens du droit international public général ni sur une condamnation, mais sur la constatation objective d’une situation. Cette procédure aurait une fonction purement régulatrice et poursuivrait uniquement l’objectif de contraindre les États membres à faire cesser les violations existantes du traité. La critique de l’État membre en infraction constituerait, tout au plus, un effet secondaire, mais jamais l’objectif de la procédure.

    ( 55 ) Ainsi, en vertu d’une jurisprudence constante, l’obligation de transparence impose certes de garantir, en faveur de tout concessionnaire potentiel, un degré de publicité adéquat, mais elle n’implique pas nécessairement une obligation de procéder à un appel d’offres; voir arrêts du 13 novembre 2008, Coditel Brabant (C-324/07, Rec. p. I-8457, point 25), et Coname (précité note 42, point 21). Dans ce contexte, Egger, A., op. cit. (note 36), points 147 et suiv., renvoie au fait que les dispositions de droit primaire donnent une marge de manœuvre plus importante aux États membres que les directives en matière de marchés publics. À cet égard, il souligne, à juste titre, non seulement que l’étendue du contrôle n’est pas la même, mais que les dispositions de droit primaire sont également plus générales et donc globalement moins strictes et détaillées. Voir van den Berge, I. J., «De reikwijdte van het transparantiebeginsel bij de verlening van dienstenconcessies», NTER, 2005, p. 241, 243, qui estime que les articles 28 CE, 43 CE et 49 CE ne permettent pas de formuler des affirmations généralement valables sur les obligations de transparence à respecter.

    ( 56 ) Précité note 38, points 29 et suiv.

    ( 57 ) Ibidem, point 34.

    ( 58 ) Ibidem, point 25. Voir également Frenz, W., Handbuch Europarecht. Bd. III. Beihilfe- und Vergaberecht, Berlin, 2007, point 2116.

    ( 59 ) Voir points 91 et suiv. des présentes conclusions.

    ( 60 ) C-454/06, Rec. p. I-4401, points 28 et suiv.

    ( 61 ) Ibidem, point 34.

    ( 62 ) Ibidem, point 36.

    ( 63 ) Point 22 du mémoire en réponse de la République fédérale d’Allemagne du 4 septembre 2008.

    ( 64 ) Voir points 91 et suiv. des présentes conclusions.

    ( 65 ) Arrêts du 19 juin 2008, Commission/Luxembourg (C-319/06, Rec. p. I-4323, point 72); du , Commission/Italie (C-531/06, Rec. p. I-4103, point 98), et du , Commission/Espagne (C-562/07, Rec. p. I-9553, point 23).

    ( 66 ) Voir points 91 et suiv. des présentes conclusions.

    ( 67 ) À cet égard, il convient simplement de renvoyer à la jurisprudence constante en vertu de laquelle un manquement aux obligations de droit communautaire peut, également, découler de l’existence d’une pratique administrative, même si la réglementation nationale applicable est compatible avec le droit communautaire. Voir arrêt du 10 septembre 2009, Commission/Grèce (C-416/07, Rec. p. I-7883, point 24, avec d’autres références).

    ( 68 ) Arrêt du 19 mars 2009, Commission/Grèce (C-489/06, Rec. p. I-1797, points 40 et suiv.).

    ( 69 ) Décision X ZB 31/08; voir point 28 des présentes conclusions.

    ( 70 ) Voir point 144 des présentes conclusions.

    ( 71 ) Point 10 de la requête de la Commission du 15 avril 2008. Au point 5 de ce document, la Commission expose déjà que le recours se limite aux pratiques en matière de passation de marchés pour les prestations de services de secours suivant le modèle de soumission, qui est applicable dans la plupart des Länder allemands.

    ( 72 ) Points 17 et suiv. du mémoire en réplique de la Commission du 21 novembre 2008.

    ( 73 ) Article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.

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