Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62007CO0483

    Ordonnance de la Cour (sixième chambre) du 17 février 2009.
    Galileo Lebensmittel GmbH & Co. KG contre Commission des Communautés européennes.
    Pourvoi - Recours en annulation - Réservation par la Commission du domaine ‘galileo.eu’ - Article 230, quatrième alinéa, CE - Décision concernant individuellement une personne physique ou morale - Recours manifestement non fondé.
    Affaire C-483/07 P.

    Recueil de jurisprudence 2009 I-00959

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2009:95

    ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

    17 février 2009 ( *1 )

    Dans l’affaire C-483/07 P,

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 5 novembre 2007,

    Galileo Lebensmittel GmbH & Co. KG, établie à Trierweiler (Allemagne), représentée par Me K. Bott, Rechtsanwalt,

    partie requérante,

    l’autre partie à la procédure étant:

    Commission des Communautés européennes, représentée par M. G. Braun et Mme E. Montaguti, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie défenderesse en première instance,

    LA COUR (sixième chambre),

    composée de M. J.-C. Bonichot (rapporteur), président de chambre, MM. P. Kūris et L. Bay Larsen, juges,

    avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

    greffier: M. R. Grass,

    l’avocat général entendu,

    rend la présente

    Ordonnance

    1

    Par son pourvoi, Galileo Lebensmittel GmbH & Co. KG (ci-après «Galileo Lebensmittel») demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 28 août 2007, Galileo Lebensmittel/Commission (T-46/06, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a rejeté comme irrecevable son recours tendant à l’annulation de la décision de la Commission de réserver, en application de l’article 9 du règlement (CE) no 874/2004 de la Commission, du 28 avril 2004, établissant les règles de politique d’intérêt général relatives à la mise en œuvre et aux fonctions du domaine de premier niveau .eu et les principes applicables en matière d’enregistrement (JO L 162, p. 40), le nom de domaine Internet «galileo.eu» sous le domaine de premier niveau «.eu» comme nom de domaine réservé à l’usage des institutions, organes et organismes de la Communauté (ci-après la «décision litigieuse»).

    Le cadre juridique

    2

    Le cadre juridique est constitué de deux règlements, à savoir un règlement de base, le règlement (CE) no 733/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 22 avril 2002, concernant la mise en œuvre du domaine de premier niveau .eu (JO L 113, p. 1), et un règlement d’exécution, le règlement no 874/2004.

    Le règlement no 733/2002

    3

    L’article 5 du règlement no 733/2002, intitulé «Cadre d’action», prévoit:

    «1.   La Commission adopte, après consultation du registre et conformément à la procédure visée à l’article 6, paragraphe 3, les règles de politique d’intérêt général relatives à la mise en œuvre et aux fonctions du TLD.eu et les principes de politique d’intérêt général en matière d’enregistrement. Ces règles incluent notamment:

    a)

    une politique de règlement extrajudiciaire des différends;

    b)

    la politique d’intérêt général en matière d’enregistrements spéculatifs et abusifs de noms de domaine, y compris la possibilité d’enregistrer des noms de domaine de façon progressive afin de garantir, de manière appropriée et temporaire, aux titulaires de droits antérieurs reconnus ou établis par le droit national et/ou communautaire et aux organismes publics des possibilités d’enregistrer leurs noms;

    c)

    une politique concernant l’éventuelle révocation des noms de domaine, y compris la question des biens vacants (bona vacantia);

    d)

    les problèmes de langue et de concepts géographiques;

    e)

    le traitement des droits de propriété intellectuelle et autres droits.

    2.   Dans un délai de trois mois après l’entrée en vigueur du présent règlement, les États membres peuvent communiquer à la Commission et aux autres États membres une liste limitée de noms largement reconnus concernant les concepts géographiques et/ou géopolitiques qui ont une incidence sur leur organisation politique ou territoriale; ces noms peuvent:

    a)

    soit ne pas être enregistrés;

    b)

    soit n’être enregistrés que dans un domaine de deuxième niveau conformément aux règles de politique d’intérêt général.

    La Commission communique au registre sans tarder la liste des noms communiqués auxquels ces critères s’appliquent et publie la liste simultanément.

    Lorsqu’un État membre ou la Commission, dans les trente jours suivant la publication, s’oppose à l’inclusion d’un élément dans une liste communiquée, la Commission adopte des mesures pour remédier à la situation conformément à la procédure prévue à l’article 6, paragraphe 3.

    […]»

    4

    Aux termes de l’article 7 du règlement no 733/2002, «[l]a Communauté conserve tous les droits liés au TLD.eu, notamment les droits de propriété intellectuelle et les autres droits relatifs aux bases de données du registre nécessaires pour assurer la mise en œuvre du présent règlement, ainsi que le droit de redésigner le registre».

    Le règlement no 874/2004

    5

    Le règlement no 874/2004 précise, dans sa partie introductive, qu’il est fondé sur «[…] le règlement [no 733/2002], et notamment son article 5, paragraphe 1, […]».

    6

    Aux termes du neuvième considérant du règlement no 874/2004:

    «Un État membre doit être autorisé à désigner un opérateur qui enregistrera comme nom de domaine la dénomination officielle et l’appellation courante de cet État membre. De même, la Commission doit être autorisée à choisir des noms de domaines destinés à être utilisés par les institutions de la Communauté, et à désigner l’opérateur de ces noms de domaine. Le registre doit être habilité à réserver certains noms de domaines spécifiés à son propre fonctionnement.»

    7

    L’article 9 du règlement no 874/2004, intitulé «Noms de domaine de deuxième niveau pour les noms géographiques et géopolitiques», prévoit:

    «L’enregistrement de concepts géographiques et géopolitiques en tant que noms de domaine conformément à l’article 5, paragraphe 2, [sous] b), du règlement (CE) no 733/2002 peut être assuré par un État membre qui a notifié les noms. Cela peut être fait sous tout nom de domaine ayant été enregistré par cet État membre.

    La Commission peut demander au registre d’introduire des noms de domaine directement dans le domaine de premier niveau .eu à l’usage des institutions, organes et organismes de la Communauté. Après l’entrée en vigueur du présent règlement, et au plus tard une semaine avant le début de la période de l’enregistrement par étapes prévue au chapitre IV, la Commission notifie au registre les noms qui doivent être réservés et les entités qui représentent les institutions, organes et organismes de la Communauté pour l’enregistrement des noms.»

    8

    L’article 10, paragraphe 1, du règlement no 874/2004 énonce:

    «Les titulaires de droits antérieurs reconnus ou établis par le droit national et/ou communautaire et les organismes publics sont autorisés à demander l’enregistrement de noms de domaine pendant une durée déterminée selon une procédure d’enregistrement par étapes avant que l’enregistrement dans le domaine .eu ne soit ouvert au public.

    Les ‘droits antérieurs’ comprennent, entre autres, les marques nationales et communautaires enregistrées, les indications géographiques ou les appellations d’origine, et dans la mesure où ils sont protégés par le droit national dans l’État membre où ils sont détenus, les noms de marques non enregistrés, les noms commerciaux, les identificateurs d’entreprises, les noms de sociétés, les noms de personnes, et les titres distinctifs des œuvres littéraires et artistiques protégées.

    […]»

    9

    L’article 12, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement no 874/2004 dispose:

    «Pendant la première phase de l’enregistrement par étapes, seul[e]s les marques nationales et communautaires enregistrées […] peuvent être proposé[e]s comme noms de domaine à enregistrer […]»

    10

    Aux termes de l’article 22, paragraphe 1, du règlement no 874/2004:

    «Une procédure de règlement extrajudiciaire des litiges peut être engagée par toute partie:

    […]

    b)

    lorsqu’une décision prise par le registre est contraire au présent règlement ou au règlement (CE) no 733/2002.»

    Les faits à l’origine du litige

    11

    Les antécédents du litige ont été exposés comme suit aux points 11 à 16 de l’ordonnance attaquée:

    «Système international des domaines Internet

    11

    Le système des noms de domaine internet (DNS) se compose d’un registre structuré de façon hiérarchique, qui [comprend] l’ensemble des noms de domaine et des ordinateurs s’y rapportant qui sont enregistrés pour certaines entreprises et personnes utilisant Internet. Le nom de domaine est un texte électronique qui amène l’utilisateur d’Internet sur une page déterminée. Le domaine de premier niveau (Top Level Domain, ci-après le ‘TLD’) est la partie d’un nom de domaine qui se trouve à droite, après le dernier point du nom. Il désigne le niveau hiérarchique le plus élevé de la structure géographique et organisationnelle du système des noms de domaine Internet utilisé pour les adresses. Sur Internet, le TLD est soit le code pays ISO à deux lettres, soit une abréviation anglaise, par exemple ‘.com’, ‘.net’ ou ‘.org’. L’attribution des codes pour les différents noms TLD (par exemple le code pays ISO ‘.lu’ pour le Luxembourg) est coordonnée par l’organisme chargé de l’attribution des noms et des adresses Internet, l’‘Internet Corporation for Assigned Names and Numbers’ (ci-après l’‘ICANN’), un organisme à but non lucratif de droit américain.

    12

    Sur la base de ce système, le conseil d’administration de l’ICANN a autorisé, le 21 mai 2005, l’attribution du nouveau TLD ‘.eu’ et a donné pouvoir au président de l’ICANN de conclure un accord avec l’European Registry for Internet Domains (ci-après l’‘EURid’). L’EURid est une association sans but lucratif, de droit belge, désignée par la Commission pour gérer le TLD ‘.eu’ [voir la décision 2003/375/CE de la Commission, du 21 mai 2003, relative à la désignation du registre du domaine de premier niveau ‘.eu’ (JO L 128, p. 29)].

    Antécédents du litige

    13

    La requérante est titulaire d’une licence exclusive d’utilisation, datée du 13 février 2006, de différentes marques enregistrées pour le compte de IFD Italian Food Distribution SA, établie à Mertert (Luxembourg), dont la marque verbale Galileo, enregistrée auprès de l’Office des brevets et des marques allemand sous le no 2071982. IFD Italian Food Distribution, qui est la société holding de la requérante, n’exerce pas d’activités d’exploitation.

    14

    Le 1er décembre 2005, la requérante a, sur la base de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 874/2004 et par [l’intermédiaire] de l’entreprise allemande 1 & 1 Internet AG, demandé l’enregistrement du nom de domaine ‘galileo.eu’ auprès de l’EURid. Le 7 décembre 2005, le bureau d’enregistrement 1 & 1 Internet a déposé la demande d’enregistrement par voie électronique auprès de l’EURid.

    15

    La requérante a en outre sollicité l’enregistrement du nom de domaine ‘galileo-food.eu’. Elle a reçu à cet égard un accusé de réception émis par l’EURid, mais pas pour la demande du nom de domaine ‘galileo.eu’.

    16

    L’EURid n’a pas accueilli la demande d’enregistrement et n’en a pas non plus noté réception parce que le nom de domaine demandé ‘galileo.eu’ était réservé à la Commission depuis le 7 novembre 2005. La requérante en a été informée par l’EURid le 2 février 2006. L’EURid indique dans sa communication avoir dûment procédé à la réservation de ce nom de domaine sur le fondement de l’article 9 du règlement no 874/2004. Cette réservation n’aurait pas été décidée par l’EURid, mais par la Commission. Cette dernière ayant réservé le nom de domaine ‘galileo.eu’, l’ordre de réception des demandes d’enregistrement pour ce nom de domaine n’aurait pas non plus été noté.»

    Le recours devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

    12

    Le 13 février 2006, Galileo Lebensmittel a introduit un recours devant le Tribunal tendant à l’annulation de la décision de la Commission de réserver le nom de domaine «galileo.eu» comme nom de domaine réservé à l’usage des institutions, organes et organismes de la Communauté.

    13

    Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté le recours comme irrecevable en jugeant que la requérante, qui n’était pas destinataire de cette décision, n’était pas non plus «individuellement concernée» par celle-ci au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

    14

    Le Tribunal a rappelé la jurisprudence selon laquelle la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droits auxquels s’applique une mesure n’implique pas que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure, tant qu’il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause.

    15

    Le Tribunal poursuit en relevant que, pour être individuellement concernée par l’acte attaqué, la requérante aurait dû, d’une part, faire partie d’un cercle restreint d’opérateurs économique et, d’autre part, bénéficier d’une protection spécifique. Le Tribunal a jugé qu’aucune de ces deux conditions n’était remplie en l’espèce.

    16

    En ce qui concerne la protection spécifique, le Tribunal a considéré qu’aucune disposition n’obligeait la Commission à prendre en compte les intérêts de la requérante.

    17

    S’agissant de la question de savoir si Galileo Lebensmittel faisait partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques en raison de caractéristiques propres aux membres de ce groupe, le Tribunal a estimé que, au moment où la liste a été établie, le nombre et l’identité des personnes potentiellement concernées par la réservation n’étaient ni connus de façon définitive ni même déterminables.

    18

    En effet, chaque nom de domaine inscrit sur cette liste serait réservé non seulement vis-à-vis des titulaires de droits antérieurs, dont la requérante allègue faire partie, et des organismes publics, qui représenteraient un groupe très large, mais tout de même indentifiable, mais également vis-à-vis du grand public. À supposer même qu’aucune demande ne soit introduite au cours de la période prévue pour l’enregistrement anticipé et privilégié, il serait toujours possible qu’une telle demande soit introduite au cours de la période d’enregistrement publique.

    19

    Le Tribunal a précisé, à cet égard, que la date à prendre en compte pour déterminer s’il existe un cercle restreint d’opérateurs concernés est celle de l’adoption de la mesure litigieuse.

    Les conclusions des parties

    20

    Dans son pourvoi, Galileo Lebensmittel demande à ce qu’il plaise à la Cour:

    annuler l’ordonnance attaquée et annuler la décision litigieuse;

    condamner la Commission aux dépens des deux instances;

    à titre subsidiaire, annuler l’ordonnance attaquée, renvoyer l’affaire devant le Tribunal et condamner la Commission aux dépens exposés dans le cadre du pourvoi.

    21

    La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

    rejeter le pourvoi, et

    condamner la requérante aux dépens de l’instance.

    Sur le pourvoi

    22

    En vertu de l’article 119 du règlement de procédure, lorsqu’un pourvoi est manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, l’avocat général entendu, rejeter ce pourvoi par voie d’ordonnance motivée.

    23

    Par son pourvoi, Galileo Lebensmittel soutient que le Tribunal a entaché l’ordonnance attaquée d’erreur de droit en jugeant qu’elle n’était pas individuellement affectée par la décision de la Commission de réserver le nom de domaine «galileo.eu» comme nom de domaine réservé à l’usage des institutions, organes et organismes de la Communauté.

    24

    L’argumentation de la requérante peut être analysée comme soulevant, en substance, trois moyens.

    Sur le premier moyen, tiré de ce que la décision litigieuse ne présenterait pas un caractère réglementaire

    Argumentation des parties

    25

    Le premier moyen est tiré de ce que l’ordonnance attaquée ne prendrait pas suffisamment en compte les circonstances particulières de l’affaire et notamment le fait que la décision litigieuse ne serait pas un règlement.

    26

    La jurisprudence citée par le Tribunal aurait été développée au sujet de recours visant des règlements communautaires. Or, la décision litigieuse n’aurait pas une telle nature, mais serait un acte d’application d’un règlement à un cas particulier. La décision litigieuse constituerait, en outre, une mesure visant à protéger les besoins propres de la Commission en noms de domaines. La jurisprudence utilisée par le Tribunal serait par suite inadaptée au cas de l’espèce.

    27

    La Commission répond que la décision litigieuse est un acte de portée générale, lequel produit des effets différents sur les divers sujets de droit affectés, en fonction des noms de domaines qu’ils entendaient enregistrer.

    Appréciation de la Cour

    28

    L’article 230, quatrième alinéa, CE ouvre la possibilité à toute personne physique ou morale de former un recours en annulation contre deux types de décisions, à savoir, d’une part, celles dont elle est destinataire et, d’autre part, celles qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement.

    29

    L’élément essentiel de distinction réside dans le point de savoir si le requérant est destinataire ou non de la décision qu’il attaque. S’il ne l’est pas, le requérant doit alors, pour pouvoir agir en annulation, être concerné directement et individuellement par l’acte attaqué. La jurisprudence relative à cette notion d’affectation individuelle est ainsi applicable dans l’hypothèse dans laquelle le requérant n’est pas destinataire de la décision qu’il attaque.

    30

    Par suite, et sans qu’il soit besoin de déterminer la nature exacte de la décision litigieuse, il suffit de constater que Galileo Lebensmittel n’était pas destinataire de celle-ci. C’est donc à bon droit que le Tribunal a, en l’espèce, fait application de la jurisprudence relative à la notion d’affectation individuelle afin de déterminer si la requérante avait qualité pour agir.

    31

    Le premier moyen doit, par conséquent, être écarté comme manifestement non fondé.

    Sur le deuxième moyen, tiré de ce que l’ordonnance attaquée ne tiendrait pas compte du droit à bénéficier d’une protection spécifique de la marque verbale que la requérante dit détenir

    Argumentation des parties

    32

    La requérante soutient que le nom de domaine «galileo.eu» est un bien économique commercialisable unique et que la décision litigieuse revient, en substance, à le retirer du commerce sans contrepartie.

    33

    La requérante serait, en tant qu’utilisatrice et titulaire exclusive d’une licence pour la marque verbale Galileo, individuellement affectée par la décision litigieuse qui porte atteinte à son droit de marque en ce qu’elle l’empêche de faire enregistrer le nom de domaine «galileo.eu» et l’ordonnance attaquée serait entachée, dans cette mesure, d’une erreur de droit.

    34

    Galileo Lebensmittel se prévaut, à cet égard, de la jurisprudence issue de l’arrêt du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission (11/82, Rec. p. 207), et mentionne également l’arrêt du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil (C-309/89, Rec. p. I-1853), ainsi que les conclusions prononcées par l’avocat général dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 mars 2008, Commission/Infront WM (C-125/06 P, Rec. p. I-1451).

    35

    La requérante ajoute que c’est à tort que le Tribunal a apprécié le critère de l’affectation individuelle au regard des éléments de fait et de droit existant à la date de la décision litigieuse et que rien n’interdit d’apprécier l’affectation individuelle au regard de circonstances postérieures à cette date.

    36

    Elle soutient enfin que le règlement no 874/2004 lui donne, en tant que détentrice de la marque verbale allemande Galileo, une position juridique particulière dans la procédure d’enregistrement. Elle invoque, à cet égard, les sixième et seizième considérants du règlement no 733/2002, l’article 5, paragraphe 1, sous b), de celui-ci ainsi que le onzième considérant du règlement no 874/2004 et les articles 10, paragraphes 1 et 2, ainsi que 12, paragraphe 2, de ce dernier règlement.

    37

    Selon Galileo Lebensmittel, ces dispositions ont pour objet de protéger les titulaires de droits de marque quant à la possibilité de faire enregistrer, comme nom sous le domaine de premier niveau «.eu», leur nom protégé en vertu du droit des marques. Le règlement no 874/2004 organiserait une phase d’enregistrement réservée aux détenteurs de droits antérieurs et qui prendrait place avant l’ouverture de l’enregistrement au grand public. Cela constituerait un privilège par rapport aux demandeurs qui, comme la défenderesse, ne disposent pas de droits antérieurs.

    38

    Selon la Commission, la requérante peut sans doute être affectée par la décision litigieuse, mais elle le serait comme d’autres opérateurs pourraient l’être, et elle ne pourrait soutenir qu’elle l’est «individuellement».

    39

    La Commission soutient, en outre, que les dispositions invoquées par Galileo Lebensmittel ne sont pas de nature à lui attribuer une position juridique particulière dans la procédure d’enregistrement d’une marque. La Commission ajoute que la requérante entend mettre en cause non pas la décision litigieuse mais le règlement no 874/2004 lui-même, et que le délai pour former un recours en annulation contre ce règlement est expiré.

    40

    La Commission fait valoir, enfin, que la requérante ne détient aucun droit exclusif à l’égard du nom «Galileo», qui figure dans au moins 60 marques communautaires, dont 29 qui contiennent isolément ce nom.

    Appréciation de la Cour

    41

    Une personne physique ou morale ne saurait prétendre être concernée individuellement que si la disposition litigieuse l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait l’individualise d’une manière analogue à celle du destinataire (voir arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223).

    42

    Ainsi que le rappelle l’ordonnance attaquée, la Cour a, à cet égard, jugé que, lorsque l’acte attaqué affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres du groupe, ces personnes pouvaient être individuellement concernées par cet acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques (arrêts Piraiki-Patraiki e.a./Commission, précité, point 31, ainsi que du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C-182/03 et C-217/03, Rec. p. I-5479, point 60).

    43

    Sur cette question, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé que le nombre et l’identité des personnes potentiellement concernées par la réservation du nom de domaine ne pouvaient être ni connus de façon définitive ni même être déterminés. En effet, c’est par une correcte analyse de la procédure prévue par le règlement no 874/2004 que le Tribunal a relevé que chaque nom de domaine inscrit sur la liste est réservé non seulement vis-à-vis des titulaires de droit antérieurs, mais également vis-à-vis du grand public.

    44

    La requérante ne saurait, à cet égard, comparer sa situation avec celle de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commission, précité. Par cet arrêt, la Cour a admis la recevabilité d’un recours en annulation, dirigé contre une décision de la Commission qui autorisait un État membre à instaurer des mesures de sauvegarde à l’importation d’un produit, présenté par des requérants qui, avant l’adoption de cette décision, avaient conclu des contrats de vente du produit concerné et dont l’exécution était empêchée en tout ou en partie par ladite décision. Or, en l’espèce, la décision litigieuse ne fait nullement obstacle à l’exécution de contrats dont la requérante serait titulaire. La situation dont elle se prévaut ne saurait, par suite, donner lieu à l’application de la jurisprudence consacrée par ledit arrêt.

    45

    Galileo Lebensmittel ne saurait non plus se prévaloir de ce que la Cour, par l’arrêt Codorniu/Conseil, précité, a reconnu au bénéfice de la société qui était concernée dans cette affaire l’existence d’une situation la caractérisant au regard de la disposition normative de portée générale en cause par rapport à tout autre opérateur économique, dans la mesure où cette disposition avait abouti à empêcher ladite société d’utiliser sa marque graphique dans le commerce. Il suffit, à cet égard, de relever que la décision litigieuse n’empêche pas la requérante d’utiliser sa marque, de sorte qu’elle ne saurait comparer sa situation à celle de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Codorniu/Conseil, précité.

    46

    De même, si la jurisprudence permet de considérer une personne comme individuellement concernée par un acte parce qu’elle fait partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques lorsque cet acte modifie les droits acquis par cette personne antérieurement à son adoption (voir arrêts du 1er juillet 1965, Toepfer et Getreide-Import Gesellschaft/Commission, 106/63 et 107/63, Rec. p. 525, 533, ainsi que Commission/Infront, précité, point 72), la décision litigieuse ne modifie, en l’espèce, au détriment de la requérante, aucun droit acquis, dès lors que le seul dont elle se prévaut est le droit sur la marque Galileo qui relève d’une réglementation différente.

    47

    Enfin, si Galileo Lebensmittel soutient, en substance, que la décision litigieuse porte à ses intérêts économiques une atteinte sérieuse, cette seule circonstance ne suffit pas à lui donner la qualité de «personne individuellement concernée» au sens de l’arrêt Plaumann/Commission, précité, et, par suite, à remettre en cause l’analyse du Tribunal qui s’est borné à en faire application.

    48

    Dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à soutenir que le Tribunal aurait à tort considéré qu’elle ne fait pas partie d’un «cercle restreint d’opérateurs économiques» au sens de la jurisprudence précitée.

    49

    La première branche du deuxième moyen doit, par suite, être écartée comme manifestement non fondée.

    50

    De même, c’est à bon droit que le Tribunal apprécie à la date d’édiction de la décision litigieuse la question de savoir si les personnes concernées par cette décision sont identifiées ou identifiables (voir, par analogie, arrêt du 21 mai 1987, Union Deutsche Lebensmittelwerke e.a./Commission, 97/85, Rec. p. 2265, point 11).

    51

    La deuxième branche du deuxième moyen est, dès lors, manifestement non fondée.

    52

    Enfin, Galileo Lebensmittel ne peut soutenir que le Tribunal a, par l’ordonnance attaquée, méconnu le droit à une protection spécifique que la requérante affirme tenir de la procédure d’adoption de la décision litigieuse.

    53

    La Cour a jugé que le fait pour une personne d’intervenir dans le processus d’adoption d’un acte communautaire n’est de nature à l’individualiser par rapport à l’acte en cause que dans le cas où des garanties de procédure ont été prévues au profit de cette personne par la réglementation communautaire. Ainsi, dès lors qu’une disposition de droit communautaire impose, pour adopter une décision, de suivre une procédure dans le cadre de laquelle une personne physique ou morale peut revendiquer d’éventuels droits, dont celui d’être entendue, la position juridique particulière dont bénéficie celle-ci a pour effet de l’individualiser au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE (voir, par analogie, arrêts du 4 octobre 1983, Fediol/Commission, 191/82, Rec. p. 2913, point 31, ainsi que du 1er avril 2004, Commission/Jégo-Quéré, C-263/02 P, Rec. p. I-3425, points 47 et 48).

    54

    En l’espèce, s’il est vrai que le règlement no 874/2004 prévoit une période d’enregistrement anticipée et réservée des noms de domaine au profit des titulaires de droits antérieurs, dont la requérante allègue faire partie, il n’institue toutefois aucune garantie de procédure qui pourrait être analysée comme un droit établi au profit de Galileo Lebensmittel. La requérante ne saurait, par suite, se prévaloir des dispositions du règlement no 874/2004 afin de soutenir que celles-ci ont pour effet de l’«individualiser», au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

    55

    La troisième branche du deuxième moyen doit, par suite, être écartée comme manifestement non fondée.

    56

    Il résulte de ce qui précède, et indépendamment de la question de savoir si la requérante disposait effectivement, au moment où elle a introduit une demande pour le nom de domaine «galileo.eu», d’un droit antérieur, qu’elle n’est, en tout état de cause, pas fondée à invoquer le droit à une protection spécifique de ce nom pour soutenir que le Tribunal a considéré à tort qu’elle n’était pas individuellement concernée par la décision litigieuse.

    57

    Le deuxième moyen, pris dans ses trois branches, doit, par suite, être écarté comme manifestement non fondé.

    Sur le troisième moyen, tiré du droit à une protection juridictionnelle effective

    Argumentation des parties

    58

    Galileo Lebensmittel soutient que, en rejetant son recours comme irrecevable, le Tribunal a méconnu son droit à une protection juridictionnelle effective. La requérante serait, en effet, privée de toute voie de recours contre la décision litigieuse, que ce soit devant une juridiction nationale ou devant une juridiction communautaire.

    Appréciation de la Cour

    59

    Les conditions de recevabilité d’un recours en annulation ne sauraient être écartées en raison de l’interprétation que fait le requérant du droit à une protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêts du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C-50/00 P, Rec. p. I-6677, point 44, et Commission/Jégo-Quéré, précité, point 36, ainsi que ordonnances du 8 mars 2007, Strack/Commission, C-237/06 P, point 108, et du 13 mars 2007, Arizona Chemical e.a./Commission, C-150/06 P, point 40).

    60

    Par suite, un particulier qui n’est pas directement et individuellement concerné par une décision de la Commission et qui, partant, n’est pas affecté dans ses intérêts par cette mesure ne saurait se prévaloir du droit à une protection juridictionnelle à l’égard d’une telle décision (voir, en ce sens, ordonnance du 1er octobre 2004, Pérez Escolar/Commission, C-379/03 P, point 41).

    61

    Faute pour la requérante d’avoir établi qu’elle était individuellement concernée par la décision litigieuse, elle n’est pas fondée à soutenir que l’ordonnance attaquée porterait atteinte à son droit à une protection juridictionnelle effective.

    62

    Le troisième moyen doit, par conséquent, être écarté comme manifestement non fondé.

    63

    Aucun des moyens soulevés n’étant fondé, il y a lieu de rejeter le pourvoi.

    Sur les dépens

    64

    Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de Galileo Lebensmittel et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

     

    Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne:

     

    1)

    Le pourvoi est rejeté.

     

    2)

    Galileo Lebensmittel GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.

    Top