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Document 62007CC0203

Conclusions de l'avocat général Mazák présentées le 8 mai 2008.
République hellénique contre Commission des Communautés européennes.
Pourvoi - Projet de création d’une représentation diplomatique commune à Abouja (Nigeria) - Remboursement de sommes dues par la République hellénique - Compensation sur le montant à verser par la Commission pour le programme opérationnel régional de la Grèce continentale.
Affaire C-203/07 P.

Recueil de jurisprudence 2008 I-08161

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2008:270

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JÁN MAZÁK

présentées le 8 mai 2008 ( 1 )

Affaire C-203/07 P

République hellénique

contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvoi — Projet de création d’une représentation diplomatique commune à Abouja (Nigeria) — Remboursement de sommes dues par la République hellénique — Compensation sur le montant à verser par la Commission pour le programme opérationnel régional de la Grèce continentale»

1. 

Par le présent pourvoi, la République hellénique demande à la Cour d’annuler l’arrêt rendu le 17 janvier 2007 par le Tribunal de première instance des Communautés européennes (première chambre) dans l’affaire Grèce/Commission ( 2 ) (ci-après l’«arrêt attaqué»), dans la mesure où il a conclu à tort que des obligations financières étaient nées à la charge de la République hellénique du fait qu’elle avait signé et ratifié un mémorandum d’entente initial conclu entre la Commission des Communautés européennes et des États membres et qu’elle avait signé un mémorandum d’entente complémentaire, ainsi que du fait du comportement qu’elle avait adopté.

2. 

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté comme non fondé un recours en annulation dirigé contre l’acte par lequel la Commission a procédé au recouvrement par compensation de sommes dues par la République hellénique en conséquence de sa participation aux projets Abuja I et II, visant à la création d’une mission diplomatique commune à Abuja (Nigeria) pour la Commission et un certain nombre d’États membres de l’Union européenne.

I — Cadre juridique

A — Droit communautaire

3.

L’article 58 du statut de la Cour de justice dispose ce qui suit:

«Le pourvoi devant la Cour est limité aux questions de droit. Il peut être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal, d’irrégularités de procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ainsi que de la violation du droit communautaire par le Tribunal. […]»

4.

L’article 71 du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes ( 3 ) (ci-après le «règlement financier»), dispose ce qui suit:

«1.   La constatation d’une créance est l’acte par lequel l’ordonnateur délégué ou subdélégué:

a)

vérifie l’existence des dettes du débiteur;

b)

détermine ou vérifie la réalité et le montant de la dette;

c)

vérifie les conditions d’exigibilité de la dette.

2.   Les ressources propres mises à la disposition de la Commission ainsi que toute créance identifiée comme certaine, liquide et exigible doivent être constatées par un ordre de recouvrement donné au comptable, suivi d’une note de débit adressée au débiteur, tous deux établis par l’ordonnateur compétent. […]»

5.

L’article 72, paragraphe 1, du règlement financier dispose ce qui suit:

«L’ordonnancement des recouvrements est l’acte par lequel l’ordonnateur délégué ou subdélégué compétent donne au comptable, par l’émission d’un ordre de recouvrement, l’instruction de recouvrer une créance qu’il a constatée. […]»

6.

L’article 73 du règlement financier dispose ce qui suit:

«1.   Le comptable prend en charge les ordres de recouvrement des créances dûment établis par l’ordonnateur compétent. Il est tenu de faire diligence en vue d’assurer la rentrée des recettes des Communautés et doit veiller à la conservation des droits de celles-ci.

Le comptable procède au recouvrement par compensation et à due concurrence des créances des Communautés à l’égard de tout débiteur lui-même titulaire d’une créance certaine, liquide et exigible à l’égard des Communautés. […]»

7.

L’article 78 du règlement (CE, Euratom) no 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement no 1605/2002 ( 4 ) (ci-après le «règlement d’exécution»), dispose ce qui suit:

«Procédure

1.   La constatation d’une créance par l’ordonnateur est la reconnaissance du droit des Communautés sur un débiteur et l’établissement du titre à exiger de ce débiteur le paiement de sa dette.

2.   L’ordre de recouvrement est l’opération par laquelle l’ordonnateur compétent donne instruction au comptable de recouvrer la créance constatée.

3   La note de débit est l’information donnée au débiteur que:

a)

les Communautés ont constaté cette créance;

b)

le paiement de sa dette envers les Communautés est dû pour une certaine date (ci-après ‘date d’échéance’);

c)

à défaut de paiement à la date d’échéance, sa dette porte intérêts au taux visé à l’article 86, sans préjudice des dispositions réglementaires spécifiques applicables;

d)

dans tous les cas où cela est possible, l’institution procédera au recouvrement par compensation après information du débiteur;

e)

à défaut de paiement à la date d’échéance, l’institution procède au recouvrement par l’exécution de toute garantie préalable;

f)

si, à l’issue des étapes qui précèdent, le recouvrement intégral n’a pu être obtenu, l’institution procède au recouvrement par l’exécution forcée du titre obtenu, soit conformément à l’article 72, paragraphe 2, du règlement financier, soit par la voie contentieuse.

La note de débit est envoyée par l’ordonnateur au débiteur, avec copie au comptable.»

8.

L’article 79 du règlement d’exécution dispose ce qui suit:

«Constatation de créances

Pour constater une créance, l’ordonnateur compétent s’assure:

a)

du caractère certain de la créance, qui ne doit pas être affectée d’une condition;

b)

du caractère liquide de la créance, dont le montant doit être déterminé en argent et avec exactitude;

c)

du caractère exigible de la créance, qui ne doit pas être soumise à un terme;

d)

de l’exactitude de la désignation du débiteur;

e)

de l’exactitude de l’imputation budgétaire des montants à recouvrer;

f)

de la régularité des pièces justificatives, et

g)

de la conformité avec le principe de bonne gestion financière […]»

9.

L’article 83 du règlement d’exécution dispose ce qui suit:

«Recouvrement par compensation

À tout moment de la procédure, le comptable, après information de l’ordonnateur compétent et du débiteur, procède au recouvrement par compensation de la créance constatée dans le cas où le débiteur est également titulaire vis-à-vis des Communautés d’une créance certaine, liquide et exigible ayant pour objet une somme d’argent constatée par un ordre de paiement.»

B — Droit international

10.

L’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités ( 5 ) dispose ce qui suit:

«Règle générale d’interprétation

1.   Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.

2.   Aux fins de l’interprétation d’un traité, le contexte comprend, outre le texte, préambule et annexes inclus:

a)

tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l’occasion de la conclusion du traité;

b)

tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l’occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu’instrument ayant rapport au traité.

3.   Il sera tenu compte, en même temps que du contexte:

a)

de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l’interprétation du traité ou de l’application de ses dispositions;

b)

de toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité par laquelle est établi l’accord des parties à l’égard de l’interprétation du traité;

c)

de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties.

4.   Un terme sera entendu dans un sens particulier s’il est établi que telle était l’intention des parties.»

II — Faits et contexte de l’arrêt attaqué

11.

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a résumé comme suit les faits du recours dont il était saisi:

«7

À la suite du transfert de la capitale du Nigeria de Lagos à Abuja, la Commission louait, depuis 1993, un bâtiment à Abuja destiné à abriter sa délégation ainsi que, provisoirement, les représentations de certains États membres, dont la République hellénique. Dans le cadre d’un arrangement avec ces États membres (ci-après le ‘projet Abuja I’), la Commission sous-louait certains bureaux et fournissait certains services aux représentations en cause. Les États membres se sont mis d’accord sur la répartition des coûts attachés à leurs représentations. La contribution de la République hellénique s’élevait à 5,5 % des coûts totaux. Estimant que la République hellénique n’avait pas payé ses dettes à cet égard, la Commission, en 2004, a procédé au recouvrement par voie de compensation des sommes correspondantes (voir point 44 ci-après).

8

Le 18 avril 1994, le Royaume de Belgique, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, l’Irlande, la République italienne, le Royaume des Pays-Bas, la République portugaise et la Commission (ci-après les ‘partenaires’), sur la base de l’article J.6 du traité sur l’Union européenne (devenu, après modification, article 20 UE), ont conclu un mémorandum d’entente (ci-après le ‘mémorandum initial’) concernant la construction, pour leurs missions diplomatiques à Abuja, d’un complexe commun d’ambassades utilisant des services auxiliaires communs (ci-après le ‘projet Abuja II’). Le mémorandum initial a été complété, à la suite de l’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède, par un protocole d’adhésion.

9

L’article 1er du mémorandum initial prévoit que les ambassades des États membres et la délégation de la Commission sont des missions diplomatiques distinctes, soumises à la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, du 18 avril 1961, et, en ce qui concerne les États membres, également à la convention de Vienne sur les relations consulaires, du 24 avril 1963.

10

L’article 10 du mémorandum initial indiquait que la Commission agit, en tant que coordinatrice du projet Abuja II, ‘de la part’ des autres partenaires.

11

Selon l’article 11 du mémorandum initial, la Commission est responsable de l’exécution des études d’architecture quant à la faisabilité du projet Abuja II, l’estimation initiale des coûts et les phases de la conception. Cet article prévoit également la conclusion d’un mémorandum d’entente complémentaire portant sur ‘la conception détaillée du bâtiment, la répartition des coûts et les droits sur les locaux revenant à chaque partenaire participant après achèvement du projet [Abuja II]’ (ci-après le ‘mémorandum complémentaire’). Enfin, l’article 11 institue un comité directeur permanent, composé des représentants de tous les partenaires et présidé par la Commission, pour coordonner et contrôler le projet Abuja II. Le comité directeur permanent soumet des rapports périodiques au groupe de travail ‘Affaires administratives’ institué auprès du Conseil dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) (ci-après le ‘groupe affaires administratives PESC’).

12

L’article 12 du mémorandum initial se lit comme suit:

‘Le projet [Abuja II] sera directement financé, après approbation du [mémorandum complémentaire] visé à l’article 11, par des contributions des partenaires correspondant à la part du projet allouée à chaque partenaire. La contribution de la Commission sera imputée à la ligne budgétaire appropriée.

Le coût des travaux préparatoires (“phase 1”) sera imputé aux crédits de fonctionnement du budget de la Commission. Son montant est estimé à 140000 écus. Si le projet [Abuja II] est réalisé, ce coût sera remboursé par des contributions de tous les partenaires en fonction de leur part au projet.’

13

L’article 13 du mémorandum initial stipule:

‘Tous les partenaires garantissent, après approbation du [mémorandum complémentaire], la couverture intégrale des coûts qui leur incombent. Le montant total dû par chaque partenaire comprend:

a)

le coût total de sa superficie propre et

b)

sa part au coût des zones communes et publiques, calculée proportionnellement au rapport entre sa superficie propre et le total des zones non communes.’

14

L’article 14 du mémorandum initial prévoit que la Commission, avec l’accord et la participation des États participants, règle les sommes dues aux tiers (contractants).

15

L’article 15, paragraphe 1, du mémorandum initial stipule:

‘Si l’un des partenaires décide de se retirer du projet [Abuja II] en ne signant pas le [mémorandum complémentaire] visé à l’article 11, les termes du présent mémorandum d’entente, y compris les obligations financières visées aux articles 12 et 13, cessent de s’appliquer au partenaire qui se retire.’

16

Le 29 mars 1995, la Communauté, représentée par la Commission, a conclu un premier contrat avec une entreprise commune formée, d’une part, par Dissing & Weitling arkitektfirma A/S, titulaire d’un concours d’architecture organisé par la Commission pour le projet Abuja II et, d’autre part, par COWIconsult Consulting Engineers and Planners A/S (ci-après les ‘consultants’). Selon l’article 1er de ce contrat, la Commission confirme l’intention des partenaires de conclure un ‘contrat final’ avec les consultants. Selon l’article 2, les consultants s’engagent à préparer le projet en cause. Le coût de cette préparation s’élevait à 212547,59 euros.

17

Lors des réunions entre les représentants des services compétents des ministères des Affaires étrangères des États membres concernés et les architectes de Dissing & Weitling arkitektfirma, les besoins réels de la représentation de chaque État membre et la part de dépenses revenant à chacun d’entre eux ont été déterminés.

18

Le 26 octobre 1995, le sous-groupe de travail ‘Affaires immobilières’ institué dans le cadre de la PESC s’est réuni. Il ressort du procès-verbal de la réunion que le sous-groupe a invité la Commission:

‘[…]

à terminer la phase [de conception de base];

à prendre les arrangements nécessaires avec le bureau d’architectes pour faire établir les [plans de la phase de conception intermédiaire] dans les délais prévus par le [comité directeur permanent];

à conclure les contrats [relatifs à l’étude des sols et à l’exploration du site], ce dernier [contrat] étant indispensable pour la rédaction du mémorandum complémentaire;

ainsi qu’à avancer les frais liés à ces étapes’.

19

Le sous-groupe a confirmé que ‘les montants versés par la Commission [seraient] considérés comme avance de sa part au fond ad hoc autonome, qui a été préalablement retenu comme formule appropriée pour le financement du projet [Abuja II]’ et que, ‘[e]n cas de non-réalisation du projet, les autres partenaires [rembourseraient] la Commission selon les modalités agréées pour les phases précédentes’.

20

Le 24 novembre 1995, le comité directeur permanent (voir point 11 ci-dessus) s’est réuni. Le procès-verbal de cette réunion mentionne qu’un contrat ‘d’assistance technique’ avec les consultants, d’un montant de 2676369 euros (ci-après le ‘contrat principal’), a été soumis à l’approbation de la commission consultative des achats et des marchés de la Commission (CCAM). Il est également mentionné que, ‘en cas de non-réalisation du projet, les autres partenaires rembourseront la Commission’.

21

Le 27 décembre 1995, la Commission a conclu le contrat principal. Celui-ci concernait la conception de base et la phase intermédiaire du projet Abuja II (articles 4.4 et 4.5), ainsi que d’éventuels plans détaillés (article 4.6).

22

Le 19 septembre 1996, le groupe affaires administratives PESC a approuvé la conception intermédiaire.

23

Le 21 novembre 1996, le groupe affaires administratives PESC a invité la Commission à prendre les mesures ad hoc afin que les architectes commencent l’élaboration des plans détaillés. Le groupe a indiqué que le contrat formel pour cette phase serait conclu après la finalisation du mémorandum complémentaire. Lors de cette réunion, la Commission a indiqué au groupe susmentionné le montant des dépenses dont elle avait fait l’avance jusqu’au 15 novembre 1996 pour la préparation du projet Abuja II, à savoir environ 2,8 millions d’euros.

24

Le 24 février 1997, ce même groupe s’est réuni et a décidé de ne pas attendre la finalisation du mémorandum complémentaire pour élaborer des plans détaillés et les documents contractuels. Le procès-verbal de cette réunion comporte les résolutions suivantes:

‘La Commission est invitée à prendre les arrangements nécessaires avec les architectes pour l’élaboration des documents et à avancer les fonds nécessaires à ces travaux selon les modalités convenues pour le projet. Comme dans des cas précédents, les avances ainsi payées par la Commission seront remboursées ultérieurement par les autres participants selon les procédures prévues à cet effet dans [le mémorandum initial].’

25

Dans les mois qui ont suivi, plusieurs États membres se sont retirés du projet Abuja II. Le 28 avril 1997, le groupe affaires administratives PESC a chargé la Commission de prendre ‘des arrangements bilatéraux avec le Royaume de Danemark pour le remboursement de la part qui lui rev[enait] dans les frais du projet engagés par la Commission pour le compte des partenaires’. Une décision similaire a été prise après le retrait de l’Irlande en septembre 1997, ainsi que de la République portugaise, de la République de Finlande et du Royaume de Suède.

26

Le 12 novembre 1997, la Commission a conclu avec les architectes un avenant au contrat principal, ayant pour objet la réalisation de plans détaillés et la prise en charge de frais de déplacement, pour un montant de 1895696 euros.

27

Le 18 juin 1998, le groupe affaires administratives PESC a mentionné l’éventualité d’un retrait du Royaume de Belgique du projet Abuja II. Il ressort du procès-verbal de cette réunion que le comité directeur permanent a fait observer que le Royaume de Belgique payerait sa partie des coûts tels que fixés après l’approbation de la conception intermédiaire.

28

Le 10 juin 1998, un ordre de paiement d’un montant de 153367,70 euros, correspondant à la part de la République hellénique dans la phase initiale du projet, à savoir 5,06 % des coûts totaux, a été adressé par la Commission à la République hellénique. Le délai de paiement avait été fixé au 31 décembre 1998.

29

Le 9 décembre 1998, le mémorandum complémentaire a été signé par la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, la République française, la République italienne, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche et la Commission. L’article 11 du mémorandum complémentaire prévoit la création d’un fonds pour le financement du projet.

30

Conformément à son article 14, le mémorandum complémentaire s’applique provisoirement à compter du premier jour du deuxième mois suivant sa signature et entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date à laquelle les États membres et la Commission déclarent qu’ils l’ont ratifié.

31

Le 28 avril 1999, la Commission a lancé un appel d’offres pour la construction des ambassades des États membres concernés, ainsi que de la délégation de la Communauté (JO 1999, S 82). Il y était mentionné que l’ambassade de la République hellénique aurait une superficie de 677 m2.

32

Le 3 septembre 1999, la Commission a ‘réitéré’ son appel de 1998 auprès du groupe affaires administratives PESC afin que les États membres lui remboursent les sommes qu’elle avait payées aux consultants pour la phase de conception intermédiaire. Elle a indiqué que certains États membres avaient déjà payé les montants dus, mais que d’autres, dont la République hellénique, ne l’avaient pas remboursée avant l’échéance du 31 décembre 1998. La Commission a ajouté qu’un autre ordre de paiement serait adressé aux partenaires concernant, d’une part, les coûts des plans détaillés et, d’autre part, les coûts du remaniement entraîné par les retraits du Royaume de Belgique, du Royaume d’Espagne et de la République portugaise.

33

Le 20 septembre 1999, le comité directeur permanent s’est réuni en vue de la présélection des sociétés de construction. Le représentant de la République hellénique a signé le procès-verbal de la réunion. Un appel d’offres pour le suivi de la construction a été publié dans le Journal officiel S 54 du 17 mars 2000.

34

Par ordre de paiement du 17 février 2000, la Commission a demandé à la République hellénique de payer une somme de 168716,94 euros pour l’établissement du dossier d’appel d’offres relatif aux plans détaillés.

35

Le 22 juin 2000, le comité directeur permanent a décidé d’adopter une nouvelle approche du projet (ci-après le projet ‘Abuja II réduit’), rendue nécessaire par le retrait de la République française. Le projet Abuja II réduit prévoyait en particulier la suppression des bâtiments et des services auxiliaires communs, ainsi qu’une réduction de superficie. Le représentant de la République hellénique à cette réunion a marqué son accord sur le projet, sous réserve toutefois de l’approbation de ses supérieurs. Le 29 juin, la Commission a adressé le procès-verbal de la réunion du 22 juin 2000 à la République hellénique et l’a invitée à donner une réponse formelle en ce qui concerne le projet Abuja II réduit.

36

Le 5 septembre 2000, la Commission a réitéré sa demande aux représentants de la République hellénique. Après un nouveau rappel en date du 14 septembre 2000, la Commission a, le 25 septembre 2000, adressé à la République hellénique une lettre par télécopie, assortie d’un délai de réponse fixé au 30 septembre 2000, en indiquant que son silence serait interprété comme un retrait du projet. Le 2 octobre 2000, les autorités grecques ont informé la Commission qu’elles n’étaient pas en mesure de donner de réponse concernant le projet Abuja II réduit. En conséquence, la Commission a répondu, à la même date, qu’elle avait chargé les architectes de procéder au remaniement du projet Abuja II réduit en excluant la République hellénique.

37

Par lettre du 28 janvier 2002, la Commission a envoyé une note de débit de 1276484,50 euros à la République hellénique concernant des coûts de construction relatifs au projet Abuja II. La Commission a par la suite annulé cette note de débit.

38

Après avoir établi sa propre ambassade à Abuja, la République hellénique a quitté les locaux provisoires qu’elle occupait dans le cadre du projet Abuja I le 13 juillet 2002.

39

Par lettre du 11 octobre 2002, la Commission a formellement notifié à la République hellénique les notes de débit non acquittées concernant les projets Abuja I et Abuja II et l’a invitée à payer un montant total de 861813,87 euros et de 11000 dollars des États-Unis (USD).

40

À la suite de négociations entre les parties, la Commission a rappelé à la République hellénique, par lettre du 31 janvier 2003, que cette dernière n’avait pas payé ses dettes relatives aux projets Abuja I et Abuja II et l’a invitée à payer une somme totale de 516374,96 euros et de 12684,89 USD avant la fin du mois de février 2003. La Commission a ajouté que, à défaut de paiement à la date d’échéance, elle procéderait au recouvrement des sommes en cause en utilisant toutes les voies juridiques disponibles.

41

Au cours des mois suivants, la République hellénique et la Commission ont discuté du montant des sommes dues.

42

Le 29 décembre 2003, la République hellénique a envoyé à son représentant permanent auprès de l’Union européenne une lettre rédigée comme suit:

‘Étant donné que la Commission européenne maintient sa position quant à la dette de notre pays pour le projet Abuja II en appliquant la procédure de compensation, nous vous prions de poursuivre la procédure et de nous faire savoir si et dans quelle mesure elle a été mise en œuvre, afin que la République hellénique puisse examiner dans quelle mesure elle entend former un recours contre la Commission européenne.

En ce qui concerne le projet Abuja I, nous rappelons que nous avons admis notre dette jusqu’en mai 2002, alors que le montant réclamé par la Commission couvre la période allant jusqu’en juillet 2002 ainsi qu’au-delà de cette date. Étant donné que nous avons l’intention d’acquitter notre dette précitée, nous vous prions de prendre contact avec les services financiers compétents de la Commission afin de vérifier les éléments du montant total exact de notre dette en euros jusqu’en mai 2002.’

43

Le 16 février 2004, la Commission a envoyé à la République hellénique une lettre identifiant les dettes de cette dernière non encore régularisées en ce qui concerne les projets Abuja I et Abuja II. Il ressort du tableau joint à cette lettre mentionnant, notamment, onze notes de débit non acquittées relatives aux projets Abuja I et Abuja II, que la Commission demandait à la République hellénique de payer 565656,80 euros. Dans cette lettre, la Commission a précisé:

‘[La République hellénique a] transmis à la Commission la créance suivante: […]

2000GR161PO005OBJ 1 GRÈCE CONTINENTALE — Interim payement — 4774562,67 euros.

En application des conditions de paiement telles qu’elles ont été fixées par [l’article 73, paragraphe 1, second alinéa, du règlement financier], la Commission procédera à la compensation des dettes et créances en tenant également compte, le cas échéant, des intérêts de retard.

Dans le cas où les créances que vous avez communiquées dépassent les montants compensés, le solde net auquel vous avez droit vous sera versé dans les meilleurs délais […].’

44

Le 10 mars 2004, la Commission a versé des fonds à la République hellénique dans le cadre du programme opérationnel régional de la Grèce continentale. Or, au lieu de payer un montant de 4774562,67 euros (voir point 43 ci-dessus), la Commission a seulement versé 3121243,03 euros. Elle a ainsi procédé au recouvrement par compensation du solde non encore régularisé par la République hellénique, dont 565656,80 euros en ce qui concerne les projets Abuja I et Abuja II (ci-après l’‘acte attaqué’).»

III — Procédure devant le Tribunal et arrêt attaqué

12.

Contre l’acte de compensation, la République hellénique a engagé devant la Cour une action qui a été ensuite renvoyée au Tribunal et inscrite en tant qu’affaire T-231/04. Dans la procédure devant le Tribunal, la République hellénique a invoqué un moyen de droit unique, tiré de la violation des mémorandums d’entente initial et complémentaire ainsi que des dispositions du règlement financier et du règlement d’exécution.

13.

Par la première branche de ce moyen, la République hellénique a invoqué une violation des mémorandums initial et complémentaire.

14.

À titre liminaire, le Tribunal a examiné le point de savoir s’il avait compétence pour connaître du recours, étant donné que l’une des sommes ayant fait l’objet de la compensation relevait du titre V du traité UE, dans le cadre duquel la Cour n’a aucune compétence, dans la mesure où celle-ci n’est pas prévue à l’article 46 UE. Cependant, puisque la Commission a procédé au recouvrement des sommes litigieuses par la voie d’un acte adopté sur la base du règlement financier et du règlement d’exécution, le Tribunal en a conclu que l’acte de compensation relevait du domaine du droit communautaire et, par conséquent, était susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation introduit conformément à l’article 230 CE. Le Tribunal a donc considéré qu’il était compétent pour connaître du recours.

15.

Le Tribunal a ensuite examiné la responsabilité financière de la République hellénique pour les projets Abuja I et Abuja II.

16.

S’agissant du projet Abuja I, la République hellénique avait admis sa responsabilité pour les frais de loyer et les frais de fonctionnement, mais elle contestait sa responsabilité pour la somme totale de 72714,47 euros que la Commission avait mise à sa charge. Le Tribunal a considéré que la République hellénique n’avait pas prouvé que la Commission avait fait une erreur quant au montant dû. En outre, la République hellénique n’avait pas contesté les nombreuses notes de débit qu’elle avait reçues et elle n’avait pas expliqué pourquoi elle estimait ne pas être redevable de la différence entre le montant qu’elle admettait et celui demandé par la Commission. Par conséquent, l’argument par lequel la République hellénique niait sa responsabilité pour les dettes relatives au projet Abuja I ne pouvait être retenu.

17.

En ce qui concerne le projet Abuja II, le Tribunal a fait observer que, pendant plus de six ans — du 18 avril 1994 au 30 septembre 2000 —, la République hellénique a, par son comportement, laissé entendre aux autres partenaires qu’elle maintenait sa participation au projet Abuja II. Après la signature du mémorandum complémentaire en décembre 1998, elle a encore participé audit projet pendant presque deux ans.

18.

Le Tribunal en a déduit que l’appréciation des obligations de la République hellénique ne pouvait être limitée aux mémorandums initial et complémentaire, mais devait également prendre en compte les attentes que cet État membre avait suscitées par son comportement chez ses partenaires.

19.

À cet égard, le Tribunal a indiqué que le principe de bonne foi était une règle du droit international coutumier, qui s’imposait à la Communauté ainsi qu’aux autres partenaires et qui était le «corollaire, en droit international public, du principe de protection de la confiance légitime».

20.

Le Tribunal a noté, ensuite, que, puisque la République hellénique avait signé le mémorandum initial, qu’elle avait également ratifié, elle était l’un des partenaires du projet Abuja II et, en cette qualité, elle avait certaines obligations accrues de coopération et de solidarité vis-à-vis des autres participants.

21.

Le Tribunal a observé que le mémorandum initial concernait les phases préliminaires du projet Abuja II et que, une fois cette phase achevée, les partenaires avaient décidé de poursuivre le projet et de supporter les dépenses relatives à la conception détaillée du bâtiment, avant la signature du mémorandum complémentaire. En effet, lors d’une réunion qui s’est tenue le 24 février 1997, à laquelle ont participé deux représentants de la République hellénique, les partenaires ont autorisé la Commission à prendre les arrangements nécessaires avec les architectes pour élaborer des plans détaillés sans attendre le mémorandum complémentaire. Le Tribunal a constaté que, ce faisant, les partenaires étaient allés au-delà des phases préliminaires, concluant ainsi nécessairement un accord implicite visant à la réalisation du projet. Les partenaires ayant décidé lors de la réunion du 24 février 1997 de réaliser le projet, ils n’étaient plus libres — selon le Tribunal — de se retirer du projet sans rembourser leur part des dépenses préliminaires et des dépenses ultérieures.

22.

Le Tribunal a, ensuite, fait observer que, bien que certains États membres se soient retirés du projet par la suite, la République hellénique n’avait adopté aucun comportement susceptible de créer un doute sur sa participation et que, le 9 décembre 1998, elle avait signé le mémorandum complémentaire avec les autres partenaires qui ne s’étaient pas retirés du projet. Le Tribunal a noté que c’était seulement durant l’été 2000 que la République hellénique avait, pour la première fois, manifesté une réticence quant à la poursuite de sa participation.

23.

Selon le Tribunal, il est constant que la République hellénique était en droit de se retirer du projet, mais que, au vu de l’évolution des engagements depuis la phase initiale et en dépit de la non-ratification du mémorandum complémentaire, elle ne pouvait pas se retirer sans être tenue pour responsable des dépenses liées à sa participation dans le projet Abuja II.

24.

Par ailleurs, le Tribunal a considéré que les obligations financières de la République hellénique découlaient également des termes du mémorandum initial, en particulier de son article 15, paragraphe 1. En vertu de cette disposition, un État peut échapper aux obligations financières relevant du projet en ne signant pas le mémorandum complémentaire. Cependant, le Tribunal a estimé que, lorsqu’un État a signé le mémorandum complémentaire (comme dans le cas de la République hellénique), l’inverse est également vrai.

25.

Quant à l’argument selon lequel la ratification du mémorandum complémentaire constitue une condition nécessaire à son entrée en vigueur, le Tribunal a considéré que, en vertu de l’article 14 du mémorandum complémentaire, ce dernier s’appliquait provisoirement à la République hellénique à partir du 1er février 1999 et jusqu’en octobre 2000. Selon le Tribunal, cela impliquait que la République hellénique ne pouvait méconnaître cette application provisoire en invoquant le fait qu’elle n’avait pas ratifié le mémorandum complémentaire.

26.

Enfin, en ce qui concerne l’argument de la République hellénique selon lequel l’augmentation du coût du projet pouvait être considérée comme un «changement fondamental de circonstances» qui pourrait la libérer de ses obligations financières, le Tribunal a indiqué que, s’agissant d’un projet de construction d’un bâtiment, l’augmentation du coût d’un projet ne pouvait pas être considérée comme un «changement fondamental de circonstances». En outre, la République hellénique avait accepté l’augmentation du coût du projet, connue depuis les origines du projet Abuja II, et elle n’avait soulevé aucune objection lorsque sa part dans le projet avait été augmentée à la suite du retrait de plusieurs États membres entre 1997 et 1999.

27.

Pour tous ces motifs, le Tribunal a estimé que la République hellénique devait être tenue pour responsable de toutes les dépenses relevant de sa participation dans le projet Abuja II.

28.

Le Tribunal a donc rejeté la première branche du moyen comme non fondée.

29.

Par la seconde branche de son moyen unique, la République hellénique a invoqué une violation du règlement financier et du règlement d’exécution.

30.

Quant à l’affirmation de la République hellénique selon laquelle une incertitude entourait manifestement le montant et la justification des sommes réclamées, tant pour le projet Abuja I que pour le projet Abuja II, le Tribunal a souligné qu’une compensation en vertu de l’article 73, paragraphe 1, du règlement financier n’était pas exclue lorsque l’une des dettes était contestée ou lorsqu’il y avait eu des négociations entre la Commission et le débiteur concernant ces dettes, puisque, dans le cas contraire, le débiteur pourrait retarder indéfiniment la récupération d’une dette.

31.

Le Tribunal a considéré que, bien qu’une incertitude ait pu exister en 2002 en ce qui concerne les créances, la Commission est parvenue, à la suite de communications entre les parties et d’un nouvel examen du dossier, à une conclusion certaine en ce qui concerne les montants dus en 2004 lorsqu’elle a procédé au recouvrement.

32.

De plus, le Tribunal a indiqué que la République hellénique n’avait apporté aucun élément tendant à démontrer que la Commission n’avait pas suivi la procédure prévue par les règlements en cause ou qu’elle n’était pas en droit de conclure que la créance était «certaine, liquide et exigible». Les conditions prévues pour un recouvrement par compensation étaient, donc, remplies à la date de l’acte attaqué.

33.

Enfin, le Tribunal a écarté l’affirmation de la République hellénique selon laquelle la Commission n’était pas habilitée à procéder au recouvrement par compensation au motif que les créances en cause étaient détenues par les partenaires, et non par la Communauté, et que la compensation ne visait donc pas la protection des intérêts financiers des Communautés, objectif qui est celui des règlements susmentionnés. Le Tribunal a considéré, au contraire, que les créances en cause étaient celles de la Communauté parce que la Commission agissait en tant que mandataire des partenaires participant aux projets Abuja I et II.

34.

Le Tribunal a donc rejeté la seconde branche du moyen unique comme non fondée.

IV — Conclusions présentées devant la Cour

35.

La République hellénique conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

déclarer le présent pourvoi recevable;

annuler l’arrêt du Tribunal dans la mesure où il est contesté;

faire droit à la demande conformément aux conclusions formulées;

condamner la Commission aux dépens.

36.

La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

déclarer le pourvoi irrecevable;

à titre subsidiaire, déclarer le pourvoi manifestement non fondé et le rejeter dans son intégralité;

en tout cas, condamner la requérante au pourvoi aux dépens.

V — Le pourvoi

A — Moyens de pourvoi

1. Premier moyen de pourvoi

37.

La République hellénique affirme que le Tribunal a interprété erronément les articles 12, 13 et 15 du mémorandum initial, l’article 14 du mémorandum complémentaire et les principes de bonne foi et de protection de la confiance légitime.

38.

La République hellénique soutient que le Tribunal a considéré à tort les obligations des États membres liées au projet Abuja II comme déterminées par le comportement de chaque État membre, plutôt que comme des obligations de nature purement contractuelle déterminées par les dispositions de ces deux mémorandums. Si, cependant, on interprète correctement les articles 12, 13 et 15 du mémorandum initial et l’article 14 du mémorandum complémentaire, il y a lieu d’admettre qu’aucune obligation financière n’est née à la charge de la République hellénique, puisqu’elle s’est bornée à signer le mémorandum complémentaire et ne l’a pas ratifié. Par conséquent, la République hellénique n’a pas approuvé ce mémorandum et, donc, les conditions auxquelles était subordonnée la naissance d’obligations financières n’étaient pas remplies dans le cas de cet État membre.

39.

La République hellénique affirme que le principe de bonne foi n’est pertinent que pour déterminer si un État membre a participé au projet Abuja II et non pour déterminer les obligations découlant de cette participation. Ces obligations doivent être déterminées exclusivement sur la base des dispositions contractuelles, le comportement de l’État membre étant dénué de pertinence à cet égard.

40.

Sur ce point, la République hellénique soutient que le Tribunal a interprété erronément l’article 13 du mémorandum initial, qui «après approbation du [mémorandum complémentaire]» exige le «paiement de la totalité des frais les concernant» par les États membres. La simple application provisoire du mémorandum complémentaire ne suffit pas à faire naître les obligations financières prévues aux articles 12 et 13 du mémorandum initial, qui exigent l’approbation du mémorandum complémentaire.

41.

Le Tribunal a aussi interprété erronément l’article 14 du mémorandum complémentaire, qui indiquait clairement qu’il était nécessaire que ce dernier soit approuvé par ratification pour qu’il entre en vigueur et, donc, pour que des obligations financières naissent à la charge des États membres participants.

2. Second moyen de pourvoi

42.

La République hellénique affirme que le Tribunal a interprété erronément l’article 15 du mémorandum initial, lorsqu’il a considéré que, avant la signature du mémorandum complémentaire, les partenaires avaient conclu, le 24 février 1997, un accord implicite prévoyant la mise en œuvre du projet et que l’article 15, paragraphe 1, du mémorandum initial avait été ainsi abrogé ou, au moins, modifié.

B — Recevabilité

1. Premier moyen d’irrecevabilité

43.

La Commission affirme que le pourvoi est irrecevable au motif qu’il est fondé sur l’interprétation de mémorandums d’entente qui ne font pas partie du droit communautaire. Le pourvoi n’est donc basé sur aucun des motifs énumérés à l’article 58 du statut de la Cour de justice comme constituant une base possible pour un pourvoi.

44.

L’article 58 de ce statut prévoit que le pourvoi devant la Cour est limité aux questions de droit. Cette disposition est comprise comme limitant la compétence de la Cour, au stade du pourvoi, à un contrôle de légalité de la décision du Tribunal.

45.

En l’espèce, une difficulté naît du fait que, comme le Tribunal l’a indiqué, «les relations entre la Commission et les États membres résultant de leur coopération dans le cadre de la conception, de la planification et de l’exécution des projets Abuja I et Abuja II relèvent du titre V du traité UE» ( 6 ). Cependant, comme le Tribunal l’a noté à juste titre, «dans le cadre du traité UE, dans sa version résultant du traité d’Amsterdam, les compétences de la Cour de justice sont énumérées limitativement par l’article 46 UE. Celui-ci ne prévoit aucune compétence de la Cour dans le cadre des dispositions du titre V du traité UE» ( 7 ). Ainsi, les mémorandums d’entente ne relèvent pas, en tant que tels, de la compétence de la Cour.

46.

Néanmoins, en ce qui concerne le litige pendant devant lui, le Tribunal a estimé qu’«il est constant que la Commission a procédé au recouvrement des sommes litigieuses par la voie d’un acte adopté sur la base du règlement financier et du règlement no 2342/2002, de sorte que l’acte de compensation relève du domaine du droit communautaire» ( 8 ).

47.

Le Tribunal a ensuite indiqué qu’«il ressort du champ d’application du règlement financier, et en particulier de son article 1er, que la procédure de recouvrement par compensation prévue par son article 73, paragraphe 1, ne s’applique qu’aux sommes relevant du budget communautaire. Or, il n’est pas contesté que la Commission était habilitée, en application de l’article 268 CE, qui prévoit l’inscription au budget tant des dépenses de la Communauté que de certaines dépenses entraînées pour les institutions par les dispositions du traité sur l’Union européenne relatives à la politique étrangère et de sécurité commune, à imputer au budget communautaire les dépenses réalisées pour les projets Abuja I et Abuja II» ( 9 ).

48.

À notre avis, le Tribunal a tiré les conclusions logiques adéquates de l’article 268 CE, qui prévoit que non seulement les dépenses communautaires, mais aussi certaines dépenses entraînées pour les institutions par les dispositions du traité sur l’Union européenne relatives à la politique étrangère et de sécurité commune sont à la charge du budget communautaire. Cette disposition est reflétée dans l’article 28, paragraphe 2, UE. Ces dispositions ont eu pour effet d’assimiler, dans une large mesure, le traitement budgétaire de ces dépenses à celui des dépenses encourues au titre du traité CE ( 10 ). Il en résulte que l’article 73, paragraphe 1, du règlement financier, qui prévoit le recouvrement par compensation des créances de la Communauté à l’égard de tout débiteur lui-même titulaire d’une créance à l’égard de la Communauté, est également applicable aux dépenses entraînées pour les institutions par les dispositions du traité sur l’Union européenne relatives à la politique étrangère et de sécurité commune, dépenses qui ont été mises à la charge du budget, à l’instar des dépenses communautaires.

49.

En tant qu’acte de droit communautaire, l’acte de compensation est soumis au contrôle des juridictions communautaires en vertu de l’article 230 CE. Ce contrôle, s’il se veut efficace et approfondi, exigera souvent ( 11 ) que l’on vérifie l’existence des dettes faisant l’objet de la compensation. En l’espèce, le Tribunal a dû interpréter à la fois le mémorandum initial et le mémorandum complémentaire, dans la mesure où leur interprétation était nécessaire pour assurer un contrôle juridictionnel approfondi de la légalité de l’acte de compensation.

50.

À notre avis, du fait que le Tribunal était habilité à statuer au sujet des deux mémorandums d’entente et qu’il a entrepris de le faire, il découle logiquement qu’il est tout à fait légitime que, au stade du pourvoi devant la Cour, un moyen de pourvoi puisse concerner l’interprétation donnée à ces deux mémorandums. Toutefois, bien qu’un tel moyen de pourvoi concerne une question de droit qui doit être examinée en l’espèce pour vérifier la légalité d’un acte de droit communautaire (l’acte de compensation), ce moyen de pourvoi n’est, en effet, pas basé sur une interprétation prétendument erronée du droit communautaire. Puisque les moyens de pourvoi invoqués par la requérante au pourvoi ne figurent pas parmi ceux énumérés à l’article 58 du statut de la Cour de justice, il y a lieu de déterminer si cette dernière peut néanmoins statuer sur des moyens de pourvoi fondés sur ces questions de droit.

51.

À cet égard, il convient de faire observer que, dans le contexte de procédures autres que des pourvois, la Cour a fréquemment été appelée à interpréter des dispositions de droit international public ( 12 ).

52.

Deuxièmement, il convient de rappeler que la procédure de pourvoi a pour but de mettre en place un système de protection juridique à deux niveaux qui renforce la légitimité des décisions judiciaires ( 13 ).

53.

Enfin, on ne peut exclure qu’une interprétation restrictive de l’article 58 du statut de la Cour de justice ait des effets sur d’autres types de pourvoi, portant sur des questions de droit qui, à strictement parler, ne concernent pas l’interprétation du droit communautaire. Tel est le cas des pourvois dirigés contre des arrêts rendus par le Tribunal conformément à l’article 238 CE. Dans ces procédures, le Tribunal est susceptible de statuer en se fondant principalement, sinon exclusivement, sur le droit national applicable au contrat contenant la clause compromissoire. Si le moyen de la Commission basé sur l’article 58 du statut de la Cour de justice devait être accueilli en l’espèce en ce qui concerne des décisions relatives au titre V du traité UE, cela pourrait aussi faire obstacle, à notre avis, à ce qu’un requérant formant un pourvoi contre un arrêt rendu par le Tribunal conformément à l’article 238 CE invoque avec succès des erreurs de droit concernant des décisions rendues par le Tribunal au regard d’un droit national donné. À notre avis, ce résultat est difficile à concilier avec la volonté de mettre en place un système de protection juridique à deux niveaux.

54.

Nous estimons donc que les moyens de droit concernant l’interprétation des mémorandums d’entente doivent être considérés comme faisant partie des questions de droit susceptibles d’être examinées par la Cour dans le contexte du présent pourvoi.

55.

Le premier moyen d’irrecevabilité doit, par conséquent, être rejeté.

2. Second moyen d’irrecevabilité

56.

La Commission soutient que le pourvoi est irrecevable parce que les moyens de pourvoi sont inopérants. Selon la Commission, l’arrêt attaqué demeurerait valide même dans le cas peu probable où les deux moyens de pourvoi seraient considérés comme recevables et fondés. Plus précisément, la Commission affirme que la requérante ne conteste pas la constatation figurant au point 100 de l’arrêt attaqué selon laquelle seules les parties qui se sont retirées sans avoir signé le mémorandum complémentaire sont libérées de leurs obligations financières, au contraire de celles qui l’ont signé sans le ratifier. Selon la Commission, la requérante ne conteste pas non plus la constatation figurant au point 101 de l’arrêt attaqué selon laquelle la responsabilité financière de la République hellénique résulte aussi de l’application provisoire du mémorandum complémentaire.

57.

Bien que la République hellénique n’ait, peut-être, pas attaqué spécifiquement les constatations figurant aux points 100 et 101, il résulte clairement de son argumentation, concernant le premier moyen de pourvoi et des passages de l’arrêt attaqué, à laquelle elle se réfère qu’elle est fondamentalement en désaccord avec les constatations formulées dans ces points par le Tribunal. Premièrement, elle conteste la constatation juridique selon laquelle, conformément à l’article 15, paragraphe 1, du mémorandum initial, la signature du mémorandum complémentaire fait naître à la charge de la République hellénique des obligations financières différentes de celles pesant sur les parties qui n’ont pas signé le mémorandum complémentaire. Deuxièmement, dans la mesure où la République hellénique refuse la possibilité que des obligations financières soient nées avant la ratification du mémorandum complémentaire et où elle fait explicitement valoir que le Tribunal a interprété erronément l’article 14 du mémorandum complémentaire, qui prévoit l’application provisoire de ce mémorandum, elle conteste nécessairement que l’application provisoire du mémorandum complémentaire à ses signataires pourrait avoir pour effet d’imposer des obligations financières aux signataires du mémorandum complémentaire qui ne l’ont pas ratifié. Manifestement, donc, le premier moyen de pourvoi vise aussi les constatations formulées par le Tribunal aux points 100 et 101 de l’arrêt attaqué. Par conséquent, si la Cour devait déclarer le premier moyen fondé, elle déclarerait, par voie de conséquence, invalides les constatations formulées par le Tribunal aux points 100 et 101 de l’arrêt attaqué.

58.

Ce moyen d’irrecevabilité doit donc être rejeté.

C — Fond

1. Premier moyen de pourvoi

59.

La question essentielle qui se pose en l’espèce est de savoir si c’est à tort que le Tribunal a considéré que la République hellénique avait à l’égard du budget communautaire une dette découlant d’obligations financières contractées du fait de sa participation envisagée au projet Abuja II.

60.

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a apprécié l’existence d’obligations financières à la lumière de la formulation des mémorandums initial et complémentaire, ainsi qu’à la lumière des principes de bonne foi et de protection de la confiance légitime. En outre, aux points 100 et 101 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré qu’une obligation financière était née sur la base de l’article 15, paragraphe 1, du mémorandum initial (étant donné que la République hellénique avait signé le mémorandum complémentaire) et du fait que, en vertu de l’article 14 du mémorandum complémentaire, ce dernier devait s’appliquer provisoirement à compter du premier jour du deuxième mois suivant sa signature.

61.

La République hellénique affirme qu’une obligation financière doit être définie exclusivement sur la base des termes des dispositions contractuelles et que son comportement ne peut être pris en considération pour décider de l’existence d’obligations financières. En substance, la République hellénique estime que seules les clauses contractuelles sont pertinentes et qu’aucune obligation financière ne pouvait naître avant qu’elle ait consenti à être liée par le mémorandum complémentaire, c’est-à-dire avant qu’elle l’ait ratifié.

62.

Pour commencer, il convient de rappeler que, comme nous l’avons indiqué ci-dessus à propos de la recevabilité du présent recours, les deux mémorandums en cause ont été adoptés conformément au titre V du traité sur l’Union européenne, concernant la politique étrangère et de sécurité commune, généralement désignée comme constituant le «deuxième pilier» de l’Union européenne. Les dispositions de ce titre donnent lieu à des droits et à des obligations relevant du droit international ( 14 ). Cela implique que, juridiquement parlant, les mémorandums sont des accords internationaux ( 15 ), qui, comme l’indique leur préambule, ont été conclus entre la Commission, d’une part, et un certain nombre d’États, parmi lesquels la République hellénique, d’autre part ( 16 ). Il résulte de la nature de ces instruments juridiques qu’ils doivent être interprétés conformément aux règles du droit international public ( 17 ).

63.

À cet égard, il résulte du droit international coutumier, tel que codifié ( 18 ) à l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités, que l’interprétation des traités repose sur trois éléments essentiels: i) le texte; ii) le contexte; et iii) l’objet et le but.

64.

Dans le cas des mémorandums en cause, la disposition qui est la plus pertinente pour déterminer les obligations financières incombant à une partie qui se retire est certainement l’article 15, paragraphe 1, du mémorandum initial. Il régit les effets du retrait d’un partenaire du projet Abuja II. Il prévoit, en substance, que, si un partenaire décide de se retirer du projet Abuja II en renonçant à signer le mémorandum complémentaire, les conditions du mémorandum initial — y compris les obligations financières visées aux articles 12 et 13 de celui-ci — cesseront de s’appliquer au partenaire qui se retire.

65.

Il est évident que la République hellénique conteste la constatation formulée par le Tribunal au point 100 de l’arrêt attaqué ( 19 ), lorsqu’elle indique, dans son pourvoi, que la situation juridique d’un État qui a signé, mais non ratifié, le mémorandum complémentaire, et qui n’est donc pas partie au mémorandum complémentaire, n’est pas différente — en particulier en ce qui concerne les obligations financières — de celle d’un État qui n’a jamais signé le mémorandum complémentaire.

66.

À notre avis, cet argument ne peut être accueilli.

67.

Premièrement, l’article 15, paragraphe 1, du mémorandum initial fait expressément référence à la signature du mémorandum complémentaire, non à sa ratification. Cela montre que les parties ont convenu d’attacher une importance particulière, dans le contexte du retrait de parties du projet Abuja II, à la signature du mémorandum complémentaire plutôt qu’à sa ratification. Ce choix d’un événement futur comme point de départ de la production de certains effets juridiques est indépendant du fait que seule la ratification du mémorandum complémentaire permet l’entrée en vigueur de celui-ci.

68.

Il n’y a donc rien qui donne à penser que le mémorandum complémentaire devait être ratifié et entrer en vigueur pour que les dispositions concernant le retrait figurant à l’article 15, paragraphe 1, du mémorandum initial produisent leurs effets juridiques.

69.

À notre avis, le Tribunal était donc fondé à considérer, au point 100 de l’arrêt attaqué, que les obligations financières de la République hellénique découlaient des termes du mémorandum initial. Selon nous, cela suffit à justifier que l’arrêt du Tribunal soit confirmé.

70.

Deuxièmement, et pour corroborer cette dernière conclusion, il est important d’observer que, par sa signature, la République hellénique a accepté, conformément à l’article 14 du mémorandum complémentaire, que ce dernier s’applique provisoirement à compter du premier jour du deuxième mois suivant sa signature jusqu’à son entrée en vigueur à la suite de la ratification par les signataires ou de la notification par ceux-ci aux autres signataires de leur intention de ne pas ratifier l’accord.

71.

Bien que, comme nous l’avons montré ci-dessus, la signature du mémorandum complémentaire suffise à permettre à l’article 15, paragraphe 1, du mémorandum initial de produire ses effets juridiques, le fait que le mémorandum complémentaire ait été appliqué provisoirement a une importance supplémentaire s’agissant de déterminer si la République hellénique était déjà liée par des obligations financières lorsqu’elle s’est retirée du projet Abuja II.

72.

Bien qu’un accord international n’ait, en principe, pas d’effet contraignant à l’égard d’un État signataire avant sa ratification ( 20 ), les parties contractantes peuvent prévoir qu’un accord s’appliquera provisoirement avant son entrée en vigueur ( 21 ). Cette application provisoire a pour but de supprimer toute incitation pour les signataires à ne pas appliquer les règles d’un traité en retardant sa ratification ou en s’abstenant de le ratifier, en les contraignant à supporter dès la signature du traité les dépenses découlant des obligations qu’il comporte ( 22 ).

73.

Donc, le fait que les signataires du mémorandum complémentaire aient convenu qu’il s’appliquerait provisoirement révèle clairement leur intention d’accepter les effets, financiers ou autres, découlant de l’application provisoire du mémorandum jusqu’à ce qu’un signataire ait notifié aux autres partenaires son intention de ne pas le ratifier.

74.

Par conséquent, nous considérons que le Tribunal n’a commis aucune erreur lorsqu’il a considéré, au point 101 de l’arrêt attaqué, que la République hellénique ne saurait méconnaître cette application provisoire en invoquant le fait qu’elle n’a pas ratifié le mémorandum.

75.

Il en résulte que le Tribunal pouvait à bon droit constater, aux points 100 et 101 de l’arrêt attaqué, que l’existence d’une obligation financière découlait de l’article 15, paragraphe 1, du mémorandum initial et de l’application provisoire du mémorandum complémentaire.

76.

Il est donc douteux que, pour l’issue du présent pourvoi, il soit nécessaire d’examiner si le Tribunal a appliqué erronément les principes de bonne foi et de protection de la confiance légitime en relation avec les articles 12, 13 et 15 du mémorandum initial et avec l’article 14 du mémorandum complémentaire.

77.

En tout état de cause et pour être complet, nous pouvons dire brièvement que, à notre avis, le Tribunal pouvait, à bon droit, invoquer aussi le principe de bonne foi à l’appui de sa conclusion selon laquelle il existait une obligation financière à la charge de la République hellénique, obligation qui résultait de sa ratification du mémorandum initial et de sa signature du mémorandum complémentaire.

78.

Comme le Tribunal l’a fait observer à juste titre, le principe de bonne foi est une règle du droit international coutumier dont l’existence a été reconnue par la Cour permanente de justice internationale instituée dans le cadre de la Société des nations ( 23 ). C’est, dans une certaine mesure ( 24 ), l’équivalent, en droit international public, du principe de protection de la confiance légitime qui existe dans l’ordre juridique communautaire ( 25 ).

79.

On peut ajouter que, plus récemment, la Cour internationale de justice a indiqué que «[l]’un des principes de base qui président à la création et à l’exécution d’obligations juridiques, quelle qu’en soit la source, est celui de la bonne foi» ( 26 ).

80.

Cependant, la définition précise ( 27 ) et le rôle du principe de bonne foi en droit international ne sont pas faciles à déterminer ( 28 ). Néanmoins, il semble que l’on s’accorde à reconnaître que, lorsqu’il est appliqué à des relations conventionnelles relevant du droit international, le principe de bonne foi implique une application raisonnable et équitable des dispositions conventionnelles aux circonstances du cas individuel. Le principe de bonne foi sert tout particulièrement de principe directeur pour l’interprétation des circonstances de fait ( 29 ).

81.

Ce qui paraît le plus pertinent dans le cadre de l’affaire dont la Cour est saisie, c’est que la bonne foi exige que l’intention exprimée soit conforme à l’intention réelle et, plus généralement, que la réalité juridique coïncide avec l’apparence juridique (c’est-à-dire qu’elle corresponde aux apparences créées par les déclarations ou le comportement des acteurs juridiques) ( 30 ). Cet effet du principe de bonne foi paraît coïncider avec le principe «allegans contraria non est audiendus», généralement connu sous le nom de «principe de l’estoppel» en droit international ( 31 ).

82.

Eu égard aux divers faits, constatés par le Tribunal, par lesquels la République hellénique a amené les autres parties à penser, d’avril 1994 à septembre 2000, qu’elle continuerait de participer au projet Abuja II, c’est à juste titre que le Tribunal a fait référence au principe de bonne foi à l’appui de sa conclusion selon laquelle la République hellénique ne pouvait se retirer sans être tenue pour redevable des dépenses liées à sa participation au projet Abuja II.

83.

Cette conclusion se justifie d’autant plus — au-delà de cette interprétation de portée générale du principe de bonne foi — du fait que, en conséquence de leur appartenance à l’Union européenne, une obligation renforcée de bonne foi ( 32 ) incombe aux États membres de cette dernière dans leurs relations mutuelles ainsi qu’avec les institutions de celle-ci ( 33 ). En l’espèce, une telle obligation existait pour la République hellénique dans ses relations avec la Commission et avec les États partenaires du projet Abuja II.

84.

Pour toutes ces raisons, nous estimons que le premier moyen de pourvoi est dénué de fondement.

2. Second moyen de pourvoi

85.

Puisque nous considérons que des obligations financières sont déjà nées à la charge de la République hellénique en conséquence des dispositions des mémorandums initial et complémentaire, il s’avère inutile, pour l’issue du présent pourvoi, d’examiner si le Tribunal a décidé à juste titre que ces obligations financières étaient également nées à la suite d’un accord implicite conclu lors de la réunion du 24 février 2007.

86.

Le second moyen de pourvoi est donc inopérant et doit être rejeté.

87.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

VI — Dépens

88.

En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, qui s’applique aux procédures de pourvoi conformément à l’article 118 de ce même règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Puisque la Commission a conclu à ce que la République hellénique soit condamnée aux dépens et que la République hellénique a succombé, il y a lieu de condamner la République hellénique aux dépens.

VII — Conclusion

89.

Pour les motifs exposés ci-dessus, nous proposons à la Cour de:

1)

rejeter le pourvoi;

2)

condamner la République hellénique aux dépens.


( 1 ) Langue originale: l’anglais.

( 2 ) T-231/04, Rec. p. II-63.

( 3 ) JO L 248, p. 1.

( 4 ) JO L 357, p. 1.

( 5 ) Nations unies, Recueil des traités, vol. 1155, p. 331.

( 6 ) Point 74 de l’arrêt attaqué.

( 7 ) Point 73 de l’arrêt attaqué.

( 8 ) Point 74 de l’arrêt attaqué.

( 9 ) Point 111 de l’arrêt attaqué. Dans la mesure où il est pertinent en l’espèce, l’article 268, deuxième alinéa, CE dispose: «Les dépenses administratives entraînées pour les institutions par les dispositions du traité sur l’Union européenne relatives à la politique étrangère et de sécurité commune et à la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures sont à la charge du budget. Les dépenses opérationnelles entraînées par la mise en œuvre desdites dispositions peuvent, selon les conditions visées par celles-ci, être mises à la charge du budget.»

( 10 ) Voir Léger, P., Commentaire article par article des traités UE et CE, 2000, p. 1806.

( 11 ) Cela ne serait, par exemple, pas le cas si l’acte de compensation était contesté uniquement pour des motifs procéduraux.

( 12 ) Voir, pour un exemple récent, dans une procédure en manquement, l’arrêt du 30 mai 2006, Commission/Irlande (C-459/03, Rec. p. I-4635), et, dans une procédure préjudicielle, l’arrêt du 11 septembre 2007, Merck Genéricos — Produtos Farmacêuticos (C-431/05, Rec. p. I-7001).

( 13 ) Voir Waelbroeck, D., «Le transfert des recours directs au Tribunal de première instance des Communautés européennes — Vers une meilleure protection des justiciables?», La réforme du système juridictionnel communautaire, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1994, p. 87 à 97.

( 14 ) Voir, en ce sens, Garbagnati Ketvel, M.-G., «The jurisdiction of the European Court of Justice in respect of Common Foreign and Security Policy», International and Comparative Law Quarterly, vol. 55, janvier 2006, p. 77 à 120, p. 82; Macleod, I., Hendry, I. D., et Hyett, S., The External Relations of the European Communities, Clarendon Oxford Press, 1996, p. 424.

( 15 ) Pour corroborer ce constat, il est intéressant de relever que l’entrée en vigueur des deux mémorandums semble être subordonnée à leur ratification préalable par les parties. Or une telle formalité est en principe réservée à des actes conventionnels du droit international public.

( 16 ) Bien que des accords de ce type soulèvent certainement un certain nombre de questions juridiques intéressantes, telles que celle concernant la capacité de la Commission de conclure ces accords sur la base du titre V du traité UE, une analyse plus approfondie de celles-ci sort sûrement du cadre de la présente affaire.

( 17 ) En ce qui concerne le mémorandum complémentaire, cette constatation n’empêche pas, selon nous, l’application concurrente, lorsqu’ils peuvent être identifiés, des «principes généraux communs aux systèmes juridiques des États membres de la Communauté européenne», comme il est indiqué à l’article 13, paragraphe 2, du mémorandum complémentaire, avec les règles du droit international.

( 18 ) La Cour internationale de justice a, en effet, reconnu que les principes énoncés aux articles 31 et 32 de la convention de Vienne reflétaient le droit international coutumier (Libye c. Tchad, CIJ. Recueil, p. 4, point 41).

( 19 ) «Ainsi que la République hellénique l’a reconnu (voir point 56 ci-dessus), il ressort explicitement de l’article 15, paragraphe 1, du mémorandum initial qu’un partenaire participant qui ne signe pas le mémorandum complémentaire peut échapper aux obligations financières relevant du projet (voir point 15 ci-dessus). Or, il est constant que la République hellénique a signé le mémorandum complémentaire. Dans les circonstances de l’espèce, l’article 15, paragraphe 1, du mémorandum initial doit être lu strictement au contraire de l’interprétation qu’en donne la République hellénique».

( 20 ) Normalement, en vertu du droit international, un signataire ne sera lié par un accord qu’après qu’il l’aura ratifié selon les règles de son droit national.

( 21 ) Article 25 de la convention de Vienne sur le droit des traités.

( 22 ) Niebrugge, A. M., «Provisional application of the Energy Charter Treaty: the Yukos arbitration and the future place of provisional application in international law», Chicago Journal of International Law, été 2007, vol. 8, p. 355, 359.

( 23 ) Arrêt attaqué, point 85.

( 24 ) L’équivalence entre les deux principes n’est, à nos yeux, pas totale, puisque le principe de bonne foi en droit international public paraît avoir une portée plus large que le principe de protection de la confiance légitime en droit communautaire.

( 25 ) Nous pensons que l’usage du terme «équivalent» est plus approprié, à cet égard, que celui du terme «corollaire», que le Tribunal a utilisé au point 87 de l’arrêt attaqué en se référant à son arrêt du 22 janvier 1997, Opel Austria/Conseil (T-115/94, Rec. p. II-39, point 93). En effet, à notre avis, le terme «corollaire» sous-entend nécessairement que le principe de protection de la confiance légitime, consacré par le droit communautaire, précède, dans le temps et quant à son importance, le principe de bonne foi, consacré par le droit international. Sur ce point, nous pouvons aussi faire référence à l’avocat général Jacobs, qui, au point 76 de ses conclusions dans l’affaire Racke (arrêt du 16 juin 1998, C-162/96, Rec. p. I-3655), n’a pas utilisé le terme «corollaire», mais s’est exprimé dans les termes suivants: «dans l’affaire Opel Austria/Conseil, le principe de bonne foi du droit international public était assimilé au principe communautaire de protection de la confiance légitime».

( 26 ) Australie c. France (affaire des essais nucléaires) CIJ. Recueil 1974, p. 253, 268.

( 27 ) Pour une définition, voir O’Connor, J. F., Good Faith in International Law, Dartmouth Publishing Company, 1991, p. 124.

( 28 ) Voir, entre autres, Virally, M., «Review essay: good faith in public international law», The American Journal of International Law, 1983, vol. 77, p. 130.

( 29 ) Serge Sur indique dans L’interprétation en droit international public, Librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris, 1974, que «l’interprétation des circonstances n’est pas soumise à des règles, encore moins à des méthodes très précises. Leur diversité constitue une base multiple et il ne reste qu’un principe, celui de la bonne foi». Voir aussi Zoller, E., La bonne foi en droit international public, Pedone, 1977, p. 227.

( 30 ) Voir Michel Virally, cité à la note 28, p. 131 et 133.

( 31 ) Cheng, B., General Principles of Law as applied by International Courts and Tribunals, éd. Martinus Nijhoff, La Haye, 1953, p. 141 et 142; Lord McNair, The Laws of Treaties, Oxford Clarendon Press, 1961, p. 485. Comme Lord McNair l’explique, ce principe fait obstacle à ce qu’une partie qui fait une déclaration ou souscrit à celle-ci, déclaration à laquelle une autre personne se fie à tel point qu’elle influence sa propre position, présente ultérieurement les choses de manière différente.

( 32 ) Voir Elisabeth Zoller, citée à la note 29, p. 157. L’auteur considère que la «bonne foi renforcée» (expression utilisée par l’auteur) existe dans les organisations internationales et s’applique à la fois aux États membres et aux organes de l’organisation.

( 33 ) L’existence de cette obligation renforcée d’agir de bonne foi est, selon nous, reflétée dans l’article 11, paragraphe 2, UE, qui dispose que «[l]es États membres appuient activement et sans réserve la politique extérieure et de sécurité de l’Union dans un esprit de loyauté et de solidarité mutuelle». Cela est confirmé par le fait que, en ce qui concerne le traité CE, il est reconnu qu’une bonne foi renforcée paraît au moins implicitement reflétée dans l’obligation de coopération loyale contenue dans l’article 10 CE [voir Constantinesco, V., «L’article 5 CEE, de la bonne foi à la loyauté communautaire», Du droit international au droit de l’intégration (Liber amicorum Pierre Pescatore), Nomos, 1989, p. 97 à 114, p. 101].

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