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Document 62007CJ0405

    Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 6 novembre 2008.
    Royaume des Pays-Bas contre Commission des Communautés européennes.
    Pourvoi - Article 95, paragraphe 5, CE - Directive 98/69/CE - Mesures à prendre contre la pollution de l’air par les émissions des véhicules à moteur - Disposition nationale dérogatoire anticipant l’abaissement de la valeur limite communautaire des émissions de particules produites par certains véhicules neufs à moteur Diesel - Refus de la Commission - Spécificité du problème - Devoir de diligence et obligation de motivation.
    Affaire C-405/07 P.

    Recueil de jurisprudence 2008 I-08301

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2008:613

    ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

    6 novembre 2008 ( *1 )

    «Pourvoi — Article 95, paragraphe 5, CE — Directive 98/69/CE — Mesures à prendre contre la pollution de l’air par les émissions des véhicules à moteur — Disposition nationale dérogatoire anticipant l’abaissement de la valeur limite communautaire des émissions de particules produites par certains véhicules neufs à moteur Diesel — Refus de la Commission — Spécificité du problème — Devoir de diligence et obligation de motivation»

    Dans l’affaire C-405/07 P,

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 30 août 2007,

    Royaume des Pays-Bas, représenté par M. M. de Grave et Mme C. Wissels, en qualité d’agents,

    partie requérante,

    l’autre partie à la procédure étant:

    Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes M. Patakia et A. Alcover San Pedro ainsi que par M. H. van Vliet, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie défenderesse en première instance,

    LA COUR (deuxième chambre),

    composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. K. Schiemann, P. Kūris, L. Bay Larsen et Mme C. Toader (rapporteur), juges,

    avocat général: Mme J. Kokott,

    greffier: M. R. Grass,

    vu la procédure écrite,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 juillet 2008,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    Par son pourvoi, le Royaume des Pays-Bas demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 27 juin 2007, Pays-Bas/Commission (T-182/06, Rec. p. II-1983, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté la demande d’annulation de la décision 2006/372/CE de la Commission, du 3 mai 2006, concernant un projet de dispositions nationales notifié par le Royaume des Pays-Bas au titre de l’article 95, paragraphe 5, CE et fixant des limites d’émission de particules par des véhicules à moteur Diesel (JO L 142, p. 16, ci-après la «décision litigieuse»).

    Le cadre juridique

    2

    La directive 98/69/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1998, relative aux mesures à prendre contre la pollution de l’air par les émissions des véhicules à moteur et modifiant la directive 70/220/CEE (JO L 350, p. 1), fixe, au point 5.3.1.4 de son annexe I, une valeur limite de concentration de masse de particules (PM) de 25 mg/km pour les véhicules à moteur Diesel relevant, d’une part, de la catégorie M (voitures particulières), définis à la section A de l’annexe II V de la directive 70/156/CEE du Conseil, du 6 février 1970, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la réception des véhicules à moteur et de leurs remorques (JO L 42, p. 1) — à l’exception des véhicules dont la masse maximale est supérieure à 2500 kg —, et, d’autre part, de la catégorie N1, classe I (véhicules utilitaires d’un poids maximal autorisé de 1305 kg).

    3

    Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 98/69:

    «[…] les États membres ne peuvent, pour des motifs tenant à la pollution atmosphérique par les émissions des véhicules à moteur:

    ni refuser d’octroyer la réception CE au titre de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 70/156/CEE,

    ni refuser la réception de portée nationale,

    ni interdire l’immatriculation, la vente ou l’entrée en service de véhicules, conformément à l’article 7 de la directive 70/156/CEE,

    si ces véhicules satisfont aux exigences de la directive 70/220/CEE [du Conseil, du 20 mars 1970, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux mesures à prendre contre la pollution de l’air par les gaz provenant des moteurs à allumage commandé équipant les véhicules à moteur (JO L 76, p. 1)], telle que modifiée par la présente directive.»

    4

    Le règlement (CE) no 715/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2007, relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules (JO L 171, p. 1), remplacera, notamment, à compter du 2 janvier 2013, les directives 70/220 et 98/69. Il établit, au tableau 1 de son annexe I, la norme d’émission Euro 5 prévoyant une diminution de la valeur limite pour la concentration de masse de particules (PM) à 5 mg/km pour toutes les catégories et les classes de véhicules reprises dans ce tableau. En ce qui concerne les véhicules relevant des catégories M et N1, classe I, cette nouvelle valeur limite sera contraignante, selon l’article 10, paragraphes 2 et 3, du règlement 715/2007, à partir du 1er septembre 2009 pour les nouveaux types de véhicules et à partir du 1er janvier 2011 pour les nouveaux véhicules.

    5

    Aux termes du deuxième et douzième considérants de la directive 96/62/CE du Conseil, du 27 septembre 1996, concernant l’évaluation et la gestion de la qualité de l’air ambiant (JO L 296, p. 55):

    «[…] il convient, en vue de protéger l’environnement dans son ensemble, ainsi que la santé des personnes, d’éviter, d’empêcher ou de réduire les concentrations de polluants atmosphériques nocifs et de fixer des valeurs limites et/ou des seuils d’alerte pour les niveaux de pollution de l’air ambiant;

    […]

    […] il est nécessaire, en vue de protéger l’environnement dans son ensemble et la santé humaine, que les États membres prennent des mesures en cas de dépassement des valeurs limites de façon à assurer le respect de ces valeurs dans les délais fixés».

    6

    L’article 7 de la directive 96/62, intitulé «Amélioration de la qualité de l’air ambiant — Exigences générales», dispose:

    «1.   Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer le respect des valeurs limites.

    2.   Les mesures prises pour atteindre les objectifs de la présente directive doivent:

    […]

    b)

    ne pas contrevenir à la législation communautaire relative à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs sur les lieux de travail;

    c)

    ne pas avoir d’effets négatifs et significatifs sur l’environnement des autres États membres.

    3.   Les États membres établissent des plans d’action indiquant les mesures à prendre à court terme en cas de risque de dépassement des valeurs limites et/ou des seuils d’alerte, afin de réduire le risque de dépassement et d’en limiter la durée. Ces plans peuvent prévoir, selon le cas, des mesures de contrôle et, lorsque cela est nécessaire, de suspension des activités, y compris le trafic automobile, qui concourent au dépassement des valeurs limites.»

    7

    En vertu de l’article 8, paragraphe 3, de la directive 96/62, dans les zones et les agglomérations où les niveaux d’un ou de plusieurs polluants dépassent la valeur limite augmentée de la marge de dépassement, les États membres prennent des mesures pour assurer l’élaboration ou la mise en œuvre d’un plan ou d’un programme permettant d’atteindre la valeur limite dans le délai fixé. Selon cette disposition, ledit plan ou programme contient à tout le moins les informations énumérées à l’annexe IV de cette directive. Parmi celles-ci figurent, aux points 5 et 6 de ladite annexe V, des informations sur l’origine de la pollution, notamment la liste des principales sources d’émission responsables de la pollution, ainsi qu’une analyse de la situation incluant des précisions concernant, notamment, les facteurs responsables du dépassement comme le transport, ce dernier facteur comprenant les transports transfrontaliers.

    8

    L’article 8, paragraphe 6, de la directive 96/62 énonce:

    «Lorsque le niveau d’un polluant est supérieur ou risque d’être supérieur à la valeur limite augmentée de la marge de dépassement ou, le cas échéant, au seuil d’alerte, à la suite d’une pollution significative qui a pour origine un autre État membre, les États membres concernés se consultent en vue de remédier à la situation. La Commission peut assister à ces consultations.»

    9

    En vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 96/62, les États membres signalent à la Commission l’apparition de niveaux de pollution supérieurs aux valeurs limites augmentées de la marge de dépassement dans les neuf mois qui suivent la fin de chaque année.

    10

    La directive 96/62 ne détermine pas elle-même les valeurs limites, mais elle indique, à son article 4, lu en combinaison respectivement avec ses annexes I et II, les polluants atmosphériques pour lesquels de telles valeurs doivent être fixées ainsi que des facteurs à prendre en compte lors de cette fixation. Parmi ces facteurs figure le degré d’exposition des populations auxdits polluants.

    11

    Les valeurs limites pour les particules fines, et notamment les PM10, sont fixées par la directive 1999/30/CE du Conseil, du 22 avril 1999, relative à la fixation de valeurs limites pour l’anhydride sulfureux, le dioxyde d’azote et les oxydes d’azote, les particules et le plomb dans l’air ambiant (JO L 163, p. 41). Les PM10 sont définies à l’article 2, point 11, de cette directive comme des particules passant dans un orifice d’entrée calibré avec un rendement de séparation de 50 % pour un diamètre aérodynamique de 10 μm.

    12

    L’article 5, paragraphe 1, de la directive 1999/30 dispose:

    «Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les concentrations de PM10 dans l’air ambiant, évaluées conformément à l’article 7, ne dépassent pas les valeurs limites indiquées au point I de l’annexe III, à partir des dates y spécifiées.

    Les marges de dépassement indiquées au point I de l’annexe III sont applicables conformément à l’article 8 de la directive 96/62/CE.»

    13

    L’annexe III de la directive 1999/30 fixe les valeurs limites ainsi que les marges de dépassement applicables aux particules PM10 pour deux phases successives en indiquant, pour chacune d’elle, la date à laquelle la valeur limite doit être respectée. Ainsi, les valeurs et les marges prévues pour la première phase sont juridiquement contraignantes depuis le 1er janvier 2005.

    14

    La directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe (JO L 152, p. 1), remplacera, en vertu de son article 31 et à partir du 11 juin 2010, notamment les directives 96/62 et 1999/30. Selon les termes de l’article 22, paragraphe 2, de la directive 2008/50, lorsque, dans une zone ou agglomération donnée, les valeurs limites fixées pour les PM10 ne peuvent pas être respectées en raison des caractéristiques de dispersion du site, de conditions climatiques défavorables ou de contributions transfrontalières, un État membre est exempté de l’obligation d’appliquer ces valeurs limites jusqu’au 11 juin 2011, moyennant le respect de certaines conditions.

    Les antécédents du litige

    15

    Par lettre du 2 novembre 2005, le Royaume des Pays-Bas a notifié à la Commission, en vertu de l’article 95, paragraphe 5, CE, son intention d’adopter un décret visant à soumettre, dès le 1er janvier 2007 et par dérogation aux dispositions de la directive 98/69, les véhicules à moteur Diesel neufs des catégories M1 et N1, classe I, à une valeur limite d’émission de particules de 5 mg/km.

    16

    Au soutien de sa demande, le Royaume des Pays-Bas a précisé que les valeurs limites de concentration de particules, fixées par la directive 1999/30, étaient dépassées sur plusieurs parties de son territoire et que, de ce fait, il ne s’estimait pas en mesure de respecter les obligations imposées par cette directive. Il a souligné, dans ce contexte, la forte densité démographique de cet État membre et le degré de concentration des infrastructures plus élevé que dans d’autres États membres, ce qui engendrerait un taux supérieur d’émission de particules au kilomètre carré. Les résidents seraient ainsi très exposés à la pollution de l’air en raison, notamment, de la proximité immédiate des zones de circulation automobile et des zones résidentielles. De plus, une partie importante de la pollution proviendrait des États membres voisins, de sorte que seuls 15 % de la moyenne nationale de concentrations de particules pourraient être influencés par des normes nationales de protection de l’environnement.

    17

    Afin de réduire les concentrations de particules, le Royaume des Pays-Bas a affirmé accorder une priorité à la réduction des émissions de particules générées par les voitures particulières et les véhicules commerciaux, qui seraient responsables de 70 % desdites émissions d’origine routière. La mesure dérogatoire notifiée ferait ainsi partie intégrante d’un dispositif réglementaire reposant, entre autres, sur la promotion de véhicules et de carburants moins polluants. Elle impliquerait concrètement la pose, sur les véhicules à moteur Diesel immatriculés au Royaume des Pays-Bas, d’un filtre réduisant la quantité de particules présentes dans la suie du diesel.

    18

    Il a en effet été exposé que le décret notifié ne serait applicable qu’aux véhicules immatriculés aux Pays-Bas et qu’il ne modifierait en rien ni la procédure de réception CE ni les conditions d’immatriculation des véhicules ayant obtenu cette réception dans d’autres États membres. En revanche, la police et les instances chargées du contrôle périodique néerlandaises pourraient vérifier, après l’entrée en vigueur dudit décret, si la voiture particulière ou le véhicule commercial léger est en mesure de respecter la nouvelle valeur limite d’émission de particules de 5 mg/km.

    19

    Par lettre du 23 novembre 2005, la Commission a accusé réception de la notification du Royaume des Pays-Bas et a informé celui-ci que le délai de six mois, qui lui est imparti par l’article 95, paragraphe 6, CE pour statuer sur les demandes de dérogation, avait pris cours le 5 novembre 2005.

    20

    Le 8 février 2006, le rapport d’évaluation de la qualité de l’air aux Pays-Bas relatif à l’année 2004 (ci-après le «rapport d’évaluation pour 2004»), établi en application de la directive 96/62, a été communiqué à la Commission V. Il a été enregistré par celle-ci en date du 10 février suivant.

    21

    Par lettre du 10 mars 2006, les autorités néerlandaises ont informé la Commission de l’existence d’un rapport établi au cours du mois de mars de l’année 2006 par le Milieu- en Natuurplanbureau [Agence néerlandaise pour l’évaluation de l’environnement (MNP)], intitulé «Nieuwe inzichten in de omvang van de fijnstofproblematiek» (Nouvelles indications sur l’étendue de la problématique des particules, ci-après le «rapport du MNP»).

    22

    Afin d’apprécier le bien-fondé des arguments avancés par les autorités néerlandaises, la Commission a demandé l’avis scientifique et technique d’un consortium de consultants coordonné par la Nederlandse Organisatie voor toegepast-natuur-wetenschappelijk onderzoek [Organisation néerlandaise pour la recherche scientifique appliquée (TNO)]. Cet organisme a présenté son rapport le 27 mars 2006 (ci-après le «rapport de la TNO»).

    23

    Par la décision litigieuse, la Commission a, le 3 mai 2006, rejeté le projet de décret notifié, au motif que «le Royaume des Pays-Bas n’[avait] pas démontré l’existence d’un problème spécifique au regard de la directive 98/69» et que, en tout état de cause, «la mesure notifiée n’[était] pas proportionnée aux objectifs poursuivis».

    Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

    24

    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 juillet 2006, le Royaume des Pays-Bas a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse, assorti d’une demande de traitement accéléré de celui-ci.

    25

    Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté, en procédure accélérée, ledit recours. Pour ce faire, il a écarté les deux premiers moyens invoqués par le Royaume des Pays-Bas, tirés de l’appréciation par la Commission de l’existence d’un problème spécifique aux Pays-Bas.

    26

    Aux points 43 à 49 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a d’abord rejeté le moyen par lequel le Royaume des Pays-Bas faisait valoir que la Commission a violé son devoir de diligence et l’obligation de motivation des décisions en omettant, sans s’en expliquer, de prendre en considération, dans son appréciation de la spécificité du problème de la qualité de l’air ambiant aux Pays-Bas, les données le concernant afférentes à l’année 2004. La Commission avait admis, dans ce contexte, que, contrairement à ce qu’elle a affirmé au point 41 de la décision litigieuse, le Royaume des Pays-Bas avait effectivement procédé au dépôt officiel de son rapport d’évaluation pour 2004 avant l’adoption de ladite décision.

    27

    Le Tribunal a notamment constaté à cet égard, aux points 44 à 46 de l’arrêt attaqué:

    «44

    Il ressort néanmoins des développements de la [décision litigieuse] consacrés à la question de la spécificité de la qualité de l’air ambiant aux Pays-Bas que les dernières données fournies par les autorités néerlandaises ont été intégrées dans le rapport de la TNO. En particulier, celle-ci précise à la page 29 […] de ce document:

    ‘Les données préliminaires communiquées par le Royaume des Pays-Bas à propos des dépassements en 2004 font apparaître une image différente de celle de 2003. Dans toutes les zones, on constate un dépassement pour le PM10 d’au moins une des valeurs limites augmentées de la marge de dépassement.’

    45

    En outre, la TNO, à la page 29 de son rapport, et la Commission, au point 41 de la [décision litigieuse], reprennent certaines constatations du [rapport du MNP].

    46

    Enfin, comme il ressort du point 42 de la [décision litigieuse], c’est également au vu des informations nouvelles transmises par le gouvernement néerlandais et contenues dans le rapport du MNP que la Commission s’est refusée à tenir pour établie l’existence d’un problème spécifique de respect par le Royaume des Pays-Bas des valeurs limites de concentration de particules fixées par la directive 1999/30.»

    28

    Le Tribunal a estimé, aux points 47 et 48 de l’arrêt attaqué, que, dans ces conditions, la Commission ne saurait encourir le reproche d’avoir omis V d’examiner les données récentes que lui avait adressées le gouvernement néerlandais et V d’indiquer les raisons de cette prétendue omission.

    29

    Le Tribunal a ensuite écarté le moyen consistant à démontrer que la Commission aurait, à tort, nié l’existence d’un problème spécifique de qualité de l’air ambiant aux Pays-Bas.

    30

    En ce qui concerne le premier argument, selon lequel la Commission aurait fait une application erronée du critère de spécificité nationale du problème, critère requis par l’article 95, paragraphe 5, CE, en exigeant que le problème invoqué affecte le Royaume des Pays-Bas à titre exclusif, le Tribunal a estimé, aux points 66 à 72 de l’arrêt attaqué, que ce reproche manque en fait. À cet égard, il a notamment souligné que la décision litigieuse, comme le rapport de la TNO, fait référence à la situation d’autres États membres et qu’il résulte de cette comparaison que le Royaume des Pays-Bas n’est pas confronté à un problème spécifique de protection de l’environnement qui justifierait l’adoption d’une mesure dérogatoire.

    31

    Le deuxième argument, tiré de ce que la Commission n’aurait pas tenu compte de l’impuissance du Royaume des Pays-Bas pour traiter le problème des émissions de particules générées par la navigation intérieure et le transport maritime, a été rejeté aux points 78 à 84 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal a notamment constaté à cet égard que, en tout état de cause, cet argument manque en fait, car, contrairement à ce que soutient le Royaume des Pays-Bas, la Commission n’a pas subordonné la possibilité d’autoriser la mesure notifiée à la condition que les dépassements des valeurs limites procèdent pour leur plus grande part des émissions générées par les véhicules routiers à moteur Diesel.

    32

    S’agissant du troisième argument, selon lequel la spécificité du problème de la qualité de l’air ambiant serait aussi constituée par l’impossibilité, pour le Royaume des Pays-Bas, de lutter contre la pollution transfrontalière, le Tribunal a considéré, aux points 87 à 94 de l’arrêt attaqué, que cette impossibilité ne permet pas de tenir pour établi que cet État membre se trouve face à un problème spécifique de qualité de l’air.

    33

    Le Tribunal a constaté, aux points 88 et 91 de l’arrêt attaqué, que, dans les pays de dimension géographique réduite, comme les Pays-Bas, une plus grande proportion de particules est, presque par définition, de source exogène. Il a estimé qu’il n’a pour autant nullement été établi que les émissions de particules transfrontalières affectent la qualité de l’air aux Pays-Bas dans une mesure telle que le problème de la limitation des émissions de particules s’y présente d’une manière différente de celle dont il se pose dans le reste de la Communauté européenne.

    34

    Il a en outre observé, au point 92 de l’arrêt attaqué, que c’est au regard des normes établies par la directive 1999/30 qu’il y a lieu d’apprécier la spécificité du problème. Or, l’annexe III de la directive 1999/30 établirait uniquement des valeurs limites de concentration des particules, sans prendre en considération l’origine des particules présentes.

    35

    Enfin, le Tribunal a, aux points 105 à 116 de l’arrêt attaqué, écarté le quatrième argument, selon lequel la Commission aurait dénié, à tort, le caractère particulièrement sérieux des dépassements des valeurs limites de concentration des particules relevés dans l’air ambiant aux Pays-Bas.

    36

    Au point 107 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a retenu, à cet égard, qu’il ne ressort pas du dossier que les dépassements constatés aux Pays-Bas présentent, par rapport à ceux relevés dans d’autres États membres, une acuité de nature à constituer un problème spécifique. Ainsi, le Tribunal a notamment relevé, au point 109 de l’arrêt attaqué, qu’il peut être déduit de la liste établie sur la base des rapports nationaux d’évaluation de la qualité de l’air relatifs à l’année 2004 que le Royaume des les Pays-Bas font partie d’un groupe de cinq États membres pour lesquels il a été enregistré, pour cette année et pour toutes leurs zones, des taux de concentration de particules supérieurs aux valeurs limites journalières.

    37

    Le Tribunal a par ailleurs considéré, au point 115 de l’arrêt attaqué, que, outre qu’elles ne constituent pas des critères retenus par la directive 1999/30, il n’a pas été établi que la densité démographique, l’intensité du trafic routier dans de nombreuses zones des Pays-Bas et la localisation de l’habitat le long des itinéraires routiers concourent à constituer, pour cet État membre, un problème le singularisant sensiblement par rapport à d’autres régions, notamment celles du Benelux, de la partie centrale du Royaume-Uni et de l’ouest de l’Allemagne.

    38

    Le Tribunal ayant, par conséquent, estimé, aux points 117 à 120 de l’arrêt attaqué, que le Royaume des Pays-Bas n’était pas parvenu à établir l’existence d’un problème spécifique sur son territoire, qui constitue une des conditions cumulatives requises par l’article 95, paragraphes 5 et 6, CE, il a considéré que la Commission était tenue de rejeter le projet de décret notifié. De ce fait, il a procédé par l’économie des moyens et ne s’est pas prononcé sur les autres moyens invoqués par cet État membre, mettant en cause tant l’appréciation que la motivation de la Commission relative, d’une part, à la proportionnalité du projet notifié et, d’autre part, au contexte juridique international.

    Les conclusions des parties

    39

    Par son pourvoi, le Royaume des Pays-Bas demande à la Cour:

    d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin qu’il statue sur les autres moyens du recours, et

    de condamner la Commission aux dépens.

    40

    La Commission conclut à ce que la Cour:

    à titre principal, déclare le pourvoi irrecevable;

    à titre subsidiaire, le rejette, et

    condamne le Royaume des Pays-Bas aux dépens.

    Sur le pourvoi

    41

    À l’appui de son pourvoi le Royaume des Pays-Bas soulève deux moyens. En premier lieu, il soutient que le Tribunal a donné une interprétation incorrecte du devoir de diligence et de l’obligation de motivation visée à l’article 253 CE en considérant que la Commission n’a pas violé les obligations en question en omettant d’examiner, dans la décision litigieuse, sans en indiquer la raison, les données pertinentes contenues dans le rapport d’évaluation pour 2004. En second lieu, le Royaume des Pays-Bas soutient que le Tribunal a fait application de critères juridiques incorrects pour apprécier l’existence d’un problème spécifique de la qualité de l’air ambiant sur son territoire.

    Sur la recevabilité

    42

    La Commission excipe de l’irrecevabilité du pourvoi. Concernant le premier moyen, elle fait valoir que le Royaume des Pays-Bas serait privé du droit de se prévaloir d’une prétendue absence de prise en compte du rapport d’évaluation pour 2004, étant donné que ce rapport a été déposé après l’expiration du délai imparti par la directive 96/62 et trois mois après l’introduction de la demande de dérogation. La Commission considère en outre que le Tribunal aurait constaté qu’elle a effectivement tenu compte dudit rapport et que cette constatation de fait ne saurait faire l’objet du pourvoi. S’agissant du second moyen, la Commission soutient que les conclusions du Tribunal reposeraient sur un nombre important d’éléments, dont la majeure partie ne serait pas contestée, et que ces conclusions resteraient justifiées même si la Cour devait suivre les arguments du Royaume des Pays-Bas.

    43

    À cet égard, il convient d’abord de constater que la question de savoir si, en l’espèce, la Commission était tenue de prendre en considération le rapport d’évaluation pour 2004 malgré la prétendue tardiveté avec laquelle ce rapport a été présenté relève, ainsi que l’a constaté Mme l’avocat général aux points 32 à 34 de ses conclusions, non pas de la recevabilité, mais du fond.

    44

    S’agissant, ensuite, de l’argument tiré de ce que le Royaume des Pays-Bas tendrait à remettre en cause, par le premier moyen, des constats factuels, il suffit d’observer que tel n’est pas le cas. En effet, le Royaume des Pays-Bas ne conteste nullement les constatations établies par le Tribunal dans ce contexte, desquelles il ressort notamment que les données pour l’année 2004 ont été intégrées dans le rapport de la TNO et que la Commission a, outre ce rapport, également tenu compte du rapport du MNP. En revanche, ledit État membre conteste les conclusions que le Tribunal a tirées de ces constats factuels. Or, la question de savoir si le Tribunal a pu, à bon droit, conclure desdits faits que la Commission n’a manqué ni à son devoir de diligence ni à son obligation de motivation constitue une question de droit soumise au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir arrêts du 20 novembre 1997, Commission/V, C-188/96 P, Rec. p. I-6561, point 24, ainsi que du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425, point 453).

    45

    Enfin, en ce qui concerne l’objection soulevée par la Commission à l’encontre du second moyen, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que le fait qu’un pourvoi ou le moyen d’un pourvoi ne vise pas toutes les raisons qui ont amené le Tribunal à prendre position sur une question ne conduit pas à l’irrecevabilité de ce moyen (voir arrêt du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil, C-458/98 P, Rec. p. I-8147, point 67, et ordonnance du 23 septembre 2005, Andolfi/Commission, C-357/04 P, point 24).

    46

    Il s’ensuit que le pourvoi doit être déclaré recevable.

    Sur le fond

    Sur le premier moyen, tiré d’une interprétation incorrecte du devoir de diligence et de l’obligation de motivation visée à l’article 253 CE

    — Argumentation des parties

    47

    Le Royaume des Pays-Bas souligne, dans le cadre de ce premier moyen, que le rapport d’évaluation pour 2004 est d’une extrême importance, car il montre que, pour cette année, les valeurs limites journalières, même augmentées de la marge de dépassement, ont été dépassées dans toutes les zones et les agglomérations des Pays-Bas. De plus, les données pour cette année feraient apparaître une image différente de celle de l’année 2003, ce que le Tribunal reconnaîtrait lui-même au point 44 de l’arrêt attaqué, en faisant référence au rapport de la TNO.

    48

    Le Royaume des Pays-Bas déduit de l’arrêt attaqué que le Tribunal considère qu’il suffit que la Commission se contente de transmettre à un organisme d’étude les données pertinentes communiquées par l’État membre, alors que, d’une part, elle n’examine pas ces données dans la décision litigieuse, y contestant même le fait qu’elles lui ont été communiquées, et que, d’autre part, elle ne reprend pas, dans sa décision, la constatation de l’organisme d’étude selon laquelle lesdites données font apparaître une image fondamentalement différente et plus problématique de la situation de l’État membre en cause. Par cette interprétation, le Tribunal aurait ainsi appliqué de façon incorrecte les garanties en matière de diligence et de motivation, parmi lesquelles figureraient, notamment, l’obligation pour la Commission d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce et celle de motiver sa décision de façon suffisante.

    49

    Selon cet État membre, le Tribunal accorde enfin, à tort, une grande importance au fait que la Commission a pris en considération le rapport du MNP. Il note, à cet égard, que, si la Commission a étayé sa position à l’aide de ce rapport, qui lui a d’ailleurs été transmis un mois et demi avant l’adoption de la décision litigieuse, elle n’aurait, en revanche, sans motivation à cet égard, tenu aucun compte du rapport d’évaluation pour 2004 qui, quant à lui, lui a été transmis trois mois avant ladite adoption, mais dont les données seraient moins favorables à sa position. Par ailleurs, le rapport de la TNO montrerait clairement que les constatations du rapport du MNP ne changent rien aux constatations faites quant aux valeurs limites des données issues du rapport d’évaluation pour 2004.

    50

    La Commission — outre l’argument, repris au point 42 du présent arrêt, tiré de la prétendue tardiveté avec laquelle le rapport d’évaluation pour 2004 aurait été présenté — fait valoir qu’elle ne serait pas tenue d’intégrer dans ses décisions tous les éléments des expertises auxquelles elle recourt. Il découlerait, par ailleurs, de certains points de l’arrêt attaqué que le Tribunal a estimé qu’il ressort du rapport d’évaluation pour 2004 ainsi que du rapport du MNP que la qualité de l’air aux Pays-Bas s’est améliorée par rapport à l’année 2003 et aux hypothèses antérieures.

    — Appréciation de la Cour

    51

    Selon l’article 95, paragraphe 5, CE, après l’adoption de mesures d’harmonisation, les États membres ont l’obligation de soumettre pour approbation à la Commission toutes dispositions nationales dérogatoires qu’ils estiment nécessaires.

    52

    Ladite disposition exige que l’introduction de telles dispositions soit fondée sur des preuves scientifiques nouvelles relatives à la protection de l’environnement ou du milieu de travail, rendue nécessaire en raison d’un problème spécifique de l’État membre concerné, qui surgit après l’adoption de la mesure d’harmonisation, et que les dispositions envisagées ainsi que les raisons de leur adoption soient notifiées à la Commission (voir arrêts du 21 janvier 2003, Allemagne/Commission, C-512/99, Rec. p. I-845, point 80, ainsi que du 13 septembre 2007, Land Oberösterreich et Autriche/Commission, C-439/05 P et C- 454/05 P, Rec. p. I-7141, point 57).

    53

    Ces conditions ont un caractère cumulatif et doivent donc être toutes remplies sous peine de rejet des dispositions nationales dérogatoires par la Commission (voir arrêts précités Allemagne/Commission, point 81, ainsi que Land Oberösterreich et Autriche/Commission, point 58).

    54

    Pour apprécier si lesdites conditions sont effectivement remplies, ce qui peut, le cas échéant, nécessiter des évaluations techniques complexes, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation.

    55

    L’exercice de ce pouvoir n’est toutefois pas soustrait au contrôle juridictionnel. En effet, selon la jurisprudence de la Cour, le juge communautaire doit non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C-525/04 P, Rec. p. I-9947, point 57 et jurisprudence citée).

    56

    En outre, il y a lieu de rappeler que, dans les cas où une institution communautaire dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle du respect des garanties conférées par l’ordre juridique communautaire dans les procédures administratives revêt une importance fondamentale. La Cour a eu l’occasion de préciser que parmi ces garanties figurent notamment pour l’institution compétente l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce et celle de motiver sa décision de façon suffisante (voir arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C-269/90, Rec. p. I-5469, point 14; du 7 mai 1992, Pesquerias De Bermeo et Naviera Laida/Commission, C-258/90 et C-259/90, Rec. p. I-2901, point 26, ainsi que Espagne/Lenzing, précité, point 58).

    57

    Le contrôle du respect desdites garanties procédurales se révèle d’autant plus important dans le contexte de la procédure prévue à l’article 95, paragraphe 5, CE dès lors que le principe du contradictoire ne s’applique pas à celle-ci (voir arrêt Land Oberösterreich et Autriche/Commission, précité, point 44).

    58

    En l’espèce, le Royaume des Pays-Bas reproche à la Commission d’avoir violé son devoir de diligence et son obligation de motivation en ayant omis d’examiner, dans la décision litigieuse, sans en indiquer la raison, les données contenues dans le rapport d’évaluation pour 2004.

    59

    La décision litigieuse constate à cet égard, à son point 41, que «[l]es rapports annuels établis au titre de la directive 96/62/CE du Conseil indiquent qu’en 2003, les Pays-Bas n’ont pas connu de problèmes de dépassement particulièrement importants par rapport à d’autres États membres (tels que la Belgique, l’Autriche, la Grèce, la République tchèque, la Lituanie, la Slovénie et la Slovaquie). Comme les Pays-Bas n’ont pas encore communiqué de données officielles pour 2004, il n’est pas possible de comparer leur situation en matière de qualité de l’air avec celle observée cette année-là dans d’autres États membres».

    60

    Or, il est constant que les données officielles pour l’année 2004 contenues dans le rapport d’évaluation pour ladite année ont été effectivement communiquées à la Commission le 8 février 2006 et enregistrées par celle-ci le 10 février suivant, soit plusieurs mois avant l’adoption de la décision litigieuse.

    61

    Il découle de l’article 174, paragraphe 3, premier tiret, CE que la Commission est, en principe, tenue de prendre en considération, dans ses décisions dans le domaine de l’environnement, toutes les nouvelles données scientifiques et techniques disponibles. Cette obligation vaut particulièrement pour la procédure au titre de l’article 95, paragraphes 5 et 6, CE, pour laquelle la prise en considération des données nouvelles en constitue le fondement même.

    62

    La Commission était donc, en l’espèce, obligée de prendre en considération les données contenues dans le rapport d’évaluation pour 2004. Cette obligation n’était notamment pas infirmée par le fait que le Royaume des Pays-Bas lui avait communiqué ledit rapport en dehors des délais prévus par la directive 96/62, dès lors que ces délais sont sans rapport avec la procédure prévue à l’article 95, paragraphes 5 et 6, CE. Il est également constant qu’il était encore effectivement possible pour la Commission de tenir compte dudit rapport dans l’élaboration de la décision litigieuse, étant donné que les rapports de la TNO et du MNP, sur lesquels la Commission se fonde dans ladite décision, lui ont été transmis plus tard encore.

    63

    Or, les constatations de la Commission contenues aux points 41 et 42 de la décision litigieuse, desquelles il ressort que celle-là a effectué son appréciation de l’existence d’un problème spécifique aux Pays-Bas sur la base des rapports annuels afférents à l’année 2003 et non à l’année 2004, soulèvent des doutes sérieux quant à la prise en considération, par cette institution, des données relatives à cette dernière année.

    64

    S’il est vrai, comme l’observe le Tribunal au point 44 de l’arrêt attaqué, que le rapport de la TNO intègre également des données préliminaires communiquées par le Royaume des Pays-Bas pour l’année 2004, il n’en reste pas moins que la décision litigieuse ne fait aucune référence à ce fait ou aux constatations de la TNO relatives à ces données.

    65

    Contrairement à l’arrêt attaqué, la décision litigieuse ne fait notamment aucune mention de l’appréciation de la TNO selon laquelle ces données préliminaires pour l’année 2004 font apparaître une image différente de celle de l’année précédente en ce qu’il est constaté, dans toutes les zones des Pays-Bas, un dépassement pour le PM10 d’au moins une des valeurs limites augmentées de la marge de dépassement.

    66

    Pourtant, en particulier au vu de ladite appréciation de la TNO, la Commission, pour répondre de manière adéquate à son obligation tant d’examiner tous les éléments pertinents du cas d’espèce que de motiver sa décision de façon suffisante, était tenue d’exposer, dans la décision litigieuse, les raisons pour lesquelles elle estimait que, également sur la base des données relatives à l’année 2004 et en dépit des différences relevées par la TNO entre ces données et celles de l’année précédente, l’existence d’un problème spécifique n’était pas démontrée.

    67

    En effet, si la Cour a reconnu que la Commission, dans le cadre de son appréciation du bien-fondé d’une demande de dérogation au titre de l’article 95, paragraphe 5, CE, peut être conduite à recourir à des experts extérieurs pour recueillir leur avis sur les preuves scientifiques nouvelles apportées au soutien d’une telle demande (voir arrêt Land Oberösterreich et Autriche/Commission, précité, point 32), force est toutefois de constater que la responsabilité primaire pour effectuer ladite appréciation incombe à la Commission, laquelle doit elle-même, le cas échéant sur la base de l’avis des experts, dûment prendre en considération tous les éléments pertinents et exposer, dans sa décision finale, les considérations essentielles l’ayant amenée à prendre celle-ci.

    68

    Il s’ensuit que le simple fait que le rapport de la TNO a intégré les données préliminaires relatives à l’année 2004 ne saurait justifier le fait que la Commission n’a, dans la décision litigieuse, ni examiné les données relatives à ladite année ni indiqué les raisons de cette omission.

    69

    Il en va de même pour le fait que la Commission a repris, dans la décision litigieuse, certaines constatations du rapport du MNP et a apprécié l’existence d’un problème spécifique aux Pays-Bas, compte tenu des informations nouvelles contenues dans celui-ci.

    70

    Ainsi, les constatations du MNP, reprises par la Commission au point 41 de la décision litigieuse, ne contiennent aucune affirmation relative à la question de savoir s’il existait, au moment de l’adoption de ladite décision et notamment eu égard aux données relatives à l’année 2004, un problème spécifique de qualité de l’air ambiant aux Pays-Bas.

    71

    En effet, ces constatations — desquelles il ressort que, selon une nouvelle évaluation, les niveaux de PM10 sont inférieurs de 10 à 15 % aux hypothèses antérieures et le nombre de zones, où les valeurs limites sont dépassées, sera réduit de moitié au cours de l’année 2010 par rapport à l’année 2005 et au cours de l’année 2015 par rapport à l’année 2010 — ne mettent pas en cause la véracité des données relatives à l’année 2004, qui démontrent des dépassements des valeurs limites sur l’ensemble du territoire néerlandais, et n’excluent pas qu’il existait, à la date d’adoption de la décision litigieuse, un problème spécifique dans cet État membre.

    72

    Il résulte de ce qui précède que le Tribunal a commis une erreur de droit en ayant jugé que la Commission, en adoptant la décision litigieuse, n’avait violé ni son devoir de diligence ni son obligation de motivation.

    73

    Dans la mesure où la Commission, pour apprécier l’existence d’un problème spécifique de qualité de l’air ambiant aux Pays-Bas, n’a pas tenu dûment compte de l’ensemble des données pertinentes, et notamment de celles relatives à l’année 2004, cette appréciation est nécessairement entachée d’une erreur, et ce indépendamment de la question de savoir si la Commission aurait, dans ladite appréciation, en plus fait application de critères juridiques incorrects, tel que l’avait soutenu le Royaume des Pays-Bas.

    74

    Dans ces conditions, le Tribunal ne pouvait, sans commettre une erreur de droit, rejeter le recours du Royaume des Pays-Bas comme non fondé en concluant que la Commission avait considéré à bon droit comme non spécifique le problème du respect des valeurs limites communautaires de concentration des particules dans l’air ambiant.

    75

    Il s’ensuit que l’arrêt attaqué doit être annulé. Le traitement du second moyen, par lequel le Royaume des Pays-Bas reproche au Tribunal l’application de critères juridiques incorrects dans l’appréciation de l’existence d’un problème spécifique de qualité de l’air ambiant, n’étant dès lors pas, quel que serait le résultat de son appréciation, susceptible d’influencer l’issue du pourvoi, il convient de faire l’économie de son examen.

    76

    En vertu de l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, celle-ci peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé. Tel est le cas en l’espèce.

    77

    À cet égard, il y a lieu de constater que l’analyse incomplète des éléments scientifiques pertinents effectuée par la Commission est susceptible d’entacher non seulement son appréciation de l’existence d’un problème spécifique, mais l’ensemble de son appréciation des conditions d’application de l’article 95, paragraphes 5 et 6, CE, et notamment celle de la proportionnalité de la mesure notifiée, dès lors qu’une appréciation plus complète des éléments scientifiques disponibles peut, par sa nature même, influencer l’appréciation de la proportionnalité d’une telle mesure.

    78

    Dans ces conditions, il convient d’annuler la décision litigieuse afin que la Commission puisse apprécier à nouveau et sur la base de tous les éléments scientifiques pertinents la mesure notifiée pour déterminer si celle-ci répond aux exigences imposées par l’article 95, paragraphes 5 et 6, CE.

    Sur les dépens

    79

    Aux termes de l’article 122 du règlement de procédure V, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

    80

    Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, de ce même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Royaume des Pays-Bas ayant conclu à la condamnation de la Commission et celle-ci ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens des deux instances.

     

    Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

     

    1)

    L’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 27 juin 2007, Royaume des Pays-Bas/Commission (T-182/06), est annulé.

     

    2)

    La décision 2006/372/CE de la Commission, du 3 mai 2006, concernant un projet de dispositions nationales notifié par le Royaume des Pays-Bas au titre de l’article 95, paragraphe 5, CE et fixant des limites d’émission de particules par des véhicules à moteur Diesel, est annulée.

     

    3)

    La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure: le néerlandais.

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