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Document 62007CC0427

Conclusions de l'avocat général Kokott présentées le 15 janvier 2009.
Commission des Communautés européennes contre Irlande.
Manquement d'État - Évaluation des incidences de projets sur l'environnement - Directive 85/337/CEE - Accès à la justice - Directive 2003/35/CE.
Affaire C-427/07.

Recueil de jurisprudence 2009 I-06277

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2009:9

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 15 janvier 2009 ( 1 )

Affaire C-427/07

Commission des Communautés européennes

contre

Irlande

«Manquement d’État — Évaluation des incidences de projets sur l’environnement — Directive 85/337/CEE — Accès à la justice — Directive 2003/35/CE»

I — Introduction

1.

La présente affaire repose sur deux procédures précontentieuses distinctes. D’une part, la Commission des Communautés européennes fait grief à l’Irlande de n’avoir pas, en ce qui concerne les projets privés, transposé en droit national la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement ( 2 ), dans la version de la directive 97/11/CE du Conseil, du 3 mars 1997 ( 3 ) (ci-après: la «directive évaluation»). D’autre part, l’Irlande n’aurait pas (complètement) transposé la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003, prévoyant la participation du public lors de l’élaboration de certains plans et programmes relatifs à l’environnement et modifiant, en ce qui concerne la participation du public et l’accès à la justice, les directives 85/337 et 96/61/CE du Conseil ( 4 ), et n’aurait pas notifié les mesures de transposition à la Commission.

2.

L’accès à la justice aménagé par le droit irlandais de l’urbanisme est au centre du litige. À ce propos, on ne saurait passer sous silence une contradiction qui entache le propos de la Commission: elle prétend, d’une part, que ses griefs sont dirigés uniquement contre l’absence de mesures de transposition, et non pas contre la nature de celles qui ont été adoptées. D’autre part, elle s’étend d’abondance sur la nature des mesures irlandaises, c’est-à-dire qu’elle examine en détail si certaines mesures irlandaises sont conformes aux exigences de la directive 2003/35.

II — Le cadre juridique

3.

La directive 2003/35 a pour objet de transposer certaines dispositions de la convention CEE/ONU sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement ( 5 ) (ci-après: la «convention d’Aarhus»), que la Communauté a signée à Aarhus (au Danemark) le 25 juin 1998 ( 6 ).

A — La convention d’Aarhus

4.

L’article 2, paragraphe 5, de la convention d’Aarhus définit la notion de public concerné, dans lequel elle inclut certaines organisations non gouvernementales:

«Aux fins de la présente convention,

[…]

[l’]expression ‘public concerné’ désigne le public qui est touché ou qui risque d’être touché par les décisions prises en matière d’environnement ou qui a un intérêt à faire valoir à l’égard du processus décisionnel; aux fins de la présente définition, les organisations non gouvernementales qui œuvrent en faveur de la protection de l’environnement et qui remplissent les conditions pouvant être requises en droit interne sont réputées avoir un intérêt.»

5.

L’article 3, paragraphe 1, précise la manière dont les parties à la convention doivent transposer celle-ci:

«Chaque partie prend les mesures législatives, réglementaires ou autres nécessaires, y compris des mesures visant à assurer la compatibilité des dispositions donnant effet aux dispositions de la présente convention relatives à l’information, à la participation du public et à l’accès à la justice, ainsi que des mesures d’exécution appropriées, dans le but de mettre en place et de maintenir un cadre précis, transparent et cohérent aux fins de l’application des dispositions de la présente convention.»

6.

L’article 3, paragraphe 8, mérite attention dans la mesure où il aborde la question des dépens:

«Chaque partie veille à ce que les personnes qui exercent leurs droits conformément aux dispositions de la présente convention ne soient en aucune façon pénalisées, persécutées ou soumises à des mesures vexatoires en raison de leur action. La présente disposition ne porte nullement atteinte au pouvoir des tribunaux nationaux d’accorder des dépens d’un montant raisonnable à l’issue d’une procédure judiciaire.»

7.

L’article 6 énonce les règles de la participation du public à la procédure d’approbation de certains projets. Il s’agit soit des projets nommément repris dans la liste de l’annexe I de la convention ou de projets susceptibles d’avoir des effets importants sur l’environnement.

8.

L’article 9, paragraphe 2, règle l’accès à la justice dans le cadre de la participation du public prévue par la convention:

«Chaque partie veille, dans le cadre de sa législation nationale, à ce que les membres du public concerné

a)

ayant un intérêt suffisant pour agir ou, sinon,

b)

faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le code de procédure administrative d’une partie pose une telle condition,

puissent former un recours devant une instance judiciaire et/ou un autre organe indépendant et impartial établi par loi pour contester la légalité, quant au fond et à la procédure, de toute décision, tout acte ou toute omission tombant sous le coup des dispositions de l’article 6 et, si le droit interne le prévoit et sans préjudice du paragraphe 3 ci-après, des autres dispositions pertinentes de la présente convention.

Ce qui constitue un intérêt suffisant et une atteinte à un droit est déterminé selon les dispositions du droit interne et conformément à l’objectif consistant à accorder au public concerné un large accès à la justice dans le cadre de la présente convention. À cet effet, l’intérêt qu’a toute organisation non gouvernementale répondant aux conditions visées au paragraphe 5 de l’article 2 est réputé suffisant au sens du point a) ci-dessus. Ces organisations sont également réputées avoir des droits auxquels il pourrait être porté atteinte au sens du point b) ci-dessus.

Les dispositions du présent paragraphe 2 n’excluent pas la possibilité de former un recours préliminaire devant une autorité administrative et ne dispensent pas de l’obligation d’épuiser les voies de recours administratif avant d’engager une procédure judiciaire lorsqu’une telle obligation est prévue en droit interne.»

9.

Les paragraphes 4 et 5 de l’article 9 contiennent d’autres indications sur les garanties que doivent offrir les procédures judiciaires:

«4.   En outre, et sans préjudice du paragraphe 1, les procédures visées aux paragraphes 1, 2 et 3 ci-dessus doivent offrir des recours suffisants et effectifs, y compris un redressement par injonction s’il y a lieu, et doivent être objectives, équitables et rapides sans que leur coût soit prohibitif. Les décisions prises au titre du présent article sont prononcées ou consignées par écrit. Les décisions des tribunaux et, autant que possible, celles d’autres organes doivent être accessibles au public.

5.   Pour rendre les dispositions du présent article encore plus efficaces, chaque partie veille à ce que le public soit informé de la possibilité qui lui est donnée d’engager des procédures de recours administratif ou judiciaire, et envisage la mise en place de mécanismes appropriés d’assistance visant à éliminer ou à réduire les obstacles financiers ou autres qui entravent l’accès à la justice.»

B — La directive 2003/35

10.

L’article 3 de la directive 2003/35 contient des modifications de la directive évaluation.

11.

Voici comment le point 1 de cet article 3 définit la notion de «public concerné»:

«le public qui est touché ou qui risque d’être touché par les procédures décisionnelles en matière d’environnement visé à l’article 2, paragraphe 2, ou qui a un intérêt à faire valoir dans ce cadre; aux fins de la présente définition, les organisations non gouvernementales qui œuvrent en faveur de la protection de l’environnement et qui remplissent les conditions pouvant être requises en droit interne sont réputées avoir un intérêt».

12.

Le point 7 concerne l’accès à la justice:

«L’article suivant est inséré:

Article 10 bis

Les États membres veillent, conformément à leur législation nationale pertinente, à ce que les membres du public concerné:

a)

ayant un intérêt suffisant pour agir, ou sinon

b)

faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le droit administratif procédural d’un État membre impose une telle condition,

puissent former un recours devant une instance juridictionnelle ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi pour contester la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, des actes ou omissions relevant des dispositions de la présente directive relatives à la participation du public.

Les États membres déterminent à quel stade les décisions, actes ou omissions peuvent être contestés.

Les États membres déterminent ce qui constitue un intérêt suffisant pour agir ou une atteinte à un droit, en conformité avec l’objectif visant à donner au public concerné un large accès à la justice. À cette fin, l’intérêt de toute organisation non gouvernementale, répondant aux exigences visées à l’article 1er, paragraphe 2, est réputé suffisant aux fins du point a) du présent article. De telles organisations sont aussi réputées bénéficier de droits susceptibles de faire l’objet d’une atteinte au sens du point b) du présent article.

Le présent article n’exclut pas la possibilité d’un recours préalable devant une autorité administrative et n’affecte en rien l’obligation d’épuiser toutes les voies de recours administratif avant d’engager des procédures de recours juridictionnel dès lors que la législation nationale prévoit une telle obligation.

Ces procédures doivent être régulières, équitables, rapides et d’un coût non prohibitif.

Afin d’accroître l’efficacité des dispositions du présent article, les États membres veillent à ce qu’une information pratique soit mise à la disposition du public concernant l’accès aux voies de recours administratif et juridictionnel.’»

13.

L’article 4 de la directive 2003/35 contient des modifications de la directive 96/61/CE du Conseil, du 24 septembre 1996, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution ( 7 ). Son point 4 est rédigé, en substance, dans les mêmes termes que le nouvel article 10 bis de la directive évaluation.

C — Le droit irlandais

14.

Le désaccord entre les parties porte essentiellement sur la transposition des dispositions précitées en droit irlandais par le Planning and Development Act 2000 ( 8 ), dans la version du Planning and Development (Strategic Infrastucture) Act 2006 ( 9 ). Les articles 50 et 50 A énoncent les règles qui gouvernent les éventuels recours engagés contre certaines mesures de planification.

15.

L’intérêt à agir requis est réglé à l’article 50 A (3) de la loi:

«(3)   La juridiction n’accordera pas l’autorisation prévue à l’article 50 avant d’avoir acquis la conviction:

a)

qu’il existe des motifs sérieux d’affirmer que la décision ou l’acte concerné est invalide ou devrait être invalidé, et

b)

que

i)

le demandeur a un intérêt sérieux dans l’opération qui est l’objet de la demande, ou

ii)

lorsque la décision ou l’acte concerné porte sur un projet identifié par l’article 176, en vigueur actuellement, ou par des dispositions prises en application de celui-ci comme étant un projet susceptible d’avoir des effets importants sur l’environnement, le requérant —

(I)

est une institution ou un organisme (autre qu’une autorité de l’État, un pouvoir public ou un organisme ou une agence gouvernemental) dont les buts et objectifs concernent la promotion de la protection de l’environnement,

(II)

a poursuivi ces buts ou objectifs durant la période de douze mois précédant la date d’introduction du recours et

(III)

remplit les (éventuelles) conditions qu’un établissement ou organisme devrait remplir en cas de recours fondé sur l’article 37 (4) c) en vertu de l’article 37 (4) d) iii) [et, à cette fin, toute condition imposée par l’article 37 (4) e) iv) s’appliquera comme si la référence qu’il contient à la classe d’opérations dont relève la décision contre laquelle est dirigé le recours était une référence à la classe d’opérations dont relève la décision ou l’acte qui est l’objet de la demande de l’autorisation prévue à l’article 50].»

16.

L’article 50 A (4) précise que l’intérêt sérieux requis ne se limite pas aux intérêts immobiliers ou financiers.

17.

L’article 50 A (10) et (11), sous b), engage les juridictions à traiter les procédures dont elles ont été saisies avec toute la diligence que permet une bonne administration de la justice. L’article 50 A (12) permet d’adopter des règles additionnelles visant à accélérer la procédure.

III — La procédure précontentieuse et les conclusions

18.

Le présent recours fait suite à deux procédures d’enquête menées par la Commission.

19.

Dans le cadre de la première, la Commission faisait grief à la réglementation irlandaise de ne pas soumettre les projets privés de construction routière à la procédure légale d’évaluation des incidences sur l’environnement. Le 18 octobre 2002, elle a invité l’Irlande à présenter ses observations sur les griefs qui lui étaient faits. L’Irlande s’est exécutée le 5 mars 2003, mais n’a pas convaincu la Commission, qui lui a adressé un avis motivé le 11 juin 2003. L’Irlande a répondu par lettre du 10 novembre 2003.

20.

La deuxième procédure porte sur la transposition de la directive 2003/35. Le 28 juillet 2005, la Commission a exigé de l’Irlande qu’elle lui présente ses observations sur la notification des mesures de transposition. Les explications fournies par l’Irlande le 7 septembre 2005 ne l’ayant pas satisfaite, la Commission lui a adressé, le 19 décembre 2006, un premier avis motivé, auquel l’Irlande a répondu le 14 février 2006. Le 18 octobre 2006, la Commission a adressé à l’Irlande un deuxième avis motivé dans lequel elle lui fixait un délai de deux mois à l’expiration duquel, c’est-à-dire le 18 décembre 2006, la directive devait avoir été transposée. Après avoir notifié diverses modifications de son droit interne intervenues les 30 novembre 2006,18 décembre 2006 et 18 janvier 2007, l’Irlande a répondu à la Commission le 27 février 2007.

21.

La Commission a alors décidé de joindre les deux procédures et a introduit le présent recours le 7 septembre 2007.

22.

La Commission a conclu à ce qu’il plaise à la Cour:

déclarer qu’en n’adoptant pas, conformément à l’article 2, paragraphe 1, et à l’article 4, paragraphes 2, 3 et 4, de la directive 85/337, modifiée par la directive 97/11, toutes les dispositions nécessaires pour qu’avant l’octroi de toute autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement appartenant à la catégorie de construction routière couverte par la classe 10, sous e), de l’annexe II de la directive 85/337, soient soumis, conformément aux articles 5 à 10 de la directive, à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences, l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette dernière directive;

déclarer qu’en n’adoptant pas toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à l’article 3, points 1, 3, 4, 5, 6 et 7, et à l’article 4, points 1, 2, 3, 4, 5 et 6, de la directive 2003/35 ou, en tout état de cause, en ne notifiant pas lesdites dispositions à la Commission, l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6 de ladite directive;

condamner l’Irlande aux dépens.

23.

L’Irlande a conclu à ce qu’il plaise à la Cour rejeter le recours.

24.

Après les échanges des mémoires de la procédure écrite, les parties se sont rencontrées à l’audience de la Cour le 27 novembre 2008.

IV — Appréciation juridique

25.

Je vais d’abord aborder les points sur lesquels les parties sont d’accord ou le sont pratiquement avant de me consacrer au différend relatif à l’accès à la justice.

A — Sur les réglementations concernant les voies privées

26.

La Commission considère que l’Irlande n’a pas pris toutes les mesures permettant de garantir que les projets de la catégorie «construction de routes» de l’annexe II, classe 10, sous e), de la directive évaluation soient soumis aux exigences de la directive en ce que les voies privées ne seraient pas incluses dans la réglementation irlandaise.

27.

La notion de route au sens de la directive évaluation ne comporte aucune distinction selon qu’il s’agit d’un projet privé ou public. Il serait dès lors incompatible avec le champ d’application de la directive d’exclure les voies privées ( 10 ). L’Irlande ne conteste pas non plus que la notion de route au sens de cette catégorie de projet inclut en principe les projets privés de constructions routières également. Elle a au contraire complété les dispositions applicables en conséquence, mais, comme ces modifications ne sont intervenues qu’après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, elles ne peuvent pas être prises en considération dans la présente procédure.

28.

Les exigences de la directive évaluation doivent en tout cas s’appliquer aux voies privées également. Il est incontestable qu’avant les dernières modifications, les voies privées en tant que telles ne relevaient pas encore du champ d’application de la disposition applicable du droit irlandais. Il ne suffit pas d’affirmer, comme le fait l’Irlande, que ces voies font, dans pratiquement tous les cas, partie d’autres projets, car cela revient à avouer que toutes les hypothèses ne sont pas couvertes.

29.

Il y a donc lieu de conclure qu’en n’adoptant pas, comme l’article 2, paragraphe 1, et l’article 4, paragraphes 2, 3 et 4, de la directive lui imposaient de le faire, toutes les dispositions nécessaires pour qu’avant l’octroi de toute autorisation les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement appartenant à la catégorie «construction de routes» couverte par la classe 10, sous e), de l’annexe II soient soumis, conformément aux articles 5 à 10 de la directive, à une procédure d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences, l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive évaluation.

B — Points non contestés de la transposition de la directive 2003/35

30.

Les parties s’entendent à reconnaître qu’au moment pertinent, l’article 3, points 1, 4, 5 et 6, de la directive 2003/35 n’avait pas encore été transposé pour tous les systèmes irlandais d’autorisation. L’Irlande cite en particulier le Dublin Docklands Development Authority Act 1997, le Fisheries Act 1980, le Foreshore Act 1993, le Dumping at Sea Acts 1996 to 2006 et l’Arterial Drainage Acts 1945 and 1995.

31.

En outre, la Commission a retiré ses griefs concernant l’article 4, points 1, 5 et 6, de la directive 2003/35 après que l’Irlande a eu notifié les mesures de transposition qu’elle avait adoptées. Dans la mesure, néanmoins, où l’Irlande reconnaît que d’autres modifications du droit irlandais sont nécessaires à la mise en œuvre de l’article 4, points 2 et 3, de la directive 2003/35, la Commission maintient son grief de transposition incomplète. L’Irlande cite à cet égard les Environmental Protection Agency (Licensing) Regulations 1994 to 2004 et les Waste Management (Licensing) Regulations 2004.

32.

Dans la mesure où l’Irlande a notifié de plus amples mesures de transposition pour ces systèmes d’autorisation après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, elles ne peuvent pas être prises en considération dans la présente procédure.

33.

Il y a donc lieu de conclure qu’en n’adoptant pas toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires à la mise en œuvre de l’article 3, points 3, 4, 5 et 6, et de l’article 4, points 2 et 3, l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 6 de la directive 2003/35.

C — Sur la notion de public concerné

34.

Les parties sont divisées sur le point de savoir si la notion de public concerné doit être transposée en droit national. La Commission souligne que la directive 2003/35 confère certains droits au public concerné et, en particulier, que les droits ainsi conférés aux organisations non gouvernementales ne seraient pas suffisamment garantis en Irlande.

35.

Les définitions de concepts qui figurent dans des directives ne doivent pas être transposées littéralement dans tous les cas. La Cour a ainsi dit pour droit que la notion de «zones spéciales de conservation» qui figure à l’article 1er, sous l), de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ( 11 ), ne doit pas être transposée de manière expresse et qu’il suffit que les domaines couverts par cette notion ainsi que les mesures de protection à adopter soient définis d’une manière juridiquement suffisante en droit national ( 12 ).

36.

La question décisive est, dès lors, celle de savoir si les personnes désignées par la notion de public concerné peuvent bénéficier des droits qui leur sont conférés par la directive 2003/35. Le gouvernement irlandais expose à ce sujet que ces droits sont déjà garantis à l’ensemble du public et qu’il n’est dès lors pas nécessaire de fournir une définition particulière de la notion de public concerné.

37.

Pour désamorcer cet argument, la Commission aurait dû montrer quels droits du public concerné ne sont pas suffisamment transposés en droit irlandais. Or, elle se limite sur ce point à l’accès à la justice des organisations non gouvernementales. Cet aspect de la transposition de l’article 3, point 1, doit ici être analysé séparément en combinaison avec l’accès de ces organisations non gouvernementales aux juridictions ( 13 ).

38.

En ce qui concerne les autres droits du public concerné, la Commission n’a pas démontré que les dispositions de la directive n’auraient pas été suffisamment transposées. Il y a donc lieu de rejeter le recours sur ce point.

D — Sur l’accès aux juridictions

39.

La Commission soulève deux griefs concernant la transposition de l’article 3, point 7, et de l’article 4, point 4, de la directive 2003/35, c’est-à-dire à propos de l’article 10 bis de la directive évaluation et de l’article 15 bis de la directive 96/61. D’une part, les mesures que l’Irlande avait déjà adoptées lorsqu’a expiré le délai fixé dans l’avis motivé ne transposeraient pas ces dispositions et, d’autre part, l’Irlande n’aurait pas notifié toutes les mesures qu’elle aurait prises en vue de leur mise en œuvre.

1. Sur l’absence de mesures de transposition

40.

Le grief fait à l’Irlande de n’avoir pas transposé l’article 10 bis de la directive évaluation et l’article 15 bis de la directive 96/61 correspond à l’objet initial de la mise en demeure, qui se bornait à rappeler à l’Irlande qu’elle n’avait pas adopté de mesures de mise en œuvre. À propos de l’accès aux juridictions, dont les règles sont énoncées dans ces deux dispositions, l’Irlande a répondu de manière générale qu’il était déjà garanti en droit irlandais.

41.

Au cours de la procédure précontentieuse et de la procédure contentieuse qui a suivi, les parties ont alors progressivement étendu leur désaccord à la qualité des mesures de transposition exposées par l’Irlande. À cette occasion, la Commission a chaque fois réagi aux arguments et aux informations qu’apportait l’Irlande en approfondissant sa critique.

a) Sur la recevabilité de l’exposé de la Commission

42.

La Commission peut en principe transformer le grief d’une absence totale de transposition en un grief de transposition insuffisante ( 14 ), en tout cas lorsque l’État membre ne notifie que tardivement les mesures de mise en œuvre qu’il a adoptées et ne permet donc pas à la Commission de reconnaître et de dénoncer suffisamment tôt les lacunes qu’elles comporteraient. En effet, le grief de non-transposition couvre en principe le grief de transposition incorrecte ( 15 ).

43.

De tels cas ne sont pas fréquents parce que des mesures de transposition qui ne sont adoptées qu’après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé ne peuvent plus être prises en considération et que la Commission clôture généralement la procédure en manquement pour non-notification des mesures de transposition dès l’instant où celles-ci lui sont notifiées afin d’examiner d’éventuels défauts de conformité dans le cadre d’une autre procédure.

44.

Dans la présente affaire, cependant, la Commission souligne aussi bien dans la requête (point 5.26) que dans la réplique (point 18) que son recours se limite à la question de savoir si la directive a été transposée. Elle se réserve d’analyser la qualité de la transposition dans une procédure ultérieure.

45.

L’exposé de la Commission est néanmoins contradictoire et, partant, irrecevable dans la mesure où elle formule ensuite des griefs concernant des lacunes qualitatives du droit irlandais ( 16 ). Si la Cour devait se prononcer sur celles-ci dans le cadre de la présente procédure, elle créerait d’ailleurs le risque d’empiéter sur une procédure en conformité ultérieure que la Commission s’est expressément réservé le droit d’engager.

46.

En ce qui concerne le grief de l’absence de transposition de l’article 10 bis de la directive évaluation et de l’article 15 bis de la directive 96/61, le recours doit par conséquent être rejeté comme étant irrecevable dans la mesure où il porte sur la qualité des mesures adoptées par l’Irlande. Tout ce qu’il y a lieu d’examiner, c’est le point de savoir si l’Irlande a ou non pris des mesures de transposition.

47.

On ne saurait cependant exclure que la Cour apprécie différemment la recevabilité de ce moyen. C’est la raison pour laquelle j’examine, éventuellement à titre subsidiaire, si la Commission a démontré que l’article 10 bis de la directive évaluation et l’article 15 bis de la directive 96/61 n’ont pas été transposés à suffisance de droit dans la législation irlandaise.

b) Sur l’intérêt suffisant à agir

48.

Le premier point de désaccord concerne l’accès des membres du public concerné à un recours devant une instance juridictionnelle ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi.

49.

Conformément à l’article 10 bis, premier alinéa, sous a), de la directive évaluation et à l’article 15 bis, premier alinéa, sous a), de la directive 96/61, les États membres peuvent subordonner cet accès à la condition que le requérant ait un intérêt suffisant à agir.

50.

Dans cette mesure-là, les parties sont en désaccord uniquement en ce qui concerne la transposition dans le champ d’application du Planning and Development Act 2000, dans la version du Planning and Development (Strategic Infrastructure) Act 2006.

51.

En réponse à une question que la Cour lui avait posée au cours de l’audience et dans une communication écrite ultérieure, le gouvernement irlandais a informé la Cour que les dispositions applicables de la loi de modification de 2006 étaient entrées en vigueur le 31 janvier 2007. Il s’agit de l’article 13 de la loi de 2006, qui a inséré l’article 50 modifié ainsi que l’article 50 bis nouveau dans la loi initiale de 2000. Le gouvernement irlandais se fonde en cela sur un règlement concernant l’application de parties de la loi de modification ( 17 ).

52.

La Cour ne peut cependant pas tenir compte dans cette affaire de modifications du droit irlandais qui sont entrées en vigueur après l’expiration du délai que la Commission avait fixé dans l’avis motivé, c’est-à-dire après le 18 décembre 2006. Les indications du gouvernement irlandais semblent donc exclure un examen des dispositions précitées.

53.

Il apparaît toutefois des documents produits en annexe du mémoire en défense que cet argument concernant l’entrée en vigueur repose sur une erreur. Le règlement cité par le gouvernement irlandais régit l’application d’autres parties de la loi de 2006. Les nouvelles règles applicables, à savoir l’article 13 de la loi de modification de 2006, sont déjà entrées en vigueur depuis le 17 octobre 2006 ( 18 ), c’est-à-dire avant l’expiration du délai.

54.

La Cour peut donc examiner en particulier les griefs que la Commission a soulevés à l’encontre de l’article 50 A (3), sous b) i), du Planning and Development Act 2000, dans la version du Planning and Development (Strategic Infrastructure) Act 2006. La Commission reproche à cette disposition de ne permettre au requérant de demander une «judicial review» que lorsqu’il possède un intérêt substantiel («substantial interest»).

55.

La Commission fait tout d’abord valoir que la législation irlandaise applicable qui a été promulguée après la directive 2003/35 ne contient aucune référence à celle-ci, ce qui enfreindrait l’article 6, paragraphe 2, de la directive, qui exige une telle référence (infraction que la Commission n’a cependant pas invoquée en tant que telle en l’espèce). Cela pourrait indiquer que le législateur irlandais n’a par ailleurs pas non plus tenu compte de la directive lorsqu’il a adopté cette réglementation. L’absence d’une référence à la directive ne démontre cependant pas que la réglementation en question ne transpose pas la directive.

56.

La Commission puise la preuve essentielle de l’absence de transposition dans le deuxième arrêt Friends of the Curragh Environment Ltd v An Bord Pleanála rendu par la High Court (Irlande) ( 19 ), dans lequel celle-ci explique à propos de l’examen du «substantial interest» que la directive 2003/35 n’a pas été transposée en droit irlandais. L’Irlande réfute cet argument en invoquant l’arrêt Sweetman v An Bord Pleanála ( 20 ), que cette même juridiction a rendu ultérieurement et dans lequel elle est revenue sur sa précédente déclaration.

57.

Il n’est pas nécessaire, en fin de compte, de trancher ici le point de savoir laquelle des déclarations que la High Court a faites à propos de la transposition de la directive 2003/35 est la bonne. Ce qui est déterminant, c’est que le droit irlandais confère un accès à la justice qui dépend de l’intérêt à agir du requérant. La Commission ne peut donc pas reprocher à l’Irlande une absence totale de mesures de mise en œuvre. En revanche, la question de savoir si celles-ci sont conformes aux exigences de la directive est une question qui tient à leur qualité.

58.

Par conséquent, le recours est non fondé sur ce point dans la mesure où il porte sur l’absence totale de mesures de mise en œuvre et il est irrecevable en ce qui concerne la qualité de celles-ci.

59.

Si la Cour devait néanmoins passer cette question au crible, il faudrait d’abord aborder la critique formulée ensuite par la Commission, qui objecte que l’arrêt Sweetman v An Bord Pleanála ne porte pas sur les projets privés. Ni les dispositions applicables du droit irlandais ni les arrêts irlandais portés à la connaissance de la Cour ne contiennent cependant une distinction entre projets privés et projets publics ( 21 ).

60.

S’il est vrai que, dans l’arrêt Sweetman v An Bord Pleanála, la High Court souligne expressément que le maître du projet est une autorité publique, alors que les arrêts Friends of the Curragh Environment Ltd v An Bord Pleanála concernaient un projet privé ( 22 ), ces constatations de la juridiction irlandaise n’ont aucun effet identifiable sur l’application du droit irlandais, puisqu’elles ne concernaient qu’une application immédiate de la directive 2003/35 examinée sur un plan purement hypothétique.

61.

C’est pourquoi il faut partir du principe que les mêmes règles doivent s’appliquer à l’accès aux procédures de contrôle des projets privés et publics.

62.

La Commission fait encore grief à l’Irlande de n’avoir pas transposé la directive de manière suffisamment claire, précisant qu’une interprétation du droit irlandais conforme à la directive, telle qu’elle est prônée dans l’arrêt Sweetman v An Bord Pleanála, n’est pas suffisante et ne peut pas valoir transposition.

63.

Pour pouvoir prospérer avec un tel argument, correct en principe ( 23 ), la Commission devrait cependant démontrer d’abord que la transposition querellée n’est pas suffisamment claire. L’exposé qu’elle fait sur ce point se limite en substance aux constatations que la High Court a faites à propos de la non-transposition alléguée de la directive 2003/35 dans la deuxième partie de l’arrêt Friends of the Curragh Environment Ltd v An Bord Pleanála ( 24 ).

64.

La Commission fait valoir que le critère de l’intérêt substantiel à agir appliqué par la High Court est plus restrictif que le critère de l’intérêt suffisant à agir ( 25 ). Cette déclaration ne vise cependant pas la directive 2003/35, mais une condition de recevabilité imposée par le droit irlandais qui était en vigueur jadis dans le champ d’application du Planning and Development Act et qui doit encore toujours s’appliquer aujourd’hui dans d’autres domaines d’application de la «judicial review».

65.

C’est donc à bon droit que le gouvernement irlandais — qui s’aligne en cela sur ce que la High Court a déclaré dans l’arrêt Sweetman v An Bord Pleanála— lui rétorque qu’un intérêt suffisant à agir au sens de la directive 2003/35 et un intérêt suffisant selon le droit irlandais de la procédure sont des concepts distincts.

66.

Conformément à la directive 2003/35, c’est-à-dire à l’article 10 bis, troisième alinéa, première phrase, de la directive évaluation et à l’article 15 bis, troisième alinéa, première phrase, de la directive 96/61, c’est aux États membres qu’il appartient de déterminer ce qui constitue un intérêt suffisant pour agir ou une atteinte à un droit. S’ils doivent le faire d’une manière conforme à l’objectif qui consiste à garantir au public concerné un large accès à la justice, il est néanmoins possible également de mettre en place un régime d’accès à la justice encore plus restrictif, à savoir de le subordonner à la condition que le requérant invoque une atteinte à un droit. La directive laisse ainsi aux États membres le soin de définir la notion d’intérêt suffisant à agir et ne leur impose donc aucune norme minimale impérative.

67.

L’Irlande a décidé que seul un intérêt substantiel à agir est suffisant au sens de la directive ( 26 ). La loi dispose expressément que cet intérêt ne se limite pas aux intérêts immobiliers ou financiers ( 27 ). Aux termes d’un arrêt tout récent de la Supreme Court, le requérant doit démontrer qu’il possède un intérêt personnel particulier d’un poids considérable qui est menacé par le projet en cause ou qui est lié à celui-ci ( 28 ). La Commission ne formule pas le moindre argument qui serait de nature à montrer que ce critère est incompatible avec la directive.

68.

On pourrait, tout au plus, se demander si la restriction des droits de recours est compatible avec l’objectif expressément mentionné d’assurer un large accès à la justice. Les anciennes règles, plus généreuses, sur l’intérêt à agir nécessaire montrent qu’un accès plus large à la justice est en principe possible dans le système juridique irlandais.

69.

Constater l’existence d’un intérêt à agir suffisant repose néanmoins forcément sur une mise en balance de considérations contradictoires. La mise en œuvre efficace du droit plaide en faveur d’un accès large à la justice, alors que de nombreuses procédures judiciaires sont peut-être inutiles parce qu’il n’y a pas eu de violation du droit. Des recours superflus non seulement encombrent les juridictions, mais sont également susceptibles d’entraver les projets concernés et de retarder leur réalisation. Des facteurs tels qu’une densité réglementaire toujours croissante ou une inclination plus grande des citoyens à se lancer dans des conflits, de même également qu’une modification de la situation de l’environnement peuvent influencer le résultat d’une telle mise en balance. C’est la raison pour laquelle on ne peut pas conclure purement et simplement du fait que l’accès à la justice était plus généreux auparavant qu’un critère de départ plus restrictif serait incompatible avec l’objectif d’un large accès à la justice.

70.

La Commission a enfin fait valoir à l’audience que le principe d’équivalence s’opposerait, lui aussi, au critère de l’intérêt à agir substantiel. Si, conformément à ce principe, les modalités procédurales applicables relèvent de l’ordre juridique interne de chaque État membre, elles ne peuvent cependant pas être moins favorables que celles qui régissent des situations similaires de nature interne ( 29 ).

71.

La Commission estime que le traitement réservé aux requérants irlandais dans les affaires de droit de l’aménagement du territoire est moins favorable que dans d’autres domaines juridiques, où les requérants ne doivent justifier que d’un intérêt à agir suffisant. Ce point de vue ne pourrait cependant convaincre que si seules des positions de droit communautaire devaient être garanties en droit de l’aménagement du territoire, mais rien ne permet de l’affirmer. Pour autant que l’on puisse en juger, les recours en matière de droit de l’aménagement du territoire peuvent au contraire concerner également des questions de droit purement interne, mais ils sont, eux aussi, ouverts uniquement aux requérants pouvant justifier d’un intérêt à agir substantiel. C’est la raison pour laquelle cette condition de recevabilité des recours en matière de droit de l’aménagement du territoire n’entraîne pas un traitement moins favorable des cas sur lesquels le droit communautaire a une incidence.

72.

Rien ne permet donc d’affirmer que la transposition en droit irlandais de l’article 10 bis, premier alinéa, sous a), de la directive évaluation et de l’article 15 bis, premier alinéa, sous a), de la directive 96/61 ne serait pas suffisamment claire en ce qui concerne l’intérêt à agir nécessaire dont doivent pouvoir justifier les particuliers qui souhaitent introduire un recours. Même si la Cour devait estimer que cet argument est recevable, il serait en tout état de cause non fondé.

c) Sur les droits des organisations non gouvernementales (recours collectif)

73.

Le deuxième grief que la Commission a articulé à propos de l’article 10 bis de la directive évaluation et de l’article 15 bis de la directive 96/61 concerne la position des organisations non gouvernementales. Conformément au troisième alinéa, deuxième phrase, de chacun de ces deux articles, l’intérêt de certaines organisations non gouvernementales est réputé suffisant pour qu’elles puissent introduire des recours.

74.

Dans ce contexte, la Commission fait en outre grief à l’Irlande de n’avoir pas transposé les notions de «public» et de «public concerné», notions qui sont définies à l’article 3, point 1, de la directive 2003/35 pour la directive évaluation. Les organisations non gouvernementales qui œuvrent en faveur de la protection de l’environnement et qui remplissent les conditions imposées par le droit national sont réputées avoir un intérêt dans toutes les procédures de décision qui présentent un rapport avec l’environnement et qui comportent un contrôle des incidences sur l’environnement.

75.

Les définitions de concepts qui figurent dans les directives ne doivent pas toujours être transposées mot à mot. Il suffit que les effets juridiques qui s’attachent à une notion soient définis dans la législation nationale d’une manière suffisamment précise en droit ( 30 ).

76.

Il faut donc vérifier en l’espèce si le droit irlandais reconnaît les organisations non gouvernementales comme faisant partie du public concerné d’une manière telle qu’elles peuvent engager le recours prévu par la directive 2003/35.

77.

L’Irlande expose à ce sujet que l’article 50 A (3), sous b) ii), du Planning and Development Act dans la version du Planning and Development (Strategic Infrastructure) Act 2006 exonère les organisations non gouvernementales de l’obligation de démontrer qu’elles possèdent un intérêt à agir substantiel. Une lecture attentive du texte des dispositions concernées ne permet pas d’écarter cet argument sans autre forme de procès.

78.

La Commission lui rétorque que le deuxième arrêt que la High Court a rendu dans l’affaire Friends of the Curragh Environment Ltd v An Bord Pleanála ( 31 ) portait sur le recours d’une organisation non gouvernementale qui avait été rejeté au motif que celle-ci ne possédait pas un intérêt suffisant à agir.

79.

Comme la High Court n’a pas appliqué la version modifiée du Planning and Development Act, version qui, comme le gouvernement irlandais l’a déclaré, ne s’appliquait pas pour des raisons chronologiques, aucune conclusion concernant la nouvelle réglementation sur les organisations non gouvernementales ne peut être déduite de cet arrêt.

80.

Par conséquent, la Commission n’a pas démontré que la réglementation irlandaise sur l’accès à la justice des organisations non gouvernementales serait incompatible avec la directive 2003/35, c’est-à-dire avec l’article 10 bis, troisième alinéa, de la directive évaluation et avec l’article 15 bis, troisième alinéa, de la directive 96/61. C’est la raison pour laquelle le grief de non-transposition est dénué de fondement sur ce point également. La Commission n’a pas soulevé de grief concernant la qualité de la transposition.

d) Sur l’étendue des pouvoirs de contrôle des juridictions irlandaises

81.

Le troisième grief articulé par la Commission à l’encontre de la transposition de l’article 10 bis de la directive évaluation et de l’article 15 bis de la directive 96/61 porte sur l’étendue du contrôle. Conformément au premier alinéa de chacun de ces deux articles, le requérant peut contester la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, des actes ou omissions. Selon elle, ce point n’aurait pas non plus été transposé en droit irlandais après le deuxième arrêt que la High Court a rendu dans l’affaire Friends of the Curragh Environment Ltd v An Bord Pleanála ( 32 ) et l’arrêt Sweetman v An Bord Pleanála ne remédierait pas à cette lacune.

82.

Le grief de l’absence complète de mesures de transposition doit, lui aussi, être rejeté comme étant dénué de fondement à cet égard-là également, puisque le droit irlandais prévoit un recours de cet ordre, à savoir sur une «judicial review».

83.

La Commission n’a pas soulevé de grief spécifique concernant l’éventuelle étendue du contrôle exercé dans le cadre d’une «judicial review». S’il est vrai que, dans l’arrêt Sweetman v An Bord Pleanála ( 33 ) et dans le premier arrêt qu’elle a rendu dans l’affaire Friends of the Curragh Environment ( 34 ), la High Court a examiné les éventuelles objections que pourrait susciter l’étendue de ce contrôle en droit irlandais, rien ne permet cependant de déterminer dans quelle mesure la Commission souscrit à son raisonnement. La Cour n’a donc pas à statuer sur un quelconque grief concernant la qualité de la transposition à ce sujet.

e) Sur le traitement diligent des procédures judiciaires

84.

Le quatrième grief soulevé par la Commission en ce qui concerne la transposition de l’article 10 bis de la directive évaluation et de l’article 15 bis de la directive 96/61 porte sur la durée de la procédure. Conformément au cinquième alinéa de chacun de ces deux articles, les procédures doivent être menées avec diligence. Sur ce point également, la Commission se fonde sur le deuxième arrêt que la High Court a rendu dans l’affaire Friends of the Curragh Environment Ltd v An Bord Pleanála ( 35 ), où elle a déclaré que la directive n’avait pas été transposée.

85.

L’Irlande rétorque en invoquant l’article 50 A (10) et (11), sous b), du Planning and Development Act 2000, dans la version du Planning and Development (Strategic Infrastructure) Act 2006, conformément auquel les juridictions compétentes doivent traiter les procédures avec toute la diligence que permet la bonne administration de la justice. L’article 50 A (12) prévoit, lui aussi, l’adoption de dispositions visant à accélérer les procédures.

86.

La Commission ne peut donc pas démontrer sur ce point non plus l’absence totale de transposition. Dès lors qu’elle n’a pas soulevé de griefs spécifiques concernant la qualité de ces réglementations, il n’est pas nécessaire de les examiner plus avant.

f) Sur les dépens

87.

Le cinquième grief que la Commission a soulevé à l’encontre de la transposition de l’article 10 bis de la directive évaluation et de l’article 15 bis de la directive 96/61 concerne les dépens. Conformément au cinquième alinéa de chacun de ces deux articles, les procédures ne peuvent pas avoir un coût prohibitif.

88.

Les parties sont d’accord en ce qui concerne les frais de justice et le droit du requérant victorieux au remboursement des frais qu’il a dû exposer ( 36 ). Il s’agit de savoir dans quelle mesure ce requérant doit être protégé contre une éventuelle condamnation lui imposant de rembourser les frais exposés par la partie adverse dans l’hypothèse où il échouerait en son recours.

89.

L’Irlande considère que la directive 2003/35 ne contient aucune règle concernant les dépens exposés par les parties litigantes. Elle se fonde en cela sur certaines dispositions de la convention d’Aarhus qui n’ont pas été expressément reprises dans la directive. D’une part, l’article 9, paragraphe 5, de la convention prévoit que les parties à la convention envisagent la mise en place de mécanismes appropriés d’assistance visant à éliminer ou à réduire les obstacles financiers ou autres qui entravent l’accès à la justice. D’autre part, l’article 3, paragraphe 8, deuxième phrase, dispose que la règle énoncée à la première phrase ne porte nullement atteinte au pouvoir des tribunaux nationaux d’accorder des dépens d’un montant raisonnable à l’issue d’une procédure judiciaire.

90.

Cet argument n’est pas convaincant, car l’article 3, paragraphe 8, deuxième phrase, de la convention d’Aarhus doit être lu en combinaison avec la première phrase, aux termes de laquelle les personnes qui exercent leur droits conformément aux dispositions de la convention ne peuvent en aucune manière être pénalisées, persécutées ou soumises à des mesures vexatoires en raison de leur action. La deuxième phrase ne fait que préciser que la perception de dépens pour les frais de procédure ne peut pas être considérée comme une pénalité, comme une persécution ou une mesure vexatoire.

91.

Lorsqu’on interprète l’article 9, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus et les dispositions de mise en œuvre de la directive correspondantes, il y a lieu de tenir compte de l’article 9, paragraphe 5, de cette convention indépendamment de toute mention expresse dans la directive 2003/35. Cet article montre en effet que, lorsqu’elles sont convenues que les procédures ne devaient pas avoir un coût prohibitif, les parties à cette convention avaient clairement à l’esprit la nécessité de mesures d’assistance.

92.

De surcroît, l’article 47, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 37 ) exige, lui aussi, qu’une aide juridictionnelle soit accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l’effectivité de l’accès à la justice. Le traité de Lisbonne n’ayant pas encore été ratifié, la charte ne sortit pas encore des effets juridiques obligatoires comparables à ceux du droit primaire. En tant que source de connaissance du droit, elle offre cependant des éclaircissements sur les droits fondamentaux ( 38 ) qui doivent être pris en considération pour l’interprétation du droit communautaire ( 39 ).

93.

C’est la raison pour laquelle la règle interdisant que les procédures aient un coût prohibitif couvre les frais que les parties auraient dû exposer.

94.

Il n’existe cependant pas d’interdiction absolue de condamner aux dépens les requérants visés par la directive 2003/35, comme l’indiquent non seulement le texte, qui interdit uniquement les coûts prohibitifs, mais aussi en particulier l’article 3, paragraphe 8, de la convention d’Aarhus, qui présuppose que chaque partie est susceptible d’être condamnée aux dépens.

95.

La Commission soutient que la législation irlandaise ne protège pas suffisamment contre des coûts prohibitifs et se fonde en cela sur le fait, notamment, que les coûts des parties adverses victorieuses peuvent être extrêmement élevés en Irlande, des dépens s’élevant à plusieurs centaines de milliers d’euros n’étant pas exclus.

96.

Le gouvernement irlandais fait valoir pour sa défense qu’il existe un règlement sur l’assistance judiciaire, règlement appelé Attorney General’s Scheme, et que, par ailleurs, les requérants potentiels peuvent également utiliser la procédure gratuite qui leur est ouverte devant l’Ombudsman. Cette défense ne convainc guère, car, selon ses termes eux-mêmes, le règlement sur l’assistance judiciaire en question ne s’applique pas aux procédures visées par la directive. Il ne peut dès lors pas être considéré comme étant une mesure de transposition de celle-ci. S’il est vrai que l’Ombudsman peut offrir une solution de rechange non bureaucratique par rapport aux procédures judiciaires, il ne peut cependant, selon les propres explications du gouvernement irlandais, qu’émettre des recommandations et non adopter des décisions obligatoires.

97.

Comme la Commission l’a reconnu et comme l’Irlande l’a souligné, les juridictions irlandaises ont en tout cas le pouvoir discrétionnaire de renoncer à condamner la partie succombée aux dépens et même d’imposer les frais encourus par celle-ci à la partie victorieuse. Il existe donc une possibilité de limiter le risque de coûts prohibitifs.

98.

Cette possibilité de limiter le risque de coûts prohibitifs suffit, selon moi, à démontrer l’existence de mesures de transposition. C’est la raison pour laquelle le recours de la Commission est non fondé sur ce point également.

99.

À titre complémentaire, je voudrais indiquer que c’est à bon droit que la Commission soulève une objection qui va plus loin et affirme que le droit irlandais ne lie pas les juridictions aux exigences de la directive lorsqu’elles exercent leur pouvoir discrétionnaire en matière de dépens. Il est de jurisprudence constante qu’un pouvoir discrétionnaire qui peut être exercé d’une manière conforme à une directive n’est pas une mesure suffisante de transposition de celle-ci puisqu’une telle pratique peut être modifiée à tout instant ( 40 ). Cette objection concerne cependant déjà la qualité de la mesure de transposition et elle est dès lors irrecevable.

g) Sur l’information du public

100.

Le sixième grief que la Commission a articulé à propos de la transposition de l’article 10 bis de la directive évaluation et de l’article 15 bis de la directive 96/61, enfin, est dirigé contre la manière dont la législation irlandaise organise l’information du public sur les droits qui lui sont conférés par la directive. Conformément au sixième alinéa de chacun de ces deux articles, afin d’accroître l’efficacité des dispositions de ceux-ci, les États membres veillent à ce qu’une information pratique soit mise à la disposition du public concernant l’accès aux voies de recours administratif et juridictionnel.

101.

La Commission invoque les deux arrêts de l’affaire Friends of the Curragh Environment Ltd v An Bord Pleanála à ce propos également ( 41 ). Indépendamment des réglementations effectivement existantes, le public irlandais aurait dû déduire de ces arrêts que la directive n’avait pas encore été transposée dans le droit de son pays.

102.

Les arguments que le gouvernement irlandais expose à propos de l’arrêt Sweetman v An Bord Pleanála ne peuvent pas être pris en considération, parce que cette décision n’a été rendue qu’après l’expiration du délai que la Commission avait fixé dans l’avis motivé.

103.

En revanche, le Planning and Development Act 2000, dans la version du Planning and Development (Strategic Infrastructure) Act 2006, avait, quant à lui, déjà été promulgué et était déjà entré en vigueur lorsque le délai a expiré. L’argument qui en est déduit aurait cependant eu plus de poids si les modifications du droit relatif à l’aménagement du territoire s’étaient expressément référées à la directive 2003/35 transposée, mais tel n’est pas le cas.

104.

De surcroît, le deuxième arrêt Friends of the Curragh Environment Ltd v An Bord Pleanála ( 42 ) montre plus particulièrement que les juridictions irlandaises n’étaient même pas encore suffisamment informées de ces réglementations. Cette affaire concernait les droits d’une organisation non gouvernementale qui avaient peut-être été renforcés par le Planning and Development (Strategic Infrastructure) Act 2006, qui était entré en vigueur peu de temps auparavant, mais cette modification légale n’est même pas mentionnée dans l’arrêt.

105.

Ce qui est décisif, néanmoins, c’est que l’obligation d’informer le public ne peut pas être limitée à la simple publication des réglementations de mise en œuvre de directives. De telles réglementations doivent, en tout état de cause, être publiées. L’obligation expresse d’informer le public doit donc aller plus loin.

106.

Aux termes mêmes de la directive, les États membres doivent en particulier diffuser des informations pratiques concernant l’accès à la justice, obligation qui n’est pas remplie par la seule publication des textes légaux.

107.

Le gouvernement néerlandais ne fait cependant pas état de plus amples mesures d’information qu’il aurait prises.

108.

Par conséquent, l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 6 de la directive 2003/35 en ce qu’elle n’a pas mis à la disposition du public, comme l’article 10 bis, sixième alinéa, de la directive évaluation et l’article 15 bis, sixième alinéa, de la directive 96/61 lui imposaient de le faire, des informations pratiques concernant l’accès aux voies de recours administratif et juridictionnel.

2. Sur l’information de la Commission

109.

Il faut à présent examiner si l’Irlande a suffisamment instruit la Commission des mesures qu’elle avait adoptées en vue de la mise en œuvre de l’article 10 bis de la directive évaluation et de l’article 15 bis de la directive 96/61. Selon la Commission, les informations qui lui ont été fournies à propos de la transposition des règles concernant les coûts des procédures juridictionnelles, en particulier ( 43 ), et l’accès à la justice, en général, n’étaient pas suffisantes.

110.

Conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2003/35, les États membres informent immédiatement la Commission des dispositions législatives, réglementaires et administratives qu’ils ont adoptées pour la transposition de la directive.

111.

Il est de jurisprudence constante que les États membres sont tenus, en vertu de l’article 10 CE, de faciliter à la Commission l’accomplissement de sa mission, qui consiste notamment, selon l’article 211 CE, à veiller à l’application des dispositions du traité CE ainsi que des dispositions prises par les institutions en application de celui-ci ( 44 ). C’est à ces fins qu’à l’instar d’autres directives, l’article 6 de la directive 2003/35 impose une obligation d’information aux États membres ( 45 ).

112.

L’information que les États membres sont ainsi tenus de fournir à la Commission doit être claire et précise. Elle doit indiquer sans ambiguïté quelles sont les mesures législatives, réglementaires et administratives au moyen desquelles l’État membre considère avoir rempli les différentes obligations que lui impose la directive. En l’absence d’une telle information, la Commission n’est pas en mesure de vérifier si l’État membre a réellement et complètement mis en application la directive. Le manquement d’un État membre à cette obligation, que ce soit par une absence totale d’information ou par une information insuffisamment claire et précise, peut justifier, à lui seul, l’ouverture de la procédure de l’article 226 CE visant à la constatation de ce manquement ( 46 ).

113.

En ce qui concerne les coûts des procédures judiciaires, l’Irlande a déjà indiqué dans sa réponse au premier avis motivé que les juridictions irlandaises ont le pouvoir de rendre, sur les dépens, une décision favorable à la partie succombée.

114.

L’accès à la justice est d’ailleurs garanti, pour l’essentiel, par le Planning and Development Act 2000, dans la version du Planning and Development (Strategic Infrastructure) Act 2006, dont l’Irlande a fourni une copie à la Commission le 30 novembre 2006, c’est-à-dire avant l’expiration du délai fixé dans le deuxième avis motivé.

115.

L’Irlande a ainsi notifié à la Commission les mesures essentielles qu’elle avait adoptées pour la mise en œuvre de la directive 2003/35.

116.

La Commission lui fait néanmoins grief de ne pas lui avoir fourni une copie des deux arrêts que la High Court a rendus dans l’affaire Friends of the Curragh Environment Ltd v An Bord Pleanála ( 47 ).

117.

L’Irlande lui rétorque, tout d’abord, que les États membres ne sont pas tenus d’instruire la Commission des réglementations existantes de mise en œuvre de la directive 2003/35. Les deux arrêts portent sur le Planning and Development Act 2000, dans la version antérieure à l’adoption de la directive 2003/35.

118.

Or, comme la Commission l’observe à bon droit, la Cour a déjà tranché cette question dans un sens opposé à la thèse irlandaise: si les règles internes en vigueur dans un État membre transposent déjà une directive quant au fond, cette situation ne les dispense en aucun cas de l’obligation formelle d’informer la Commission de l’existence de ces dernières afin que celle-ci puisse être en mesure d’apprécier leur conformité avec ladite directive ( 48 ).

119.

L’Irlande souligne en outre la difficulté d’exposer, dans le cadre d’une réponse à un avis motivé, la manière dont la jurisprudence irlandaise a transposé les dispositions de la directive concernant l’accès à la justice. Il devrait suffire de se référer à cette jurisprudence sans plus de détail tout en renvoyant au chapitre correspondant du manuel de droit administratif irlandais qui fait autorité. Les déclarations de la High Court seraient des obiter dicta qui ne remettraient pas en question une transposition suffisante. La High Court n’aurait adopté une décision conforme qu’après la dernière lettre de la Commission ( 49 ).

120.

En s’exprimant de la sorte, l’Irlande méconnaît cependant les obligations qui incombent aux États membres lorsqu’ils transposent des directives dans leur droit national et qui demeurent inchangées quelle que soit la manière dont ils le font, que ce soit au moyen de règles dégagées par la jurisprudence ou au moyen de mesures législatives. Il faut, en tout état de cause, déterminer quelles mesures de transposition sont nécessaires pour chacune des dispositions de la directive. Lorsqu’un État membre entend se prévaloir de la pérennité de règles de droit existantes, il doit identifier celle-ci avant de pouvoir constater que de plus amples mesures sont superflues.

121.

C’est précisément les conclusions de cet examen que l’État membre peut (et doit) notifier à la Commission sans devoir rien y ajouter d’essentiel. Le problème inhérent à un système de règles jurisprudentielles ne tient pas tant à la difficulté d’exposer celles-ci à la Commission, mais à la difficulté de les identifier, l’État membre devant en tout état de cause déjà se livrer à cet exercice indépendamment de son obligation d’information.

122.

La Commission a raison d’affirmer que les renseignements qu’un État membre fournit à propos de la transposition de dispositions de directives ne peuvent pas exclure des informations de nature à fonder certains doutes concernant une transposition correcte. Il est précisément important de signaler des jugements ou des arrêts constatant qu’une directive n’a pas encore été transposée lorsqu’un État membre considère que la jurisprudence établie par ces juridictions en assurerait déjà une transposition suffisante.

123.

C’est la raison pour laquelle l’Irlande aurait dû fournir à la Commission un exposé de la jurisprudence irlandaise constatant que les dispositions de la directive 2003/35 relatives à l’accès à la justice avaient déjà été transposées à suffisance de droit. Dans ce contexte, l’Irlande aurait pu préciser la portée des décisions en question.

124.

Il y a donc lieu de constater qu’en ne portant pas les deux arrêts que la High Court a rendus dans l’affaire Friends of the Curragh Environment Ltd v An Bord Pleanála à la connaissance de la Commission, l’Irlande a manqué à l’obligation d’information qui lui incombe en vertu des dispositions de l’article 6 de la directive 2003/35 en ce qui concerne la transposition de l’article 10 bis de la directive évaluation et de l’article 15 bis de la directive 96/61.

V — Dépens

125.

Conformément à l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. Seule la Commission a pris une conclusion sur les dépens. Si elle prospère sur certains points, elle n’en succombe pas moins dans des parties essentielles de son recours. C’est la raison pour laquelle les dépens devraient être partagés, chacune des parties supportant les siens.

VI — Conclusion

126.

Eu égard à tout ce qui précède, je propose à la Cour de statuer comme suit:

1)

En n’adoptant pas, comme lui imposaient de le faire l’article 2, paragraphe 1, et l’article 4, paragraphes 2, 3 et 4, de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, telle que modifiée par la directive 97/11/CE du Conseil, du 3 mars 1997, toutes les dispositions nécessaires pour qu’avant l’octroi de toute autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement appartenant à la catégorie «construction de routes» couverte par la classe 10, sous e), de l’annexe II, soient soumis, conformément aux articles 5 à 10 de la directive, à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement, l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de cette directive 85/337.

2)

En n’adoptant pas toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires à la transposition de l’article 3, points 3, 4, 5 et 6, et de l’article 4, points 2 et 3, de la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003, prévoyant la participation du public lors de l’élaboration de certains plans et programmes relatifs à l’environnement, et modifiant, en ce qui concerne la participation du public et l’accès à la justice, les directives 85/337 et 96/61/CE du Conseil;

en ne mettant pas à la disposition du public des informations pratiques concernant l’accès aux procédures de contrôle administratives et judiciaires, comme l’article 10 bis de la directive 85/337 et l’article 15 bis de la directive 96/61/CE du Conseil, du 24 septembre 1996, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution, l’une et l’autre dans la version modifiée par la directive 2003/35, lui en faisaient l’obligation, et

en n’informant pas la Commission des Communautés européennes des deux arrêts rendus par la High Court dans l’affaire Friends of the Curragh Environment Ltd v An Bord Pleanála,

l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 6 de la directive 2003/35.

3)

Le recours est rejeté pour le surplus.

4)

L’Irlande et la Commission supporteront chacune leurs propres dépens.


( 1 ) Langue originale: l’allemand.

( 2 ) JO L 175, p. 40.

( 3 ) JO L 73, p. 5.

( 4 ) JO L 156, p. 17.

( 5 ) JO 2005, L 124, p. 4.

( 6 ) Ratifiée par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005 (JO L 124, p. 1). La convention est reproduite dans l’annexe de la décision.

( 7 ) JO L 257, p. 26, codifiée par la directive 2008/1/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 janvier 2008, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution, JO L 24, p. 8.

( 8 ) Loi no 30 de 2000.

( 9 ) Loi no 27 de 2006.

( 10 ) Dans l’arrêt qu’elle a rendu le 25 juillet 2008, Ecologistas en Acción-CODA (C-142/07, Rec. p. I-6097, point 28), la Cour a constaté qu’il serait «contraire à l’objet même de la directive» d’exclure les voies urbaines de son champ d’application.

( 11 ) JO L 206, p. 7.

( 12 ) Arrêt du 10 mai 2007, Commission/Autriche (C-508/04, Rec. p. I-3787, points 66 et suiv.).

( 13 ) Voir les points 73 et suiv. plus bas.

( 14 ) Arrêts du 16 juin 2005, Commission/Italie (C-456/03, Rec. p. I-5335, points 19 et suiv.), et du 30 novembre 2006, Commission/Luxembourg (C-32/05, Rec. p. I-11323, points 52 et suiv.).

( 15 ) Arrêt Commission/Italie (déjà cité à la note 14, point 40).

( 16 ) Arrêt du 28 juin 2007, Commission/Espagne (C-235/04, Rec. p. I-5415, points 47 et suiv.).

( 17 ) Planning and Development (Strategic Infrastructure) Act 2006 (Commencement) (no 3) Order 2006 du 21 décembre 2006, S I, no 684 de 2006.

( 18 ) Planning and Development (Strategic Infrastructure) Act 2006 (Commencement) Order 2006 du 11 octobre 2006, S I no 525 de 2006.

( 19 ) Arrêt du 8 décembre 2006 [(2006) IEHC 390].

( 20 ) Arrêt du 26 avril 2007 [(2007) IEHC 153].

( 21 ) Outre les arrêts de la High Court cités, à ce sujet, aux notes 19 et 20, il faut encore citer en particulier l’arrêt que la Supreme Court a rendu le 2 mai 2008 dans l’affaire Harding v Cork County Council & Anor [(2008) IESC 27].

( 22 ) Arrêts déjà cités à la note 20, point 3.10.

( 23 ) Voir les arrêts du 19 septembre 1996, Commission/Grèce (C-236/95, Rec. p. I-4459, points 12 et suiv.); du 10 mai 2001, Commission/Pays-Bas (C-144/99, Rec. p. I-3541, point 21), et du 12 juillet 2007, Commission/Autriche (C-507/04, Rec. p. I-5939, point 137).

( 24 ) Déjà cité à la note 19.

( 25 ) Voir, également, les arrêts Harding v Cork County Council & Anor (déjà cité à la note 21) et Sweetman v An Bord Pleanála (déjà cité à la note 20).

( 26 ) Article 50 A (3), sous b), du Planning and Development Act 2000 dans la version du Planning and Development (Strategic Infrastructure) Act 2006.

( 27 ) Article 50 A (4) du Planning and Development Act 2000 dans la version du Planning and Development (Strategic Infrastructure) Act 2006.

( 28 ) Voir arrêt Harding v Cork County Council & Anor (précité à la note 21). En ce qui concerne la possibilité d’interpréter le droit irlandais d’une manière conforme à la directive, la Supreme Court aboutit à la conclusion surprenante qu’une autre interprétation de la notion (ouverte) de «substantial interest» serait incompatible (contra legem) avec la loi irlandaise.

( 29 ) Arrêt du 7 janvier 2004, Wells (C-201/02, Rec. p. I-723, point 67).

( 30 ) Voir le point 35 plus haut.

( 31 ) Déjà cité à la note 19.

( 32 ) Déjà cité à la note 19.

( 33 ) Déjà cité à la note 20, points 6.11 et suiv.

( 34 ) Arrêt du 14 juillet 2006 [(2006) IEHC 243].

( 35 ) Déjà cité à la note 19.

( 36 ) Il ne s’agit pas non plus de la sûreté à constituer en manière de dépens telle qu’elle a été fixée par l’arrêt que la Supreme Court a rendu le 21 juillet 1998 dans l’affaire Lancefort Ltd v An Bord Pleanála (no 2) [(1999) 2 IR 270], ni de la possibilité de subordonner l’accès à la procédure à l’engagement pris de réparer les éventuels préjudices, possibilité prévue à l’article 50 A (6) du Planning and Development Act 2000, dans la version du Planning and Development (Strategic Infrastructure) Act 2006.

( 37 ) Cette charte a tout d’abord été solennellement proclamée à Nice le 7 décembre 2000 (JO C 364, p. 1), puis une seconde fois à Strasbourg le 12 décembre 2007 (JO C 303, p. 1).

( 38 ) Voir, à ce sujet, également les arrêts du 27 juin 2006, Parlement/Conseil (C-540/03, Rec. p. I-5769, point 38), et du 13 mars 2007, Unibet (C-432/05, Rec. p. I-2271, point 37).

( 39 ) Arrêts du 24 mars 1994, Bostock (C-2/92, Rec. p. I-955, point 16); du 18 mai 2000, Rombi et Arkopharma (C-107/97, Rec. p. I-3367, point 65); du 6 novembre 2003, Lindqvist (C-101/01, Rec. p. I-12971, point 87), et Parlement/Conseil (déjà cité à la note 38, point 105).

( 40 ) Arrêts du 13 mars 1997, Commission/France (C-197/96, Rec. p. I-1489, point 14); du 9 mars 2000, Commission/Italie (C-358/98, Rec. p. I-1255, point 17); du 7 mars 2002, Commission/Italie (C-145/99, Rec. p. I-2235, point 30), et du 10 mars 2005, Commission/Royaume-Uni (C-33/03, Rec. p. I-1865, point 25).

( 41 ) Arrêts déjà cités aux notes 19 et 34, respectivement.

( 42 ) Déjà cité à la note 19.

( 43 ) Voir les points 87 et suiv. plus haut.

( 44 ) Arrêts du 25 mai 1982, Commission/Pays-Bas (96/81, Rec. p. 1791, point 7), et du 12 septembre 2000, Commission/Pays-Bas (C-408/97, Rec. p. I-6417, points 15 et 16).

( 45 ) Arrêts du 25 mai 1982, Commission/Pays-Bas (déjà cité à la note 44, point 7), et Commission/Italie (déjà cité à la note 14, point 26).

( 46 ) Arrêts du 25 mai 1982, Commission/Pays-Bas (déjà cité à la note 44, point 8), et Commission/Italie (déjà cité à la note 14, point 27).

( 47 ) Cités aux notes 19 et 34, respectivement.

( 48 ) Arrêt du 16 juin 2005, Commission/Italie (déjà cité à la note 14, point 30).

( 49 ) Arrêt cité à la note 20.

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