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Document 62007CJ0564

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 11 juin 2009.
Commission des Communautés européennes contre République d'Autriche.
Manquement d'État - Article 49 CE - Libre prestation de services - Agents en brevets - Obligation de souscrire une assurance responsabilité professionnelle - Obligation de désigner un domiciliataire dans l'État membre de destination des services.
Affaire C-564/07.

Recueil de jurisprudence 2009 I-00100*

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2009:364

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

11 juin 2009 (*)

«Manquement d’État – Article 49 CE – Libre prestation de services – Agents en brevets – Obligation de souscrire une assurance responsabilité professionnelle – Obligation de désigner un domiciliataire dans l’État membre de destination des services»

Dans l’affaire C‑564/07,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 21 décembre 2007,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. E. Traversa et H. Krämer, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République d’Autriche, représentée par MM. E. Riedl et G. Kunnert, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. A. Ó Caoimh, J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur), J. Klučka et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 janvier 2009,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Après avoir retiré certains points de son recours, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que:

–        en subordonnant toute prestation de services par des agents en brevets régulièrement établis dans un autre État membre et souhaitant temporairement fournir des services en Autriche à la souscription préalable d’une assurance responsabilité professionnelle, et

–        en obligeant les agents en brevets régulièrement établis dans un autre État membre et souhaitant temporairement fournir des services en Autriche à faire appel à un domiciliataire demeurant en Autriche,

la République d’Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 CE.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

2        L’article 23, paragraphe 1, de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO L 376, p. 36), prévoit:

«Les États membres peuvent prévoir que les prestataires dont les services présentent un risque direct et particulier pour la santé ou la sécurité du destinataire ou d’un tiers ou pour la sécurité financière du destinataire, souscrivent une assurance responsabilité professionnelle appropriée au regard de la nature et de l’étendue du risque, ou prévoient une garantie ou un arrangement similaire, équivalent ou fondamentalement comparable pour ce qui est de sa finalité.»

3        En vertu de son article 45, cette directive est entrée en vigueur le 28 décembre 2006. Aux termes de son article 44, les États membres doivent la transposer avant le 28 décembre 2009 au plus tard.

4        L’article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1348/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale (JO L 160, p. 37), prévoit, en ce qui concerne les actes judiciaires:

«Chaque État membre a la faculté de procéder directement par la poste à la signification ou à la notification des actes judiciaires aux personnes résidant dans un autre État membre.»

5        L’article 16 dudit règlement dispose, en ce qui concerne les actes extrajudiciaires:

«Les actes extrajudiciaires peuvent être transmis aux fins de signification ou de notification dans un autre État membre conformément aux dispositions du présent règlement.»

6        Ces dispositions ont été remplacées, à partir du 13 novembre 2008, par les dispositions, en substance similaires, des articles 14 et 16 du règlement (CE) n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale («signification ou notification des actes»), et abrogeant le règlement (CE) n° 1348/2000 du Conseil (JO L 324, p. 79).

 La réglementation nationale

7        L’article 1c, de la loi relative aux agents en brevets (Patentanwaltsgesetz, BGBl. 214/1967), telle que modifiée par la loi fédérale du 10 août 2001 (BGBl. I, 107/2001, ci-après la «loi relative aux agents en brevets»), prévoit:

«[Les ressortissants d’un État membre de l’Espace économique européen, ci-après l’’EEE’], qui sont établis dans un tel État et qui satisfont, en matière d’exercice de la profession d’agents en brevets, aux exigences de l’article 3 de la directive 89/48/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans […] sont autorisés, dans la mesure où ils fournissent des services au sens de l’article 50 CE […], à opérer temporairement en tant qu’agents en brevets en Autriche au même titre que les agents en brevets inscrits sur la liste des agents en brevets, avec les droits et les obligations découlant des articles 16a à 16d.»

8        L’article 16b, paragraphes 2 et 3, de cette loi dispose:

«(2)      Les personnes mentionnées à l’article 1c doivent justifier d’une assurance responsabilité civile conformément à l’article 21a ou d’une assurance ou garantie souscrite conformément aux dispositions de leur État d’origine, qui soit équivalente à l’assurance requise par l’article 21a et couvre également leur activité professionnelle en Autriche. L’étendue de la couverture est à déterminer compte tenu de la fréquence et de la durée de leurs prestations de services en Autriche. À défaut d’équivalence ou si la couverture n’est pas assez étendue, une assurance supplémentaire ou garantie complémentaire devra assurer une protection conforme aux exigences de l’article 21a. L’assurance est à conserver pendant toute la durée de leurs prestations de services en Autriche.

(3)      Si elles n’ont pas souscrit d’assurance responsabilité civile conformément à l’article 21a, elles doivent conclure un accord contractuel avec l’assureur étranger ou la caisse de garantie professionnelle étrangère soumettant l’assureur ou la caisse de garantie à une obligation de déclaration à la Chambre des agents en brevets conformément à l’article 21a, paragraphe 6, et en apporter une preuve à la Chambre des agents en brevets, à défaut de quoi l’obligation de couverture est maintenue.»

9        L’article 21a de ladite loi dispose:

«(1)      Avant son inscription sur la liste des agents en brevets, chaque agent en brevets est tenu de prouver au Bureau de la Chambre des agents en brevets qu’il a souscrit auprès d’un assureur agréé en Autriche une assurance responsabilité civile afin de couvrir les demandes de dommages-intérêts découlant de son activité professionnelle. Il est tenu de conserver l’assurance pendant toute la durée de son activité professionnelle et d’en apporter la preuve à la Chambre des agents en brevets sur demande de cette dernière.

(2)      Si l’agent en brevets omet, en dépit de la demande du Bureau de la Chambre des agents en brevets, de conserver une assurance responsabilité civile, le Bureau doit lui interdire d’exercer la profession d’agent en brevets jusqu’à fourniture de la preuve de satisfaction à cette obligation.

(3)      Le montant minimum assuré doit s’élever à 400 000 euros par sinistre. Dans le cas d’un partenariat entre agents en brevets, l’assurance doit également couvrir les demandes de dommages-intérêts à l’encontre d’un agent en brevets du fait de sa position d’associé.

(4)      Dans le cas d’une société d’agents en brevets sous forme de société à responsabilité limitée, le montant minimum assuré doit s’élever à 2 400 000 euros par sinistre. À défaut de souscription de l’assurance responsabilité civile professionnelle ou si cette assurance n’a pas été souscrite à hauteur du montant requis, outre la société, les agents en brevets associés sont également tenus personnellement responsables, indépendamment du fait qu’une faute puisse leur être reprochée, à hauteur de la couverture d’assurance manquante.

(5)      Toute exclusion ou limitation dans la durée de la garantie subséquente de l’assureur est prohibée.

(6)      Les assureurs sont tenus de communiquer spontanément et immédiatement à la Chambre des agents en brevets toute circonstance impliquant ou susceptible d’impliquer une cessation ou limitation de la couverture d’assurance ou une dérogation à l’attestation d’assurance initiale, ainsi que de répondre à toute demande de renseignements de la Chambre des agents en brevets sur de telles circonstances, et ce dans un délai de deux semaines après en avoir eu connaissance, à défaut de quoi l’obligation de couverture de l’assureur est maintenue.»

10      L’article 21 de la loi de 1970 relative aux brevets (Patentgesetz 1970, BGBl. 259/1970), modifiée en dernier lieu par la loi de 2005 (BGBl. I, 42/2005, ci-après la «loi relative aux brevets») dispose:

«[…]

(4)      Les personnes dont le domicile ou l’établissement ne se trouve pas sur le territoire national peuvent faire valoir des droits au titre de la présente loi fédérale devant l’Office des brevets et devant la Chambre Supérieure des brevets et des marques uniquement si elles sont représentées par un représentant des parties tel que mentionné à l’article 77. Dans la mesure où le domicile ou l’établissement se trouve dans l’EEE, il suffit toutefois de faire appel à un domiciliataire demeurant sur le territoire national pour pouvoir faire valoir des droits au titre de la présente loi fédérale. Le recours aux services et informations de l’Office des brevets, y compris aux expertises et recherches, ne requiert pas la désignation d’un représentant ou d’un domiciliataire.

[…]»

 La procédure précontentieuse

11      La Commission a adressé à la République d’Autriche une lettre de mise en demeure le 13 juillet 2005 et un avis motivé le 15 décembre 2006. Cet avis motivé a fixé un délai de deux mois pour la mise en conformité de la législation nationale en cause.

12      Non satisfaite des réponses présentées par cet État membre, la Commission a formé le présent recours.

 Sur le fond

 Sur le premier grief

 Argumentation des parties

13      La Commission rappelle que, conformément aux articles 16b, paragraphes 2 et 3, ainsi que 21a de la loi relative aux agents en brevets, un agent en brevets régulièrement établi dans un autre État membre ne peut opérer temporairement en tant qu’agent en brevets en Autriche que s’il apporte la preuve que les demandes de dommages-intérêts découlant de son activité professionnelle seront couvertes, soit par une assurance responsabilité civile souscrite auprès d’un assureur agréé en Autriche, soit par une assurance ou garantie conforme aux dispositions de l’État d’origine, équivalente aux conditions d’une telle assurance responsabilité civile et qui couvre également l’activité professionnelle en Autriche. Le montant minimum assuré devrait s’élever à 400 000 euros par sinistre.

14      La Commission fait valoir que cette obligation d’assurance gêne la prestation temporaire de services en Autriche par un agent en brevets régulièrement établi dans un autre État membre ou, du moins, rend cette prestation moins attrayante. En effet, un agent en brevets n’ayant pas souscrit une telle assurance du fait que cette dernière n’est pas exigée dans l’État membre où il est établi pourrait être dissuadé de fournir ses services en Autriche par le coût éventuellement prohibitif de contracter une telle assurance aux fins d’une activité temporaire.

15      Ladite obligation de souscrire une assurance irait au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser l’objectif de la protection des destinataires des services. Une simple information à l’adresse de ceux-ci suffirait. Dans ce contexte, la Commission ajoute que les risques encourus sont limités du fait que les agents en brevets n’exercent, essentiellement, que des fonctions de conseil. Elle précise que les clients des agents en brevets sont en général des professionnels qui doivent être présumés capables de s’entourer des précautions nécessaires en matière d’assurance responsabilité professionnelle.

16      Dans ces conditions, cette obligation de souscrire une assurance responsabilité professionnelle serait contraire à l’article 49 CE.

17      La Commission conclut que, le délai de transposition de la directive 2006/123 n’étant pas encore venu à expiration, le bien-fondé du recours doit être évalué exclusivement au regard de l’article 49 CE. En tout état de cause, les dispositions de l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2006/123 ne justifieraient pas l’obligation imposée par l’article 16b, paragraphes 2 et 3, de la loi relative aux agents en brevets, parce que les prestations de ces agents ne font pas partie de celles qui présentent un risque direct et particulier pour la sécurité financière du destinataire, visées par ledit article 23, paragraphe 1.

18      Par son mémoire en défense, la République d’Autriche a fait savoir que les articles 16a à 16d de la loi relative aux agents en brevets avaient été modifiés par la loi fédérale du 9 janvier 2008 (BGBl. I, 15/2008), entrée en vigueur le 10 janvier 2008. Elle affirme que l’article 16a de la loi relative aux agents en brevets, telle que modifiée par cette loi fédérale, est conforme au droit communautaire.

19      Lors de l’audience, la République d’Autriche, à la demande de la Cour, a exprimé son point de vue sur les articles 16b, paragraphes 2 et 3, ainsi que 21a de la loi relative aux agents en brevets tels qu’ils se présentaient avant d’être modifiés par la loi fédérale du 9 janvier 2008. Selon cet État membre, l’obligation d’assurance prévue par ces dispositions n’entraîne pas de frais supplémentaires pour un agent en brevets établi dans un autre État membre et souhaitant fournir des services en Autriche, parce que, dans la pratique, celui-ci sera couvert par une assurance responsabilité professionnelle dans son État d’origine.

20      En tout état de cause, cette obligation serait justifiée, à l’égard de l’article 49 CE, par la nécessité de protéger les destinataires des services en cause. Une simple obligation d’information quant à l’existence d’une telle assurance responsabilité professionnelle ne fournirait pas de garanties suffisantes aux destinataires des services.

21      Par ailleurs, la législation autrichienne relative à l’assurance responsabilité professionnelle considérée en l’espèce, serait couverte par la dérogation prévue par l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2006/123.

 Appréciation de la Cour

22      À titre liminaire, il convient de relever que, même si la Commission a rappelé dans ses observations le fait que les dispositions nationales en cause exigent qu’une éventuelle assurance ou garantie souscrite dans l’État membre d’origine doit prévoir une couverture équivalente à celle prescrite par la réglementation autrichienne, les conclusions formulées par la Commission dans sa requête ne font pas référence à cette exigence d’équivalence. Celle-ci n’a pas non plus fait l’objet des débats devant la Cour. Dès lors, il y a lieu de préciser que l’objet du premier grief est limité à l’imposition par les dispositions nationales aux agents en brevets régulièrement établis dans un autre État membre de souscrire une assurance responsabilité professionnelle avant de pouvoir temporairement fournir des services en Autriche.

23      Selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre en cause telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2008, Commission/Italie, C‑412/04, Rec. p. I‑619, points 42 et 43, ainsi que jurisprudence citée).

24      En l’espèce, le délai fixé par l’avis motivé est venu à expiration le 15 février 2007. Il s’ensuit que la Cour doit apprécier le premier grief en fonction de la législation autrichienne telle qu’elle se présentait à cette date, sans prendre en compte les modifications apportées par la loi fédérale du 9 janvier 2008.

25      Les articles 16b, paragraphes 2 et 3, ainsi que 21a de la loi relative aux agents en brevets, dans la version en vigueur du 15 février 2007, imposent à ces agents établis dans un État membre de l’EEE qui souhaitent fournir leurs services en Autriche de justifier soit d’une assurance responsabilité civile autrichienne, soit d’une assurance ou d’une garantie équivalente, souscrite dans leur État d’origine et qui couvre également leur activité professionnelle exercée en Autriche. L’article 21a, paragraphes 3 et 4, de cette loi précise que le montant minimum assuré doit s’élever à 400 000 euros par sinistre ou, dans le cas d’une société d’agents en brevets sous forme de société à responsabilité limitée, à 2 400 000 euros par sinistre.

26      L’argument de la République d’Autriche selon lequel ces exigences n’entraîneraient pas de dépenses supplémentaires pour les agents en brevets d’autres États membres parce qu’ils seraient déjà couverts, dans la pratique, par une assurance responsabilité professionnelle dans leur État d’origine ne saurait être retenu.

27      En effet, aucun élément n’a été soumis à la Cour démontrant que les agents en brevets établis dans les États membres autres que la République d’Autriche sont couverts par des assurances responsabilité professionnelle, que ce soit à la suite d’une obligation légale ou en vertu d’une pratique établie.

28      Il ne peut ainsi pas être exclu que l’obligation de justifier d’une assurance responsabilité professionnelle prévue par les articles 16b, paragraphes 2 et 3, ainsi que 21a de la loi relative aux agents en brevets dans leur version applicable au 17 février 2007, entraîne des frais supplémentaires pour l’agent en brevets établi dans un autre État membre et qui souhaite fournir des services en Autriche.

29      Dès lors, il y a lieu de considérer que cette exigence est de nature à gêner ou à rendre moins attrayante une telle prestation de services.

30      Ainsi que la Cour l’a maintes fois jugé, l’article 49 CE exige non seulement l’élimination de toute discrimination à l’encontre du prestataire de services établi dans un autre État membre en raison de sa nationalité, mais également la suppression de toute restriction, même si elle s’applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu’elle est de nature à prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayantes les activités du prestataire établi dans un autre État membre, où il fournit légalement des services analogues (voir, notamment, arrêt du 13 février 2003, Commission/Italie, C‑131/01, Rec. p. I‑1659, point 26, et jurisprudence citée).

31      Il résulte également de la jurisprudence que les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité CE sont considérées comme compatibles avec celui-ci si elles remplissent quatre conditions: qu’elles s’appliquent de manière non discriminatoire, qu’elles se justifient par des raisons impérieuses d’intérêt général, qu’elles soient propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et qu’elles n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir arrêt du 30 novembre 1995, Gebhard, C‑55/94, Rec. p. I‑4165, point 37).

32      En l’espèce, il ressort du dossier que l’obligation de souscrire une assurance responsabilité professionnelle s’applique de manière non discriminatoire, qu’elle est inspirée par une raison impérieuse d’intérêt général, à savoir la protection des consommateurs en tant que destinataires des services concernés, et qu’elle est propre à assurer cet objectif.

33      La Commission allègue que cette obligation va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ledit objectif. Selon elle, une simple obligation d’informer le destinataire potentiel que le prestataire de services est, ou non, couvert par une telle assurance serait suffisante.

34      Cette argumentation ne saurait être accueillie.

35      D’une part, l’activité d’un agent en brevets, au-delà du simple conseil, peut s’étendre à la représentation de son client et à la défense des intérêts de celui-ci devant les autorités compétentes. Dans ce cadre, il est possible qu’une erreur professionnelle entraîne des préjudices considérables, tels que la perte d’un titre de propriété intellectuelle d’une valeur substantielle.

36      D’autre part, il ne peut pas être présumé que les agents en brevets traitent essentiellement avec un public de professionnels avertis en matière d’assurance responsabilité professionnelle. Il ne peut être exclu qu’ils fournissent leurs services à des consommateurs peu informés ou à des spécialistes, tels des artistes ou des scientifiques, dont le domaine de spécialisation ne s’étend pas nécessairement au domaine juridique.

37      Eu égard aux risques encourus et au public concerné, une simple information sur l’existence d’une assurance responsabilité professionnelle ne serait pas en mesure de protéger les destinataires des services en cause aussi efficacement qu’une assurance responsabilité professionnelle.

38      Outre la simple information, la Commission n’a indiqué aucune autre mesure moins contraignante qui aurait pu être envisagée pour réaliser cet objectif.

39      Par conséquent, la Commission n’ayant pas démontré que les mesures nationales en cause vont au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de protection des destinataires des services, il n’est pas établi que ces mesures sont contraires à l’article 49 CE.

40      Il en découle, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les arguments tirés par la République d’Autriche de l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2006/123, que le premier grief n’est pas fondé.

 Sur le second grief

 Argumentation des parties

41      La Commission fait valoir que, en prévoyant que les personnes dont le domicile ou l’établissement se trouve dans l’EEE peuvent faire valoir leurs droits au titre de cette loi uniquement si elles ont désigné un domiciliataire demeurant en Autriche, l’article 21, paragraphe 4, de la loi relative aux brevets est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayante la fourniture temporaire de services par des agents en brevets régulièrement établis dans un autre État membre. De ce fait, cette disposition serait contraire à l’article 49 CE.

42      Selon la Commission, cette exigence de domiciliation va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de bonne administration de la justice et de bon déroulement de la procédure. Il existerait en effet différents moyens techniques, tels que la télécopie et le courrier électronique, permettant d’assurer la notification sécurisée des documents émanant d’instances judiciaires et d’autres autorités. L’obligation de recourir à un domiciliataire serait donc disproportionnée et sans justification au regard de l’article 49 CE.

43      La République d’Autriche soutient que la règle nationale contestée vise, dans le cas des notifications dans les procédures relatives à des brevets, à prévenir les difficultés et les retards dans la procédure et à garantir que la durée de la procédure soit conforme à l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950.

44      La règle prévue à l’article 21, paragraphe 4, de la loi relative aux brevets serait objectivement justifiée et proportionnée. Elle aurait été édictée dans l’intérêt général de la rapidité et du bon fonctionnement de la justice autrichienne dans le domaine des procédures en matière de brevets. Le droit à un procès équitable, consacré à l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales engloberait précisément le droit des parties à une décision dans un délai raisonnable.

45      Toujours selon cet État membre, les significations postales intérieures sont plus rapides et moins onéreuses que les significations transfrontalières et elles pourraient être contrôlées de manière directe et efficace en cas de contestations quant à la transmission.

46      L’argument de la Commission, selon lequel il existe une obligation des États membres de prévoir la signification par des moyens électroniques de communication s’il n’existe pas d’adresse sur le territoire national, ne serait pas plausible. La signification par des moyens de communication électronique sans autres mesures spécifiques ne permettrait pas de garantir de façon suffisante qu’un acte parvienne effectivement à son destinataire.

 Appréciation de la Cour

47      Il résulte de la jurisprudence de la Cour que le fait d’exiger d’un agent en brevets, déjà établi dans un autre État membre et désireux de fournir des prestations de services, de désigner un domiciliataire dans l’État membre d’accueil constitue une restriction à la libre prestation des services au sens de l’article 49 CE (voir, en ce sens, arrêts du 13 février 2003, Commission/Italie, précité, point 42, et du 6 mars 2003, Commission/Luxembourg, C‑478/01, Rec. p. I‑2351, point 19).

48      Pareille exigence ne peut être considérée comme compatible avec l’article 49 CE que s’il est établi qu’il existe, dans le domaine de l’activité considérée, des raisons impérieuses d’intérêt général qui justifient des restrictions à la libre prestation des services, que cet intérêt n’est pas déjà assuré par les règles de l’État d’établissement et que le même résultat ne peut pas être obtenu par des règles moins contraignantes (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2003, Commission/Italie, précité, point 43).

49      Certes, la nécessité d’assurer le bon déroulement de la procédure peut être invoquée au titre des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier une restriction à la libre prestation des services (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2003, Commission/Italie, précité, point 44).

50      Toutefois, ainsi que la Commission l’a démontré, l’exigence de faire appel à un domiciliataire demeurant en Autriche, telle que prévue à l’article 21, paragraphe 4, de la loi relative aux brevets, va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

51      D’une part, les moyens actuels de communication électronique offrent aux agents en brevets la possibilité d’assurer de manière appropriée les communications nécessaires avec les autorités judiciaires et administratives.

52      En effet, il est constant qu’il existe plusieurs moyens techniques, tels que la télécopie et le courrier électronique, permettant d’assurer la notification des documents émanant des instances judiciaires et d’autres autorités.

53      D’autre part, la notification postale n’exige pas la désignation d’un domiciliataire dans le pays d’accueil. Elle peut être effectuée directement entre États membres sans cet intermédiaire, comme cela était reconnu aux articles 14 et 16 du règlement n° 1348/2000, en vigueur à la date de l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé en l’espèce, et est dorénavant reconnu par les articles 14 et 16 du règlement n° 1393/2007.

54      Par conséquent, le second grief apparaît fondé.

55      Il convient donc de constater que, en obligeant les agents en brevets régulièrement établis dans un autre État membre et souhaitant temporairement fournir des services en Autriche à faire appel à un domiciliataire demeurant en Autriche, la République d’Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 CE.

 Sur les dépens

56      Aux termes de l’article 69, paragraphe 3, du règlement de procédure, la Cour peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. La Commission et la République d’Autriche ayant chacune succombé sur un des griefs faisant l’objet du présent recours, il convient de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

1)      En obligeant les agents en brevets régulièrement établis dans un autre État membre et souhaitant temporairement fournir des services en Autriche à faire appel à un domiciliataire demeurant en Autriche, la République d’Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 CE.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.

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