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Document 62007CC0446

Conclusions de l'avocat général Sharpston présentées le 7 mai 2009.
Alberto Severi contre Regione Emilia Romagna.
Demande de décision préjudicielle: Tribunale civile di Modena - Italie.
Directive 2000/13/CE - Étiquetage des denrées alimentaires destinées à être livrées en l'état au consommateur final - Étiquetage susceptible d'induire l'acheteur en erreur sur l'origine ou la provenance de la denrée alimentaire - Dénominations génériques au sens de l'article 3 du règlement (CEE) nº 2081/92 - Incidence.
Affaire C-446/07.

Recueil de jurisprudence 2009 I-08041

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2009:289

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME  ELEANOR SHARPSTON

présentées le 7 mai 2009 ( 1 )

Affaire C-446/07

Alberto Severi

contre

Regione Emilia-Romagna

«Directive 2000/13/CE — Étiquetage des denrées alimentaires destinées à être livrées en l’état au consommateur final — Étiquetage susceptible d’induire l’acheteur en erreur sur l’origine ou la provenance de la denrée alimentaire — Dénominations génériques au sens de l’article 3 du règlement (CEE) n o  2081/92 — Incidence»

1. 

Dans une situation où la dénomination d’une denrée alimentaire évoquant un lieu de provenance a été enregistrée par un groupe de producteurs locaux comme marque collective (nationale), et où une demande d’enregistrement d’appellation d’origine protégée (ci-après « AOP » ) ou d’indication géographique protégée (ci-après « IGP » ) (communautaire) a également été introduite, dans quelle mesure un autre producteur, qui fait usage d’une dénomination similaire pour une denrée similaire, peut-il se fonder, pour répondre à l’argument selon lequel l’étiquetage de cette denrée pourrait induire le consommateur en erreur, sur i) la circonstance que l’examen de la demande d’enregistrement en tant que AOP ou IGP n’a pas encore établi que la dénomination n’est pas devenue générique et/ou ii) la circonstance qu’il a fait usage de bonne foi de la dénomination depuis longtemps?

2. 

Tel est l’objet essentiel des questions préjudicielles posées en l’espèce par le Tribunale di Modena (Italie).

La législation communautaire

3.

Le présent renvoi préjudiciel concerne l’interprétation du règlement (CEE) n o  2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992 , relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires  ( 2 ) , de la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000 , relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard  ( 3 ) et de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988 , rapprochant les législations des États membres sur les marques  ( 4 ) .

Le règlement n o  2081/92

4.

Le règlement dresse le cadre de la protection des dénominations d’origine et indications géographiques protégées  ( 5 ) . Aux termes du règlement, la dénomination de certains produits agricoles et denrées alimentaires peut être protégée en tant que AOP ou IGP dans toute la Communauté européenne lorsqu’il existe un lien entre les caractéristiques des produits et leur origine géographique  ( 6 ) .

5.

Le cinquième considérant du règlement dispose que l’étiquetage des produits agricoles et des denrées alimentaires est soumis aux règles générales établies par la directive 79/112  ( 7 ) et que, compte tenu de leur spécificité, il convient d’arrêter des dispositions particulières complémentaires pour les produits agricoles et les denrées alimentaires provenant d’une aire géographique délimitée. L’article 1 er , paragraphe 2, qui définit le champ d’application du règlement, dispose expressément qu’il s’applique sans préjudice d’autres dispositions communautaires particulières.

6.

L’article 2 du règlement dispose que la protection communautaire des appellations d’origine et des indications géographiques des produits agricoles et denrées alimentaires est obtenue conformément au règlement et il définit les conditions qui doivent être remplies pour qu’une dénomination soit classée comme « appellation d’origine » ou comme « indication géographique » .

7.

À cette fin, l’article 2, paragraphe 2, sous a), dudit règlement dispose qu’on entend par « appellation d’origine » le nom d’une région, d’un lieu déterminé ou d’un pays, qui sert à désigner un produit agricole ou une denrée alimentaire originaire de cette région, de ce lieu déterminé ou de ce pays et dont la qualité ou les caractères sont dus essentiellement ou exclusivement au milieu géographique comprenant les facteurs naturels et humains, et dont la production, la transformation et l’élaboration ont lieu dans l’aire géographique délimitée. L’article 2, paragraphe 2, sous b), définit l’ « indication géographique » comme étant le nom d’une région, d’un lieu déterminé ou d’un pays, qui sert à désigner un produit agricole ou une denrée alimentaire originaire de cette région, de ce lieu déterminé ou de ce pays et dont une qualité déterminée, la réputation ou une autre caractéristique peut être attribuée à cette origine géographique et dont la production et/ou la transformation et/ou l’élaboration ont lieu dans l’aire géographique délimitée.

8.

L’article 3 du règlement indique ensuite deux cas dans lesquels des dénominations particulières ne peuvent pas être enregistrées.

9.

En particulier, l’article 3, paragraphe 1, du règlement dispose:

« Les dénominations devenues génériques ne peuvent être enregistrées.

Aux fins du présent règlement, on entend par ‘ dénomination devenue générique ’ , le nom d’un produit agricole ou d’une denrée alimentaire qui, bien que se rapportant au lieu ou à la région où ce produit agricole ou cette denrée alimentaire a été initialement produit ou commercialisé, est devenu le nom commun d’un produit agricole ou d’une denrée alimentaire.

Pour déterminer si un nom est devenu générique, il est tenu compte de tous les facteurs et notamment:

de la situation existant dans l’État membre où le nom a son origine et dans les zones de consommation,

de la situation existant dans d’autres États membres,

des législations nationales ou communautaires pertinentes.

Si, au terme de la procédure définie aux articles 6 et 7, une demande d’enregistrement est rejetée parce qu’une dénomination est devenue générique, la Commission publie cette décision au Journal officiel des Communautés européennes» .

10.

L’article 5 du règlement décrit la procédure à suivre par un État membre lorsqu’une demande d’enregistrement d’une dénomination est introduite. Les dispositions pertinentes de l’article 5, paragraphe 5  ( 8 ) , s’énoncent ainsi:

« L’État membre vérifie que la demande est justifiée et la transmet à la Commission […] lorsqu’il estime que les exigences du présent règlement sont remplies.

Une protection au sens du présent règlement, au niveau national ainsi que, le cas échéant, une période d’adaptation, ne peuvent être accordées que transitoirement par cet État membre à la dénomination ainsi transmise à partir de la date de cette transmission […]

La protection nationale transitoire cesse d’exister à partir de la date à laquelle une décision sur l’enregistrement en vertu du présent règlement est prise. Lors de cette décision, une période d’adaptation limitée à cinq ans maximum peut être fixée, à condition que les entreprises concernées aient légalement commercialisé les produits en cause en utilisant de façon continue les dénominations concernées durant au moins cinq ans précédant la date de publication prévue à l’article 6, paragraphe 2. »

11.

L’article 13 du règlement expose en détail la protection dont bénéficient les dénominations enregistrées. Les parties pertinentes de cet article s’énoncent ainsi:

« 1.    Les dénominations enregistrées sont protégées contre toute:

a)

utilisation commerciale directe ou indirecte d’une dénomination enregistrée pour des produits non couverts par l’enregistrement, dans la mesure où ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou dans la mesure où cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée;

b)

usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable du produit est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une expression telle que […], ‘ type ’ , […];

c)

autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance […] du produit […] de nature à créer une impression erronée sur l’origine;

d)

autre pratique susceptible d’induire le public en erreur quant à la véritable origine du produit.

[…]

3.   Les dénominations protégées ne peuvent devenir génériques.

[…] »

La directive 2000/13

12.

La directive 2000/13 rapproche les législations des États membres concernant, notamment, l’étiquetage des denrées alimentaires. Le sixième considérant de son préambule dispose que « [t]oute réglementation relative à l’étiquetage des denrées alimentaires doit être fondée, avant tout, sur l’impératif de l’information et de la protection des consommateurs » .

13.

Les dispositions pertinentes de l’article 2 de la directive 2000/13 s’énoncent ainsi:

« 1.    L’étiquetage et les modalités selon lesquelles il est réalisé ne doivent pas:

a)

être de nature à induire l’acheteur en erreur, notamment:

i)

sur les caractéristiques de la denrée alimentaire, et notamment sur […] l’origine ou la provenance, […]

[…]

3.   Les interdictions ou restrictions prévues [au paragraphe] 1 […] s’appliquent également:

a)

à la présentation des denrées alimentaires et notamment à la forme ou à l’aspect donné à celles-ci ou à leur emballage, au matériau d’emballage utilisé, à la manière dont elles sont disposées ainsi qu’à l’environnement dans lequel elles sont exposées;

b)

à la publicité. »

14.

Les dispositions pertinentes de l’article 5 de la directive 2000/13 s’énoncent ainsi:

« 1.    La dénomination de vente d’une denrée alimentaire est la dénomination prévue pour cette denrée dans les dispositions communautaires qui lui sont applicables.

a)

En l’absence de dispositions communautaires, la dénomination de vente est la dénomination prévue par les dispositions législatives, réglementaires ou administratives applicables dans l’État membre où s’effectue la vente au consommateur final ou aux collectivités.

À défaut, la dénomination de vente est constituée par le nom consacré par les usages de l’État membre où s’effectue la vente au consommateur final ou aux collectivités, ou par une description de la denrée alimentaire et, si nécessaire, de son utilisation, qui soit suffisamment précise pour permettre à l’acheteur d’en connaître la nature réelle et de la distinguer des produits avec lesquels elle pourrait être confondue. »

La directive 89/104

15.

La directive 89/104 est la première directive rapprochant les législations des États membres sur les marques.

16.

Les dispositions pertinentes de l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive s’énoncent ainsi:

« Sont refusés à l’enregistrement ou susceptibles d’être déclarés nuls s’ils sont enregistrés:

[…]

c)

les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci;

d)

les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce;

[…] »

17.

L’article 15, paragraphe 2, de la directive 89/104 s’énonce ainsi:

« Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, point c), les États membres peuvent prévoir que les signes ou indications susceptibles de servir, dans le commerce, à désigner la provenance géographique des produits ou des services peuvent constituer des marques collectives ou des marques de garantie ou de certification. Une telle marque n’autorise pas le titulaire à interdire à un tiers d’utiliser dans le commerce ces signes ou indications, pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale; en particulier, une telle marque ne peut être opposée à un tiers habilité à utiliser une dénomination géographique. »

Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

18.

La commune de Felino se situe dans la région de l’Émilie-Romagne en Italie. La société Cavazzuti e figli SpA, actuellement Grandi Salumifici Italiani SpA (ci-après « GSI » ), produit un saucisson qu’elle commercialise sous la dénomination « Salame Felino » et/ou « Salame tipo Felino » ( 9 ) . Elle produit ce salami à Modène (située aussi dans la région de l’Émilie-Romagne, à environ 50 km de Felino), et cela depuis environ 1970.

19.

Le 16 mai 2006 , la région de l’Émilie-Romagne a infligé une sanction administrative à GSI pour avoir utilisé la dénomination « Salame tipo Felino » sur son étiquetage d’une façon induisant le consommateur en erreur. La région estimait que GSI avait violé l’article 2 du décret législatif n o  109/92, transposant en droit italien l’article 2 de la directive 2000/13.

20.

Au moment où la sanction a été infligée, la dénomination « Salame Felino » n’était enregistrée ni comme AOP ni comme IGP. La décision de renvoi relate que, suite aux propositions de l’Associazione per la Tutela del Salame Felino (Association pour la protection du Salame Felino, ci-après l’ « APTSF » ) et de l’Associazione delle Industrie delle Carni (Association des industries des viandes), une demande avait été introduite pour la reconnaissance du « Salame Felino » comme IGP en vertu du règlement. Toutefois, au moment du renvoi, cette demande n’avait pas abouti à l’enregistrement de la dénomination.

21.

GSI a introduit un recours devant le Tribunale di Modena en vue d’obtenir l’annulation de la sanction administrative au motif que la dénomination « Salame Felino » était générique et qu’il en avait été fait usage de bonne foi depuis de nombreuses années en dehors de la commune de Felino, y compris par rapport à une marque collective. Ledit Tribunale a sursis à statuer et a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

« 1)

l’article 3, paragraphe 1, et l’article 13, paragraphe 3, du [règlement] [devenus les articles 3, paragraphe 1, et 13, paragraphe 2, du règlement (CE) n o  510/06], lus en combinaison avec l’article 2 du décret législatif n o  109/92 (article 2 de la directive [2000/13]) doivent-ils être interprétés en ce sens que la dénomination d’une denrée alimentaire contenant des références géographiques et qui a fait l’objet, au niveau national, d’un ‘ rejet ’ , ou en tout état cause d’un blocage, de la transmission à la Commission européenne de la demande d’enregistrement en tant que AOP ou IGP au sens des règlements précités doit être considérée comme générique au moins pendant toute la période durant laquelle les effets dudit ‘ rejet ’ ou ‘ blocage ’ demeurent pendants;

2)

l’article 3, paragraphe 1, et l’article 13, paragraphe 3, du [règlement] [devenus les articles 3, paragraphe 1, et 13, paragraphe 2, du règlement (CE) n o  510/06], lus en combinaison avec l’article 2 du décret législatif n o  109/92 (article 2 de la directive [2000/13]) doivent-ils être interprétés dans le sens que la dénomination d’une denrée alimentaire évoquant un lieu, qui n’est pas enregistrée comme AOP ou IGP au sens des règlements précités, peut être licitement utilisée dans le marché européen par les producteurs qui en ont fait usage de bonne foi et de façon constante pendant longtemps, avant l’entrée en vigueur du [règlement] [devenu le règlement (CE) n o  510/06], puis après ladite entrée en vigueur;

3)

l’article 15, paragraphe 2, de la directive [89/104], relative à l’harmonisation des législations nationales sur les marques, doit-il être interprété dans le sens qu’il n’est pas permis au titulaire d’une marque collective visant une denrée alimentaire et contenant une référence géographique d’empêcher les producteurs d’une denrée ayant les mêmes caractéristiques de la désigner par une dénomination analogue à celle contenue dans la marque collective, dès lors que lesdits producteurs ont utilisé la dénomination en question de bonne foi, de façon constante, depuis bien avant la date d’enregistrement de ladite marque collective? »

22.

GSI, la région de l’Émilie-Romagne, l’APTSF, les gouvernements grec et italien ainsi que la Commission ont présenté des observations écrites et ont ensuite présenté des conclusions orales à l’audience.

Remarques préalables

23.

La sanction infligée à GSI concerne une infraction à l’article 2 du décret législatif n o  109/92. Par conséquent, il appartient à la juridiction nationale de procéder à une appréciation simple, à savoir: GSI a-t-elle induit le consommateur en erreur en indiquant sur son étiquetage la dénomination « Salame tipo Felino » ? Le Tribunale di Modena a demandé à la Cour d’éclaircir les effets que certains éléments pourraient avoir sur cette appréciation.

24.

L’un de ces éléments est la valeur de la dénomination elle-même. La première question préjudicielle vise à savoir quand et pourquoi une dénomination peut être considérée comme générique. La réponse à cette question ne nécessite qu’un examen du schéma d’enregistrement instauré par le règlement. Toutefois, dans le contexte du problème présenté à la juridiction a quo, il s’avère également nécessaire pour la Cour d’examiner l’effet d’une qualification de la dénomination comme générique sur l’appréciation par la juridiction nationale de l’utilisation de cette dénomination sur une étiquette.

25.

Pour cela, la Cour devrait définir clairement comment le règlement interagit avec la directive n o  2000/13. J’examinerai cela dans ma réponse à la deuxième question, avant d’examiner l’impact que la bonne foi d’une société, ainsi que la durée de l’utilisation d’une dénomination peuvent avoir sur l’appréciation par une juridiction d’une étiquette prétendument trompeuse.

La première question

26.

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si une dénomination géographique pour laquelle une demande d’enregistrement en tant que AOP ou IGP a fait l’objet d’un rejet ou d’un blocage doit être considérée comme générique au moins pendant toute la période durant laquelle les effets dudit rejet ou blocage demeurent pendants.

Sur la recevabilité

27.

Deux griefs différents ont été soulevés quant à la recevabilité.

28.

Premièrement, l’APTSF et le gouvernement italien ont contesté les faits à la base de la question. Le gouvernement italien estime qu’il n’y a pas eu de rejet ou de blocage dans la procédure d’enregistrement. L’APTSF prétend qu’il ne reste plus à la demande d’enregistrement de la dénomination qu’à être soumise à la formalité de la publication.

29.

Je ne peux accepter aucun de ces arguments pour considérer irrecevable la première question.

30.

L’article 234 CE se fonde sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour. Les questions de fait relèvent de la compétence des juridictions nationales, tandis que le rôle de la Cour est de donner des indications quant à l’interprétation du droit communautaire. Il s’ensuit que la Cour doit se prononcer à partir des faits tels qu’ils ont été présentés par la juridiction nationale dans la décision de renvoi  ( 10 ) .

31.

Il ressort clairement de la décision de renvoi que, au moment des faits, la demande d’enregistrement aux termes du règlement était en cours et que la dénomination « Salame Felino » n’était pas enregistrée. Les raisons pour lesquelles il en était ainsi ou a pu en être ainsi sont tout à fait étrangères à l’analyse des questions préjudicielles.

32.

Deuxièmement, le gouvernement italien et la Commission invoquent l’irrecevabilité de la première question au motif qu’elle repose sur le postulat erroné selon lequel le champ d’application de l’article 2 de la directive 2000/13 peut être délimité par le règlement. En outre, selon la Commission, il n’est pas nécessaire, pour résoudre le litige pendant devant la juridiction de renvoi, d’examiner d’abord la question de savoir si une dénomination est générique au cours de la procédure d’enregistrement en vertu du règlement. La Commission estime que la juridiction nationale ne devrait résoudre le litige qui lui est présenté que par référence aux dispositions nationales d’application de la directive 2000/13.

33.

Bien que les arguments de la Commission soient pertinents, il est tout à fait possible que l’enregistrement d’une dénomination (ou sa qualification de générique) en vertu du règlement, même s’il ne délimite pas le champ d’application de l’article 2 de la directive 2000/13, affectera la décision d’une juridiction quant à la nature trompeuse, au sens de la directive 2000/13, d’une étiquette sur laquelle figure cette dénomination. La solution de la première question est donc une étape préliminaire qui pourrait s’avérer nécessaire pour la solution de la deuxième question.

34.

Par conséquent, j’estime que la Cour devrait répondre à la première question.

Sur le fond

35.

Le règlement prévoit un système dans lequel une dénomination indiquant la provenance d’un produit peut être enregistrée sur une liste de dénominations protégées au niveau communautaire. La Commission apprécie si la protection peut être accordée à cette dénomination. Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, dudit règlement, la Commission peut refuser d’enregistrer une dénomination au motif, entre autres, qu’elle considère que cette dénomination est générique.

36.

Cependant, à moins que la Commission ne rejette une demande pour ce motif spécifique, et tant qu’elle ne l’a pas fait, on ne peut pas dire que la dénomination est considérée comme générique au sens du règlement.

37.

De même, aucune base ne permet de supposer qu’une dénomination géographique est générique jusqu’à ce qu’il ait été déclaré qu’elle ne l’était pas. Dans de nombreux cas, une telle dénomination sera purement indicative. Dans certains cas, elle méritera une protection au sens du règlement. Cependant, rien dans les éléments soumis à la Cour ne montre qu’il est habituel qu’une dénomination géographique devienne générique en tant qu’appellation d’une denrée alimentaire.

38.

Par conséquent, et contrairement à ce que prétend GSI, une juridiction nationale ne peut pas considérer, alors qu’une dénomination est en cours d’enregistrement, qu’elle est générique, jusqu’au moment où, éventuellement, la Commission en décide ainsi.

39.

De la même façon, la dénomination ne peut pas être considérée comme n’étant pas générique au sens du règlement  ( 11 ) avant que la Commission ne se soit prononcée.

40.

En l’occurrence, la juridiction de renvoi doit déterminer si l’utilisation par GSI de l’appellation contestée est effectivement de nature à induire en erreur le consommateur, au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2000/13. Pour se prononcer sur cette question en l’absence d’une conclusion finale de la Commission aux termes du règlement, il est possible que la juridiction de renvoi doive prendre en compte les caractéristiques de la dénomination dont la Commission tiendrait également compte pour apprécier si la dénomination mérite protection ou est générique au sens du règlement. À cette fin, elle peut examiner la jurisprudence de la Cour relative au règlement.

41.

La Cour est partie de la définition de l’article 3, paragraphe 1, du règlement, à savoir que la dénomination d’une denrée alimentaire est générique lorsque (bien que se rapportant à un lieu ou à une région où la denrée alimentaire était produite ou commercialisée à l’origine) cette dénomination est devenue le nom commun de cette denrée alimentaire  ( 12 ) . Elle a jugé que la nature générique d’une dénomination devrait être déterminée en examinant, entre autres, la situation existante dans l’État membre où le nom a son origine et dans les zones de consommation, la situation existante dans d’autres États membres, ainsi que les législations nationales ou communautaires pertinentes  ( 13 ) .

42.

À la lumière de ce qui précède, je suggère que la Cour, en réponse à la première question posée par la juridiction de renvoi, devrait juger qu’une dénomination ne peut pas être présumée générique au sens du règlement tant qu’une demande de protection de la dénomination n’a pas été rejetée par la Commission au motif que la dénomination est devenue générique.

La deuxième question

43.

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande si la dénomination d’une denrée alimentaire évoquant un lieu, qui n’est pas enregistrée comme AOP ou IGP, peut être licitement utilisée par les producteurs qui en ont fait usage de bonne foi et de façon constante pendant longtemps avant l’entrée en vigueur du règlement.

Sur la recevabilité

44.

L’APTSF invoque l’irrecevabilité de la deuxième question au motif qu’elle se fonde sur une erreur de fait. Pour les raisons déjà exposées au point 30 des présentes conclusions, cet argument devrait être rejeté.

45.

Le gouvernement italien invoque l’irrecevabilité de la deuxième question au motif qu’aucune disposition communautaire ou nationale relative à l’étiquetage des produits ne prend en considération la bonne foi. Il s’agit là d’un argument de fond. Je l’examinerai donc avec le fond de la deuxième question.

Sur le fond

L’interaction entre la directive 2000/13 et le règlement

46.

La directive 2000/13 et le règlement opèrent à des niveaux différents et devaient, dans l’intention du législateur communautaire, atteindre des objectifs différents.

47.

La directive 2000/13 rapproche les législations des États membres concernant l’étiquetage des denrées alimentaires, et contribue donc à faciliter le fonctionnement du marché interne. La considération prioritaire de toute réglementation relative à l’étiquetage doit être fondée, comme le note le sixième considérant du préambule de ladite directive, sur l’impératif de l’information et de la protection des consommateurs. Comme le gouvernement italien l’observe à juste titre, pour ce faire, la directive 2000/13 oblige les producteurs à indiquer sur les étiquettes suffisamment d’informations pour permettre au consommateur de choisir en toute connaissance de cause. Cela comprend la fourniture d’informations sur la nature exacte et les caractéristiques du produit, notamment son origine ou sa provenance.

48.

En revanche, l’objectif du règlement est plus élaboré. Il part de la prémisse que la promotion de produits présentant certaines caractéristiques peut devenir un atout important pour le monde rural, en assurant l’amélioration du revenu des agriculteurs  ( 14 ) et que la recherche par les consommateurs de produits de qualité spécifiques se traduit, entre autres, par une demande de plus en plus importante de produits agricoles ou de denrées alimentaires d’une origine géographique certaine  ( 15 ) . Le règlement met en avant la fourniture d’une information claire et brève, renseignant de façon précise sur l’origine du produit, pour permettre au consommateur de mieux faire son choix  ( 16 ) , et envisage d’arrêter des dispositions particulières pour les produits agricoles et les denrées alimentaires provenant d’une aire géographique délimitée  ( 17 ) . À cette fin, le règlement met en place un cadre de règles communautaires comportant un régime de protection uniforme pour les appellations d’origine contrôlée et les indications géographiques, garantissant ainsi des conditions de concurrence loyale entre les producteurs et conduisant à une meilleure crédibilité des produits concernés aux yeux des consommateurs  ( 18 ) . Donc, si la protection des appellations géographiques a, certes, une incidence sur les choix du consommateur, les objectifs du règlement sont cependant plus larges que la seule protection du consommateur.

49.

Malgré ces différences dans les objectifs et les sphères d’activité, l’indication des dénominations géographiques sur l’étiquetage des denrées alimentaires peut relever à la fois du champ d’application du règlement et de celui de la directive 2000/13. Cela peut être le cas dans trois situations différentes: premièrement, lorsque la dénomination figurant sur l’étiquette d’une denrée alimentaire a été examinée par la Commission et enregistrée conformément au règlement; deuxièmement, lorsque ladite dénomination a été examinée mais considérée comme générique; troisièmement, lorsqu’un examen, conformément au règlement, n’a pas été mené à bien. Le présent renvoi préjudiciel ne concerne que la troisième situation. J’examinerai toutefois brièvement, pour être complète, les deux autres situations.

— Une dénomination enregistrée

50.

Lorsqu’une dénomination a été examinée par la Commission et inscrite au registre instauré par le règlement, l’usage de cette dénomination peut être restreint.

51.

Si une telle dénomination est utilisée alors que les conditions de son utilisation ne sont pas remplies, ou d’une façon contraire à l’article 13, paragraphe 1, du règlement, cet usage pourra aussi être de nature à « induire l’acheteur en erreur, notamment: sur les caractéristiques de la denrée alimentaire, et notamment sur […] l’origine ou la provenance » au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/13.

— Une dénomination générique

52.

Comme la Commission l’invoque à juste titre dans ses arguments relatifs à la recevabilité, lorsqu’une dénomination a été examinée et considérée comme générique au sens du règlement, cela n’empêche pas la juridiction nationale d’examiner si l’usage de cette dénomination sur l’étiquetage d’une denrée alimentaire induit le consommateur en erreur au sens des règles instaurées par la directive 2000/13.

53.

GSI prétend que lorsqu’une dénomination est considérée comme générique, aucune protection ne peut lui être accordée dans le cadre du règlement. C’est vrai, mais je ne peux être d’accord avec la conclusion que GSI cherche à en tirer, à savoir que l’indication d’une telle dénomination sur une étiquette ne peut pas être considérée comme susceptible d’induire le consommateur en erreur au sens de la directive 2000/13.

54.

Au contraire, il semble clair qu’il existe des cas dans lesquels un consommateur pourrait effectivement être induit en erreur par l’indication d’une dénomination générique sur l’étiquette d’un produit (on pourrait par exemple imaginer une denrée alimentaire étiquetée sous une dénomination générique mais qui ne présenterait aucune des caractéristiques communément liées à cette dénomination dans l’esprit du consommateur).

55.

Il s’ensuit que, lorsqu’une dénomination est considérée comme générique, une juridiction nationale peut néanmoins vérifier si l’étiquetage d’une denrée alimentaire spécifique induit le consommateur en erreur au sens de l’article 2 de la directive 2000/13.

56.

À cet égard, la juridiction nationale devrait garder à l’esprit le fait que lorsque la Commission considère qu’une dénomination est générique, elle se fonde sur une appréciation des caractéristiques de cette dénomination. Il s’ensuit que ces caractéristiques, et la conclusion qu’en tire la Commission, à savoir que la dénomination est générique, constitueront des éléments significatifs dont une juridiction nationale devrait tenir compte lorsqu’elle apprécie si le consommateur a ou non été induit en erreur par l’utilisation de la dénomination sur l’étiquetage des denrées alimentaires  ( 19 ) .

— Une dénomination qui n’a pas fait l’objet d’un examen

57.

Comme je l’ai déjà indiqué dans ma réponse à la première question, lorsque la dénomination n’a pas été examinée par la Commission, elle ne peut être présumée générique au sens du règlement.

58.

Par ailleurs, jusqu’à ce que la Commission se prononce, une dénomination qui lui a été soumise pour examen n’est pas protégée par le règlement à moins que l’État membre ne choisisse de faire usage de la faculté que lui offre l’article 5, paragraphe 5 d’accorder une protection transitoire.

59.

En l’absence d’une telle protection transitoire, les juridictions nationales doivent seulement apprécier si l’indication de la dénomination sur l’étiquetage est de nature à induire le consommateur en erreur au sens des dispositions législatives nationales de transposition de l’article 2 de la directive 2000/13.

60.

Ces dispositions ne devraient, toutefois, pas servir à instaurer un système parallèle de protection d’une dénomination géographique non enregistrée. Dans les circonstances de l’espèce, bien que les juridictions nationales puissent considérer que la dénomination « Salame Felino » remplit les conditions pour l’enregistrement instaurées par le règlement  ( 20 ) , elles ne peuvent apprécier son utilisation que par référence aux dispositions de transposition de l’article 2 de la directive 2000/13.

61.

Ainsi, la question à laquelle la juridiction nationale doit répondre est purement et simplement de savoir si l’étiquetage apposé sur le saucisson produit par GSI est de nature à induire en erreur le consommateur italien normalement informé et raisonnablement attentif et avisé  ( 21 ) .

62.

En se prononçant sur cette question, la juridiction nationale devrait se demander si le consommateur est susceptible d’être induit en erreur quant à la provenance du produit. Pour cela, elle devrait prendre en considération le lien entre le produit lui-même et la région géographique indiquée par la dénomination. Selon l’article 2 de la directive 2000/13, une étiquette où figure une dénomination suggérant ou indiquant une provenance peut, éventuellement, être considérée à première vue comme trompeuse si le produit est entièrement produit ailleurs et ne présente aucun lien, à aucune étape du processus de fabrication, avec le territoire géographique indiqué.

63.

La juridiction nationale devrait également examiner si le consommateur est susceptible d’être induit en erreur quant à une autre caractéristique du produit. Pour cela, la juridiction devrait apprécier si la dénomination, telle qu’elle figure sur l’étiquette, est spécifique d’une région ou si elle est devenue la dénomination générale utilisée pour désigner un produit ayant des caractéristiques particulières  ( 22 ) . Lors de cette appréciation, il serait opportun que la juridiction nationale tienne compte de commentaires et d’observations analogues à ceux qui seraient adressés à la Commission lorsqu’une demande de protection aux termes du règlement lui est adressée, ou dans un acte d’opposition à une telle demande.

64.

En ce qui concerne le libellé de l’étiquette, l’utilisation du terme « type » peut tendre à prouver que la dénomination est utilisée pour représenter les caractéristiques d’un produit plutôt que son origine. Cependant, comme la Commission le souligne à juste titre, l’utilisation de ce terme ne garantit pas que l’étiquette n’est pas susceptible d’induire l’acheteur en erreur.

65.

La juridiction nationale devrait aussi tenir compte de la présentation de l’emballage, et en particulier de la position et de la taille d’une dénomination géographique et de la description du lieu de fabrication  ( 23 ) . L’article 3, paragraphe 1, sous 8), de la directive 2000/13 dispose que, sous réserve des dérogations prévues dans la même directive, l’étiquetage des denrées alimentaires comporte obligatoirement la mention du lieu d’origine ou de provenance dans les cas où l’omission de cette mention serait susceptible d’induire le consommateur en erreur sur l’origine ou la provenance réelle de la denrée alimentaire. En pratique, cela doit signifier que l’étiquetage — même si la dénomination géographique vise à la promotion des caractéristiques d’une denrée alimentaire — doit « dire toute la vérité » afin de ne pas induire en erreur le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

La pertinence de la bonne foi et de la durée de l’utilisation

66.

La directive 2000/13 ne mentionne ni la bonne foi, ni la durée de l’utilisation. En particulier, elle ne dispose pas que l’utilisation de bonne foi, ou de façon constante pendant longtemps, peut constituer un moyen de défense contre une accusation d’étiquetage trompeur.

67.

Les juridictions nationales doivent apprécier les infractions présumées aux lois nationales de transposition de l’article 2 de la directive 2000/13 par référence à l’impression que donne au consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé l’indication d’une dénomination sur l’étiquetage d’une denrée alimentaire.

68.

Il me semble que, logiquement, si un élément particulier peut modifier les attentes d’un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (comme le note le gouvernement italien), il serait tout à fait raisonnable de la part d’une juridiction nationale de prendre en compte cet élément pour juger si l’étiquetage d’une denrée alimentaire est susceptible d’induire le consommateur en erreur.

69.

La durée de l’utilisation d’une dénomination est un élément objectif qui pourrait modifier les attentes du consommateur raisonnable. Par contre, je ne vois pas comment la bonne foi (qui est un élément subjectif) d’un fabricant ou d’un détaillant pourrait affecter l’impression (objective) que donne au consommateur l’indication d’une dénomination géographique sur une étiquette.

70.

Par conséquent, je suggère à la Cour de dire pour droit, en réponse à la deuxième question posée par la juridiction de renvoi, que la dénomination d’une denrée alimentaire évoquant un lieu, qui n’est pas enregistrée comme AOP ou IGP, peut être licitement utilisée, à condition que ce ne soit pas d’une manière qui puisse induire en erreur le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Pour apprécier si c’est le cas, les juridictions nationales peuvent tenir compte de la durée de l’utilisation de la dénomination. La bonne foi du producteur (ou son absence) n’est toutefois pas pertinente à cet égard.

La troisième question

Sur la recevabilité

71.

Le gouvernement italien invoque l’irrecevabilité de la troisième question, au motif que l’affaire soumise à la juridiction nationale ne concerne pas les marques collectives. La région de l’Émilie-Romagne n’est pas titulaire de la marque et ne prétend pas que GSI y a porté atteinte. De plus, le gouvernement italien a suggéré à l’audience que la juridiction de renvoi ne s’interrogeait que sur la question de savoir si l’étiquetage de GSI était de nature à induire le consommateur en erreur, et que malgré l’intervention de l’APTSF à la procédure, l’argument de l’atteinte portée à une marque collective n’était pas soulevé dans l’affaire dont avait à connaître la juridiction nationale.

72.

La Cour peut refuser de répondre à une question préliminaire si celle-ci n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal  ( 24 ) . La troisième question préliminaire vise à savoir si la directive 89/104 pourrait constituer un autre fondement pour empêcher GSI d’utiliser la dénomination « Salame Felino » . Cependant, la sanction administrative contestée au principal se fondait uniquement sur l’infraction présumée aux dispositions nationales de transposition de l’article 2 de la directive 2000/13.

73.

Même si la sanction administrative relève que « Salame Felino » est une marque enregistrée, il s’agissait d’établir si l’utilisation par GSI des termes « Salame tipo Felino » induisait le consommateur en erreur. De même, lorsque GSI fait référence à l’utilisation de bonne foi de la dénomination « Salame Felino » par les commerçants en dehors de la commune de Felino par rapport à une marque collective, c’est en défendant l’argument selon lequel l’indication de la dénomination sur l’étiquetage n’induit pas le consommateur en erreur.

74.

L’absence de toute accusation d’infraction à une marque collective  ( 25 ) indique que la question de savoir si le titulaire d’une marque collective peut s’opposer à l’utilisation de bonne foi d’une dénomination analogue à celle figurant dans la marque collective n’est pas pertinente pour résoudre le problème essentiel qui se pose à la juridiction nationale, à savoir identifier les circonstances dans lesquelles une société est susceptible d’induire les consommateurs en erreur en indiquant une dénomination géographique sur l’étiquetage de ses produits.

75.

Par conséquent, la troisième question n’est pas recevable.

Conclusion

76.

Eu égard à ce qui précède, je propose à la Cour de répondre comme suit aux deux premières questions posées par le Tribunale di Modena:

1)

L’article 3, paragraphe 1, et l’article 13, paragraphe 3, du règlement (CEE) n o  2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992 , relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires [devenus les articles 3, paragraphe 1, et 13, paragraphe 2, du règlement (CE) n o  510/06], doivent être interprétés en ce sens que la dénomination d’une denrée alimentaire contenant des références géographiques et qui a fait l’objet d’une demande d’enregistrement en tant qu’appellation d’origine protégée ou indication géographique protégée au sens des règlements susmentionnés ne peut pas être présumée générique tant qu’une demande de protection de la dénomination n’a pas été rejetée par la Commission au motif que la dénomination est devenue générique.

2)

Ces mêmes dispositions, lues en combinaison avec l’article 2 de la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000 , relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard, doivent être interprétées en ce sens que la dénomination d’une denrée alimentaire évoquant un lieu, qui n’est pas enregistrée comme appellation d’origine protégée ou indication géographique protégée au sens des règlements précités, peut être licitement utilisée, à condition que ce ne soit pas d’une manière qui puisse induire en erreur le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Pour apprécier si c’est le cas, les juridictions nationales peuvent tenir compte de la durée de l’utilisation de la dénomination. La bonne foi du producteur (ou son absence) n’est toutefois pas pertinente à cet égard.


( 1 ) Langue originale: l’anglais.

( 2 ) JO L 208, p. 1 (ci-après le « règlement » ).

( 3 ) JO L 109, p. 29 . Cette directive a remplacé la directive 79/112/CEE du Conseil, du 18 décembre 1978 , relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires destinées au consommateur final ainsi que la publicité faite à leur égard ( JO 1979, L 33, p. 1 ).

( 4 ) JO 1989, L 40, p. 1 . Cette directive a été abrogée par la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008 , rapprochant les législations des États membres sur les marques ( JO L 299, p. 25 ), mais était en vigueur à l’époque des faits en cause dans l’affaire devant la juridiction nationale.

( 5 ) Ce règlement a été remplacé, avec effet au 31 mars 2006 , par le règlement (CE) n o  510/2006 du Conseil, du 20 mars 2006 , relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires ( JO L 93, p. 12 ). Les dispositions des articles 3, paragraphe 1, et 13, paragraphe 3, du règlement antérieur sont actuellement reproduites respectivement par les articles 3, paragraphe 1 et 13, paragraphe 2, du nouveau règlement. Aucune de ces dispositions ni le remplacement d’aucune autre disposition que je cite n’ont apporté de modifications affectant la solution des questions préjudicielles. Bien que la sanction contestée (voir infra, point 21) ait été imposée après l’entrée en vigueur du nouveau règlement, les infractions prétendues en l’espèce ont eu lieu en 2002. Partant, je fais référence aux dispositions de l’ancien règlement, et mes commentaires s’appliquent, mutatis mutandis, au nouveau.

( 6 ) Ainsi que le souligne le neuvième considérant du préambule du règlement.

( 7 ) Le premier considérant de la directive 2000/13 dispose que celle-ci avait pour objet de codifier les modifications de la directive 79/112. Par la suite, la directive 2000/13 a été interprétée sur ce fondement (voir, par exemple, point 53 des conclusions de l’avocat général Stix-Hackl dans l’arrêt du 23 novembre 2006 , Lidl Italia, C-315/05, Rec. p. I-11181 ).

( 8 ) Les trois premiers sous-paragraphes. Les deuxième et troisième sous-paragraphes sont cités tels que modifiés par le règlement (CE) n o  535/97 du Conseil, du 17 mars 1997 ( JO L 83, p. 3 ).

( 9 ) En français, saucisson type Felino.

( 10 ) Voir arrêt le plus récent à ce propos: arrêt du 8 mai 2008 , Danske Svineproducenter, C-491/06, Rec. p. I-3339 , point 23 et jurisprudence citée.

( 11 ) Le fait que, aux termes de l’article 5, paragraphe 5, du règlement, lorsqu’une demande de protection d’une dénomination a été soumise à la Commission par les autorités compétentes d’un État membre, cet État membre peut accorder une protection transitoire à cette dénomination sur son territoire pendant la procédure n’affecte pas, selon moi, cette conclusion ni dans un sens ni dans l’autre.

( 12 ) Au point 133 de ses conclusions présentées dans l’arrêt Allemagne et Danemark/Commission ( C-465/02 et C-466/02, Rec. p. I-9115 ), l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer expose, dans le cadre d’une explication utile de la nature d’une dénomination générique, que les dénominations génériques sont des dénominations qui ont subi un processus de vulgarisation. À mon sens, cette définition précise clairement ce terme.

( 13 ) Arrêts Allemagne et Danemark/Commission, précité (points 75 à 100), et du 26 février 2008 , Commission/Allemagne ( C-132/05, Rec. p. I-957 ), en particulier point 53.

( 14 ) Voir deuxième considérant du préambule du règlement.

( 15 ) Voir troisième considérant du préambule du règlement.

( 16 ) Voir quatrième considérant du préambule du règlement.

( 17 ) Voir cinquième considérant du préambule du règlement.

( 18 ) Voir septième considérant du préambule du règlement.

( 19 ) Voir points 60 et suivants des présentes conclusions.

( 20 ) L’APTSF fait référence à un certain nombre de jugements nationaux à cet égard. Cependant, c’est à la Commission, et à elle seule, qu’il appartient de procéder à cette appréciation conformément au règlement.

( 21 ) Voir arrêts du 6 juillet 1995 , Mars ( C-470/93, Rec. p. I-1923 , point 24); du 16 juillet 1998 , Gut Springenheide et Tusky ( C-210/96, Rec. p. I-4657 , point 31), et du 13 janvier 2000 , Estée Lauder ( C-220/98, Rec. p. I-117 , point 30). Au point 54 de ses conclusions dans l’arrêt du 15 juillet 2004 , Douwe Egberts ( C-239/02, Rec. p. I-7007 ), l’avocat général Geelhoed a ajouté que cela suppose que le consommateur prenne toujours connaissance de l’information mentionnée sur l’étiquette et qu’il soit en mesure d’évaluer cette information avant d’acheter (pour la première fois) un produit donné.

( 22 ) À moins que la dénomination en cause ne soit une indication de provenance géographique simple, qui ne vise pas à informer le consommateur quant aux caractéristiques du produit: voir arrêt du 7 novembre 2000 , Warsteiner Brauerei ( C-312/98, Rec. p. I-9187 , point 44).

( 23 ) Sur ce point, il me semble que la mention du lieu du siège de la société n’indique pas nécessairement au consommateur où un produit a réellement été fabriqué.

( 24 ) Voir arrêt du 19 avril 2007 , Asemfo ( C-295/05, Rec. p. I-2999 , point 31).

( 25 ) En effet, l’APTSF, qui détient deux marques collectives figuratives, prétend qu’il n’est même pas possible que l’utilisation d’une dénomination géographique porte atteinte à ces marques.

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