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Document 62007CC0204

Conclusions de l'avocat général Trstenjak présentées le 13 mars 2008.
C.A.S. SpA contre Commission des Communautés européennes.
Pourvoi - Accord d’association CEE-Turquie - Règlement (CEE) nº 2913/92 - Article 239 - Code des douanes communautaire - Remboursement et remise de droits à l’importation - Concentré de jus de fruits en provenance de Turquie - Certificats de circulation - Falsification - Situation particulière.
Affaire C-204/07 P.

Recueil de jurisprudence 2008 I-06135

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2008:175

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME VERICA TRSTENJAK

présentées le 13 mars 2008 ( 1 )

Affaire C-204/07 P

C.A.S. SpA

contre

Commission des Communautés européennes

Table des matières

 

I — Introduction

 

II — Le cadre juridique

 

III — Les faits et la procédure

 

A — Les faits de l’affaire au principal

 

B — La procédure devant le Tribunal de première instance et l’arrêt attaqué

 

1. Sur le premier moyen

 

2. Sur le deuxième moyen

 

3. Sur le troisième moyen

 

4. Sur les mesures d’organisation de la procédure et les mesures d’instruction requises

 

C — La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

 

D — Les moyens sur lesquels se fonde le pourvoi et les arguments des parties

 

IV — L’analyse juridique

 

A — Les remarques liminaires

 

1. Les considérations de droit matériel

 

2. Les considérations de nature procédurale

 

B — L’examen des moyens du pourvoi

 

1. Le premier moyen, tiré de la violation du principe de la répartition des compétences entre l’État membre d’exportation et l’État membre d’importation

 

a) La répartition des compétences entre l’État membre d’exportation et l’État membre d’importation

 

b) La question d’une appréciation divergente des autorités de l’État membre d’exportation en cas de comportement frauduleux

 

2. Le deuxième moyen, tiré de la violation des droits d’accès au dossier et autres droits de la défense

 

3. Le troisième moyen, tiré de la répartition de la charge de la preuve

 

4. Le quatrième moyen tiré du rejet des mesures d’instruction

 

5. Le cinquième moyen, tiré de la qualification juridique de documents et/ou des faits concernant les prétendus manquements imputables aux autorités turques et à la Commission

 

a) Les prétendus manquements à leurs obligations des autorités turques

 

i) L’appréciation selon laquelle les certificats litigieux constituaient des falsifications

 

ii) Le certificat A.TR.1 WVB D 437214

 

iii) Le manquement des autorités turques à leurs obligations en ce qui concerne les cachets

 

iv) Le manquement des autorités turques à leurs obligations en ce qui concerne l’enregistrement des documents officiels

 

v) Le manquement des autorités turques à leurs obligations du fait de leur concours à l’établissement de certificats irréguliers

 

vi) Le manquement par les autorités turques à leurs obligations dans le cadre de l’assistance mutuelle

 

vii) Le manquement des autorités turques étayé par d’autres circonstances et mise en échec d’enquêtes à Mersin

 

b) Les manquements allégués de la Commission à ses obligations

 

i) Le manquement lors du contrôle du régime préférentiel

 

ii) L’absence de manquement du fait du non-envoi des spécimens de cachets

 

iii) L’absence de violation de l’obligation de mettre en garde les importateurs en temps utile

 

iv) L’absence de manquement dans le cadre de l’élucidation et de l’appréciation des faits lors des enquêtes en Turquie

 

c) La conclusion intermédiaire

 

6. Le sixième moyen, tiré de l’absence de saisine du comité douanier et/ou du conseil d’association par la Commission

 

7. Le septième moyen, tiré de la méconnaissance d’un intérêt légitime de la requérante en ce qui concerne le certificat A.TR.1 WVB D 437214

 

8. Le huitième moyen, tiré de l’appréciation des conditions d’équité et des risques

 

9. Le neuvième moyen, tiré de la violation de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC

 

V — La conclusion de l’analyse

 

VI — Les dépens

 

VII — Conclusion

«Pourvoi — Accord d’association CEE-Turquie — Règlement (CEE) no 2913/92 — Article 239 — Code des douanes communautaire — Remboursement et remise de droits à l’importation — Concentré de jus de fruits en provenance de Turquie — Certificats de circulation — Falsification — Situation particulière»

I — Introduction

1.

Dans la présente affaire, la Cour est appelée à statuer sur un pourvoi formé par la société C.A.S. SpA contre l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 6 février 2007 dans l’affaire C.A.S. SpA/Commission ( 2 ). La requérante au pourvoi, et également en première instance (ci-après la «requérante»), demande l’annulation de l’arrêt attaqué par lequel le Tribunal a validé la décision de la Commission des Communautés européennes du 18 octobre 2002 (REC 10/01, ci-après la «décision litigieuse»), de ne pas admettre la demande de remboursement de restitutions à l’exportation pour un montant de 1702340, 25 euros, en ce qui concerne 32 des certificats présentés par la requérante sur un total de 48 et, par conséquent, de rejeter son recours visant à obtenir une annulation partielle de la décision précitée.

II — Le cadre juridique

Réglementation relative à la remise des droits de douane

2.

En ce qui concerne la possibilité d’une remise des droits à l’importation, l’article 239, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le «CDC»), prévoit ce qui suit:

«Il peut être procédé […] à la remise des droits à l’importation […] dans des situations […] — qui résultent de circonstances n’impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé. Les situations dans lesquelles il peut être fait application de cette disposition ainsi que les modalités de procédure à suivre à cette fin sont définies selon la procédure du comité […]»

3.

L’article 905 du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement no 2913/92 (JO L 253, p. 1, ci-après le «règlement d’application du CDC»), prévoit, en son paragraphe 1, les dispositions suivantes:

«Lorsque l’autorité douanière de décision, saisie de la demande de remboursement ou de remise au titre de l’article 239, paragraphe 2, du [CDC], n’est pas en mesure, sur la base de l’article 899, de décider et que la demande est assortie de justifications susceptibles de constituer une situation particulière qui résulte de circonstances n’impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé, l’État membre dont relève cette autorité transmet le cas à la Commission pour être réglé conformément à la procédure prévue aux articles 906 à 909.

[…]»

4.

L’article 904, sous c), du règlement d’application du CDC dispose:

«Il n’est pas procédé au remboursement ou à la remise des droits à l’importation lorsque, selon le cas, le seul motif à l’appui de la demande de remboursement ou de remise est constitué par:

[…]

c)

la présentation, même de bonne foi, pour l’octroi d’un traitement tarifaire préférentiel en faveur de marchandises déclarées pour la libre pratique, de documents dont il est établi ultérieurement qu’ils étaient faux, falsifiés ou non valables pour l’octroi de ce traitement tarifaire préférentiel.»

5.

L’article 236 du CDC dispose:

«1.   Il est procédé au remboursement des droits à l’importation ou des droits à l’exportation dans la mesure où il est établi qu’au moment de son paiement leur montant n’était pas légalement dû ou que le montant a été pris en compte contrairement à l’article 220, paragraphe 2.

Il est procédé à la remise des droits à l’importation ou des droits à l’exportation dans la mesure où il est établi qu’au moment de leur prise en compte leur montant n’était pas légalement dû ou que le montant a été pris en compte contrairement à l’article 220, paragraphe 2.

Aucun remboursement ni remise n’est accordé, lorsque les faits ayant conduit au paiement ou à la prise en compte d’un montant qui n’était pas légalement dû résultent d’une manœuvre de l’intéressé.

[…]»

6.

L’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC dispose qu’il n’est pas procédé à une prise en compte a posteriori des droits résultant d’une dette douanière lorsque le montant des droits légalement dus n’a pas été pris en compte par la suite d’une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane.

III — Les faits et la procédure

A — Les faits de l’affaire au principal

7.

La requérante est une société de droit italien, filiale à 95,1 % de la société Steinhauser GmbH, établie à Ravensburg (Allemagne). Son activité essentielle consiste à transformer des concentrés de jus de fruits importés et elle exerce parallèlement une activité d’importatrice de ces produits en Italie. C’est essentiellement la société Steinhauser GmbH qui entretient des relations d’affaires avec les fournisseurs étrangers.

8.

Selon les constatations du Tribunal, entre le 5 avril 1995 et le 20 novembre 1997, la requérante a importé et mis en libre pratique dans la Communauté européenne du jus de pomme et du jus de poire concentrés, déclarés comme étant en provenance et originaires de Turquie. L’importation dans la Communauté de ce type de produit a été faite à l’aide de certificats A.TR.1, de sorte que ces produits ont bénéficié de l’exonération des droits de douane prévue par l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, qui a été signé le 12 septembre 1963, à Ankara, par la République de Turquie, d’une part, et par les États membres de la CEE et la Communauté, d’autre part, et qui a été conclu, approuvé et confirmé au nom de cette dernière par la décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963 (JO 1964, 217, p. 3685) ci-après l’«accord d’association CEE-Turquie» et le protocole additionnel, signé le 23 novembre 1970 à Bruxelles et conclu, approuvé et confirmé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) no 2760/72 du Conseil, du 19 novembre 1972 (JO L 293, p. 1).

9.

Le service des douanes de Ravenne (Italie) a effectué un contrôle documentaire a posteriori concernant l’authenticité du certificat A.TR.1 141591, présenté par la requérante lors de l’une des opérations d’importation comprises dans la période allant du 5 avril 1995 jusqu’au 20 novembre 1997. Conformément à l’article 29 de la décision no 1/95 du conseil d’association CE-Turquie, du 22 novembre 1995, relative à la mise en place de la phase définitive de l’Union douanière (JO 1996, L 35, p. 1), la demande de vérification de l’authenticité dudit certificat a été adressée aux autorités turques.

10.

Par lettre du 15 mai 1998, les autorités turques ont informé le service des douanes de Ravenne qu’il résultait du contrôle effectué que ce certificat n’était pas authentique, étant donné qu’il n’avait pas été délivré par les autorités douanières turques. Elles annonçaient, par ailleurs, que d’autres contrôles seraient effectués.

11.

En conséquence, les autorités italiennes ont procédé au contrôle a posteriori d’un total de 103 certificats A.TR.1 présentés par la requérante lors de différentes opérations d’importation.

12.

Par lettre du 10 juillet 1998, la représentation permanente de la République de Turquie auprès de l’Union européenne (ci-après la «représentation permanente turque») a informé la Commission que certains certificats A.TR.1 présentés par la requérante, énumérés dans l’annexe à cette lettre et concernant les exportations de la société turque Akman vers l’Italie, étaient faux (false). La Commission a transmis cette lettre aux autorités douanières italiennes par courrier du 20 juillet 1998.

13.

Entre le 12 et le 15 octobre 1998 ainsi que du 30 novembre au 2 décembre 1998, l’unité de coordination de la lutte antifraude de la Commission [(UCLAF), précurseur de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF)] a entrepris des vérifications en Turquie.

14.

Par lettre du 8 mars 1999, la représentation permanente turque a informé le service des douanes de Ravenne que 32 certificats A.TR.1 présentés par la requérante (ci-après les «certificats litigieux»), incluant 18 certificats énumérés dans l’annexe de la lettre du 10 juillet 1998, n’avaient été ni établis ni validés par les autorités turques.

15.

Les autorités douanières italiennes ont estimé qu’il ressortait de l’ensemble de la correspondance échangée entre elles-mêmes, la Commission, l’UCLAF et les autorités turques que ces dernières considéraient que 48 certificats A.TR.1, en ce compris les certificats litigieux, relatifs à des exportations vers l’Italie effectuées par la requérante par l’intermédiaire de la société turque Akman, étaient soit faux, soit irréguliers. En l’espèce, les certificats litigieux [correspondant à des droits de douane d’un montant total de 3296190371 ITL (lires italiennes), soit 1702340,25 euros] étaient considérés comme des faux, étant donné qu’ils n’avaient été ni délivrés ni validés par les bureaux de douane turcs. En revanche, les 16 autres certificats (correspondant à des droits d’un montant total de 1904763758 ITL, soit 983728,38 euros) étaient qualifiés d’invalides, étant donné que, bien qu’ils aient été délivrés par les autorités douanières turques, les marchandises concernées n’étaient pas originaires de Turquie. Dans la mesure où l’ensemble des 48 certificats avait été qualifié soit de faux, soit d’invalide, les marchandises couvertes par ceux-ci ne pouvaient bénéficier du traitement préférentiel accordé aux importations de produits agricoles turcs. En conséquence, l’administration des douanes italienne a réclamé à la requérante l’acquittement des droits de douane dus, d’un montant total de 5200954129 ITL, soit 2686068,63 euros.

16.

Par lettre du 28 mars 2000, la requérante, se fondant sur les articles 220, paragraphe 2, sous b), 236 et 239 du CDC, a adressé au service des douanes de Ravenne une demande de non-prise en compte a posteriori et de remboursement des droits à l’importation réclamés. À l’appui de sa demande, la requérante invoquait sa bonne foi, les erreurs indécelables des autorités compétentes ainsi que des manquements imputables à celles-ci.

17.

Par lettre du 30 novembre 2001, la République italienne a demandé à la Commission de décider s’il était justifié de ne pas procéder à la prise en compte a posteriori des droits à l’importation réclamés à la requérante au titre de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC ou d’octroyer le remboursement de ces droits au titre de l’article 239 du CDC.

18.

Par lettre du 3 juin 2002, la Commission a été amenée à demander certaines informations complémentaires aux autorités italiennes qui ont répondu par lettre du 7 juin 2002.

19.

Par lettre du 25 juillet 2002, la Commission a informé la requérante de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande. Avant de prendre une décision définitive, la Commission a toutefois invité la requérante à lui faire part de ses observations éventuelles et à accéder au dossier afin de prendre connaissance des documents non confidentiels. Le 6 août 2002, les représentants de la requérante ont consulté le dossier administratif dans les locaux de la Commission. Ils ont, par ailleurs, signé une déclaration confirmant avoir eu accès aux documents mentionnés en annexe à celle-ci.

20.

Par lettre du 15 août 2002, la requérante a présenté ses observations à la Commission. Elle y a, notamment, maintenu sa position selon laquelle les autorités douanières compétentes auraient commis des erreurs actives non décelables par elle, erreurs qu’elle assimile également à des manquements susceptibles de créer une situation particulière au sens de l’article 239 du CDC.

21.

Le 18 octobre 2002, la Commission a adopté la décision litigieuse notifiée à la requérante le 21 novembre 2002. En premier lieu, la Commission a conclu qu’il était justifié de prendre en compte les droits à l’importation faisant l’objet de la demande. En deuxième lieu, la Commission a cependant conclu qu’il était justifié de procéder au remboursement des droits à l’importation pour la partie de la demande relative aux 16 certificats invalides, dans la mesure où la requérante se trouvait, à leur égard, dans une situation particulière au sens de l’article 239 du CDC. En troisième lieu, en ce qui concerne les certificats litigieux, la Commission a, en revanche, conclu que les circonstances invoquées par la requérante n’étaient pas de nature à créer une situation particulière au sens de l’article 239 du CDC. Par conséquent, la Commission a décidé, à l’article 2 de la décision litigieuse, qu’il n’était pas justifié de procéder au remboursement des droits à l’importation y afférents, d’un montant de 1702340,25 euros.

B — La procédure devant le Tribunal de première instance et l’arrêt attaqué

22.

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 janvier 2003, la requérante a mis en cause la Commission et a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal annuler l’article 2 de la décision litigieuse. Elle invoque trois moyens à l’appui de ses conclusions, tirés, premièrement, d’une violation des droits de la défense, deuxièmement, d’une violation de l’article 239 du CDC et, troisièmement, d’une violation de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC.

23.

La Commission a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal rejeter le recours et condamner la requérante aux dépens.

24.

Le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité.

1. Sur le premier moyen

25.

Par le premier moyen, la requérante a fait valoir que ses droits de la défense ont été violés au cours de la procédure administrative en ce que bien qu’elle ait eu accès au dossier contenant les pièces sur lesquelles la Commission avait fondé la décision litigieuse, elle n’a, néanmoins, pas eu accès à des documents ayant une importance décisive pour l’appréciation globale que la Commission a faite de la situation.

26.

En rejetant ce moyen, le Tribunal a jugé au point 88 de l’arrêt attaqué que le principe de respect des droits de la défense dans ce domaine implique seulement que l’intéressé puisse faire connaître utilement son point de vue sur les éléments, en ce compris les documents retenus à sa charge par la Commission, afin de fonder sa décision. Ce principe n’exige dès lors pas que la Commission donne, de sa propre initiative, accès à l’ensemble des documents qui ont un lien éventuel avec le cas d’espèce dont elle est saisie dans le cadre d’une demande de remise.

27.

Le Tribunal a ensuite jugé, au point 92 de l’arrêt attaqué, que les documents que la requérante n’aurait pas pu consulter au cours de la procédure administrative n’étaient pas explicitement mentionnés dans la décision litigieuse, ce qui toutefois n’exclut pas que certains d’entre eux aient pu fonder celle-ci. Selon le Tribunal, il n’en est pas de même pour l’intégralité de la vaste correspondance à laquelle se réfère la requérante, ces documents ayant, tout au moins s’agissant d’un certain nombre d’entre eux, simplement trait au contexte dans lequel s’insère l’affaire. Au sujet de ces documents, dits «contextuels», le Tribunal a jugé que, lorsqu’ils n’avaient pas servi à fonder la décision litigieuse, leur éventuel défaut de communication n’était pas pertinent, étant donné que de tels documents ne pouvaient de toute façon avoir d’incidence sur la décision litigieuse. Par conséquent, il a rejeté comme inopérant le premier moyen, pour autant qu’il concerne l’absence de communication de tels documents.

28.

En ce qui concerne les documents retenus par la Commission pour fonder la décision litigieuse, le Tribunal a constaté, aux points 98 à 100 de l’arrêt attaqué, que la requérante avait consulté le dossier dans les locaux de la Commission et avait signé une déclaration écrite dans laquelle elle confirmait explicitement avoir eu accès à tous les documents ayant un lien direct et indirect avec le dossier litigieux. En outre, une liste avait été jointe à cette déclaration, énumérant tous les documents auxquels ledit représentant a eu accès. Sur la base de cette liste, le Tribunal a constaté que la requérante avait en fait consulté certains documents qu’elle alléguait ne pas avoir pu consulter.

29.

Quant aux communications échangées par la Commission et l’UCLAF avec les autorités turques et les autorités douanières nationales des États membres, le Tribunal a jugé qu’aucun élément ne permet de supposer que la Commission a fondé la décision litigieuse sur d’autres documents que ceux figurant dans le dossier auquel la requérante a eu accès lors de la consultation du 6 août 2002.

2. Sur le deuxième moyen

30.

Le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 239 du CDC, qui a aussi été rejeté par le Tribunal, s’articule autour de quatre branches. La première branche concerne la qualification incorrecte du certificat de circulation A.TR.1 D 437214. Les deuxième et troisième branches exposent respectivement les graves manquements imputés aux autorités turques et ceux imputés à la Commission, afin de démontrer l’existence d’une situation particulière aux termes dudit article. Enfin, la quatrième branche concerne l’absence de négligence manifeste de la requérante et l’appréciation des risques commerciaux.

31.

Quant à la première branche du deuxième moyen, après avoir rappelé que la détermination de l’origine des marchandises était fondée sur une répartition des compétences entre les autorités de l’État d’exportation et celles de l’État d’importation, en ce sens que l’origine est établie par les autorités de l’État d’exportation, le Tribunal a examiné la correspondance échangée entre la Commission et les autorités italiennes et turques. À cet égard, le Tribunal a constaté, au point 122 de l’arrêt attaqué, que la Commission s’était fondée essentiellement sur la lettre des autorités turques du 8 mars 1999, adressée au service des douanes de Ravenne, pour ce qui est de la partie de la décision litigieuse concernant les certificats falsifiés. Toutefois, en opérant une comparaison entre la teneur de cette lettre et celle des communications subséquentes des autorités turques, le Tribunal a relevé l’existence d’ambiguïtés en ce qui concerne la qualification du certificat de circulation A.TR.1 D 437214 et que la Commission n’avait valablement pu conclure à la falsification dudit certificat avant l’adoption de la décision litigieuse (points 124 et 128 de l’arrêt attaqué). Cependant, cela ne suffit pas, selon le Tribunal, pour emporter l’annulation de la décision litigieuse, étant donné la teneur d’une lettre du 22 août 2003, c’est-à-dire postérieure à la décision litigieuse, dans laquelle les autorités turques ont confirmé les conclusions contenues dans leur lettre du 8 mars 1999, parce que la requérante n’a aucun intérêt légitime à l’annulation pour vice de forme d’une décision, dans le cas où l’annulation de la décision ne pourrait que donner lieu à l’intervention d’une nouvelle décision, identique, quant au fond, à la décision annulée (point 133 de l’arrêt attaqué).

32.

Le Tribunal a ensuite examiné la deuxième branche du deuxième moyen portant sur diverses allégations de manquement par les autorités turques lesquelles reposent essentiellement sur la thèse selon laquelle lesdites autorités ont effectivement délivré et visé les certificats litigieux.

33.

À cet égard, après avoir considéré, aux points 150 à 152 de l’arrêt attaqué, que, d’une part, la constatation du caractère original ou falsifié des documents émis par les autorités turques était du ressort exclusif de celles-ci et que, d’autre part, lesdites autorités avaient conclu au caractère falsifié des certificats litigieux, le Tribunal a d’abord rejeté l’argument de la requérante selon lequel les empreintes des cachets et des signatures apposés sur les certificats litigieux démontraient qu’ils avaient vraisemblablement été délivrés et authentifiés par les autorités turques. Il a ensuite relevé que ni l’accord d’association ni ses dispositions d’application ne prévoyaient explicitement la tenue de registres des certificats délivrés par les autorités turques (point 161 de l’arrêt attaqué). En troisième lieu, le Tribunal a considéré que la présentation de documents qui s’avèrent faux ne permettait pas, à elle seule, de conclure à une quelconque collusion entre les exportateurs et les autorités douanières qui les délivrent (points 167 et 168 de l’arrêt attaqué). En dernier lieu, le Tribunal a jugé que les autorités turques n’avaient pas manqué à leurs obligations en matière d’assistance administrative et que l’argumentation de la requérante n’était étayée par aucun élément probant (points 216 à 218 de l’arrêt attaqué).

34.

Le Tribunal a ensuite examiné la troisième branche du deuxième moyen, qui concerne une série d’allégations de manquements imputables à la Commission.

35.

À cet égard, le Tribunal a d’abord rappelé les enquêtes menées par l’UCLAF en Turquie et jugé qu’il n’était pas démontré que la Commission s’était heurtée à des difficultés dans le cadre de l’assistance administrative convenue avec les autorités turques, qui justifieraient la saisine du conseil d’association ou du comité mixte de l’union douanière (points 238 à 240 de l’arrêt attaqué). Le Tribunal a ensuite considéré que ni l’accord d’association, ni les décisions du conseil d’association, ni la réglementation communautaire applicable n’avaient prévu une quelconque obligation de communication de spécimens de cachets et de signatures entre les parties contractantes (points 249 à 257 de l’arrêt attaqué), ni l’avertissement des importateurs en cas de doutes quant à la validité des transactions douanières effectuées par ces derniers dans le cadre d’un régime préférentiel (point 270 de l’arrêt attaqué), ni l’adoption par l’UCLAF d’une certaine méthode d’enquête (point 284 de l’arrêt attaqué).

36.

Quant à la quatrième branche du deuxième moyen ayant trait à l’absence de négligence manifeste de la requérante, le Tribunal l’a rejetée comme inopérante après avoir relevé que la Commission ne s’était pas prononcée, dans la section de la décision litigieuse relative aux certificats falsifiés, sur la question de la diligence ou de la négligence de la requérante (points 295 et 296 de l’arrêt attaqué).

3. Sur le troisième moyen

37.

Le Tribunal a ensuite rejeté le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC, étant donné que la requérante n’avait pas démontré qu’un comportement actif de la part des autorités compétentes ait contribué à l’établissement ou à l’acceptation des certificats litigieux qui s’étaient avérés faux (points 303 à 307 de l’arrêt attaqué).

4. Sur les mesures d’organisation de la procédure et les mesures d’instruction requises

38.

Enfin, le Tribunal a rejeté les offres de preuves et les mesures d’instruction demandées par la requérante comme étant soit sans objet, soit non pertinentes ni nécessaires pour trancher le litige (points 314 à 333 de l’arrêt attaqué).

C — La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

39.

Le présent pourvoi a été déposé par la requérante le 13 avril 2007 et a été inscrit au registre du greffe de la Cour le 16 avril 2007.

40.

La requérante conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

annuler l’arrêt attaqué;

faire droit aux demandes présentées en première instance ou, le cas échéant, renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il se prononce sur le fond du litige;

faire droit aux demandes de mesures d’organisation de la procédure formulées par la requérante dans ses mémoires des 28 janvier 2003, 4 août 2003 et 11 août 2003, et

condamner la défenderesse en première instance aux dépens.

41.

Par courrier du 22 juin 2007, inscrit au registre du greffe de la Cour le 25 juin 2007, la Commission a déposé un mémoire en réponse dans lequel elle conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

rejeter le pourvoi dans sa totalité;

faire droit aux conclusions de la Commission présentées en première instance dans leur intégralité, et

condamner la requérante aux dépens y compris à ceux exposés en première instance.

42.

Par décision du 30 juillet 2007, le président de la Cour a considéré que le dépôt d’un mémoire en réplique n’était pas nécessaire.

43.

Après la procédure écrite, les parties ont été entendues en leurs observations orales lors de l’audience du 10 janvier 2008.

D — Les moyens sur lesquels se fonde le pourvoi et les arguments des parties

44.

À titre liminaire, la Commission fait remarquer que le pourvoi repose entièrement sur la prémisse selon laquelle les certificats litigieux n’auraient pas été falsifiés. Or, le Tribunal aurait constaté, dans l’arrêt attaqué, que les certificats litigieux avaient été falsifiés et n’avaient pas été établis par les autorités douanières turques. Selon la Commission, le pourvoi revient à contester cette appréciation des faits par le Tribunal et ne serait, dès lors, pas recevable. En outre, la Commission soulève plusieurs exceptions d’irrecevabilité à l’encontre de certains moyens.

45.

À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève neuf moyens.

46.

Par son premier moyen, la requérante estime que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant que les autorités turques jouissaient d’une compétence exclusive pour constater l’authenticité et/ou l’inauthenticité ou la régularité et/ou l’irrégularité des certificats de circulation des marchandises A.TR.1. À cet égard, la requérante maintient que, dans l’hypothèse où il y a suffisamment d’indices objectifs pour conclure à une participation des autorités douanières compétentes de l’État tiers auxdites irrégularités ou même un simple soupçon de l’existence d’un tel comportement, ceux-ci mettent fin à la compétence exclusive desdites autorités.

47.

Selon la Commission, il n’existe aucune raison de remettre en cause la répartition des compétences entre les autorités douanières turques et communautaires, étant donné que le Tribunal a conclu qu’aucune participation de la part des autorités turques à la falsification des certificats litigieux n’avait été démontrée.

48.

Par son deuxième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a conclu à tort que le droit d’accès au dossier ne s’étendait qu’aux documents sur lesquels la Commission avait fondé la décision litigieuse. Le droit d’accès au dossier devrait également s’étendre à des documents confidentiels. Enfin, la Commission serait, à tout le moins, tenue de signaler l’existence de documents confidentiels et de mettre à disposition une version non confidentielle de ces derniers.

49.

La Commission rétorque que les affirmations de la requérante ne reposent sur aucune disposition du droit communautaire.

50.

Par son troisième moyen, la requérante critique le fait que le Tribunal lui a imposé l’entièreté de la charge de la preuve en ce qui concerne les circonstances de fait qui caractériseraient une «situation particulière» au sens des articles 239 du CDC et 905 du règlement d’application dudit code, dans la mesure où il s’agit de faits se déroulant dans un pays tiers (en l’espèce: la République de Turquie) ou relevant du domaine d’activité et d’influence de la Commission. Une telle répartition de la charge de la preuve reviendrait à réclamer de la requérante une chose impossible et déraisonnable. Son obligation en matière de preuve serait satisfaite par la présentation d’indices objectifs qui soulèvent des doutes sérieux, ainsi qu’une certaine vraisemblance relative auxdites irrégularités.

51.

Selon la Commission, il ne s’agit pas en l’occurrence d’une question de répartition de la charge de la preuve. Au contraire, la question de la répartition de la charge de la preuve ne se pose qu’à condition qu’une affirmation factuelle litigieuse puisse au moins être prouvée dès le départ. En revanche, l’inversion de la charge de la preuve aurait pour conséquence de faire peser a priori une «suspicion généralisée» sur la Commission ainsi que sur les autorités douanières des États membres et des pays tiers, et d’imposer à la Commission la charge de la preuve contraire, qui est impossible à apporter. En outre, la Commission affirme qu’il s’agit de pures suppositions de la part de la requérante et non pas d’indices objectifs.

52.

Par son quatrième moyen, la requérante considère que le Tribunal, en n’ayant pas admis ses offres de preuve et les mesures d’instruction demandées par elle, a violé l’article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, d’autant plus que le Tribunal lui a imposé des exigences très élevées en ce qui concerne la charge de la preuve. En outre, elle allègue que le Tribunal a conclu à tort que sa demande de production de documents contenus dans le dossier administratif était sans objet (point 313 de l’arrêt attaqué), étant donné que sa demande visait, d’une part, l’ensemble des documents contenus au dossier et, d’autre part, seulement à titre d’exemple, certains documents donnés, comme par exemple le rapport de l’OLAF du 9 décembre 1998.

53.

La Commission fait valoir que c’est à juste titre que le Tribunal a rejeté les mesures d’instruction et les offres de preuve réclamées par la requérante, au motif qu’elles n’étaient ni pertinentes ni nécessaires, dans la mesure où le dossier contenait déjà des preuves pertinentes et cohérentes.

54.

Le cinquième moyen vise des erreurs qu’aurait commises le Tribunal lors de la qualification juridique de documents/faits concernant les manquements des autorités turques et de la Commission.

55.

Quant aux manquements allégués des autorités turques, la requérante estime, en premier lieu, que le Tribunal a interprété et qualifié de manière juridiquement erronée les certificats litigieux. En deuxième lieu, elle critique l’interprétation faite par le Tribunal du caractère falsifié du certificat de circulation A.TR.1 D 437214. En troisième lieu, la comparaison entre les certificats reconnus comme irréguliers et ceux qualifiés de falsifiés ne révélerait aucune différence, ce qui démontrerait que les certificats litigieux auraient été erronément qualifiés de falsifiés. En quatrième lieu, la requérante estime que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne reconnaissant pas que l’enregistrement des certificats délivrés était une obligation juridique qui s’imposait à la Turquie en vertu de plusieurs dispositions des décisions nos 1/95 et 1/96. En outre, elle critique le raisonnement du Tribunal selon lequel les faussaires auraient tout intérêt à utiliser pour les certificats falsifiés un numéro d’enregistrement correspondant à un certificat régulier, se fondant sur la prémisse qu’une double importation sous le même numéro de registre apparaîtrait immédiatement, d’autant plus que le port d’importation était Ravenne et qu’aucun numéro d’enregistrement faisant double emploi n’aurait été constaté. En cinquième lieu, la requérante allègue l’existence d’un concours des autorités turques à l’établissement des certificats litigieux du fait que, au moment de leur expédition, lesdites autorités auraient été en mesure d’empêcher l’utilisation des certificats falsifiés en contrôlant le certificat produit et la marchandise. En sixième lieu, la requérante conteste la qualification juridique retenue par le Tribunal quant au manquement allégué des autorités turques dans le cadre de l’assistance mutuelle et, plus particulièrement, en ce qu’il constate que lesdites autorités ne se sont pas contredites. En dernier lieu, elle invoque plusieurs circonstances qui, selon elle, démontreraient le concours des autorités turques à l’établissement des certificats litigieux.

56.

À titre liminaire, la Commission estime que la requérante méconnaît la nature des constatations du Tribunal relatives au cinquième moyen, qui ne portent pas sur des questions de droit, mais consistent en des appréciations factuelles, qui ne peuvent être remises en cause dans le cadre d’un pourvoi. En outre, la Commission fait valoir que, dans le cadre du cinquième moyen, la requérante a repris illégalement son argumentaire de première instance. Elle estime également que la requérante est incapable de montrer en quoi le Tribunal aurait commis, à cet égard, une erreur de droit et que ses allégations ne sont étayées par aucune preuve et n’ont aucune valeur probante. Quant à la tenue de registres, celle-ci ne serait prévue ni dans l’accord d’association ni dans d’autres dispositions applicables en l’espèce.

57.

En ce qui concerne les manquements allégués de la Commission, la requérante estime qu’il existe suffisamment d’indices objectifs qui plaident en faveur de la constatation de violations systématiques et volontaires de la part des autorités turques, lesquelles auraient dû justifier un contrôle renforcé du régime préférentiel de la part de la Commission. S’appuyant sur les articles 93 du règlement d’application du CDC et 4 de la décision no 1/96, la requérante est d’avis que la République de Turquie et la Commission étaient juridiquement tenues de communiquer des spécimens des cachets utilisés par les autorités douanières turques aux douaniers responsables ou de réclamer de tels spécimens et ce, même pendant la période de référence (de 1995 à 1997). Elle souligne ensuite que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne concluant pas que la Commission était tenue d’avertir les importateurs de concentrés de jus de fruits au plus tard à la fin de 1994 et/ou au début de 1995, des irrégularités advenues en Turquie dans le cadre de l’établissement de certificats de circulation de marchandises A.TR.1. En outre, l’UCLAF aurait manqué à ses obligations découlant des articles 1er et 3 du règlement (CE) no 1073/99 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) (JO L 136, p. 1), de mener une enquête correcte en Turquie, en ce que l’UCLAF n’a pas mis en œuvre un certain nombre de méthodes d’enquête.

58.

Selon la Commission, la requérante se borne une fois de plus à contester les constatations et appréciations factuelles du Tribunal. En outre, elle affirme que les normes juridiques applicables en l’espèce n’imposaient ni à la République de Turquie ni à la Commission de transmettre des modèles de cachets ou de signatures. Quant à l’avertissement aux importateurs qu’elle serait tenue, selon la requérante, de transmettre, la Commission rappelle que les importations litigieuses en l’espèce datent de la période allant du mois d’avril 1995 au mois de novembre 1997, alors que l’authenticité des certificats A.TR.1 turcs et la régularité de leur contenu n’ont commencé à susciter des doutes qu’ultérieurement, à savoir à partir de 1998.

59.

La requérante avance, par son sixième moyen, que le Tribunal a omis de qualifier de manquement l’absence de saisine par la Commission du comité douanier et/ou du conseil d’association. Elle se réfère à cet égard à l’arrêt dit «des téléviseurs turcs» ( 3 ).

60.

La Commission souligne qu’elle n’avait aucune raison de saisir le comité douanier ou le conseil d’association en l’espèce, compte tenu de la coopération sans faille offerte par les autorités turques.

61.

Par son septième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a méconnu son intérêt légitime à l’annulation de la décision litigieuse en ce qu’elle concerne le certificat de circulation A.TR.1 D 437214, parce qu’il n’aurait plus été légal, au regard du délai de trois ans prévu à l’article 221, paragraphe 3, du CDC, de recouvrer les droits de douanes remis ou remboursés par un nouvel avis de recouvrement adopté à la suite de l’arrêt du Tribunal relatif à une prétendue «falsification» dudit certificat.

62.

Selon la Commission, l’interprétation que donne la requérante des articles 905 et suivants du règlement d’application du CDC et 221, paragraphe 3, du CDC est erronée, étant donné que la décision litigieuse en l’espèce a été adoptée dans les délais prévus et n’a pas été annulée par le Tribunal.

63.

Selon le huitième moyen de la requérante, le Tribunal aurait méconnu le fait que, même en supposant que les certificats litigieux étaient faux, compte tenu des manquements graves des autorités turques et de la Commission, il serait inéquitable, vu le rapport entre l’opérateur économique et l’administration, de laisser la requérante subir le préjudice qui découle de la décision litigieuse.

64.

La Commission rappelle qu’elle ne s’est pas prononcée, dans la décision litigieuse, sur la question de la négligence ou de la diligence de la requérante, ce qui rendrait inopérante l’argumentation développée à ce sujet par cette dernière.

65.

Par son neuvième moyen, la requérante critique le Tribunal pour avoir nié la participation active des autorités turques à l’établissement et à l’utilisation des certificats litigieux en cause au sens de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC.

66.

À cet égard, la Commission souligne que, étant donné qu’il s’agit en l’espèce de certificats falsifiés qui n’ont pas été établis par les autorités turques, il ne peut y avoir d’«erreur active» des autorités turques au sens de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC.

IV — L’analyse juridique

A — Les remarques liminaires

1. Les considérations de droit matériel

67.

Le règlement no 2913/92, applicable à partir du 1er janvier 1994, conformément à son article 253, est entré en vigueur le 22 octobre 1992. Dans le cadre de l’union douanière, les dispositions du droit douanier, auparavant dispersées dans de très nombreux règlements et directives communautaires, ont été rassemblées en un CDC lequel reprend la réglementation douanière actuelle, y compris les dispositions qu’il convient de prendre pour son application au niveau communautaire ou national. Dans la perspective du marché intérieur, les règles et les procédures générales dudit code devraient assurer l’application des mesures tarifaires et autres, à savoir de la politique agricole et commerciale adoptées par la Communauté en vue de la circulation des marchandises entre la Communauté et les pays tiers. La codification du droit douanier communautaire ne s’est pas limitée à la remise en forme, sur le plan de la technique législative, du droit douanier existant; elle a en même temps procédé à des modifications à cette réglementation en vue de rendre ce droit plus cohérent, de le simplifier et de combler certaines lacunes qui subsistent, afin d’adopter une réglementation communautaire complète dans ce domaine. Ainsi le droit communautaire prévoit-il, entre autres, pour le recouvrement a posteriori, le remboursement ainsi que la remise des droits à l’importation et à l’exportation de nouvelles dispositions qui pour certaines prolongeaient le droit existant jusqu’alors et pour d’autres ont introduit des modifications ( 4 ).

68.

Parmi les règles communautaires assez anciennes qui ont été abrogées lorsque le CDC a été mis en place figure le règlement (CEE) no 1697/79 ( 5 ) du Conseil dont l’article 13 a été remplacé par l’article 239 de l’actuel CDC ( 6 ) et qui a fait l’objet de plusieurs interprétations par la Cour. Comme tel était le cas dans le règlement applicable antérieurement, l’article 239 du CDC est une clause générale d’équité ( 7 ) dans le cadre de laquelle, pour garantir la protection de la confiance légitime, des droits à l’importation ou à l’exportation qui sont dus en eux-mêmes peuvent, dans des situations autres que celles qui sont le plus couramment constatées dans la pratique et expressément réglementées, faire l’objet d’une remise ou d’un remboursement dès lors qu’il n’y a ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé. Afin de déterminer si les éléments de fait sont constitutifs d’une situation particulière au sens de ladite disposition, la Commission, dans le cadre du large pouvoir d’appréciation dont elle dispose en la matière, doit apprécier l’ensemble de ceux-ci et mettre en balance, d’une part, l’intérêt de la Communauté à s’assurer du respect des dispositions douanières et, d’autre part, l’intérêt de l’opérateur économique de bonne foi à ne pas supporter des préjudices dépassant le risque commercial ordinaire.

69.

La clause générale figurant à l’article 239 du CDC est notamment destinée à être appliquée, lorsque les circonstances qui caractérisent le rapport entre l’opérateur économique et l’administration sont telles qu’il n’est pas équitable d’imposer à cet opérateur un préjudice qu’il n’aurait normalement pas subi ( 8 ). En principe, la jurisprudence de la Cour exige que l’opérateur économique concerné se trouve dans une «situation particulière» par rapport aux autres opérateurs exerçant la même activité ( 9 ). Tant la Cour dans sa jurisprudence que le législateur communautaire dans le règlement d’application du CDC ont précisé dans quels cas il existait une «situation particulière» au sens de l’article 239 du CDC ( 10 ).

70.

Le droit communautaire exclut expressément en toute hypothèse, selon l’article 904 du règlement d’application du CDC, que constitue une telle situation particulière la présentation, même de bonne foi, pour l’octroi d’un traitement tarifaire préférentiel en faveur de marchandises déclarées pour la libre pratique, de documents ou de certificats justifiant un traitement tarifaire préférentiel dont il est établi ultérieurement qu’ils étaient faux, falsifiés ou non valables pour l’octroi dudit traitement. En retenant ce critère d’exclusion, le législateur communautaire a intégré dans le droit communautaire le traitement appliqué jusque-là au cas par cas par la Cour ( 11 ).

71.

Eu égard au fait que, d’une part, la requérante a contesté en première instance la décision de la Commission par un recours en annulation au titre de l’article 230 CE en faisant principalement valoir qu’elle se trouvait dans l’une des situations particulières au sens des dispositions combinées des articles 239, paragraphe 1, deuxième tiret, du CDC et 905 du règlement d’application du CDC et que, d’autre part, l’article 904 du règlement d’application du CDC semble s’opposer, au moins à première vue, à sa demande de restitution des droits à l’importation, il y a lieu de considérer que les dispositions susmentionnées constituent le cadre juridique et factuel au regard duquel la Cour devra décider de la recevabilité et du bien-fondé du présent pourvoi.

2. Les considérations de nature procédurale

72.

Sur le plan de la procédure, nous estimons absolument nécessaire, au vu des considérations détaillées et très longues de la requérante relatives au déroulement exact des faits, de rappeler que, conformément à l’article 225, paragraphe 1, second alinéa, CE, le pourvoi porté devant la Cour est limité aux questions de droit. L’article 58 du statut de la Cour de justice précise que le pourvoi devant la Cour peut être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal, d’irrégularités de procédure ou de la violation du droit communautaire.

73.

Pour apprécier si un grief est recevable dans le cadre d’un pourvoi, il faut, par conséquent, prendre en considération le fait que l’objectif de la procédure de pourvoi est de contrôler l’application du droit par la juridiction en cause et qu’il n’est en aucun cas une répétition de la procédure en première instance. La simple répétition des moyens présentés en première instance ne constitue pas un grief recevable dans le cadre d’un pourvoi. Le pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée, ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent cette demande ( 12 ).

B — L’examen des moyens du pourvoi

1. Le premier moyen, tiré de la violation du principe de la répartition des compétences entre l’État membre d’exportation et l’État membre d’importation

a) La répartition des compétences entre l’État membre d’exportation et l’État membre d’importation

74.

En ce qui concerne la violation alléguée du principe de la répartition des compétences entre les autorités compétentes de l’État membre d’exportation et de l’État membre d’importation lors du contrôle de l’authenticité et de la régularité des certificats de circulation des marchandises, il y a lieu de constater que les conclusions du Tribunal aux points 120, 121, 150, 323 et 324 de l’arrêt attaqué auxquelles la requérante renvoie dans son pourvoi ont été développées en tenant compte des dispositions de l’accord d’association CEE-Turquie ainsi que sur le fondement de la jurisprudence constante de la Cour.

75.

L’article 15 de la décision no 1/96 dispose que le contrôle de l’authenticité et de la régularité des certificats est mené dans le cadre de l’assistance mutuelle prévue à l’article 29 et à l’annexe 7 de la décision no 1/95. Cette assistance mutuelle est pratiquée, conformément aux articles 3 et 4 de ladite annexe, de telle manière que les autorités des États parties à l’accord d’association CEE-Turquie peuvent échanger sur demande ou d’office tout renseignement de nature à leur permettre de s’assurer que la législation douanière est correctement appliquée, notamment les renseignements concernant des opérations constatées ou projetées qui sont ou pourraient être contraires à cette législation. L’efficacité de ce système de coopération administrative nécessite obligatoirement entre les autorités concernées une répartition des compétences qui est expressément reconnue par la Cour.

76.

Il est de jurisprudence constante que la détermination de l’origine des marchandises est en effet fondée sur une répartition des compétences entre les autorités de l’État d’exportation et celles de l’État d’importation, en ce sens que l’origine est établie par les autorités de l’État d’exportation, le contrôle du fonctionnement de ce régime étant assuré grâce à la coopération entre les administrations intéressées. Ce système se justifie par le fait que les autorités de l’État d’exportation sont les mieux placées pour vérifier directement les faits qui conditionnent l’origine ( 13 ). Pour la détermination de l’origine des marchandises, cette répartition des compétences présente, en outre, l’avantage de conduire à des résultats certains et uniformes et d’éviter ainsi des détournements de trafic et des distorsions de concurrence dans les échanges.

77.

Le mécanisme prévu ne peut fonctionner que si l’administration douanière de l’État d’importation reconnaît les appréciations portées légalement par les autorités de l’État d’exportation ( 14 ). Ainsi que la Cour l’a exposé dans l’arrêt Les Rapides Savoyards e.a., précité ( 15 ), dans le cadre d’accords internationaux de libre-échange liant la Communauté à un État tiers sur la base d’obligations réciproques, la reconnaissance par les administrations douanières des États membres des décisions prises légalement par les autorités de cet État tiers est également nécessaire pour que la Communauté puisse réclamer à son tour, de la part des autorités douanières dudit État, le respect des décisions prises par les autorités des États membres relatives à l’origine des produits exportés de la Communauté vers celui-ci.

78.

Les autorités douanières de l’État d’importation ne sont certes pas tenues par la présentation d’une attestation de régime préférentiel d’accorder à l’importateur le traitement préférentiel qu’il demande. Si cette attestation a été établie dans les formes prescrites, elle présente cependant l’apparence de l’exactitude matérielle. Par conséquent, la présentation d’un tel certificat a un effet contraignant au moins en fait, c’est-à-dire en ce qui concerne l’établissement des faits par les autorités douanières de l’État membre d’exportation ( 16 ).

79.

Il s’ensuit que, conformément aux dispositions de l’accord d’association, les autorités douanières de l’État d’importation ne peuvent pas refuser l’application du traitement préférentiel à une marchandise importée sous couvert d’un certificat régulièrement délivré par les autorités douanières de l’État d’exportation.

80.

Même si les autorités douanières de l’État d’importation ont des doutes fondés en ce qui concerne l’origine réelle de cette marchandise, elles ne peuvent que demander aux autorités douanières de l’État d’exportation un contrôle a posteriori de cette origine ( 17 ).

81.

Le système de coopération et de répartition des tâches entre les administrations des douanes, prévu dans ledit accord, implique logiquement qu’elles sont également liées par les conclusions de ce contrôle a posteriori, lorsque les autorités douanières de l’État d’exportation ont pu déterminer l’origine des marchandises en cause. Ce n’est que dans la circonstance particulière où les autorités douanières de l’État d’exportation ne sont pas en mesure d’effectuer régulièrement le contrôle a posteriori que, selon la Cour, les autorités douanières de l’État d’importation peuvent procéder elles-mêmes à la vérification de l’authenticité et de l’exactitude du certificat litigieux et prendre en considération d’autres preuves de l’origine des marchandises en cause ( 18 ).

82.

Contrairement à la conception soutenue par la requérante, on ne saurait interpréter la jurisprudence comme s’il existait un droit de l’État membre d’importation d’examiner dans leur globalité d’abord la légalité et ensuite l’appréciation portée par l’État membre d’exportation et de les mettre en doute. Au contraire, la Cour a jugé dans l’arrêt Pascoal & Filhos, précité ( 19 ), que la circonstance que les autorités compétentes de l’État d’exportation peuvent constater, à la suite d’un contrôle a posteriori, qu’un certificat n’est pas applicable aux marchandises réellement exportées permet, à elle seule, aux autorités de l’État d’importation de constater que des droits légalement dus n’ont pas été exigés et, dès lors, d’engager une action en recouvrement. La Cour a constaté, par ailleurs, que rien dans la réglementation litigieuse n’oblige ces dernières autorités à établir l’exactitude des résultats du contrôle ni l’origine réelle de la marchandise.

83.

Force est donc de constater que les autorités italiennes et la Commission, conformément à la jurisprudence de la Cour et comme le Tribunal l’a correctement exposé aux points 120 et 121 de l’arrêt attaqué, étaient en principe liées par l’appréciation des autorités turques en ce qui concerne l’authenticité des certificats litigieux. Il n’existe aucune raison objective de procéder à la modification de la répartition des compétences entre les autorités turques et communautaires. Il convient au contraire de suivre la Commission dans son appréciation selon laquelle les autorités douanières de la Communauté ne seraient nullement en mesure d’apprécier elles-mêmes si les certificats d’exportation d’un pays tiers qui leur ont été présentés sont authentiques ou falsifiés. Il ne peut, par conséquent, être procédé à cette constatation que par les autorités compétentes de l’État membre d’exportation, en l’espèce, les autorités douanières turques.

b) La question d’une appréciation divergente des autorités de l’État membre d’exportation en cas de comportement frauduleux

84.

Il n’est pas besoin, selon nous, d’examiner la question de savoir si le cas dans lequel sont survenues des irrégularités qui se sont en définitive manifestées par une coopération des autorités douanières du pays tiers appelle une autre appréciation, puisque selon les constatations du Tribunal, on ne peut en toute hypothèse pas prouver en l’espèce que les autorités turques ont fait preuve d’un comportement abusif. S’ajoute à cela la circonstance qu’il s’agit là de faits qui relèvent en principe de la seule compétence du Tribunal ( 20 ) et que la Cour ne peut contrôler que dans la mesure où il résulte du dossier que ces constatations sont matériellement inexactes ( 21 ). Dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis ( 22 ).

85.

S’agissant de la qualification des certificats litigieux comme étant des faux, le Tribunal mentionne au point 122 de l’arrêt attaqué d’abord la lettre des autorités turques du 8 mars 1999, adressée au service des douanes de Ravenne à laquelle était annexée une liste desdits certificats considérés par les autorités turques comme constituant des falsifications. Ensuite, au point 125 de l’arrêt attaqué, le Tribunal indique des ambiguïtés résultant de la comparaison entre les constatations exposées dans la lettre susmentionnée et dans celle adressée par la représentation permanente à l’UCLAF le 22 avril 1999. À cette date, la difficulté pour les parties concernées était de savoir si les indications écrites des autorités turques permettaient de déduire s’il s’agissait de certificats falsifiés ou simplement irréguliers. Le Tribunal constate que la formule utilisée «incorrects et […] ne répondant pas aux règles d’origine» aurait pu également être interprétée en ce sens que les certificats en question n’étaient pas falsifiés. Comme le Tribunal le constate au point 129 de l’arrêt attaqué, la lettre du 22 août 2003 a permis de dissiper tous les doutes concernant le caractère falsifié ou non des documents en cause. Par conséquent, eu égard aux faits qui lui étaient connus, le Tribunal a pu considérer sans erreur de droit que les certificats litigieux en cause étaient falsifiés.

86.

S’agissant du grief de la requérante tiré du concours allégué des autorités turques, le Tribunal a rappelé au point 167 de l’arrêt attaqué que la présentation de documents qui s’avèrent faux ne permet pas, à elle seule, de conclure à une quelconque collusion entre les exportateurs et les autorités douanières qui les délivrent. Le Tribunal a, par conséquent, indiqué, sans avoir commis d’erreur en droit, qu’il ne disposait pas d’éléments de nature à prouver la participation des autorités turques aux falsifications.

87.

On ne peut pas non plus suivre l’argumentation de la requérante, à savoir que l’établissement de certificats erronés était à lui seul constitutif d’une irrégularité importante justifiant de ne pas reconnaître l’appréciation portée par les autorités turques. Cet argument revient, en effet, à mettre en cause la répartition reconnue par la Cour des compétences entre l’État membre d’exportation et l’État membre d’importation pour vérifier l’authenticité ou la correction desdits certificats. En outre, on ne saurait assimiler globalement la délivrance de certificats inexacts par les autorités douanières compétentes en raison d’une erreur et la falsification de certificats qui relève du droit pénal.

88.

Il y a lieu, par conséquent, de rejeter le premier moyen.

2. Le deuxième moyen, tiré de la violation des droits d’accès au dossier et autres droits de la défense

89.

La requérante fait valoir la violation de son droit d’accès au dossier. Dans la mesure où elle demande à la Cour de vérifier l’étendue de ses droits à la défense dans une procédure administrative, il s’agit d’une question concernant le droit procédural et, par conséquent, d’un moyen recevable.

90.

La requérante critique le fait qu’elle n’a eu accès qu’aux documents sur lesquels la Commission a fondé la décision litigieuse. Elle n’aurait, en revanche, pas eu accès à certains documents dits «contextuels» ni à certains documents confidentiels au nombre desquels la Commission compte également les rapports de l’UCLAF ou de l’OLAF.

91.

En rappelant sa propre jurisprudence ( 23 ), le Tribunal a indiqué au point 88 de l’arrêt attaqué que dans le cadre d’une procédure administrative concernant la remise de droits de douane, le principe du respect des droits de la défense implique seulement que l’intéressé puisse faire connaître utilement son point de vue sur les éléments, en ce compris les documents retenus à sa charge par la Commission, afin de fonder sa décision. Ce principe n’exige, dès lors, pas que la Commission donne, de sa propre initiative, accès à l’ensemble des documents qui ont un lien éventuel avec le cas d’espèce dont elle est saisie dans le cadre d’une demande de remise. Si l’intéressé estime que de tels documents sont utiles afin de démontrer l’existence d’une situation particulière et/ou l’absence de négligence manifeste ou de manœuvre dans son chef, il lui incombe de demander accès à ces documents conformément aux dispositions qui ont été adoptées par les institutions sur la base de l’article 255 CE.

92.

Le Tribunal a ensuite indiqué au point 89 de l’arrêt attaqué que c’est sur demande de la partie intéressée que la Commission est tenue de donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la décision litigieuse. En l’absence d’une telle demande, il n’y a, dès lors, pas d’accès automatique aux documents dont dispose la Commission ( 24 ).

93.

Il convient d’analyser ces considérations du Tribunal sous l’angle des modalités actuelles du droit d’accès aux documents aussi bien dans le droit des États membres qu’en droit communautaire. D’une part, ce droit est indissoluble des garanties procédurales qui sont accordées dans le cadre de la procédure administrative au destinataire d’une décision administrative en application du principe auquel sont soumis les actes d’une administration dans un État de droit. D’autre part, ce droit peut être entendu comme l’expression du droit d’accès du public à l’information lequel exige de tous les organes et autres institutions de l’État une action transparente, soumise à un contrôle démocratique ( 25 ).

94.

L’article 255 CE concrétise le principe de transparence réglementé à l’article 1, paragraphe 2, du traité UE et met en œuvre en même temps la liberté d’information garantie à l’article 42 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 26 ). Dans la présente affaire, il s’agissait toutefois en premier lieu de la question concernant le respect des droits d’un individu dans le cadre d’une procédure administrative à la fin de laquelle la Commission devait statuer sur la remise des droits de douane conformément à l’article 239 du CDC. Par conséquent, la requérante ne pouvait être renvoyée à la possibilité d’introduire une demande conformément à l’article 255 CE, eu égard à la fonction spécifique de cette base juridique, que si elle n’avait à sa disposition aucune autre disposition spécifique de protection. Or, elle disposait en toute hypothèse d’un droit à être entendu, reconnu par la jurisprudence communautaire ainsi que d’un droit d’accès au dossier ( 27 ) dans le cadre de la procédure administrative devant la Commission.

95.

Comme la Cour l’a souligné à plusieurs reprises, les droits de la défense sont des droits fondamentaux faisant partie intégrante des principes généraux du droit dont elle doit assurer le respect ( 28 ) en s’inspirant des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré, tels que la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), signée à Rome, le 4 novembre 1950 ( 29 ).

96.

Selon la jurisprudence de la Cour, en tant que corollaire du principe du respect des droits de la défense, le droit d’accès au dossier implique que la Commission doit donner à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense ( 30 ). Ceux-ci comprennent tant les pièces à conviction que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires d’autres entreprises, des documents internes de la Commission et d’autres informations confidentielles ( 31 ).

97.

Dans la mesure où le droit d’accès au dossier ne se limite pas aux documents sur lesquels la Commission a fondé la décision litigieuse mais qu’il s’étend au contraire au droit d’accès à toutes les pièces du dossier qui peuvent, le cas échéant, entrer en considération pour la défense du destinataire de la décision, ce droit d’accès au dossier au sens de la jurisprudence de la Cour se révèle plus large que l’interprétation sur laquelle le Tribunal a fondé son arrêt. Il n’y a, en revanche, pas lieu de critiquer le traitement des documents qualifiés de confidentiels qui en tant que tels doivent être soustraits à un tel accès.

98.

Selon nous, le Tribunal a interprété de manière abusivement restrictive le droit d’accès au dossier dans le cadre de la procédure administrative concernant la remise de droits de douane, ce qu’il y aurait lieu en principe de qualifier d’erreur de droit.

99.

Nous sommes toutefois d’avis qu’une interprétation différente sur la portée normative de ce principe général du droit n’est pas en elle-même suffisante pour justifier une annulation de l’arrêt attaqué. Au contraire, des considérations d’économie de la procédure ainsi que la fonction protectrice des garanties procédurales pour l’intéressé imposent de vérifier avec précision si le Tribunal serait parvenu à une autre conclusion s’il avait tenu compte de la jurisprudence de la Cour, lorsqu’il a fait application du droit communautaire.

100.

Comme la Cour l’a en effet constaté dans l’arrêt Hercules Chemicals ( 32 ) dans le cadre du droit d’accès au dossier, il n’y a pas d’erreur de droit, lorsque le Tribunal est d’avis que l’accès aux autres documents n’aurait pas abouti non plus à l’annulation de la décision litigieuse de la Commission et rejette donc en conséquence l’argument de la requérante tiré d’une violation de ses droits à la défense.

101.

Cette jurisprudence se rattache à un principe essentiel du droit administratif général et de la procédure administrative en droit communautaire ( 33 ) en application desquels un vice de procédure ne justifie l’annulation d’une décision administrative par les juridictions compétentes que lorsque celle-ci a des conséquences sur le contenu de la décision.

102.

Comme l’avocat général Mischo l’a exposé, à juste titre, dans ses conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité ( 34 ), l’accès au dossier n’est pas une fin en soi, mais vise à permettre à l’intéressé d’exercer, de façon effective, ses droits de la défense. Il s’ensuit logiquement que, lorsqu’une irrégularité dans l’accès au dossier n’a pas eu d’effet sur l’exercice desdits droits, elle ne saurait entraîner l’annulation de la décision litigieuse.

103.

Dans ses conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité ( 35 ), l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer a expliqué, s’agissant de la fonction de protection du droit d’accès au dossier susmentionnée, que les failles de la procédure étaient dénuées de pertinence lorsque l’intéressé disposait malgré tout des moyens adéquats de se défendre. Il n’y a lieu d’annuler l’acte clôturant une procédure que si l’on constate que l’issue de celle-ci aurait été plus favorable à l’intéressé si les règles de procédure avaient été scrupuleusement respectées ou encore si l’on constate précisément que le vice de forme empêche de déterminer si la décision aurait été différente.

104.

Le Tribunal s’est servi pour l’essentiel des arguments susmentionnés, lorsqu’au point 94 de l’arrêt attaqué, il a rejeté le grief tiré d’une violation du droit à l’accès au dossier au motif que lorsque des documents qui n’ont pas servi à fonder la décision litigieuse n’ont pas été communiqués, leur éventuel défaut de communication n’est pas pertinent, étant donné que de tels documents ne peuvent de toute façon avoir eu une incidence sur la décision litigieuse. Cette conclusion relève de l’appréciation des faits par le Tribunal et n’est pas critiquable sur le plan juridique.

105.

S’agissant des documents sur lesquels la Commission a fondé la décision litigieuse, il convient de souligner le fait que le Tribunal n’a pas omis de prendre en considération que, lorsque le représentant de la requérante a consulté le dossier ayant trait à la décision litigieuse dans les locaux de la Commission, le 6 août 2002, il a signé une déclaration écrite dans laquelle il confirme explicitement avoir eu accès à tous les documents ayant un lien direct et indirect avec le dossier litigieux. Une liste était jointe à cette déclaration, énumérant tous les documents auxquels ledit représentant avait eu accès. Comme le Tribunal l’a expressément constaté aux points 99 et 100 de l’arrêt attaqué, ces documents comprenaient le rapport de mission de l’UCLAF du 9 décembre 1998 ainsi que la lettre de la Commission de l’UCLAF du même jour à la représentation permanente turque dont la requérante critique, une nouvelle fois dans le cadre du pourvoi, la non présentation. Par conséquent, c’est à juste titre que le Tribunal a considéré que contrairement aux allégations de la requérante, celle-ci a bien eu accès à ces documents.

106.

En ce qui concerne la demande d’accès au dossier que la requérante a présentée postérieurement à l’adoption de la décision litigieuse et à l’introduction du présent recours, le Tribunal a indiqué au point 102 de l’arrêt attaqué qu’elle n’était pas pertinente pour apprécier une éventuelle atteinte aux droits de la défense de la requérante durant la procédure administrative et ne pouvait que demeurer sans incidence sur la légalité de ladite décision.

107.

La lecture des développements du Tribunal révèle que celui-ci a examiné si les documents en cause auraient pu présenter la moindre utilité pour la requérante. Il n’a donc pas limité son analyse à la question de savoir si le défaut de communication des documents litigieux avait eu des conséquences sur le contenu de la décision finale.

108.

En effet, l’exposé du Tribunal aboutit, pour l’essentiel, à démontrer que les documents concernés, loin de donner un argument à la requérante, étaient soit insusceptibles d’être invoqués par celle-ci, du fait de leur nature ou de leur objet, soit, du fait de leur contenu, de nature à confirmer les conclusions de la Commission ou, en tout cas, pas de nature à y apporter la moindre contradiction.

109.

Nous estimons, par conséquent, que le Tribunal s’est conformé pour l’essentiel dans sa méthode d’analyse à la jurisprudence précitée de la Cour et que ses conclusions sont correctes.

110.

Il convient, enfin, d’analyser les développements du Tribunal sur le comportement partiellement incohérent de la requérante lorsqu’elle a exercé le droit de consulter le dossier dont elle disposait. C’est, en effet, à juste titre que, au point 102 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a souligné que la requérante n’avait présenté d’elle-même aucune demande d’accès à d’autres éléments du dossier au cours de la procédure administrative et qu’elle n’avait pas non plus fait usage de la proposition qui lui avait été faite par la Commission dans sa lettre du 10 juillet 2003. Dans ce contexte, il apparaît contradictoire que la requérante fasse valoir la violation de ses droits à la défense alors qu’elle est parfaitement au courant de ses propres lacunes dans l’exercice des droits en cause et qu’elle mette en cause dans le pourvoi les motifs de l’arrêt rendu en première instance lesquels ne sont pas critiquables sur le plan du droit.

111.

Il y a lieu, par conséquent, de rejeter le deuxième moyen.

3. Le troisième moyen, tiré de la répartition de la charge de la preuve

112.

La constatation de la présence de «situations» au sens de l’article 239, paragraphe 1, deuxième tiret, du CDC ou d’une «situation particulière» au sens de l’article 905, paragraphe 1, du règlement d’application du CDC est subordonnée à l’exposé, à la preuve ainsi qu’à l’appréciation de certains faits et circonstances particulières. Cependant, les parties sont en désaccord sur la question de la répartition concrète de la charge de la preuve et la requérante demande à bénéficier d’une inversion ou d’un allègement de cette charge de la preuve. En reprochant en définitive au Tribunal dans les arguments qu’elle invoque de n’avoir pas respecté les principes procéduraux relatifs à la charge de la preuve, la requérante fait valoir une application erronée du droit communautaire et, partant, un moyen recevable ( 36 ).

113.

Le traitement du moyen susmentionné nécessite d’abord quelques considérations de principe sur la répartition de la charge de la preuve dans le cadre de la procédure visant au remboursement ou à la remise de droits à l’importation.

114.

Il convient, d’abord, de considérer que d’après les règles de procédure généralement admises, c’est la personne qui se prévaut des conditions d’une disposition qui doit en prouver le respect ( 37 ). Par conséquent, c’est en règle générale à l’importateur d’exposer et de prouver que l’on est en présence d’une «situation particulière» au sens de l’article 239 du CDC de nature à justifier la remise de droits à l’exportation ( 38 ). Il en va de même pour la preuve de l’origine des marchandises lorsque la décision de savoir s’il y a lieu de procéder ou non à un remboursement de droits à l’exportation dépend de la réponse à cette question ( 39 ).

115.

Au contraire, dans le cadre de la décision à prendre sur la question de savoir si l’on se trouve en présence d’une «situation particulière» pour laquelle elle dispose d’un pouvoir d’appréciation approprié ( 40 ), c’est à la Commission qu’il incombe d’exposer et de prouver que les certificats présentés par l’importateur sont faux ou falsifiés. Lorsque les conditions de l’article 904, sous c), du règlement d’application du CDC sont réunies, la Commission n’a, en revanche, pas à prouver l’absence d’une situation particulière puisque la disposition susmentionnée comporte déjà une appréciation du législateur communautaire contraignante pour la Commission, en ce sens qu’elle ne doit pas considérer comme digne de protection une éventuelle bonne foi de l’importateur dans la procédure au titre de l’article 239 du CDC.

116.

Comme nous l’avons déjà indiqué dans nos remarques liminaires sur la présente procédure ( 41 ), en retenant ce critère d’exclusion, le législateur communautaire a intégré dans le droit communautaire le traitement appliqué jusque-là par la Cour dans sa jurisprudence, selon lequel la présentation, même de bonne foi, pour l’octroi d’un traitement tarifaire préférentiel en faveur de marchandises déclarées pour la libre pratique, de documents dont il est établi ultérieurement qu’ils étaient faux, falsifiés ou non valables pour l’octroi de ce traitement tarifaire préférentiel ne constitue pas une «circonstance particulière» justifiant la remise des droits à l’importation. Depuis l’arrêt de principe Van Gend & Loos et Expeditiebedrijf Bosman/Commission, précité ( 42 ), cette jurisprudence est justifiée, entre autres, par l’indication que la Communauté ne saurait supporter les conséquences préjudiciables d’agissements incorrects. La Cour a constaté que le fait de recevoir des certificats d’origine invalides peut être en principe considéré comme relevant des risques professionnels auxquels un opérateur économique est confronté de par la nature même de ses fonctions et qu’il peut tenter d’agir en réparation contre l’auteur de la falsification.

117.

Le Tribunal n’a admis des exceptions à cette règle que dans les cas de falsifications dépassant le risque professionnel ordinaire de l’opérateur économique concerné, par exemple lorsque la Commission a manqué à son devoir de surveillance ( 43 ) ou dans le cas d’une participation d’employés des douanes à des agissements illicites ( 44 ). Il convient d’approuver sans restriction cette jurisprudence du Tribunal, puisqu’elle prend en considération la circonstance que l’opérateur économique concerné, indépendamment des procédures en douane qui requièrent sa participation, n’a en règle générale que peu d’influence sur le respect par les autorités compétentes de leurs obligations dans le cadre d’un système de coopération administrative. Il serait donc inéquitable de lui faire supporter un préjudice imputable à des agissements illicites d’organes administratifs.

118.

Dans l’application de ces critères développés par la jurisprudence, il faut cependant tenir compte du fait qu’il ne s’agit que d’adaptations ponctuelles de la jurisprudence constante pour satisfaire au principe d’équité matérielle au cas par cas. S’agissant d’exceptions, elles ne doivent faire l’objet que d’une interprétation stricte ( 45 ). Cette interprétation correspond du reste à la jurisprudence communautaire jusqu’à présent selon laquelle la remise des droits à l’importation ne peut être accordée que sous certaines conditions et dans des cas spécifiquement prévus de sorte que les dispositions prévoyant une telle remise qui constituent une exception au régime normal des importations sont d’interprétation stricte ( 46 ). Son application doit, par conséquent, être précédée d’une interprétation stricte des faits assortie d’une appréciation des moyens de preuve présentés. Conformément aux règles généralement admises du droit procédural et eu égard à la jurisprudence sans ambiguïté de la Cour depuis l’arrêt Van Gend & Loos et Expeditiebedrijf Bosman/Commission, précité, nous estimons logique de faire supporter à la requérante la charge de la preuve même pour la survenance d’irrégularités qui sont éventuellement susceptibles de constituer une «situation particulière» au sens de l’article 239 du CDC.

119.

Les arguments présentés par la requérante en faveur d’un renversement de la charge de la preuve n’emportent pas la conviction.

120.

Comme la Commission l’indique, à juste titre, il ne s’agit pas dans la présente affaire, contrairement aux allégations de la requérante, principalement d’une question de répartition de charge de la preuve. La question de la répartition de la charge de la preuve ne se pose que lorsqu’on dispose d’un commencement de preuve d’une allégation de fait litigieuse. Les allégations de la requérante sont cependant dépourvues de tout fondement puisque le Tribunal n’a pas trouvé d’éléments étayant la thèse qu’elle soutient selon laquelle les autorités turques ont manqué à leurs obligations lors de la transposition de l’accord d’association ainsi qu’à celles sur l’assistance mutuelle. Il résulte au contraire du point 194 de l’arrêt attaqué que des missions de l’UCLAF ont été entreprises dans des délais raisonnables après la détection de la première falsification. En outre, au point 195 de l’arrêt attaqué, le Tribunal indique que les examens conduits par les autorités turques portaient sur un nombre très élevé de certificats mais que, néanmoins, la liste des certificats considérés par celles-ci comme falsifiés a été transmise au service des douanes de Ravenne relativement rapidement. Enfin, au point 196 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé l’abondance de la correspondance échangée entre les autorités communautaires et les autorités turques au sujet des certificats litigieux. Dans ce contexte, il n’y a pas lieu de critiquer les conclusions du Tribunal, à savoir que les allégations de la requérante selon lesquelles les autorités turques, et notamment la représentation permanente turque, avaient refusé de coopérer avec la Commission à partir de 2000 ne sont étayées d’aucune preuve.

121.

D’après les constatations établies par le Tribunal, il y avait encore moins d’indications relatives à un concours allégué des autorités turques à la falsification des certificats litigieux de sorte que la tentative de la requérante de tracer un parallèle entre les faits de l’affaire au principal et ceux de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Kaufring e.a./Commission, précité, n’emporte pas la conviction. Contrairement à l’argumentation de la requérante, la présentation de documents qui s’avèrent faux ne permet pas, à elle seule, de conclure à une quelconque collusion entre les exportateurs et les autorités douanières qui les délivrent, en effet, dans le cas contraire, la règle figurant à l’article 904, sous c), du règlement d’application du CDC serait superflue.

122.

Indépendamment du fait que l’argumentation de la requérante n’est pas suffisamment convaincante, nous sommes d’avis qu’un renversement de la répartition de la charge de la preuve ne serait guère susceptible de servir l’argumentation de la requérante, puisque la Commission et l’UCLAF et/ou de l’OLAF ont pris d’office toutes les mesures nécessaires, y compris diligenter des missions d’enquête sur place pour clarifier les faits de l’affaire au principal en accord avec les autorités turques. En l’absence d’indications contraires, il faut donc considérer que la Commission et les autorités turques ont épuisé les possibilités juridiques d’assistance mutuelle que leur ouvrait l’accord d’association. Il convient dans ce cadre de rappeler expressément que dans des pays tiers comme la République de Turquie, la Commission ne dispose pas de compétences propres en matière d’enquête, mais qu’elle dépend de la coopération de ces pays tiers et qu’elle peut tout au plus tirer les conclusions qui s’imposent en cas de refus de coopération ( 47 ). Dans la mesure où les recherches effectuées par la requérante n’ont fourni aucune indication sur l’origine des falsifications ni de nature à faire apparaître un comportement irrégulier des autorités compétentes, on ne voit pas l’utilité d’un renversement de la charge de la preuve pour les intéressés. Il en va de même pour l’allègement de la charge de la preuve réclamée par la requérante, puisque la Commission est en définitive tenue de mettre les résultats de ses recherches à la disposition du Tribunal. Les résultats auxquels elle a abouti profitent, par conséquent, également à la requérante. La mise en cause de la répartition de la charge de la preuve fixée par le Tribunal ne peut, par conséquent, avoir pour objectif que de contester sans raison a posteriori les constatations de fait établies sans erreur de droit par le Tribunal. Eu égard à la circonstance que la Cour n’est en principe compétente ni pour contrôler les faits établis par le Tribunal ni pour les évaluer, il y a lieu de rejeter ce moyen.

4. Le quatrième moyen tiré du rejet des mesures d’instruction

123.

Par son quatrième moyen, la requérante critique le rejet des mesures d’instruction qu’elle a demandées conformément aux articles 64, paragraphe 4, et 65 du règlement de procédure de la Cour et, par conséquent, une application erronée du droit procédural que la Cour peut en principe contrôler. C’est, toutefois, au Tribunal qu’incombe la décision relative à l’opportunité des mesures d’instruction pour la solution à donner au litige ( 48 ).

124.

Les infractions au règlement de procédure critiquées par la requérante se révèlent à cet égard dépourvues de fondement.

125.

S’agissant de l’omission alléguée de présenter les rapports de mission de l’UCLAF des 9 et 23 décembre 1998, force est de constater que c’est à juste titre que le Tribunal a considéré au point 99 de l’arrêt attaqué que la requérante a eu accès à ces documents ( 49 ). À l’encontre du grief plus large tiré du caractère incomplet des rapports litigieux, il convient de répondre que la requérante a elle-même admis au point 88 du pourvoi qu’elle avait reçu la partie manquante de ces rapports le 12 octobre 2005 de sorte que lors de l’audience du 15 novembre 2005, la requérante avait connaissance des documents figurant au dossier dans leur intégralité. Par conséquent, c’est à juste titre qu’il y avait lieu de rejeter la demande de présentation des documents figurant dans le dossier comme étant sans objet.

126.

En outre, le Tribunal a souligné au point 324 de l’arrêt attaqué que les autorités turques avaient clairement indiqué que les certificats litigieux avaient été falsifiés. Le Tribunal était parvenu à la conclusion que, à la lumière des éléments du dossier et au vu des griefs invoqués par la requérante, il apparaissait que des mesures visant à démontrer qu’il s’agit de documents authentiques n’étaient ni pertinentes ni nécessaires pour statuer sur le litige en cause. Le Tribunal a donc statué dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation qu’il n’y avait pas lieu d’y recourir. Cette appréciation n’est pas critiquable en droit.

127.

Il y a lieu, par conséquent, de rejeter également ce moyen.

5. Le cinquième moyen, tiré de la qualification juridique de documents et/ou des faits concernant les prétendus manquements imputables aux autorités turques et à la Commission

128.

À titre liminaire, il convient de signaler que dans son cinquième moyen, la requérante met principalement en cause des constatations et des appréciations de fait établies par le Tribunal qui ne peuvent en principe faire l’objet de la présente procédure et être soumises à la compétence de la Cour que s’il s’agit du contrôle de leur qualification juridique et des conséquences que le Tribunal en a tirées pour juger que l’on n’était pas en présence d’une «situation particulière» au sens de l’article 239 du CDC ( 50 ).

129.

Il y a lieu de remarquer à titre complémentaire que, dans la mesure où dans son argumentation, la requérante part d’une répartition de la charge de la preuve différente de celle sur laquelle le Tribunal s’est fondé ( 51 ), il convient de rejeter cette conception, eu égard aux considérations que nous avons développées concernant le troisième moyen.

130.

Dans les paragraphes suivants, nous traiterons des violations alléguées de leurs obligations par les autorités turques et la Commission sur lesquelles la requérante fonde son argumentation quant à l’existence d’une «situation particulière». Pour éviter le plus possible des répétitions, nous concentrerons notre argumentation sur les aspects qui nous paraissent les plus pertinents et n’aborderons que brièvement ceux qui ont déjà été abordés dans notre analyse juridique.

a) Les prétendus manquements à leurs obligations des autorités turques

i) L’appréciation selon laquelle les certificats litigieux constituaient des falsifications

131.

S’agissant de l’appréciation selon laquelle les certificats litigieux constituaient des falsifications, il est suffisant d’indiquer que le Tribunal a constaté sans erreur de droit que, en raison de la répartition des compétences prescrite par le droit communautaire, seules les autorités turques étaient habilitées à vérifier l’authenticité des certificats turcs ( 52 ). Or, comme le Tribunal l’a constaté à juste titre, ces autorités avaient confirmé que lesdits certificats étaient falsifiés ( 53 ).

ii) Le certificat A.TR.1 WVB D 437214

132.

Comme le Tribunal l’a constaté à juste titre aux points 129 et suivants les autorités turques ont dissipé tous les doutes concernant le caractère falsifié du certificat 437214 dans leur lettre du 22 août 2003.

133.

Le caractère falsifié des certificats litigieux ne parvient toutefois pas en lui-même à justifier le grief tiré d’une violation de leurs obligations par les autorités turques ni, a fortiori, celui tiré d’un concours des autorités turques. Par conséquent, il convient de rejeter l’argument de la requérante tiré de la violation de leurs obligations par les autorités turques lorsqu’elles ont qualifié de faux les certificats litigieux.

iii) Le manquement des autorités turques à leurs obligations en ce qui concerne les cachets

134.

Il faut, en outre, rejeter l’argument de la requérante tiré d’un manquement des autorités turques à leurs obligations en ce qui concerne les cachets puisqu’elle n’a pas exposé avec la clarté nécessaire dans quelle mesure le Tribunal est censé avoir commis une erreur critiquable en droit. Cette circonstance suffit en elle-même à rejeter ce moyen comme irrecevable.

135.

Il y a lieu, à titre de simple précaution, de signaler que, dès lors que la requérante entend déduire d’une prétendue ressemblance entre les empreintes des cachets apposés sur les copies des certificats litigieux et les certificats qualifiés de réguliers que lesdits certificats sont non pas falsifiés, mais seulement irréguliers, il y a lieu de lui répondre que sur le plan juridique, cette constatation ne saurait remplacer l’appréciation portée sans ambiguïté sur ces certificats par les autorités turques.

iv) Le manquement des autorités turques à leurs obligations en ce qui concerne l’enregistrement des documents officiels

136.

Il y a lieu de souscrire à l’appréciation du Tribunal en ce sens que ni l’accord d’association ni les dispositions prises pour son application ne prévoient d’obligation pour les autorités turques de tenir un registre des documents douaniers. On peut toutefois se ranger à la thèse soutenue par la requérante au point 136 du pourvoi, à savoir que l’enregistrement de documents officiels est une pratique courante pour une autorité organisée et de ce fait, va de soi. L’enregistrement constitue, comme la requérante le souligne, en même temps, la base d’une mise en œuvre régulière de l’assistance administrative mutuelle.

137.

Cependant, cette constatation ne suffit pas à elle seule à étayer l’argumentation de la requérante, à savoir que les certificats litigieux sont des certificats authentiques. Les constatations clairement établies par les autorités turques s’opposent à un tel argument. C’est au contraire l’argument du Tribunal qui s’impose, selon lequel les faussaires auraient tout intérêt à utiliser pour les certificats falsifiés un numéro d’enregistrement correspondant à un certificat régulier. Cette constatation ne fait pas apparaître d’erreur de droit.

v) Le manquement des autorités turques à leurs obligations du fait de leur concours à l’établissement de certificats irréguliers

138.

Comme nous l’avons déjà indiqué, le Tribunal a conclu à juste titre que la simple circonstance que les certificats litigieux en l’espèce étaient falsifiés ne permettait pas, à elle seule, de conclure que les autorités turques avaient été impliquées dans les falsifications en cause.

vi) Le manquement par les autorités turques à leurs obligations dans le cadre de l’assistance mutuelle

139.

Le Tribunal avait constaté aux points 194 à 206 de l’arrêt attaqué que la coopération des autorités turques avait été correcte à tous égards. Il a notamment souligné à ce sujet que les autorités turques elles-mêmes avaient pris l’initiative de contrôler les certificats litigieux en l’espèce, vérifié plusieurs centaines de certificats dans un délai raisonnable, qu’elles avaient communiqué leurs résultats aux autorités communautaires et permis à la Commission de réaliser plusieurs enquêtes sur place en Turquie. Ces constatations n’appellent pas de critiques sur le plan du droit.

140.

Les tentatives des autorités turques de dissimuler des documents ou d’entraver le cours des enquêtes alléguées par la requérante ne permettent pas non plus de conclure que le Tribunal a apprécié les faits qui lui étaient soumis de manière erronée en droit, d’autant plus que les allégations de la requérante ne sont ni suffisamment fondées ni étayées par de quelconques preuves.

141.

Pour autant que la requérante se fonde sur les procédures qu’elle mentionne devant le service de police douanière à Cologne ou le Finanzgericht Hamburg (Allemagne), il faut constater qu’il s’agit dans les cas susmentionnés de procédures qui n’ont manifestement rien à voir avec les remboursements litigieux en l’espèce et n’ont pas non plus été communiquées à la Commission par la requérante pour être jointes au dossier de la présente procédure de remboursement. Il convient de rejeter cet argument comme étant dépourvu de pertinence.

142.

Les développements de la requérante concernant les certificats D 141591 et D 412662 sont également tout à fait dépourvus de pertinence puisque la décision litigieuse de la Commission ne portait sur aucun de ces deux certificats. Au point 199 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que le certificat D 141591 ne faisait pas partie des certificats litigieux en l’espèce puisque la requérante n’a ni formé de recours contre le prélèvement de droits faisant suite au constat de falsification ni demandé le remboursement des droits perçus, reconnaissant implicitement le caractère inauthentique du certificat en question.

vii) Le manquement des autorités turques étayé par d’autres circonstances et mise en échec d’enquêtes à Mersin

143.

Il convient de rejeter les autres allégations de la requérante concernant un manquement allégué des autorités turques. Ils visent, en effet, à mettre en cause les faits établis par le Tribunal, sans toutefois démontrer clairement en quoi le Tribunal aurait commis une erreur de droit.

144.

Le Tribunal a estimé à juste titre que les observations de la requérante relatives à ses entretiens avec le bureau des affaires économiques du Premier ministre turc et à la suspension des poursuites pénales contre son exportateur, M. Akmann étaient dénuées de pertinence à l’instar de ses affirmations non étayées selon lesquelles les autorités turques, en dépit de nombreuses missions menées sur place par l’UCLAF avaient fait échouer les enquêtes de la Commission en Turquie. Contrairement à la thèse de la requérante, ces affirmations sont sans influence sur l’appréciation des faits. Elles ne permettent en toute hypothèse pas de conclure à la simple inexactitude des certificats ni à une violation de leurs obligations par les autorités turques.

b) Les manquements allégués de la Commission à ses obligations

145.

La requérante avait reproché à la Commission en tout quatre manquements qui, selon elle, étaient censés constituer des «situations particulières» au sens de l’article 239 du CDC. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal est toutefois parvenu à la conclusion que la Commission n’avait manqué à aucune obligation. Comme nous le montrerons par la suite, il y a lieu de suivre sans restriction cette appréciation.

i) Le manquement lors du contrôle du régime préférentiel

146.

Le Tribunal a d’abord constaté à juste titre que, s’agissant des prétendus manquements relatifs à la surveillance et au contrôle de l’application de l’accord d’association, il y avait lieu de relever que, en vertu de l’article 211 CE et du principe de bonne administration qui en résulte, la Commission avait l’obligation d’assurer une correcte application de l’accord d’association ( 54 ). Le Tribunal a souligné que cette obligation résulte également de l’accord d’association même et des différentes décisions adoptées par le conseil d’association ( 55 ).

147.

Après avoir apprécié l’ensemble des circonstances de l’espèce, le Tribunal a constaté que la Commission avait fait le nécessaire pour assurer la correcte application de l’accord d’association avec la République de Turquie. Il a souligné, à juste titre, au point 238 de l’arrêt attaqué que dès la survenance des premiers indices de falsification de certificats de circulation, la Commission a mené des enquêtes sur le territoire turc.

148.

D’après les règles de procédure généralement admises, le Tribunal a imposé à la requérante la charge de prouver un éventuel manquement commis par la Commission. Il a dans ce cadre rejeté aussi bien les allégations générales et les soupçons formulés par la requérante que sa tentative d’établir une analogie avec les faits sur lesquels est fondé l’arrêt Kaufring e.a./Commission, précité. Le Tribunal a en effet considéré que les faits de ladite affaire n’étaient pas comparables avec ceux qui font l’objet de la présente affaire, puisque le Tribunal avait constaté dans l’arrêt Kaufring e.a./Commission, précité, que les autorités turques avaient commis de graves manquements, dont, notamment, l’absence de transposition de dispositions de l’accord d’association, lesquels affectaient la totalité des exportations de téléviseurs en provenance de Turquie. Lesdits manquements avaient contribué à la survenance d’irrégularités relatives aux exportations, plaçant les exportateurs dans une situation particulière au sens de l’article 239 du CDC. Or, dans le cas d’espèce, de tels manquements affectant l’ensemble des exportations de jus de fruits ne s’avéraient pas démontrés en ce qui concerne les certificats litigieux.

149.

À la date à laquelle sont survenus les faits qui ont donné lieu au présent litige, il n’existait aucun indice relatif à des violations systématiques des dispositions de l’accord d’association de nature à donner à la Commission des raisons d’être plus vigilante dans le contrôle de l’application du régime préférentiel vis-à-vis de la République de Turquie. Il n’y avait donc pas lieu de lui reprocher un manquement à ses obligations. Par conséquent, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit dans l’appréciation des faits.

ii) L’absence de manquement du fait du non-envoi des spécimens de cachets

150.

Le Tribunal a constaté à juste titre dans l’arrêt attaqué que les normes juridiques applicables en l’espèce n’imposaient ni à la République de Turquie ni à la Commission de transmettre des modèles de cachets ou de signatures. Le fait que la Commission n’ait pas envoyé d’empreintes de cachets aux autorités douanières italiennes ne pouvait donc constituer un manquement à une obligation.

151.

Contrairement à ce que soutient la requérante, aucune obligation semblable ne découle non plus de l’article 93 du règlement d’application du CDC. Selon le libellé clair dudit article, cette disposition se réfère non aux certificats litigieux en l’espèce, mais uniquement aux formulaires «APR» et aux certificats d’origine «formule A» lesquels n’ont trait qu’à l’importation des marchandises originaires des pays en voie de développement ( 56 ).

152.

Contrairement à ce que soutient la requérante, l’article 93 du règlement d’application du CDC n’a pas non plus été déclaré applicable mutatis mutandis à l’accord d’association CEE-Turquie par le truchement de décisions. Cela vaut également pour l’article 4 de la décision no 1/96, à savoir contrairement aux affirmations de la requérante, cette disposition ne déclare nullement l’article 93 du règlement d’application du CDC applicable en l’espèce. La requérante méconnaît le fait que les dispositions de la législation douanière communautaire n’entrent dans le champ d’application de l’accord d’association CEE-Turquie que si et dans la mesure où l’accord d’association et les décisions promulguées au titre de celui-ci le prévoient expressément. Or, l’article 93 du règlement d’application du CDC n’a jamais été intégré dans le champ d’application dudit accord d’association. La requérante ne peut donc citer la moindre norme en vertu de laquelle l’article 93 du règlement d’application du CDC aurait été déclaré applicable par analogie à la présente affaire.

153.

Il résulte clairement de ce qui précède que l’article 93 du règlement d’application du CDC n’était applicable en l’espèce ni en vertu de son libellé, ni parce qu’il aurait été déclaré tel, ni même dans le seul cadre de l’accord d’association CEE-Turquie.

iii) L’absence de violation de l’obligation de mettre en garde les importateurs en temps utile

154.

La notion de manquement à une obligation de mettre en garde les importateurs en temps utile présuppose que la Commission ait une telle obligation en droit communautaire. Or, au point 270 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté à juste titre, en se référant à la jurisprudence bien établie des juridictions communautaires ( 57 ), qu’aucune disposition du droit communautaire n’oblige expressément la Commission à avertir les importateurs, lorsqu’elle a des doutes quant à la validité des transactions douanières effectuées par ces derniers dans le cadre d’un régime préférentiel.

155.

Cela n’exclut toutefois pas que la Commission peut, en vertu de son devoir de diligence, être tenue, dans certaines circonstances, d’avertir les importateurs communautaires de façon généralisée. Elle n’a, en toute hypothèse, une telle obligation que lorsqu’elle a des doutes sérieux quant à la régularité d’un grand nombre d’exportations effectuées dans le cadre d’un régime préférentiel ( 58 ).

156.

Comme le Tribunal l’a constaté au point 273 de l’arrêt attaqué, la requérante n’a pas été en mesure d’établir de manière probante l’existence de graves manquements de la part des autorités turques, affectant l’ensemble des exportations de concentrés de jus de fruits et ayant contribué à la circulation de certificats falsifiés. Dès lors, il n’a pu être établi aucune analogie avec les faits ayant donné lieu à l’arrêt Kaufring e.a./Commission, précité.

157.

Les affirmations de la requérante dans le présent pourvoi ne permettent pas d’aboutir à une appréciation différente. Les griefs qu’elle formule aux points 225 et 226 du pourvoi font, en effet, expressément référence à la délivrance de certificats de circulations «irréguliers», mais non «falsifiés» de sorte qu’elle n’a toujours pas rapporté la preuve d’un concours apporté par les autorités turques aux falsifications. Par ailleurs, la requérante se fonde sur un argument irrecevable puisque ses allégations tendent expressément à une nouvelle appréciation des faits et non pas exclusivement à une vérification en droit des considérations du Tribunal. Or, une telle vérification ne relève pas de la compétence de la Cour en tant qu’instance de pourvoi.

158.

Indépendamment de ces considérations, il y a lieu de constater qu’au point 274 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que les importations litigieuses de la requérante datent de la période du mois d’avril 1995 au mois de novembre 1997 alors que les doutes quant à l’authenticité ou à l’exactitude du contenu des certificats A.TR.1 turcs ne sont apparus qu’ultérieurement, à savoir, à partir de 1998. Par conséquent, ce n’est qu’à partir de la détection, par les autorités douanières italiennes, du premier certificat falsifié et de l’ouverture d’une procédure d’enquête que la Commission a pu se rendre compte de l’existence des certificats falsifiés. Il faut en déduire que, même à supposer que la Commission ait été tenue d’avertir les importateurs communautaires dès 1998, cette obligation n’aurait eu aucune influence sur les importations des années 1995 à 1997 litigieuses en l’espèce.

159.

Par conséquent, c’est à juste titre que le Tribunal a considéré que la Commission n’était pas tenu de mettre en garde les importateurs en temps utile.

iv) L’absence de manquement dans le cadre de l’élucidation et de l’appréciation des faits lors des enquêtes en Turquie

160.

S’agissant du grief tiré du manquement dans le cadre de l’élucidation et de l’appréciation des faits lors des enquêtes en Turquie, le Tribunal a établi sans erreur de droit au point 284 de l’arrêt attaqué que la requérante n’a pas été en mesure d’appuyer son argumentation sur des éléments probants. Il avait constaté à juste titre dans son appréciation des faits que les missions menées par la Commission en Turquie lui avaient permis d’examiner et d’apprécier correctement l’ensemble des faits pertinents.

161.

Dans la mesure où la requérante critique encore une fois dans ce pourvoi une répartition erronée en droit de la charge de la preuve, il convient, eu égard aux considérations que nous avons développées au sujet du troisième moyen, de rejeter également le présent moyen.

162.

Il y a lieu, en outre, de constater que la requérante fonde d’ailleurs son moyen sur un argument irrecevable, puisque ses allégations tendent expressément à une nouvelle appréciation des faits et non pas exclusivement à une vérification en droit des considérations du Tribunal. Elle ne parvient, notamment, pas à expliquer suffisamment clairement dans quelle mesure le Tribunal aurait commis une erreur de droit. Puisque ce moyen ne satisfait pas non plus aux exigences procédurales concernant un pourvoi, il convient de le rejeter également.

c) La conclusion intermédiaire

163.

Il faut donc constater qu’il ressort clairement des considérations qui précèdent que ni les autorités turques ni la Commission n’ont manqué aux obligations qui leur incombent et que l’on ne se trouve donc pas en présence d’une «situation particulière» au sens des articles 239 du CDC et 905 du règlement d’application du CDC. Le cinquième moyen du pourvoi doit donc également être rejeté comme dépourvu de fondement.

6. Le sixième moyen, tiré de l’absence de saisine du comité douanier et/ou du conseil d’association par la Commission

164.

La requérante critique par son sixième moyen l’absence de saisine du comité douanier et/ou du conseil d’association par la Commission en vue d’interdire les irrégularités qui sont apparues dans les relations commerciales entre la Communauté et la République de Turquie. Selon la requérante, le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’arrêt attaqué en se limitant à décrire les obligations du conseil d’association telles que prévues par l’accord d’association ainsi que celle du comité mixte de l’union douanière sans toutefois procéder à une qualification juridique des dispositions susmentionnées en rapport avec la présente affaire. De plus, il n’a pas tiré les conséquences juridiques qui s’imposent quant au comportement que la Commission aurait dû adopter sur la base des faits exposés ( 59 ).

165.

On ne saurait suivre cette argumentation puisqu’au point 239 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a bien analysé les circonstances de l’affaire au principal en vue de répondre à la question de savoir si les conditions de saisine du comité mixte de l’union douanière étaient réunies en l’espèce.

166.

Pour que ce comité intervienne à l’initiative de la Commission, il aurait fallu invoquer l’article 52, paragraphe 2, de la décision no 1/95 selon lequel les parties contractantes se consultent au sein du comité mixte sur tous les points relevant de la mise en œuvre de ladite décision qui soulèvent une difficulté pour l’une d’entre elles. En cas de survenance de difficultés de ce type, il serait habilité, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la décision no 1/95 à veiller au bon fonctionnement de l’union douanière, en formulant des recommandations destinées au conseil d’association et en émettant des avis destinés à assurer le bon fonctionnement de l’union douanière. Il n’y avait, toutefois, en l’espèce aucun indice de nature à donner à penser qu’on se heurtait à des difficultés significatives. Au contraire, il faut considérer que, eu égard à la volonté de coopération des autorités turques, il n’était ni nécessaire ni justifié de saisir ces organes.

167.

Ainsi, le Tribunal a-t-il constaté, sans erreur de droit, au point 239 de l’arrêt attaqué que la requérante n’a pas été en mesure de démontrer que la Commission s’était heurtée à des difficultés dans le cadre de l’assistance administrative convenue avec la République de Turquie justifiant la discussion, au sein de ces organes, de l’adoption de mesures spécifiques visant à les contrer.

168.

Le Tribunal a considéré par conséquent, à juste titre, que l’on ne pouvait établir une analogie avec les faits sur lesquels est fondé l’arrêt Kaufring e.a./Commission, précité, puisque, en ce qui concerne les certificats litigieux, il n’avait pas été prouvé, de la part des autorités turques, de manquements constitutifs d’une situation particulière, analogues à ceux de l’affaire citée ( 60 ).

169.

La Commission n’était, par conséquent, pas tenue de saisir le comité douanier ou le conseil d’association. Par conséquent, il y a lieu également de rejeter ce moyen comme non fondé.

7. Le septième moyen, tiré de la méconnaissance d’un intérêt légitime de la requérante en ce qui concerne le certificat A.TR.1 WVB D 437214

170.

Pour autant que dans le cadre de son septième moyen, la requérante invoque manifestement le délai de trois ans prévu à l’article 221, paragraphe 3, du CDC ( 61 ) pour se soustraire à son obligation de payer les droits à l’importation, il y a lieu de lui répondre que cet argument est fondé sur une interprétation erronée du droit communautaire.

171.

Cet argument méconnaît d’une part qu’il s’agit dans la présente affaire du remboursement ou de la remise des droits conformément à l’article 239 du CDC et non, comme la requérante semble l’avoir supposé, d’un cas où conformément à l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC, il n’est pas procédé à une prise en compte a posteriori à laquelle est applicable l’article 221, paragraphe 3, du CDC ( 62 ). Il s’agit là de deux procédures distinctes dont les modalités d’application formelles et matérielles sont différentes et qu’il y a lieu d’examiner indépendamment l’une de l’autre. Il faut donc rejeter les considérations théoriques sur l’applicabilité éventuelle de cette disposition dans le cas où le Tribunal aurait statué différemment comme étant dépourvues de pertinence ( 63 ).

172.

D’autre part, ces considérations se fondent sur la conception juridique erronée selon laquelle le Tribunal aurait dû annuler la décision litigieuse pour des raisons formelles. Comme le Tribunal l’a cependant expliqué à juste titre au point 133 de l’arrêt attaqué, même en cas d’annulation partielle de la décision litigieuse, seule une nouvelle décision identique quant au fond aurait pu intervenir. Il est certes juste que, comme le Tribunal le constate au point 128 de l’arrêt attaqué, lorsque la décision litigieuse a été prise, c’est-à-dire le 18 décembre 2002, la Commission n’aurait pu valablement conclure à la falsification du certificat D 437214, eu égard aux déclarations ambigües des autorités turques. Toutefois, cette conclusion s’est en définitive révélée objectivement exacte, comme la lettre du 22 août 2003 des autorités turques l’a finalement confirmé. Selon la jurisprudence des juridictions communautaires, un requérant n’a cependant aucun intérêt légitime à l’annulation pour vice de forme d’une décision, dans le cas où cette annulation ne pourrait que donner lieu à l’intervention d’une nouvelle décision, identique, quant au fond, à la décision annulée ( 64 ). Il n’y a donc pas lieu en droit de critiquer la décision du Tribunal.

173.

Il faut donc rejeter également ce moyen.

8. Le huitième moyen, tiré de l’appréciation des conditions d’équité et des risques

174.

Comme le Tribunal l’a constaté au point 295 de l’arrêt attaqué, la Commission ne s’est pas prononcée, dans la décision litigieuse, sur la question de la diligence ou de la négligence de la requérante. Il s’ensuit que le Tribunal a constaté que le moyen par lequel la requérante a fait état de l’absence de négligence manifeste de sa part est inopérante et doit donc, à ce titre, être rejeté.

175.

Pour autant que la requérante fait valoir que le Tribunal a omis de manière erronée de procéder à une appréciation des conditions d’équité et des risques, elle ne peut être suivie puisque le Tribunal n’y était nullement tenu en droit.

176.

Comme la requérante l’admet elle-même au point 257 et 258 de son pourvoi, la confiance des opérateurs économiques dans la validité de certificats d’importations qui s’avèrent par la suite falsifiés n’est normalement pas protégée par le droit communautaire, mais fait partie des risques commerciaux en général. Avec l’article 904, sous c), du règlement d’application du CDC, le législateur a déjà procédé à une pondération claire des risques à laquelle les juridictions communautaires sont tenues pour l’interprétation du droit communautaire ( 65 ).

177.

Pour autant que la requérante déduit de la jurisprudence des juridictions communautaires que la Commission aurait dû procéder à une pondération générale des conditions d’équité et des risques, elle ne saurait précisément se fonder sur la jurisprudence qu’elle invoque. Dans l’arrêt Bonn Fleisch Ex- und Import/Commission, précité ( 66 ), qu’elle cite, il y avait eu un comportement fautif des autorités douanières des États membres, mais également de la Commission dans l’exercice de son devoir de sollicitude. Or, il n’y a pas le moindre indice d’un tel comportement en l’espèce ( 67 ). Il en va de même pour l’arrêt Eyckeler & Malt/Commission cité par la requérante ( 68 ).

178.

Par conséquent, il y a lieu également de rejeter ce moyen comme étant manifestement dépourvu de fondement.

9. Le neuvième moyen, tiré de la violation de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC

179.

Par son neuvième moyen, la requérante fait valoir une violation de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC qui limite la prise en compte a posteriori du montant des droits à recouvrer (recouvrement a posteriori) pour des motifs de protection de la confiance et de sécurité du droit ( 69 ). Cette disposition a pour finalité de protéger la confiance légitime du redevable quant au bien-fondé de l’ensemble des éléments intervenant dans la décision de recouvrer ou non les droits de douane ( 70 ).

180.

Cette disposition subordonne le non-recouvrement a posteriori par les autorités nationales à trois conditions cumulatives. Dès lors que ces trois conditions sont remplies, le redevable a droit à ce qu’il ne soit pas procédé au recouvrement ( 71 ). D’abord, il faut que les droits n’aient pas été perçus par suite d’une erreur des autorités compétentes elles-mêmes. Ensuite, l’erreur commise par celles-ci doit être d’une nature telle qu’elle ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable de bonne foi, en dépit de son expérience professionnelle et de la diligence dont il devait faire preuve. Enfin, ce dernier doit avoir observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne sa déclaration en douane ( 72 ).

181.

La notion litigieuse entre les parties du présent litige est pour l’essentiel celle d’«erreur» dont la requérante considère que les conditions sont réunies en l’espèce. Elle reproche au Tribunal de n’avoir pas tenu compte de la participation active des autorités turques à l’établissement et à l’utilisation des certificats litigieux en l’espèce.

182.

Pour des raisons à la fois juridiques et factuelles, cet argument ne saurait être partagé.

183.

Il convient, d’abord, de prendre en considération le fait que la présentation de bonne foi de falsifications de documents officiels, notamment d’attestations de régime préférentiel, ne saurait en droit être considérée comme une «erreur» au sens de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC ( 73 ). Pour admettre l’existence d’une telle «erreur», la jurisprudence de la Cour exige, en effet, un comportement actif des autorités douanières ayant entraîné l’erreur en cause ( 74 ).

184.

Si l’on se fonde sur cette jurisprudence, il nous semble possible de délimiter l’une par rapport à l’autre les notions d’«erreur» et de «falsification» de telle manière que la première présuppose de manière contraignante une action des autorités douanières dans le cadre de leur compétence ( 75 ) alors qu’une falsification implique une action préméditée de la part de tiers non compétents. Cette distinction fait apparaître que deux faits complètements différents sont liés à ces notions ( 76 ).

185.

Par conséquent, des redevables qui se fondent de bonne foi sur des documents attestant un traitement préférentiel falsifiés qui n’ont pas été émis par les autorités compétentes du pays tiers ne sauraient bénéficier d’une protection de la confiance en application de cet article ( 77 ). Cette conception correspond à celle de la jurisprudence de la Cour quant au champ d’application dudit article. Conformément à la jurisprudence de la Cour sur le remboursement ou la restitution de restitutions à l’exportation en application de l’article 239 du CDC, il est également admis dans le cadre de la prise en compte a posteriori du montant des droits à recouvrer telle qu’elle est prévue à l’article 220 du CDC que les certificats falsifiés font partie du risque commercial contre lequel l’importateur doit prendre lui-même les mesures nécessaires ( 78 ). Le fait que l’importateur soit de bonne foi ne le décharge pas de sa responsabilité quant au paiement de la dette douanière, dès lors qu’il est le déclarant de la marchandise importée. L’importateur engage sa responsabilité tant pour le paiement des droits à l’importation que pour la régularité des documents qu’il présente aux autorités douanières, même s’il n’est pas en mesure de répercuter la perte ( 79 ). C’est donc en principe uniquement l’importateur qui est responsable d’une faillite résultant éventuellement de la non-remise des droits à l’importation. L’importance de la dette dont la remise est demandée n’est pas, en elle-même, un élément de nature à moduler l’appréciation des conditions auxquelles est subordonnée cette remise ( 80 ). On ne saurait, en revanche, attendre que la Communauté supporte les conséquences négatives du comportement illégal de tiers.

186.

Il y a lieu de transposer cette jurisprudence à la présente affaire. Il faut souligner à cet égard que les faits, à savoir que les certificats litigieux sont des faux qui ont été produits sans le concours des autorités turques, ont été établis sans erreur de droit par le Tribunal. Eu égard l’insuffisance des preuves fournies par la requérante, le Tribunal n’avait aucune raison de considérer qu’un comportement actif de la part des autorités compétentes avait contribué à l’établissement des documents falsifiés. C’est donc à juste titre que le Tribunal avait rejeté le troisième moyen comme n’étant pas fondé.

187.

L’article 220, paragraphe 2, point b), du CDC n’ayant pas été violé par l’arrêt attaqué, il convient de rejeter également le neuvième moyen du pourvoi comme manifestement non fondé.

V — La conclusion de l’analyse

188.

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son intégralité.

VI — Les dépens

189.

Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la Commission.

VII — Conclusion

190.

À la lumière des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de statuer comme suit:

le pourvoi est rejeté dans son intégralité, et

la requérante est condamnée aux dépens y compris à ceux de la première instance.


( 1 ) Langue originale: l’allemand.

( 2 ) Arrêt T-23/03, Rec. p. II-289, ci-après «l’arrêt attaqué».

( 3 ) Arrêt du 10 mai 2001, Kaufring e.a./Commission (T-186/97, T-187/97, T-190/97 à T-192/97, T-210/97, T-211/97, T-216/97 à T-218/97, T-279/97, T-280/97, T-293/97 et T-147/99, Rec. p. II-1337).

( 4 ) Voir Dollen, M., «Nacherhebung, Erstattung und Erlass von Abgaben nach dem neuen Zollkodex», Europäische Zeitschrift für Wirtschaftsrecht, fascicule 24, 1993, p. 754 et, notamment, 755; Berr, C., et Trémeau, H., Le droit douanier, quatrième édition, Paris, 1997, p. 219.

( 5 ) Règlement du 24 juillet 1979 concernant le recouvrement «a posteriori» des droits à l’importation ou des droits à l’exportation qui n’ont pas été exigés du redevable pour des marchandises déclarées pour un régime douanier comportant l’obligation de payer de tels droits (JO L 197, p. 1).

( 6 ) Voir Müller-Eiselt, P., «Nacherhebung-Erlass-Erstattung-Gedanken zum Vertrauenschutz in die Zollerhebung», Vertrauensschutz in der Europäischen Union, Köln, 1998, p. 106.

( 7 ) Arrêts du 12 mars 1987, Cerealmangimi et Italgrani/Commission (244/85 et 245/85, Rec. p. 1303, point 10), et du 18 janvier 1996, SEIM (C-446/93, Rec. p. I-73, point 41). Sack, J., Zollrecht, Handbuch des EU-Wirtschaftsrechts, Band 1, C.II, point 82, p. 27, ne mentionne l’article 905 du règlement d’application du CDC que comme règle d’équité extrêmement importante en pratique, à l’évidence parce que les critères de la «situation particulière» y sont indiqués. D’autres auteurs, comme Müller-Eiselt, P., op. cit., p. 106, désignent, comme disposition applicable, ledit article 239 seul ou de manière prépondérante. Comme base juridique pour la remise ou la restitution de droits à l’exportation en raisons de situations particulières, il serait plus correct d’invoquer l’article 239, paragraphe 1, deuxième tiret, du CDC en liaison avec l’article 905 du règlement d’application du CDC.

( 8 ) Arrêt du 26 mars 1987, Coopérative agricole d’approvisionnement des Avirons (58/86, Rec. p. 1525, point 22).

( 9 ) Arrêts du 25 février 1999, Trans-Ex-Import (C-86/97, Rec. p. I-1041, point 21); du 7 septembre 1999, De Haan (C-61/98, Rec. p. I-5003, point 52), et Kaufring e.a./Commission, précité (point 218) .

( 10 ) Selon Huchatz, W., Lehrbuch des Europäischen Zollrechts, (Witte, P., et Wolffgang, H.-M., Hamm, p. 414, la Cour et la Commission fournissent les grandes lignes de l’interprétation de cette notion juridique imprécise. L’article 239 du CDC poursuit deux objectifs distincts. D’une part, il élargit les situations générales mentionnées aux articles 236 à 238 en y ajoutant une liste de cas particuliers prévus dans le règlement d’application du CDC (article 900 du règlement d’application du CDC) dans lesquels il est également possible de procéder au remboursement ou à la remise des droits. Le fait que cette liste a été renvoyée au règlement d’application du CDC permet à la Commission, dans le cadre de la compétence législative qui lui a été déléguée, conformément à l’article 202, troisième tiret, CE, d’y inclure d’autres situations, notamment, sur le fondement des propositions des administrations des douanes nationales ou de la jurisprudence de la Cour. D’autre part, l’administration nationale est habilitée, outre les cas énumérés auxdits articles 236 à 238 ainsi que 900 du règlement d’application du CDC, à accorder un remboursement ou une remise dans certaines situations «particulières» lorsque l’on se trouve en présence de circonstances n’impliquant ni manœuvres ni négligence manifeste de la part de l’intéressé (article 899, paragraphe 2, du règlement d’application du CDC). Les cas de remboursement énumérés dans le CDC et le règlement d’application du CDC ne sont toutefois pas limitatifs, puisque, en plus de ceux-ci, il en est d’autres qui peuvent faire l’objet d’un remboursement. Ainsi des considérations d’équité peuvent-elles entrer en ligne de compte et chaque cas, être traitées comme il se doit. Le traitement au cas par cas pratiqué par les juridictions communautaires joue en l’espèce un rôle spécifique. Ainsi, Huchatz, W., Zollkodex, Witte, P., quatrième édition, Munich, 2006, article 239, point 30, attire-t-il l’attention sur le fait que, pour enrichir le contenu de la notion de «situations particulières» au sens des articles 239, paragraphe 1, deuxième tiret, du CDC et 905 du règlement d’application du CDC, on peut se fonder sur la jurisprudence, notamment de la Cour (y compris sur celle relative au droit applicable avant l’introduction du CDC).

( 11 ) Arrêt du 13 novembre 1984, Van Gend & Loos et Expeditiebedrijf Bosman/Commission (98/83 et 230/83, Rec. p. 3763, points 15 à 17), dans lequel le fait de recevoir des certificats d’origine invalides n’a pas été considéré comme une circonstance particulière au motif qu’une telle circonstance relève de la catégorie des risques professionnels auxquels s’expose un commissionnaire en douane. Voir, également, arrêts du 11 décembre 1980, Acampora (827/79, Rec. p. 3731, point 8); du 27 juin 1991, Mecanarte (C-348/89, Rec. p. I-3277, point 24), et du 17 juillet 1997, Pascoal & Filhos (C-97/95, Rec. p. I-4209, points 57 à 60).

( 12 ) Rengeling, H.-W., Middeke, A., et Gellermann, M., Handbuch des Rechtsschutzes in der Europäischen Union, Munich, 2003, paragraphe 28, points 22 et 24, p. 500 et, notamment, 501. Arrêts du 6 mars 2003, Interporc/Commission (C-41/00 P, Rec. p. I-2125, point 15), et du 29 avril 2004, Commission/C.A.S. Succhi di Frutta (C-496/99 P, Rec. p. I-3801, point 48).

( 13 ) Concernant l’accord entre la Communauté économique européenne et la Confédération suisse du 22 juillet 1972, arrêt du 12 juillet 1984, Les Rapides Savoyards e.a. (218/83, Rec. p. 3105, point 26); concernant l’accord entre la Communauté économique européenne et la République d’Autriche du 22 juillet 1972, arrêt du 7 décembre 1993, Huygen e.a. (C-12/92, Rec. p. I-6381, points 24 et 25); concernant l’accord du 19 décembre 1972 instituant une association entre la Communauté économique européenne et la République de Chypre, arrêt du 5 juillet 1994, Anastasiou e.a. (C-432/92, Rec. p. I-3087, point 38). Voir, également, arrêt du 14 mai 1996, Faroe Seafood e.a. (C-153/94 et C-204/94, Rec. p. I-2465, point 19).

( 14 ) Arrêts Faroe Seafood e.a., précité (point 20), et du 9 février 2006, Sfakianakis (C-23/04 à C-25/04, Rec. p. I-1265, point 23).

( 15 ) Point 27.

( 16 ) Prieß, H.J., Zollkodex, op. cit., article 27, point 41.

( 17 ) Voir point 33 des conclusions de l’avocat général Léger du 20 octobre 2005 dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Sfakianakis, précité.

( 18 ) Arrêt Huygen e.a., précité (point 27).

( 19 ) Point 37.

( 20 ) Arrêts du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission (C-194/99 P, Rec. p. I-10821, point 33), et du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123, point 48). Selon Lenaerts, K., Arts, D., et Maselis, I., Procedural Law of the European Union, deuxième édition, Londres, 2006, p. 453, la Cour n’est pas compétente pour constater des faits. Le fait qu’un pourvoi est limité aux questions de droit signifie que la Cour a une compétence exclusive pour trancher ces questions. Il en résulte qu’un requérant au pourvoi ne peut ni mettre en cause les faits constatés par le Tribunal ni invoquer des faits qui n’ont pas été constatés en première instance par le Tribunal.

( 21 ) Arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité (point 48).

( 22 ) Voir point 38 des conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité; arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission (C-185/95 P, Rec. p. I-8417, point 24), et du 21 juin 2001, Moccia Irme e.a./Commission (C-280/99 P à C-282/99 P, Rec. p. I-4717, point 78).

( 23 ) Arrêts du 11 juillet 2002, Hyper/Commission (T-205/99, Rec. p. II-3141, point 63), et du 27 février 2003, Bonn Fleisch Ex- und Import/Commission (T-329/00, Rec. p. II-287, point 46).

( 24 ) Arrêts du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission (T-42/96, Rec. p. II-401, point 81); du 17 septembre 1998 et Bonn Fleisch Ex- und Import/Commission, précité (point 46), et Primex Produkte Import-Export e.a./Commission (T-50/96, Rec. p. II-3773, point 64).

( 25 ) Aux points 13 à 15 de ses conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 avril 1996, Pays-Bas/Conseil (C-58/94, Rec. I-2169), l’avocat général Tesauro distingue également la fonction de l’accès aux documents publics pour garantir les droits d’un particulier dans le cadre d’une procédure administrative et l’intérêt général de l’opinion publique à l’information sur l’activité de l’État.

( 26 ) Broberg, M., «Access to documents: a general principle of Community law?», European Law Review (2002), p. 196, et, notamment, p. 197, indique que la première étape effective de la réalisation du droit à l’accès aux documents se trouvant en possession des institutions communautaires est intervenue lors de la signature de l’acte final au traité de Maastricht, le 7 février 1992. Dans la déclaration no 17 de cet acte final, les États membres ont souligné les relations étroites entre la transparence du processus décisionnel et le caractère démocratique des institutions communautaires. En réponse à la déclaration no 17 de cet acte final, le Conseil de l’Union européenne et la Commission ont établi en commun un code de conduite concernant l’accès du public aux documents du Conseil et de la Commission (JO 1993, L 340, p. 41). Les notions d’ouverture et d’accès aux documents n’ont été toutefois été introduites dans le droit communautaire qu’avec l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam. Depuis, selon l’article 1er, paragraphe 2, du traité UE, les décisions dans l’Union européenne doivent être prises «dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture». L’article 255 CE, nouvellement introduit dans le traité, garantit le droit de tout citoyen de l’Union ainsi que de toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre à accéder aux documents du Parlement européen, du Conseil ou de la Commission. Ce droit est également inscrit à l’article 42 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne proclamée le 7 décembre 2000 (JO C 364, p. 1). Enfin, ce droit a trouvé une traduction concrète en droit secondaire dans les dispositions du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43).

( 27 ) Dans l’arrêt du 6 juillet 1993, CT Control (Rotterdam) et JCT Benelux/Commission (C-121/91 et C-122/91, Rec. p. I-3873, point 48), la Cour a d’abord constaté que, dans le cadre de l’article 13 du règlement (CEE) no 1430/79 du Conseil, du 2 juillet 1979, relatif au remboursement ou à la remise des droits à l’importation ou à l’exportation (JO L 175, p. 1), la procédure d’adoption, par la Commission, des décisions sur le remboursement ou la remise des droits à l’importation, comporte différentes étapes dont certaines se situent au niveau national (dépôt de la demande par l’entreprise concernée, premier examen par l’administration douanière), certaines au niveau communautaire (présentation de la demande à la Commission, examen du dossier par le comité des franchises douanières, consultation d’un groupe d’experts, décision de la Commission, notification à l’État membre concerné). La Cour a, en outre, constaté que, lorsque la procédure se déroule conformément aux prescriptions de la réglementation communautaire, elle offre aux opérateurs économiques intéressés toutes les garanties juridiques nécessaires et, notamment, la garantie des droits à la défense.

( 28 ) Arrêts du 28 mars 2000, Krombach (C-7/98, Rec. p. I-1935 points 25 et 26), et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C-238/99 P, C-244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, Rec. p. I-8375, point 316).

( 29 ) Voir arrêt du 6 mars 2001, Connolly/Commission (C-274/99 P, Rec. p. I-1611, points 37 et 38).

( 30 ) Voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 juin 1995, Solvay/Commission (T-30/91, Rec. p. II-1775, point 81), et arrêt du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission (C-199/99 P, Rec. p. I-11177, points 125 à 128).

( 31 ) Voir arrêts du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, Rec. p. 461, points 9 et 11); du 8 juillet 1999, Hercules Chemicals/Commission (C-51/92 P, Rec. p. I-4235, point 75), et Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité (point 315).

( 32 ) Précité (points 80 à 82).

( 33 ) Ainsi, pour qu’une action en annulation soit fondée, il faut qu’il y ait violation d’une forme «substantielle», la différence à cet égard n’étant pas entre des dispositions de formes «substantielles» et «non substantielles», mais ce qui importe est «le caractère substantiel» de la violation. La question de savoir si l’on se trouve confronté à une violation des formes substantielles s’apprécie au cas par cas, puisque la violation d’une règle donnée peut, selon les circonstances, être plus ou moins grave. On considère en règle générale qu’une règle de forme est substantielle dès lors qu’un vice de forme pourrait avoir une influence sur le contenu de l’acte juridique ou lorsque la disposition de forme a été précisément adoptée pour protéger l’intéressé (Rengeling, H.-W., Middeke, A., et Gellermann, M., op. cit. p. 139). La Cour a constaté dans ses arrêts du 10 juillet 1980, Distillers Company/Commission (30/78, Rec. p. 2229, point 26), et Thyssen Stahl/Commission, précité (point 31), qu’il y a violation des droits de la défense, lorsqu’il existe une possibilité que, en raison d’une irrégularité commise par la Commission, la procédure administrative menée par elle aurait pu aboutir à un résultat différent.

( 34 ) Point 331.

( 35 ) Points 28 à 30.

( 36 ) Selon Rengeling, H., Middeke, A., et Gellermann, M., op. cit., p. 502 à 504, figurent au nombre des règles de procédure sur lesquelles peut se fonder un pourvoi, outre les dispositions procédurales des traités, les statuts et le règlement de procédure du Tribunal également les principes généraux du droit relatifs à la procédure. Ainsi, le pourvoi permet-il de mettre en cause la violation des droits de la défense des parties à une procédure tout comme des infractions au principe de la charge ou de l’administration de la preuve. Sur le contrôle de l’application correcte des dispositions relatives à la charge de la preuve par le Tribunal, voir arrêts du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni (C-49/92 P, Rec. p. I-4125, point 96), du 6 janvier 2004, BAI et Commission/Bayer (C-2/01 P et C-3/01 P, Rec. p. I-23, points 47, 61 et 117); du 6 avril 2006, General Motors/Commission (C-551/03 P, Rec. p. I-3173, points 51 et 52), ainsi que du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission (C-403/04 P et C-405/04 P, Rec. p. I-729, point 39).

( 37 ) Voir, également, point 47 des conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 9 mars 2006, Beemsterboer Coldstore Services (C-93/04, Rec. p. I-2263).

( 38 ) Voir, également, Alexander, S., Zollkodex, op. cit, avant l’article 220, point 4, selon lequel c’est au débiteur d’une dette douanière qu’incombe la charge de la preuve des faits motivant la demande de restitution.

( 39 ) Voir arrêt CT Control (Rotterdam) et JCT Benelux/Commission, précité (point 39), selon lequel c’est à l’importateur et non à la Commission qu’il incombe d’établir que la marchandise importée est originaire d’un État d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) pour lequel la Commission prévoit un traitement préférentiel afin d’obtenir la remise des droits.

( 40 ) Ainsi, il ressort de la jurisprudence que, afin de déterminer si les circonstances de l’espèce sont constitutives d’une situation particulière n’impliquant ni négligence manifeste ni manœuvre de la part de l’intéressé au sens de l’article 239, paragraphe 1, du CDC, la Commission doit apprécier l’ensemble des données de fait pertinentes (voir, en ce sens, arrêt du 15 mai 1986, Oryzomyli Kavallas et Oryzomyli Agiou Konstantinou/Commission (160/84, Rec. p. 1633, point 16), et arrêt du Tribunal du 9. novembre 1995, France-aviation/Commission (T-346/94, Rec. p. II-2841, points 34 et 36).

( 41 ) Voir point 70 des présentes conclusions.

( 42 ) Points 15 à 17.

( 43 ) Arrêts précités Eyckeler & Malt/Commission (points 189 et 191), ainsi que Kaufring e.a./Commission (point 218).

( 44 ) Dans l’arrêt Kaufring e.a./Commission, précité (point 231), le Tribunal a jugé que seules les erreurs imputables à un comportement actif des autorités compétentes et qui n’ont pu être raisonnablement décelées par le redevable ouvrent droit au non-recouvrement a posteriori des droits de douane. L’affaire susmentionnée portait sur une série d’irrégularités lors de la transposition de l’accord d’association et des dispositions d’exécution qui en résultent par les autorités turques ainsi que sur les violations graves par la Commission lors de la surveillance de la mise en œuvre de ses dispositions. Dans l’arrêt du 7 juin 2001, Spedition Wilhelm Rotermund/Commission (T-330/99, Rec. p. II-1619, point 58) la «situation particulière» au sens de l’article 239 du CDC découlait de l’existence de manœuvres frauduleuses qui ne pouvaient raisonnablement s’expliquer que par la complicité active d’un employé du bureau de douanes de destination de sorte que le Tribunal est parvenu à la conclusion que la Commission ne pouvait valablement se limiter à exiger que soit apportée par la requérante la preuve formelle et définitive d’une telle complicité. Cette jurisprudence a été également citée dans l’arrêt du 14 décembre 2004, Nordspedizionieri di Danielis Livio e.a./Commission (T-332/02, Rec. p. II-4405, point 58).

( 45 ) Conformément au principe «une exception appelle une interprétation très stricte». Sur l’interprétation stricte des exceptions par la Cour, voir, notamment, arrêts du 1er avril 2004, Bellio F.lli (C-286/02, Rec. p. I-3465 point 46); du 23 février 2006, Atzeni e.a. (C-346/03, Rec. p. I-1875 point 79), et du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso (C-307/05, Rec. p. I-7109).

( 46 ) Arrêt du 11 novembre 1999, Söhl & Söhlke (C-48/98, Rec. p. I-7877 point 52); arrêt du Tribunal Bonn Fleisch Ex- und Import/Commission, précité (point 63).

( 47 ) Alexander, S., Zollkodex, op. cit., article 220, point 72, rappelle que l’étendue des enquêtes qui peuvent être menées dans le cadre d’une mission de la Communauté ne dépend que de l’objet de l’enquête et de la tolérance de cette enquête par les autorités du pays tiers en cause. La possibilité éventuelle d’exiger du pays tiers qu’il tolère des missions de la Communauté dans le cadre de l’assistance telle que prévue à l’article 81, paragraphe 1, deuxième tiret, du règlement d’application du CDC ou que la Communauté puisse coopérer à des enquêtes menées par les autorités d’un État tiers en application de l’article 94, paragraphe 6, deuxième phrase, du règlement d’application du CDC ne modifie en rien le fait que les missions communautaires menant leurs propres enquêtes sont à considérer comme ne relevant pas du régime de la coopération administrative. Voir, notamment, les compétences de l’OLAF dans le cadre de l’Union européenne, Weitendorf, S., «Die interne Betrugsbekämpfung in den Europäischen Gemeinschaften durch das Europäische Amt für Betrugsbekämpfung (OLAF)», Europäisches und internationales Integrationsrecht, Tome 15, Hambourg, 2006, p. 243, ainsi que Kuhl, L., «Les pouvoirs d’enquête de l’OLAF», La protection des intérêts financiers de l’Union et le rôle de l’OLAF vis-à-vis de la responsabilité pénale des personnes morales et des chefs d’entreprises et admissibilité mutuelle des preuves, Bruxelles, 2005, p. 90, dans lesquels les auteurs indiquent que, même dans le cadre des contrôles dans les différents États membres, l’OLAF dépend de la coopération pleine et entière des administrations nationales. Ainsi, les enquêtes sur place requièrent-elles l’accord préalable des autorités nationales et un contrôle par ces autorités.

( 48 ) Conformément à l’article 49 de son règlement de procédure, à tout stade de la procédure, le Tribunal, l’avocat général entendu, peut décider de toute mesure d’organisation de la procédure ou d’instruction. Les mesures d’organisation de la procédure visent à assurer, dans les meilleures conditions, la mise en état des affaires, le déroulement des procédures et le règlement des litiges. Il découle d’une jurisprudence constante que c’est au Tribunal qu’il appartient d’apprécier l’utilité des mesures d’instruction aux fins de la solution du litige (arrêts du 22 février 2000, ACAV e.a./Conseil, T-138/98, Rec. p. II-341, point 72, et du 16 mai 2001, Toditec/Commission, T-68/99, Rec. p. II-1443, point 40). Le Tribunal dispose, à cet égard, d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre des limites qui lui sont imposées par le règlement de procédure.

( 49 ) Voir point 105 des présentes conclusions.

( 50 ) Il est constant que, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 225 CE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (voir, en ce sens, Lenaerts, K., Arts D., et Maselis, I., op. cit., p. 457. Ainsi que la Cour l’a jugé à plusieurs reprises, une telle opération de qualification constitue en effet une question de droit qui, comme telle, peut être soumise au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, arrêts du 19 octobre 1995, Rendo e.a./Commission, C-19/93 P, Rec. p. I-3319, point 26; du 29 avril 2004, Parlement/Ripa di Meana e.a.; C-470/00 P, Rec. p. I-4167, point 41, et du 3 mars 2005, Biegi Nahrungsmittel et Commonfood/Commission C-499/03 P, Rec. p. I-1751, point 41).

( 51 ) Point 108 du pourvoi.

( 52 ) Voir point 83 des présentes conclusions.

( 53 ) Voir point 85 des présentes conclusions.

( 54 ) Arrêts du 26 février 1986, Krohn Import-Export/Commission (175/84, Rec. p. 753, point 17); Eyckeler & Malt/Commission (point 165), et Kaufring e.a./Commission, précité (point 257).

( 55 ) Arrêt Kaufring e.a./Commission, précité (point 258).

( 56 ) Cette constatation résulte des dispositions combinées des articles 67, paragraphe 1, et 80, sous a), du règlement d’application du CDC qui se réfèrent à des règles de préférence douanière pour les pays en voie de développement. Voir, également, le tableau des certificats d’origine préférentielle et de libre circulation dans Lux, M., Das Zollrecht der EG, Cologne, 2003, p. 136. Les attestations de régime préférentiel pour des marchandises en provenance de Turquie portent l’abréviation «A.TR» alors que le certificat d’origine «formule A» (formulaire A) est utilisé pour des marchandises originaires de pays en voie de développement, auxquels s’applique le système de préférences généralisées (APS), en tant qu’instrument commercial autonome de la Communauté avec des pays tiers.

( 57 ) Arrêts précités De Haan (point 36), et Hyper/Commission (point 126).

( 58 ) Arrêt Hyper/Commission, précité (point 128).

( 59 ) Point 240 du pourvoi.

( 60 ) Voir point 148 des présentes conclusions.

( 61 ) Au point 254 du pourvoi, la requérante mentionne «le délai de trois ans prévu à l’article 218, paragraphe 3, du CDC» lequel contrairement à ses allégations, n’est cependant pas un délai de prescription. Cette disposition fixe au contraire un délai spécifique dans le cadre duquel il y a lieu de procéder à une prise en compte a posteriori des droits résultant d’une dette douanière. Elle s’applique aux cas de naissance d’une dette douanière dans des conditions autres que celles qui relèvent de la règle générale et, par conséquent, également au recouvrement a posteriori en application de l’article 220 du CDC manifestement visé par la requérante (voir Alexander, S., Zollkodex, op. cit. point 10, article 218, point 6).

( 62 ) Voir, notamment, Galera Rodrigo, S., Derecho aduanero español y comunitario, Madrid, 1995, p. 312; Bleihauer, H. J., Lehrbuch des Europäischen Zollrechts, op. cit. p. 416. Ce dernier auteur considère qu’une prise en compte a posteriori conformément à l’article 220 du CDC faisant suite à une décision (favorable au redevable) de remise ou de remboursement des droits à l’importation en application de l’article 239 du CDC n’entre en ligne de compte que lorsque la dette initiale redevient exigible conformément à l’article 242 du CDC, notamment, parce que c’est à tort que ladite dette douanière a été remise ou que le montant des droits correspondant a été remboursé. Cependant, il est clair que l’on n’est pas en présence d’une telle situation en l’espèce, puisque s’agissant des certificats de circulation des marchandises litigieux, il n’y avait pas eu, avant la décision de la Commission, de décision favorable de remise ou de remboursement conformément à l’article 239 du CDC. On n’est pas non plus en présence de situations dans lesquelles, selon Huchatz, W., Lehrbuch des Europäischen Zollrechts, op. cit. p. 379 et, notamment, 380, il y a lieu de manière générale de procéder à une prise en compte a posteriori telle que prévue à l’article 220 du CDC. Tel serait le cas, d’une part, si le droit en question n’avait pas été pris en compte dans les délais prévus aux articles 218 et 219 du CDC et, d’autre part, si le montant du droit avait été pris en compte pour une somme inférieure au montant dû légalement.

( 63 ) Voir, Alexander, S., Zollkodex, op. cit., avant l’article 220, point 8, qui souligne la différence dans les conditions à remplir, selon qu’il s’agit de cas de remise ou de remboursement en application de l’article 239, paragraphe 1, deuxième tiret, du CDC ou que les autorités renoncent à procéder à une perception a posteriori comme tel est le cas selon l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC. Cette circonstance rend nécessaire la mise en œuvre de procédures parallèles.

( 64 ) Arrêt du 6 juillet 1983, Geist/Commission (117/81, Rec. p. 2191, point 7); arrêts du Tribunal du 18 décembre 1992, Díaz García/Parlement (T-43/90, Rec. p. II-2619, point 54); du 20 septembre 2000, Orthmann/Commission (T-261/97, RecFP p. I-A-181 et II-829, points 33 et 35), ainsi que du 3 décembre 2003, Audi/OHMI (TDI) (T-16/02, Rec. p. II-5167, points 97 et 98).

( 65 ) Voir points 70, 112 à 115 des présentes conclusions.

( 66 ) Points 115 à 117.

( 67 ) Voir points 163 et 169 des présentes conclusions.

( 68 ) Précité.

( 69 ) Arrêts du 5 octobre 1988, Padovani et Mantovani (210/87, Rec. p. 6177, point 6), et du 16 juillet 1992, Belovo (C-187/91, Rec. p. I-4937 point 14).

( 70 ) Arrêts Mecanarte, précité (point 19), et du 14 novembre 2002, Ilumitrónica (C-251/00, Rec. p. I-10433 point 39).

( 71 ) Voir arrêts du 1er avril 1993, Hewlett Packard France (C-250/91, Rec. p. I-1819 point 12); Faroe Seafood e.a., précité (point 84), ainsi que du 19 octobre 2000, Sommer (C-15/99, Rec. p. I-8989 point 35).

( 72 ) Arrêt Hewlett Packard France, précité (point 13); Faroe Seafood e.a., précité (point 83); du 26 novembre 1998, Covita (C-370/96, Rec. p. I-7711 points 25 à 28), et ordonnance du 11 octobre 2001, William Hinton & Sons (C-30/00, Rec. p. I-7511 points 68, 69, 71 et 72).

( 73 ) Voir, en ce sens, également Alexander, S., Zollkodex, op. cit., article 220, points 18 et 65.

( 74 ) Voir arrêts précités Mecanarte (point 23), et Ilumitrónica (point 42); ordonnance du 9 décembre 1999, CPL Imperial 2 et Unifrigo/Commission (C-299/98 P, Rec. p. I-8683, point 32).

( 75 ) De l’avis de la Cour, la notion d’erreur ne se limite pas aux simples erreurs de calcul ou de transcription, mais comprend n’importe quel type d’erreur entachant la décision prise, comme c’est, notamment, le cas d’une interprétation ou d’une application incorrecte des règles de droit applicables (arrêt Mecanarte, précité, point 20).

( 76 ) L’acte prémédité d’un tiers incompétent consiste à cet égard à produire un document non authentique ou à modifier un document déjà existant en vue d’induire en erreur son auteur dans les relations juridiques.

( 77 ) Arrêt Pascoal & Filhos, précité (points 59 et suiv.). Sack, J., op. cit., tome I, C.II, point 79, p. 26, souligne que, s’agissant du recouvrement a posteriori, il ne peut être accordé aucune confiance aux documents ayant le caractère d’un faux ou falsifiés au motif que sinon il ne serait jamais possible de procéder à un recouvrement a posteriori dans ces cas et la tentation d’utiliser de tels documents serait extrêmement augmentée. Il renvoie également à l’article 904, sous c), du règlement d’application du CDC.

( 78 ) Ordonnance CPL Imperial 2 et Unifrigo/Commission, précitée (points 37 et suiv.); arrêt du Tribunal du 9 juin 1998, Unifrigo et CPL Imperial 2/Commission (T-10/97 et T-11/97, Rec. p. II-2231, points 62 et suiv.).

( 79 ) Arrêt Van Gend & Loos et Expeditiebedrijf Bosman/Commission, précité (points 16 et 17). Selon Dolfen, M., «Nacherhebung, Erstattung und Erlass von Abgaben nach dem neuen Zollkodex», Europäische Zeitschrift für Wirtschaftsrecht, Cahier 24, 1993, p. 759, seul le redevable supporte le risque qu’un document commercial concernant notamment l’origine des marchandises se révèle être un faux lors d’un contrôle ultérieur.

( 80 ) Le montant de la dette douanière imposée à la requérante dépend de l’importance économique des marchandises, en particulier du montant des droits et des taxes qui grèvent ces marchandises. Le fait que le montant exigé des droits à l’importation peut être élevé relève de la catégorie des risques professionnels auxquels s’expose un opérateur économique (voir, en ce sens, arrêt Faroe Seafood e.a., précité, point 115). L’importance de la dette dont la remise est demandée n’est pas, en elle-même, un élément de nature à moduler l’appréciation des conditions auxquelles est subordonnée cette remise (arrêt du Tribunal du 13 septembre 2005, Ricosmos/Commission, T-53/02, Rec. p. II-3173, point 161).

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