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Document 62007CJ0378

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 23 avril 2009.
Kiriaki Angelidaki et autres contre Organismos Nomarchiakis Autodioikisis Rethymnis (C-378/07), Charikleia Giannoudi contre Dimos Geropotamou (C-379/07) et Georgios Karabousanos et Sofoklis Michopoulos contre Dimos Geropotamou (C-380/07).
Demande de décision préjudicielle: Monomeles Protodikeio Rethymnis - Grèce.
Directive 1999/70/CE - Clauses 5 et 8 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée - Contrats de travail à durée déterminée dans le secteur public - Premier ou unique contrat - Contrats successifs - Mesure légale équivalente - Régression du niveau général de protection des travailleurs - Mesures visant à prévenir les abus - Sanctions - Interdiction absolue de transformation des contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée dans le secteur public - Conséquences d'une transposition incorrecte d'une directive - Interprétation conforme.
Affaires jointes C-378/07 à C-380/07.

Recueil de jurisprudence 2009 I-03071

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2009:250

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

23 avril 2009 ( *1 )

«Directive 1999/70/CE — Clauses 5 et 8 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée — Contrats de travail à durée déterminée dans le secteur public — Premier ou unique contrat — Contrats successifs — Mesure légale équivalente — Régression du niveau général de protection des travailleurs — Mesures visant à prévenir les abus — Sanctions — Interdiction absolue de transformation des contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée dans le secteur public — Conséquences d’une transposition incorrecte d’une directive — Interprétation conforme»

Dans les affaires jointes C-378/07 à C-380/07,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduites par le Monomeles Protodikeio Rethymnis (Grèce), par décisions des 19, 20 et 23 juillet 2007, parvenues à la Cour le 8 août 2007, dans les procédures

Kiriaki Angelidaki (C-378/07),

Anastasia Aivali,

Aggeliki Vavouraki,

Chrysi Kaparou,

Manina Lioni,

Evaggelia Makrygiannaki,

Eleonora Nisanaki,

Christiana Panagiotou,

Anna Pitsidianaki,

Maria Chalkiadaki,

Chrysi Chalkiadaki

contre

Organismos Nomarchiakis Autodioikisis Rethymnis,

et

Charikleia Giannoudi (C-379/07),

Georgios Karabousanos (C-380/07),

Sofoklis Michopoulos

contre

Dimos Geropotamou,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. A. Ó Caoimh, (rapporteur), J. N. Cunha Rodrigues, U. Lõhmus et Mme P. Lindh, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 octobre 2008,

considérant les observations présentées:

pour Mme Angelidaki e.a., par Mes I. Koutsourakis, F. Dermitzaki et K. Tokatlidis, dikigoroi,

pour l’Organismos Nomarchiakis Autodioikisis Rethymnis, par Me M. Drymakis, dikigoros,

pour Mme Giannoudi, par Mes I. Zouridis, F. Dermitzaki et K. Tokatlidis, dikigoroi,

pour MM. Karabousanos et Michopoulos, par Mes I. Zouridis et M.-M. Tsipra, dikigoroi,

pour le Dimos Geropotamou, par Me N. Michelakis, dikigoros,

pour le gouvernement hellénique, par Mmes K. Samoni, E. Mamouna et M. Michelogiannaki, en qualité d’agents,

pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté par M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

pour la Commission des Communautés européennes, par Mme M. Patakia et M. M. van Beek, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 4 décembre 2008,

rend le présent

Arrêt

1

Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation des clauses 5, points 1 et 2, ainsi que 8, point 3, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’«accord-cadre»), qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO L 175, p. 43).

2

Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant Mme Angelidaki et treize autres salariés à leur employeur, respectivement, l’Organismos Nomarchiakis Autodioikisis Rethymnis (administration de la préfecture de Rethymnon) et l’Organismos Topikis Autodioikisis Rethymnis dénommée «Dimos Geropotamou» (municipalité de Geropotamos), au sujet de la qualification des contrats de travail qui les liaient à ce dernier et du non-renouvellement desdits contrats.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3

La directive 1999/70 est fondée sur l’article 139, paragraphe 2, CE et vise, aux termes de son article 1er, «à mettre en œuvre l’accord-cadre […], figurant en annexe, conclu […] entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP)».

4

Il ressort des troisième, sixième, septième, treizième à quinzième et dix-septième considérants de ladite directive ainsi que des premier à troisième alinéas du préambule et des points 3, 5 à 8 et 10 des considérations générales de l’accord-cadre que:

la réalisation du marché intérieur doit conduire à une amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs dans la Communauté européenne au moyen d’un rapprochement dans le progrès de ces conditions, notamment pour les formes de travail autres que le travail à durée indéterminée, afin d’atteindre un meilleur équilibre entre la flexibilité du temps de travail et la sécurité des travailleurs;

ces objectifs ne peuvent être réalisés de manière suffisante par les États membres, de sorte qu’il a été jugé approprié de recourir à une mesure communautaire juridiquement contraignante, élaborée en étroite collaboration avec les partenaires sociaux représentatifs;

les parties à l’accord-cadre reconnaissent que, d’une part, les contrats à durée indéterminée sont et resteront la forme générale des relations d’emploi, dès lors qu’ils contribuent à la qualité de vie des travailleurs concernés et à l’amélioration de leurs performances, mais que, d’autre part, les contrats de travail à durée déterminée répondent, dans certaines circonstances, aux besoins tant des employeurs que des travailleurs;

l’accord-cadre énonce les principes généraux et les prescriptions minimales relatifs au travail à durée déterminée, en établissant, notamment, un cadre général destiné à assurer l’égalité de traitement pour les travailleurs à durée déterminée en les protégeant contre la discrimination ainsi qu’à prévenir les abus découlant de l’utilisation de relations de travail à durée déterminée successives, tout en renvoyant aux États membres et aux partenaires sociaux pour la définition des modalités détaillées d’application desdits principes et prescriptions, aux fins de prendre en compte les réalités des situations spécifiques nationales, sectorielles et saisonnières;

c’est ainsi que le Conseil de l’Union européenne a considéré que l’acte approprié pour la mise en œuvre de cet accord-cadre est une directive, dès lors qu’elle lie les États membres en ce qui concerne le résultat à atteindre, mais laisse à ceux-ci le choix de la forme et des moyens;

s’agissant plus particulièrement des termes employés dans l’accord-cadre, mais qui n’y sont pas définis de manière spécifique, la directive 1999/70 laisse aux États membres le soin de les préciser en conformité avec le droit et/ou les pratiques nationales, à condition qu’ils respectent l’accord-cadre, et

selon les parties signataires de l’accord-cadre, l’utilisation des contrats de travail à durée déterminée fondée sur des raisons objectives constitue un moyen de prévenir les abus au détriment des travailleurs.

5

Aux termes de la clause 1 de l’accord-cadre, celui-ci:

«[…] a pour objet:

a)

d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination;

b)

d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.»

6

La clause 2 de l’accord-cadre prévoit:

«1.

Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre.

2.

Les États membres, après consultation de partenaires sociaux, et/ou les partenaires sociaux peuvent prévoir que le présent accord ne s’applique pas:

a)

aux relations de formation professionnelle initiale et d’apprentissage;

b)

aux contrats ou relations de travail conclus dans le cadre d’un programme de formation, insertion et reconversion professionnelles public spécifique ou soutenu par les pouvoirs publics.»

7

La clause 3 du même accord-cadre est ainsi libellée:

«Aux termes du présent accord, on entend par:

1.

‘travailleur à durée déterminée’, une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé;

2.

‘travailleur à durée indéterminée comparable’, un travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences. Lorsqu’il n’existe aucun travailleur à durée indéterminée comparable dans le même établissement, la comparaison s’effectue par référence à la convention collective applicable ou, en l’absence de convention collective applicable, conformément à la législation, aux conventions collectives ou aux pratiques nationales.»

8

La clause 4 de l’accord-cadre dispose:

«1.

Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.

2.

Lorsque c’est approprié, le principe du ‘pro rata temporis’ s’applique.

[…]»

9

La clause 5 de l’accord-cadre énonce:

«1.

Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes:

a)

des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail;

b)

la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs;

c)

le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail.

2.

Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c’est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée:

a)

sont considérés comme ‘successifs’;

b)

sont réputés conclus pour une durée indéterminée.»

10

La clause 8 de l’accord-cadre dispose:

«1.

Les États membres et/ou les partenaires sociaux peuvent maintenir ou introduire des dispositions plus favorables pour les travailleurs que celles prévues dans le présent accord.

[…]

3.

La mise en œuvre du présent accord ne constitue pas une justification valable pour la régression du niveau général de protection des travailleurs dans le domaine couvert par le présent accord.

[…]

5.

La prévention et le règlement des litiges et plaintes résultant de l’application du présent accord sont traités conformément à la législation, aux conventions collectives et aux pratiques nationales.

[…]»

11

Aux termes de l’article 2, premier et deuxième alinéas, de la directive 1999/70:

«Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 10 juillet 2001 ou s’assurent, au plus tard à cette date, que les partenaires sociaux ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d’accord, les États membres devant prendre toute disposition nécessaire leur permettant d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la présente directive. Ils en informent immédiatement la Commission.

Les États membres peuvent, si nécessaire, et après consultation des partenaires sociaux, pour tenir compte de difficultés particulières ou d’une mise en œuvre par convention collective, disposer au maximum d’une année supplémentaire. Ils informent immédiatement la Commission de ces circonstances.»

12

L’article 3 de la même directive énonce:

«La présente directive entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes

La réglementation nationale

La réglementation destinée à transposer la directive 1999/70

13

Le gouvernement hellénique a informé la Commission qu’il entendait faire usage de la faculté, prévue à l’article 2, deuxième alinéa, de la directive 1999/70, aux fins de disposer d’un délai supplémentaire pour les besoins de l’adoption des mesures de mise en œuvre de cette directive, ce délai n’expirant, en raison de cette prorogation, que le 10 juillet 2002.

14

La première mesure de transposition de la directive 1999/70 dans l’ordre juridique hellénique, à savoir le décret présidentiel 81/2003 portant dispositions concernant les travailleurs recrutés sur la base de contrats de travail à durée déterminée (FEK A’ 77/2.4.2003) est entrée en vigueur le 2 avril 2003. En vertu de l’article 2, paragraphe 1, dudit décret, celui-ci s’appliquait aux travailleurs employés sur la base d’un contrat ou d’une relation de travail salarié à durée déterminée.

15

Ce décret a ensuite été modifié par le décret présidentiel 180/2004 (FEK A’ 160/23.8.2004), qui est entré en vigueur le 23 août 2004. L’article 2, paragraphe 1, du décret présidentiel 81/2003 a été remplacé par le texte suivant:

«[Le décret] s’applique aux travailleurs salariés employés dans le secteur privé sur la base d’un contrat ou d’une relation de travail à durée déterminée.»

16

La seconde mesure de transposition de la directive 1999/70 dans l’ordre juridique hellénique est entrée en vigueur le 19 juillet 2004. Le décret présidentiel 164/2004 portant dispositions concernant les travailleurs recrutés sur la base de contrats à durée déterminée dans le secteur public (FEK A’ 134/19.7.2004) a en effet transposé la directive 1999/70 dans la législation hellénique applicable au personnel de l’État et du secteur public au sens large.

17

Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, dudit décret présidentiel:

«Les dispositions du présent décret sont applicables au personnel du secteur public […] ainsi qu’au personnel des entreprises communales et municipales employé sur la base d’un contrat ou d’une relation de travail salarié à durée déterminée ou sur la base d’un contrat d’entreprise ou de toute autre forme de contrat ou relation de travail qui dissimule un lien de subordination.»

18

L’article 5 du décret présidentiel 164/2004 est libellé comme suit:

«Contrats successifs

1.   Sont interdits les contrats successifs conclus et exécutés entre le même employeur et le même travailleur, dans une spécialité professionnelle identique ou analogue et à des conditions de travail identiques ou analogues, à des intervalles inférieurs à trois mois.

2.   À titre d’exception, la conclusion de ces contrats est licite lorsqu’elle est justifiée par une raison objective. Il y a raison objective lorsque les contrats suivant le contrat initial sont conclus pour répondre à des besoins particuliers du même type directement ou indirectement liés à la forme, à la nature ou à l’activité de l’entreprise.

[…]

4.   Il ne doit en aucun cas y avoir plus de trois contrats successifs, sous réserve des dispositions du paragraphe 2 de l’article suivant.»

19

L’article 6 dudit décret dispose:

«Durée maximale

1.   Les contrats successifs conclus et exécutés entre le même employeur et le même travailleur, dans une spécialité professionnelle identique ou analogue et à des conditions de travail identiques ou analogues ne peuvent excéder une durée totale d’emploi de 24 mois, qu’ils soient conclus en vertu de l’article précédent ou d’autres dispositions en vigueur.

2.   Une durée totale d’emploi excédant les 24 mois n’est autorisée que dans le cas de catégories de travailleurs spéciales quant à la nature de leur travail et visées par les dispositions en vigueur, telles celles des cadres de direction, des travailleurs recrutés dans le cadre de programmes spécifiques de recherche ou de programmes subventionnés ou financés, ainsi que des travailleurs recrutés pour l’accomplissement d’une tâche relative à l’exécution d’obligations découlant de conventions avec des organisations internationales.»

20

L’article 7 du décret présidentiel 164/2004 énonce:

«Sanction des infractions

1.   Tout contrat conclu en violation des articles 5 et 6 du présent décret est nul de plein droit.

2.   Lorsque le contrat nul a été exécuté, en partie ou dans sa totalité, le travailleur se voit verser les sommes dues; des sommes éventuellement payées ne peuvent être réclamées. Le travailleur peut prétendre, à titre d’indemnité, au montant que devrait percevoir un travailleur équivalent employé pour une durée indéterminée, en cas de résiliation de son contrat. Lorsqu’il existe plus d’un contrat nul, la période prise en compte pour le calcul de l’indemnité est la durée totale de l’emploi fondé sur les contrats nuls. Les sommes versées par l’employeur au travailleur sont imputées au fautif.

3.   Est puni d’emprisonnement […] quiconque contrevient aux dispositions des articles 5 et 6 du présent décret. Lorsque le délit a été commis par négligence, le responsable est puni d’emprisonnement limité à un an. Cette infraction constitue par ailleurs une faute disciplinaire grave.»

21

L’article 11 du décret présidentiel 164/2004 contient les dispositions transitoires suivantes:

«1.   À condition d’avoir été conclus avant l’entrée en vigueur du présent décret et d’être encore applicables au moment de cette entrée en vigueur, les contrats successifs au sens de l’article 5, paragraphe 1, sont à partir de maintenant transformés en contrats de travail à durée indéterminée si les conditions cumulatives ci-après sont remplies:

a)

la durée totale des contrats successifs est égale à 24 mois au moins avant l’entrée en vigueur du présent décret, indépendamment du nombre de renouvellements, ou il existe 3 renouvellements au moins après le contrat initial au sens de l’article 5, paragraphe 1, [du présent décret] avec une durée totale d’emploi de 18 mois au moins dans une période de 24 mois à compter du contrat initial;

b)

la durée totale d’emploi visée sous a) doit avoir été accomplie auprès de la même institution, en la même qualité ou en une qualité analogue, et aux mêmes conditions que dans le contrat de travail initial, ou à des conditions analogues à celles inscrites dans le contrat initial; […]

c)

le contrat doit avoir pour objet des activités se rapportant directement et immédiatement à des besoins permanents et durables de l’institution en cause, tels que ces besoins sont définis par l’intérêt public dont cette institution a la charge;

d)

la durée totale d’emploi au sens ci-dessus doit avoir été accomplie en régime de temps complet ou de temps partiel et les tâches effectuées doivent avoir été identiques ou analogues à celles indiquées dans le contrat initial. […]

2.   Afin de voir constater que sont remplies les conditions du paragraphe précédent, le travailleur adresse à l’organisme compétent, dans un délai impératif de deux mois à compter de l’entrée en vigueur du présent décret, une demande énumérant les éléments attestant des conditions précitées. L’avis motivé, appréciant, dans chaque cas, si les conditions du paragraphe précédent sont remplies, appartient au conseil des promotions ou à l’organe équivalent et, à défaut, au conseil d’administration ou à l’organe de direction — ou à l’organe équivalent en vertu des dispositions en vigueur — de la personne morale concernée. S’agissant d’entreprises municipales ou communales, l’organe compétent est nécessairement le conseil municipal ou communal de la collectivité territoriale concernée, lequel statue sur proposition du conseil d’administration ou de l’organe de direction de l’entreprise. L’organe compétent susmentionné apprécie par ailleurs si les contrats d’ouvrage ou autres contrats et rapports dissimulent en fait un rapport de subordination. L’avis dudit organe compétent doit être rendu au plus tard cinq mois à compter de l’entrée en vigueur du présent décret.

3.   Les avis, positifs ou négatifs, rendus conformément au paragraphe 2 par les organes compétents sont immédiatement transmis au Conseil supérieur de sélection du personnel [Anotato Symvoulio Epilogis Prosopikou, ci-après, l’’ASEP’], lequel statue dans les trois mois à compter de leur réception.

4.   Sont soumis aux dispositions du présent article les travailleurs du secteur public […] ainsi que les travailleurs des entreprises municipales […].

5.   Sont également soumis aux dispositions du paragraphe 1 du présent article les contrats ayant expiré au cours des trois mois ayant précédé l’entrée en vigueur du présent décret; ces contrats sont réputés être des contrats successifs restés applicables jusqu’à l’entrée en vigueur du présent décret. La condition visée au paragraphe 1, sous a), du présent article doit être remplie à la date d’expiration du contrat.

[…]»

Les autres réglementations pertinentes concernant les contrats de travail à durée déterminée

— Les dispositions constitutionnelles

22

L’article 103 de la Constitution de la République hellénique est libellé comme suit:

«[…]

2.   Nul ne peut être nommé dans un emploi statutaire qui n’est pas prévu par la loi. Une loi spéciale peut prévoir le recrutement par exception de personnel à contrat de droit privé d’une durée déterminée, en vue de satisfaire des besoins imprévus et urgents.

[…]

8.   La loi définit les conditions et la durée des relations de travail de droit privé avec l’État et le secteur public au sens large, tel que celui-ci est défini dans chaque cas, afin de couvrir […] des besoins soit temporaires soit imprévus et urgents au sens du paragraphe 2, deuxième alinéa. La loi définit également les fonctions que le personnel visé à l’alinéa précédent peut exercer. Il est interdit de titulariser par voie législative du personnel relevant du premier alinéa ou de transformer les contrats en contrats à durée indéterminée. Les interdictions visées au présent paragraphe s’appliquent également aux personnes employées dans le cadre d’un contrat d’ouvrage.»

23

L’article 103, paragraphe 8, de la Constitution de la République hellénique est entré en vigueur le 7 avril 2001, à savoir après l’entrée en vigueur de la directive 1999/70, mais avant l’expiration tant du délai normal de transposition de cette directive, à savoir le 10 juillet 2001, que du délai supplémentaire prévu à l’article 2, deuxième alinéa, de ladite directive, à savoir le 10 juillet 2002.

— Les dispositions législatives

24

L’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 relative à la résiliation obligatoire du contrat de travail des employés du secteur privé (FEK B’ 11/18.3.1920) dispose:

«Les dispositions de la présente loi sont aussi applicables aux contrats de travail à durée déterminée, si cette durée n’est pas justifiée par la nature du contrat, mais a été intentionnellement fixée dans le but de contourner les dispositions de la présente loi qui sont relatives à la résiliation obligatoire du contrat de travail.»

25

Selon la décision de renvoi, il ressort de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, tel qu’interprété par la jurisprudence hellénique, qu’un contrat de travail à durée déterminée est considéré comme étant à durée indéterminée lorsque aucune raison objective ne justifie la limitation de sa durée, ce qui est le cas lorsqu’un tel contrat vise à satisfaire des besoins permanents et durables de l’employeur. Cette disposition s’appliquerait non seulement lorsque plusieurs contrats de travail à durée déterminée successifs ont été conclus, mais également lorsque est en cause un premier ou unique contrat de travail à durée déterminée.

26

Par ailleurs, il ressort du dossier devant la Cour que, par un arrêt 18/2006, l’Areios Pagos (Cour de cassation) a jugé que l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 constitue une «mesure légale équivalente» au sens de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre en ce qu’il permet la requalification avec effet rétroactif de contrats de travail à durée déterminée, tant dans le secteur privé que public, en contrats à durée indéterminée, et ce nonobstant l’interdiction prévue à l’article 103 de la Constitution de la République hellénique, de transformer par voie législative un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, cette interdiction n’empêchant pas de reconnaître la nature réelle d’un contrat. En revanche, par ses arrêts 19/2007 et 20/2007, rendus le 11 juin 2007, l’Areios Pagos a jugé que les contrats de travail à durée déterminée ne peuvent pas, compte tenu dudit article 103, être convertis en contrats à durée indéterminée, même s’ils couvrent des besoins permanents et durables.

27

L’article 21 de la loi 2190/1994 portant création d’une autorité indépendante chargée de sélectionner le personnel et de régler les questions administratives (FEK A’ 28/3.3.1994) dispose:

«1.   Les services publics et les personnes morales […] peuvent employer du personnel sur la base d’un contrat de travail de droit privé à durée déterminée pour faire face à des besoins saisonniers ou à d’autres besoins périodiques ou temporaires, dans les conditions et selon la procédure prévue ci-après.

2.   La durée d’emploi du personnel visé au paragraphe 1 ne peut excéder huit mois au cours d’une période totale de douze mois. Lorsque du personnel est recruté temporairement pour faire face, selon les dispositions en vigueur, à des besoins urgents, pour cause d’absences du personnel ou d’emplois vacants, la durée d’emploi ne peut excéder quatre mois pour la même personne. La prorogation d’un contrat ou la conclusion d’un contrat nouveau pendant la même année ainsi que la transformation en contrat à durée indéterminée sont nulles.»

28

L’article 6, paragraphe 1, de la loi 2527/1997 prévoit que la conclusion par des services et des personnes morales du secteur public de contrats d’ouvrage avec des personnes physiques suppose l’adoption préalable d’une décision ministérielle qui doit, notamment, indiquer que l’ouvrage ne relève pas des fonctions usuelles des agents de l’organisme intéressé ainsi que les raisons pour lesquelles l’ouvrage ne peut être réalisé par les agents de cet organisme. Selon cette disposition, tout contrat d’ouvrage couvrant des besoins permanents et durables de l’employeur est nul de plein droit et dans sa totalité.

29

L’article 1er de la loi 3250/2004 (FEK A’ 124/7.7.2004) dispose ce qui suit:

«1.   L’État, les collectivités territoriales du premier et du second degré ainsi que les personnes morales de droit public peuvent recruter du personnel à travers des contrats de droit privé à durée déterminée et à temps partiel, pour pourvoir à leurs besoins concernant la prestation au citoyen de services à caractère social.

2.   Les recrutements susmentionnés visent exclusivement à parer à des besoins de prestations supplémentaires de services aux citoyens; ils n’affectent pas la composition du personnel titulaire des entités visées au paragraphe précédent.

[…]»

30

L’article 2 de cette même loi dispose:

«1.   Il est procédé au recrutement au moyen d’un contrat de travail de droit privé à durée déterminée et à temps partiel, les personnes recrutées appartenant aux catégories sociales et satisfaisant aux critères de sélections visés à l’article 4.

2.   La durée dudit contrat ne peut excéder une période de dix-huit mois. Un nouveau contrat ne peut être conclu avec le même salarié qu’à la suite d’une période de quatre mois au moins après l’expiration du contrat précédent. Le temps de travail de chaque agent contractuel ne peut excéder vingt heures par semaine.»

31

Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de ladite loi:

«Sont considérés comme des services à caractère social ceux qui portent, notamment, sur les soins et l’assistance à domicile, le gardiennage des bâtiments scolaires, la sécurité routière des écoliers, l’intégration sociale des immigrés, les besoins urgents de protection civile, les manifestations culturelles, la réponse à des urgences environnementales, l’information du public, ainsi que sur des programmes à caractère social financés par l’Union européenne.»

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

Affaire C-378/07

32

Il ressort de la décision de renvoi dans cette affaire que, au cours de l’année 2005, chacune des requérantes au principal a conclu avec l’Organismos Nomarchiakis Autodioikisis Rethymnis, une collectivité territoriale relevant, selon le droit hellénique, du secteur public, un contrat de travail de droit privé d’une durée de 18 mois, qui était qualifié de contrat «à durée déterminée et à temps partiel» au sens de la loi 3250/2004. Aucun de ces contrats n’a été prorogé ou renouvelé au terme de sa durée de validité.

33

Estimant que l’activité exercée dans le cadre de ces contrats satisfaisait des besoins permanents et durables de leur employeur, ces requérantes ont, le 3 novembre 2006, saisi le Monomeles Protodikeio Rethymnis (tribunal de grande instance à juge unique de Rethymnon) en vue de faire qualifier ceux-ci de contrats de travail à durée indéterminée et d’obliger la collectivité territoriale défenderesse au principal à les employer en vertu de tels contrats.

34

Lesdites requérantes invoquent, à cet égard, l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 qui, interprété de manière conforme à la directive 1999/70, constituerait, ainsi que l’Areios Pagos l’aurait jugé dans son arrêt 18/2006, une «mesure légale équivalente» au sens de la clause 5 de l’accord-cadre. L’article 103, paragraphe 8, de la Constitution de la République hellénique ne s’y opposerait pas, dans la mesure où l’interdiction de transformer, dans le secteur public, des contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée ne s’appliquerait qu’aux contrats qui satisfont réellement un besoin provisoire, imprévu ou urgent de l’employeur.

35

Dans sa décision, la juridiction de renvoi se demande dès lors en substance si, en excluant de la protection contre les abus, prévue par le décret présidentiel 164/2004, les personnes ayant conclu un seul contrat de travail à durée déterminée, le législateur hellénique a effectué une transposition correcte de la directive 1999/70, dans la mesure où cette exclusion pourrait constituer, en violation de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre, une régression du niveau général de protection des travailleurs à durée déterminée, tel qu’il était défini par une «mesure légale équivalente» au sens de la clause 5, point 1, de cet accord, l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 s’appliquant tant aux premiers ou uniques contrats qu’aux contrats successifs.

36

Par ailleurs, à supposer même que cette dernière disposition puisse être appliquée au litige au principal, cette juridiction estime que se pose en outre la question de savoir, d’une part, si le droit national peut être appliqué de telle sorte que la conclusion d’un contrat de travail à durée déterminée est considérée comme reposant sur une raison objective lorsqu’elle a été effectuée en vertu d’une loi spécifique pour couvrir des besoins spéciaux, complémentaires, sociaux, urgents et provisoires alors que, en réalité, ceux-ci sont «permanents et durables». D’autre part, elle se demande si le pouvoir d’interprétation du juge national pourrait à cet égard être restreint par une norme constitutionnelle qui interdit de manière absolue, dans le secteur public, la transformation de contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée.

37

Dans ces conditions, le Monomeles Protodikeio Rethymnis a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

La clause 5 et la clause 8, paragraphes 1 et 3, de l’[accord-cadre], partie intégrante de la [directive 1999/70] doivent-elles être interprétées en ce sens que le droit communautaire interdit (aux fins de la mise en œuvre dudit accord-cadre) l’adoption par l’État membre de mesures, lorsque:

a)

avant l’entrée en vigueur de ladite directive, il existe déjà, dans l’ordre juridique interne, une mesure légale équivalente, au sens de la clause 5, paragraphe 1, de l’accord-cadre?

b)

les mesures adoptées pour mettre en œuvre l’accord-cadre entraînent une régression du niveau général de protection des travailleurs employés pour une durée déterminée?

2)

Dans l’hypothèse d’une réponse affirmative à la première question, dans les cas où il existe non pas plusieurs contrats successifs, mais un seul contrat de travail à durée déterminée ayant pour objet véritable d’employer le travailleur pour couvrir non pas des besoins provisoires, exceptionnels ou urgents de l’employeur, mais en réalité des besoins ‘permanents et durables’, la régression de la protection garantie est-elle liée à la mise en œuvre de l’accord-cadre et de ladite directive? Partant, une telle régression est-elle interdite ou autorisée au regard du droit communautaire?

3)

Dans l’hypothèse d’une réponse affirmative à la première question, dans la mesure où il existait avant l’entrée en vigueur de la [directive 1999/70] une mesure équivalente au sens de la clause 5, paragraphe 1, de l’accord-cadre, telle la disposition pertinente en l’espèce de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, l’adoption d’une mesure législative au motif de la mise en œuvre de l’accord-cadre — telle la disposition pertinente en l’espèce de l’article 11 du décret présidentiel 164/2004 — constitue-t-elle une régression inacceptable dans l’ordre juridique interne du niveau général de protection des travailleurs employés pour une durée déterminée, au sens de la clause 8, points 1 et 3, de l’accord-cadre:

a)

lorsque ladite mesure législative de mise en œuvre de l’accord-cadre n’est applicable qu’aux cas de nombreux contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs, à l’exclusion des cas de contractuels ayant conclu un seul contrat (et non plusieurs contrats successifs) à durée déterminée pour couvrir des besoins ‘permanents et durables’ de l’employeur, alors que la mesure légale préexistante portait sur tous les cas de contrats de travail à durée déterminée, y compris ceux où les travailleurs n’avaient conclu qu’un seul et unique contrat à durée déterminée, mais qui avait en fait pour objet de faire couvrir par les services du travailleur des besoins non pas provisoires, exceptionnels ou urgents, mais en réalité ‘permanents et durables’?

b)

lorsque ladite mesure législative de mise en œuvre de l’accord-cadre prévoit, comme effet juridique destiné à protéger les travailleurs employés pour une durée déterminée et à prévenir les abus, au sens de l’accord-cadre, la requalification ex nunc des contrats de travail à durée déterminée en contrats de travail à durée indéterminée, alors même que la mesure légale préexistante prévoyait la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrats de travail à durée indéterminée à compter de la date initiale de leur conclusion (ex tunc)?

4)

Dans l’hypothèse d’une réponse affirmative à la première question, dans la mesure où il existait avant l’entrée en vigueur de la [directive 1999/70] une mesure équivalente au sens de la clause 5, paragraphe 1, de l’accord-cadre, telle la disposition pertinente en l’espèce de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, d’une part, le choix du législateur grec d’exclure de la protection du décret présidentiel 164/2004 susmentionné les cas d’abus dans lesquels le travailleur a conclu un seul et unique contrat de travail à durée déterminée, lequel vise cependant en réalité à couvrir des besoins non pas provisoires, exceptionnels ou urgents, mais en réalité ‘permanents et durables’, et, d’autre part, le fait que le législateur grec ait omis d’adopter une mesure analogue, spécifique à un tel cas et efficace — produisant des effets juridiques protégeant les travailleurs dans un tel cas d’abus et allant au-delà de la protection généralement prévue, en cas d’emploi dans le cadre d’un contrat nul, par le droit commun du travail de l’ordre juridique grec (sans qu’il soit tenu compte de l’abus au sens de l’accord-cadre) en vertu duquel le travailleur peut exiger le versement de ses traitements ainsi qu’une indemnité de licenciement, que le contrat ait été valide ou non — constituent-t-ils une régression inacceptable dans l’ordre juridique interne du niveau général de protection des travailleurs employés pour une durée déterminée, au sens de la clause 8, points 1 et 3, de l’accord-cadre, compte tenu du fait:

a)

que l’obligation de verser le salaire et l’indemnité, prévue par le droit national pour tout type de relation de travail, ne vise pas spécialement à prévenir l’abus au sens de l’accord-cadre, et

b)

que la mise en œuvre de la mesure légale équivalente préexistante a pour effet juridique la requalification de l’unique contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée?

5)

Dans l’hypothèse d’une réponse affirmative aux questions précédentes, lorsqu’il interprète son droit national à la lumière de la [directive 1999/70], le juge national doit-il écarter les dispositions incompatibles avec celle-ci qui ont été adoptées au motif de la mise en œuvre de l’accord-cadre, mais qui conduisent à une régression du niveau général de protection en droit interne des travailleurs employés pour une durée déterminée — telles les dispositions du décret présidentiel 164/2004, lesquelles excluent, tacitement mais clairement, de leur protection les cas d’abus dans lesquels les travailleurs n’ont conclu qu’un seul et unique contrat à durée déterminée, mais qui avait en fait pour objet de faire couvrir par les services du travailleur des besoins non pas provisoires, exceptionnels ou urgents, mais en réalité ‘permanents et durables’ — et doit-il appliquer au lieu de celles-ci les dispositions de la mesure légale équivalente nationale qui existait avant l’entrée en vigueur de ladite directive, telles les dispositions de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920?

6)

Lorsque le juge national juge applicable — en principe — à un litige sur un emploi à durée déterminée, une disposition (en l’espèce, l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920) constituant une mesure légale équivalente au sens de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre et en vertu de laquelle la constatation qu’un contrat de travail, même unique, a été conclu pour une durée déterminée sans qu’une raison objective tenant à la nature ou aux caractéristiques du contrat ou de l’activité ne le justifie, implique la requalification de ce contrat en contrat à durée indéterminée:

a)

une interprétation et mise en œuvre du droit national par le juge national en vertu de laquelle le fait que la conclusion des relations de travail à durée déterminée dans le secteur public a été fondée juridiquement sur une loi relative à l’emploi à durée déterminée pour couvrir des besoins sociaux spéciaux, complémentaires, urgents ou provisoires (en l’espèce, sur la loi 3250/2004), même lorsque ces besoins sont en réalité permanents et durables, constitue en tout état de cause une raison objective justifiant la conclusion de contrats à durée déterminée, est-elle compatible avec le droit communautaire?

b)

le droit communautaire s’oppose-t-il à une interprétation et mise en œuvre du droit national par le juge national en vertu de laquelle une disposition interdisant la transformation de contrats de travail à durée déterminée conclus dans le secteur public en contrats de travail à durée indéterminée doit être interprétée en ce sens que, dans le secteur public, la transformation d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est totalement interdite, même lorsque ce contrat a été abusivement conclu pour une durée déterminée (à savoir lorsque les besoins satisfaits étaient en réalité permanents et durables), et que, dans un tel cas, le juge national ne peut plus apprécier la nature réelle de la relation de travail litigieuse pour procéder à sa qualification correcte de contrat à durée indéterminée? Ou bien l’interdiction susmentionnée doit-elle se limiter aux seuls contrats à durée déterminée qui ont réellement été conclus pour couvrir des besoins provisoires, imprévus, urgents, exceptionnels ou similaires, à l’exception des contrats conclus pour couvrir des besoins qui sont en fait permanents et durables?»

Affaire C-379/07

38

Il ressort du dossier déposé devant la Cour que la requérante au principal dans cette affaire a conclu avec le Dimos Geropotamou, une collectivité territoriale relevant, selon le droit hellénique, du secteur public, trois contrats à durée déterminée successifs qui étaient qualifiés de «contrats d’ouvrage» au sens de l’article 6 de la loi 2527/1997. Ces contrats ont couru, respectivement, du 1er décembre 2003 au 30 novembre 2004, du 1er décembre 2004 au 30 novembre 2005 et du 5 décembre 2005 au 4 décembre 2006.

39

Estimant que l’activité exercée dans le cadre de ces contrats satisfaisait en fait des besoins permanents et durables de son employeur, cette requérante a, le 10 novembre 2006, saisi le Monomeles Protodikeio Rethymnis, en vue de faire qualifier ces contrats de contrats de travail à durée indéterminée et d’obliger le Dimos Geropotamou à l’employer en vertu de tels contrats.

40

Ladite requérante faisant valoir les mêmes arguments que ceux avancés par les requérantes au principal dans l’affaire C-378/07, exposés au point 34 du présent arrêt, la juridiction de renvoi se demande, dans sa décision, si le décret présidentiel 164/2004 ne constitue pas également une régression du niveau général de protection des travailleurs à durée déterminée, tel qu’il était défini par l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, pour les motifs suivants:

d’une part, s’agissant de l’article 11 du décret présidentiel 164/2004, qui permet, au titre de disposition transitoire, la transformation des contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, son champ d’application rationae temporis est restreint uniquement à certains contrats existants ou expirés, ses conditions d’application cumulatives sont plus strictes quant à la durée de la période séparant deux contrats et quant à la durée totale minimale des contrats et, enfin, ladite transformation a lieu sans effet rétroactif, et

d’autre part, s’agissant de l’article 7 du décret présidentiel 164/2004, qui prévoit, au titre de disposition permanente, le paiement du salaire et d’une indemnité de licenciement, il institue des sanctions identiques à celles prévues par le droit commun du travail en dehors de tout abus sans permettre la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée.

41

Par ailleurs, à supposer même que l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 puisse être appliqué au litige au principal, cette juridiction soumet les mêmes interrogations que celles soulevées dans l’affaire C-378/07, exposées au point 36 du présent arrêt, concernant la notion de «raison objective» et l’incidence sur les pouvoirs du juge national de l’interdiction absolue de transformer, dans le secteur public, des contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée.

42

Dans ces conditions, le Monomeles Protodikeio Rethymnis a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

La clause 5 et la clause 8, paragraphes 1 et 3, de l’[accord-cadre], partie intégrante de la [directive 1999/70] doivent-elles être interprétées en ce sens que le droit communautaire interdit (aux fins de la mise en œuvre dudit accord-cadre) l’adoption par l’État membre de mesures, lorsque:

a)

avant l’entrée en vigueur de la directive, il existe déjà, dans l’ordre juridique interne, une mesure légale équivalente, au sens de la clause 5, paragraphe 1, de l’accord-cadre?

b)

les mesures adoptées pour mettre en œuvre l’accord-cadre entraînent une régression du niveau général de protection des travailleurs employés pour une durée déterminée?

2)

Dans l’hypothèse d’une réponse affirmative à la première question, dans la mesure où il existait en droit interne, avant l’entrée en vigueur de la [directive 1999/70], une mesure équivalente au sens de la clause 5, paragraphe 1, de l’accord-cadre, telle la disposition pertinente en l’espèce de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, l’adoption d’une mesure législative au motif de la mise en œuvre de l’accord-cadre — telle la disposition pertinente en l’espèce de l’article 11 du décret présidentiel 164/2004 — constitue-t-elle une régression inacceptable dans l’ordre juridique interne du niveau général de protection des travailleurs employés pour une durée déterminée, au sens de la clause 8, points 1 et 3, de l’accord-cadre:

a)

lorsque ladite mesure législative de mise en œuvre de l’accord-cadre est adoptée après l’expiration du délai de transposition de la [directive 1999/70], mais ne s’applique rationae temporis qu’aux contrats et relations de travail à durée déterminée qui étaient valides avant l’entrée en vigueur de la mesure ou qui ont expiré dans une période déterminée précédant l’entrée en vigueur de la mesure, mais après la date limite de transposition de ladite directive, alors que l’application de la mesure légale équivalente préexistante n’est pas limitée dans le temps et porte sur tous les contrats de travail à durée déterminée conclus, valides ou expirés lors de l’entrée en vigueur de cette directive et à l’expiration de son délai de transposition?

b)

lorsque n’entrent dans le champ d’application de ladite mesure législative que les contrats ou relations de travail à durée déterminée qui, pour être considérés comme successifs, doivent cumulativement: i) ne pas être séparés par des intervalles excédant trois mois et ii) avoir eu une durée totale d’au moins vingt-quatre mois avant l’entrée en vigueur de ladite mesure, indépendamment du nombre de renouvellements, ou avoir eu avant l’entrée en vigueur de ladite mesure une durée d’au moins dix-huit mois sur un total de vingt-quatre à condition qu’il y ait eu trois renouvellements, outre le contrat initial, alors même que la mesure légale équivalente préexistante ne pose pas de telles conditions, mais s’applique à tous les contrats de travail (successifs) à durée déterminée, indépendamment de la durée minimale d’emploi et du nombre minimal de renouvellements?

c)

lorsque ladite mesure législative mettant en œuvre l’accord-cadre produit, pour protéger les travailleurs employés à temps partiel et pour prévenir l’abus au sens de l’accord-cadre, la conséquence juridique que les contrats de travail à durée déterminée sont requalifiés comme contrats à durée indéterminée ex nunc, tandis que la mesure légale équivalente préexistante prévoit que cette requalification se fait rétroactivement (ex tunc)?

3)

Dans l’hypothèse d’une réponse affirmative à la première question, dans la mesure où il existait avant l’entrée en vigueur de la [directive 1999/70] une mesure équivalente au sens de la clause 5, paragraphe 1, de l’accord-cadre, telle la disposition pertinente en l’espèce de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, l’adoption d’une mesure législative au motif de la mise en œuvre de l’accord-cadre telle la disposition pertinente en l’espèce de l’article 7 du décret présidentiel 164/2004 — prévoyant comme seule protection contre l’abus des travailleurs employés pour une durée déterminée l’obligation de l’employeur de verser les salaires et une indemnité de licenciement, en cas d’emploi abusif au moyen de contrats de travail à durée déterminée successifs —constitue-t-elle une régression inacceptable dans l’ordre juridique interne du niveau général de protection des travailleurs employés pour une durée déterminée, au sens de la clause 8, points 1 et 3, de l’accord-cadre, compte tenu du fait:

a)

que l’obligation de l’employeur de verser les salaires et une indemnité de licenciement est prévue par le droit national pour tous les cas de relation de travail et n’est pas spécifiquement destinée à prévenir l’abus au sens de l’accord cadre; et

b)

que l’application de la mesure légale équivalente préexistante a pour conséquence juridique la requalification des contrats de travail successifs à durée déterminée en contrats à durée indéterminée?

4)

Dans l’hypothèse d’une réponse affirmative aux questions précédentes, lorsqu’il interprète son droit national à la lumière de la [directive 1999/70], le juge national doit-il écarter les dispositions incompatibles avec celle-ci qui ont été adoptées au motif de la mise en œuvre de l’accord-cadre, mais qui conduisent à une régression du niveau général de protection en droit interne des travailleurs employés pour une durée déterminée — telles les dispositions des articles 7 et 11 du décret présidentiel 164/2004, et doit-il appliquer au lieu de celles-ci les dispositions de la mesure légale équivalente nationale qui existait avant l’entrée en vigueur de ladite directive, telles les dispositions de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920?

5)

Lorsque le juge national juge applicable — en principe — à un litige sur un emploi à durée déterminée, une disposition (en l’espèce, l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920) constituant une mesure légale équivalente au sens de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre et en vertu de laquelle la constatation que des contrats de travail ont été conclus pour une durée déterminée sans qu’une raison objective tenant à la nature ou aux caractéristiques du contrat ou de l’activité ne le justifie, implique la requalification de ce contrat en contrat à durée indéterminée:

a)

une interprétation et mise en œuvre du droit national par le juge national en vertu de laquelle le fait que la conclusion des relations de travail à durée déterminée dans le secteur public a été fondée juridiquement sur une loi relative à l’emploi à durée déterminée pour couvrir des besoins sociaux spéciaux, complémentaires, urgents ou provisoires, même lorsque ces besoins sont en réalité ‘permanents et durables’, constitue en tout état de cause une raison objective justifiant la conclusion de contrats à durée déterminée, est-elle compatible avec le droit communautaire?

b)

le droit communautaire s’oppose-t-il à une interprétation et mise en œuvre du droit national par le juge national en vertu de laquelle une disposition interdisant la transformation de contrats de travail à durée déterminée conclus dans le secteur public en contrats de travail à durée indéterminée doit être interprétée en ce sens que, dans le secteur public, la transformation d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est totalement interdite, même lorsque ce contrat a été abusivement conclu pour une durée déterminée (à savoir lorsque les besoins satisfaits étaient en réalité permanents et durables), et que, dans un tel cas, le juge national ne peut plus apprécier la nature réelle de la relation de travail litigieuse pour procéder à sa qualification correcte de contrat à durée indéterminée? Ou bien l’interdiction susmentionnée doit-elle se limiter aux seuls contrats à durée déterminée qui ont réellement été conclus pour couvrir des besoins provisoires, imprévus, urgents, exceptionnels ou similaires, à l’exception des contrats conclus pour couvrir des besoins qui sont en fait permanents et durables?»

Affaire C-380/07

43

Il ressort du dossier déposé devant la Cour que les requérantes au principal dans cette affaire ont conclu avec le Dimos Geropotamou, ainsi qu’avec la personne morale de droit privé intitulée «O Geropotamos», une entreprise municipale, trois contrats à durée déterminée successifs, dont le premier, qualifié de «contrat de travail» au sens de la loi 2190/1994, a couru du 1er juillet 2004 au 1er décembre 2004 et les deux suivants, qualifiés de «contrats d’ouvrage» au sens de l’article 6 de la loi 2527/1997, ont couru, respectivement, du 29 décembre 2004 au 28 décembre 2005 et du 30 décembre 2005 au 29 décembre 2006.

44

Ayant été saisi, le 10 novembre 2006, d’un litige en substance identique à celui en cause dans l’affaire C-379/07, le Monomeles Protodikeio Rethymnis a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les mêmes questions préjudicielles que celles posées dans cette dernière affaire.

45

Par ordonnance du 12 novembre 2007, le président de la Cour a décidé de joindre ces trois affaires aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité

46

Hormis les requérantes au principal, l’ensemble des parties ayant déposé des observations écrites devant la Cour a contesté, sinon mis en doute, à divers titres le caractère pertinent des questions posées et, partant, leur recevabilité.

47

En premier lieu, le gouvernement hellénique estime que l’interprétation sollicitée des clauses 5, point 1, et 8, point 3, de l’accord-cadre est sans lien avec les litiges au principal. La juridiction de renvoi aurait en effet considéré à tort et, partant, de manière hypothétique que l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 constituait un cadre législatif alternatif de mise en œuvre dudit accord-cadre. Or, cette loi, compte tenu, notamment, des interdictions édictées par les articles 103, paragraphe 8, de la Constitution de la République hellénique et 21 de la loi 2190/1994, ne s’appliquerait pas au secteur public, ce que soulignent aussi avec force les défenderesses au principal. Cette interprétation de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 aurait d’ailleurs été confirmée par les arrêts 19/2007 et 20/2007 de l’Areios Pagos. Par ailleurs, sans remettre explicitement en cause la recevabilité des questions posées, les défenderesses au principal et la Commission contestent également, selon le cas, que cette disposition était encore en vigueur lors de l’expiration du délai de transposition de la directive 1999/70 et qu’elle permettait la requalification des contrats en cause en contrats de travail à durée indéterminée.

48

À cet égard, il convient de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, sur l’interprétation des dispositions nationales et de juger si l’interprétation qu’en donne la juridiction de renvoi est correcte. En effet, il incombe à la Cour de prendre en compte, dans le cadre de la répartition des compétences entre les juridictions communautaires et nationales, le contexte factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions préjudicielles, tel que défini par la décision de renvoi (voir arrêts du 29 avril 2004, Orfanopoulos et Oliveri, C-482/01 et C-493/01, Rec. p. I-5257, point 42; du 14 février 2008, Dynamic Medien, C-244/06, Rec. p. I-505, point 19, et du 4 décembre 2008, Jobra, C-330/07, Rec. p. I-9099, point 17; voir, également, en ce sens, ordonnance du 12 juin 2008, Vassilakis e.a., C-364/07, points 134 et 143).

49

Or, la juridiction de renvoi se demande en substance, dans le cadre des litiges au principal, si la transposition de la directive 1999/70 par le décret présidentiel 164/2004, en ce qu’elle exclut de son champ d’application les travailleurs ayant conclu un premier ou unique contrat de travail à durée déterminée et ne permet pas la requalification, dans le secteur public, des contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée ou soumet celle-ci à des conditions restrictives, constitue une «régression» au sens de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre, par rapport à la protection découlant de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920. À cette fin, elle considère explicitement, en s’appuyant sur la jurisprudence nationale, que cette dernière disposition s’applique au secteur public et, pour ce faire, elle se fonde en outre sur la prémisse selon laquelle ladite disposition, d’une part, était en vigueur lors du délai de transposition de la directive 1999/70 et, d’autre part, permettait une telle requalification.

50

Par ailleurs, l’existence d’une telle régression ne peut s’envisager que si, comme la Commission le relève et ainsi que la juridiction de renvoi le suppose, ledit article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, bien que encore en vigueur, n’est pas, dans des situations telles que celles en cause au principal, applicable en parallèle avec la réglementation nationale ayant transposé l’accord-cadre, que ce soit en raison, par exemple, du fait même de l’adoption de cette réglementation postérieure, de la modification de l’article 103, paragraphe 8, de la Constitution de la République hellénique ou du revirement de jurisprudence effectué par l’Areios Pagos dans ses arrêts 19/2007 et 20/2007 concernant l’interprétation dudit article 8, paragraphe 3.

51

Il convient dès lors de conclure que, quel que soit le désaccord entre les parties au principal concernant l’interprétation du droit national et les critiques émises à l’encontre de celle qui est retenue par la juridiction de renvoi, l’examen des présentes questions doit être effectué au regard de l’interprétation du droit national effectuée par cette dernière juridiction. L’exception d’irrecevabilité soulevée par le gouvernement hellénique sur ce point doit donc être rejetée.

52

En deuxième lieu, la Commission soutient que les troisième à sixième questions posées dans l’affaire C-378/07 sont dépourvues d’objet. En effet, il résulterait de l’arrêt du 22 novembre 2005, Mangold (C-144/04, Rec. p. I-9981, points 41 à 43), ce que font également valoir les gouvernements hellénique et italien, que la clause 5, point 1, de l’accord-cadre tend uniquement à prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs et ne s’appliquerait donc pas lorsque le contrat en cause est le premier ou unique contrat de travail conclu entre les parties.

53

Cette objection ne saurait être retenue.

54

En effet, les questions susmentionnées, qui concernent non pas la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, mais la clause 8, point 3, de celui-ci, visent à déterminer en substance si la transposition de la directive 1999/70 par le décret présidentiel 164/2004 constitue une «régression» au sens de cette dernière clause, en ce qui concerne le niveau de protection accordé par l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 aux travailleurs ayant conclu un seul contrat de travail à durée déterminée et, dans l’affirmative, à préciser les conséquences qui en résultent pour les litiges au principal.

55

Or, ces questions ne sont en rien dépourvues d’objet, mais elles soulèvent, en particulier, le point de savoir si, comme le soutiennent les gouvernements hellénique et italien ainsi que la Commission, la clause 8, point 3, de l’accord-cadre est inapplicable lorsqu’un seul contrat de travail à durée déterminée a été conclu.

56

Il y a d’ailleurs lieu de relever à cet égard que, dans l’arrêt Mangold, précité, la Cour, après avoir jugé, aux points 42 et 43 de cet arrêt, que l’interprétation de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre était dénuée de pertinence pour la solution du litige dont était saisie la juridiction de renvoi dans cette affaire dès lors que celui-ci concernait un premier et unique contrat de travail à durée déterminée, a répondu, aux points 44 à 54 dudit arrêt, à la question supplémentaire qui lui était soumise par cette juridiction dans le contexte de ce même litige concernant l’interprétation de la clause 8, point 3, de cet accord.

57

Dans ces conditions, dès lors que les troisième à sixième questions de l’affaire C-378/07 portent sur l’interprétation du droit communautaire et que celle-ci n’apparaît pas de manière manifeste sans rapport avec la réalité ou l’objet des litiges dont est saisie la juridiction de renvoi, lesquels ne sont à l’évidence pas de nature hypothétique, la Cour est tenue, selon une jurisprudence constante, de répondre à ces questions (voir, en ce sens, notamment, arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C-212/04, Rec. p. I-6057, points 41 et 42, et du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administración del Estado, C-238/05, Rec. p. I-11125, points 15 à 17, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 42 à 44).

58

En troisième lieu, le gouvernement italien soutient que la deuxième question préjudicielle posée dans les affaires C-379/07 et C-380/07 est irrecevable, dès lors que les dispositions transitoires prévues à l’article 11 du décret présidentiel 164/2004, qui font l’objet de cette question, ne s’appliquent pas aux contrats en cause au principal, ceux-ci relevant, au contraire, du régime général institué aux articles 5 à 7 dudit décret. Cette question n’aurait donc aucun lien avec les litiges au principal.

59

Cette objection ne saurait non plus être retenue. En effet, dès lors qu’il ressort des décisions de renvoi que, lors de l’entrée en vigueur du décret présidentiel 164/2004, à savoir le 19 juillet 2004, les contrats à durée déterminée en cause au principal dans ces affaires étaient encore en cours, lesdits contrats étaient susceptibles de relever du champ d’application de l’article 11 dudit décret.

60

Certes, il ressort des décisions de renvoi dans ces affaires que les requérantes au principal ne remplissaient pas les conditions édictées par cette disposition pour que leurs contrats puissent être requalifiés en contrats de travail à durée indéterminée.

61

Cependant, par sa deuxième question dans lesdites affaires, la juridiction de renvoi vise précisément à déterminer si ces conditions, qui ont entraîné l’exclusion desdits contrats du régime transitoire institué par l’article 11 du décret 164/2004, constituent une «régression» au sens de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre, de sorte que les requérantes au principal dans ces affaires pourraient tirer des dispositions dudit accord-cadre le droit d’obtenir la requalification de ces contrats en contrats à durée indéterminée, telle qu’elle était prévue, selon elles, par une «mesure légale équivalente», au sens de la clause 5, point 1, de cet accord, à savoir l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920.

62

En conséquence, et compte tenu de la jurisprudence citée au point 57 du présent arrêt, il ne saurait être considéré qu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit communautaire à la deuxième question dans les affaires C-379/07 et C-380/07 n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet des litiges dont est saisie la juridiction de renvoi, lesquels ne sont, à l’évidence, pas de nature hypothétique.

63

Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de considérer que les questions posées sont recevables.

Sur le fond

64

Par un premier groupe de questions, la juridiction de renvoi vise en substance à interpréter les clauses 5, point 1, et 8, point 3, de l’accord-cadre, en vue d’apprécier si ces dispositions s’opposent à la réglementation nationale en cause au principal, et notamment au décret présidentiel 164/2004 adopté spécifiquement en vue de transposer cet accord-cadre dans le secteur public. À cette fin, cette juridiction soulève des interrogations sur les points suivants:

en premier lieu, en ce qui concerne les mesures préventives de l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs visées à la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, sur la marge de manœuvre dont jouissent les États membres pour transposer cette clause lorsqu’il existe déjà en droit interne une «mesure légale équivalente» au sens de ladite clause (premières questions dans les affaires C-378/07 à C-380/07) et sur la notion de «raisons objectives» au sens de celle-ci [sixième question, sous a), dans l’affaire C-378/07 et cinquième question, sous a), dans les affaires C-379/07 et C-380/07];

en deuxième lieu, en ce qui concerne la notion de «régression» au sens de la clause 8, point 3, dudit accord, si ladite clause s’applique aux travailleurs ayant conclu un premier ou unique contrat de travail à durée déterminée (deuxième question dans l’affaire C-378/07) et s’oppose aux modifications apportées par la réglementation nationale de transposition par rapport au droit interne préexistant (troisième et quatrième questions dans l’affaire C-378/07, ainsi que deuxième et troisième questions dans les affaires C-379/07 et C-380/07), et

en troisième lieu, en ce qui concerne les sanctions en cas d’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée, si l’accord-cadre s’oppose à l’interdiction absolue, dans le secteur public, de transformer ces contrats en contrats à durée indéterminée [sixième question, sous b), dans l’affaire C-378/07 et cinquième question, sous b), dans les affaires C-379/07 et C-380/07].

65

Par ailleurs, par ses dernières questions, le juge de renvoi vise à préciser les conséquences qui découleraient, pour les juridictions nationales, d’une incompatibilité du décret présidentiel 164/2004 par rapport aux dispositions de l’accord-cadre (cinquième question dans l’affaire C-378/07 ainsi que quatrième question dans les affaires C-379/07 et C-380/07).

66

Il convient, dès lors, de répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi dans l’ordre ainsi défini aux points 64 et 65, tout en précisant d’emblée que, pour autant que cette juridiction demande à la Cour de se prononcer sur la compatibilité du décret présidentiel 164/2004 avec l’accord-cadre, il n’appartient pas à celle-ci, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 234 CE, de se prononcer sur la compatibilité de dispositions nationales avec le droit communautaire, la Cour étant toutefois compétente pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation relevant de ce droit qui peuvent lui permettre d’apprécier cette compatibilité pour le jugement des affaires dont elle est saisie (voir, notamment, arrêt du 5 juillet 2007, Fendt Italiana, C-145/06 et C-146/06, Rec. p. I-5869, point 30).

Sur les mesures préventives de l’abus au sens de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre

— Sur la marge de manœuvre des États membres lorsqu’il existe en droit interne une «mesure légale équivalente»

67

Par ses questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la clause 5, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à l’adoption, par un État membre, d’une réglementation nationale, telle que le décret présidentiel 164/2004, qui, en vue de transposer spécifiquement la directive 1999/70 afin d’appliquer ses dispositions dans le secteur public, prévoit la mise en œuvre des mesures préventives de l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs énumérées au point 1, sous a) à c), de cette clause, lorsqu’il existe déjà en droit interne une «mesure légale équivalente» au sens de ladite clause, telle que l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920.

68

En vue de répondre à cette question, qui vise à déterminer la marge de manœuvre dont disposent les États membres pour transposer la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, il convient, tout d’abord, de préciser la portée de la notion de «mesure légale équivalente» au sens de cette clause.

69

Tant le gouvernement hellénique que la Commission font valoir que l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 ne constitue pas une telle mesure dès lors que son objet est différent de celui de ladite clause. En effet, cette loi, qui concerne la résiliation des contrats de travail à durée indéterminée, ne comporterait pas de dispositions visant à prévenir la conclusion abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs, mais permettrait uniquement de reconnaître la nature d’un contrat en tant que contrat à durée indéterminée dans le cadre de la résiliation de celui-ci. En tout état de cause, selon le gouvernement hellénique, la possibilité de requalifier un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée n’aurait aucun effet dissuasif sur la conclusion de contrats successifs dans le secteur public, dès lors que les conséquences financières d’une telle requalification seraient assumées par l’ensemble de la collectivité et non pas nécessairement, contrairement à la situation dans le secteur privé, par l’employeur concerné.

70

À cet égard, il importe de souligner que, s’il appartient, ainsi qu’il a été rappelé aux points 48 à 51 du présent arrêt, à la juridiction de renvoi d’interpréter le droit national, à savoir, en l’occurrence, l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 et que, partant, pour répondre aux questions posées, il convient d’admettre que cette disposition, ainsi que ladite juridiction l’a constaté, permet la requalification dans le secteur public de contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, il n’en demeure pas moins que la notion de «mesure légale équivalente» au sens de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre constitue, quant à elle, une notion de droit communautaire qui doit recevoir une interprétation uniforme dans chaque État membre.

71

Il est certes exact à cet égard, ainsi qu’il ressort du point 10 de ses considérations générales, que l’accord-cadre laisse aux États membres ainsi qu’aux partenaires sociaux le soin de définir les modalités détaillées d’application des principes et des prescriptions qu’il énonce, aux fins de garantir leur conformité avec le droit et/ou les pratiques nationales et d’assurer que soient dûment prises en compte les particularités des situations concrètes (arrêt Adeneler e.a., précité, point 68, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 87).

72

Toutefois, à moins que, conformément au dix-septième considérant de la directive 1999/70, l’accord-cadre ne renvoie à cet égard aux États membres, la teneur desdits principes et prescriptions ne saurait varier selon le droit national de ceux-ci dès lors que, selon le quatorzième considérant de ladite directive et le préambule dudit accord-cadre, celui-ci a pour objet d’établir à l’échelle communautaire un cadre général pour l’utilisation des contrats de travail à durée déterminée.

73

En l’occurrence, la notion de «mesure légale équivalente» n’étant pas définie par l’accord-cadre, il convient de relever, en l’absence de renvoi au droit des États membres, que la clause 5, point 1, dudit accord a pour objet de mettre en œuvre l’un des objectifs poursuivis par cet accord, à savoir encadrer le recours successif aux contrats ou relations de travail à durée déterminée, considéré comme une source potentielle d’abus au détriment des travailleurs, en prévoyant un certain nombre de dispositions protectrices minimales destinées à éviter la précarisation de la situation des salariés (voir arrêt Adeneler e.a., précité, point 63, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 84).

74

Ainsi, la clause 5, point 1, de l’accord-cadre impose aux États membres, dans le but de «prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs», d’adopter l’une ou plusieurs des mesures qu’elle énumère, lorsque leur droit interne ne comporte pas de «mesures légales équivalentes» visant à prévenir de tels abus. Les mesures ainsi énumérées au point 1, sous a) à c), de ladite clause, au nombre de trois, ont trait, respectivement, à des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail, à la durée maximale totale de ces contrats ou relations de travail successifs et au nombre de renouvellements de ceux-ci (voir arrêt du 15 avril 2008, Impact, C-268/06, Rec. p. I-2483, point 69, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 80).

75

Il ressort sans équivoque des termes mêmes de ladite clause que les différentes mesures envisagées par celle-ci sont conçues comme «équivalentes» (arrêt Impact, précité, point 76).

76

En conséquence, il apparaît que, par l’expression «mesures légales équivalentes», la clause 5, point 1, de l’accord-cadre a vocation à viser toute mesure de droit national qui, à l’instar des mesures édictées par ladite clause, a pour objet de prévenir de manière effective l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs (voir, en ce sens, arrêt Adeneler e.a., précité, point 65).

77

Ainsi que Mme l’avocat général l’a observé aux points 53 et 54 de ses conclusions, il est sans pertinence à cet égard que la mesure de droit national en cause au principal, comme, en l’occurrence, l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, ne prévoie pas les mesures particulières énoncées à la clause 5, point 1, sous a) à c), de l’accord-cadre ou qu’elle n’ait pas spécifiquement été adoptée en vue de protéger les travailleurs contre les abus en matière de contrats de travail à durée déterminée successifs ou encore que son champ d’application ne soit pas limité à ces seuls contrats. En effet, dès lors que cet article est susceptible, en combinaison, le cas échéant, avec d’autres dispositions de droit interne, de contribuer également à une prévention effective du recours abusif aux contrats de travail à durée déterminée successifs, elle doit être considérée comme équivalente aux mesures énumérées à la clause 5, point 1, sous a) à c), de l’accord-cadre.

78

Dans les affaires au principal, il appartient dès lors à la juridiction de renvoi d’examiner dans quelle mesure la possibilité, prévue selon elle à l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, de requalifier, dans le secteur public, un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée lorsqu’il couvre, en réalité, des besoins permanents et durables de l’employeur est de nature à contribuer à une telle prévention effective de l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs. Dans l’hypothèse où ladite juridiction parviendrait à la conclusion que cette disposition comporte un tel effet, cette disposition devrait être considérée comme une «mesure légale équivalente» au sens de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre.

79

S’agissant ensuite du point de savoir si, dans un tel cas, l’existence d’une «mesure légale équivalente» au sens de cette clause fait obstacle à l’adoption par l’État membre concerné d’une réglementation nationale qui, tel le décret présidentiel 164/2004, prévoit à ses articles 5 à 7 et 11, en vue de transposer la directive 1999/70, des mesures spécifiques tendant à prévenir l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, il convient de rappeler que, en prescrivant l’adoption effective et contraignante de l’une au moins des mesures qu’elle énumère et qui visent à prévenir l’utilisation abusive de contrats de travail à durée limitée successifs dès lors que le droit national ne comporte pas déjà des mesures légales équivalentes, la clause 5, point 1, de l’accord-cadre assigne aux États membres un objectif général, consistant en la prévention de tels abus, tout en leur laissant le choix des moyens pour y parvenir (arrêt Impact, précité, point 70 et jurisprudence citée).

80

Il s’ensuit que les États membres bénéficient, en vertu de cette disposition, d’une marge d’appréciation pour atteindre cet objectif, à la condition cependant qu’ils garantissent le résultat imposé par le droit communautaire, ainsi que cela résulte non seulement de l’article 249, troisième alinéa, CE, mais également de l’article 2, premier alinéa, de la directive 1999/70, lu à la lumière du dix-septième considérant de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt Adeneler e.a., précité, point 68, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 87).

81

Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, il relève dès lors du pouvoir d’appréciation dont jouissent les États membres en vertu de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, de recourir, en vue d’assurer la prévention effective de l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, à une ou plusieurs des mesures énoncées dans cette clause, ou encore à des mesures légales existantes équivalentes, et ce tout en tenant compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs (voir arrêt Impact, précité, point 71).

82

Partant, si, en l’absence de mesure légale équivalente dans son droit interne, un État membre doit nécessairement, pour atteindre cet objectif, adopter l’une ou plusieurs des mesures préventives énumérées à la clause 5, point 1, sous a) à c), de l’accord-cadre, afin de transposer correctement la directive 1999/70 (voir, en ce sens, arrêts précités Adeneler e.a., point 65, et Impact, points 69 et 70, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 80), l’existence d’une telle mesure légale équivalente ne saurait, en revanche, sous peine d’empêcher toute évolution de la réglementation nationale existante, priver cet État de la possibilité d’adopter en sus l’une ou plusieurs des mesures énumérées à ladite clause 5, point 1, sous a) à c), en vue, notamment, comme l’ont en substance admis toutes les parties ayant déposé des observations écrites, de modifier ou de compléter la protection découlant de ladite mesure légale équivalente.

83

Toutefois, il importe de rappeler que la marge de manœuvre ainsi laissée aux États membres n’est pas sans limite et que, en particulier, elle ne saurait en aucun cas aller jusqu’à remettre en cause l’objectif ou l’effet utile de l’accord-cadre (arrêt Adeneler e.a., précité, point 82).

84

Ainsi, la clause 5, point 1, de l’accord-cadre ayant pour objet, comme il ressort des points 73 à 77 et 79 du présent arrêt, d’obliger les États membres à assurer, dans leur droit interne, la prévention effective de l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, l’adoption d’une telle réglementation nationale de transposition ne saurait avoir pour effet d’affecter le caractère effectif de ladite prévention tel qu’il découlait précédemment d’une «mesure légale équivalente» au sens de ladite clause 5, point 1. À cet égard, il importe, en particulier, que la situation juridique découlant des différentes mesures existant en droit national soit suffisamment précise et claire, de sorte que les particuliers soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits et, le cas échéant, de s’en prévaloir devant les juridictions nationales.

85

Par ailleurs, le pouvoir d’appréciation conféré aux États membres à la clause 5, point 1, de l’accord-cadre doit également s’exercer dans le respect du droit communautaire, et, notamment, des principes généraux de celui-ci ainsi que des autres dispositions de l’accord-cadre (voir, en ce sens, arrêt Mangold, précité, points 50 à 54 et 63 à 65).

86

À cet égard, il convient, en particulier, de souligner que, lorsque le droit interne comporte déjà des dispositions destinées à prévenir de manière effective l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs susceptibles de constituer une «mesure légale équivalente» au sens de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, l’adoption, par un État membre, de l’une ou plusieurs des mesures préventives spécifiques énoncées à ladite clause 5, point 1, sous a) à c), de cet accord ne saurait constituer une justification valable pour la régression du niveau général de protection des travailleurs dans le domaine couvert par ledit accord-cadre au sens de la clause 8, point 3, de celui-ci, laquelle fait l’objet des questions examinées aux points 108 à 178 du présent arrêt.

87

Il convient, dès lors, de répondre à la juridiction de renvoi que la clause 5, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à l’adoption, par un État membre, d’une réglementation nationale, telle que le décret présidentiel 164/2004, qui, en vue de transposer spécifiquement la directive 1999/70 afin d’appliquer ses dispositions au secteur public, prévoit la mise en œuvre des mesures préventives de l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs énumérées au point 1, sous a) à c), de cette clause, lorsqu’il existe déjà en droit interne, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, une «mesure légale équivalente» au sens de ladite clause, telle que l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, pour autant, cependant, que ladite réglementation, d’une part, n’affecte pas le caractère effectif de la prévention de l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée tel qu’il découle de ladite mesure légale équivalente et, d’autre part, qu’elle respecte le droit communautaire, et, notamment, la clause 8, point 3, dudit accord.

— Sur l’exigence de «raisons objectives» au sens de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre

88

Par ses questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, soit appliquée par les autorités de l’État membre concerné de telle sorte que la conclusion de contrats de travail à durée déterminée dans le secteur public, qu’il s’agisse d’un premier ou unique contrat ou de contrats successifs, est considérée comme justifiée par des «raisons objectives» au sens de ladite clause, au seul motif que ces contrats sont fondés sur des dispositions légales qui en permettent la conclusion ou le renouvellement pour satisfaire certains besoins provisoires, alors que, en réalité, lesdits besoins sont «permanents et durables».

89

Il ressort des décisions de renvoi que ces questions sont posées par la juridiction saisie des litiges au principal pour la raison qu’une telle application du droit national serait susceptible de faire échec au pouvoir que lui offre l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, qualifié par elle de «mesure légale équivalente», de requalifier des contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée. En effet, cette requalification serait exclue, selon la jurisprudence nationale, lorsque la durée déterminée est justifiée par des raisons objectives.

90

Il convient d’emblée d’observer que l’accord-cadre n’impose pas aux États membres d’adopter une mesure exigeant que tout premier ou unique contrat de travail à durée déterminée soit justifié par de telles raisons objectives. En effet, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, de tels contrats de travail à durée déterminée ne relèvent pas de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, lequel porte uniquement sur la prévention de l’utilisation abusive de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs, les raisons objectives visées au point 1, sous a), de ladite clause portant ainsi sur le seul renouvellement de tels contrats ou relations (voir arrêt Mangold, précité, points 41 à 43).

91

Par ailleurs, en ce qui concerne les contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs, il convient de rappeler que la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, qui tend spécifiquement à prévenir les abus résultant de leur utilisation, impose aux États membres l’obligation d’introduire dans leur ordre juridique l’une ou plusieurs des mesures énumérées à son point 1, sous a) à c), lorsqu’il n’existe pas déjà dans l’État membre concerné de dispositions légales équivalentes destinées à prévenir de manière effective l’utilisation abusive de ce type de contrats de travail. Parmi lesdites mesures, la clause 5, paragraphe 1, sous a), prévoit les «raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail» (voir arrêt Adeneler e.a., précité, points 64 à 66).

92

Ainsi qu’il ressort du point 7 des considérations générales de l’accord-cadre, les parties signataires de celui-ci ont en effet considéré que l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée fondée sur des raisons objectives est un moyen de prévenir les abus (arrêt Adeneler e.a., précité, point 67, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 86).

93

Cependant, ainsi que cela a été exposé aux points 79 à 82 du présent arrêt, les États membres disposent d’une marge d’appréciation pour la mise en œuvre de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, dès lors qu’ils ont le choix de recourir à l’une ou plusieurs des mesures énoncées au point 1, sous a) à c), de cette clause, ou encore à des mesures légales existantes équivalentes.

94

Il s’ensuit que, aux fins de cette mise en œuvre, un État membre peut légitimement choisir de ne pas adopter la mesure visée au point 1, sous a), de ladite clause, consistant à exiger que le renouvellement de tels contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs soit justifié par des raisons objectives. Il peut, au contraire, préférer adopter l’une des mesures ou les deux mesures visées au point 1, sous b) et c), de ladite clause, qui ont trait, respectivement, à la durée maximale totale de ces contrats ou relations de travail successifs et au nombre de renouvellements de ceux-ci, voire encore choisir de maintenir une mesure légale existante équivalente, et ce pour autant que, quelle que soit alors la mesure choisie, la prévention effective de l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée soit assurée (voir, en ce sens, arrêt Adeneler e.a., précité, point 101).

95

Cependant, lorsqu’un État membre, en vue de la mise en œuvre de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, choisit d’adopter la mesure visée au point 1, sous a), de ladite clause consistant à exiger que le renouvellement des contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs soit justifié par des raisons objectives, il est tenu de garantir le résultat imposé par le droit communautaire, ainsi que cela résulte non seulement de l’article 249, troisième alinéa, CE, mais également de l’article 2, premier alinéa, de la directive 1999/70, lu à la lumière de son dix-septième considérant (voir, en ce sens, arrêt Adeneler e.a., précité, point 68, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 87).

96

Dans ces circonstances, la notion de «raisons objectives», au sens de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre, doit être entendue, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, comme visant des circonstances précises et concrètes caractérisant une activité déterminée et, partant, de nature à justifier dans ce contexte particulier l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs. Ces circonstances peuvent résulter, notamment, de la nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles de tels contrats ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d’un objectif légitime de politique sociale d’un État membre (arrêts Adeneler e.a., précité, points 69 et 70, et du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso, C-307/05, Rec. p. I-7109, point 53, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, points 88 et 89).

97

En revanche, une disposition nationale qui se bornerait à autoriser, de manière générale et abstraite par une norme législative ou réglementaire, le recours à des contrats de travail à durée déterminée successifs ne serait pas conforme aux exigences telles que précisées aux deux points précédents (arrêts précités Adeneler e.a., point 71, et Del Cerro Alonso, point 54, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 90).

98

En effet, une telle disposition, de nature purement formelle et qui ne justifie pas de manière spécifique l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs par l’existence de facteurs objectifs tenant aux particularités de l’activité concernée et aux conditions de son exercice, comporte un risque réel d’entraîner un recours abusif à ce type de contrats et n’est, dès lors, pas compatible avec l’objectif et l’effet utile de l’accord-cadre (arrêt Adeneler e.a., précité, point 72, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 91).

99

Ainsi, le fait d’admettre qu’une disposition nationale puisse, de plein droit et sans autre précision, justifier des contrats de travail à durée déterminée successifs reviendrait à méconnaître la finalité de l’accord-cadre, qui est de protéger les travailleurs contre l’instabilité de l’emploi, et à vider de sa substance le principe selon lequel les contrats à durée indéterminée constituent la forme générale des relations de travail (arrêt Adeneler e.a., précité, point 73, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 92).

100

Plus particulièrement, le recours à des contrats de travail à durée déterminée sur le seul fondement d’une disposition légale ou réglementaire générale, sans rapport avec le contenu concret de l’activité considérée, ne permet pas de dégager des critères objectifs et transparents aux fins de vérifier si le renouvellement de tels contrats répond effectivement à un besoin véritable et est apte à atteindre l’objectif poursuivi et nécessaire à cet effet (arrêts précités Adeneler e.a., point 74, et Del Cerro Alonso, point 55, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 93).

101

Il ressort cependant du dossier soumis à la Cour que la réglementation nationale en cause au principal ne prévoit plus que le fait que la conclusion d’un contrat de travail à durée déterminée est imposée par une loi constitue une raison objective justifiant de plein droit le renouvellement illimité d’un tel contrat. En revanche, il apparaît que cette réglementation fixe les circonstances précises et concrètes dans lesquelles des contrats ou des relations de travail à durée déterminée successifs peuvent être conclus dans le secteur public. En effet, le recours à de tels contrats est permis, selon le cas, en vertu de l’article 5, paragraphe 2, du décret présidentiel 164/2004, pour répondre à «des besoins particuliers» qui sont «liés à la forme, à la nature ou à l’activité de l’entreprise», ou, en vertu de l’article 1er de la loi 3250/2004, pour pourvoir aux «besoins supplémentaires» concernant la prestation au citoyen de «services à caractère social», ou, selon l’article 6, paragraphe 1, de la loi 2527/1997, pour la réalisation d’ouvrages ne relevant pas «des fonctions usuelles des agents», ou encore, aux termes de l’article 21, paragraphe 1, de la loi 2190/1994, pour faire face à «des besoins saisonniers ou d’autres besoins périodiques ou temporaires».

102

Ainsi que la juridiction de renvoi l’a relevé elle-même dans ses questions, la réglementation nationale en cause au principal permet ainsi la conclusion de contrats de travail à durée déterminée pour satisfaire, en substance, des besoins provisoires. Or, il y a lieu d’admettre que des besoins d’une telle nature sont susceptibles de constituer des«raisons objectives» pour le renouvellement de tels contrats au sens de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre.

103

Toutefois, ainsi que Mme l’avocat général l’a indiqué aux points 106 et 107 de ses conclusions, il serait contraire à l’objectif poursuivi par ladite clause, laquelle vise à prévenir de manière effective le recours abusif aux contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs, que les dispositions de la réglementation nationale en cause au principal visées au point 101 du présent arrêt constituent le fondement du renouvellement de tels contrats ou relations alors que, en réalité, les besoins couverts par ceux-ci auraient, en fait, un caractère non pas provisoire, mais, tout au contraire, «permanent et durable» (voir, par analogie, arrêt Adeneler e.a., précité, point 88, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 110).

104

En effet, une telle utilisation des contrats ou relations de travail à durée déterminée heurterait directement la prémisse sur laquelle se fonde l’accord-cadre, à savoir, ainsi qu’il ressort des points 6 et 8 de ses considérations générales, que les contrats de travail à durée indéterminée constituent la forme générale des relations de travail, tandis que les contrats de travail à durée déterminée sont une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs ou pour certaines occupations et activités (voir arrêts précités Adeneler e.a., point 61, et Impact, point 86, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 82).

105

En conséquence, le bénéfice de la stabilité de l’emploi est conçu comme un élément majeur de la protection des travailleurs (voir arrêt Mangold, précité, point 64), alors que, ainsi qu’il ressort du deuxième alinéa du préambule de l’accord-cadre et du point 8 des considérations générales de cet accord, ce n’est que dans certaines circonstances que des contrats de travail à durée déterminée sont susceptibles de répondre aux besoins tant des employeurs que des travailleurs (arrêts précités Adeneler e.a., point 62, et Impact, point 87, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 83).

106

Partant, dès lors que, selon une jurisprudence constante, l’obligation des États membres, découlant d’une directive, d’atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi que leur devoir, en vertu de l’article 10 CE, de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution de cette obligation s’imposent à toutes les autorités des États membres y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles (voir, notamment, arrêts du 13 novembre 1990, Marleasing, C-106/89, Rec. p. I-4135, point 8; du 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie, C-129/96, Rec. p. I-7411, point 40, et du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a., C-397/01 à C-403/01, Rec. p. I-8835, point 110), il appartient à toutes les autorités de l’État membre concerné d’assurer, dans le cadre de leurs compétences respectives, le respect de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre, en vérifiant concrètement que la réglementation nationale permettant le renouvellement, dans le secteur public, de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs devant couvrir des besoins provisoires n’est pas utilisée, en fait, pour satisfaire des besoins permanents et durables.

107

Il convient, dès lors, de répondre à la juridiction de renvoi que la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, soit appliquée par les autorités de l’État membre concerné de telle sorte que le renouvellement de contrats de travail à durée déterminée successifs, dans le secteur public, est considéré comme justifié par des «raisons objectives» au sens de ladite clause au seul motif que ces contrats sont fondés sur des dispositions légales qui en permettent le renouvellement pour satisfaire certains besoins provisoires, alors que, en réalité, lesdits besoins sont permanents et durables. En revanche, cette même clause ne s’applique pas à la conclusion d’un premier ou unique contrat ou relation de travail à durée déterminée.

Sur la notion de «régression» au sens de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre

— Sur la régression concernant les travailleurs ayant conclu un premier ou unique contrat de travail à durée déterminée

108

Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si la clause 8, point 3, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens que la «régression» visée à cette clause doit être examinée uniquement par rapport au niveau général de protection qui était applicable, dans l’État membre concerné, aux travailleurs ayant conclu des contrats de travail à durée déterminée successifs, sans avoir égard à la protection applicable aux travailleurs ayant conclu un premier ou unique contrat de travail à durée déterminée.

109

Il ressort de la décision de renvoi dans l’affaire C-378/07 que cette question est posée à l’égard d’une réglementation nationale, telle que le décret présidentiel 164/2004, qui, de l’avis de la juridiction de renvoi, édicte des mesures de protection contre l’utilisation abusive des contrats de travail à durée déterminée uniquement lorsque ceux-ci revêtent un caractère successif, alors que le droit interne antérieur résultant de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 s’applique également lorsque le contrat est le premier ou unique contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties.

110

Il y a lieu de rappeler que, aux termes de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre, «la mise en œuvre [de celui-ci] ne constitue pas une justification valable pour la régression du niveau général de protection des travailleurs dans le domaine couvert par [ledit] accord».

111

Or, s’agissant du domaine couvert par l’accord-cadre, il convient de relever que le préambule de cet accord, à son premier alinéa, indique que ledit accord vise à contribuer à «un meilleur équilibre entre ‘la flexibilité du temps de travail et la sécurité des travailleurs’». Selon le quatorzième considérant de la directive 1999/70, qui reprend en substance le troisième alinéa dudit préambule, cet accord-cadre énonce à cet effet «les principes généraux et prescriptions minimales relatifs aux contrats et aux relations de travail à durée déterminée». Le cinquième alinéa du même préambule indique aussi que ledit accord «porte sur les conditions d’emploi des travailleurs à durée déterminée».

112

L’accord-cadre, et notamment sa clause 8, point 3, poursuit ainsi un but qui participe des objectifs fondamentaux inscrits à l’article 136, premier alinéa, CE de même qu’au troisième alinéa du préambule du traité CE et aux points 7 et 10, premier alinéa, de la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989 à laquelle renvoie la disposition susvisée du traité, et qui sont liés à l’amélioration des conditions de vie et de travail, permettant leur égalisation dans le progrès, ainsi qu’à l’existence d’une protection sociale adéquate des travailleurs, en l’occurrence des travailleurs à durée déterminée (voir, en ce sens, arrêt Impact, précité, point 112).

113

Eu égard à ces objectifs, la clause 8, point 3, de l’accord-cadre ne saurait être interprétée de manière restrictive.

114

Or, selon le libellé même de la clause 2 de l’accord-cadre, ce dernier s’applique à tout travailleur à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre.

115

En vertu de la clause 3 dudit accord-cadre, la notion de «travailleur à durée déterminée» vise «une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé».

116

Dès lors, il résulte clairement tant de l’objectif poursuivi par la directive 1999/70 et l’accord-cadre que du libellé des dispositions pertinentes de ceux-ci que, contrairement à ce que soutiennent en substance le gouvernement hellénique et la Commission, le domaine couvert par cet accord n’est pas limité aux seuls travailleurs ayant conclu des contrats de travail à durée déterminée successifs, mais que ledit accord trouve au contraire à s’appliquer à l’ensemble des travailleurs fournissant des prestations rémunérées dans le cadre d’une relation d’emploi déterminée les liant à leur employeur (arrêt Del Cerro Alonso, précité, point 28), et ce quel que soit le nombre de contrats à durée déterminée conclu par ces travailleurs.

117

Ainsi, il y a lieu d’observer que la clause 4 de l’accord-cadre prévoit que les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable, en ce qui concerne les conditions d’emploi, que les travailleurs à durée indéterminée au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, sans restreindre la portée de cette interdiction aux seuls contrats de travail à durée déterminée successifs.

118

Certes, la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, mettant en œuvre à cet égard la clause 1, sous b), de celui-ci, porte uniquement, pour sa part, sur l’adoption par les États membres de mesures destinées à prévenir l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.

119

Toutefois, ces deux dernières clauses ne déterminent pas le champ d’application dudit accord et, partant, elles ne sauraient avoir pour effet de restreindre la portée de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre, laquelle, inscrite dans une section distincte de l’accord-cadre consacrée à la mise en œuvre de celui-ci, ne se réfère d’ailleurs ni à la clause 1, sous b), de l’accord-cadre ni à la clause 5, point 1, de celui-ci.

120

Il en résulte que l’examen de l’existence d’une «régression» au sens de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre doit s’effectuer par rapport à l’ensemble des dispositions de droit interne d’un État membre relatives à la protection des travailleurs dans le domaine des contrats de travail à durée déterminée.

121

En conséquence, il convient de répondre à la juridiction de renvoi que la clause 8, point 3, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens que la «régression» visée par cette clause doit être examinée par rapport au niveau général de protection qui était applicable, dans l’État membre concerné, tant aux travailleurs ayant conclu des contrats de travail à durée déterminée successifs qu’aux travailleurs ayant conclu un premier ou unique contrat à durée déterminée.

— Sur les modifications apportées par la réglementation nationale de transposition par rapport au droit interne préexistant

122

Par ses questions, la juridiction de renvoi demande en substance si la clause 8, point 3, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que le décret présidentiel 164/2004, qui, à la différence d’une règle de droit interne antérieure, telle que l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, lequel constitue, selon cette juridiction, une «mesure légale équivalente» au sens de la clause 5, point 1, de cet accord, d’une part, ne prévoit plus, lorsqu’il a été fait un recours abusif à des contrats de travail à durée déterminée successifs dans le secteur public, la requalification de ces derniers en contrats de travail à durée indéterminée ou soumet celle-ci au respect de certaines conditions cumulatives et restrictives et, d’autre part, exclut du bénéfice des mesures de protection qu’il prévoit les travailleurs ayant conclu un premier ou unique contrat de travail à durée déterminée.

123

À cet égard, il convient d’emblée d’observer que, contrairement à ce que suggèrent la juridiction de renvoi ainsi que le gouvernement hellénique et la Commission, l’existence d’une «régression», au sens de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre, ne doit pas uniquement s’examiner par rapport au niveau de protection applicable aux travailleurs à durée déterminée tel qu’il découle d’une «mesure légale équivalente» au sens de la clause 5, point 1, de cet accord.

124

En effet, ainsi qu’il résulte, notamment, des points 116 à 121 du présent arrêt, il ressort tant de l’objectif poursuivi par la directive 1999/70 et par l’accord-cadre que du libellé de la clause 8, point 3, de cet accord que l’examen de l’existence d’une «régression» au sens de ladite clause doit s’effectuer par rapport à l’ensemble des dispositions de droit interne relatives aux contrats de travail à durée déterminée. Il est sans importance, à cet égard, que ces dispositions puissent constituer ou non une «mesure légale équivalente» au sens de la clause 5, point 1, dudit accord, la clause 8, point 3, de celui-ci ne renvoyant pas, au demeurant, à cette dernière clause.

125

Ensuite, en ce qui concerne la portée de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre, il y a lieu de rappeler qu’il ressort des termes mêmes de cette clause que la mise en œuvre de cet accord ne saurait constituer, pour les États membres, un motif valable pour opérer une régression du niveau général de la protection des travailleurs précédemment garantie dans l’ordre juridique interne dans le domaine couvert par ledit accord (arrêt Mangold, précité, point 50).

126

Il en résulte qu’une régression de la protection garantie aux travailleurs dans le domaine des contrats de travail à durée déterminée n’est pas comme telle interdite par l’accord-cadre, mais que, pour relever de l’interdiction édictée par la clause 8, point 3, de celui-ci, cette régression doit, d’une part, être liée à la «mise en œuvre» de l’accord-cadre et, d’autre part, porter sur le «niveau général de protection» des travailleurs à durée déterminée (voir, en ce sens, arrêt Mangold, précité, point 52).

127

En l’occurrence, il ressort du dossier soumis à la Cour que la régression invoquée par la juridiction de renvoi et alléguée par les requérantes au principal résulte, en ce qui concerne les travailleurs ayant conclu des contrats de travail successifs, du fait que, à la différence de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, qui, selon la juridiction de renvoi, permettait, lorsqu’un contrat de travail à durée déterminée a été conclu pour couvrir des besoins permanents et durables, sa requalification automatique, avec effet rétroactif, en contrat à durée indéterminée, les articles 5 à 7 du décret présidentiel 164/2004 ayant transposé la directive 1999/70 ne prévoient plus, en ce qui concerne le secteur public, une telle possibilité de requalification, tandis que l’article 11 dudit décret soumet cette possibilité, prévue uniquement à titre de mesure transitoire pour certains contrats successifs existants lors de l’entrée en vigueur de ce décret, au respect de plusieurs conditions restrictives et sans effet rétroactif.

128

Par ailleurs, en ce qui concerne les travailleurs ayant conclu un premier et unique contrat de travail à durée déterminée, la régression consisterait dans le fait que ces travailleurs, qui relevaient des mesures de protection découlant de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, seraient exclus du champ d’application du décret présidentiel 164/2004.

129

À cet égard, il convient d’observer que, dès lors qu’il appartient exclusivement aux juridictions nationales, conformément à la jurisprudence citée au point 48 du présent arrêt, d’interpréter le droit national, c’est à ces dernières qu’il incombe de déterminer dans quelle mesure les modifications susmentionnées, apportées par le décret présidentiel 164/2004 par rapport au droit national préexistant tel qu’il résulte de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, ont entraîné une réduction de la protection des travailleurs ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée, en comparant, à cet effet, le degré de protection accordé respectivement par chacune de ces dispositions nationales.

130

En revanche, il appartient, le cas échéant, à la Cour, statuant sur renvoi préjudiciel, de fournir des indications à la juridiction de renvoi en vue de guider celle-ci dans son appréciation quant au point de savoir si cette éventuelle réduction de la protection des travailleurs ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée constitue une «régression» au sens de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre. Pour ce faire, il y a lieu d’examiner dans quelle mesure les modifications apportées par la réglementation nationale destinée à transposer la directive 1999/70 et l’accord-cadre sont susceptibles, d’une part, d’être considérées comme étant liées à la «mise en œuvre» de cet accord et, d’autre part, de porter sur le «niveau général de protection» des travailleurs au sens de la clause 8, point 3, de celui-ci.

131

En ce qui concerne, en premier lieu, la condition relative au lien avec la «mise en œuvre» de l’accord-cadre, la Cour a déjà jugé que cette dernière expression, utilisée sans autre précision à la clause 8, point 3, de l’accord-cadre, ne saurait viser la seule transposition initiale de la directive 1999/70 et, notamment, de son annexe contenant l’accord-cadre, mais doit couvrir toute mesure nationale visant à garantir que l’objectif poursuivi par celle-ci puisse être atteint, y compris celles qui, postérieurement à la transposition proprement dite, complètent ou modifient les règles nationales déjà adoptées (arrêt Mangold, précité, point 51).

132

Il s’ensuit qu’une réglementation nationale, telle que le décret présidentiel 164/2004, qui constitue la seconde mesure de transposition adoptée par l’État membre concerné en vue de transposer la directive 1999/70 et l’accord-cadre, est susceptible d’être visée par la clause 8, point 3, de cet accord.

133

Cependant, une telle réglementation ne peut être considérée comme contraire à ladite clause si la régression qu’elle comporte n’est aucunement liée à la mise en œuvre de l’accord-cadre. Tel serait le cas si cette régression était justifiée non par la nécessité de mettre en œuvre l’accord-cadre, mais par celle de promouvoir un autre objectif distinct de cette mise en œuvre (voir, en ce sens, arrêt Mangold, précité, points 52 et 53).

134

En l’occurrence, s’agissant, d’une part, de la modification concernant la possibilité de requalification des contrats de travail à durée déterminée, il apparaît que, dès 1994, soit environ cinq années avant l’adoption de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre, l’article 21, paragraphe 2, de la loi 2190/1994 prévoyait déjà, de manière absolue et sous peine de nullité, l’interdiction de toute requalification en contrats de travail à durée indéterminée des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’ils sont conclus dans le secteur public sur la base de cette loi (voir, à cet égard, arrêt Adeneler e.a., précité, point 98).

135

Une telle disposition pourrait suggérer que le fait que le décret présidentiel 164/2004 ne prévoie pas la possibilité de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrats de travail à durée indéterminée ou soumette celle-ci à certaines conditions est justifié non par la nécessité de mettre en œuvre l’accord-cadre, mais par celle, ainsi que les défenderesses au principal et le gouvernement hellénique l’ont soutenu, d’assurer le respect, dans le secteur public, des procédures de recrutement par concours et de préserver ainsi le statut des agents de la fonction publique hellénique.

136

Toutefois, il ressort également des décisions de renvoi que, selon la juridiction saisie des litiges au principal, à laquelle il incombe d’interpréter le droit national, l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 qui, selon elle, permet une telle requalification, y compris dans le secteur public, des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’ils ne sont pas justifiés par une raison objective était encore en vigueur lors de l’adoption de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre.

137

En outre, ainsi qu’il ressort du quatrième considérant de la directive 1999/70, l’adoption de celle-ci et de l’accord-cadre trouve son origine dans deux propositions de directives présentées par la Commission au cours de l’année 1990 sur les relations de travail concernant les conditions de travail [proposition de directive du Conseil relative à certaines relations de travail en ce qui concerne les conditions de travail (JO 1990, C 224, p. 4)] et les distorsions de concurrence [proposition de directive du Conseil relative à certaines relations de travail en ce qui concerne les distorsions de concurrence (JO 1990, C 224, p. 6), telle que modifiée (JO 1990, C 305, p. 8)], sur lesquelles le Conseil n’a pas été en mesure de statuer. Or, il y a lieu de relever que cette dernière proposition envisageait déjà, à son article 4, l’obligation pour les États membres d’instaurer certaines mesures en vue d’éviter que des contrats de travail à durée déterminée ne puissent être destinés à pourvoir un poste de travail existant et permanent.

138

Dans ces conditions, il ne saurait être exclu, ce qu’il appartient cependant à la juridiction de renvoi de vérifier, que le fait que le décret présidentiel 164/2004 ne prévoie pas la requalification, dans le secteur public, des contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée ou soumette celle-ci à certaines conditions est lié à la mise en œuvre de l’accord-cadre. Cela pourrait d’autant plus être le cas que, ainsi qu’il ressort du point 23 du présent arrêt, l’article 103, paragraphe 8, de la Constitution de la République hellénique a été modifié en vue d’interdire, de manière absolue, la transformation de contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée dans le secteur public après l’entrée en vigueur de la directive 1999/70 et avant l’expiration du délai de transposition de celle-ci.

139

En ce qui concerne, d’autre part, la modification résultant de l’exclusion des travailleurs ayant conclu un premier ou unique contrat de travail à durée déterminée de la protection découlant du décret présidentiel 164/2004, il convient d’admettre qu’elle pourrait être liée à la mise en œuvre de l’accord-cadre dès lors que, selon la décision de renvoi dans l’affaire C-378/07, ces travailleurs bénéficiaient, au moment de l’adoption de la directive 1999/70 et de cet accord, des mesures de protection prévues à l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920. En outre, il ne ressort d’aucun élément du dossier soumis à la Cour que, en prévoyant cette exclusion, le législateur national aurait visé à promouvoir un objectif distinct de celui de la mise en œuvre de l’accord-cadre, ce qu’il appartient cependant à la juridiction de renvoi de vérifier.

140

En ce qui concerne, en second lieu, la condition selon laquelle la régression doit porter sur le «niveau général de protection» des travailleurs à durée déterminée, elle implique que seule une réduction d’une ampleur de nature à affecter globalement la réglementation nationale relative aux contrats de travail à durée déterminée est susceptible de relever de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre.

141

Or, en l’occurrence, en ce qui concerne la modification résultant de l’exclusion des travailleurs ayant conclu un premier ou unique contrat de travail à durée déterminée du champ d’application du décret présidentiel 164/2004, il apparaît que cette modification affecte non pas tous les travailleurs ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée, mais uniquement ceux qui, d’une part, relèvent du secteur public et, d’autre part, ne sont pas parties à des contrats de travail à durée déterminée successifs.

142

Pour autant que ces derniers travailleurs ne représentent pas une partie significative des travailleurs employés à durée déterminée dans l’État membre concerné, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, la réduction de la protection dont bénéficie une telle catégorie restreinte de travailleurs n’est pas, en tant que telle, susceptible d’affecter globalement le niveau de protection applicable dans l’ordre juridique interne aux travailleurs liés par un contrat de travail à durée déterminée.

143

Quant à la modification concernant la possibilité de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, il y a lieu d’observer que le décret présidentiel 164/2004, s’il ne prévoit certes pas cette requalification ou soumet celle-ci à des conditions restrictives, non seulement s’applique aux seuls travailleurs relevant du secteur public, mais, en outre, met en œuvre dans ce secteur l’ensemble des mesures destinées à prévenir l’utilisation abusive des contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs énumérées à la clause 5, point 1, sous a) à c), de l’accord-cadre.

144

Or, l’adoption de telles mesures de prévention des abus, pour autant qu’elles soient, en totalité ou en partie, nouvelles dans l’ordre juridique interne (voir, à cet égard, arrêt Adeneler e.a., précité, point 100), ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, est de nature à compenser la réduction de protection résultant de la suppression ou de la limitation de la sanction applicable précédemment lorsqu’un abus a été commis, consistant à requalifier le contrat de travail en cause en contrat à durée indéterminée.

145

Une telle évolution de la réglementation nationale, dans le sens d’un renforcement des mesures préventives de l’utilisation abusive des contrats de travail à durée déterminée successifs, est d’ailleurs conforme à l’objectif poursuivi par l’accord-cadre. En effet, d’une part, cet accord vise précisément à établir, ainsi qu’il ressort de ses clauses 1, sous b), et 5, point 1, un cadre pour prévenir les abus de l’utilisation de ces contrats (arrêts Adeneler e.a., précité, point 79, ainsi que du 7 septembre 2006, Marrosu et Sardino, C-53/04, Rec. p. I-7213, point 43). D’autre part, ledit accord-cadre ne prévoit pas de sanctions spécifiques dans l’hypothèse où des abus auraient été constatés, et, en particulier, il n’édicte pas une obligation générale des États membres de prévoir la requalification en contrats de travail à durée indéterminée des contrats à durée déterminée, pas plus qu’il ne prescrit les conditions précises auxquelles il peut être fait usage de ces derniers (voir arrêt Adeneler e.a., précité, points 91 et 94), laissant ainsi un certain pouvoir d’appréciation en la matière aux États membres (arrêt Marrosu et Sardino, précité, point 47). Ainsi, la clause 5, point 2, sous b), dudit accord se borne à prévoir que lesdits États déterminent, «lorsque c’est approprié», sous quelles conditions les contrats de travail à durée déterminée sont «réputés conclus pour une durée indéterminée».

146

Dans ces conditions, il convient de constater que les modifications apportées par une réglementation nationale, qui, comme celle en cause au principal, vise à transposer la directive 1999/70 et l’accord-cadre, n’apparaissent pas constituer une «régression» du niveau général de protection des travailleurs à durée déterminée au sens de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre, dès lors que, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, elles portent sur une catégorie limitée de travailleurs ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée ou sont susceptibles d’être compensées par l’adoption de mesures préventives de l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs.

147

Toutefois, il n’en demeure pas moins que la mise en œuvre de l’accord-cadre doit s’effectuer dans le respect des autres dispositions de cet accord.

148

À cet égard, il convient de rappeler que, selon le quatorzième considérant de la directive 1999/70 ainsi que le troisième alinéa du préambule de l’accord-cadre, cet accord énonce les principes généraux et prescriptions minimales relatifs au travail à durée déterminée. Ainsi, la clause 8, point 1, de l’accord-cadre autorise explicitement les États membres et les partenaires sociaux à maintenir ou à introduire des dispositions plus favorables pour les travailleurs à durée déterminée que celles prévues dans ledit accord.

149

Il en résulte que la mise en œuvre de l’accord-cadre ne saurait aboutir à réduire la protection qui était précédemment applicable dans l’ordre juridique interne aux travailleurs à durée déterminée à un niveau inférieur à celui qui est déterminé par les dispositions protectrices minimales prévues par l’accord-cadre en vue d’éviter la précarisation de la situation des salariés (voir arrêts précités Adeneler e.a., point 63, et Impact, point 88; voir aussi, par analogie, en ce qui concerne la clause 4 de l’accord-cadre, arrêt Del Cerro Alonso, précité, point 27).

150

S’agissant spécifiquement des travailleurs ayant conclu des contrats de travail à durée déterminée successifs, la mise en œuvre de l’accord-cadre doit ainsi être conforme aux prescriptions de la clause 5 dudit accord-cadre visant à prévenir les abus dans l’utilisation de ces contrats.

151

En ce qui concerne l’adoption de ces mesures préventives des abus, il y a lieu de rappeler que la clause 5, point 1, de l’accord-cadre impose aux États membres l’adoption effective et contraignante de l’une au moins des mesures énumérées à cette disposition, dès lors que le droit national ne comporte pas déjà des mesures équivalentes (voir arrêts Adeneler e.a., précité, point 101; Marrosu et Sardino, précité, point 50; du 7 septembre 2006, Vassalo, C-180/04, Rec. p. I-7251, point 35, et Impact, précité, point 70, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 124).

152

Or, en l’occurrence, il est constant que les articles 5 et 6 du décret présidentiel 164/2004 mettent en œuvre, dans le secteur public, l’ensemble des mesures destinées à prévenir l’utilisation abusive des contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs énumérées à ladite clause 5, point 1, sous a) à c).

153

Les requérantes au principal font toutefois valoir que, dès lors que ledit décret ne reconnaît comme ayant un caractère «successif» que les contrats de travail à durée déterminée séparés par des périodes de moins de trois mois, il n’assure pas une prévention efficace de l’utilisation abusive des contrats de travail à durée déterminée car, en Grèce, ces contrats seraient, en général, séparés par des périodes de quatre mois.

154

À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’accord-cadre énumère, en particulier à sa clause 5, point 1, sous a) à c), différentes mesures destinées à prévenir ces abus, les États membres étant tenus d’introduire au moins l’une de ces mesures dans leur réglementation nationale. Pour le surplus, le point 2 de ladite clause laisse en principe aux États membres le soin de déterminer quelles sont les conditions auxquelles les contrats ou relations de travail à durée déterminée sont considérés, d’une part, comme successifs et, d’autre part, comme conclus pour une durée indéterminée (arrêt Adeneler e.a., précité, points 80 et 81, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, points 103 et 104).

155

Si un tel renvoi aux autorités nationales pour les besoins de la définition des modalités concrètes d’application des termes «successifs» et «à durée indéterminée» au sens de l’accord-cadre s’explique par le souci de respecter la diversité des réglementations nationales en la matière, il importe cependant de rappeler que la marge d’appréciation ainsi laissée aux États membres n’est pas sans limites, puisqu’elle ne saurait en aucun cas aller jusqu’à remettre en cause l’objectif ou l’effet utile de l’accord-cadre (arrêt Adeneler e.a., précité, point 82, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 105).

156

Ainsi, la Cour a déjà estimé qu’une disposition nationale qui considère comme successifs les seuls contrats de travail à durée déterminée qui sont séparés par un laps de temps inférieur ou égal à 20 jours ouvrables doit être considérée comme étant de nature à compromettre l’objet, la finalité ainsi que l’effet utile de l’accord-cadre. En effet, une définition aussi rigide et restrictive du caractère successif de plusieurs contrats de travail subséquents permettrait d’employer des travailleurs de façon précaire pendant des années, puisque, dans la pratique, le travailleur n’aurait le plus souvent pas d’autre choix que d’accepter des interruptions de l’ordre de 20 jours ouvrables dans le cadre d’une chaîne de contrats le liant à son employeur (arrêt Adeneler e.a., précité, points 84 et 85, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, points 107 et 108).

157

En revanche, la Cour a également déjà jugé que la réglementation en cause dans les affaires au principal, qui ne reconnaît comme ayant un caractère «successif» que les contrats de travail à durée déterminée séparés par des périodes de moins de trois mois, n’apparaît pas, en tant que telle, aussi rigide et de nature aussi restrictive. En effet, un tel laps de temps peut être, en général, considéré comme suffisant pour interrompre toute relation de travail existante et, en conséquence, faire en sorte que tout contrat éventuel signé ultérieurement ne soit pas considéré comme étant successif. Il s’ensuit que la clause 5, point 1, de l’accord-cadre ne s’oppose pas, en principe, à une réglementation telle que celle en cause au principal. Toutefois, il incombe aux autorités et aux juridictions nationales, chargées de la mise en œuvre des mesures de transposition de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre et ainsi appelées à se prononcer sur la qualification de contrats de travail à durée déterminée successifs, d’examiner, dans chaque cas, toutes les circonstances de la cause, en prenant en considération, notamment, le nombre desdits contrats successifs conclus avec la même personne ou aux fins de l’accomplissement d’un même travail, afin d’exclure que des relations de travail à durée déterminée soient utilisées de façon abusive par les employeurs (voir ordonnance Vassilakis e.a., précitée, points 115 à 117).

158

En ce qui concerne, ensuite, la répression des abus, il y a lieu de rappeler que, lorsque, comme en l’occurrence, le droit communautaire ne prévoit pas de sanctions spécifiques dans l’hypothèse où des abus auraient néanmoins été constatés, il incombe aux autorités nationales d’adopter des mesures appropriées pour faire face à une telle situation, mesures qui doivent revêtir un caractère non seulement proportionné, mais également suffisamment effectif et dissuasif pour garantir la pleine efficacité des normes prises en application de l’accord-cadre (arrêts précités Adeneler e.a., point 94; Marrosu et Sardino, point 51, et Vassallo, point 36, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 125).

159

Si, en l’absence de réglementation communautaire en la matière, les modalités de mise en œuvre de telles normes relèvent de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers, elles ne doivent cependant pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) ni rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité) (voir, notamment, arrêts précités Adeneler e.a., point 95; Marrosu et Sardino, point 52, et Vassallo, point 37, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 126).

160

Il s’ensuit que, lorsqu’un recours abusif à des contrats de travail à durée déterminée successifs a eu lieu, une mesure présentant des garanties effectives et équivalentes de protection des travailleurs doit pouvoir être appliquée pour sanctionner dûment cet abus et effacer les conséquences de la violation du droit communautaire. En effet, selon les termes mêmes de l’article 2, premier alinéa, de la directive 1999/70, les États membres doivent «prendre toute disposition nécessaire leur permettant d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par [ladite] directive» (arrêts précités Adeneler e.a., point 102; Marrosu et Sardino, point 53, et Vassallo, point 38, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 127).

161

Il en résulte que, si un État membre, tel que celui en cause au principal, est en droit, ainsi qu’il ressort du point 144 du présent arrêt, de ne pas prévoir, à titre de sanction du non-respect des mesures préventives édictées par la réglementation nationale transposant la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, il doit néanmoins s’assurer que les autres sanctions retenues par cette même réglementation ont un caractère suffisamment effectif et dissuasif pour garantir la pleine efficacité de ces mesures préventives (voir, en ce sens, arrêts précités Adeneler e.a., point 105; Marrosu et Sardino, point 49, et Vassallo, point 34, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 123).

162

En l’occurrence, les requérantes au principal font toutefois valoir, en premier lieu, que les sanctions prévues à l’article 7 du décret présidentiel 164/2004 ne peuvent être considérées comme ayant un tel caractère effectif et dissuasif. En effet, d’une part, le versement du salaire et le paiement d’une indemnité de licenciement, prévus au paragraphe 2 de cette disposition, n’auraient nullement vocation à prévenir le recours abusif aux contrats de travail à durée déterminée, mais constitueraient la sanction prévue par le droit commun du travail. D’autre part, les sanctions pénales et disciplinaires, prévues au paragraphe 3 dudit article 7, existeraient déjà et seraient, de surcroît, totalement inefficaces en Grèce. En outre, dans la pratique, ces sanctions ne seraient pas appliquées à plusieurs catégories de travailleurs employés à durée déterminée, tels ceux liés à des contrats d’ouvrage ou à des contrats de travail conclus sur la base de la loi 2190/1994.

163

À cet égard, il convient de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’interprétation du droit national, cette mission incombant exclusivement à la juridiction de renvoi ou, le cas échéant, aux juridictions nationales compétentes, lesquelles doivent déterminer si les exigences rappelées aux points 158 à 160 du présent arrêt sont satisfaites par les dispositions de la réglementation nationale applicable (voir, notamment, arrêt Vassallo, précité, point 39, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 134).

164

Il incombe donc à la juridiction de renvoi d’apprécier dans quelle mesure les conditions d’application ainsi que la mise en œuvre effective des dispositions pertinentes du droit interne en font une mesure adéquate pour sanctionner l’utilisation abusive par l’administration publique de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs (voir, en ce sens, arrêts précités Vassallo, point 41, et Marrosu et Sardino, point 56, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 135).

165

À cet égard, ainsi que Mme l’avocat général l’a observé au point 92 de ses conclusions, il appartient à la juridiction de renvoi, notamment, de s’assurer que les travailleurs ayant subi un abus résultant de l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs, comme le suggèrent les requérantes au principal, ne sont pas dissuadés, dans l’espoir de continuer à être employés dans le secteur public, de faire valoir devant les autorités nationales, y compris juridictionnelles, les droits qui leur sont reconnus par la réglementation nationale et qui découlent de la mise en œuvre par celle-ci de toutes les mesures préventives prévues à la clause 5, point 1, de l’accord-cadre.

166

En outre, la juridiction de renvoi doit s’assurer que tous les travailleurs qui sont employés «à durée déterminée» au sens de la clause 3, point 1, de l’accord-cadre sont susceptibles de voir appliquer, à l’égard de leur employeur, les sanctions prévues par le décret présidentiel 164/2004 lorsqu’ils ont subi un abus résultant de l’utilisation de contrats successifs, et ce quelle que soit la qualification de leur contrat en droit interne.

167

En second lieu, les requérantes au principal soutiennent que l’article 11 du décret présidentiel 164/2004, qui prévoit la possibilité, au titre de disposition transitoire, de transformer en contrats de travail à durée indéterminée certains contrats à durée déterminée successifs qui étaient applicables à la date d’entrée en vigueur de ce décret ou avaient expiré au cours d’une période de trois mois ayant précédé cette entrée en vigueur, ne constitue pas une sanction adéquate, compte tenu du caractère restrictif et cumulatif des conditions posées par cette disposition. À cet égard, lesdites requérantes soulèvent aussi différents problèmes relatifs au fonctionnement de la procédure devant l’ASEP, qui est l’autorité administrative compétente pour statuer sur une demande de transformation. Ces difficultés résulteraient, notamment, des délais impartis à cette dernière pour prendre ses décisions et du fait que l’intervention des juridictions administratives dans le contentieux relatif à l’application dudit article 11, découlant de la compétence de l’ASEP, remettrait en cause la compétence même des juridictions civiles pour trancher des litiges relevant de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920.

168

S’agissant des conditions auxquelles l’article 11 du décret présidentiel 164/2004 soumet la possibilité de transformation des contrats à durée déterminée, il y a lieu de rappeler, en ce qui concerne l’exigence d’une période de moins de trois mois entre de tels contrats, qu’il a déjà été constaté au point 157 du présent arrêt qu’une telle exigence n’est pas, en principe, contraire à la clause 5, point 1, de l’accord-cadre.

169

Quant aux conditions posées par ledit article 11 concernant la durée totale minimale des contrats et le nombre de leur renouvellement, il ne ressort pas avec clarté du dossier soumis à la Cour en quoi celles-ci seraient susceptibles d’affecter l’objectif poursuivi par l’accord-cadre. À cet égard, il convient de souligner que la seule circonstance que la transformation prévue par cette disposition n’a pas lieu avec effet rétroactif n’apparaît pas, en tant que telle, susceptible de priver cette sanction de son caractère effectif dès lors que celle-ci aboutit, en tout état de cause, à substituer à une relation à durée déterminée une relation à durée indéterminée et, partant, à mettre fin à un statut précaire au profit d’une plus grande stabilité dans les relations de travail.

170

Pour autant que les requérantes au principal font valoir que, en raison des conditions cumulatives posées par l’article 11 du décret présidentiel 164/2004, certains contrats de travail à durée déterminée conclus ou renouvelés abusivement dans le secteur public avant l’entrée en vigueur dudit décret échapperaient à toutes sanctions, il convient de rappeler que, dans une telle situation, une mesure présentant des garanties effectives et équivalentes de protection des travailleurs doit pouvoir être appliquée pour sanctionner dûment ces abus et effacer les conséquences de la violation du droit communautaire. En conséquence, dans la mesure où l’ordre juridique interne de l’État membre concerné ne comporterait pas, pour cette période, d’autres mesures effectives à cet effet, par exemple, en raison du fait que les sanctions prévues à l’article 7 dudit décret ne s’appliqueraient pas rationae temporis, la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée en vertu de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 pourrait, comme le soutient la requérante au principal dans l’affaire C-379/07, constituer une telle mesure (voir, en ce sens, arrêt Adeneler e.a., précité, points 98 à 105, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, points 129 à 137).

171

Toutefois, c’est aux autorités et aux juridictions nationales, chargées de la mise en œuvre des mesures de transposition de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre, et ainsi appelées à se prononcer sur la qualification de contrats à durée déterminée successifs, qu’il incombe, dans chaque cas, d’examiner, en fonction de toutes les circonstances de la cause, si les mesures édictées à l’article 11 du décret présidentiel 164/2004 sont aptes à sanctionner dûment les éventuelles utilisations abusives de contrats de travail à durée déterminée commises avant l’entrée en vigueur de ce décret et à effacer ainsi les conséquences de la violation du droit communautaire.

172

S’agissant de la procédure prévue à cet effet par le droit national, il y a lieu de relever que, en vertu de la clause 8, point 5, de l’accord-cadre, la prévention ainsi que la réglementation des litiges et des plaintes, résultant de l’application dudit accord, sont traitées conformément à la législation, aux conventions collectives et aux pratiques nationales (ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 140).

173

Conformément à une jurisprudence constante, en l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire (arrêt Impact, précité, point 44 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 141).

174

Ainsi qu’il ressort des points 158 et 159 du présent arrêt, il incombe aux autorités nationales d’adopter des mesures appropriées pour garantir la pleine efficacité des normes prises en application de l’accord-cadre. Les modalités de mise en œuvre de ces normes, qui relèvent de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie procédurale nationale, doivent être conformes aux principes d’équivalence et d’effectivité (ordonnance Vassilakis, e.a., précitée, point 142).

175

Or, la Cour a déjà jugé qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, prévoyant qu’une autorité administrative indépendante, telle l’ASEP, est compétente pour requalifier éventuellement des contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée semble, à première vue, satisfaire à ces exigences (ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 144).

176

Toutefois, il incombe à la juridiction de renvoi, et non pas à la Cour, de vérifier que l’État membre en cause a pris toutes les dispositions nécessaires lui permettant, d’une part, d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la directive 1999/70 et, d’autre part, de prévoir que les modalités de mise en œuvre des normes prises en application de l’accord-cadre, qui relèvent de son ordre juridique interne en vertu du principe de l’autonomie procédurale des États membres, assurent la garantie du droit à une protection juridictionnelle effective dans le respect des principes d’effectivité et d’équivalence (voir, notamment, ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 149 et jurisprudence citée).

177

Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il convient dès lors de répondre à la juridiction de renvoi que la clause 8, point 3, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que le décret présidentiel 164/2004, qui, à la différence d’une règle de droit interne antérieure, telle que l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, d’une part, ne prévoit plus, lorsqu’il a été fait un recours abusif à des contrats de travail à durée déterminée dans le secteur public, la requalification de ces derniers en contrats de travail à durée indéterminée ou soumet celle-ci au respect de certaines conditions cumulatives et restrictives et, d’autre part, exclut du bénéfice des mesures de protection qu’il prévoit les travailleurs ayant conclu un premier ou unique contrat de travail à durée déterminée, dès lors que de telles modifications, ce qu’il appartient à ladite juridiction de vérifier, portent sur une catégorie limitée de travailleurs ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée ou sont compensées par l’adoption de mesures préventives de l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée au sens de la clause 5, point 1, dudit accord-cadre.

178

Toutefois, la mise en œuvre de l’accord-cadre par une réglementation nationale, telle que le décret présidentiel 164/2004, ne saurait aboutir à réduire la protection qui était précédemment applicable dans l’ordre juridique interne aux travailleurs à durée déterminée à un niveau inférieur à celui déterminé par les dispositions protectrices minimales prévues par l’accord-cadre. En particulier, le respect de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre exige qu’une telle réglementation prévoie, en ce qui concerne l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs, des mesures effectives et contraignantes de prévention d’une telle utilisation abusive ainsi que des sanctions ayant un caractère suffisamment effectif et dissuasif pour garantir la pleine efficacité de ces mesures préventives. Il appartient dès lors à la juridiction de renvoi de vérifier que ces conditions sont remplies.

Sur l’interdiction absolue de transformer les contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée dans le secteur public

179

Par ses questions, la juridiction de renvoi demande en substance si l’accord-cadre doit être interprété en ce sens qu’il fait obstacle à l’application d’une réglementation nationale qui interdit, dans le secteur public, de transformer en contrats à durée indéterminée des contrats de travail à durée déterminée qui ont, en réalité, eu pour objet de couvrir des besoins permanents et durables de l’employeur.

180

Il ressort des décisions de renvoi que, selon la juridiction saisie des litiges au principal, cette interdiction absolue de toute conversion serait désormais prévue, non plus seulement à l’article 21 de la loi 2190/94, mais également à l’article 103, paragraphe 8, de la Constitution de la République hellénique, tel que modifié le 7 avril 2001.

181

Quelle que soit la nature des dispositions de droit hellénique interdisant la transformation de contrats de travail à durée déterminée successifs en contrats à durée indéterminée, il convient d’emblée de relever, pour autant que la présente question concerne la conclusion d’un tout premier ou unique contrat de travail à durée déterminée, que, ainsi qu’il ressort déjà du point 90 du présent arrêt, l’accord-cadre n’impose pas aux États membres d’adopter des mesures en vue de sanctionner l’utilisation abusive d’un tel contrat résultant du fait qu’il couvre, en réalité, des besoins permanents et durables de l’employeur. En effet, ledit contrat ne relève pas de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, lequel porte uniquement sur la prévention de l’utilisation abusive de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs (arrêt Mangold, précité, points 41 à 43).

182

Pour autant que la question concerne les contrats de travail à durée déterminée successifs, il convient d’observer que cette question est identique à une question sur laquelle la Cour a déjà statué dans l’arrêt Adeneler e.a. (précité, points 91 à 105) et que d’autres éléments utiles permettant de répondre à cette question ressortent des arrêts précités Marrosu et Sardino (points 44 à 57) ainsi que Vassallo (points 33 à 42), et de l’ordonnance Vassilakis e.a., précitée (points 120 à 137).

183

Il ressort de cette jurisprudence que, dès lors que la clause 5 de l’accord-cadre n’édicte pas une obligation générale des États membres de prévoir la transformation en contrats à durée indéterminée des contrats de travail à durée déterminée, pas plus qu’elle ne prescrit les conditions précises auxquelles il peut être fait usage de ces derniers (arrêt Adeneler e.a., précité, point 91), elle laisse un certain pouvoir d’appréciation en la matière aux États membres (arrêt Marrosu et Sardino, précité, point 47, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 121).

184

Toutefois, ainsi qu’il ressort déjà du point 161 du présent arrêt, afin qu’une réglementation nationale qui interdit d’une façon absolue, dans le secteur public, de transformer en un contrat de travail à durée indéterminée une succession de contrats de travail à durée déterminée qui, en fait, ont eu pour objet de couvrir des besoins permanents et durables de l’employeur puisse être considérée comme conforme à l’accord-cadre, l’ordre juridique interne de l’État membre concerné doit comporter, dans ledit secteur, une autre mesure effective pour éviter et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs (voir, en ce sens, arrêts précités Adeneler e.a., point 105; Marrosu et Sardino, point 49, et Vassallo, point 34, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 123).

185

Il convient de rappeler, ainsi que cela ressort, notamment, des points 79 à 82 et 93 du présent arrêt, que la clause 5, point 1, de l’accord-cadre impose aux États membres l’adoption effective et contraignante de l’une au moins des mesures énumérées à cette disposition et visant à prévenir l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, dès lors que le droit national ne comporte pas déjà des mesures équivalentes (arrêts précités Marrosu et Sardino, point 50, et Vassallo, point 35, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 124).

186

En outre, lorsque, comme en l’occurrence, le droit communautaire ne prévoit pas de sanctions spécifiques dans l’hypothèse où des abus auraient néanmoins été constatés, il incombe aux autorités nationales d’adopter des mesures qui doivent revêtir un caractère non seulement proportionné, mais également suffisamment effectif et dissuasif pour garantir la pleine efficacité des normes prises en application de l’accord-cadre, conformément aux exigences relevées aux points 158 à 160 du présent arrêt (arrêts précités Adeneler e.a., point 94; Marrosu et Sardino, point 51, et Vassallo, point 36, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 125).

187

En l’occurrence, il y a lieu de relever que la réglementation nationale en cause au principal prévoit des règles impératives relatives à la durée et au renouvellement des contrats de travail à durée déterminée destinées à assurer la mise en œuvre des trois mesures préventives énumérées à la clause 5, point 1, sous a) à c), de l’accord-cadre. Elle prévoit également que, lorsqu’un recours abusif à des contrats de travail à durée déterminée successifs a été constaté, le travailleur lésé a le droit au versement du salaire dû et au paiement d’une indemnité de licenciement, tandis que l’auteur de l’infraction peut faire l’objet de sanctions pénales et disciplinaires. Par ailleurs, cette réglementation prévoit également que certains contrats de travail à durée déterminée applicables à la date d’entrée en vigueur de celle-ci ou ayant expiré peu avant cette date peuvent, sous respect de certaines conditions, être transformés en contrats à durée indéterminée.

188

Si une telle réglementation pourrait satisfaire aux exigences relevées aux points 158 à 160 du présent arrêt (voir, en ce sens, arrêts précités Marrosu et Sardino, point 55, et Vassallo, précité, point 40, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 128), il appartient toutefois à la juridiction de renvoi, ainsi qu’il ressort des points 162 à 176 du présent arrêt, d’apprécier dans quelle mesure les conditions d’application ainsi que la mise en œuvre effective des dispositions pertinentes de droit interne en font une mesure adéquate pour prévenir et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive par l’administration publique de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs (voir arrêts précités Vassallo, point 41, et Marrosu et Sardino, point 56, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 135).

189

Il convient dès lors de répondre à la juridiction de renvoi que, dans des circonstances telles que celles des affaires au principal, l’accord-cadre doit être interprété en ce sens que, lorsque l’ordre juridique interne de l’État membre concerné comporte, dans le secteur considéré, d’autres mesures effectives pour éviter et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs au sens de la clause 5, point 1, de cet accord-, il ne fait pas obstacle à l’application d’une règle de droit national interdisant d’une façon absolue, dans le seul secteur public, de transformer en un contrat de travail à durée indéterminée une succession de contrats de travail à durée déterminée qui, ayant eu pour objet de couvrir des besoins permanents et durables de l’employeur, doivent être considérés comme abusifs. Il incombe toutefois à la juridiction de renvoi d’apprécier dans quelle mesure les conditions d’application ainsi que la mise en œuvre effective des dispositions pertinentes de droit interne en font une mesure adéquate pour prévenir et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive par l’administration publique de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.

190

En revanche, la clause 5, point 1, de l’accord-cadre n’étant pas applicable aux travailleurs ayant conclu un premier ou unique contrat de travail à durée déterminée, cette disposition n’impose pas aux États membres d’adopter des sanctions lorsqu’un tel contrat couvre, en réalité, des besoins permanents et durables de l’employeur.

Sur les conséquences découlant de l’interprétation des clauses 5, point 1, et 8, point 1, de l’accord-cadre pour les juridictions nationales

191

Par ses questions, la juridiction de renvoi demande en substance si elle est tenue, en vertu du droit communautaire, d’écarter l’application d’une réglementation nationale, telle que le décret présidentiel 164/2004 en cause au principal, si celle-ci est contraire aux dispositions de l’accord-cadre, et d’appliquer à sa place une «mesure légale équivalente», telle que celle prévue à l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920.

192

Eu égard aux réponses fournies aux autres questions, la présente question revêt un caractère utile pour la juridiction de renvoi dans l’hypothèse où celle-ci, conformément à ce qui a été jugé aux points 103 à 106 ainsi que 147 à 176 du présent arrêt, parviendrait à la conclusion selon laquelle la réglementation nationale, le cas échéant, telle qu’interprétée ou appliquée par les autorités nationales, ne comporte pas, en violation de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, des mesures effectives destinées à éviter et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs par un employeur relevant du secteur public, ainsi que, le cas échéant, dans le cas où cette juridiction, conformément à ce qui a été jugé, en particulier, aux points 138 et 139 ainsi que 146 du présent arrêt, conclurait que le décret présidentiel 164/2004 constitue, en violation de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre, une régression du niveau général de protection des travailleurs à durée déterminée qui a été justifiée par la nécessité de la mise en œuvre de cet accord.

193

En vue de répondre à la question posée, il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que, dans tous les cas où des dispositions d’une directive apparaissent comme étant, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers sont fondés à les invoquer à l’encontre de l’État, notamment en sa qualité d’employeur (voir, notamment, en ce sens, arrêts du 26 février 1986, Marshall, 152/84, Rec. p. 723, points 46 et 49, ainsi que du 20 mars 2003, Kutz-Bauer, C-187/00, Rec. p. I-2741, points 69 et 71).

194

Tel est le cas, selon la jurisprudence, dans toutes les hypothèses où la pleine application de celle-ci n’est pas effectivement assurée, c’est-à-dire non seulement en cas d’absence de transposition ou de transposition incorrecte de cette directive, mais aussi dans le cas où les mesures nationales qui transposent correctement ladite directive ne sont pas appliquées de manière à atteindre le résultat qu’elle vise (arrêt du 11 juillet 2002, Marks & Spencer, C-62/00, Rec. p. I-6325, point 27).

195

Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, il est permis de transposer cette jurisprudence aux accords qui, tel l’accord-cadre, sont nés d’un dialogue conduit, sur la base de l’article 139, paragraphe 1, CE, entre partenaires sociaux au niveau communautaire et qui ont été mis en œuvre, conformément au paragraphe 2 de ce même article, par une directive du Conseil, dont ils font alors partie intégrante (arrêt Impact, précité, point 58).

— Sur la clause 5, point 1, de l’accord-cadre

196

Il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que la clause 5, point 1, de l’accord-cadre n’apparaît pas, du point de vue de son contenu, inconditionnelle et suffisamment précise pour pouvoir être invoquée par un particulier devant un juge national. En effet, en vertu de cette disposition, il relève du pouvoir d’appréciation des États membres de recourir, afin de prévenir l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée, à une ou plusieurs des mesures énoncées dans cette clause, ou encore à des mesures légales existantes équivalentes, et ce tout en tenant compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs. En outre, il n’est pas possible de déterminer de façon suffisante la protection minimale qui devrait, en tout état de cause, être mise en œuvre au titre de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre (arrêt Impact, précité, points 71, 78 et 79).

197

Toutefois, il ressort d’une jurisprudence constante que, en appliquant le droit interne, les juridictions nationales sont tenues de l’interpréter dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive en cause pour atteindre le résultat visé par celle-ci et, partant, se conformer à l’article 249, troisième alinéa, CE. Cette obligation d’interprétation conforme concerne l’ensemble des dispositions du droit national, tant antérieures que postérieures à la directive dont il s’agit (voir, notamment, arrêt Adeneler e.a., précité, point 108, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 56).

198

L’exigence d’une interprétation conforme du droit national est en effet inhérente au système du traité en ce qu’elle permet aux juridictions nationales d’assurer, dans le cadre de leurs compétences, la pleine efficacité du droit communautaire lorsqu’elles tranchent les litiges dont elles sont saisies (voir, notamment, arrêt Adeneler e.a., précité, point 109, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 57).

199

Certes, l’obligation pour le juge national de se référer au contenu d’une directive lorsqu’il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne trouve ses limites dans les principes généraux du droit, et notamment dans ceux de sécurité juridique et de non-rétroactivité, et elle ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national (voir arrêt précités Adeneler e.a., point 110, et Impact, point 100, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 58).

200

Le principe d’interprétation conforme requiert néanmoins que les juridictions nationales fassent tout ce qui relève de leur compétence, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, aux fins de garantir la pleine effectivité de la directive en cause et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci (voir arrêts précités Adeneler e.a., point 111, et Impact, point 101, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 59).

201

Ainsi que la Cour l’a précisé au point 115 de l’arrêt Adeneler e.a., précité, en cas de transposition tardive d’une directive, l’obligation générale, qui incombe aux juridictions nationales, d’interpréter le droit interne d’une manière conforme à la directive n’existe qu’à partir de l’expiration du délai de transposition de celle-ci (voir, également, ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 63).

202

Par ailleurs, pour le cas où le résultat prescrit par une directive ne pourrait être atteint par voie d’interprétation, il convient de rappeler que, selon l’arrêt du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C-6/90 et C-9/90, Rec. p. I-5357, point 39), le droit communautaire impose aux États membres de réparer les dommages qu’ils ont causés aux particuliers en raison de l’absence de transposition de cette directive pour autant que trois conditions sont remplies. Tout d’abord, la directive en cause doit avoir pour objectif l’attribution de droits à des particuliers. Le contenu de ces droits doit, ensuite, pouvoir être identifié sur la base des dispositions de ladite directive. Enfin, il doit y avoir un lien de causalité entre la violation de l’obligation qui incombe à l’État membre et le dommage subi (voir arrêt du 14 juillet 1994, Faccini Dori, C-91/92, Rec. p. I-3325, point 27, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 60).

203

En l’occurrence, il appartient dès lors à la juridiction de renvoi de donner aux dispositions pertinentes de droit interne, dans toute la mesure du possible et lorsqu’une utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs a eu lieu, une interprétation et une application à même de sanctionner dûment cet abus et d’effacer les conséquences de la violation du droit communautaire. Dans ce cadre, il incombe à ladite juridiction d’apprécier si les dispositions de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 peuvent, le cas échéant, s’appliquer aux fins de cette interprétation conforme.

204

Quant à l’incidence, à cet égard, de la circonstance selon laquelle l’article 103, paragraphe 8, de la Constitution de la République hellénique a été modifié après l’entrée en vigueur de la directive 1999/70 et avant l’expiration du délai de transposition de celle-ci, en vue d’interdire de manière absolue, dans le secteur public, la transformation de contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, il suffit de rappeler qu’une directive produit des effets juridiques à l’égard de l’État membre destinataire — et, partant, de toutes les autorités nationales —, selon le cas, à la suite de sa publication ou dès la date de sa notification (voir arrêt Adeneler e.a., précité, point 119, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 67).

205

En l’occurrence, la directive 1999/70 précise, à son article 3, qu’elle entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes, soit le 10 juillet 1999.

206

Or, selon la jurisprudence de la Cour, il résulte de l’application combinée tant des articles 10, second alinéa, CE et 249, troisième alinéa, CE que de la directive concernée que, pendant le délai de transposition d’une directive, les États membres destinataires de celle-ci doivent s’abstenir de prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par cette directive (arrêts Inter-Environnement Wallonie, précité, point 45; du 8 mai 2003, ATRAL, C-14/02, Rec. p. I-4431, point 58, et Mangold, précité, point 67). Il importe peu à cet égard que la disposition en cause du droit national, adoptée après l’entrée en vigueur de la directive concernée, vise ou non la transposition de cette dernière (arrêt Adeneler e.a., précité, point 121, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 69).

207

Il s’ensuit que toutes les autorités des États membres sont soumises à l’obligation de garantir le plein effet des dispositions du droit communautaire (voir arrêts Francovich e.a., précité, point 32; du 13 janvier 2004, Kühne & Heitz, C-453/00, Rec. p. I-837, point 20, ainsi que Pfeiffer e.a., précité, point 111), en ce compris lorsque lesdites autorités modifient leur Constitution.

— Sur la clause 8, point 3, de l’accord-cadre

208

S’agissant de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre, il convient de souligner que, ainsi que cela ressort du point 126 du présent arrêt, ladite clause n’interdit pas toute réduction de la protection des travailleurs à durée déterminée mais uniquement celle qui, d’une part, est justifiée par la nécessité de la «mise en œuvre» de cet accord et, d’autre part, porte sur le «niveau général de protection» des travailleurs à durée déterminée.

209

Il en ressort, en premier lieu, que la clause 8, point 3, de l’accord-cadre porte sur la seule «mise en œuvre» de cet accord par les États membres et/ou les partenaires sociaux, auxquels il incombe de transposer celui-ci dans l’ordre juridique interne, en interdisant à ces derniers, ainsi qu’il a été constaté au point 133 du présent arrêt, de justifier, lors de cette transposition, une régression du niveau général de protection des travailleurs par la nécessité de la mise en œuvre dudit accord-cadre.

210

En second lieu, la clause 8, point 3, de l’accord-cadre, en se bornant à interdire, selon ses propres termes, «la régression du niveau général de protection des travailleurs dans le domaine couvert par [cet accord]», implique, ainsi qu’il ressort du point 140 du présent arrêt, que seule une réduction d’une certaine ampleur de nature à affecter globalement la réglementation nationale relative aux contrats de travail à durée déterminée est susceptible de relever de son champ d’application. Or, les particuliers ne pourraient déduire d’une telle interdiction aucun droit dont le contenu serait suffisamment clair, précis et inconditionnel.

211

Il s’ensuit que la clause 8, point 3, de l’accord-cadre ne remplit pas les conditions requises pour produire un effet direct.

212

Dans ce contexte, il incombe aux juridictions nationales d’interpréter les dispositions du droit national dans toute la mesure du possible d’une manière telle qu’elles puissent recevoir une application conforme à la finalité poursuivie par l’accord-cadre (voir, par analogie, jurisprudence citée aux points 197 à 200 du présent arrêt).

213

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la juridiction de renvoi qu’il lui appartient de donner aux dispositions pertinentes du droit interne, dans toute la mesure du possible, une interprétation conforme aux clauses 5, point 1, et 8, point 3, de l’accord-cadre, ainsi que de déterminer, dans ce cadre, si une «mesure légale équivalente» au sens de la première de ces clauses, telle que celle prévue à l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, doit être appliquée aux litiges au principal en lieu et place de certaines autres dispositions de droit interne.

Sur les dépens

214

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

 

1)

La clause 5, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à l’adoption, par un État membre, d’une réglementation nationale, telle que le décret présidentiel 164/2004 portant dispositions concernant les travailleurs recrutés sur la base de contrats à durée déterminée dans le secteur public, qui, en vue de transposer spécifiquement la directive 1999/70, afin d’appliquer ses dispositions au secteur public, prévoit la mise en œuvre des mesures préventives de l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs énumérées au point 1, sous a) à c), de cette clause, lorsqu’il existe déjà en droit interne, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, une «mesure légale équivalente» au sens de ladite clause, telle que l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 relative à la résiliation obligatoire du contrat de travail des employés du secteur privé, pour autant, cependant, que ladite réglementation, d’une part, n’affecte pas le caractère effectif de la prévention de l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée tel qu’il découle de ladite mesure légale équivalente et, d’autre part, qu’elle respecte le droit communautaire, et, notamment, la clause 8, point 3, dudit accord.

 

2)

La clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, soit appliquée par les autorités de l’État membre concerné de telle sorte que le renouvellement de contrats de travail à durée déterminée successifs, dans le secteur public, est considéré comme justifié par des «raisons objectives» au sens de ladite clause au seul motif que ces contrats sont fondés sur des dispositions légales qui en permettent le renouvellement pour satisfaire certains besoins provisoires, alors que, en réalité, lesdits besoins sont permanents et durables. En revanche, cette même clause ne s’applique pas à la conclusion d’un premier ou unique contrat ou relation de travail à durée déterminée.

 

3)

La clause 8, point 3, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée doit être interprétée en ce sens que la «régression» visée par cette clause doit être examinée par rapport au niveau général de protection qui était applicable, dans l’État membre concerné, tant aux travailleurs ayant conclu des contrats de travail à durée déterminée successifs qu’aux travailleurs ayant conclu un premier et unique contrat à durée déterminée.

 

4)

La clause 8, point 3, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que le décret présidentiel 164/2004, qui, à la différence d’une règle de droit interne antérieure, telle que l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, d’une part, ne prévoit plus, lorsqu’il a été fait un recours abusif à des contrats de travail à durée déterminée dans le secteur public, la requalification de ces derniers en contrats à durée indéterminée ou soumet celle-ci au respect de certaines conditions cumulatives et restrictives et, d’autre part, exclut du bénéfice des mesures de protection qu’il prévoit les travailleurs ayant conclu un premier ou unique contrat de travail à durée déterminée, dès lors que de telles modifications, ce qu’il appartient à ladite juridiction de vérifier, portent sur une catégorie limitée de travailleurs ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée ou sont compensées par l’adoption de mesures préventives de l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée au sens de la clause 5, point 1, dudit accord-cadre.

Toutefois, la mise en œuvre de cet accord-cadre par une réglementation nationale, telle que le décret présidentiel 164/2004, ne saurait aboutir à réduire la protection qui était précédemment applicable dans l’ordre juridique interne aux travailleurs à durée déterminée à un niveau inférieur à celui déterminé par les dispositions protectrices minimales prévues par le même accord-cadre. En particulier, le respect de la clause 5, point 1, dudit accord-cadre exige qu’une telle réglementation prévoie, en ce qui concerne l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs, des mesures effectives et contraignantes de prévention d’une telle utilisation abusive ainsi que des sanctions ayant un caractère suffisamment effectif et dissuasif pour garantir la pleine efficacité de ces mesures préventives. Il appartient dès lors à la juridiction de renvoi de vérifier que ces conditions sont remplies.

 

5)

Dans des circonstances telles que celles des affaires au principal, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée doit être interprété en ce sens que, lorsque l’ordre juridique interne de l’État membre concerné comporte, dans le secteur considéré, d’autres mesures effectives pour éviter et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs- au sens de la clause 5, point 1, de cet accord, il ne fait pas obstacle à l’application d’une règle de droit national interdisant d’une façon absolue, dans le seul secteur public, de transformer en un contrat de travail à durée indéterminée une succession de contrats de travail à durée déterminée qui, ayant eu pour objet de couvrir des besoins permanents et durables de l’employeur, doivent être considérés comme abusifs. Il incombe toutefois à la juridiction de renvoi d’apprécier dans quelle mesure les conditions d’application ainsi que la mise en œuvre effective des dispositions pertinentes de droit interne en font une mesure adéquate pour prévenir et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive par l’administration publique de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.

En revanche, la clause 5, point 1, dudit accord-cadre n’étant pas applicable aux travailleurs ayant conclu un premier ou unique contrat de travail à durée déterminée, cette disposition n’impose pas aux États membres d’adopter des sanctions lorsqu’un tel contrat couvre, en réalité, des besoins permanents et durables de l’employeur.

 

6)

Il appartient à la juridiction de renvoi de donner aux dispositions pertinentes du droit interne, dans toute la mesure du possible, une interprétation conforme aux clauses 5, point 1, et 8, point 3, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, ainsi que de déterminer, dans ce cadre, si une «mesure légale équivalente» au sens de la première de ces clauses, telle que celle prévue à l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, doit être appliquée aux litiges au principal en lieu et place de certaines autres dispositions de droit interne.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le grec.

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