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Document 62007CO0503

Ordonnance de la Cour (sixième chambre) du 8 avril 2008.
Saint-Gobain Glass Deutschland GmbH contre Commission des Communautés européennes.
Pourvoi - Directive 2003/87/CE - Système d’échanges de quotas d’émission de gaz à effet de serre - Prévention et réduction intégrées de la pollution - République fédérale d’Allemagne - Allocation de quotas - Période 2008/2012 - Conditions - Affectation individuelle - Irrecevabilité - Droit d’être entendu en justice - Droit à un procès équitable.
Affaire C-503/07 P.

Recueil de jurisprudence 2008 I-02217

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2008:207

Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Parties

Dans l’affaire C‑503/07 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 14 novembre 2007,

Saint-Gobain Glass Deutschland GmbH, établie à Aix-la-Chapelle (Allemagne), représentée par M es H. Posser et S. Altenschmidt, Rechtsanwälte,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Fels-Werke GmbH, établie à Goslar (Allemagne),

Spenner-Zement GmbH & Co. KG, établie à Erwitte (Allemagne),

parties requérantes en première instance,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. U. Wölker, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, M. P. Kūris et M me C. Toader (rapporteur), juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. R. Grass,

vu la demande de la partie requérante de soumettre la présente affaire à une procédure accélérée en vertu de l’article 62 bis du règlement de procédure de la Cour,

l’avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

Motifs de l'arrêt

1. Par son pourvoi, Saint-Gobain Glass Deutschland GmbH (ci-après «Saint-Gobain Glass Deutschland») demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 11 septembre 2007, Fels-Werke e.a./Commission (T‑28/07, non encore publiée au Recueil, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a rejeté comme irrecevable son recours tendant à l’annulation partielle de la décision de la Commission K(2006) 5609, du 29 novembre 2006, concernant le plan national d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre, notifié par la République fédérale d’Allemagne pour la période allant de 2008 à 2012 (ci-après la «décision litigieuse»).

Le cadre juridique

2. L’article 1 er de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO L 275, p. 32), crée, avec effet au 1 er janvier 2005, un tel système, afin de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en particulier de dioxyde de carbone, dans des conditions économiquement efficaces et performantes.

3. Selon l’article 2 de la directive 2003/87, celle-ci s'applique aux émissions résultant des activités indiquées à son annexe I, parmi lesquelles figurent les installations destinées à la fabrication du verre.

4. L’article 11 de la directive 2003/87 prévoit une première période d’allocation de quotas allant de 2005 à 2007 (ci-après la «première période d’allocation»), puis une seconde période d’allocation de quotas allant de 2008 à 2012 (ci-après la «seconde période d’allocation»).

5. Les conditions et les procédures suivant lesquelles les autorités nationales compétentes allouent, sur la base d’un plan national d’allocation (ci-après «PNA»), des quotas aux exploitants d’installations au cours de ces deux périodes d’allocation sont précisées aux articles 9 à 11 de la directive 2003/87.

6. L’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2003/87 dispose:

«Pour chaque période visée à l’article 11, paragraphes 1 et 2, chaque État membre élabore un [PNA] précisant la quantité totale de quotas qu’il a l’intention d’allouer pour la période considérée et la manière dont il se propose de les attribuer. Ce [PNA] est fondé sur des critères objectifs et transparents, incluant les critères énumérés à l’annexe III, en tenant dûment compte des observations formulées par le public. […]»

7. L’article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2003/87 impose aux États membres de publier et de notifier un PNA à la Commission des Communautés européennes et aux autres États membres pour chaque période d’allocation.

8. L’article 9, paragraphe 3, de ladite directive est libellé comme suit:

«Dans les trois mois qui suivent la notification d’un [PNA] par un État membre conformément au paragraphe 1, la Commission peut rejeter ce [PNA] ou tout aspect de celui-ci en cas d’incompatibilité avec les critères énoncés à l’annexe III ou avec les dispositions de l’article 10. L’État membre ne prend une décision au titre de l’article 11, paragraphes 1 ou 2, que si les modifications proposées ont été acceptées par la Commission. Toute décision de rejet adoptée par la Commission est motivée.»

9. Aux termes de l’article 10 de la directive 2003/87, les États membres doivent allouer au moins 95 % des quotas à titre gratuit pour la première période d’allocation.

10. L’article 11 de la directive 2003/87 concernant l’allocation et la délivrance de quotas prévoit:

«1. Pour la période de trois ans qui débute le 1 er janvier 2005, chaque État membre décide de la quantité totale de quotas qu’il allouera pour cette période et de l’attribution de ces quotas à l’exploitant de chaque installation. Il prend cette décision au moins trois mois avant le début de la période, sur la base de son [PNA] élaboré en application de l’article 9, et conformément à l’article 10, en tenant dûment compte des observations formulées par le public.

2. Pour la période de cinq ans qui débute le 1 er janvier 2008, et pour chaque période de cinq ans suivante, chaque État membre décide de la quantité totale de quotas qu’il allouera pour cette période et lance le processus d’attribution de ces quotas à l’exploitant de chaque installation. Il prend cette décision au moins douze mois avant le début de la période concernée, sur la base de son [PNA] élaboré en application de l’article 9, et conformément à l’article 10, en tenant dûment compte des observations formulées par le public.

3. Les décisions prises en application des paragraphes 1 ou 2 sont conformes aux exigences du traité [CE], et notamment à celles de ses articles 87 et 88. Lorsqu’ils statuent sur l’allocation de quotas, les États membres tiennent compte de la nécessité d’ouvrir l’accès aux quotas aux nouveaux entrants.

[…]»

11. L’annexe III de la directive 2003/87 énumère onze critères applicables aux PNA.

12. Les cinquième et dixième critères de ladite annexe se lisent comme suit:

«5. Conformément aux exigences du traité, notamment ses articles 87 et 88, le [PNA] n’opère pas de discrimination entre entreprises ou secteurs qui soit susceptible d’avantager indûment certaines entreprises ou activités.

[…]

10. Le plan contient la liste des installations couvertes par la présente directive avec pour chacune d’elles les quotas que l’on souhaite lui allouer.»

13. Selon l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2003/87, les quotas ne sont valables que pour les émissions produites au cours de la période pour laquelle ils sont délivrés.

Les antécédents du litige

14. Il ressort de l’ordonnance attaquée que la requérante exploite une installation de production de verre à Porz. Par une décision du 16 décembre 2004 de l’Umweltbundesamt (Office fédéral de l’environnement), elle s’est vu allouer, pour une partie de cette installation qui a été mise en service au cours des années 2003 et 2004, des quotas d’émission pour la première période d’allocation sur le fondement du PNA allemand (ci-après le «PNA allemand I») et de l’article 8 de la loi sur l’allocation de quotas d’émission pour la période allant de 2005 à 2007 (Zuteilungsgesetz 2007), du 26 août 2004 (BGBI. 2004 I, p. 2211, ci-après le «ZuG 2007»).

15. En vertu de l’article 8, paragraphe 1, deuxième phrase, du ZuG 2007, l’installation concernée est exempte de l’application d’un facteur d’exécution pendant une période de douze ans à partir de l’année de sa mise en service.

16. Conformément à l’article 2 du ZuG 2007, sous réserve de règles spécifiques contraires, les dispositions pertinentes de ladite loi ne sont applicables qu’à la première période d’allocation.

17. En outre, l’article 7 de la loi du 8 juillet 2004, transposant la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté (Gesetz zur Umsetzung der Richtlinie 2003/87/EG über ein System für den Handel mit Treibhausgasemissionszertifikaten in der Gemeinschaft, BGBI. 2004 I, p. 1578, ci-après le «TEHG»), dispose, notamment, que le PNA adopté pour chaque période d’allocation constitue le fondement d’une loi d’allocation et que l’allocation est effectuée sur la base de cette loi.

18. En vertu de l’article 9, paragraphe 1, du TEHG, tout exploitant d’installation a droit à l’obtention de quotas d’émission conformément aux conditions précisées dans la loi d’allocation. En application du paragraphe 2 de cette disposition, l’allocation est effectuée en fonction de l’activité menée durant une période d’allocation déterminée.

19. Enfin, l’article 10, paragraphe 1, du TEHG prévoit que chaque allocation présuppose l’introduction d’une demande écrite auprès des autorités compétentes.

20. Le 4 juillet 2006, la République fédérale d’Allemagne a notifié à la Commission, conformément à l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2003/87, son PNA pour la seconde période d’allocation (ci-après le «PNA allemand II»).

21. À l’instar du PNA allemand I, le PNA allemand II retient, à son chapitre 6.1, la règle d’allocation générale applicable aux installations existantes («Bestandsanlagen») entrées en service avant le 31 décembre 2002. S’agissant des installations du secteur industriel, le facteur d’exécution applicable est de 0,9875.

22. Par ailleurs, au chapitre 6.2 du PNA allemand II, il est précisé, sous le titre «Allocations en vertu de l’article 8 du ZuG 2007», que, en vertu de cette dernière disposition, aucun facteur d’exécution n’est applicable, dans le cadre du calcul du nombre de quotas d’émission destiné aux installations mises en service entre le 1 er janvier 2003 et le 31 décembre 2004, durant une période de douze ans à partir de cette mise en service.

23. Par la décision litigieuse, la Commission a partiellement rejeté le PNA allemand II. À l’article 1 er , paragraphe 2, de cette décision, la Commission constatait que les règles d’allocation décrites au chapitre 6.2 du PNA allemand II, notamment sous le titre «Allocations en vertu de l’article 8 du ZuG 2007», étaient incompatibles avec le cinquième critère de l’annexe III de la directive 2003/87, en ce qu’elles entraînaient un avantage injustifié au profit des installations concernées par rapport à d’autres installations existantes comparables qui se voyaient appliquer la méthode générale d’allocation.

24. La Commission a en effet considéré que l’allocation gratuite de quotas d’émission pour certaines activités par l’application d’un facteur d’exécution moins sévère, et, partant, plus favorable, représentait un avantage économique sélectif pour certaines entreprises, qui aurait pu fausser ou menacer de fausser la concurrence et affecter le commerce entre États membres, et qui, par conséquent, aurait été susceptible de constituer une aide d’État contraire aux articles 87 CE et 88 CE.

25. La Commission admettait uniquement que, durant une période d’allocation donnée, l’allocation de quotas d’émission à des installations existantes pouvait être effectuée selon des méthodes distinctes de celles applicables aux «nouveaux entrants», au sens de l’article 3, sous h), de la directive 2003/87, qui seraient ainsi reconnus par cette directive comme constituant une catégorie particulière. La justification d’une telle inégalité de traitement serait toutefois devenue obsolète durant la période d’allocation suivante, lorsque le «nouvel entrant» initial se transformait en installation existante pour laquelle des données comparables à celles des installations existantes étaient disponibles.

26. À l’article 2, paragraphe 2, de la décision litigieuse, la Commission a déclaré qu’elle ne soulèverait pas d’objections contre le PNA allemand II, si, tout en évitant des discriminations, la République fédérale d’Allemagne y apportait et lui notifiait les modifications suivantes:

«[L]es garanties d’allocation de la première période d’allocation, telles que décrites au chapitre 6.2 du [PNA allemand II] sous les titres ‘Installations nouvelles supplémentaires conformément à l’article 11 du ZuG 2007’ et ‘Allocations en vertu de l’article 8 du ZuG 2007’ […], ne doivent pas être appliquées, lors de l’allocation de quotas d’émission, de manière à avantager les installations concernées par rapport à d’autres installations existantes comparables qui se voient appliquer la méthode générale d’allocation prévue par ledit PNA; en d’autres termes, doit être appliqué aux installations concernées le même facteur d’exécution qu’aux autres installations existantes comparables».

L’ordonnance attaquée

27. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 février 2007, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

28. Par acte séparé déposé le même jour, la requérante a également demandé que l’affaire soit traitée selon la procédure accélérée prévue à l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal. Par lettre du 23 février 2007, la Commission s’est opposée à un traitement accéléré de l’affaire. Par décision du Tribunal du 7 juin 2007, la demande de procédure accélérée a été accueillie.

29. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 23 mars 2007, la Commission a soulevé, au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, une exception d’irrecevabilité à l’encontre du recours susmentionné, sur laquelle la requérante a présenté des observations le 12 avril 2007.

30. Par sa requête, la requérante demandait au Tribunal:

– d’annuler l’article 1 er , paragraphe 2, de la décision litigieuse dans la mesure où il déclare les garanties d’allocation issues de la première période d’allocation, telles que décrites au chapitre 6.2 du PNA allemand II sous les titres «Installations nouvelles supplémentaires conformément à l’article 11 du ZuG 2007» et «Allocations conformément à l’article 8 du ZuG 2007», incompatibles avec la directive 2003/87;

– d’annuler l’article 2, paragraphe 2, de la décision litigieuse dans la mesure où cette disposition impose des obligations («Vorgaben») à la République fédérale d’Allemagne en ce qui concerne l’application des garanties d’allocation issues de la première période d’allocation, telles que décrites au chapitre 6.2 du PNA allemand II sous les titres «Installations nouvelles supplémentaires conformément à l’article 11 du ZuG 2007» et «Allocations conformément à l’article 8 du ZuG 2007», et dans la mesure où cette disposition ordo nne l’application du facteur d’exécution applicable aux autres installations existantes comparables;

– de condamner la Commission aux dépens.

31. Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté le recours comme étant irrecevable en considérant que, s’agissant notamment de la requérante, celle-ci, non destinataire de la décision litigieuse, n’était pas individuellement concernée par cette décision au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

32. Au soutien de cette conclusion, le Tribunal a notamment constaté, au point 59 de l’ordonnance attaquée, que la décision litigieuse constituait un acte de portée générale en ce qu’elle s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite. En effet, les articles 1 er , paragraphe 2, et 2, paragraphe 2, de la décision litigieuse concerneraient tous les exploitants d’installations visés, de manière générale et abstraite, par les règles établies au chapitre 6.2 du PNA allemand II et actifs dans les secteurs économiques soumis au système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre en vertu de l’annexe I de la directive 2003/87. Dès lors, au regard de ces dispositions et sous réserve de l’existence de caractéristiques qui leur sont particulières, ces exploitants seraient affectés de la même manière et placés dans une situation identique.

33. Le Tribunal a ensuite rappelé que, selon une jurisprudence constante, une personne physique ou morale autre que le destinataire d’un acte ne saurait prétendre être concernée individuellement, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, que si elle est atteinte, par l’acte en cause, en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le serait le destinataire de l’acte (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223; du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil, C-309/89, Rec. p. I-1853, point 20; du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C-50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 36, et du 1 er avril 2004, Commission/Jégo-Quéré, C‑263/02 P, Rec. p. I-3425, point 45).

34. À cet égard, le Tribunal a relevé que la seule circonstance qu’un acte de portée générale puisse avoir des effets concrets différents pour les divers sujets de droit auxquels il s’applique n’est pas de nature à les caractériser par rapport à tous les autres opérateurs concernés, dès lors que l’application de cet acte s’effectue en vertu d’une situation objectivement déterminée.

35. Or, au point 61 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a estimé que, en l’espèce, les requérantes, loin d’être individualisées par des qualités qui leur sont particulières, étaient affectées au même titre que tous les autres exploitants d’installations assujettis aux mêmes réglementations nationale et communautaire se trouvant dans la même situation. Ce ne serait dès lors qu’en raison de leur qualité objective d’exploitants visés par les règles contenues au chapitre 6.2 du PNA allemand II et actifs dans les secteurs couverts par l’annexe I de la directive 2003/87 que les requérantes pouvaient prétendre être affectées par la décision litigieuse.

36. Par ailleurs, le Tribunal, à ce même point de l’ordonnance attaquée, a jugé qu’aucun des arguments avancés par les requérantes ne permettait de remettre en cause cette appréciation.

37. Il a en particulier estimé, au point 65 de l’ordonnance attaquée, que ne saurait être accueilli l’argument selon lequel Saint-Gobain Glass Deutschland fait partie d’un cercle fermé de personnes parce qu’elle appartient à un groupe d’exploitants ayant demandé et obtenu des quotas d’émission au cours de la période allant de 2003 à 2004 en vertu de l’article 8, paragraphe 1, du ZuG 2007. À cet égard, le Tribunal a constaté, tout d’abord, que Saint-Gobain Glass Deutschland n’avait ni avancé de précisions ni produit d’éléments probants quant à la composition de ce prétendu cercle fermé d’exploitants. Ainsi n’avait-elle versé au dossier aucune liste d’exploitants ayant bénéficié de l’application de l’article 8, paragraphe 1, du ZuG 2007 à l’instar de celle produite par les deux autres requérantes.

38. Par ailleurs, le Tribunal a rappelé que la possibilité de déterminer, au moment de l’adoption de la mesure contestée, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels s’applique ladite mesure n’impliquait nullement que ces sujets devaient être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure, tant il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (arrêt de la Cour du 22 novembre 2001, Antillean Rice Mills/Conseil, C‑451/98, Rec. p. I-8949, point 52).

39. Dans ces circonstances, le Tribunal a conclu que Saint-Gobain Glass Deutschland n’avait pas démontré qu’elle était individuellement concernée par la décision litigieuse du fait de sa prétendue appartenance à un cercle fermé d’exploitants.

40. En outre, le Tribunal a également estimé qu’il ne découlait ni des objectifs de la directive 2003/87, lus à la lumière de son cinquième considérant, ni du cinquième critère de l’annexe III, ni de toute autre disposition de ladite directive une garantie pour les exploitants d’installations de se voir appliquer une certaine méthode d’allocation, voire d’obtenir une certaine quantité de quotas d’émission de gaz à effet de serre, en particulier lorsque cette prétendue garantie se réfère à plusieurs périodes d’allocation. Au contraire, l’article 11, paragraphes 1 et 2, de la directive 2003/87, lu conjointement avec les articles 9, paragraphe 1, et 13, paragraphe 1, de cette directive, distinguerait clairement entre la première et la seconde période d’allocation et restreindrait la validité des quotas d’émission alloués à une seule période d’allocation, ce qui impliquerait la nécessité pour les États membres d’adopter des décisions d’allocation distinctes pour chaque période.

Les conclusions des parties

41. Par son pourvoi, Saint-Gobain Glass Deutschland demande à la Cour:

– d’annuler l’ordonnance attaquée pour autant qu’elle concerne la requérante;

– d’annuler l’article 1 er , paragraphe 2, de la décision litigieuse, dans la mesure où cette disposition déclare incompatibles avec la directive 2003/87 les garanties d’allocation issues de la première période d’échanges telles que décrites au chapitre 6.2 du PNA allemand II;

– d’annuler l’article 2, paragraphe 2, de la décision litigieuse, dans la mesure où, d’une part, cette disposition impose des contraintes à la République fédérale d’Allemagne en ce qui concerne l’application des garanties d’allocation issues de la première période d’échanges qui sont décrites au chapitre 6.2 du PNA allemand II et, d’autre part, dans la mesure où cette disposition ordonne l’application du même coefficient de progrès que pour les autres installations existantes comparables;

– à titre subsidiaire, d’annuler l’ordonnance attaquée et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal,

– de condamner la Commission aux dépens.

42. La Commission conclut, à titre principal, à l’irrecevabilité du pourvoi et, à titre subsidiaire, au rejet de celui-ci comme étant non fondé. Elle conclut également à la condamnation de la requérante aux dépens.

Sur le pourvoi

43. À l’appui de son pourvoi, Saint-Gobain Glass Deutschland invoque deux moyens d’annulation de l’ordonnance attaquée tirés d’une violation du droit procédural et d’une violation de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

44. Aux termes de l’article 119 du règlement de procédure, lorsqu’un pourvoi est manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, l’avocat général entendu, rejeter ce pourvoi par voie d’ordonnance motivée.

45. La Cour estime que tel est le cas en l’espèce et que, compte tenu de l’adoption de la présente ordonnance, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de procédure accélérée.

Sur la recevabilité du pourvoi

46. La Commission estime que la requérante n’aurait plus intérêt à agir dans la mesure où l’annulation des dispositions de la décision litigieuse dans le cadre du pourvoi ne comporterait aucun effet juridique, en raison de l’adoption de la décision C(2007) 5258 de la Commission, du 26 octobre 2007, autorisant les modifications apportées par la République fédérale d’Allemagne à sa réglementation, et notamment le remplacement du système basé sur un facteur unique d’exécution par un autre système.

47. À la demande de la Cour, formulée en vertu de l’article 54 bis du règlement de procédure, la Commission lui a communiqué cette dernière décision.

48. À cet égard, il convient de rappeler que la Cour peut déclarer un pourvoi irrecevable lorsqu’un fait postérieur à l’arrêt du Tribunal a enlevé à celui-ci son caractère préjudiciable pour le demandeur au pourvoi. En effet, l’existence d’un intérêt à agir du requérant suppose que le pourvoi soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 19 octobre 1995, Rendo e.a./Commission, C-19/93 P, Rec. p. I-3319, point 13, et ordonnance du 25 janvier 2001, Lech-Stahlwerke/Commission, C-111/99 P, Rec. p. I‑727, point 18).

49. En l’espèce, il convient de constater que la décision dont se prévaut la Commission aux fins de démontrer l’absence d’un intérêt à agir de la requérante, d’une part, ne remplace pas la décision litigieuse et, d’autre part, ne fait référence qu’à des modifications en liaison avec l’article 1 er , paragraphe 2, de la décision litigieuse.

50. Or, la requérante conteste également les constatations relatives à l’incompatibilité avec la directive 2003/87 des garanties d’allocation issues de la première période d’allocation et figurant à l’article 2, paragraphe 2, de la décision litigieuse dans la mesure où cette disposition, d’une part, impose des contraintes à l’État membre destinataire en ce qui concerne l’application des garanties d’allocation issues de la première période d’échanges qui sont décrites au chapitre 6.2 du PNA allemand II et, d’autre part, ordonne à cet État l’application du même coefficient de progrès que pour les autres installations existantes comparables.

51. Dans ces conditions, et en l’absence d’informations complémentaires, la Cour n’est pas en mesure de constater, ainsi que l’y invite la Commission, que Saint-Gobain Glass Deutschland est dépourvue de tout intérêt à agir dans le cadre du présent pourvoi.

52. Par conséquent, il convient de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

Sur le premier moyen tiré d’une violation du droit procédural

Argumentation des parties

53. Saint-Gobain Glass Deutschland soutient que le Tribunal a, par l’ordonnance attaquée, commis une violation tant du droit à un procès équitable que du droit d’être entendu. À cet égard, elle fait notamment valoir que les parties à un litige doivent se voir accorder la possibilité de s’exprimer sur toutes les questions de fait ou de droit pertinentes aux fins de la solution du litige.

54. Selon la requérante, le Tribunal aurait essentiellement fondé son ordonnance sur le fait qu’elle n’avait apporté ni précisions ni preuves s’agissant de la composition du cercle fermé d’exploitants dont elle se prévalait afin que lui soit reconnue la qualité de personne individuellement concernée par la décision litigieuse. Or, Saint-Gobain Glass Deutschland prétend que le Tribunal ne lui a nullement demandé de produire une liste des exploitants concernés. Il s’ensuivrait qu’elle n’était pas en mesure d’exposer au Tribunal les motifs de l’absence de production d’une telle liste.

55. À cet égard, la requérante estime qu’elle n’avait aucune raison de produire la liste en question sans y être expressément invitée par le Tribunal. En outre, l’appartenance à un cercle fermé d’opérateurs affectés par l’adoption de la décision litigieuse découlait directement de la structure de la réglementation nationale et ne dépendait donc pas de la production d’une liste d’exploitants concernés.

56. Saint-Gobain Glass Deutschland soutient également qu’il lui était impossible de produire une telle liste puisque l’Umweltbundesamt ne pouvait faire droit à une demande en ce sens pour des raisons liées à la protection des données. En revanche, il aurait été loisible au Tribunal d’adopter une mesure d’organisation de la procédure ou d’instruction. Ainsi, si le Tribunal avait fait une telle demande, la République fédérale d’Allemagne aurait produit une telle liste susceptible de démontrer l’appartenance de la requérante à un cercle fermé d’exploitants.

57. La Commission considère que, par l’ordonnance attaquée, le Tribunal n’a commis aucune violation de son droit procédural.

Appréciation de la Cour

58. Il convient de constater d’emblée que, contrairement à ce que semble considérer la requérante, ce n’est qu’à titre surabondant que le Tribunal a relevé qu’elle n’avait pas fourni une liste des exploitants affectés par la décision litigieuse aux fins de démontrer qu’elle était individuellement concernée par cette dernière.

59. En effet, le Tribunal a tout d’abord estimé, au point 61 de l’ordonnance attaquée, que les requérantes n’étaient pas individuellement concernées par la décision litigieuse et qu’aucun des arguments avancés par elles ne permettait de remettre en cause cette appréciation.

60. En particulier, en réponse à certains arguments avancés par Saint-Gobain Glass Deutschland et fondés sur sa prétendue appartenance à un cercle fermé d’exploitants concernés par la décision litigieuse, le Tribunal a rappelé, au point 65 de l’ordonnance attaquée, que la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels s’applique la mesure contestée de ladite décision n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure, tant qu’il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause.

61. Dans ce contexte, le Tribunal a constaté que Saint-Gobain Glass Deutschland n’avait ni avancé de précisions ni produit d’éléments probants quant à la composition de ce prétendu cercle fermé d’exploitants. Partant, ce n’est qu’à titre surabondant qu’il a noté que la requérante n’avait pas versé au dossier une liste d’exploitants, contrairement à ce qu’avaient fait les autres parties requérantes.

62. Or, selon une jurisprudence constante, les griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189/02 P, C-202/02 P, C‑205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425, point 148, ainsi que ordonnance du 23 février 2006, Piau/Commission, C-171/05 P, point 86).

63. Dans ces conditions, il convient de rejeter le premier moyen comme étant inopérant.

Sur le second moyen tiré d’une violation de l’article 230, quatrième alinéa, CE

Argumentation des parties

64. Par ce moyen, Saint-Gobain Glass Deutschland soutient, en substance, que le Tribunal a fait une application erronée de la notion d’affectation individuelle par un acte communautaire.

65. Selon la requérante, le cercle d’exploitants concernés était définitivement défini et/ou définissable, sur la base de la réglementation allemande, et ne pouvait, en tout état de cause, être étendu. Dans ces conditions, le Tribunal ne pouvait affirmer que l’interdiction de maintenir en vigueur la garantie d’allocation s’appliquait en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause.

66. Selon la requérante, les exploitants seraient exactement déterminés dans la décision litigieuse, si bien que la référence objective au domaine d’application de l’article 8 du ZuG 2007 aurait pu invariablement être remplacée par une liste nominative des exploitants sans changer la portée de cette décision.

67. S’appuyant sur l’arrêt du 13 mai 1971, International Fruit Company e.a./Commission (41/70 à 44/70, Rec. p. 411, point 21), la requérante soutient que la décision litigieuse aurait pu être considérée par le Tribunal comme un faisceau de décisions individuelles, puisque, par cette décision, la Commission aurait interdit, à l’égard des exploitants visés par la garantie d’al location prévue à l’article 8 du ZuG 2007, le maintien en vigueur de ladite garantie d’allocation. In fine, la décision de la Commission sur le PNA allemand II constituerait tant une décision à caractère général qu’un faisceau de décisions individuelles, pour autant qu’elle interdit l’application des garanties d’allocation découlant de l’article 8 du ZuG 2007.

68. La Commission soutient que ce moyen doit être rejeté comme étant non fondé. À cet égard, elle considère que le Tribunal a fait une correcte application de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

69. Par ailleurs, la décision litigieuse ne saurait être qualifiée de faisceau de décisions individuelles dans la mesure où la Commission ne s’est pas prononcée sur des demandes individuelles et que, en tout état de cause, elle ne disposait aucunement d’informations suffisantes sur les installations concernées par le PNA notifié pour pouvoir être en mesure de se prononcer dans le sens que tente de démontrer la requérante.

Appréciation de la Cour

70. Il convient de constater, ainsi que l’a fait à juste titre le Tribunal, que la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droits auxquels s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure, tant il est constant que, comme en l’espèce, cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (voir, notamment, arrêt Antillean Rice Mills/Conseil, précité, point 52, ainsi que ordonnances du 24 mai 1993, Arnaud e.a./Conseil, C-131/92, Rec. p. I‑2573, point 13, et du 21 juin 1993, Chiquita Banana e.a./Conseil, C‑276/93, Rec. p. I-3345, point 8).

71. S’agissant de l’argumentation de la requérante tendant à démontrer que la décision litigieuse revêtait une nature hybride en ce qu’elle constituerait à la fois un acte de portée générale et un faisceau de décisions individuelles, force est de constater, d’une part, ainsi que l’a fait le Tribunal au point 59 de l’ordonnance attaquée, que la décision litigieuse, ayant pour destinataire la République fédérale d’Allemagne, revêt une portée générale en ce qu’elle s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite.

72. D’autre part, le fait que la décision litigieuse ait eu comme conséquence l’interdiction du maintien en vigueur de la garantie d’allocation à laquelle auraient pu prétendre certains exploitants en vertu de l’article 8 du ZuG 2007 n’est pas de nature à conférer à cette décision la nature de faisceau de décisions individuelles.

73. À cet égard, contrairement à ce que soutient la requérante dans le cadre du présent pourvoi, la circonstance que le PNA présenté par l’État membre à la Commission doit contenir une liste des installations couvertes par le système de quotas d’échanges ainsi que l’indication des quotas que cet État envisage d’allouer auxdites installations ne permet pas de considérer que, par la décision litigieuse, la Commission s’est prononcée sur des demandes individuelles, situation qui caractérisait l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt International Fruit Company e.a./Commission, précité.

74. Une telle constatation est corroborée par le fait que la liste prévue à l’annexe III, point 10, de la directive 2003/87 vise les installations concernées et non un inventaire nominatif des exploitants se voyant attribuer des quotas.

75. Par ailleurs, conformément à l’article 11, paragraphes 2 et 3, de cette directive, il incombe à chaque État membre, et non à la Commission, de décider de la quantité totale de quotas qu’il allouera pour la période en cause, de lancer le processus d’attribution de ces quotas à l’exploitant de chaque installation ainsi que de statuer sur l’allocation desdits quotas. Une telle décision est prise sur la base de son PNA élaboré en application de l’article 9, et conformément à l’article 10 de ladite directive.

76. Enfin, ainsi que l’a relevé le Tribunal au point 67 de l’ordonnance attaquée, il ne découle ni des objectifs de la directive 2003/87, lus à la lumière de son cinquième considérant, ni du cinquième critère de l’annexe III, ni de toute autre disposition de ladite directive une garantie pour les exploitants d’installations de se voir appliquer une certaine méthode d’allocation, voire d’obtenir une certaine quantité de quotas d’émission de gaz à effet de serre. D’ailleurs, les modifications, apportées postérieurement par la République fédérale d’Allemagne à son PNA II et acceptées par la Commission, confirment cette constatation.

77. Dans ces conditions, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit dans l’application de l’article 230 CE en retenant que la décision litigieuse revêtait une portée générale et, partant, n’affectait pas individuellement la requérante.

78. En tout état de cause, il y a lieu de relever que, à défaut d’être en mesure de demander l’annulation de la décision litigieuse, les requérants conservent la possibilité de contester les mesures nationales prises en application de la décision attaquée et, dans ce contexte, d’exciper de l’illégalité de celle-ci devant les juridictions nationales, statuant dans le respect de l’article 234 CE (voir, en ce sens, arrêts du 27 septembre 1983, Universität Hamburg, 216/82, Rec. p. 2771, point 10, et du 17 novembre 1998, Kruidvat/Commission, C-70/97 P, Rec. p. I‑7183, points 48 et 49).

79. Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter ce moyen comme étant manifestement non fondé et, partant, de rejeter le pourvoi dans sa totalité.

Sur les dépens

80. Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de Saint-Gobain Glass Deutschland et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Dispositif

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Saint-Gobain Glass Deutschland GmbH est condamnée aux dépens.

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