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Document 62007TJ0236

Arrêt du Tribunal (deuxième chambre) du 26 octobre 2010.
République fédérale d’Allemagne contre Commission européenne.
FEOGA - Section ‘Garantie’ - Apurement des comptes - Exercice 2006 - Date d’application de l’article 32, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement (CE) nº 1290/2005 - Force contraignante d’une déclaration unilatérale de la Commission annexée au procès-verbal d’une réunion du Coreper.
Affaire T-236/07.

Recueil de jurisprudence 2010 II-05253

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2010:451

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

26 octobre 2010 (*)

« FEOGA – Section ‘Garantie’ – Apurement des comptes – Exercice 2006 – Date d’application de l’article 32, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement (CE) n° 1290/2005 – Force contraignante d’une déclaration unilatérale de la Commission annexée au procès-verbal d’une réunion du Coreper »

Dans l’affaire T-236/07,

République fédérale d’Allemagne, représentée initialement par MM. M. Lumma et J. Möller, puis par MM. Möller et N. Graf Vitzthum, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. F. Erlbacher, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision 2007/327/CE de la Commission, du 27 avril 2007, relative à l’apurement des comptes des organismes payeurs des États membres au titre des dépenses financées par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », pour l’exercice financier 2006 (JO L 122, p. 51),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe et M. S. Soldevila Fragoso (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 mai 2010,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Règlement (CEE) n° 595/91

1        Le règlement (CEE) n° 595/91 du Conseil, du 4 mars 1991, concernant les irrégularités et la récupération des sommes indûment versées dans le cadre du financement de la politique agricole commune ainsi que l’organisation d’un système d’information dans ce domaine, et abrogeant le règlement (CEE) n° 283/72 (JO L 67, p. 11) prévoit, à l’article 3 :

« 1. Dans le courant des deux mois qui suivent la fin de chaque trimestre, les États membres communiquent à la Commission un état indiquant les cas d’irrégularités qui ont fait l’objet d’un premier acte de constat administratif ou judiciaire.

À cet effet, ils donnent dans toute la mesure du possible les précisions concernant :

–        la disposition qui a été transgressée,

–        la nature et l’importance de la dépense ; dans les cas où aucun paiement n’a été effectué, les montants qui auraient été indûment payés si l’irrégularité n’avait pas été constatée, à l’exception des erreurs ou négligences commises par les opérateurs économiques mais détectées avant le paiement et ne donnant lieu à aucune sanction administrative ou judiciaire,

–        les organisations communes de marché et le ou les produits intéressés ou bien la mesure concernée,

–        le moment ou la période pendant laquelle l’irrégularité a été commise,

–        les pratiques utilisées pour commettre l’irrégularité,

–        la façon dont a été décelée l’irrégularité,

–        les services ou organismes nationaux qui ont procédé à la constatation de l’irrégularité,

–        les conséquences financières et les possibilités de récupération,

–        la date et la source de la première information permettant de soupçonner l’existence de l’irrégularité,

–        la date de la constatation de l’irrégularité,

–        le cas échéant, les États membres et les pays tiers concernés,

–        l’identification des personnes physiques et morales impliquées sauf dans les cas où cette indication ne peut être utile dans le cadre de la lutte contre les irrégularités en raison du caractère de l’irrégularité en cause.

2. Au cas où certaines de ces informations, et notamment celles relatives aux pratiques utilisées pour commettre l’irrégularité ainsi qu’à la façon dont celle-ci a été décelée, ne sont pas disponibles, les États membres les complètent dans toute la mesure du possible lors de la transmission à la Commission des états trimestriels suivants.

3. Si les dispositions nationales prévoient le secret de l’instruction, la communication de ces informations est subordonnée à l’autorisation de l’autorité judiciaire compétente. »

2        L’article 5, paragraphe 1, du même règlement indique que, « [d]ans le courant des deux mois qui suivent la fin de chaque trimestre, les États membres informent la Commission des procédures entamées à la suite des irrégularités communiquées en application de l’article 3 ainsi que des changements significatifs intervenus dans ces procédures […] ». Le paragraphe 2 de ce même article dispose que, « [l]orsqu’un État membre estime que la récupération totale d’un montant ne peut pas être effectuée ou attendue, il indique à la Commission, à l’occasion d’une communication spéciale, le montant non récupéré et les raisons selon lesquelles ce montant est, à son avis, à la charge de la Communauté ou de l’État membre », que « [c]es informations doivent être suffisamment détaillées pour permettre à la Commission de prendre une décision sur l’imputabilité des conséquences financières, conformément à l’article 8, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 729/70 » et que « [c]ette décision est prise selon la procédure prévue à l’article 5 dudit règlement ».

 Règlement (CE) n° 1287/95

3        L’article 1er, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1287/95 du Conseil, du 22 mai 1995, modifiant le règlement (CEE) n° 729/70 relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 125, p. 1), indique ce qui suit :

« L’article 5 est remplacé par le texte suivant :

‘Article 5

[…]

2. […]

c)       […] Un refus de financement ne peut pas porter sur les dépenses effectuées antérieurement aux vingt-quatre mois ayant précédé la communication écrite par la Commission à l’État membre concerné des résultats de ces vérifications. Toutefois, cette disposition ne s’applique pas aux conséquences financières à tirer :

–        des cas d’irrégularités au sens de l’article 8, paragraphe 2,

–        […]’ »

 Règlement (CEE) n° 1258/1999

4        Le règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), tel que modifié en dernier lieu par le règlement n° 1287/95, a établi les règles générales applicables au financement de la politique agricole commune. Le règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), a remplacé le règlement n° 729/70 et s’applique aux dépenses effectuées à partir du 1er janvier 2000.

5        En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), et de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 729/70 ainsi que de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), et de l’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 1258/1999, la section « Garantie » du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) finance, dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles, les interventions destinées à la régularisation de ces marchés, entreprises selon les règles communautaires.

6        L’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 dispose :

« La Commission décide des dépenses à écarter du financement communautaire visé aux articles 2 et 3 lorsqu’elle constate que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires.

Préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites, à l’issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre.

À défaut d’accord, l’État membre peut demander l’ouverture d’une procédure visant à concilier les positions respectives dans un délai de quatre mois, dont les résultats font l’objet d’un rapport communiqué à la Commission et examiné par elle avant qu’elle ne se prononce sur un éventuel refus de financement.

La Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté.

Un refus de financement ne peut pas porter sur :

a)      les dépenses visées à l’article 2 qui ont été effectuées plus de vingt-quatre mois avant que la Commission n’ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats des vérifications ;

b)      les dépenses relatives à une mesure ou action visée à l’article 3 pour laquelle le paiement final a été effectué plus de vingt-quatre mois avant que la Commission n’ait notifié par écrit à l’État membre concerné le résultat des vérifications.

Toutefois, les dispositions du cinquième alinéa ne s’appliquent pas aux conséquences financières :

a)      des irrégularités au sens de l’article 8, paragraphe 2 ;

b)      liées à des aides nationales ou à des infractions pour lesquelles les procédures visées aux articles [88 CE] et [226 CE] du traité ont été engagées. »

7        L’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1258/1999 prévoit ce qui suit :

« À défaut de récupération totale, les conséquences financières des irrégularités ou des négligences sont supportées par la Communauté, sauf celles résultant d’irrégularités ou négligences imputables aux administrations ou autres organismes des États membres.

Les sommes récupérées sont versées aux organismes payeurs agréés et portées par ceux-ci en déduction des dépenses financées par le Fonds. Les intérêts afférents aux sommes récupérées ou payées tardivement sont versés au Fonds. »

 Règlement (CE) n° 1290/2005

8        Aux termes de l’article 32, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 209, p. 1), « [à] l’occasion de la transmission des comptes annuels, prévue à l’article 8, paragraphe 1, [sous] c), iii), les États membres communiquent à la Commission un état récapitulatif des procédures de récupération engagées à la suite d’irrégularités, en fournissant une ventilation des montants non encore récupérés, par procédure administrative et/ou judiciaire et par année correspondant au premier acte de constat administratif ou judiciaire de l’irrégularité ». Il y est également précisé que « [l]es États membres tiennent à la disposition de la Commission l’état détaillé des procédures individuelles de récupération ainsi que des sommes individuelles non encore récupérées ».

9        L’article 32, paragraphe 5, du règlement n° 1290/2005 expose ce qui suit :

« Lorsque le recouvrement n’a pas eu lieu dans un délai de quatre ans après la date du premier acte de constat administratif ou judiciaire ou de huit ans, si le recouvrement fait l’objet d’une action devant les juridictions nationales, les conséquences financières de l’absence de recouvrement sont supportées à hauteur de 50 % par l’État membre concerné et à hauteur de 50 % par le budget communautaire.

L’État membre concerné indique séparément dans l’état récapitulatif visé au paragraphe 3, premier alinéa, les montants pour lesquels le recouvrement n’a pas été effectué dans les délais prévus au premier alinéa du présent paragraphe.

La répartition de la charge financière consécutive à l’absence de recouvrement, conformément au premier alinéa, est sans préjudice de l’obligation pour l’État membre concerné de poursuivre les procédures de recouvrement, en application de l’article 9, paragraphe 1, du présent règlement. Les sommes ainsi récupérées sont créditées au [Fonds européen agricole de garantie (FEAGA)] à raison de 50 %, après application de la retenue prévue au paragraphe 2 du présent article.

Lorsque, dans le cadre de la procédure de recouvrement, l’absence d’irrégularité est constatée par un acte administratif ou judiciaire ayant un caractère définitif, l’État membre concerné déclare au FEAGA comme dépense la charge financière supportée par lui en vertu du premier alinéa.

Toutefois, si, pour des raisons non imputables à l’État membre concerné, le recouvrement n’a pas pu être effectué dans les délais indiqués au premier alinéa et si le montant à récupérer est supérieur à 1 million [d’euros], la Commission peut, à la demande de l’État membre, prolonger les délais de 50 % au maximum des délais initialement prévus. »

10      Selon l’article 32, paragraphe 6, du règlement n° 1290/2005, « [d]ans des cas dûment justifiés, les États membres peuvent décider de ne pas poursuivre le recouvrement ». Cette disposition précise qu’une telle décision ne peut être prise que dans les cas suivants :

« a)      lorsque l’ensemble des coûts entamés et des coûts prévisibles de recouvrement est supérieur au montant à recouvrer ;

b)      lorsque le recouvrement s’avère impossible à cause de l’insolvabilité du débiteur ou des personnes juridiquement responsables de l’irrégularité, constatée et admise conformément au droit national de l’État membre concerné. »

Cette même disposition énonce que « [l]’État membre concerné indique séparément dans l’état récapitulatif visé au paragraphe 3, premier alinéa, les montants pour lesquels il a décidé de ne pas poursuivre les procédures de recouvrement ainsi que la justification de sa décision ».

11      Aux termes de l’article 32, paragraphe 8, du règlement n° 1290/2005 :

« Après avoir suivi la procédure prévue à l’article 31, paragraphe 3, la Commission peut décider d’écarter du financement communautaire les sommes mises à la charge du budget communautaire dans les cas suivants :

a)      en application des paragraphes 5 et 6 du présent article, lorsqu’elle constate que les irrégularités ou l’absence de récupération résultent d’irrégularités ou de négligences imputables à l’administration ou à un service ou organisme d’un État membre ;

b)      en application du paragraphe 6 du présent article, lorsqu’elle estime que la justification apportée par l’État membre n’est pas suffisante pour justifier sa décision d’arrêter la procédure de recouvrement. »

12      L’article 46 de ce règlement prévoit :

« […] Le règlement […] n° 595/91 est modifié comme suit :

1)      à l’article 5, le paragraphe 2 est supprimé ;

2)      à l’article 7, le paragraphe 1 est supprimé. »

13      L’article 47, paragraphe 1, dudit règlement prévoit que « le règlement n° 25, le règlement […] n° 723/97 et le règlement […] n° 1258/1999 sont abrogés ».

14      L’article 49, premier à troisième alinéas, relatif à l’entrée en vigueur du même règlement, précise enfin :

« […] Le présent règlement entre en vigueur le septième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne [le 18 août 2005].

Il s’applique à partir du 1er janvier 2007, à l’exception des paragraphes 4 et 5 de l’article 18, qui s’appliquent dès son entrée en vigueur, sans préjudice des dispositions de l’article 47.

Toutefois, les dispositions suivantes s’appliquent à partir du 16 octobre 2006 :

–        […]

–        l’article 32, pour les cas communiqués dans le cadre de l’article 3 du règlement […] n° 595/91 et pour lesquels le recouvrement total n’est pas encore intervenu au 16 octobre 2006,

[…] »

 Antécédents du litige

15      Le 12 février 2007, la République fédérale d’Allemagne a adressé à la Commission un état récapitulatif des procédures de récupération engagées à la suite d’irrégularités, conformément aux dispositions de l’article 32, paragraphe 3, du règlement n° 1290/2005, en y incluant les cas relevant des dispositions de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91. Le 30 mars 2007, la Commission a transmis à la République fédérale d’Allemagne un document relatif à la décision d’apurement des comptes pour l’exercice financier 2006, en y détaillant la méthodologie utilisée pour effectuer ses calculs et en fournissant un tableau indiquant, par organisme payeur, les montants à recouvrer. Elle avait ainsi prévu de faire application des dispositions de l’article 32, paragraphe 5, du règlement n° 1290/2005 à l’ensemble des cas d’irrégularités ayant fait l’objet d’un premier acte de constat administratif ou judiciaire, conformément aux dispositions de l’article 3 du règlement n° 595/91. Ainsi, la République fédérale d’Allemagne s’est vu imputer à hauteur de 50 % les montants correspondant à deux types d’irrégularités :

–        les irrégularités ayant fait l’objet d’un constat administratif plus de quatre ans auparavant (huit ans en cas d’introduction d’une action devant les juridictions nationales) et n’ayant pas encore donné lieu à recouvrement ;

–        les irrégularités ayant suscité un constat administratif ou l’introduction d’une action devant les juridictions nationales, puis ayant fait l’objet d’une communication spéciale au titre de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91 dans un délai supérieur à quatre ou à huit ans, et pour lesquelles la Commission n’avait pas encore adopté de décision quant à leur imputation sur le fondement des dispositions de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1258/1999.

16      Le 16 avril 2007, la République fédérale d’Allemagne a interrogé la Commission sur les modalités de calcul du montant communiqué le 30 mars 2007, en précisant que le Land de Sarre ne parvenait pas à comprendre ce calcul. Par courrier électronique du 18 avril 2007, la Commission a répondu à la République fédérale d’Allemagne en lui exposant la méthodologie suivie pour calculer le montant dû, au titre des dispositions de l’article 32, paragraphe 5, du règlement n° 1290/2005, par le Land de Sarre. La République fédérale d’Allemagne n’a pas sollicité d’informations complémentaires auprès de la Commission. Lors de la 14e session du comité des fonds agricoles du 20 avril 2007, répondant à plusieurs États membres, dont la République fédérale d’Allemagne, la Commission a, à nouveau, apporté des éclaircissements sur cette méthode de calcul.

17      Par la décision 2007/327/CE, du 27 avril 2007, relative à l’apurement des comptes des organismes payeurs des États membres au titre des dépenses financées par le FEOGA, section « Garantie », pour l’exercice financier 2006 (JO L 122, p. 51, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a établi une réduction de 22 008 515,16 euros du montant du concours versé à la République fédérale d’Allemagne.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juillet 2007, la République fédérale d’Allemagne a introduit le présent recours. Le mémoire en défense a été déposé le 26 septembre 2007, la réplique le 26 novembre 2007 et la duplique le 14 janvier 2008.

19      La République fédérale d’Allemagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle a mis à sa charge un montant de 1 750 616,27 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens.

20      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable, dans la mesure où la somme en cause dépasse le montant de 1 602 814,31 euros ;

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

21      Dans son mémoire en défense, la Commission a indiqué que le recours était irrecevable dans la mesure où il concernait une somme supérieure à 1 602 814,31 euros, celle-ci correspondant au montant pour lequel elle avait effectivement fait application des dispositions de l’article 32, paragraphe 5, du règlement n° 1290/2005. En effet, la République fédérale d’Allemagne se serait, d’une part, méprise sur le calcul de la moitié de la somme de départ de 3 347 636,98 euros correspondant aux 34 cas de récupération qu’elle estimait litigieux, qui s’élève à 1 673 818,49 euros et non à 1 750 616,27 euros, et, d’autre part, elle aurait à tort inclus six cas de récupération sans lien avec l’article 32, paragraphe 5, du règlement n° 1290/2005, pour un montant de 71 004,18 euros.

22      Dans la réplique, la République fédérale d’Allemagne a indiqué maintenir ses conclusions. Néanmoins, elle a souhaité modifier en partie le contenu des dispositions de la décision attaquée dont elle sollicitait l’annulation, afin de corriger certaines erreurs de calcul et en raison d’éléments révélés lors de la procédure écrite. En premier lieu, elle a admis avoir mal calculé le montant correspondant à la moitié de la somme de départ de 3 347 636,98 euros se rapportant aux 34 irrégularités litigieuses. En deuxième lieu, elle a constaté avoir inclus à tort six cas qui avaient été imputés en totalité au budget communautaire pour un montant de 71 004,18 euros. Enfin, en troisième lieu, elle a signalé avoir omis trois cas qui lui avaient été imputés à hauteur de 50 %, pour un montant de 862 413,65 euros. Elle a ainsi précisé qu’elle souhaitait procéder à une compensation entre les cas qu’elle avait inclus à tort dans sa requête et une partie de ceux qu’elle avait omis.

23      Afin d’expliquer pourquoi elle avait modifié les dispositions de la décision attaquée dont elle sollicitait l’annulation, la République fédérale d’Allemagne a précisé qu’il ne lui avait pas été possible de déterminer les cas relevant des dispositions de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91 qui avaient été pris en compte par la décision attaquée lors de l’introduction de sa requête, la Commission ne lui ayant jamais transmis de liste de ces cas, et que seul le mémoire en défense de la Commission lui avait permis de rectifier ces erreurs matérielles. Elle a également indiqué s’être adressée sans succès à la Commission avant l’introduction de sa requête afin d’obtenir une liste des cas relevant de ces dispositions.

24      Lors de l’audience, la République fédérale d’Allemagne a confirmé avoir renoncé à ses conclusions en annulation relatives aux six cas mentionnés dans la requête, qui avaient été imputés en totalité au budget communautaire pour un montant de 71 004,18 euros. Le Tribunal en a pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

25      Elle a en outre indiqué qu’elle ne considérait pas avoir modifié ses conclusions, mais que l’inclusion de trois nouveaux cas d’irrégularités dans sa demande d’annulation devait être qualifiée de moyen nouveau, qu’elle était en droit de soulever au stade de la réplique. La Commission a rejeté cet argument.

 Appréciation du Tribunal

26      Il appartient au Tribunal de se prononcer sur la recevabilité des conclusions formulées par la République fédérale d’Allemagne dans la réplique, à savoir la demande d’annulation partielle de la décision attaquée en tant qu’elle dépasse le montant de 1 602 814,31 euros et qu’elle concerne les trois cas d’irrégularités qui lui avaient été imputés à hauteur de 50 %, qu’elle avait omis dans sa requête.

27      Aux termes de l’article 44, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, le requérant est tenu d’indiquer ses conclusions dans sa requête. Ainsi, seules les conclusions exposées dans la requête introductive d’instance peuvent être prises en considération (arrêt de la Cour du 8 juillet 1965, Krawczynski/Commission, 83/63, Rec. p. 773, point 2) et le bien-fondé du recours doit être examiné uniquement au regard des conclusions contenues dans la requête introductive d’instance (arrêt de la Cour du 25 septembre 1979, Commission/France, 232/78, Rec. p. 2729, point 3).

28      L’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure permet la production de moyens nouveaux à la condition que ceux-ci se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Il ressort de la jurisprudence que cette condition régit a fortiori toute modification des conclusions et que, à défaut d’éléments de droit et de fait révélés pendant la procédure écrite, seules les conclusions de la requête peuvent être prises en considération (arrêt Krawczynski/Commission, point 27 supra, point 2).

29      En l’espèce, la République fédérale d’Allemagne soutient qu’il ne lui a pas été possible de déterminer, lors de l’introduction de sa requête, les cas qui avaient été pris en compte dans la décision attaquée, la Commission ne lui ayant jamais transmis de liste des cas relevant des dispositions de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91, et que seul le mémoire en défense de la Commission lui a permis de rectifier ces erreurs matérielles.

30      En premier lieu, il convient cependant de souligner que la République fédérale d’Allemagne était parfaitement au fait de la méthode de calcul utilisée par la Commission lorsqu’elle a appliqué les dispositions de l’article 32, paragraphe 5, du règlement n° 1290/2005, celle-ci lui ayant été exposée à trois reprises, comme indiqué aux points 15 et 16 ci-dessus. En effet, la Commission lui avait transmis le 30 mars 2007, soit avant l’adoption de la décision attaquée, un document relatif à la décision d’apurement des comptes pour l’exercice financier 2006, dont l’annexe 3 exposait cette méthodologie de manière détaillée. Par ailleurs, le 18 avril 2007, la Commission a répondu à la République fédérale d’Allemagne en lui expliquant à nouveau cette méthodologie et en l’appliquant au cas du Land de Sarre. En outre, lors de la 14e session du comité des fonds agricoles du 20 avril 2007, répondant à plusieurs États membres, dont la République fédérale d’Allemagne, la Commission a, à nouveau, apporté des éclaircissements sur cette méthode de calcul. Enfin, comme le souligne la Commission, son mémoire en défense n’a fourni aucune indication spécifique relative à la méthode de calcul utilisée.

31      En second lieu, la Commission, comme elle l’a souligné, a effectué ses calculs à partir des données que les États membres sont tenus de lui transmettre conformément aux dispositions de l’article 6, sous f), et à l’annexe III, tableaux nos 1, 2 et 5 du règlement (CE) n° 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement n° 1290/2005 en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO L 171, p. 90).

32      La République fédérale d’Allemagne, qui disposait donc de la méthodologie et des données pertinentes, se trouvait ainsi en principe en mesure de déterminer elle-même, dès l’introduction de sa requête, les cas relevant des dispositions de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91 qui avaient été pris en compte par la Commission dans la décision attaquée. En tout état de cause, elle n’a pas établi que la modification de ses conclusions ait été imputable à des éléments de droit et de fait révélés pendant la procédure écrite. Dès lors, ses conclusions en annulation sont irrecevables en ce qu’elles concernent un montant supérieur à 1 602 814,31 euros.

33      Il convient enfin de préciser que, si, lors de l’audience, la République fédérale d’Allemagne a estimé qu’elle n’avait pas modifié ses conclusions, mais que l’inclusion de trois nouveaux cas d’irrégularités dans sa demande d’annulation devait être qualifiée de moyen nouveau, cette affirmation est en tout état de cause sans incidence sur la recevabilité, dès lors que, comme l’a souligné la Commission lors de l’audience, selon l’article 44, paragraphe 1, sous c), et l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, le requérant est tenu d’indiquer un exposé sommaire des moyens invoqués dans sa requête et que la production de moyens nouveaux est soumise à la condition que ceux-ci se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

 Sur le fond

34      La République fédérale d’Allemagne soulève deux moyens à l’appui de ses conclusions. En premier lieu, elle soutient que la Commission a commis une erreur de droit dans l’application de l’article 32, paragraphe 5, du règlement n° 1290/2005 et, en second lieu, elle considère que la Commission a méconnu sa déclaration unilatérale du 4 mai 1995.

 Sur le premier moyen, tiré de l’erreur de droit dans l’application de l’article 32, paragraphe 5, du règlement n° 1290/2005

–       Arguments des parties

35      La République fédérale d’Allemagne considère que la Commission a commis une erreur de droit en faisant application, dès le 16 octobre 2006, de la règle de mise à la charge de l’État membre, à hauteur de 50 %, des sommes non recouvrées par lui dans un délai de quatre ans après la date du premier acte de constat administratif ou judiciaire ou de huit ans, si le recouvrement fait l’objet d’une action devant les juridictions nationales, prévue par les dispositions de l’article 32, paragraphe 5, du règlement n° 1290/2005. Elle estime en effet que, en vertu des dispositions des articles 46 et 49 de ce règlement, l’article 32, paragraphe 5, du règlement n° 1290/2005 n’était applicable, à cette date, qu’aux seuls cas prévus par l’article 3 du règlement n° 595/91, à savoir ceux pour lesquels les États membres avaient communiqué à la Commission, dans le courant des deux mois qui suivent la fin de chaque trimestre, un état indiquant les irrégularités qui avaient fait l’objet d’un premier acte de constat administratif ou judiciaire et qui n’avaient pas fait l’objet d’un recouvrement total au 16 octobre 2006, et non aux cas relevant de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91, relatif aux communications spéciales envoyées par un État membre à la Commission lorsqu’il estime que la récupération totale d’un montant ne peut pas être effectuée ou attendue, à la suite des irrégularités communiquées en application de l’article 3 du même règlement. Ainsi, selon elle, les cas de récupération en cours ayant fait l’objet de communications spéciales prévues à l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91 devaient, jusqu’au 31 décembre 2006, être traités sur le fondement des règles applicables à la date de ces communications, à savoir les dispositions de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1258/1999, qui prévoient une prise en charge intégrale par le budget communautaire des cas de non-récupération, dès lors que l’État membre concerné n’en est pas responsable.

36      La République fédérale d’Allemagne soutient qu’une interprétation différente, qui reviendrait à considérer que tous les cas de récupération ayant fait l’objet d’une communication spéciale, y compris en vertu de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91, entreraient dans le champ d’application de l’article 32, paragraphe 5, du règlement n° 1290/2005 dès le 16 octobre 2006, priverait d’effet les dispositions de l’article 46 du règlement n° 1290/2005, qui ne prévoit de supprimer l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91 qu’à compter du 1er janvier 2007, et serait ainsi contraire à la volonté du législateur.

37      La République fédérale d’Allemagne précise en outre que son interprétation du règlement n° 1290/2005 ne serait pas contraire aux dispositions de l’article 47, paragraphe 1, de ce règlement, qui porte abrogation du règlement n° 1258/1999, en vertu des principes dégagés par la jurisprudence dans l’arrêt de la Cour du 16 octobre 2003, Irlande/Commission (C-339/00, Rec. p. I-11757, point 38).

38      Elle souligne également la nécessité d’effectuer une distinction entre, d’une part, les situations régies par les dispositions de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91, qui se rapportent à des cas clôturés, et, d’autre part, les cas relevant des dispositions de l’article 3 de ce texte, qui ne concernent que ceux pour lesquels les récupérations sont toujours en cours et pour lesquels seule la Commission peut décider des conséquences financières d’une impossibilité de recouvrement des montants alloués. Elle précise que les cas qui ont fait l’objet d’une communication spéciale conformément à l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91 ne sont plus véritablement en suspens, dès lors qu’ils sont clôturés pour l’État membre qui a exclu la possibilité de la récupération de leur montant, et qu’il revient uniquement à la Commission de décider des conséquences financières de cet état de fait. Considérer qu’il n’existe pas de différence entre ces deux types de cas reviendrait à imputer automatiquement au budget communautaire tous les cas signalés au titre de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91 après expiration des délais de quatre et de huit ans prévus par l’article 32, paragraphe 5, du règlement n° 1290/2005, ce qui priverait ces délais de tout sens. Elle souligne en outre que peu de cas font l’objet d’une communication au titre de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91.

39      La République fédérale d’Allemagne relève, par ailleurs, que le législateur n’a envisagé aucune fonction d’apurement en ce qui concerne les cas particuliers d’insolvabilité du débiteur, l’article 32, paragraphe 6, sous b), du règlement n° 1290/2005 prévoyant que, dans ces cas, les États membres peuvent renoncer librement à toute récupération et que le montant est alors intégralement imputé au budget communautaire.

40      Enfin, elle signale que, lorsqu’elle a envoyé le 12 février 2007 un état récapitulatif des procédures de récupération engagées à la suite d’irrégularités, conformément aux dispositions de l’article 32, paragraphe 3, du règlement n° 1290/2005, elle y a inclus les cas relevant des dispositions de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91, tout en conservant le numéro d’identification qu’ils avaient dans la communication spéciale effectuée au titre dudit article 5.

41      La Commission conteste les arguments de la République fédérale d’Allemagne et considère qu’elle n’a pas commis d’erreur de droit dans son application des dispositions de l’article 32, paragraphe 5, du règlement n° 1290/2005.

–       Appréciation du Tribunal

42      À titre liminaire, il convient d’observer que, dans le cadre de ce moyen, la République fédérale d’Allemagne cherche à démontrer que la décision attaquée doit être annulée en ce que la Commission aurait retenu une interprétation erronée de l’article 49, deuxième et troisième alinéas, du règlement n°1290/2005, aux termes duquel le règlement s’applique à partir du 1er janvier 2007, à l’exception, notamment, des dispositions de l’article 32, applicables dès le 16 octobre 2006, « pour les cas communiqués dans le cadre de l’article 3 du règlement n° 595/91 et pour lesquels le recouvrement total n’est pas encore intervenu au 16 octobre 2006 ». La Commission a, en effet, considéré que l’article 32 du règlement n° 1290/2005 était également applicable dès le 16 octobre 2006 aux cas communiqués dans le cadre de l’article 3 du règlement n° 595/91, puis ayant fait l’objet d’une communication spéciale, conformément aux dispositions de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91, et pour lesquels le recouvrement total n’était pas encore intervenu au 16 octobre 2006.

43      Il convient de rappeler qu’il ressort des dispositions de l’article 15, paragraphe 4, du règlement n° 1290/2005 que l’année financière commence le 16 octobre et s’achève le 15 octobre de l’année suivante, les dépenses des États membres effectuées du 1er au 15 octobre étant rattachées au mois d’octobre, alors que celles effectuées du 16 au 31 octobre sont rattachées au mois de novembre. L’article 32 du règlement n° 1290/2005 concerne les obligations des États membres s’agissant de la récupération de sommes auprès de bénéficiaires ayant commis des irrégularités ou fait preuve de négligence. L’article 32, paragraphe 5, de ce règlement vise les situations particulières dans lesquelles l’État membre n’a pas récupéré les sommes, soit dans un délai de quatre ans après la date du premier acte de constat administratif ou judiciaire, soit dans un délai de huit ans si le recouvrement fait l’objet d’une action devant les juridictions nationales. Dans de telles situations, il est alors précisé que « les conséquences financières de l’absence de recouvrement sont supportées à hauteur de 50 % par l’État membre concerné et à hauteur de 50 % par le budget communautaire ».

44      En vertu d’une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition de droit communautaire, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêt de la Cour du 7 juin 2005, VEMW e.a., C-17/03, Rec. p. I-4983, point 41, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T-22/02 et T-23/02, Rec. p. II-4065, point 47).

45      C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner si l’expression « pour les cas communiqués dans le cadre de l’article 3 du règlement n° 595/91 et pour lesquels le recouvrement total n’est pas encore intervenu au 16 octobre 2006 », figurant à l’article 49, troisième alinéa, deuxième tiret, du règlement n° 1290/2005, doit être comprise comme ne visant que les cas ayant fait l’objet d’une communication dans le cadre de l’article 3 du règlement n° 595/91 et n’ayant pas donné lieu à recouvrement au 16 octobre 2006 ou comme visant également les cas communiqués dans le cadre dudit article 3, puis ayant fait l’objet d’une communication spéciale, conformément aux dispositions de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91, et n’ayant pas donné lieu à recouvrement au 16 octobre 2006.

46      En premier lieu, il apparaît que la réponse à cette question peut être déduite d’une interprétation littérale de l’article 49, troisième alinéa, deuxième tiret, du règlement n° 1290/2005, au regard du sens clair de l’expression « pour les cas communiqués dans le cadre de l’article 3 du règlement n° 595/91 ». Il convient, à cet égard, de relever que cette expression a une large portée en ce qu’elle est de nature à englober tous les cas ayant fait l’objet d’une communication au titre de l’article 3 du règlement n° 595/91. Or, au nombre de ceux-ci figurent nécessairement les cas ayant fait l’objet d’une première communication au titre de l’article 3, puis d’une communication spéciale au titre de l’article 5, paragraphe 2.

47      En effet, il convient de rappeler que, avant l’entrée en vigueur du règlement n° 1290/2005, la procédure relative aux irrégularités était notamment définie par les articles 3 et 5 du règlement n° 595/91. Ainsi, conformément audit article 3, les États membres étaient tenus de communiquer chaque trimestre à la Commission un état indiquant les cas d’irrégularités ayant fait l’objet d’un premier acte de constat administratif ou judiciaire. L’article 5, paragraphe 1, leur imposait par la suite d’envoyer à la Commission, chaque trimestre, une information relative aux procédures entamées à la suite des irrégularités communiquées en application de l’article 3 et le paragraphe 2 de cet article prévoyait l’envoi d’une communication spéciale pour les montants que les États membres estimaient ne pas être en mesure de recouvrer. Ainsi, l’article 3 et l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91 ne correspondent pas à des cas différents, comme le soutient la République fédérale d’Allemagne, mais à des étapes différentes, l’article 5, paragraphe 2, visant les irrégularités signalées antérieurement dans le cadre de l’article 3 et considérées comme irrécouvrables par l’État membre.

48      Il convient en outre de préciser que la République fédérale d’Allemagne ne saurait se prévaloir des principes dégagés par la Cour dans l’arrêt Irlande/Commission (point 37 supra), dès lors que le présent litige ne présente pas les mêmes caractéristiques que celles ayant conduit la Cour à procéder à une interprétation du règlement n° 1258/1999, qui ne comportait pas de dispositions transitoires. En effet, en l’espèce, le règlement n° 1290/2005 a indiqué de manière détaillée les règles relatives à son entrée en vigueur, à son application, aux abrogations qu’il rend nécessaires et aux mesures de transition avec les autres dispositions relatives au FEOGA. Il a notamment prévu l’application, dès le 16 octobre 2006, de l’article 32 aux cas communiqués dans le cadre de l’article 3 du règlement n° 595/91 et pour lesquels le recouvrement total n’était pas encore intervenu.

49      En deuxième lieu, l’interprétation évoquée au point 46 ci-dessus est également conforme à l’économie générale de la nouvelle procédure d’apurement des comptes mise en place par le règlement n° 1290/2005. En effet, dans le système antérieur, en vertu des dispositions de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1258/1999, les conséquences financières des irrégularités ou des négligences étaient supportées par la Communauté, sauf celles résultant d’irrégularités ou de négligences imputables aux administrations ou aux autres organismes des États membres. Or, le Conseil de l’Union européenne, en adoptant le règlement n° 1290/2005, s’est notamment fixé pour objectif de mettre en place une procédure permettant à la Commission de préserver les intérêts du budget communautaire en décidant d’imputer au compte de l’État membre concerné une partie des sommes qui ont été perdues en raison d’irrégularités et qui n’ont pas été récupérées dans un délai raisonnable (considérants 25 et 26). Ainsi, l’article 32, paragraphe 5, de ce texte prévoit-il que les montants dont le recouvrement n’a pas eu lieu dans un délai de quatre ou de huit ans après le premier constat administratif ou judiciaire font désormais l’objet d’une imputation à parts égales entre l’État membre et le budget communautaire.

50      À cet égard, il convient de préciser que, aux termes de l’article 49 du règlement n° 1290/2005, les articles relatifs à l’apurement comptable (articles 30 et 31) et aux irrégularités (article 32) sont applicables à compter du 16 octobre 2006. Il ne serait dès lors pas cohérent, compte tenu de l’objectif de protection des intérêts financiers du budget communautaire poursuivi par le législateur, de considérer que celui-ci a entendu réserver de manière implicite un sort spécifique aux irrégularités ayant fait l’objet d’une communication spéciale au titre des dispositions de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91, alors même qu’il a prévu de faire application de l’ensemble des dispositions relatives à l’apurement comptable et aux irrégularités dès le 16 octobre 2006.

51      En troisième lieu, l’interprétation proposée par la République fédérale d’Allemagne aurait pour effet de faire application d’une disposition abrogée par le législateur. En effet, l’article 49 précise que l’application du règlement à compter du 1er janvier 2007 n’affecte pas les dispositions de son article 47, relatif aux abrogations, et notamment à celle du règlement n° 1258/1999. L’article 47 du règlement n° 1290/2005 prévoit en effet l’abrogation du règlement n° 1258/1999 dès sa propre entrée en vigueur, à savoir le 18 août 2005, sauf pour les dépenses effectuées par les États membres, pour lesquelles le règlement est applicable jusqu’au 15 octobre 2006, et pour celles effectuées par la Commission, pour lesquelles le règlement demeure applicable jusqu’au 31 décembre 2006. Or, le raisonnement de la République fédérale d’Allemagne, selon lequel les cas ayant fait l’objet d’une communication spéciale sur le fondement de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91 n’entraient pas dans le champ d’application de l’article 32, paragraphe 5, du règlement n° 1290/2005 avant le 1er janvier 2007 et devaient dès lors, jusqu’à cette date, faire l’objet d’une décision de la Commission quant à leur imputation, aurait obligé la Commission à faire application des règles de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1258/1999 alors même que celles-ci avaient été abrogées le 16 octobre 2006 pour les dépenses effectuées par les États membres. Une telle interprétation serait manifestement contraire à la volonté du législateur.

52      En quatrième lieu, l’interprétation évoquée au point 46 ci-dessus est compatible avec le maintien en vigueur de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91 jusqu’au 31 décembre 2006. En effet, il est constant que les modifications prévues par l’article 46, qui suppriment notamment l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91, ne sont applicables qu’à compter du 1er janvier 2007. Il convient de préciser que, si le législateur a entendu maintenir cette disposition en vigueur entre le 16 octobre et le 31 décembre 2006, cela s’explique, comme le soutient la Commission, par la nécessité de permettre à cette dernière de recevoir les informations relatives aux communications spéciales pour les irrégularités du 3e trimestre 2006, afin de détenir des informations destinées à sa mission de répression des fraudes, et ce indépendamment de la procédure d’apurement des comptes.

53      En cinquième et dernier lieu, les autres arguments présentés par la République fédérale d’Allemagne ne sauraient remettre en cause l’interprétation de l’article 49, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement n° 1290/2005 évoquée au point 46 ci-dessus.

54      Ainsi, la circonstance selon laquelle, lorsqu’elle a adressé à la Commission, le 12 février 2007, un état récapitulatif des procédures de récupération engagées à la suite d’irrégularités, conformément aux dispositions de l’article 32, paragraphe 3, du règlement n° 1290/2005, la République fédérale d’Allemagne y a inclus les cas relevant des dispositions de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91, tout en conservant le numéro d’identification qu’ils avaient dans la communication spéciale effectuée au titre dudit article 5, est sans aucune influence sur le présent moyen, dès lors que ces deux articles ne recouvrent pas des cas différents, mais des étapes différentes (voir point 47 ci-dessus).

55      De même, la circonstance, à la supposer établie, que peu de cas aient fait l’objet d’une communication au titre de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91 est sans influence sur l’interprétation des dispositions de l’article 49 du règlement n° 1290/2005, un tel élément purement quantitatif ne pouvant avoir une quelconque incidence sur une règle de droit.

56      En outre, l’interprétation évoquée au point 46 ci-dessus n’a pas pour effet, en traitant de la même manière les irrégularités signalées au titre de l’article 3 du règlement n° 595/91 et celles qui ont ensuite fait l’objet d’une communication spéciale au titre de l’article 5, paragraphe 2, de ce même règlement, de priver de sens les délais de quatre et de huit ans prévus par l’article 32, paragraphe 5, du règlement n° 1290/2005. En effet, conformément à la méthodologie exposée par la Commission dans son document du 30 mars 2007, relatif à l’apurement des comptes pour l’exercice financier 2006 (voir point 15 ci-dessus), cette interprétation n’a pour effet que de sanctionner les États membres lorsqu’ils ont transmis une communication spéciale plus de quatre ans (huit ans en cas de procédure juridictionnelle) après le premier constat d’une irrégularité, ce qui est conforme à l’objectif d’incitation des États membres à récupérer dans un délai raisonnable les sommes à propos desquelles des irrégularités ont été constatées.

57      Enfin, l’interprétation évoquée au point 46 ci-dessus est compatible avec les dispositions de l’article 32, paragraphe 6, sous b), et de l’article 32, paragraphe 8, du règlement n° 1290/2005 relatives aux cas d’insolvabilité du débiteur, qui sont pris en charge en totalité par le budget communautaire à la condition qu’ils ne résultent pas d’irrégularités ou de négligences de la part de l’État membre et que la justification apportée par ce dernier pour décider d’arrêter sa procédure de recouvrement soit suffisante. En effet, à la supposer établie, la circonstance selon laquelle les irrégularités ayant fait l’objet d’une communication spéciale au titre de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91 recouvraient certains cas d’insolvabilité des débiteurs ne suffit pas à considérer que le législateur ait entendu substituer cette disposition à celle de l’article 32, paragraphe 6, sous b), du règlement n° 1290/2005.

58      Il résulte de tout ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit dans l’interprétation de l’article 49, troisième alinéa, deuxième tiret, du règlement n° 1290/2005 en considérant que l’article 32, paragraphe 5, dudit règlement était applicable dès le 16 octobre 2006 aux cas communiqués dans le cadre de l’article 3 du règlement n° 595/91, puis ayant fait l’objet d’une communication spéciale, conformément aux dispositions de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91, et n’ayant pas donné lieu à recouvrement à cette date.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de la déclaration unilatérale de la Commission du 4 mai 1995

–       Arguments des parties

59      La République fédérale d’Allemagne soutient que la décision attaquée méconnaît le principe de bonne administration en violant l’engagement unilatéral pris par la Commission dans une déclaration annexée au procès-verbal de la réunion du Coreper du 4 mai 1995, invitant le Conseil à adopter, lors de sa réunion du 22 mai 1995, le projet de règlement relatif à la modification du règlement n° 729/70 et à annexer cette déclaration à son propre procès-verbal. Dans cette déclaration, la Commission s’engageait à prendre une décision sur l’imputation des montants non récupérés au plus tard 24 mois après la communication effectuée au titre de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91. Or, 6 des 34 cas litigieux de la décision attaquée, représentant un montant de 280 638,03 euros imputé pour moitié à son budget, à savoir 140 319,01 euros, auraient été communiqués à la Commission le 1er janvier 2002 et le 1er janvier 2003, c’est à dire plus de 24 mois avant l’adoption de la décision attaquée. La République fédérale d’Allemagne considère que cette déclaration de la Commission constituait un engagement juridiquement contraignant.

60      La Commission rejette les arguments de la République fédérale d’Allemagne.

61      Dans la réplique, la République fédérale d’Allemagne a modifié les termes de sa requête, en indiquant que seuls deux cas sur les six mentionnés initialement étaient en réalité concernés par ce moyen, pour un montant de 195 165,46 euros imputé à hauteur de 50 % à son budget national, soit 97 582,73 euros.

–       Appréciation du Tribunal

62      Il convient tout d’abord de préciser que ce second moyen ne vise qu’une annulation partielle de la décision attaquée, à hauteur de 97 582,73 euros, les parties s’étant accordées sur ce montant lors du second tour de mémoires.

63      À titre préalable, il importe également de souligner, ce dont conviennent au demeurant les parties, qu’aucune disposition réglementaire n’imposait à la Commission d’adopter une décision relative à une communication spéciale effectuée sur le fondement de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91 dans un délai spécifique. L’examen du second moyen conduit, en revanche, le Tribunal à se prononcer sur la force contraignante de la déclaration unilatérale effectuée par la Commission et annexée au procès-verbal de la réunion du Coreper du 4 mai 1995, invitant le Conseil à adopter, lors de sa réunion du 22 mai 1995, le projet de règlement relatif à la modification du règlement n° 729/70 et à annexer cette déclaration à son propre procès-verbal. Dans cette déclaration relative à l’article 5, paragraphe 2, sous c), du projet de règlement, qui est devenu le règlement n° 1287/95, la Commission avait indiqué qu’elle s’engageait à adopter ses décisions relatives à l’imputation éventuelle des montants non recouvrés par les États membres dans un délai maximal de 24 mois après transmission de la communication spéciale sur le fondement de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 595/91.

64      Il convient cependant de préciser que, lors de l’adoption du projet de règlement relatif à la modification du règlement n° 729/70, le Conseil n’a pas inséré de disposition relative à un tel délai. À l’inverse, l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70, tel que modifié par le règlement n° 1287/95, indique expressément que le délai maximal de 24 mois entre la date à laquelle la dépense a été effectuée par l’État membre et le refus de financement par la Commission ne s’applique pas aux conséquences financières des irrégularités au sens de l’article 8, paragraphe 2. Le règlement n° 1258/1999, qui a abrogé le règlement n° 729/70, a repris cette disposition dans son article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, sous a), cité au point 6 ci-dessus.

65      Or, selon une jurisprudence constante, une déclaration inscrite au procès-verbal du Conseil lors de l’adoption d’un texte ne saurait être retenue pour l’interprétation d’une disposition de droit dérivé lorsque le contenu de la déclaration ne trouve aucune expression dans le texte de la disposition en cause et n’a, dès lors, pas de portée juridique (arrêts de la Cour du 23 février 1988, Commission/Italie, 429/85, Rec. p. 843, point 9 ; du 26 février 1991, Antonissen, C-292/89, Rec. p. I-745, point 18, et du 19 mars 1996, Commission/Conseil, C-25/94, Rec. p. I-1469, point 38). Il en va de même des déclarations unilatérales d’un État membre (arrêt de la Cour du 30 janvier 1985, Commission/Danemark, 143/83, Rec. p. 427, point 13).

66      En l’espèce, il n’est même pas établi que cette déclaration de la Commission ait été inscrite au procès-verbal de la réunion du 22 mai 1995 au cours de laquelle le Conseil a adopté ce règlement. En tout état de cause, et a fortiori, une telle déclaration ne saurait, dès lors, conformément à la jurisprudence précitée, être retenue pour interpréter le règlement n° 729/70 tel que modifié par le règlement n° 1287/95.

67      Il convient enfin de préciser que, si la République fédérale d’Allemagne estime que la force contraignante de cette déclaration de la Commission résulte de l’application du principe de bonne administration, force est de rappeler que ce principe ne saurait transformer en obligation ce que le législateur n’a pas considéré comme en étant une (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 31 mars 1992, Burban/Parlement, C-255/90 P, Rec. p. I-2253, point 20).

68      Partant, le second moyen doit être rejeté ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

69      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

70      La République fédérale d’Allemagne ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République fédérale d’Allemagne est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 octobre 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.

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