Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62007CJ0505

    Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 1er octobre 2009.
    Procédure engagée par Compañía Española de Comercialización de Aceite SA.
    Demande de décision préjudicielle: Tribunal Supremo - Espagne.
    Renvoi préjudiciel - Organisation commune des marchés dans le secteur des matières grasses - Règlement nº 136/66/CEE - Article 12 bis - Stockage de l'huile d'olive sans financement communautaire - Compétences des autorités nationales en matière de concurrence.
    Affaire C-505/07.

    Recueil de jurisprudence 2009 I-08963

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2009:591

    ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

    1er octobre 2009 ( *1 )

    «Renvoi préjudiciel — Organisation commune des marchés dans le secteur des matières grasses — Règlement no 136/66/CEE — Article 12 bis — Stockage de l’huile d’olive sans financement communautaire — Compétences des autorités nationales en matière de concurrence»

    Dans l’affaire C-505/07,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Tribunal Supremo (Espagne), par décision du 22 octobre 2007, parvenue à la Cour le , dans la procédure engagée par

    Compañía Española de Comercialización de Aceite SA,

    en présence de:

    Asociación Española de la Industria y Comercio Exportador de Aceite de Oliva (Asoliva),

    Asociación Nacional de Industriales Envasadores y Refinadores de Aceites Comestibles (Anierac),

    Administración del Estado,

    LA COUR (deuxième chambre),

    composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. J.-C. Bonichot, K. Schiemann, J. Makarczyk (rapporteur) et Mme C. Toader, juges,

    avocat général: Mme J. Kokott,

    greffier: Mme K. Sztranc-Sławiczek, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 décembre 2008,

    considérant les observations présentées:

    pour Compañía Española de Comercialización de Aceite SA, par Me R. Illescas Ortiz, abogado,

    pour l’Asociación Española de la Industria y Comercio Exportador de Aceite de Oliva (Asoliva), par Mme M. Albarracín Pascual, procuradora, et Me M. C. Ortega Martínez, abogada,

    pour l’Asociación Nacional de Industriales Envasadores y Refinadores de Aceites Comestibles (Anierac), par M. F. Bermúdez de Castro Rosillo, procurador, et Me A. Ruiz-Giménez Aguilar, abogado,

    pour la Commission des Communautés européennes, par MM. F. Jimeno Fernández et F. Castillo de la Torre, en qualité d’agents,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 février 2009,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 12 bis du règlement no 136/66/CEE du Conseil, du 22 septembre 1966, portant établissement d’une organisation commune des marchés dans le secteur des matières grasses (JO L 172, p. 3025), tel que modifié par le règlement (CE) no 1638/98 du Conseil, du (JO L 210, p. 32, ci-après le «règlement no 136/66»), et de l’article 2 du règlement no 26 du Conseil, du , portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles (JO 30, p. 993).

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours introduit par Compañía Española de Comercialización de Aceite SA (ci-après «Cecasa») contre la décision du Tribunal de Defensa de la Competencia du 5 mars 2002, lui refusant une autorisation individuelle en vue de la création d’une entreprise commune de commercialisation de l’huile d’olive.

    Le cadre juridique

    La réglementation communautaire

    La réglementation relative à l’applicabilité des règles de concurrence au secteur agricole

    3

    Aux termes du premier considérant du règlement no 26:

    «[…] il résulte de l’article [36] du traité que l’application à la production et au commerce des produits agricoles des règles de concurrence prévues dans le traité constitue l’un des éléments de la politique agricole commune […]».

    4

    L’article 1er du règlement no 26 dispose:

    «À partir de l’entrée en vigueur du présent règlement, les articles [81] à [86] inclus du traité ainsi que les dispositions prises pour leur application s’appliquent à tous accords, décisions et pratiques visés à l’article [81] paragraphe 1 et à l’article [82] du traité et relatifs à la production ou au commerce des produits énumérés à l’annexe [I] du traité, sous réserve des dispositions de l’article 2.»

    5

    Parmi les produits agricoles énumérés à l’annexe I du traité CE figure l’huile d’olive.

    6

    Aux termes de l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement no 26:

    «1.   L’article [81] paragraphe 1 du traité est inapplicable aux accords, décisions et pratiques visés à l’article précédent qui font partie intégrante d’une organisation nationale de marché ou qui sont nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l’article [33] du traité. Il ne s’applique pas en particulier aux accords, décisions et pratiques d’exploitants agricoles, d’associations d’exploitants agricoles ou d’associations de ces associations ressortissant à un seul État membre, dans la mesure où, sans comporter l’obligation de pratiquer un prix déterminé, ils concernent la production ou la vente de produits agricoles ou l’utilisation d’installations communes de stockage, de traitement ou de transformation de produits agricoles, à moins que la Commission ne constate qu’ainsi la concurrence est exclue ou que les objectifs de l’article [33] du traité sont mis en péril.

    2.   Après avoir consulté les États membres et entendu les entreprises ou associations d’entreprises intéressées, ainsi que toute autre personne physique ou morale dont l’audition lui paraît nécessaire, la Commission, sous réserve du contrôle de la Cour de justice, a compétence exclusive pour constater, par une décision qui est publiée, pour quels accords, décisions et pratiques les conditions prévues au paragraphe 1 sont remplies.»

    La réglementation relative au secteur des matières grasses

    7

    L’article 12 bis du règlement no 136/66 dispose:

    «Pour régulariser le marché en cas de perturbation grave de celui-ci dans certaines régions de la Communauté, il peut être décidé, selon la procédure prévue à l’article 38, d’autoriser des organismes offrant des garanties suffisantes et agréés par les États membres, à conclure des contrats de stockage pour l’huile d’olive qu’ils commercialisent. Parmi les organismes concernés, une priorité est accordée aux groupements de producteurs et à leurs unions reconnus au sens du règlement (CE) no 952/97 [du Conseil, du 20 mai 1997, concernant les groupements de producteurs et leurs unions (JO L 142, p. 30)].

    Les mesures visées au premier alinéa peuvent être mises en œuvre, entre autres, lorsque le prix moyen constaté sur le marché pendant une période représentative est inférieur à 95 % du prix d’intervention applicable au cours de la campagne 1997/1998.

    Le montant de l’aide octroyée pour la réalisation des contrats, ainsi que les modalités d’application du présent article, et notamment les quantités, qualités et durées de stockage des huiles concernées, sont établis selon la procédure prévue à l’article 38 de manière à avoir une incidence significative sur le marché. L’aide peut être octroyée par voie d’adjudication.»

    8

    L’article 38, paragraphe 1, du règlement no 136/66 renvoie à une procédure de comitologie.

    9

    Il ressort de l’article 1er du règlement no 952/97 que ce règlement a institué pour certaines régions un régime d’encouragement à la formation de groupements de producteurs et de leurs unions.

    10

    L’article 1er du règlement no 952/97 est ainsi rédigé:

    «En vue de remédier aux déficiences structurelles au niveau de l’offre et de la mise sur le marché de produits agricoles constatées dans certaines régions, déficiences caractérisées par le degré insuffisant d’organisation des producteurs, le présent règlement institue pour ces régions un régime d’encouragement à la formation de groupements de producteurs et de leurs unions.»

    11

    Le règlement no 952/97 a été abrogé sans avoir été remplacé, à compter du 3 juillet 1999, par le règlement (CE) no 1257/1999 du Conseil, du , concernant le soutien au développement rural par la Fonds européen d’orientation de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains règlements (JO L 160, p. 80).

    12

    Il ressort du quarante-quatrième considérant du règlement no 1257/1999 que compte tenu de l’existence d’aides aux groupements de producteurs et à leurs unions dans plusieurs organisations communes des marchés, il ne paraît plus nécessaire d’accorder un soutien particulier aux groupements de producteurs dans le cadre du développement rural.

    13

    Le onzième considérant du règlement no 1638/98 est libellé comme suit:

    «considérant que le régime d’achat à l’intervention publique constitue une incitation à la production qui risque de déstabiliser le marché; qu’il y a lieu, par conséquent, de supprimer les achats à l’intervention et de supprimer ou remplacer les références au prix d’intervention».

    14

    Le douzième considérant dudit règlement est ainsi rédigé:

    «[…] pour atteindre l’objectif consistant à réguler l’offre de l’huile d’olive en cas de perturbation grave du marché, il convient d’avoir un régime d’aide aux contrats de stockage privé et de donner priorité en ce qui concerne ces contrats aux groupements de producteurs et à leurs unions reconnues au sens du [règlement no 952/97]».

    15

    L’article 1er, paragraphe 1, du règlement (CE) no 2768/98 de la Commission, du 21 décembre 1998, relatif au régime d’aide pour le stockage privé d’huile d’olive (JO L 346, p. 14) dispose:

    «Les organismes compétents des États membres producteurs concluent des contrats de stockage privé d’huile d’olive vierge en vrac dans les conditions établies par le présent règlement.»

    16

    En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, dudit règlement, la Commission peut procéder à des adjudications à durée limitée en vue de déterminer les aides à octroyer pour la réalisation de contrats de stockage privé de l’huile d’olive.

    La réglementation nationale

    17

    Aux termes de l’article 1er de la loi 16/1989 relative à la protection de la concurrence (Ley 16/1989 de Defensa de la Compentencia), du 17 juillet 1989 (BOE no 170, du , p. 22747, ci-après la «LDC»):

    «1.   L’ensemble des accords, décisions, recommandations communes ou pratiques concertées ou parallèles qui ont pour objectif, pour effet ou qui peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence sur la totalité ou une partie du marché national sont interdits, notamment ceux qui consistent à:

    a)

    fixer directement ou indirectement des prix ou d’autres conditions commerciales ou de service;

    b)

    limiter ou contrôler la production, la distribution, le développement technique ou les investissements;

    c)

    répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement.

    […]

    2.   Les accords, décisions ou recommandations interdits en vertu du paragraphe 1 du présent article sont nuls de plein droit et ne sont pas couverts par les exemptions prévues par la présente loi.

    […]»

    18

    L’article 3 de la LDC, intitulé «[l]es conditions d’autorisation», est libellé comme suit:

    «1.   Les accords, décisions, recommandations et pratiques visées à l’article 1er ou les catégories de ceux-ci qui contribuent à améliorer la production ou la commercialisation de biens et de services ou à promouvoir le progrès technique ou économique peuvent être autorisés, à condition:

    a)

    qu’ils permettent aux consommateurs et aux utilisateurs de profiter, de manière appropriée, de leurs avantages;

    b)

    qu’ils n’imposent pas aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs, et

    c)

    qu’ils ne donnent pas aux entreprises participantes la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits ou des services en cause.

    2.   De même, peuvent être autorisés, pour autant qu’ils soient justifiés par la situation économique générale et par l’intérêt public, les accords, décisions, recommandations et pratiques visés à l’article 1er ou les catégories de ceux-ci qui:

    a)

    ont pour objet de défendre ou de promouvoir les exportations, pour autant qu’ils ne faussent pas la concurrence dans le marché intérieur et qu’ils sont compatibles avec les obligations découlant des conventions internationales ratifiées par l’Espagne,

    b)

    engendrent une augmentation suffisamment importante du niveau social et économique de zones ou de secteurs en déclin, ou

    c)

    ne sont pas susceptibles, compte tenu de leur faible importance, de porter atteinte à la concurrence de façon significative.»

    Le litige au principal et les questions préjudicielles

    19

    Il ressort du dossier soumis à la Cour que Cecasa est une société anonyme de droit espagnol dont le capital est détenu à hauteur de 68 % par des producteurs d’huile, des moulins à huile et des coopératives, tandis que des instituts de crédit et d’autres entités se partagent 32 % de son capital. Les oléiculteurs liés à cette entreprise représentent 50 % à 60 % de la production espagnole d’huile d’olive.

    20

    Le 5 avril 2001, Cecasa a introduit, auprès des autorités nationales en matière de concurrence, une demande d’autorisation individuelle, au sens de l’article 3 de la LDC, en vue de créer une entreprise de commercialisation de l’huile d’olive, sa principale finalité étant d’éviter la chute des prix de l’huile en dessous d’un certain seuil, fixé à 95 % environ de l’ancien prix d’intervention, en achetant de l’huile à partir de ce niveau de prix et en la mettant de nouveau sur le marché lorsque les prix recommencent à augmenter.

    21

    Ayant considéré que la demande d’autorisation individuelle présentée par Cecasa visait à établir un accord entre concurrents afin de maintenir le prix de l’huile d’olive lors des campagnes excédentaires, le Tribunal de Defensa de la Competencia a, par décision du 5 mars 2002, rejeté cette demande.

    22

    Ladite décision a été, pour l’essentiel, confirmée par un arrêt de la chambre contentieuse administrative de l’Audiencia Nacional du 22 juillet 2005, contre lequel Cecasa a formé le pourvoi en cassation devant la juridiction de renvoi.

    23

    Dans ces conditions, le Tribunal Supremo a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1)

    L’article 12 bis du règlement no 136/66 […] permet-il d’inclure parmi les ‘organismes’ autorisés à conclure des contrats de stockage de l’huile d’olive une société anonyme, majoritairement composée de producteurs, de moulins à huile et de coopératives d’oléiculteurs ainsi que d’entités financières? Une société ayant de telles caractéristiques peut-elle être considérée comme équivalente aux groupements de producteurs et à leurs unions reconnus au sens du règlement […] no 952/97?

    2)

    Dans l’hypothèse où la société pourrait compter au nombre des ‘organismes’ aptes à exercer des activités de stockage, l’‘agrément par l’État’ dont ces organismes doivent disposer conformément à l’article 12 bis du règlement no 136/66 pourrait-il être obtenu dans le cadre d’une demande de dérogation (‘autorisation’) individuelle présentée devant les autorités nationales en matière de concurrence?

    3)

    L’article 12 bis du règlement no 136/66 exige-t-il obligatoirement que la Commission autorise dans chaque cas le stockage privé d’huile d’olive ou, dans le cas contraire, est-il compatible avec l’existence d’un mécanisme convenu entre producteurs pour acheter et stocker ladite huile d’olive, financé de manière privée, qui ne serait activé que dans les mêmes termes et conditions que ceux activant le stockage privé financé par la Communauté, afin de compléter et de rendre ce dernier plus effectif, sans en outrepasser les limites?

    4)

    La jurisprudence établie par la Cour […] dans l’arrêt du 9 septembre 2003[, Milk Marque et National Farmers’ Union (C-137/00, Rec. p. I-7975),] relativement à l’application, par les autorités nationales, des règles nationales en matière de concurrence à des accords entre producteurs susceptibles de relever, en principe, de l’article 2 du règlement no 26 […] peut-elle être étendue aux accords qui, de par leurs caractéristiques et les caractéristiques du secteur concerné, peuvent affecter le marché communautaire de l’huile d’olive dans son ensemble?

    5)

    Au cas où les autorités nationales en matière de concurrence seraient habilitées à appliquer les règles nationales auxdits accords susceptibles d’affecter l’organisation commune du marché des graisses, lesdites autorités peuvent-elles refuser catégoriquement à une société telle que la requérante la possibilité d’utiliser les mécanismes de stockage de l’huile d’olive y compris en cas de ‘perturbation grave’ au sens de l’article 12 bis du règlement no 136/66?»

    Sur les questions préjudicielles

    Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

    24

    Dans la deuxième partie de la première question préjudicielle, la juridiction de renvoi se réfère au règlement no 952/97, lequel n’était plus en vigueur au moment de l’adoption de la décision contestée dans le cadre du litige au principal.

    25

    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir arrêt du 16 décembre 2008, Michaniki, C-213/07, Rec. p. I-9999, point 33 et jurisprudence citée).

    26

    Le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit communautaire sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, arrêt Michaniki précité, point 34 et jurisprudence citée).

    27

    Or, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 33 de ses conclusions, le règlement no 952/97 n’a pas perdu sa pertinence du fait de son abrogation.

    28

    En l’espèce, étant expressément identifiés dans le cadre de l’article 12 bis du règlement no 136/66, les groupements de producteurs et leurs unions jouent un rôle précis dans le cadre de ladite disposition. En effet, c’est auxdits groupements et à leurs unions que le législateur communautaire a accordé la priorité dans la conclusion des contrats de stockage de l’huile d’olive.

    29

    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer la deuxième partie de la première question préjudicielle comme recevable.

    Sur la première question

    30

    Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si une société anonyme, dont le capital est majoritairement détenu par des producteurs d’huile d’olive, des moulins à huile d’olive et des coopératives d’oléiculteurs et dont le reste du capital est détenu par des entités financières, relève de la notion d’«organisme» pouvant être habilité à conclure les contrats de stockage au sens de l’article 12 bis du règlement no 136/66.

    31

    À cet égard, il importe de rappeler que, ainsi qu’il découle du onzième considérant du règlement no 1638/98, eu égard à un risque de déstabilisation du marché par le régime d’achat à l’intervention, le Conseil de l’Union européenne a décidé, dans le cadre de la réforme du marché de l’huile d’olive, à la suite de l’adoption de ce règlement, de supprimer le régime d’achat à l’intervention.

    32

    Il ressort du douzième considérant du règlement no 1638/98 que, afin d’atteindre l’objectif consistant à réguler l’offre d’huile d’olive en cas de perturbation grave du marché, a été institué un régime d’aide aux contrats de stockage privé. Les caractéristiques de ce régime figurent à l’article 12 bis du règlement no 136/66.

    33

    Ainsi qu’il découle dudit article 12 bis, lu en combinaison avec le douzième considérant du règlement no 1638/98, peuvent être autorisés à conclure des contrats de stockage privé des organismes offrant des garanties suffisantes et agréés par les autorités compétentes des États membres. Parmi ces organismes, figurent les groupements de producteurs et leurs unions au sens du règlement no 952/97, auxquels une priorité est accordée.

    34

    Il convient de constater que, sous réserve du respect des exigences figurant à l’article 12 bis du règlement no 136/66, tant les entreprises privées que les entreprises publiques, indépendamment de leur composition ou de leur mode de financement, peuvent être autorisées à conclure des contrats au titre de cet article.

    35

    Par conséquent, il convient de répondre à la première question qu’une société anonyme, dont le capital est majoritairement détenu par des producteurs d’huile d’olive, des moulins à huile d’olive et des coopératives d’oléiculteurs et dont le reste du capital est détenu par des entités financières, est susceptible de relever de la notion d’organisme, au sens de l’article 12 bis du règlement no 136/66, pouvant être autorisé à conclure un contrat de stockage privé de l’huile d’olive au titre de cet article, sous réserve de remplir les conditions prévues par cette disposition.

    Sur la deuxième question

    36

    Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur les conditions de délivrance, par un État membre, de l’agrément prévu à l’article 12 bis du règlement no 136/66.

    37

    D’emblée, il y a lieu de relever que ledit article ne contient aucune précision quant à la nature de la procédure nationale conduisant à la délivrance d’un agrément à un organisme souhaitant procéder au stockage privé de l’huile d’olive. Il ne précise pas davantage la qualité de l’autorité nationale habilitée à délivrer un tel agrément.

    38

    Si les États membres disposent ainsi, en la matière, d’une marge de manœuvre dans l’organisation de la procédure d’agrément du stockage privé de l’huile d’olive, au sens de l’article 12 bis du règlement no 136/66, ils ne jouissent toutefois de celle-ci que dans le plein respect des objectifs et des obligations fixés par ce règlement.

    39

    Partant, l’autorité retenue par la législation de l’État membre pour délivrer l’agrément doit être en mesure de procéder à toutes les vérifications utiles afin de s’assurer que l’organisme ayant introduit une demande d’agrément est apte à procéder au stockage privé de l’huile dans le respect des dispositions de la réglementation agricole et offre, à cet égard, des garanties suffisantes.

    40

    En outre, dans le souci de préserver l’effet utile de l’article 12 bis du règlement no 136/66, l’autorité habilitée à agréer un organisme aux fins de la conclusion de contrats au titre de cet article doit pouvoir être clairement identifiable.

    41

    Par conséquent, il convient de répondre à la deuxième question que l’«agrément par l’État», dont les organismes au sens de l’article 12 bis du règlement no 136/66 doivent disposer, peut être obtenu dans le cadre d’une demande de dérogation («autorisation») individuelle présentée devant les autorités nationales en matière de concurrence, à condition que ces autorités disposent des moyens effectifs permettant de vérifier l’aptitude de l’organisme ayant introduit la demande à procéder, dans le respect des exigences légales, au stockage privé de l’huile d’olive.

    Sur la troisième question

    42

    Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 12 bis du règlement no 136/66 s’oppose à l’existence d’un mécanisme d’achat et de stockage de l’huile d’olive, convenu et financé de manière privée, qui n’a pas été soumis à la procédure d’autorisation à laquelle se réfère cette disposition.

    43

    À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé aux points 31 et 32 du présent arrêt, dans le cadre de la réforme du marché de l’huile d’olive, à la suite de l’adoption du règlement no 1638/98, a été instauré, à l’article 12 bis du règlement no 136/66, un régime d’aide communautaire pour la réalisation des contrats de stockage privé de l’huile d’olive.

    44

    Eu égard au libellé de cette disposition, il y a lieu de relever que le mécanisme instauré à l’article 12 bis du règlement no 136/66 s’applique uniquement aux cas de stockage privé bénéficiant d’un financement communautaire.

    45

    En revanche, dès lors que des opérateurs n’aspirent pas à obtenir un soutien communautaire, le stockage privé de l’huile d’olive ne relève pas du champ d’application du règlement no 136/66.

    46

    Partant, l’article 12 bis du règlement no 136/66 ne saurait s’opposer à l’instauration d’un mécanisme du stockage privé financé de manière privée.

    47

    L’instauration d’un tel dispositif dispensé d’aide communautaire ne doit, toutefois, pas avoir pour effet de soustraire le stockage de l’huile d’olive à l’application des dispositions du droit communautaire et du droit national régissant le marché de l’huile d’olive ainsi que des règles de la concurrence.

    48

    Par conséquent, il convient de répondre à la troisième question que l’article 12 bis du règlement no 136/66 ne s’oppose pas au mécanisme d’achat et de stockage de l’huile d’olive, convenu et financé de manière privée, qui n’a pas été soumis à la procédure d’autorisation à laquelle se réfère cette disposition.

    Sur les quatrième et cinquième questions

    49

    Par ses quatrième et cinquième questions, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’étendue des compétences des autorités nationales en matière de concurrence dans l’hypothèse où un accord entre entreprises agissant sur le marché national de l’huile d’olive aurait des répercussions au niveau communautaire.

    50

    À cet égard, il convient de rappeler que le droit communautaire et le droit national en matière de concurrence s’appliquent parallèlement, étant donné qu’ils considèrent les pratiques restrictives sous des aspects différents. Alors que les articles 81 CE et 82 CE les envisagent en raison des entraves qui peuvent en résulter pour le commerce entre les États membres, les législations internes, inspirées par des considérations propres à chacune d’elles, considèrent les pratiques restrictives dans ce seul cadre (voir arrêt Milk Marque et National Farmers’ Union, précité, point 61 et jurisprudence citée).

    51

    Eu égard à cette application parallèle des dispositions du droit national et de celles du droit communautaire de la concurrence, le fait qu’un accord conclu entre entreprises agissant dans le domaine régi par l’organisation commune de marché soit de nature à affecter le commerce entre les États membres ne saurait conduire à l’application exclusive du droit communautaire.

    52

    En effet, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, étant donné que le champ d’application des règles de concurrence communautaires n’est pas identique à celui des règles de concurrence nationales, la seule circonstance que, par l’article 36 CE et le règlement no 26, le législateur communautaire a opéré une conciliation entre les objectifs de la politique agricole commune et la politique communautaire de la concurrence n’a pas nécessairement pour conséquence que toute application du droit national de la concurrence entrerait en conflit avec l’article 36 CE et le règlement no 26 (arrêt Milk Marque et National Farmers’ Union, précité, point 66).

    53

    S’agissant, en particulier, de l’interprétation de l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 26, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 87 de ses conclusions, l’exclusivité de la compétence de la Commission, habilitée à constater à quels accords, décisions et pratiques l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 1, de ce règlement s’applique, n’a pas, non plus, pour conséquence d’empêcher l’application du droit national de la concurrence.

    54

    En effet, l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 26 ne vise qu’à déterminer l’autorité compétente pour appliquer le droit communautaire de la concurrence.

    55

    Il importe, toutefois, de rappeler que lorsqu’elles agissent dans le domaine régi par l’organisation commune de marché dans le secteur en cause, les autorités nationales compétentes en matière de concurrence sont tenues de s’abstenir de toute mesure qui serait de nature à déroger ou à porter atteinte à cette organisation commune (arrêt Milk Marque et National Farmers’ Union, précité, point 94).

    56

    En outre, en ce qui concerne les cas relevant non seulement du champ d’application matériel de l’article 81, paragraphe 1, CE, mais aussi de celui du droit national de la concurrence, les autorités nationales ne sauraient prendre une décision en contradiction avec celle de la Commission ou créer le risque d’une telle contradiction (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2000, Masterfoods et HB, C-344/98, Rec. p. I-11369, points 51 et 52).

    57

    Par conséquent, il convient de constater que, sous réserve du respect des conditions auxquelles il est fait référence aux points 55 et 56 du présent arrêt, les autorités nationales en matière de concurrence sont habilitées à contrôler, et partant, à interdire, un mécanisme de stockage de l’huile d’olive convenu et financé en dehors du champ d’application de l’article 12 bis du règlement no 136/66 et susceptible d’affecter le marché communautaire.

    58

    Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de répondre aux quatrième et cinquième questions que pour autant qu’elles s’abstiennent, d’une part, de prendre toute mesure de nature à déroger ou à porter atteinte à l’organisation commune du marché de l’huile d’olive et, d’autre part, de prendre une décision en contradiction avec celle de la Commission ou de créer le risque d’une telle contradiction, les autorités nationales en matière de concurrence peuvent appliquer le droit national de la concurrence à un accord susceptible d’affecter le marché de l’huile d’olive à l’échelle communautaire.

    Sur les dépens

    59

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

     

    1)

    Une société anonyme, dont le capital est majoritairement détenu par des producteurs d’huile d’olive, des moulins à huile d’olive et des coopératives d’oléiculteurs et dont le reste du capital est détenu par des entités financières, est susceptible de relever de la notion d’organisme, au sens de l’article 12 bis du règlement no 136/66/CEE du Conseil, du 22 septembre 1966, portant établissement d’une organisation commune des marchés dans le secteur des matières grasses, tel que modifié par le règlement (CE) no 1638/98 du Conseil, du , pouvant être autorisé à conclure un contrat de stockage privé de l’huile d’olive au titre cet article, sous réserve de remplir les conditions prévues par cette disposition.

     

    2)

    L’«agrément par l’État», dont les organismes au sens de l’article 12 bis du règlement no 136/66, tel que modifié par le règlement no 1638/98, doivent disposer, peut être obtenu dans le cadre d’une demande de dérogation («autorisation») individuelle présentée devant les autorités nationales en matière de concurrence, à condition que ces autorités disposent des moyens effectifs permettant de vérifier l’aptitude de l’organisme ayant introduit la demande à procéder, dans le respect des exigences légales, au stockage privé de l’huile d’olive.

     

    3)

    L’article 12 bis du règlement no 136/66, tel que modifié par le règlement no 1638/98, ne s’oppose pas au mécanisme d’achat et de stockage de l’huile d’olive, convenu et financé de manière privée, qui n’a pas été soumis à la procédure d’autorisation à laquelle se réfère cette disposition.

     

    4)

    Pour autant qu’elles s’abstiennent, d’une part, de prendre toute mesure de nature à déroger ou à porter atteinte à l’organisation commune du marché de l’huile d’olive et, d’autre part, de prendre une décision en contradiction avec celle de la Commission des Communautés européennes ou de créer le risque d’une telle contradiction, les autorités nationales en matière de concurrence peuvent appliquer le droit national de la concurrence à un accord susceptible d’affecter le marché de l’huile d’olive à l’échelle communautaire.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure: l’espagnol.

    Top