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Document 62007TJ0023

    Arrêt du Tribunal de première instance (sixième chambre) du 29 avril 2009.
    BORCO-Marken-Import Matthiesen GmbH & Co. KG contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).
    Marque communautaire - Demande de marque communautaire figurative α - Motif absolu de refus - Caractère distinctif - Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) nº 40/94.
    Affaire T-23/07.

    Recueil de jurisprudence 2009 II-00887

    ECLI identifier: ECLI:EU:T:2009:126

    ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

    29 avril 2009 ( *1 )

    «Marque communautaire — Demande de marque communautaire figurative α — Motif absolu de refus — Caractère distinctif — Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 40/94»

    Dans l’affaire T-23/07,

    BORCO-Marken-Import Matthiesen GmbH & Co. KG, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par Me M. Wolter, avocat,

    partie requérante,

    contre

    Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. M. Kicia, en qualité d’agent,

    partie défenderesse,

    ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 30 novembre 2006 (affaire R 808/2006-4), concernant l’enregistrement du signe figuratif α comme marque communautaire,

    LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (sixième chambre),

    composé de MM. A. W. H. Meij, président, V. Vadapalas et L. Truchot (rapporteur), juges,

    greffier: Mme T. Weiler, administrateur,

    vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 5 février 2007,

    vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 26 avril 2007,

    vu la décision du 5 juin 2007, refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

    vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

    vu les questions écrites du Tribunal aux parties,

    à la suite de l’audience du 19 novembre 2008, au cours de laquelle des documents ont été présentés par la requérante,

    rend le présent

    Arrêt

    Antécédents du litige

    1

    La requérante, BORCO-Marken-Import Matthiesen GmbH & Co. KG, a présenté, le 14 septembre 2005, à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), une demande d’enregistrement de marque communautaire, en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du , sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

    2

    La marque dont l’enregistrement a été demandé, en tant que marque figurative, est le signe:

    Image

    3

    Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante: «Boissons alcooliques, à l’exception des bières, vins, vins mousseux et boissons contenant du vin».

    4

    Par décision du 31 mai 2006, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement pour défaut de caractère distinctif du signe, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94. L’examinateur a retenu que la marque demandée constituait la reproduction fidèle de la lettre grecque minuscule «α», sans altération graphique, et que les acheteurs de langue grecque ne décèleraient pas dans ce signe l’indication de l’origine commerciale des produits désignés dans la demande de marque.

    5

    Le 15 juin 2006, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre cette décision.

    6

    Ce recours a été rejeté par décision du 30 novembre 2006 (ci-après la «décision attaquée») de la quatrième chambre de recours de l’OHMI, au motif que le signe déposé était dépourvu du caractère distinctif exigé par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94.

    Conclusions des parties

    7

    La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

    annuler la décision attaquée;

    constater que l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du règlement no 40/94 ne s’oppose pas à la publication de la marque demandée pour les produits de la classe 33 désignés dans la demande d’enregistrement;

    condamner l’OHMI aux dépens.

    8

    L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

    rejeter comme irrecevable le deuxième chef de conclusions de la requérante;

    rejeter le recours comme non fondé pour le surplus;

    condamner la requérante aux dépens.

    En droit

    Sur la recevabilité des preuves produites pour la première fois par la requérante devant le Tribunal

    9

    Le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 63 du règlement no 40/94. Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière de preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’admission de ces preuves est contraire à l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. Il en résulte que les documents produits pour la première fois par la requérante au cours de l’audience sont irrecevables [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 mars 2003, DaimlerChrysler/OHMI (Calandre), T-128/01, Rec. p. II-701, point 18].

    Sur le fond

    Arguments des parties

    10

    Au soutien de son recours, la requérante invoque trois moyens pris de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de l’article 7, paragraphe 1, sous c), et de l’article 12 du règlement no 40/94.

    11

    Dans le cadre de son premier moyen, la requérante soutient que le signe déposé présente le caractère distinctif requis par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, en ce qu’il permet d’identifier les produits en cause de la classe 33 comme provenant de son entreprise et, par conséquent, de les distinguer des produits d’autres entreprises.

    12

    Dès lors que, en vertu de l’article 4 du règlement no 40/94, les lettres peuvent constituer une marque, on ne saurait leur dénier par principe un caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), sauf à vider l’article 4 de sa substance.

    13

    L’argument de la chambre de recours selon lequel les lettres doivent rester disponibles serait inopérant. D’une part, même une couleur serait susceptible de présenter un caractère distinctif et pourrait donc être enregistrée. D’autre part, le souci d’éviter que certaines lettres fassent l’objet d’un monopole serait étranger à la question de leur caractère distinctif. Au demeurant, l’utilisation d’un signe à des fins exclusivement descriptives serait expressément réservée par l’article 12 du règlement no 40/94.

    14

    La requérante fait valoir qu’un minimum de caractère distinctif suffit à conférer une protection aux marques, quelle que soit la catégorie de signes, au sens de l’article 4 du règlement no 40/94, dont elles relèvent. On ne saurait donc par principe et sans même examiner les produits en cause, dénier aux lettres un caractère distinctif, au seul motif qu’elles ne comportent aucun ajout original ou qui les individualiserait.

    15

    Pour dénier à des marques figuratives ou verbales sous forme de lettres un caractère distinctif sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, il conviendrait de procéder à des constatations concrètes permettant de conclure que le public concerné ne percevrait pas la lettre en cause comme une indication de l’origine des produits désignés. Il ne ressortirait pas de la décision attaquée que la chambre de recours ait concrètement vérifié que le signe déposé était dépourvu de caractère distinctif en ce qu’il aurait présenté pour le public concerné un caractère descriptif à l’égard des produits en cause.

    16

    La décision attaquée ne démontrerait pas que les consommateurs concernés de langue grecque utilisent ou comprennent la lettre minuscule «α» comme un ordre de grandeur, une indication de catégorie ou une dénomination générique en rapport avec les boissons alcoolisées.

    17

    L’OHMI soutient que le deuxième chef de conclusions du recours est irrecevable, car il n’appartient pas au Tribunal, mais uniquement à l’OHMI, de tirer les conséquences découlant d’un éventuel arrêt d’annulation, en vertu de l’article 63, paragraphe 6, du règlement no 40/94.

    18

    Sur le fond, l’OHMI estime, s’agissant du premier moyen, que la chambre de recours n’a pas ignoré que les critères d’appréciation du caractère distinctif sont les mêmes pour toutes les catégories de marques, encore qu’il puisse se révéler plus difficile de constater le caractère distinctif de certaines d’entre elles. Si les marques verbales, figuratives ou tridimensionnelles classiques peuvent être directement perçues en tant qu’indication de l’origine commerciale des produits désignés, tel ne serait pas nécessairement le cas des signes composés d’une lettre unique. Ceux-ci seraient susceptibles d’être considérés comme la désignation d’un ordre de grandeur, d’un type de produits ou comme une dénomination générique et ils seraient également utilisés à ces fins.

    19

    La position de la chambre de recours selon laquelle des lettres uniques ne seront pas perçues comme une indication de l’origine commerciale des produits désignés n’impliquerait pas qu’il soit impossible d’enregistrer des marques constituées de lettres uniques. La chambre de recours aurait clairement exposé que, quand bien même une lettre unique aurait une aptitude abstraite à constituer une marque au sens de l’article 4 du règlement no 40/94, il ne serait pas possible d’en tirer de conclusion quant à son caractère distinctif concret.

    20

    La chambre de recours n’aurait donc pas totalement exclu le caractère distinctif d’une lettre unique, requis par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, comme le montre l’examen du caractère distinctif concret du signe en cause auquel elle s’est livrée.

    21

    Selon la chambre de recours, le contrôle du maintien de la disponibilité d’un signe doit être uniquement effectué dans le cadre de l’évaluation de son caractère descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94. Il conviendrait toutefois, comme la chambre de recours l’a souligné, de se référer à l’arrêt de la Cour du 6 mai 2003, Libertel (C-104/01, Rec. p. I-3793), qui s’est prononcé sur le caractère distinctif d’un signe. Dans cet arrêt, la Cour aurait en effet jugé que la disponibilité des couleurs ne devait pas être indûment restreinte, compte tenu de leur nombre limité. Il en irait de même des lettres uniques, de sorte que le cas d’espèce serait tout à fait comparable.

    22

    En l’espèce, il conviendrait de rechercher, par un examen a priori et en dehors de toute appréciation de l’usage effectif du signe, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 40/94, s’il apparaît exclu que ce signe puisse être apte à distinguer, aux yeux du public ciblé, les produits qu’il désigne de ceux d’une autre provenance, lorsque ce public sera appelé à arrêter son choix dans le commerce.

    23

    Le signe déposé serait constitué d’une lettre reproduite sous forme de signe figuratif, mais comportant un degré d’altération si subtil qu’il serait perçu comme une simple lettre. La question serait donc de savoir si le public pertinent, confronté à ce signe apposé sous la forme d’une police de caractères habituelle sur les produits en cause ou sur une partie quelconque de leur emballage usuel, supposera que ces produits proviennent d’une entreprise donnée, à savoir de la même entreprise.

    24

    Contrairement à ce que soutient la requérante, il existe différents chiffres, lettres et combinaisons similaires qui seraient utilisés sur les emballages des produits en cause, associés à des lettres de l’alphabet grec, pour en décrire les propriétés spécifiques.

    25

    Le public pertinent percevrait le signe déposé comme une simple lettre ne se distinguant des autres lettres de l’alphabet que par un détail secondaire, à savoir qu’il s’agit simplement d’une autre lettre de l’alphabet. Ce signe ne contiendrait donc aucun élément marquant ou susceptible d’être tenu pour une indication de l’origine commerciale des produits en cause par le consommateur moyen de boissons alcoolisées raisonnablement attentif et informé.

    26

    Il serait difficilement concevable que le public de référence ne considère pas une lettre unique «α» comme désignant un type ou un assortiment de produits, notamment, quand elle n’est pas apposée sur le produit d’une façon telle qu’elle capte spécialement l’attention. En particulier, la première lettre de l’alphabet serait souvent utilisée comme une indication promotionnelle de la supériorité d’un produit, notamment, en termes de qualité. La lettre en cause se prêterait à tout le moins à une telle utilisation, le consommateur étant généralement en mesure d’attribuer cette signification aussi bien à une majuscule qu’à une minuscule.

    27

    Le signe litigieux serait d’ailleurs généralement utilisé par le consommateur de langue grecque comme une indication de qualité, ainsi que le confirmerait la consultation du dictionnaire anglais-grec. La lettre «α» y serait reproduite comme le symbole des nombres un et mille. Cette acception du signe déposé rendrait peu vraisemblable sa perception par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits qu’il désigne.

    28

    Après avoir constaté l’aptitude de la lettre «α» à désigner une catégorie générale ou un genre et à constituer un numéro de code ou la référence à une taille particulière, la chambre de recours aurait estimé à bon droit que le public ne percevra pas dans ce signe l’indication de l’origine commerciale des produits désignés, sans pour autant écarter par principe le caractère distinctif du signe litigieux. L’éventuelle absence d’autres appréciations factuelles ne serait pas de nature à remettre en cause le bien-fondé de la décision attaquée.

    Appréciation du Tribunal

    29

    Le règlement no 40/94 dispose en son article 4, intitulé «Signes susceptibles de constituer une marque communautaire»:

    «Peuvent constituer des marques communautaires tous signes susceptibles d’une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.»

    30

    Cette disposition contient une liste d’exemples de signes susceptibles de représentation graphique aptes à constituer une marque, pour autant qu’ils soient propres à distinguer les produits d’une entreprise de ceux d’autres entreprises, c’est-à-dire à remplir la fonction d’identification de l’origine commerciale de ces produits dévolue à la marque [voir, à propos de l’article 2 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), dont le contenu normatif est, en substance, identique à celui de l’article 4 du règlement no 40/94, arrêt de la Cour du , Nichols, C-404/02, Rec. p. I-8499, point 22].

    31

    Si l’article 4 du règlement no 40/94 vise expressément les lettres, l’aptitude générale d’une catégorie de signes à constituer une marque au sens de cette disposition n’implique cependant pas que ces signes possèdent nécessairement un caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), par rapport à un produit ou à un service déterminé [arrêt du Tribunal du 9 octobre 2002, KWS Saat/OHMI (Nuance d’orange), T-173/00, Rec. p. II-3843, point 26].

    32

    À cet égard, l’article 7 du règlement no 40/94, qui énumère les motifs absolus de refus susceptibles d’être opposés à l’enregistrement de signes comme marques communautaires, précise, en son paragraphe 1:

    «Sont refusés à l’enregistrement:

    […]

    b)

    les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;

    […]»

    33

    Sont à considérer comme tels les signes inaptes à identifier concrètement l’origine des produits désignés et à permettre au consommateur qui acquiert ces produits de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience se révèle positive ou, dans l’hypothèse inverse, d’arrêter un autre choix [arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Hartmann/OHMI (E), T-302/06, non publié au Recueil, point 31; arrêt Nuance d’orange, précité, point 27).

    34

    Par ailleurs, une plus grande difficulté rencontrée, le cas échéant, dans l’appréciation concrète du caractère distinctif de certaines marques ne saurait justifier la supposition qu’elles sont, a priori, dépourvues de caractère distinctif ou qu’elles ne peuvent l’acquérir que par l’usage, en application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 40/94 (voir, par analogie, arrêt Nichols, précité, point 29).

    35

    Selon une jurisprudence constante, le caractère distinctif d’une marque requis par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 doit être apprécié par rapport, d’une part, aux produits ou services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, à la perception des milieux intéressés, qui sont constitués par les consommateurs de ces produits ou services [voir, à propos de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/104, dont le contenu normatif est, en substance, identique à celui de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, arrêt de la Cour du 12 février 2004, Henkel, C-218/01, Rec. p. I-1725, point 50].

    36

    En outre, il ressort des dispositions combinées du paragraphe 1, sous b), et du paragraphe 2 de l’article 7 du règlement no 40/94 qu’une marque doit être refusée à l’enregistrement si elle est dépourvue de caractère distinctif dans une partie seulement de la Communauté (arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C-25/05 P, Rec. p. I-5719, point 81).

    37

    En l’espèce, la requérante a sollicité l’enregistrement comme marque communautaire d’un signe présenté comme figuratif mais dont il n’est pas contesté par les parties que, comme l’a constaté la chambre de recours, il reproduit la lettre de l’alphabet grec alpha («α») sous une forme proche de celle que présente la même lettre écrite au moyen de la police de caractères standard Times New Roman, sans aucune altération graphique ni ajout d’un élément graphique.

    38

    Dès lors que la marque demandée porte, ainsi que les parties l’ont confirmé en cours d’instance, sur des boissons alcooliques autres que les bières, vins, vins mousseux et boissons contenant du vin, soit des biens de consommation courante, et qu’elle est constituée par la lettre grecque minuscule «α», l’appréciation du caractère distinctif de cette marque doit être effectuée par rapport à la perception du signe par les consommateurs moyens de langue grecque normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés.

    39

    Il incombait donc en l’espèce à la chambre de recours de rechercher, en procédant à un examen concret des capacités potentielles du signe proposé à l’enregistrement, s’il apparaissait exclu que ce signe puisse être apte à distinguer, aux yeux des consommateurs moyens de langue grecque, les produits de la requérante de ceux d’une autre provenance (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 avril 2001, Bank für Arbeit and Wirtschaft/OHMI (EASYBANK), T-87/00, Rec. p. II-1259, point 40, et arrêt E, précité, point 35), étant entendu qu’un minimum de caractère distinctif suffit à faire obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 [arrêt du Tribunal du , Mag Instrument/OHMI (Forme de lampes de poche), T-88/00, Rec. p. II-467, point 34].

    40

    Aux fins d’une telle appréciation, il appartient à l’OHMI, sous le contrôle du Tribunal, de prendre en considération toutes les circonstances et tous les faits pertinents.

    41

    En premier lieu, la chambre de recours a retenu, aux points 17 et 20 de la décision attaquée, que des lettres uniques, et, par conséquent, la lettre minuscule litigieuse «α», dans la mesure où ne sont pas ajoutés des éléments de présentation graphique produisant un effet graphique dans l’ensemble, sont dénuées de caractère distinctif, un signe étant «quelque chose de perceptible, qui se prête à être gravé dans la mémoire et à être reconnu».

    42

    En déduisant ainsi a priori l’absence de caractère distinctif du signe déposé de son défaut d’altérations ou d’ornementations graphiques, la chambre de recours a implicitement mais nécessairement considéré, en violation de l’article 4 du règlement no 40/94, que la lettre en cause ne présentait pas, en elle-même, le niveau minimal de caractère distinctif exigé par l’article 7, paragraphe 1, sous b), pour son enregistrement comme marque communautaire.

    43

    Outre qu’il résulte de l’article 4 du règlement no 40/94 que les lettres peuvent constituer des marques communautaires, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises [arrêt E, précité, point 38; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 juin 2007, IVG Immobilien/OHMI (I), T-441/05, Rec. p. II-1937, point 47], l’enregistrement d’un signe en tant que marque n’est pas subordonné à la constatation d’un certain niveau de créativité ou d’imagination artistique de la part du déposant (arrêt de la Cour du , SAT.1/OHMI, C-329/02 P, Rec. p. I-8137, point 41), mais à la seule aptitude du signe à individualiser les produits du demandeur de la marque par rapport à ceux offerts par ses concurrents [arrêt du Tribunal du , Rewe-Zentral/OHMI (LITE), T-79/00, Rec. p. II-705, point 30]. Or, la chambre de recours n’a pas procédé à l’examen concret du signe litigieux sur ce point.

    44

    En deuxième lieu, la chambre de recours a considéré, au point 22 de la décision attaquée, que l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 selon laquelle une lettre unique présenterait un caractère distinctif aurait pour conséquence d’exclure toute hypothèse de défaut de caractère distinctif d’un signe dans le domaine des lettres, ce qui priverait ce texte de tout objet.

    45

    Le refus de principe de reconnaître aux lettres uniques tout caractère distinctif, ainsi énoncé sans réserve et sans recourir à l’examen concret rappelé au point 39 ci-dessus, se heurte aux termes mêmes de l’article 4, du règlement no 40/94, qui range les lettres au nombre des signes susceptibles de représentation graphique pouvant constituer des marques, pour autant qu’elles soient propres à distinguer les produits et les services d’une entreprise de ceux offerts par d’autres entreprises.

    46

    De plus, il résulte de la jurisprudence que l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 ne fait pas de distinction entre les signes de nature différente et que les critères d’appréciation du caractère distinctif de marques constituées d’une lettre unique sont les mêmes que ceux applicables aux autres catégories de marques (arrêt E, précité, point 34).

    47

    Pour présenter le degré minimal de caractère distinctif exigé par cette disposition, le signe déposé doit seulement apparaître a priori apte à permettre au public pertinent d’identifier l’origine des produits ou des services désignés dans la demande de marque communautaire et de les distinguer, sans confusion possible, de ceux qui ont une autre provenance (arrêt I, précité, point 55).

    48

    En troisième lieu, la chambre de recours, se référant à l’arrêt Libertel, précité, a estimé, au point 23 de la décision attaquée, que, comme les couleurs et les chiffres uniques, les lettres uniques, en tant qu’éléments fondamentaux, doivent rester à la disposition de tous comme «réserve de base» à des fins d’identification, de description ou en vue d’autres utilisations.

    49

    Comme il a été rappelé précédemment, un tel motif, qui énonce, par principe, l’impossibilité d’enregistrer une lettre unique en tant que marque, sans procéder à l’examen concret de l’aptitude du signe litigieux à distinguer les produits en cause de ceux d’autres entreprises, est contraire à l’article 4 du règlement no 40/94.

    50

    En outre, s’agissant de l’arrêt Libertel, précité, mentionné dans la décision attaquée et invoqué par l’OHMI, il est vrai que la Cour a dit pour droit qu’il convient de reconnaître, dans le champ du droit communautaire des marques, un intérêt général à ne pas restreindre indûment la disponibilité des couleurs pour les autres opérateurs offrant des produits ou des services du type de ceux pour lesquels l’enregistrement est demandé (arrêt Libertel, précité, point 60).

    51

    La Cour n’en a pas moins considéré qu’un caractère distinctif peut être reconnu à une couleur à la condition que, par rapport à la perception du public pertinent, elle soit apte à identifier les produits ou les services désignés dans la demande de marque et à les distinguer de ceux d’autres entreprises (arrêt Libertel, précité, point 69). La pertinence de cette appréciation, aux fins du présent litige, n’est pas remise en cause par la règle figurant dans le même arrêt selon laquelle l’existence d’un caractère distinctif avant tout usage ne pourrait se concevoir que dans des circonstances exceptionnelles (arrêt Libertel, précité, point 66), dès lors que cette réserve a été mentionnée eu égard au fait, préalablement relevé par la Cour, que la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même dans le cas d’un signe constitué par une couleur en elle-même que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste, comme en l’espèce, en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne (arrêt Libertel, précité, point 65).

    52

    La chambre de recours n’était donc pas en droit d’opposer à l’enregistrement de la lettre «α» l’argument tiré de la disponibilité des signes, dès lors que cette considération n’est nullement exclusive d’un examen concret de l’aptitude de la marque demandée à identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et à distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises.

    53

    En quatrième lieu, la chambre de recours a considéré, au point 25 de la décision attaquée, que le public de référence appréhendera «peut-être» la lettre «α» comme une référence à la qualité (qualité «A»), une indication de taille ou la désignation d’un type ou d’une espèce de boissons alcooliques telles que celles désignées dans la demande de marque.

    54

    L’OHMI ne peut affirmer qu’en se prononçant ainsi, la chambre de recours s’est livrée à un examen concret du caractère distinctif du signe en cause. En effet, outre qu’il présente un caractère dubitatif qui le prive de toute valeur, ce motif ne se réfère à aucun fait concret susceptible de justifier la conclusion que la marque demandée serait perçue par le public pertinent comme une référence à la qualité, une indication de taille ou une désignation de type ou d’espèce pour les produits visés par la demande de marque (voir, en ce sens, arrêt E, précité, point 44). Il en résulte que la chambre de recours n’a pas établi le défaut de caractère distinctif de la marque demandée.

    55

    À les supposer recevables, les nouveaux documents produits par l’OHMI en annexes B1 et B2 à son mémoire en réponse, aux fins d’établir que le public pertinent percevra la lettre alpha majuscule «Α» comme une indication de la qualité des vins, sont dépourvus de force probante en l’espèce, dès lors qu’ils sont composés d’éléments se rapportant exclusivement aux vins et non aux boissons alcooliques en cause, ainsi que l’a reconnu l’OHMI à l’audience, et que les lettres figurant sur les reproductions de bouteilles de vin annexées soit ne sont pas les mêmes que la lettre «α», soit sont associées à une autre lettre, soit constituent l’une des composantes de la raison sociale d’un négociant en vins.

    56

    Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que, en déduisant l’absence de caractère distinctif du signe déposé de sa seule absence d’altérations ou d’ornementations graphiques par rapport à la police de caractères Times New Roman, sans procéder à un examen concret de son aptitude à distinguer, dans l’esprit du public de référence, les produits en cause de ceux provenant des concurrents de la requérante, la chambre de recours a fait une application erronée de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94.

    57

    Il y a donc lieu de faire droit au premier moyen et d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit besoin d’examiner les deux autres moyens soulevés par la requérante.

    58

    En application de l’article 63, paragraphe 6, du règlement no 40/94, il incombera à l’OHMI de réexaminer la demande d’enregistrement communautaire de la requérante à la lumière des motifs du présent arrêt.

    59

    Il n’y a donc pas lieu de statuer sur le deuxième chef de conclusions de la requérante ni, par conséquent, sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’OHMI à l’encontre de celui-ci.

    Sur les dépens

    60

    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

    61

    L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens, ainsi que les dépens exposés par la requérante, conformément aux conclusions présentées par celle-ci.

     

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL (sixième chambre)

    déclare et arrête:

     

    1)

    La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 30 novembre 2006 (affaire R 808/2006-4) est annulée.

     

    2)

    Il n’y a pas lieu de statuer sur le deuxième chef de conclusions de BORCO-Marken-Import Matthiesen GmbH & Co. KG.

     

    3)

    L’OHMI est condamné aux dépens.

     

    Meij

    Vadapalas

    Truchot

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 avril 2009.

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.

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