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Document 62007CC0423

    Conclusions de l'avocat général Mengozzi présentées le 20 octobre 2009.
    Commission européenne contre Royaume d'Espagne.
    Manquement d’État - Directive 93/37/CEE - Articles 3 et 11 - Concessions de travaux publics - Obligations en matière de publicité - Étendue des obligations - Avis de marché - Description de l’objet de la concession et de la localisation des travaux - Travaux supplémentaires non explicitement prévus dans l’avis de marché et dans le cahier des charges - Principe d’égalité de traitement.
    Affaire C-423/07.

    Recueil de jurisprudence 2010 I-03429

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2009:639

    CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    M. PAOLO MENGOZZI

    présentées le 20 octobre 2009 ( 1 )

    Affaire C-423/07

    Commission européenne

    contre

    Royaume d’Espagne

    «Manquement d’État — Directive 93/37/CEE — Articles 3 et 11 — Concessions de travaux publics — Obligations en matière de publicité — Étendue des obligations — Avis de marché — Description de l’objet de la concession et de la localisation des travaux — Travaux supplémentaires non explicitement prévus dans l’avis de marché et dans le cahier des charges — Principe d’égalité de traitement»

    1. 

    Le thème du rôle et de la signification des concessions en droit communautaire est notoirement délicat, et leur réglementation jusqu’ici est assez pauvre. Les concessions de travaux publics, au centre de la présente affaire, ont cependant fait l’objet d’interventions explicites du législateur communautaire ( 2 ) qui, dans la récente directive 2004/18/CE ( 3 ), leur a consacré un titre ( 4 ).

    2. 

    La situation à propos de laquelle la Cour doit se prononcer en l’espèce ne devra toutefois pas être examinée sur la base du cadre légal créé par la directive 2004/18. En effet, du point de vue de l’application dans le temps, les faits en cause relèvent de la directive 93/37/CEE ( 5 ). Dans ce texte, les concessions de travaux publics étaient réglementées de façon beaucoup plus limitée et essentielle.

    3. 

    Dans le présent recours en manquement, en particulier, la Commission des Communautés européennes reproche au Royaume d’Espagne d’avoir enfreint la réglementation communautaire en matière de concession de travaux publics lors de l’attribution de la concession pour la construction et l’entretien, en particulier, de deux nouveaux raccordements de l’autoroute A-6 reliant Madrid à La Corogne.

    I — Le cadre légal

    4.

    Les dispositions communautaires pertinentes en l’espèce sont, comme je l’ai déjà rappelé, celles de la directive 93/37 (ci-après la «directive»). En particulier, le cinquième considérant de celle-ci observe que: «[…] compte tenu de l’importance croissante des concessions dans les travaux publics et de leur nature spécifique, il est opportun d’inclure dans la présente directive des règles de publicité en la matière». L’intention du législateur a donc été de fixer, en matière de concessions de travaux publics, certains points fondamentaux, laissant pour le reste aux pouvoirs publics une marge d’appréciation plus large que celle dont ils jouissent en matière de marchés.

    5.

    L’article 1er de la directive prévoit:

    «Aux fins de la présente directive:

    a)

    les ‘marchés publics de travaux’ sont des contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre, d’une part, un entrepreneur et, d’autre part, un pouvoir adjudicateur défini au point b) et ayant pour objet soit l’exécution, soit conjointement l’exécution et la conception des travaux relatifs à une des activités visées à l’annexe II ou d’un ouvrage défini au point c), soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur;

    […]

    d)

    la ‘concession de travaux publics’ est un contrat présentant les mêmes caractères que ceux visés au point a), à l’exception du fait que la contrepartie des travaux consiste soit uniquement dans le droit d’exploiter l’ouvrage, soit dans ce droit assorti d’un prix;

    […]»

    6.

    L’article 3 de la directive s’énonce comme suit:

    «Dans le cas où les pouvoirs adjudicateurs concluent un contrat de concession de travaux publics, les règles de publicité définies à l’article 11 paragraphes 3, 6, 7 et 9 à 13 et à l’article 15 sont applicables à ce contrat lorsque sa valeur égale ou dépasse 5000000 [EUR]

    […]»

    7.

    Les parties de l’article 11 de la directive que l’article 3 de celle-ci déclare applicables aux concessions de travaux sont les suivantes:

    «[…]

    3.   Les pouvoirs adjudicateurs désireux d’avoir recours à la concession de travaux publics font connaître leur intention au moyen d’un avis.

    […]

    6.   Les avis prévus aux paragraphes 1 à 5 sont établis conformément aux modèles qui figurent aux annexes IV, V et VI et donnent les renseignements qui y sont demandés.

    Les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent exiger des conditions autres que celles prévues aux articles 26 et 27 lorsqu’ils demandent des renseignements concernant les conditions de caractère économique et technique qu’ils exigent des entrepreneurs pour leur sélection (annexe IV partie B point 11, annexe IV partie C point 10 et annexe IV partie D point 9).

    7.   Les avis prévus aux paragraphes 1 à 5 sont envoyés par les pouvoirs adjudicateurs dans les meilleurs délais et par les voies les plus appropriées à l’Office des publications officielles des Communautés européennes. Dans le cas de la procédure accélérée prévue à l’article 14, les avis sont envoyés par télex, télégramme ou télécopieur.

    […]

    9.   Les avis prévus aux paragraphes 2, 3 et 4 sont publiés in extenso au Journal officiel des Communautés européennes et dans la banque de données TED, dans les langues originales. Un résumé des éléments importants de chaque avis est publié dans les autres langues officielles des Communautés, seul le texte de la langue originale faisant foi.

    10.   L’Office des publications officielles des Communautés européennes publie les avis douze jours au plus tard après leur envoi. Dans le cas de la procédure accélérée prévue à l’article 14, ce délai est réduit à cinq jours.

    11.   La publication des avis dans les journaux officiels ou dans la presse du pays du pouvoir adjudicateur ne doit pas avoir lieu avant la date d’envoi à l’Office des publications officielles des Communautés européennes et doit faire mention de cette date. Elle ne doit pas contenir de renseignements autres que ceux publiés au Journal officiel des Communautés européennes.

    12.   Les pouvoirs adjudicateurs doivent être en mesure de faire la preuve de la date d’envoi.

    13.   Les frais de publication des avis de marchés au Journal officiel des Communautés européennes sont à la charge des Communautés. L’avis ne peut dépasser une page dudit journal, soit environ 650 mots. Chaque numéro dudit journal dans lequel figurent un ou plusieurs avis reproduit le ou les modèles auxquels se réfèrent le ou les avis publiés.»

    II — Le droit national applicable et les faits à l’origine du litige

    A — Le droit national

    8.

    La loi 8, du 10 mai 1972, relative à la construction, à l’entretien et à l’exploitation des autoroutes au moyen de marchés de concession (ci-après la «Ley de Autopistas»), telle qu’elle est en vigueur depuis 1996, prévoit en particulier, en son article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, ce qui suit:

    «[…] relèvent de l’objet social de la société concessionnaire, outre les activités indiquées au précédent alinéa, la construction de travaux d’infrastructures routières, autres que ceux inclus dans le marché mais ayant une incidence sur celui-ci et qui sont réalisés dans la zone d’influence de l’autoroute ou qui sont nécessaires à l’organisation du trafic, dont le projet et l’exécution, ou la seule exécution, s’imposent au concessionnaire comme contrepartie […]»

    9.

    L’arrêté royal 597, du 16 avril 1999, a fixé à 20 km l’étendue de la zone d’influence des autoroutes.

    B — Les faits

    10.

    Les faits à l’origine du litige se rapportent au tronçon de l’autoroute A-6 entre les localités de Villalba au sud et d’Adanero au nord. Il s’agit d’un tronçon d’autoroute à péage, extrêmement important, caractérisé par un trafic toujours très intense. Le tronçon de l’autoroute A-6 se situant immédiatement au sud de celui-ci, entre Madrid et Villalba, est gratuit et géré par l’État.

    11.

    Depuis 1968, le tronçon de l’autoroute Villalba-Adanero est géré sous forme de concession par Ibérica de Autopistas SA (ci-après «Iberpistas»). Cette concession était, à l’époque des faits en cause, destinée à prendre fin en 2018.

    12.

    Le fait à l’origine du litige en cause est la décision prise par le gouvernement espagnol de construire deux nouveaux tronçons de l’autoroute afin de connecter l’autoroute A-6 aux villes de Ávila et de Ségovie, qui se trouvent respectivement à l’ouest et à l’est du tronçon Villalba-Adanero.

    13.

    Le décret ministériel du 4 juin 1999, paru au Boletín Oficial del Estado (Journal officiel espagnol, ci-après le «BOE») le 8 juin, a publié un cahier des charges (ci-après le «premier cahier des charges») pour une concession comprenant:

    la construction des deux raccordements entre les villes de Ávila et de Ségovie et l’autoroute A-6, ainsi que l’entretien de ces tronçons pendant une période de 25 à 40 ans;

    l’exploitation du tronçon Villalba-Adanero de l’autoroute A-6 à partir de 2018, c’est-à-dire à la date à laquelle la concession en cours de Iberpistas viendra à échéance, et pour une période à déterminer sur la base du nombre moyen de véhicules en transit sur ledit tronçon;

    la construction de la voie de contournement de Guadarrama, sur le tronçon Villalba-Adanero de l’autoroute A-6 (environ à mi-chemin entre les deux villes), et

    l’élargissement (construction d’une quatrième voie de circulation par sens) du tronçon de l’autoroute entre Madrid et Villalba: il s’agit, comme je l’ai déjà indiqué, du tronçon gratuit, géré par l’État.

    14.

    L’avis de marché correspondant a été publié le 16 juin 1999 au Journal officiel de l’Union européenne.

    15.

    Un nouveau cahier des charges a cependant été approuvé ensuite (ci-après le «second cahier des charges»), le 7 juillet 1999, et publié au BOE deux jours plus tard. Ce cahier des charges a remplacé le précédent.

    16.

    En particulier, le décret ministériel d’approbation du second cahier des charges précisait que, «pour des raisons d’ordre technique, il y a lieu de modifier ledit cahier, afin de redéfinir l’objet de l’appel d’offres et d’apporter quelques modifications concernant la fixation de la durée de la concession».

    17.

    Concrètement, le second cahier des charges avait pour objet:

    la construction des tronçons de l’autoroute de raccordement de Ávila et de Ségovie à l’autoroute A-6, comme prévu par le premier cahier des charges, à cette différence près que la durée de la concession était désormais fixée entre 22 et 37 ans, ainsi que

    l’exploitation du tronçon Villalba-Adanero de l’autoroute A-6 à partir de 2018, comme prévu par le premier cahier des charges, avec ici également quelques modifications quant à la durée de la concession.

    18.

    Comme on le voit, le second cahier des charges ne mentionne plus l’obligation de réaliser le contournement de Guadarrama et la quatrième voie sur le tronçon Madrid-Villalba.

    19.

    Les points suivants figuraient dans la clause 5, tant dans le premier que dans le second cahier des charges:

    «[…]

    13.

    Les soumissionnaires indiqueront expressément dans leurs offres les mesures qu’ils se proposent d’adopter en ce qui concerne les effets induits par la concession sur le réseau viaire global, sur l’intérêt touristique de la région et la valorisation des monuments d’intérêt historique ou artistique, ainsi que sur la protection et la conservation du paysage et de la nature, sans préjudice du respect de la réglementation en vigueur dans ces domaines.

    […]

    16.

    Les soumissionnaires exposeront à l’administration les mesures qu’ils envisagent de prendre pour la gestion adéquate du trafic interurbain dans la zone affectée par la construction des tronçons faisant l’objet de la concession, et préciseront celles qu’ils s’engagent à mettre en œuvre à leur charge. La créativité et la viabilité de ces propositions seront évaluées positivement lors de l’attribution du marché, eu égard au degré de congestion élevé des zones sur le trafic desquelles les voies objet du marché auront une incidence.»

    20.

    Les critères pour l’adjudication de la concession étaient précisés à la clause 10 du second cahier des charges, qui par ailleurs était identique à la clause 10 du premier cahier des charges. En particulier, l’un de ces critères était relatif à l’évaluation des «mesures proposées pour la gestion du trafic et de l’environnement». Le poids de ce critère était fixé à un maximum de 150 points sur un total de 1250 points possibles.

    21.

    La clause 29, identique également dans le premier et dans le second cahier des charges, s’énonçait comme suit:

    «En ce qui concerne les tronçons mentionnés aux points 1 et 2 de la clause 2 du présent cahier, le concessionnaire est tenu de veiller à ce qu’en aucun endroit de l’autoroute ne soit dépassé le niveau (de trafic) D […], il est tenu d’effectuer à ses frais, sans droit à aucune réclamation et suffisamment tôt, les extensions nécessaires à cette fin.»

    22.

    Les tronçons visés à la clause 29, c’est-à-dire ceux des points 1 et 2 de la clause 2 du cahier des charges, sont les raccordements de Ávila et de Ségovie à l’autoroute A-6.

    23.

    Trois soumissionnaires ont présenté une offre, parmi lesquels Iberpistas qui, au moment des faits, était déjà, comme nous l’avons vu, concessionnaire du tronçon de l’autoroute A-6 entre Villalba et Adanero. Aucun des soumissionnaires n’a présenté une solution unique: ils ont tous présenté plusieurs variantes. Iberpistas, en particulier, a présenté neuf variantes.

    24.

    Par décret royal 1724, du 5 novembre 1999, la concession a été attribuée à Iberpistas, selon les modalités contenues dans la variante «VT-B, TGE» de son offre.

    25.

    En particulier, l’offre proposée par Iberpistas et qui a été retenue comprenait plusieurs ouvrages supplémentaires par rapport à ce qui était explicitement demandé dans le second cahier des charges, à savoir:

    la construction d’une voie supplémentaire de circulation par sens sur le tronçon de l’autoroute A-6 entre Madrid et Villalba (donc sur le tronçon gratuit de l’autoroute A-6, relevant de la compétence de l’État);

    la construction d’une voie supplémentaire de circulation et d’un nouveau tunnel sur l’autoroute A-6, sur le tronçon Valle de los Caídos-San Rafael, au nord de Villalba (c’est-à-dire sur le tronçon de l’autoroute A-6 dont Iberpistas était déjà concessionnaire jusqu’en 2018), et

    la construction d’une voie supplémentaire de circulation par sens sur l’autoroute A-6, sur le tronçon Villalba-Valle de los Caídos (donc, ici aussi, sur le tronçon de l’autoroute A-6 dont Iberpistas était déjà concessionnaire jusqu’en 2018).

    26.

    Le décret d’adjudication de la concession a fait l’objet, en Espagne, de deux recours juridictionnels distincts, présentés respectivement par un groupe de parlementaires, d’une part, et par un syndicat et une association écologiste, d’autre part. Le Tribunal Supremo a prononcé deux décisions en 2003, l’une déclarant irrecevable le premier recours, l’autre rejetant le second au fond.

    III — La procédure précontentieuse

    27.

    La phase précontentieuse de la présente procédure a été assez complexe. En effet, la première lettre de mise en demeure envoyée par la Commission aux autorités espagnoles le 30 avril 2001 considérait qu’une partie des circonstances décrites, à savoir l’élargissement du tronçon de l’autoroute A-6 entre Madrid et Villalba, gratuit et géré par l’État, était non pas une concession, mais bel et bien un marché de travaux, en raison de l’absence d’un risque dans le chef de l’adjudicataire. Par conséquent, les griefs formulés par la Commission concernaient tant la réglementation des concessions que celle des marchés de travaux. Dans les deux cas, les reproches formulés par la Commission concernaient le non-respect des règles de publicité prévues à l’article 11 de la directive.

    28.

    Le Royaume d’Espagne a répondu par lettre du 27 juin 2001, contestant toutes les affirmations de la Commission et soutenant, entre autres, la nécessité de considérer que l’ensemble des travaux, y compris ceux sur le tronçon gratuit de l’autoroute A-6, relevaient de la concession.

    29.

    Malgré une réunion avec les autorités espagnoles et la communication par celles-ci de documents supplémentaires, la Commission a émis un avis motivé le 18 juillet 2002. Dans celui-ci, la Commission accueillait les observations du Royaume d’Espagne quant à la nécessité d’appliquer seulement la réglementation des concessions, et non celle des marchés de travaux. Pour le reste, toutefois, la Commission confirmait les griefs relatifs à la violation des règles de publicité prévues par la directive.

    30.

    Les autorités espagnoles ont répondu à l’avis motivé par lettres des 20 septembre 2002 et .

    31.

    Le 25 juillet 2003, la Commission a envoyé une lettre de mise en demeure complémentaire au Royaume d’Espagne, concernant le non-respect présumé des principes fondamentaux du traité, en particulier ceux relatifs à l’égalité de traitement et à la non-discrimination.

    32.

    Les autorités espagnoles ont répondu à cette nouvelle lettre de mise en demeure le 28 octobre 2003. La Commission, non satisfaite de cette réponse, a adressé un avis motivé complémentaire le , auquel le Royaume d’Espagne a répondu par lettre du .

    IV — La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

    33.

    Estimant que le manquement persistait, la Commission a formé le présent recours, parvenu au greffe le 13 septembre 2007.

    34.

    Après l’échange des observations écrites, les parties ont été entendues lors de l’audience du 9 septembre 2009.

    35.

    La Commission demande à la Cour de:

    constater que, en n’incluant pas, parmi les travaux faisant l’objet de la concession, dans l’avis et dans le cahier des charges concernant la passation d’un marché de concession administrative pour la construction, l’entretien et l’exploitation des liaisons de l’autoroute A-6 avec Ségovie et Ávila, ainsi que pour l’entretien et l’exploitation du tronçon Villalba-Adanero sur la même autoroute à partir de 2018, certains travaux qui ont été attribués ultérieurement dans le cadre de la concession, parmi lesquels ceux relatifs au tronçon gratuit de l’autoroute A-6, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3 et 11, paragraphes 3, 6, 7, 11 et 12, de la directive, et a enfreint les principes du traité, notamment les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, et

    condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

    36.

    Le Royaume d’Espagne demande à la Cour de:

    rejeter le recours en ce qu’il est irrecevable ou, à titre subsidiaire, en ce qu’il est dénué de fondement, et

    condamner la Commission aux dépens.

    V — Sur la recevabilité du recours

    37.

    Le Royaume d’Espagne invoque l’irrecevabilité du recours à deux égards. Premièrement, la Commission n’aurait pas démontré le pouvoir de représentation en justice de l’avocat qui a rédigé le recours avec l’agent de la Commission. Deuxièmement, l’objet du recours serait indéterminé en ce que la requête n’indique pas précisément les règles qui auraient été violées par l’État membre attaqué.

    38.

    Les deux exceptions soulevées par le Royaume d’Espagne sont dénuées de fondement. En ce qui concerne la première, il suffit d’observer que la Commission a annexé à la requête une copie de la carte d’inscription de l’avocat au barreau. Le guide aux conseils, publié par le greffe de la Cour, indique expressément que ce document satisfait à la condition de l’article 38, paragraphe 3, du règlement de procédure. En outre, il y a lieu d’observer que la Commission est également représentée par son agent. Pour ce qui est de la seconde exception, la Commission a clairement et explicitement indiqué les règles qu’elle estime violées. Du reste, le Royaume d’Espagne les a examinées une à une dans ses moyens de défense. Il ne se pose aucun problème de recevabilité, mais il se pose seulement un problème de vérification du fondement des reproches soulevés par la Commission.

    39.

    Le recours est donc recevable.

    VI — Sur le manquement

    A — Les positions des parties

    40.

    La Commission estime que le Royaume d’Espagne n’a pas respecté, à deux égards, les obligations qui lui incombaient en vertu du droit communautaire. D’une part, il y aurait eu violation des articles 3 et 11, paragraphes 3, 6, 7, 11 et 12, de la directive. D’autre part, l’adjudication en faveur de Iberpistas serait contraire aux principes fondamentaux du traité, et plus spécialement ceux d’égalité de traitement et de non-discrimination.

    1. Les arguments de la Commission

    41.

    Le principal argument soulevé par la Commission pour démontrer la violation de la directive se fonde sur la présence, dans l’offre du soumissionnaire retenu, de travaux non prévus dans le cahier des charges: ces travaux seraient, en particulier, d’une valeur globale légèrement inférieure à celle des travaux dont la réalisation était expressément demandée.

    42.

    La Commission observe, en outre, que la formulation du cahier des charges, prescrivant de façon générale aux soumissionnaires d’indiquer les solutions possibles permettant de résoudre le problème du trafic, n’était pas de nature à laisser croire aux participants qu’il était possible de proposer des ouvrages supplémentaires dont l’importance et la localisation seraient comparables à ceux proposés par Iberpistas. En particulier, étant donné que les seuls ouvrages à réaliser explicitement indiqués dans le second cahier des charges étaient les deux raccordements de Ségovie et de Ávila à l’autoroute A-6, même les mesures que les soumissionnaires auraient pu proposer en vue de la réduction du trafic n’auraient été que des mesures directement liées à ces deux tronçons. Il n’aurait donc pas été possible d’admettre des offres qui, comme celle qui a été retenue, proposeraient des travaux à un autre endroit, comme les élargissements du tronçon de l’autoroute A-6 Villalba-Adanero proposés par Iberpistas.

    43.

    La Commission rejette les arguments du gouvernement espagnol selon lesquels la décision d’annuler le premier cahier des charges et de le remplacer par un second dans lequel ne figurait plus l’indication explicite de certains ouvrages à réaliser aurait rendu évident le fait que les participants devaient proposer des solutions de remplacement de celles prévues dans le cahier des charges initial et ensuite abandonnées. Selon la Commission, rien dans le texte du second cahier des charges ne permettrait de l’interpréter en ces termes. Du reste, les autres soumissionnaires n’auraient proposé que des variantes limitées aux deux raccordements de l’autoroute A-6 aux villes de Ávila et de Ségovie.

    44.

    Selon la Commission, enfin, le comportement du Royaume d’Espagne aurait également violé les principes fondamentaux du traité, en particulier ceux d’égalité de traitement et de non-discrimination.

    2. La position du gouvernement espagnol

    45.

    Le Royaume d’Espagne conteste fermement les reproches qui lui sont faits. En particulier, non seulement la Commission n’aurait pas démontré l’existence d’un manquement, mais elle aurait également donné une image déformée des faits.

    46.

    Le gouvernement espagnol souligne, premièrement, les problèmes graves de trafic existant sur l’autoroute A-6 au moment de la publication de l’avis d’appel d’offres. La gravité de ces problèmes, outre qu’elle était notoire, ayant fait l’objet d’informations permanentes dans la presse, aurait également été clairement indiquée et décrite dans des documents officiels des administrations espagnoles, y compris dans le dossier de l’appel d’offres en cause.

    47.

    La thèse fondamentale du gouvernement espagnol consiste à affirmer que l’existence notoire des problèmes de trafic aurait rendu absolument évident le fait que les soumissionnaires, même si le cahier des charges n’indiquait expressément que la construction des raccordements de l’autoroute A-6 aux villes de Ávila et de Ségovie, auraient pu proposer des mesures de réduction du trafic se situant physiquement sur le tronçon Villalba-Adanero de l’autoroute A-6, qui devait être concédé au soumissionnaire retenu à partir de 2018, ainsi que sur le tronçon de l’autoroute A-6 entre Madrid et Villalba. En ce qui concerne, particulièrement, ce dernier tronçon qui, on l’a vu, est gratuit et géré par l’État, le gouvernement espagnol prétend que la possibilité d’intervention sur celui-ci aurait été garantie par la législation nationale. En particulier, la Ley de Autopistas permettrait la réalisation de mesures de réduction du trafic, y compris hors de la «zone d’influence» des autoroutes. En tout état de cause, cette zone d’influence serait actuellement fixée à 20 km, de telle sorte que le tronçon de l’autoroute A-6 au sud de Villalba serait encore dans la zone d’influence du tronçon de l’autoroute A-6 Villalba-Adanero, qui fait explicitement l’objet de la concession.

    48.

    Selon le Royaume d’Espagne, en particulier, la possibilité pour les soumissionnaires de proposer de telles mesures pour le contrôle du trafic ressort aussi des paragraphes 13 et 16 de la clause 5 du cahier des charges.

    49.

    Le choix d’annuler le premier cahier des charges et de le remplacer par le second aurait découlé de la volonté d’accorder plus d’espace à la créativité des soumissionnaires en ce qui concerne les solutions à proposer au problème du trafic. La circonstance que le décret d’approbation du nouveau cahier des charges ait seulement indiqué que la nouvelle version de celui-ci avait été rendue nécessaire par des raisons générales d’ordre technique, sans aucune référence à la nécessité pour les soumissionnaires de remplacer les ouvrages supprimés du premier cahier des charges par leurs propres solutions, s’expliquerait par le caractère normalement bref de tous les arrêtés ministériels d’approbation de cahiers des charges.

    50.

    Le gouvernement espagnol insiste sur le fait que les arguments qu’il propose devant la Cour ont été adoptés par les juridictions nationales et en particulier par le Tribunal Supremo. Étant donné qu’il s’agit d’une appréciation en fait et non en droit, la Cour devrait s’en remettre, en particulier pour ce qui est de l’interprétation du cahier des charges, à ce qui a été constaté sur ce point par la juridiction nationale — même si le gouvernement espagnol reconnaît, dans son mémoire en duplique, que les conclusions du Tribunal Supremo ne lient pas la Cour.

    51.

    Le Royaume d’Espagne observe par ailleurs que Iberpistas n’a pas procédé à l’exécution directe des travaux prévus, mais qu’elle a lancé un appel d’offres en vue de leur adjudication. Ainsi, les exigences relatives à la publicité et au respect des principes d’égalité de traitement ainsi que de non-discrimination auraient également été respectées, à tout le moins, dans cette phase ultérieure de la réalisation des travaux. À ce propos, le gouvernement espagnol fait référence, en particulier, à l’arrêt Ordine degli Architetti e.a. ( 6 ), dans lequel la Cour aurait admis la conformité à la réglementation communautaire sur les marchés publics d’une situation où l’appel d’offres est lancé non pas par les pouvoirs publics, mais par un sujet privé à qui les pouvoirs publics confient la réalisation des travaux.

    B — Appréciation

    1. Observations préalables

    52.

    Du point de vue juridique, les circonstances faisant l’objet du présent recours constituent une concession de travaux publics. Comme on l’a vu, la réglementation communautaire définit la concession de travaux publics comme un contrat possédant les mêmes caractéristiques qu’un marché de travaux, à la différence majeure que la contrepartie des travaux consiste dans le droit d’exploiter l’ouvrage réalisé. En outre, ce droit d’exploitation peut aussi être accompagné du paiement d’un prix au concessionnaire. Ce prix ne peut toutefois constituer l’élément principal de la contrepartie, puisque dans ce cas il s’agirait non plus d’une concession, mais d’un marché public ( 7 ).

    53.

    Le droit communautaire impose, en matière de concessions, des limites et des prescriptions plus réduites que celles imposées en matière de marchés publics. En particulier, comme on l’a vu à l’occasion de l’exposé du cadre juridique, parmi toutes les règles applicables aux marchés publics, seules celles relatives à la publicité s’appliquent aux concessions.

    54.

    Or, de même qu’il est certain, en l’espèce, que les éléments de fait doivent être qualifiés de concession de travaux et non de marché, il est tout aussi évident que les travaux en cause devaient être précédés d’un avis d’appel d’offres spécifique, car il ne peuvent être considérés comme un simple «développement» naturel de la concession existante, à Iberpistas, du tronçon de l’autoroute A-6 entre Villalba et Adanero ( 8 ). Cette prémisse n’est d’ailleurs contestée par aucune des parties.

    2. Éléments dénués de pertinence

    55.

    Avant de procéder à l’examen des questions juridiques au centre de la présente affaire, il est nécessaire, à mon avis, d’évacuer quelques éléments qui ont été largement débattus par les parties, mais qui, concrètement, sont dénués de pertinence pour la solution du litige.

    a) Les arrêts du Tribunal Supremo

    56.

    Tout d’abord, les références que fait le Royaume d’Espagne aux décisions du Tribunal Supremo, qui a rejeté deux recours introduits au niveau national contre l’attribution de la concession, sont dénuées de pertinence. En effet, comme l’a admis la défense du gouvernement espagnol dans le mémoire en duplique et lors de l’audience, la jurisprudence de la Cour qui reconnaît à la seule juridiction nationale la compétence d’apprécier les faits et limite l’intervention des juridictions communautaires aux questions de droit ne concerne que les procédures de type préjudiciel, dans lesquelles l’issue finale de l’affaire nationale est le résultat d’une collaboration entre les autorités juridictionnelles nationales et les juridictions communautaires. Par contre, dans une procédure relative à un manquement présumé au droit communautaire par un État membre, la Cour peut apprécier tous les éléments soumis à son attention pouvant être pertinents pour lui permettre de statuer.

    57.

    Du reste, pour statuer sur un manquement présumé, l’État constitue le seul sujet de référence de la Cour, et il est considéré responsable de toutes les violations du droit communautaire qui peuvent lui être imputées, même si en réalité elles sont dues, par exemple, à des entités constitutionnellement indépendantes. Dans cette optique, même la jurisprudence d’une juridiction suprême d’un État membre a été jugée par la Cour constitutive d’une infraction au droit communautaire ( 9 ). Par conséquent, il est donc clair que le schéma centré sur l’idée d’une collaboration entre juridiction nationale et juridiction communautaire, qui coopéreraient en vue de la solution du litige, n’est pas applicable en matière de manquement. Il convient de préciser que cela n’implique en aucune façon un manque de respect ou de reconnaissance du rôle des juridictions nationales: tout simplement, celles-ci n’ont pas un rôle actif dans la procédure au titre de l’article 226 CE.

    58.

    Par ailleurs, il y a lieu d’ajouter que, de toute manière, il n’est certainement pas aisé de tracer, en l’espèce, une ligne nette de démarcation entre l’appréciation des faits et les considérations en droit. En effet, rappelant la constatation par le Tribunal Supremo de la conformité au droit communautaire des avis d’appels d’offres, le Royaume d’Espagne fait référence, plus qu’à des appréciations de fait, à de véritables conclusions en droit formulées par cette juridiction.

    b) L’identité des sujets à l’origine de la procédure

    59.

    De la même façon, l’identité des personnes qui, selon le Royaume d’Espagne, seraient à l’origine, par leur dénonciation, du recours formé par la Commission est dénuée de pertinence. En particulier, il s’agirait des mêmes personnes qui ont également introduit les recours rejetés au niveau national par le Tribunal Supremo. Même si l’on admet qu’il s’agit des mêmes personnes, il est clair que cela ne peut avoir aucune incidence dans le cadre de la procédure devant la Cour.

    60.

    La circonstance qu’il se serait agi non pas de participants à la procédure d’adjudication de la concession, mais de certains parlementaires, d’un syndicat et d’une association écologiste peut certes indiquer que les motifs de la décision de formuler un recours et/ou une dénonciation ont été, plutôt qu’économiques, politiques ou idéologiques. Il n’en reste pas moins que l’unique objectif de la procédure d’infraction est de déterminer si, d’un point de vue objectif, un État membre a manqué ou non aux obligations qui lui sont imposées par le droit communautaire. Il n’appartient pas à la Cour d’examiner les motifs personnels des plaignants à l’origine de la procédure, d’autant plus que la décision de formuler un recours en manquement est prise seulement par la Commission, de façon tout à fait libre et autonome. À ce propos, la jurisprudence constante de la Cour affirme non seulement que la Commission n’a pas à démontrer l’existence d’un intérêt à agir, mais également que les considérations qui déterminent le choix d’initier la procédure en manquement sont dénuées de pertinence ( 10 ).

    c) L’organisation d’un appel d’offres par Iberpistas

    61.

    De même, est également dénuée de pertinence la circonstance, à laquelle fait référence le Royaume d’Espagne dans sa défense, que Iberpistas, après avoir obtenu la concession, ait décidé de ne pas réaliser directement les ouvrages supplémentaires, mais de recourir plutôt à un appel d’offres, comme l’imposait d’ailleurs, dans un tel cas, la clause 20 du cahier des charges.

    62.

    Le raisonnement à la base de cette argumentation, que le Royaume d’Espagne a en réalité plutôt explicité dans la phase précontentieuse que dans les observations présentées à la Cour, se fonde sur la possibilité d’appliquer le principe affirmé par l’arrêt Ordine degli Architetti e.a. ( 11 ).

    63.

    Dans cet arrêt, en particulier, la Cour a affirmé que, en cas de réalisation d’un ouvrage d’équipement par un lotisseur ayant conclu une convention de lotissement avec une administration communale, l’effet utile de la directive est également observé si les procédures prévues par cette directive sont appliquées, non par l’administration communale, mais par le lotisseur ( 12 ).

    64.

    Cependant, il y a lieu d’observer que les circonstances examinées par la Cour dans ladite affaire Ordine degli Architetti e.a. sont complètement différentes de celles qui font l’objet de la présente procédure. Dans l’arrêt en question, en effet, il s’agissait d’interpréter certaines dispositions du droit italien qui admettent la possibilité de réduire ou d’annuler, sous certaines conditions, les contributions aux charges d’équipement lors de l’octroi du permis de construire. En particulier, cette possibilité existait pour ceux qui s’engageaient à réaliser directement les ouvrages d’équipement.

    65.

    La Cour, estimant que la réduction du montant à payer octroyée en échange de la réalisation directe des ouvrages d’équipement constituait de plein droit une compensation pour cette réalisation, a jugé applicable la directive, en précisant cependant, comme on l’a vu, que l’effet utile de celle-ci pouvait également être observé si elle était appliquée, non par l’administration communale, mais par le lotisseur réalisant les ouvrages d’équipement.

    66.

    L’élément déterminant à la base dudit arrêt Ordine degli Architetti e.a., comme on le voit, était le fait que l’administration communale n’avait pas la faculté de choisir son cocontractant, étant donné que, par la force des choses, ce cocontractant était nécessairement la personne qui demandait le permis de construire. Par conséquent, admettre la possibilité que ce soit le lotisseur qui applique la directive était, concrètement, la seule manière d’assurer la réalisation des objectifs poursuivis par le législateur communautaire en matière de marchés publics.

    67.

    Par contre, dans la présente affaire, Iberpistas — loin d’être un cocontractant obligé du gouvernement espagnol — a été choisie et s’est vu attribuer la concession parce qu’elle a été retenue à la suite de la procédure d’appel d’offres. Il est donc clair que, en l’espèce, la réglementation communautaire relative au choix du cocontractant pouvait être appliquée depuis la première phase de la procédure, à savoir celle du choix du concessionnaire. Partant, la situation n’est pas comparable à celle en cause dans ce même arrêt Ordine degli Architetti e.a., et celui-ci ne peut donc pas être appliqué, pas même par analogie ( 13 ).

    d) La valeur des ouvrages supplémentaires

    68.

    La Commission et le Royaume d’Espagne s’opposent vivement sur la valeur des ouvrages supplémentaires par rapport à la valeur totale de la concession.

    69.

    En particulier, la Commission a calculé dans sa requête que la valeur des ouvrages supplémentaires s’élèverait à 87% de la valeur des ouvrages principaux, à savoir ceux explicitement indiqués dans l’avis d’appel d’offres. Pour sa part, le Royaume d’Espagne conteste ce calcul et souligne, en particulier, la nécessité d’inclure également dans la valeur des ouvrages principaux la valeur de l’exploitation du tronçon Villalba-Adanero de l’autoroute A-6 à partir de 2018. Selon le Royaume d’Espagne, le montant des ouvrages supplémentaires proposés par Iberpistas dans l’offre retenue serait légèrement supérieur à 27% de la valeur des ouvrages principaux.

    70.

    J’estime toutefois que la quantification exacte de la valeur des ouvrages supplémentaires par rapport à l’objet principal de la concession n’est pas nécessaire ici pour trancher.

    71.

    En effet, d’une part, les références que font les parties à l’article 61 de la nouvelle directive communautaire en matière de marchés publics, à savoir la directive 2004/18, ne sont pas pertinentes. Cette disposition prévoit que, dans la limite de 50% du montant des travaux initiaux faisant l’objet de la concession, et sous certaines conditions spécifiques, les dispositions relatives à la publicité prévues pour les concessions de travaux publics ne s’appliquent pas «aux travaux complémentaires qui ne figurent pas dans le projet initialement envisagé de la concession ni dans le contrat initial et qui sont devenus nécessaires, à la suite d’une circonstance imprévue, à l’exécution de l’ouvrage tel qu’il y est décrit, que le pouvoir adjudicateur confie au concessionnaire».

    72.

    Tout d’abord, comme je l’ai déjà observé, la directive 2004/18 n’est pas applicable, ratione temporis, en l’espèce. D’autre part, même si on voulait considérer cette disposition comme une simple confirmation d’un principe juridique préexistant (opération d’interprétation qui, d’ailleurs, me semble plutôt faible), il reste que l’article 61 de cette directive fait référence à des travaux «qui sont devenus nécessaires, à la suite d’une circonstance imprévue, à l’exécution de l’ouvrage tel qu’il y est décrit». Partant, il s’agit, c’est évident, d’une situation qui n’est pas présente en l’espèce. La disposition de cet article 61 fait référence à des situations imprévues, survenues après l’adjudication, et non à des faits existant avant l’adjudication.

    73.

    Par ailleurs, au-delà des divergences relatives à la quantification précise de la valeur des ouvrages supplémentaires, il me semble que l’on peut considérer que la Commission et le Royaume d’Espagne s’accordent sur une donnée factuelle incontournable, à savoir que, dans l’économie globale des faits soumis à l’examen de la Cour, le poids représenté par les ouvrages supplémentaires a été considérable, et certainement pas marginal ou secondaire par rapport à l’objet principal de la concession.

    3. Observations préalables relatives à la requête de la Commission

    74.

    Même si elle n’est pas irrecevable, comme je l’ai observé ci-dessus, la requête de la Commission est assez imprécise, en particulier lorsqu’elle indique les dispositions qu’elle présume violées. En particulier, dans l’acte introductif, la Commission reproche au Royaume d’Espagne, outre la violation du traité, celle de l’article 3 et, en général, des paragraphes 3, 6, 7, 11 et 12 de l’article 11 de la directive.

    75.

    À la suite des objections présentées par le Royaume d’Espagne dans son mémoire en défense, la Commission a précisé dans son mémoire en réplique que, concrètement, il y a lieu de considérer que la requête fait référence à l’article 3, paragraphe 1, de la directive et, par conséquent, aux dispositions de l’article 11 de la même directive auxquelles il renvoie.

    76.

    En particulier, étant donné que la Commission ne conteste ni le fait que l’avis d’appel d’offres a été publié, ni le moment, ni les modalités de cette publication, il y a lieu de considérer que les dispositions de la directive qui auraient été violées sont, essentiellement, l’article 11, paragraphes 3 et 6, de la directive. Plus précisément, la violation résiderait dans la grande disparité entre l’objet de l’avis d’appel d’offres publié et l’objet de la concession effectivement attribuée à Iberpistas. En d’autres termes, il est reproché au Royaume d’Espagne d’avoir publié un avis incomplet, ou encore de ne pas avoir publié un avis pour tous les travaux compris dans la concession attribuée à Iberpistas mais non mentionnés dans l’avis publié.

    77.

    Il y a encore lieu d’observer que les dispositions de la directive doivent être considérées comme l’application pratique, dans le cadre des marchés et des concessions de travaux publics, des principes du traité, en particulier l’interdiction de discrimination et l’obligation d’égalité de traitement ( 14 ). Par conséquent, les reproches formulés par la Commission à l’égard du Royaume d’Espagne, quant à une violation de la directive et quant à une violation du traité, peuvent être discutés ensemble.

    78.

    Après ces observations préalables, il est maintenant possible de se concentrer sur le problème principal, à savoir le prétendu caractère incomplet du cahier des charges publié par les autorités espagnoles. À cette fin, il sera nécessaire de déterminer, d’abord, quelles sont exactement les conditions de publicité d’un avis pour une concession de travaux publics. Une fois cet aspect éclairci, il y aura lieu de voir si ces conditions sont remplies en l’espèce.

    4. Les conditions pour un avis en matière de concessions

    79.

    Le premier aspect à éclaircir concerne donc les conditions qu’un avis pour la concession de travaux publics doit remplir, en général.

    80.

    Il n’est pas mis en doute qu’un avis pour un marché de travaux doit contenir une description complète de tous les travaux à réaliser. Cela constitue une conséquence naturelle tant du fait que les concurrents doivent pouvoir proposer un prix pour la réalisation des travaux — ce qui suppose, évidemment, une connaissance exacte de ceux-ci — que du principe plus général, auquel je viens de faire référence, selon lequel les dispositions de la directive constituent la réalisation concrète des principes du traité en matière d’égalité de traitement et d’interdiction de toute discrimination. Du reste, la Cour a affirmé que, justement pour respecter le principe d’égalité de traitement des soumissionnaires, toutes les offres doivent être conformes aux prescriptions du cahier des charges ( 15 ).

    81.

    À mon avis, ce principe fondamental en matière de publicité doit être également appliqué aux concessions, dont les appels d’offres devront donc indiquer de façon précise tous les travaux faisant l’objet de la concession. Plusieurs considérations vont dans ce sens.

    82.

    Premièrement, des motifs évidents sont liés à la transparence et à l’égalité de traitement. Ces deux principes, comme on l’a vu, découlent directement du traité et la Cour les a déclarés applicables, en règle générale, à toutes les concessions, y compris celles qui ne font pas l’objet d’une réglementation spécifique ( 16 ).

    83.

    Deuxièmement, la directive prévoit que, parmi les règles applicables aux marchés publics, seules celles relatives à la publicité — ou du moins une partie de celles-ci — sont applicables aux concessions. Admettre que même les quelques règles applicables aux concessions devraient être interprétées différemment, et d’une façon plus restrictive que celles applicables aux marchés publics, aboutirait, me semble-t-il, à réduire considérablement l’effet utile du cadre juridique applicable aux concessions.

    84.

    Le fait que le modèle d’avis d’appel d’offres prévu pour les concessions (annexe VI de la directive) soit beaucoup plus bref que celui prévu pour les marchés publics (annexe V de la directive) ne signifie pas que la description des ouvrages à réaliser puisse y figurer d’une façon significativement différente. Du reste, les deux modèles d’avis d’appel d’offres sont pratiquement identiques dans la partie concernant la description de l’objet du marché et dans celle concernant la description de l’objet de la concession (voir la section II de chacun de ces modèles).

    85.

    On retrouve par ailleurs, dans la jurisprudence de la Cour, des affirmations qui mettent sur le même pied, sans mentionner aucune différence, les règles de publicité applicables aux marchés et celles applicables aux concessions ( 17 ).

    86.

    Le fait d’imposer qu’un avis d’appel d’offres décrive de façon précise les ouvrages à réaliser ne signifie naturellement pas que soit exclue toute forme de créativité ou de liberté dans les offres présentées. Toutefois, le respect du principe de l’égalité de traitement impose que, dans ce cas, la possibilité soit offerte aux soumissionnaires potentiels de connaître tant l’existence d’une telle marge de liberté que les limites de celle-ci. À ce propos, il convient de citer un passage de la communication interprétative de la Commission sur les concessions en droit communautaire ( 18 ) (ci-après la «communication interprétative»), qui me semble tout à fait correct et fondé. Le paragraphe 9 du point 3.1.1 de cette communication est libellé comme suit:

    «En outre, lorsque, dans certains cas, le concédant n’a pas la possibilité de définir ses besoins en termes techniques suffisamment précis, il va alors rechercher des offres de remplacement susceptibles d’apporter des solutions différentes à un problème exprimé en termes généraux. Cependant, dans ces hypothèses, le cahier des charges doit toujours, pour assurer une concurrence saine et efficace, présenter de manière non discriminatoire et objective ce qui est demandé aux candidats et surtout les modalités de l’approche qu’ils doivent suivre en préparant leurs offres. De cette manière, chacun des candidats sait à l’avance qu’il a la possibilité de prévoir des solutions techniques différentes. Plus généralement, le cahier des charges ne doit pas comporter d’éléments contraires aux règles et aux principes du traité précités. Les besoins du concédant peuvent aussi être déterminés en collaboration avec des entreprises du secteur dans la mesure où ceci n’a pas pour effet d’empêcher la concurrence.»

    87.

    Du reste, en matière de marchés, l’article 19 de la directive prévoit explicitement, par le mécanisme des variantes, la possibilité de laisser aux soumissionnaires une certaine marge de liberté dans la présentation de leurs offres. Cependant, dans l’arrêt Traunfellner, la Cour a interprété cet article de façon assez stricte, afin de respecter le principe de l’égalité de traitement entre les soumissionnaires, en excluant par exemple que, pour satisfaire à l’obligation prévue à l’article 19, paragraphe 2, de la directive — qui impose aux pouvoirs adjudicateurs de mentionner dans le cahier des charges les conditions minimales que les variantes doivent respecter —, le renvoi opéré par le cahier des charges à une disposition de la législation nationale puisse suffire ( 19 ).

    88.

    L’argument du Royaume d’Espagne selon lequel l’arrêt Traunfellner, précité, ne serait pas applicable en l’espèce, en ce qu’il fait référence à des variantes et non à des ouvrages supplémentaires, ne me paraît pas convaincant. En effet, premièrement, même si l’on admet que la distinction entre variantes et ouvrages supplémentaires est fondée, reste le fait que ledit arrêt Traunfellner se base sur l’objectif essentiel de garantir l’égalité de traitement des soumissionnaires et que cet objectif ne peut pas être considéré comme moins pertinent dans le cas d’ouvrages supplémentaires que dans le cas de variantes. En tout état de cause, cet arrêt, en ce qu’il fait référence à l’article 19 de la directive, c’est-à-dire à une disposition qui n’est pas applicable aux concessions de travaux, n’est pas directement applicable en l’espèce, et doit plutôt être considéré comme une indication et une ligne directrice, du reste extrêmement convaincantes.

    89.

    Une autre indication utile, applicable essentiellement par analogie, peut également être déduite de la jurisprudence de la Cour qui, toujours par application du principe de l’égalité de traitement des soumissionnaires, a souligné que, une fois indiqués, les critères d’adjudication d’un marché doivent rester les mêmes tout au long de la procédure ( 20 ).

    90.

    En conclusion, un appel d’offres pour l’adjudication d’une concession de travaux publics doit indiquer précisément les ouvrages faisant l’objet de la concession. D’éventuelles variantes et des ouvrages supplémentaires peuvent être admis si cette faculté est indiquée, avec les limites dans lesquelles elle peut être exercée, dans l’avis d’appel d’offres lui-même.

    5. Sur l’interprétation du second cahier des charges

    91.

    Une fois éclaircis les critères qu’un appel d’offres pour une concession de travaux doit remplir pour satisfaire aux obligations de publicité imposées par le droit communautaire, il est nécessaire de vérifier si, en l’espèce, le cahier des charges de la concession en cause est conforme à ces critères.

    92.

    J’estime qu’il y a lieu de conclure par la négative et que la correspondance n’était pas suffisante entre ce qui est indiqué dans le second cahier des charges et les travaux attribués dans la concession à Iberpistas.

    93.

    Tout d’abord, comme on l’a vu, le gouvernement espagnol estime que le choix de remplacer le premier cahier des charges par le second aurait été motivé par la volonté de laisser plus de marge à la libre initiative des soumissionnaires, afin de définir des solutions adéquates au problème du trafic. Ce gouvernement soutient en outre que les participants à l’appel d’offres auraient pu aisément comprendre cela. Toutefois, ces arguments ne peuvent pas être acceptés.

    94.

    En effet, il y a lieu d’observer que le préambule du second cahier des charges indique simplement que, «pour des raisons d’ordre technique, il y a lieu de modifier ledit cahier, afin de redéfinir l’objet de l’appel d’offres et d’apporter quelques modifications concernant la fixation de la durée de la concession». Il s’agit d’une formulation assez vague, qui est très loin d’indiquer exactement la raison précise qui a entraîné la reformulation du cahier des charges (à l’exception de la modification de la durée de la concession). Au minimum, si la décision d’annuler le cahier des charges précédent se fondait sur la volonté de laisser plus de marge à la libre initiative des soumissionnaires pour la solution des problèmes du trafic, cela aurait pu et dû être indiqué expressément. Cependant, cela n’a pas été le cas.

    95.

    De la même façon, les arguments du gouvernement espagnol selon lesquels la possibilité d’offrir des ouvrages supplémentaires tels que ceux proposés par Iberpistas découlerait de certaines dispositions du cahier des charges ne peuvent pas être accueillis non plus. En particulier, il s’agit des points 13 et 16 de la clause 5 ainsi que de la clause 29 de l’avis d’appel d’offres.

    96.

    Or, en ce qui concerne la clause 29, il suffit d’observer que celle-ci ne vise de façon expresse que les deux raccordements de l’autoroute A-6 avec Ávila et Ségovie ( 21 ).

    97.

    Une observation analogue peut être émise en ce qui concerne le point 16 de la clause 5 du cahier des charges, qui indique expressément que les mesures pour la gestion du trafic qui auraient pu être proposées à l’administration concernaient «la région affectée par la construction des tronçons faisant l’objet de la concession». La référence à la «construction» de ces tronçons limite donc clairement aux raccordements de l’autoroute A-6 à Ávila et à Ségovie la région à laquelle se réfère cette disposition.

    98.

    En ce qui concerne le point 13 de la même clause du cahier des charges, il y a lieu de relever qu’il fait référence, de façon générale, aux mesures que les soumissionnaires auraient pu se proposer d’adopter par rapport à une série d’éléments qui doivent typiquement être pris en considération dans le cadre de la réalisation de travaux routiers, à savoir non seulement le trafic, mais aussi l’impact possible sur le paysage, l’environnement, le tourisme, etc. Il est clair qu’une telle disposition générale, qui ne fait référence qu’à des réalisations accessoires par rapport aux travaux mentionnés expressément dans le cahier des charges, ne peut pas être considérée comme une publicité qui indiquerait à suffisance comme objet du cahier des charges des travaux de construction de grande importance, y compris du point de vue économique, se situant en outre hors des zones de construction expressément indiquées dans l’avis.

    99.

    En outre, ledit point 13 fait référence aux «effets» de la concession sur le problème global du trafic, mais ne fait pas référence à la localisation des mesures à prendre pour réduire ce problème. Partant, l’argument de la Commission selon lequel, conformément à la rédaction du cahier des charges, les soumissionnaires pouvaient comprendre que ces mesures se rapportaient seulement à la zone des ouvrages dont la construction était expressément prévue n’est pas à négliger.

    100.

    Par ailleurs, il y a lieu de ne pas perdre de vue que les dispositions qui viennent d’être rappelées sont restées identiques dans le premier et dans le second cahier des charges. Par conséquent, il n’est pas possible de prétendre que, compte tenu de celles-ci, un participant potentiel à l’appel d’offres aurait pu estimer que le choix des autorités espagnoles d’annuler le premier appel d’offres en éliminant de celui-ci certains travaux était déterminé par une volonté d’obtenir des propositions de solutions de remplacement par rapport à ces travaux «annulés».

    101.

    Enfin, en ce qui concerne les arguments supplémentaires invoqués par le Royaume d’Espagne quant à la possibilité d’interpréter le second cahier des charges à la lumière des autres dispositions pertinentes du droit espagnol, qui auraient reconnu une large marge de liberté et de créativité aux soumissionnaires, j’observe ce qui suit.

    102.

    D’une part, en principe, pour les raisons déjà indiquées, j’estime que les principes que la jurisprudence de la Cour a développés quant à la publicité des marchés publics s’appliquent également en matière de concessions. Comme on l’a vu, la Cour a exclu également la légalité d’un avis d’appel d’offres qui, en ce qui concerne l’admissibilité des variantes, contenait un renvoi explicite à la législation nationale ( 22 ).

    103.

    D’autre part, même si on voulait admettre, par l’absurde, la possibilité — qui serait tout à fait contraire à la jurisprudence de la Cour — d’un complément implicite à l’appel d’offres sur la base du droit national, il reste que, à mon avis, l’article 8 de la Ley de Autopistas ne va pas dans le sens de la position du Royaume d’Espagne. En effet, cette disposition, loin de reconnaître aux soumissionnaires potentiels une grande liberté créative pour la présentation des offres, fait référence à des travaux qui, bien que non prévus dans l’objet initial de la concession, «s’imposent au concessionnaire comme contrepartie». En d’autres termes, il semble qu’il s’agisse de travaux qui sont, en tout cas, expressément demandés aux concessionnaires, et non pas librement proposés et réalisés par celui-ci. Par conséquent, il semble inutile de vérifier si, aux termes de la législation nationale, tous les ouvrages supplémentaires proposés par Iberpistas relèvent de la zone d’influence des ouvrages expressément indiqués comme faisant l’objet de la concession.

    104.

    La communication interprétative ne peut pas non plus fournir des arguments dans le sens de la position du gouvernement espagnol. En particulier, comme on l’a vu, bien que dans ce document la Commission admette la possibilité que les soumissionnaires se voient reconnaître une large marge de liberté et de créativité dans leurs offres, elle rappelle également et de manière expresse la nécessité de «présenter de manière non discriminatoire et objective ce qui est demandé aux candidats» ( 23 ).

    105.

    En outre, la Commission a montré de façon plutôt convaincante, malgré les arguments opposés du Royaume d’Espagne, que les autres soumissionnaires n’ont pas interprété les clauses relatives à la nécessité de proposer des mesures pour la réduction du trafic de la même façon que Iberpistas. En particulier, toutes les solutions proposées par les autres soumissionnaires se concentraient sur la réalisation d’ouvrages supplémentaires strictement liés aux ouvrages dont la construction était expressément demandée dans le cahier des charges. Il s’agit évidemment d’un fait qui, en soi, n’est pas déterminant dans la mesure où l’appréciation du cahier des charges par les autres soumissionnaires ne lie certainement pas la Cour. En outre, il ne peut pas être exclu que les autres soumissionnaires aient interprété erronément le cahier des charges. Il s’agit cependant d’un élément qui, en tout état de cause, peut être pris en compte pour décrire de façon complète les circonstances de l’espèce.

    106.

    Enfin, une dernière observation concerne les aspects pratiques découlant de l’interprétation du cahier des charges avancée par Iberpistas et appuyée par le Royaume d’Espagne. Sur la base de l’offre retenue, Iberpistas a réalisé, outre les raccordements entre l’autoroute A-6 et les villes de Ávila et de Ségovie, des ouvrages supplémentaires sur le tronçon Villalba-Adanero de la même autoroute, tronçon sur lequel, au moment de l’appel d’offres en cause, une concession était déjà accordée à Iberpistas jusqu’en 2018. Or, il me semble difficile d’imaginer qu’un soumissionnaire autre qu’Iberpistas puisse concrètement proposer, de sa propre initiative et sans aucune indication en ce sens dans le cahier des charges, de réaliser des travaux sur un tronçon de l’autoroute géré par cette société.

    VII — Conclusions

    107.

    Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de statuer dans les termes suivants:

    «1)

    En n’incluant pas, parmi les travaux faisant l’objet de la concession, dans le cahier des charges concernant la passation d’un marché de concession administrative pour la construction, l’entretien et l’exploitation des liaisons de l’autoroute A-6 avec Ségovie et Ávila, ainsi que pour l’entretien et l’exploitation du tronçon Villalba-Adanero de la même autoroute à partir de 2018, certains travaux qui ont été attribués ultérieurement, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, et sur la base des principes du traité CE en matière d’égalité de traitement et de non-discrimination.

    2)

    Le Royaume d’Espagne est condamné aux dépens.»


    ( 1 ) Langue originale: l’italien.

    ( 2 ) À l’opposé, les concessions de services ne font pas encore l’objet d’une réglementation spécifique, à l’exception de quelques principes importants affirmés par la jurisprudence de la Cour. En particulier, la jurisprudence a affirmé constamment que, bien que n’étant pas expressément soumises à une législation spécifique, les concessions de services doivent respecter les principes fondamentaux du traité CE, et en particulier le principe de non-discrimination en raison de la nationalité. Voir, en ce qui concerne les services visés par la directive 93/38/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (JO L 199, p. 84), arrêt du , Telaustria et Telefonadress (C-324/98, Rec. p. I-10745, point 60). En ce qui concerne les services visés par la directive 92/50/CEE du Conseil, du , portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1), voir arrêt du , Parking Brixen (C-458/03, Rec. p. I-8585, point 46 et jurisprudence citée).

    ( 3 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114).

    ( 4 ) Il s’agit du titre III, qui comprend les articles 56 à 65.

    ( 5 ) Directive du Conseil du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54).

    ( 6 ) Arrêt du 12 juillet 2001 (C-399/98, Rec. p. I-5409).

    ( 7 ) Dans certains cas concrets, la distinction entre marché public et concession peut être assez difficile. Il s’agit, finalement, d’une compétence de la juridiction nationale: voir arrêt Parking Brixen (précité à la note 2, point 32).

    ( 8 ) Voir, à cet égard, arrêt du 27 octobre 2005, Commission/Italie (C-187/04 et C-188/04, point 23).

    ( 9 ) Arrêt du 9 décembre 2003, Commission/Italie (C-129/00, Rec. p. I-14637, points 29 à 32).

    ( 10 ) Voir, par exemple, arrêt du 8 décembre 2005, Commission/Luxembourg (C-33/04, Rec. p. I-10629, points 65 à 67 et jurisprudence citée).

    ( 11 ) Précité à la note 6.

    ( 12 ) Idem (point 100).

    ( 13 ) Voir, sur la spécificité de la jurisprudence Ordine degli Architetti e.a., et sur le fait qu’elle ne peut pas être appliquée à une situation dans laquelle le cocontractant peut être choisi, arrêt du 20 octobre 2005, Commission/France (C-264/03, Rec. p. I-8831, point 57).

    ( 14 ) Voir arrêts du 22 juin 1993, Commission/Danemark, dit «arrêt Storebælt» (C-243/89, Rec. p. I-3353, point 33), et du , SIAC Construction (C-19/00, Rec. p. I-7725, point 33). Ces arrêts font référence à la directive 71/305/CEE du Conseil, du , portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 185, p. 5), antérieure, mais la raison d’être des dispositions reste évidemment la même. Voir également, par exemple, arrêts du , Commission/Belgique, dit «arrêt Bus wallons» (C-87/94, Rec. p. I-2043, points 51 et 52), ainsi que, de façon plus générale, Parking Brixen (précité à la note 2, point 48).

    ( 15 ) Arrêt Storebælt (précité à la note 14, point 37).

    ( 16 ) Voir note de bas de page 2.

    ( 17 ) Arrêt du 27 octobre 2005, Commission/Italie (précité à la note 8, point 19).

    ( 18 ) JO 2000, C 121, p. 2.

    ( 19 ) Arrêt du 16 octobre 2003 (C-421/01, Rec. p. I-11941, points 27 à 29).

    ( 20 ) Arrêts Bus wallons (précité à la note 14, points 88 et 89), ainsi que SIAC Construction (précité à la note 14, points 41 à 43).

    ( 21 ) Voir points 21 et 22 des présentes conclusions.

    ( 22 ) Arrêt Traunfellner (précité à la note 19).

    ( 23 ) Voir point 86 des présentes conclusions.

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