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Document 62007CJ0458

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 12 mars 2009.
Commission des Communautés européennes contre République portugaise.
Manquement d'État - Télécommunications - Directive 2002/22/CE - Service universel - Obligation de mettre à disposition des utilisateurs finals un annuaire et un service de renseignements téléphoniques complets.
Affaire C-458/07.

Recueil de jurisprudence 2009 I-00029*

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2009:147

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

12 mars 2009 (*)

«Manquement d’État – Télécommunications – Directive 2002/22/CE – Service universel – Obligation de mettre à disposition des utilisateurs finals un annuaire et un service de renseignements téléphoniques complets»

Dans l’affaire C‑458/07,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 10 octobre 2007,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Braun et P. Guerra e Andrade, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République portugaise, représentée par M. L. Inez Fernandes, en qualité d’agent, assisté de M. L. Morais, advogado,

partie défenderesse,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. T. von Danwitz, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász et J. Malenovský (rapporteur), juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 janvier 2009,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en ne garantissant pas dans la pratique la mise à la disposition de tous les utilisateurs finals d’au moins un annuaire complet et d’au moins un service de renseignements téléphoniques complet, conformément aux dispositions des articles 5, paragraphes 1 et 2, et 25, paragraphes 1 et 3, de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel») (JO L 108, p. 51), la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

2        Le onzième considérant de la directive 2002/22 dispose:

«Les services d’annuaires et de renseignements téléphoniques constituent des outils essentiels pour l’accès aux services téléphoniques accessibles au public et relèvent de l’obligation de service universel. Les utilisateurs et les consommateurs souhaitent des annuaires qui soient exhaustifs et un service de renseignements téléphoniques qui couvre l’ensemble des abonnés au téléphone répertoriés et leurs numéros (ce qui comprend les numéros de téléphone fixe et de téléphone mobile); […]»

3        Aux termes de l’article 5 de la directive 2002/22, intitulé «Services de renseignements téléphoniques et annuaires»:

«1.      Les États membres veillent à ce que:

a)      au moins un annuaire complet soit mis à la disposition des utilisateurs finals sous une forme approuvée par l’autorité compétente, qu’elle soit imprimée ou électronique ou les deux à la fois, et soit régulièrement mis à jour, c’est-à-dire au moins une fois par an;

b)      au moins un service de renseignements téléphoniques complets soit accessible à tous les utilisateurs finals, y compris aux utilisateurs de postes téléphoniques payants publics.

2.      Les annuaires visés au paragraphe 1 comprennent, sous réserve des dispositions de l’article 11 de la directive 97/66/CE, tous les abonnés des services téléphoniques accessibles au public.

[…]»

4        L’article 25 de la directive 2002/22, intitulé «Services d’assistance par opérateur/opératrice et services de renseignements téléphoniques», prévoit:

«1.      Les États membres veillent à ce que les abonnés des services téléphoniques accessibles au public aient le droit de figurer dans l’annuaire accessible au public visé à l’article 5, paragraphe 1, point a).

[…]

3.      Les États membres veillent à ce que tout utilisateur final raccordé au réseau téléphonique public puisse avoir accès aux services d’assistance par opérateur/opératrice et aux services de renseignements téléphoniques, conformément à l’article 5, paragraphe 1, point b).

[…]»

 La réglementation nationale

5        La directive 2002/22 a été transposée en droit portugais par la loi n° 5/2004, dite «loi sur les communications électroniques» (Diário da República I, série A, n° 34, du 10 février 2004), qui est entrée en vigueur le 11 février 2004.

 La procédure précontentieuse 

6        Par une décision en date du 18 décembre 2003, l’Autoridade Nacional de Comunicações (Autorité nationale des communications, ci-après l’«Anacom») a prévu que les fournisseurs de services téléphoniques mobiles devaient demander à leurs clients de manifester expressément leur volonté de figurer dans l’annuaire de l’opérateur du service universel. Le fournisseur de services téléphoniques mobiles Vodafone a alors saisi le Tribunal Administrativo e Fiscal de Lisbonne d’un recours en annulation à l’encontre de cette décision ainsi que d’une demande de sursis conservatoire à l’exécution des obligations découlant de celle-ci, et, en particulier, de l’obligation de remettre au fournisseur du service universel les données relatives aux clients ayant consenti au transfert des informations les concernant.

7        Dans son jugement en date du 19 juillet 2004, le Tribunal Administrativo e Fiscal de Lisbonne a prononcé le sursis à exécution de la décision de l’Anacom en ce qui concerne le transfert au fournisseur du service universel des données relatives aux clients de Vodafone y ayant consenti. Le Tribunal Administrativo e Fiscal de Lisbonne a, en outre, décidé que ces données devaient être transmises à l’Anacom qui devait les conserver et s’abstenir de les divulguer à des tiers tant qu’aucune décision ne serait passée en force de chose jugée dans l’affaire au principal.

8        Le 19 décembre 2005, la Commission a adressé à la République portugaise une lettre dans laquelle elle relevait qu’il n’existait, au Portugal, ni d’annuaire complet ni de service de renseignements téléphoniques comprenant tous les abonnés de tous les services téléphoniques accessibles au public, qu’ils soient fixes ou mobiles.

9        Considérant que la République portugaise manquait ainsi à ses obligations découlant des articles 5 et 25 de la directive 2002/22, la Commission l’a mise en demeure tout en l’invitant à présenter ses observations dans un délai de deux mois.

10      Par lettre en date du 20 février 2006, la République portugaise a précisé que, si la directive 2002/22 a été correctement transposée en droit national, il était toutefois exact que l’annuaire du fournisseur du service universel ne comprenait pas les abonnés de Vodafone.

11      Le 25 juillet 2006, la Commission a adressé à la République portugaise un avis motivé dans lequel elle invitait cette dernière à prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions concernées de la directive 2002/22 dans un délai de deux mois à compter de la réception dudit avis.

12      Par lettre du 26 septembre 2006, la République portugaise a indiqué que le Tribunal Administrativo e Fiscal de Lisbonne avait jugé, le 28 mars 2006, que le recours en annulation introduit par Vodafone contre la décision de l’Anacom du 18 décembre 2003 était fondé et que Vodafone n’était pas tenue de transmettre au fournisseur du service universel les données relatives à ceux de ses abonnés qui avaient manifesté leur volonté de figurer dans son annuaire. Selon le Tribunal Administrativo e Fiscal de Lisbonne, Vodafone devait parvenir à un accord avec le fournisseur du service universel sur le format et les conditions du transfert de ces données. En l’absence d’un tel accord, il incomberait à l’Anacom de fixer ces conditions. L’Anacom a interjeté appel de cette décision. La procédure était toujours en cours.

13      Par lettre du 18 juin 2007, la République portugaise a porté à la connaissance de la Commission la décision de l’Anacom du 24 mai 2007 par laquelle cette dernière demandait à trois fournisseurs de services téléphoniques mobiles, parmi lesquels Vodafone, de parvenir, dans un délai de 30 jours, à un accord sur le format et les conditions du transfert des données relatives à leurs abonnés respectifs ayant manifesté leur volonté que celles-ci figurent dans l’annuaire et puissent être utilisées par le service de renseignements du service universel. Ce délai est arrivé à expiration le 28 juin 2007.

14      C’est dans ces conditions que la Commission a introduit le présent recours.

 Sur le recours

15      En vertu des articles 5, paragraphes 1 et 2, et 25, paragraphes 1 et 3, de la directive 2002/22, il incombe aux États membres de veiller à ce que les utilisateurs finals disposent d’au moins un annuaire complet comprenant tous les abonnés des services téléphoniques accessibles au public, qu’ils aient le droit de figurer dans cet annuaire et qu’ils puissent avoir accès aux services d’assistance par opérateur/opératrice et aux services de renseignements téléphoniques s’ils sont raccordés au réseau téléphonique public.

16      Il ressort également du onzième considérant de la directive 2002/22 que les services d’annuaires et de renseignements téléphoniques relèvent de l’obligation de service universel.

17      Dès lors, il convient de constater que ces dispositions mettent à la charge des États membres des obligations de résultat précises.

18      La République portugaise soutient, en substance, avoir pris toutes les mesures nécessaires afin que toutes les données pertinentes pour la constitution d’un annuaire et d’un service de renseignements complets puissent être mises à disposition. Elle se serait trouvée dans l’impossibilité de conclure cette procédure en raison de décisions de ses juridictions nationales non passées en force de choses jugées.

19      À cet égard, il convient de rappeler que l’obligation des États membres, découlant d’une directive, d’atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi que leur devoir, en vertu de l’article 10 CE, de prendre toutes les mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution de cette obligation s’imposent à toutes les autorités des États membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, aux autorités juridictionnelles (voir arrêt du 27 novembre 2008, Juuri, C-396/07, non encore publié au Recueil, point 27 et jurisprudence citée).

20      Ainsi, un manquement d’un État membre peut être en principe constaté au titre de l’article 226 CE quel que soit l’organe de cet État dont l’action ou l’inaction est à l’origine du manquement, même s’il s’agit d’une institution constitutionnellement indépendante (arrêts du 5 mai 1970, Commission/Belgique, 77/69, Rec. p. 237, point 15, et du 9 décembre 2003, Commission/Italie, C-129/00, Rec. p. I-14637, point 29).

21      En effet, la Cour a itérativement jugé qu’un État membre ne saurait exciper de situations internes, telles les difficultés d’application apparues au stade de l’exécution d’un acte communautaire, pour justifier le non-respect des obligations et délais résultant des normes du droit communautaire (voir arrêts du 4 juillet 2000, Commission/Grèce, C-387/97, Rec. p. I-5047, point 70, ainsi que du 25 avril 2002, Commission/France, C-418/00 et C-419/00, Rec. p. I-3969, point 59).

22      S’agissant de ces délais, il est de jurisprudence constante que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêts du 10 avril 2003, Commission/Portugal, C-392/99, Rec. p. I-3373, point 87; du 14 juillet 2005, Commission/Allemagne, C-433/03, Rec. p. I-6985, point 32, et du 19 juin 2008, Commission/Luxembourg, C-319/06, non encore publié au Recueil, point 72).

23      Certes, la République portugaise a fait état, lors de l’audience, d’un accord intervenu entre les opérateurs téléphoniques concernés au sujet de la mise à disposition des numéros de téléphone mobile. Cet accord aurait abouti à une décision de l’Anacom accordant aux opérateurs et au prestataire de service universel un délai de 30 jours au terme duquel un annuaire et un service de renseignements complets devront être mis à disposition.

24      Toutefois, eu égard à la jurisprudence citée au point 22 du présent arrêt, la Cour ne saurait tenir compte de cette décision puisqu’il convient de constater que, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, il n’existait ni d’annuaire ni de service de renseignements téléphoniques comprenant tous les abonnés des services téléphoniques accessibles au public qui souhaitaient y figurer. Cette affirmation n’est d’ailleurs pas contestée par la République portugaise.

25      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer le recours de la Commission comme fondé.

26      Par conséquent, il y a lieu de constater que, en ne garantissant pas, dans la pratique, la mise à la disposition de tous les utilisateurs finals d’au moins un annuaire complet et d’au moins un service de renseignements téléphoniques complet, conformément aux dispositions des articles 5, paragraphes 1 et 2, et 25, paragraphes 1 et 3, de la directive 2002/22, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

 Sur les dépens

27      En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République portugaise et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête:

1)      En ne garantissant pas, dans la pratique, la mise à la disposition de tous les utilisateurs finals d’au moins un annuaire complet et d’au moins un service de renseignements téléphoniques complet, conformément aux dispositions des articles 5, paragraphes 1 et 2, et 25, paragraphes 1 et 3, de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel»), la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

2)      La République portugaise est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le portugais.

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