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Dokument 62006TJ0185

Arrêt du Tribunal (sixième chambre élargie) du 16 juin 2011.
L’Air liquide, société anonyme pour l’étude et l’exploitation des procédés Georges Claude contre Commission européenne.
Concurrence - Ententes - Peroxyde d’hydrogène et perborate de sodium - Décision constatant une infraction à l’article 81 CE - Imputabilité du comportement infractionnel - Obligation de motivation.
Affaire T-185/06.

Recueil de jurisprudence 2011 II-02809

Identifikátor ECLI: ECLI:EU:T:2011:275

Affaire T-185/06

L’Air liquide, société anonyme pour l’étude et l’exploitation des procédés Georges Claude

contre

Commission européenne

« Concurrence — Ententes — Peroxyde d’hydrogène et perborate de sodium — Décision constatant une infraction à l’article 81 CE — Imputabilité du comportement infractionnel — Obligation de motivation »

Sommaire de l'arrêt

1.      Concurrence — Règles communautaires — Infractions — Imputation

(Art. 81 CE)

2.      Actes des institutions — Motivation — Obligation — Portée — Décision d'application des règles de concurrence — Décision concernant une pluralité de destinataires — Nécessité d'une motivation suffisante particulièrement à l'égard de l'entité devant supporter la charge d'une infraction

(Art. 81 CE et 253 CE)

3.      Actes des institutions — Motivation — Obligation — Portée — Décision d'application des règles de concurrence — Régularisation d'un défaut de motivation au cours de la procédure contentieuse — Inadmissibilité

(Art. 81 CE et 253 CE)

1.      Le comportement d'une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale font partie d'une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise au sens de l'article 81 CE.

Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l'Union, d'une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d'autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale.

Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d'une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme responsable de l'infraction en cause, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n'apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché.

Afin d'apprécier si une filiale détermine de façon autonome son comportement sur le marché, il convient de prendre en considération l'ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent cette filiale à la société mère, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l'objet d'une énumération exhaustive.

(cf. points 21-25)

2.      S'agissant de la motivation d'une décision de la Commission qui fait application de l'article 81 CE, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision. En particulier, elle n’est pas tenue de prendre position sur des éléments qui sont manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires.

Lorsqu'une décision d’application de l’article 81 CE concerne une pluralité de destinataires et pose un problème d’imputabilité de l’infraction, elle doit comporter une motivation suffisante à l’égard de chacun de ses destinataires, particulièrement de ceux d’entre eux qui, aux termes de cette décision, doivent supporter la charge de cette infraction. Ainsi, à l’égard d’une société mère tenue responsable du comportement infractionnel de sa filiale, une telle décision doit contenir un exposé circonstancié des motifs de nature à justifier l’imputabilité de l’infraction à cette société.

Dans ce contexte, lorsque, dans sa réponse à la communication des griefs, une entreprise se prévaut d'un ensemble de circonstances caractérisant les liens entre elle-même et sa filiale au moment de l'infraction, en invoquant, notamment, le fait que l'activité de cette dernière était très spécifique par rapport aux autres activités du groupe, l'absence d'imbrication au niveau des dirigeants et du personnel des sociétés concernées, une large définition des pouvoirs des dirigeants de la filiale, le fait que celle-ci dispose de ses propres services relatifs aux activités commerciales, ainsi que d'une autonomie dans l'élaboration des projets stratégiques, et que les éléments ainsi apportés ne se limitent pas à des allégations, mais contiennent une série d'éléments concrets, annexés à la communication des griefs, la Commission est tenue de prendre position sur cette argumentation en examinant si, au regard de l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques entre les sociétés concernées, la société mère a démontré que sa filiale se comportait sur le marché de manière autonome et, le cas échéant, d'exposer les raisons pour lesquelles elle considère que les éléments présentés par la société mère ne sont pas suffisants pour renverser la présomption en cause. Le devoir de la Commission de motiver sa décision sur ce point résulte clairement du caractère réfragable de la présomption relative à l'exercice d'une influence déterminante par une société mère sur sa filiale dont elle détient 100% du capital, dont le renversement requiert de la société mère de produire une preuve portant sur l’ensemble des liens économiques, organisationnels et juridiques entre elle-même et sa filiale.

(cf. points 64-65, 70, 72-75)

3.      La motivation d'une décision de Commission qui fait application de l'article 81 CE doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que cette décision lui faisant grief. L’absence de motivation ne peut donc pas être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de la décision en cours d’instance. Dès lors, l’absence de motifs ne saurait être palliée en cours d’instance.

(cf. points 81-82)







ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre élargie)

16 juin 2011 (*)

« Concurrence – Ententes – Peroxyde d’hydrogène et perborate de sodium – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Imputabilité du comportement infractionnel – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑185/06,

L’Air liquide, société anonyme pour l’étude et l’exploitation des procédés Georges Claude, établie à Paris (France), représentée par Mes R. Saint-Esteben, M. Pittie et P. Honoré, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par M. F. Arbault et Mme O. Beynet, puis par MM. V. Bottka, P. Van Nuffel et B. Gencarelli, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision C (2006) 1766 final de la Commission, du 3 mai 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/F/38.620 – Peroxyde d’hydrogène et perborate), en ce qu’elle concerne la requérante,

LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie),

composé de MM. V. Vadapalas (rapporteur), faisant fonction de président, M. Prek, A. Dittrich, L. Truchot et K. O’Higgins, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 septembre 2010,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        La requérante, L’Air liquide, SA pour l’étude et l’exploitation des procédés Georges Claude, est une société de droit français ayant détenu à l’époque des faits 100 % du capital de Chemoxal SA, qui commercialisait du peroxyde d’hydrogène (ci‑après le « PH ») et du perborate de sodium (ci-après le « PBS »).

2        En novembre 2002, Degussa AG a informé la Commission des Communautés européennes de l’existence d’une entente sur les marchés du PH et du PBS et a sollicité l’application de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3).

3        Degussa a fourni des preuves matérielles à la Commission, qui l’ont mise en mesure d’effectuer, les 25 et 26 mars 2003, des vérifications dans les locaux de certaines entreprises.

4        Le 26 janvier 2005, la Commission a envoyé une communication des griefs à la requérante et aux autres entreprises concernées.

5        À la suite de l’audition des entreprises concernées, la Commission a adopté la décision C (2006) 1766 final, du 3 mai 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE à l’encontre d’Akzo Nobel NV, Akzo Nobel Chemicals Holding AB, EKA Chemicals AB, Degussa, Edison SpA, FMC Corp., FMC Foret SA, Kemira Oyj, la requérante, Chemoxal, SNIA SpA, Caffaro Srl, Solvay SA, Solvay Solexis SpA, Total SA, Elf Aquitaine SA et Arkema SA (affaire COMP/F/38.620 – Peroxyde d’hydrogène et perborate) (ci‑après la « décision attaquée »), dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 13 décembre 2006 (JO L 353, p. 54). Elle a été notifiée à la requérante par lettre du 8 mai 2006.

 Décision attaquée

6        La Commission a indiqué, dans la décision attaquée, que les destinataires de celle‑ci avaient participé à une infraction unique et continue à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), concernant le PH et le produit en aval, le PBS (considérant 2 de la décision attaquée).

7        L’infraction constatée a consisté principalement en l’échange, entre concurrents, d’informations importantes sous l’angle commercial et d’informations confidentielles sur les marchés et les entreprises, en une limitation et en un contrôle de la production et des capacités potentielles et réelles de celle-ci, en une répartition des parts de marché et des clients ainsi qu’en la fixation et en la surveillance du respect d’objectifs de prix.

8        La requérante et Chemoxal ont été tenues pour « conjointement et solidairement » pour responsables de l’infraction (considérant 406 de la décision attaquée).

9        En application de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), la Commission a constaté que son pouvoir de sanction était prescrit à l’égard de la requérante et de Chemoxal, dont la participation à l’infraction avait cessé plus de cinq ans avant les premiers actes d’instruction. La Commission a néanmoins considéré avoir un intérêt légitime à constater l’infraction en cause à l’égard de ces sociétés (considérants 366 à 369 de la décision attaquée).

10      L’article 1er, sous i) et j), de la décision attaquée dispose que la requérante et Chemoxal ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53 de l’accord EEE, en participant à l’infraction concernée du 12 mai 1995 au 31 décembre 1997.

11      À l’article 2, sous f), de la décision attaquée, la Commission a infligé à la requérante et à Chemoxal une amende de 0 euro.

12      L’article 4 de la décision attaquée contient une liste de ses destinataires, parmi lesquels figure la requérante.

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 juillet 2006, la requérante a introduit le présent recours.

14      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre et, les parties entendues, la présente affaire a été renvoyée devant la sixième chambre élargie.

15      Deux membres de la chambre élargie étant empêchés de siéger, le président du Tribunal a désigné, en application de l’article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, deux autres juges pour compléter la chambre.

16      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 2 septembre 2010.

17      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er, sous i), de la décision attaquée, en ce que la Commission y a constaté sa participation à l’infraction ;

–        en conséquence, annuler l’article 2, sous f), et l’article 4 de la décision attaquée, en ce que ceux-ci la concernent ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

19      À l’appui du recours, la requérante invoque quatre moyens tirés, le premier, d’une violation de l’article 81 CE en ce qui concerne l’imputation de l’infraction sur la base de la présomption liée au contrôle à 100 % de la filiale, le deuxième, d’une violation des droits de la défense résultant de l’application de ladite présomption, le troisième, d’une violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne le rejet des éléments apportés afin de renverser cette même présomption et, le quatrième, du défaut d’intérêt légitime à constater sa participation à l’infraction compte tenu de l’acquisition de la prescription.

 Observations liminaires

20      Les trois premiers moyens invoqués par la requérante étant dirigés, en substance, contre le constat de sa responsabilité pour le comportement infractionnel de sa filiale, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, la jurisprudence pertinente à cet égard.

21      Selon une jurisprudence constante, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237, point 58, et la jurisprudence citée).

22      En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise au sens de l’article 81 CE (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 21 supra, point 59).

23      Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l’Union, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 21 supra, point 60, et la jurisprudence citée).

24      Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme responsable de l’infraction en cause, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (voir, en ce sens, arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 21 supra, point 61, et la jurisprudence citée).

25      Afin d’apprécier si une filiale détermine de façon autonome son comportement sur le marché, il convient de prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent cette filiale à la société mère, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l’objet d’une énumération exhaustive (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 21 supra, point 74 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑112/05, Rec. p. II‑5049, point 65).

26      En l’espèce, aux considérants 370 à 379 de la décision attaquée, la Commission a rappelé qu’une société mère pouvait être considérée comme responsable du comportement illégal d’une filiale, dans la mesure où cette dernière ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché. Elle a précisé être en droit de présumer qu’une filiale contrôlée à 100 % applique pour l’essentiel les instructions données par sa société mère, cette dernière pouvant renverser la présomption par la preuve contraire.

27      Concernant l’imputation de l’infraction à la requérante, la Commission a indiqué, tout d’abord, au considérant 403 de la décision attaquée, que, au moment de l’infraction, celle-ci détenait 100 % du capital de Chemoxal et disposait du pouvoir de désignation des membres du conseil d’administration, ce qui suffisait pour appliquer la présomption de l’exercice effectif de son influence déterminante sur le comportement de sa filiale.

28      Aux considérant 404 de la décision attaquée, elle a fait référence aux arguments par lesquels la requérante avait contesté cette imputation.

29      Au considérant 405 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que, contrairement à la thèse avancée par la requérante, le contrôle de 100 % du capital de la filiale donnait lieu à une présomption qui peut être renversée par la preuve que « la filiale bénéficie d’une certaine autonomie ». Elle a considéré, ensuite, que les éléments présentés par la requérante étaient insuffisants pour renverser la présomption, d’une part, en indiquant que son pouvoir de nomination des membres du conseil d’administration de la filiale était l’indice de l’exercice d’une influence déterminante sur la gestion courante de cette dernière. D’autre part, elle s’est référée à certains indices tenant au fait que les sociétés concernées étaient perçues par les tiers comme relevant de la même entreprise, à savoir les indications du nom Air liquide dans certains documents relatifs à l’entente, ainsi que l’utilisation par Chemoxal de la marque Air liquide.

30      Enfin, la Commission a indiqué, au considérant 406 de la décision attaquée, qu’elle maintenait sa conclusion relative à l’imputation de l’infraction en cause à la requérante et à sa filiale Chemoxal, celles-ci faisant partie de la même entreprise impliquée dans l’infraction.

 Sur les premier et deuxième moyens, tirés de la violation de l’article 81 CE et des droits de la défense de la requérante, en ce qui concerne l’application de la présomption liée au contrôle à 100 % de la filiale

 Arguments des parties

31      Dans le cadre du premier moyen, la requérante soutient que la détention par la société mère de 100 % du capital de sa filiale ne permet pas, à elle seule, de présumer l’exercice par la société mère d’une influence déterminante sur sa filiale et de lui imputer le comportement infractionnel de cette dernière. Il faudrait encore que soit apporté au moins un second élément de preuve venant étayer l’absence d’autonomie de la filiale. En se prévalant, pour invoquer la présomption, d’une simple détention de 100 % du capital de la filiale, la Commission aurait enfreint l’article 81 CE.

32      En outre, d’autres éléments relevés par la Commission, tels que le pouvoir de nommer les membres du conseil d’administration de Chemoxal et l’utilisation par celui-ci du nom de la requérante (considérants 403 et 405 de la décision attaquée), ne seraient pas de nature à prouver l’exercice par la requérante d’une influence déterminante sur sa filiale. En particulier, il résulterait de la pratique décisionnelle de la Commission que l’utilisation par une filiale du nom commercial de la société mère n’est pas indicative du fait qu’elles forment une seule entité économique. De nombreuses pièces du dossier feraient d’ailleurs référence à Chemoxal, et non à la requérante.

33      Dans le cadre du deuxième moyen, la requérante soutient que le recours à la présomption en cause a entraîné un renversement de la charge de la preuve, en violation de ses droits de la défense.

34      La Commission conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

35      Il ressort des considérants 403 à 406 de la décision attaquée que l’imputation à la requérante du comportement infractionnel de sa filiale repose sur la constatation de l’exercice effectif de son influence déterminante sur Chemoxal, résultant d’une présomption liée à son contrôle entier de cette filiale, cette présomption n’ayant, selon la Commission, pas été renversée par la requérante.

36      Il y a lieu de constater que, eu égard à la jurisprudence citée aux points 21 à 24 ci-dessus, la Commission a pu légitimement présumer l’exercice d’une influence déterminante de la requérante sur Chemoxal, compte tenu du lien non contesté de contrôle à 100 % unissant ces deux sociétés.

37      À cet égard, il y a lieu d’écarter comme inopérants les arguments de la requérante concernant les éléments exposés aux considérants 403 et 405 de la décision attaquée, relatifs au pouvoir de nomination des membres du conseil d’administration de Chemoxal, ainsi qu’à la circonstance qu’il a été fait référence au nom de la requérante dans le secteur concerné par l’infraction.

38      En effet, ces éléments étant invoqués par la Commission en plus de la constatation de l’existence d’un contrôle à 100 % de la requérante dans le capital de Chemoxal, leur manque de pertinence allégué par la requérante ne saurait affecter le droit pour la Commission de se prévaloir de la présomption en cause.

39      Par ailleurs, dès lors qu’il a été constaté que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en se prévalant de la présomption que la requérante pouvait renverser par la preuve contraire, il y a également lieu d’écarter le moyen tiré du renversement de la charge de la preuve, prétendument incompatible avec le principe du respect des droits de la défense.

40      Au vu de tout ce qui précède, les premier et deuxième moyens ne sauraient être accueillis.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation, en ce qui concerne le rejet des éléments apportés pour renverser la présomption en cause

 Arguments des parties

41      La requérante soutient que la Commission a violé son obligation de motivation, en ce que celle-ci n’a pas pris position sur les éléments de preuve qu’elle avait produits afin de renverser la présomption liée à son contrôle à 100 % de Chemoxal.

42      Elle indique avoir produit, dans sa réponse à la communication des griefs, un ensemble d’éléments relatifs à l’autonomie structurelle et décisionnelle de Chemoxal.

43      Au considérant 404 de la décision attaquée, la Commission aurait effectué un rappel incomplet de ces éléments. En outre, elle n’y aurait pas répondu, se limitant à affirmer, notamment, que, « vu de l’extérieur, il était clair [que la requérante] contrôlait l’activité de Chemoxal » et « tant les clients que les concurrents faisaient référence à l’entreprise ‘Air liquide’ pour le secteur du [PH] » (considérant 405 de la décision attaquée). Aucun élément avancé par la requérante n’aurait donc été examiné dans la décision attaquée.

44      Selon la requérante, la Commission ne saurait pallier l’insuffisance de motivation de la décision attaquée en invoquant des éléments supplémentaires devant le Tribunal, s’agissant, en particulier, du fait que Chemoxal commercialisait les produits fabriqués par Oxysynthèse SA. En effet, dans la décision attaquée, la Commission n’aurait pas établi que la requérante avait effectivement exercé un contrôle sur cette entreprise commune à la requérante et à Atochem SA, gérée, pour ce qui est de la participation de la requérante, par Chemoxal.

45      Les arguments développés par la Commission pour la première fois dans le mémoire en défense confirmeraient le défaut des motifs de la décision attaquée sur ce point.

46      La Commission rétorque que, en application de la présomption en cause, la charge de la preuve de l’autonomie de Chemoxal incombait exclusivement à la requérante. S’agissant des éléments avancés par la requérante, la Commission aurait suffisamment expliqué, aux considérants 403 à 405 de la décision attaquée, pourquoi cette présomption n’avait pas été renversée.

47      La Commission ne serait d’ailleurs pas tenue de répondre à tous les arguments avancés en réponse à la communication des griefs. Il suffirait qu’elle fasse un exposé circonstancié des motifs de nature à justifier l’imputabilité de l’infraction à l’entreprise concernée. Or, la requérante ne reprocherait pas à la Commission de ne pas avoir fait un tel exposé.

48      Au demeurant, les arguments avancés par la requérante, très généraux et non étayés par des éléments de preuve spécifiques, n’auraient été aucunement susceptibles de renverser la présomption en cause.

49      S’agissant de la prétendue autonomie structurelle de la filiale de la requérante, premièrement, le fait que les dirigeants de Chemoxal n’aient pas fait partie des organes de la requérante n’exclurait aucunement que cette dernière ait donné des instructions à sa filiale et contrôlé étroitement son comportement. Par ailleurs, même si un tel fait n’est pas indiqué dans la décision attaquée, il résulterait des éléments joints par la requérante en réponse à la communication des griefs qu’au moins un administrateur de Chemoxal était devenu, après sa démission, l’un des dirigeants de la requérante.

50      Deuxièmement, le fait que le président-directeur général (PDG) de Chemoxal ait disposé de pouvoirs très étendus ne serait qu’une illustration du pouvoir habituellement conféré au plus haut dirigeant d’une société et ne constituerait pas une quelconque preuve de l’autonomie de la filiale de la requérante.

51      Troisièmement, le fait que Chemoxal disposait de ses propres services serait un simple attribut d’une entité jouissant de la personnalité juridique. Par ailleurs, il résulterait des éléments avancés par la requérante que Chemoxal faisait appel à plusieurs services de la société mère et que son siège était bien situé dans les mêmes bâtiments que le siège du groupe.

52      Quatrièmement, concernant les arguments tirés de la gestion par Chemoxal des participations dans d’autres filiales du groupe, en particulier Oxysynthèse, la requérante aurait reconnu qu’elle était également impliquée directement dans la gestion de ces participations.

53      Par ailleurs, la Commission aurait relevé que Chemoxal commercialisait du PH fabriqué par Oxysynthèse, société contrôlée conjointement par la requérante et par Atochem (considérants 42 et 52 de la décision attaquée). Même si ce motif ne figure pas dans la partie de la décision attaquée relative à l’imputabilité de l’infraction, il revêtirait néanmoins une certaine pertinence. En effet, il serait difficilement concevable que la requérante n’ait exercé aucun contrôle sur Chemoxal, qui était chargée de commercialiser la production d’une autre filiale du groupe, contrôlée conjointement.

54      S’agissant de la prétendue autonomie décisionnelle de la filiale de la requérante, premièrement, la requérante n’aurait pas apporté d’éléments de preuve démontrant la prétendue autonomie de Chemoxal en matière de prix. Concernant les pouvoirs du directeur général de Chemoxal, la requérante aurait soumis un bref courrier dans lequel celui-ci marquait succinctement son accord sur un prix, ce qui ne prouverait aucunement qu’il décidait seul de la politique en matière de prix. D’autres éléments ne consisteraient qu’en de simples rapports de visite à des clients.

55      Deuxièmement, la prétendue autonomie de Chemoxal dans le développement de projets commerciaux stratégiques n’aurait été soulevée que par référence au projet de « solution ‘on-site’ de [PH] », dont l’attribution à Chemoxal n’aurait d’ailleurs été étayée par aucun élément de preuve. En outre, il découlerait des éléments annexés à la requête que ce projet s’inspirait de techniques développées par le groupe et que son promoteur était issu de la société mère.

56      Troisièmement, les arguments relatifs à la préparation du budget, à la gestion des relations avec les clients et à la participation des seuls salariés de Chemoxal dans le cadre du European Chemical Industry Council (CEFIC) n’établiraient aucunement que la requérante n’exerçait pas effectivement une influence déterminante sur sa filiale.

57      Ainsi, les arguments avancés par la requérante n’ayant été aucunement susceptibles de renverser la présomption, la Commission n’aurait pas été obligée d’indiquer en détail les raisons de leur rejet. La Commission se serait conformée à son obligation de motivation, en exposant de manière circonstanciée les raisons pour lesquelles l’infraction avait été imputée à la requérante.

58      La Commission aurait examiné avec soin les arguments avancés par la requérante et, après avoir rappelé ces éléments (considérant 404 de la décision attaquée), aurait conclu qu’ils étaient insuffisants pour renverser la présomption (considérant 405 de la décision attaquée). En effet, les arguments avancés par la requérante auraient été de nature extrêmement générale et n’auraient été étayés par aucun élément de preuve spécifique.

59      En effet, dès lors qu’il incombe à l’entreprise en cause d’apporter des preuves de l’autonomie de sa filiale, dans le cas où elle n’apporte aucun élément de preuve, mais se contente de simples déclarations générales et non étayées, la Commission ne violerait pas son obligation de motivation en se contentant de souligner que les éléments apportés sont insuffisants pour renverser la présomption.

60      En tout état de cause, selon la Commission, même à supposer qu’elle n’ait pas suffisamment expliqué en quoi les éléments avancés par la requérante afin de renverser la présomption ne permettaient pas d’atteindre cet objectif, il n’en demeurerait pas moins que la décision attaquée est suffisamment motivée, en ce que la Commission y a indiqué clairement deux éléments additionnels qui permettraient à eux seuls de conclure que Chemoxal et la requérante formaient une unité économique. Il s’agirait, d’une part, du pouvoir de nomination par la requérante des membres du conseil d’administration de Chemoxal et, d’autre part, du fait que « de l’extérieur », du point de vue des clients et des concurrents, l’activité commerciale de Chemoxal était perçue comme étant celle de la requérante. En particulier, il aurait été souvent fait référence à Chemoxal en tant qu’« Air liquide » dans le contexte de l’entente et Chemoxal aurait utilisé la marque Air liquide dans la conduite de ses activités commerciales.

61      En outre, dans la décision attaquée, la Commission aurait également indiqué le fait que Chemoxal commercialisait du PH fabriqué par Oxysynthèse, contrôlée conjointement par la requérante et par Atochem. Cela aurait été mis en exergue comme critère pertinent pour l’imputation de l’infraction au point 344 de la communication des griefs. En effet, il serait difficilement concevable que la requérante n’ait exercé aucun contrôle sur une société qui était chargée de commercialiser la production d’une autre de ses filiales sur laquelle elle exerçait un contrôle conjoint effectif.

62      Enfin, à titre tout à fait subsidiaire, la Commission fait valoir que, même l’éventuelle constatation de l’insuffisance de motivation en l’espèce ne devrait pas entraîner l’annulation de la décision attaquée, dès lors que les éléments présentés par la requérante ne consistaient qu’en des affirmations de nature générale et ne sont aucunement de nature à constituer des éléments de preuve susceptibles de renverser la présomption en cause.

 Appréciation du Tribunal

63      Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée).

64      La Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision. En particulier, elle n’est pas tenue de prendre position sur des éléments qui sont manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, Rec. p. II‑2197, point 64 ; voir également, en ce sens, arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, point 63 supra, point 64).

65      Lorsque, comme en l’espèce, une décision d’application de l’article 81 CE concerne une pluralité de destinataires et pose un problème d’imputabilité de l’infraction, elle doit comporter une motivation suffisante à l’égard de chacun de ses destinataires, particulièrement de ceux d’entre eux qui, aux termes de cette décision, doivent supporter la charge de cette infraction. Ainsi, à l’égard d’une société mère tenue pour responsable du comportement infractionnel de sa filiale, une telle décision doit contenir un exposé circonstancié des motifs de nature à justifier l’imputabilité de l’infraction à cette société (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, T‑327/94, Rec. p. II‑1373, points 78 à 80).

66      En l’espèce, la requérante soutient que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas exposé de motifs suffisants quant à la constatation de sa responsabilité, en particulier, en ce que celle-ci n’a pas explicité les motifs du rejet des éléments qu’elle avait apportés afin de renverser la présomption résultant de son contrôle du capital entier de Chemoxal.

67      Il convient d’observer qu’il résulte du dossier que, dans sa réponse à la communication des griefs, la requérante a invoqué une argumentation spécifique afin de démontrer l’autonomie de Chemoxal, en faisant valoir les éléments suivants :

–        en premier lieu, s’agissant de l’autonomie structurelle de Chemoxal, à la différence de ce qui a pu être relevé pour certaines des autres entreprises concernées, aucun des dirigeants de Chemoxal n’aurait été membre du comité de direction de la requérante, ni des organes sociaux de celle-ci ; cela serait attesté par les exemples de fiches de paie fournis à la Commission, ainsi que par les éléments fournis en réponse à la demande de renseignements du 18 mars 2004 : en effet, aucun dirigeant ou salarié de Chemoxal n’aurait été simultanément salarié de la requérante ;

–        il résulterait des procès-verbaux du conseil d’administration de Chemoxal des 12 mai et 25 octobre 1995, fournis à la Commission, que le mandat de son PDG était illimité, celui-ci étant « investi dans les limites légales des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de [Chemoxal] » et que son directeur général disposait également de pouvoirs largement définis ; selon une circulaire du directeur général de Chemoxal, datant de la période contemporaine de l’infraction, celui-ci s’est vu attribuer des responsabilités relatives à la définition de la politique logistique et à la conduite de la politique commerciale générale, lors du détachement d’un directeur commercial en Asie ;

–        Chemoxal aurait disposé de ses propres services, à savoir un service commercial, un service marketing, un service de ressources humaines, un service informatique et un service de comptabilité, lui permettant de gérer totalement seule sa politique commerciale, et disposait même d’un centre de recherches, géré de manière distincte, même s’il était situé dans les mêmes locaux que celui de la requérante ; pour les services dont Chemoxal ne disposait pas directement, comme notamment un service juridique, fiscal et « assurances », elle aurait fait appel aux services de sa société mère, moyennant rémunération ; même si le siège de Chemoxal était bien situé dans les mêmes bâtiments que le siège du groupe, ses locaux auraient été loués à sa société mère, ce qui aurait été attesté par un contrat de bail fourni à la Commission ;

–        Chemoxal aurait géré de manière autonome les participations du groupe dans Oxysynthèse et dans Oxysynthèse Deutschland GmbH, sociétés productrices de PH ; bien qu’un représentant de la requérante ait également siégé au sein du conseil d’administration d’Oxysynthèse, seul l’un des représentants de Chemoxal faisait partie du comité de direction de cette société et en assurait la direction générale ;

–        Chemoxal aurait géré de manière autonome la participation du groupe dans Chemoxal Chemie GmbH, société juridiquement rattachée à la requérante pour des raisons fiscales ; il résulterait des pièces jointes au dossier de la Commission que les représentants au sein du conseil d’administration de cette filiale avaient été, en réalité, les salariés de Chemoxal ;

–        en second lieu, s’agissant de l’autonomie décisionnelle de Chemoxal, son activité aurait été très éloignée des autres activités du groupe centrées sur la fourniture de gaz industriels et médicaux ; la définition et la conduite de la politique commerciale de Chemoxal auraient été exclusivement confiées à la direction de cette société ;

–        les directives et les grandes orientations en matière de prix auraient émané exclusivement des dirigeants de Chemoxal, les décisions sur un prix offert à un client déterminé étant prises par les opérationnels, sous le seul contrôle de ses dirigeants, ce qui aurait été attesté par des courriers internes et les rapports de visite de clientèle fournis à la Commission ;

–        le développement de grands projets commerciaux stratégiques aurait été de la seule initiative du personnel de Chemoxal, ce qui aurait été attesté par un projet relatif à la solution de production dite « on-site » de PH développé par Chemoxal en 1996, s’inspirant de techniques qui avaient été développées par le groupe pour d’autres produits ; à cette fin, Chemoxal aurait débauché un technicien de sa société mère, cette dernière n’étant pas impliquée par ailleurs ;

–        l’élaboration du budget de Chemoxal aurait relevé de sa direction, ce qu’attesterait une circulaire de son directeur général, fournie à la Commission, précisant la répartition des tâches en question ;

–        les relations de Chemoxal avec ses clients auraient été assurées directement par celle-ci ou ses agents locaux, ainsi qu’il résulterait des courriers et des rapports de visite de la clientèle ;

–        Chemoxal aurait été considérée comme une société autonome pour ce qui est de ses relations avec le CEFIC, ce qui résulterait des comptes rendus de réunions de ce dernier, figurant dans le dossier de la Commission ;

–        bien que Chemoxal ait utilisé le nom commercial Air Liquide Chimie, elle l’aurait fait dans un but légitime, qui était de profiter de la renommée du groupe d’envergure internationale, cette circonstance n’affectant pas son autonomie à l’égard de la société mère portant une dénomination sociale proche ; les documents commerciaux officiels de Chemoxal seraient notamment établis sous sa dénomination sociale ;

–        aucune des personnes ayant participé à des réunions de l’entente en cause n’aurait été salariée de la requérante et il n’existerait dans le dossier de la Commission aucune trace d’une quelconque instruction qui aurait été donnée par la requérante à Chemoxal.

68      Au considérant 404 de la décision attaquée, la Commission a dressé l’état de l’argumentation avancée par la requérante.

69      Elle a affirmé, ensuite, au considérant 405 de la décision attaquée, que les éléments présentés par la requérante n’étaient pas suffisants pour renverser la présomption en cause, en indiquant que la constatation de l’exercice d’une influence déterminante de la requérante sur Chemoxal était corroborée, d’une part, par son pouvoir de nomination des membres du conseil d’administration de sa filiale et, d’autre part, par les indices relatifs à la perception que les tiers avaient des sociétés concernées. Enfin, au considérant 406 de la décision attaquée, elle a maintenu sa conclusion selon laquelle la requérante et Chemoxal constituaient la même entreprise.

70      Il y a lieu de relever que ce raisonnement n’aborde pas l’argumentation invoquée par la requérante, mais se limite à renvoyer à certains indices supplémentaires de l’exercice par la requérante d’une influence déterminante sur sa filiale. Par conséquent, les motifs précités de la décision attaquée n’exposent pas les raisons pour lesquelles la Commission a considéré que les éléments présentés par la requérante n’étaient pas suffisants pour renverser la présomption en cause.

71      En outre, il convient de considérer que, bien que la Commission ne soit pas tenue de prendre position sur tous les éléments invoqués par l’intéressé, notamment lorsque ceux-ci sont manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires (voir point 64 ci-dessus), en l’espèce, contrairement à ce que soutient la Commission, les éléments invoqués par la requérante ne sauraient être considérés comme étant dépourvus de signification au regard de l’appréciation de l’autonomie de Chemoxal.

72      En effet, dans sa réponse à la communication des griefs, la requérante s’est prévalue d’un ensemble de circonstances caractérisant les liens entre elle-même et Chemoxal au moment de l’infraction en cause, en invoquant, notamment, le fait que l’activité de cette dernière avait été très spécifique par rapport aux autres activités du groupe, l’absence d’imbrication au niveau des dirigeants et du personnel des sociétés concernées, une large définition des pouvoirs des dirigeants de la filiale, le fait que celle-ci disposait de ses propres services relatifs aux activités commerciales, ainsi que d’une autonomie dans l’élaboration des projets stratégiques.

73      Les éléments apportés par la requérante ne se limitaient d’ailleurs pas à des allégations, mais contenaient une série d’éléments concrets, annexés à la communication des griefs (voir point 67 ci-dessus).

74      Dans ces conditions, la Commission était tenue de prendre position sur l’argumentation contraire de la requérante, en examinant si, au regard de l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques entre les sociétés concernées, la requérante avait démontré que sa filiale se comportait sur le marché de manière autonome.

75      Le devoir de la Commission de motiver sa décision sur ce point résulte clairement du caractère réfragable de la présomption en cause, dont le renversement requerrait de la requérante de produire une preuve portant sur l’ensemble des liens économiques, organisationnels et juridiques entre elle-même et sa filiale.

76      Par ailleurs, le défaut des motifs en cause ne saurait être pallié par la référence qui est effectuée aux indices exposés au considérant 405 de la décision attaquée, tirés du pouvoir de nomination des membres du conseil d’administration de la filiale, ainsi que de la perception que les tiers avaient des sociétés concernées.

77      En effet, bien que ces éléments puissent être pris en compte dans le cadre de l’appréciation des liens entre les sociétés concernées, leur invocation ne vise pas à remettre en cause le caractère pertinent de l’argumentation de la requérante tirée de l’autonomie de Chemoxal et, dès lors, ne saurait constituer un motif suffisant quant au rejet de cette argumentation.

78      Concernant l’argument de la Commission tiré de l’existence d’autres indices de l’influence exercée par la requérante sur Chemoxal, à savoir le fait que celle-ci commercialisait du PH fabriqué par Oxysynthèse, contrôlée conjointement par la requérante et par Atochem (considérant 401 de la décision attaquée), il y a lieu d’observer qu’il ne ressort pas de la décision attaquée que cet élément ait été invoqué par la Commission en tant que motif pour sa constatation de l’influence déterminante exercée par la requérante sur Chemoxal. Par ailleurs, une simple référence à cet indice supplémentaire relatif aux liens entre les sociétés concernées ne saurait, en tout état de cause, pallier l’insuffisance des motifs du rejet de l’argumentation contraire invoquée par la requérante.

79      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas pris une position circonstanciée sur les éléments de preuve apportés par la requérante afin de renverser la présomption résultant de sa participation dans le capital de Chemoxal et, ainsi, n’a pas motivé à suffisance de droit sa conclusion quant à l’imputation de l’infraction en cause à la requérante.

80      Dans la mesure où la Commission soutient, dans le mémoire en défense, que les éléments de preuve contraires invoqués par la requérante étaient, en tout état de cause, insuffisants pour démontrer l’autonomie de Chemoxal, il y a lieu de relever que les motifs de la décision attaquée ne font ressortir aucun élément d’appréciation par la Commission des éléments en cause, ce qui entrave le contrôle du bien‑fondé de la décision attaquée sur cet aspect.

81      En outre, il y a lieu de rappeler que la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief, l’absence de motivation ne pouvant donc pas être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de la décision en cours d’instance (arrêts de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 463, et du Tribunal du 12 septembre 2007, González y Díez/Commission, T‑25/04, Rec. p. II‑3121, point 220).

82      Dès lors, l’absence de motifs en cause ne saurait être palliée en cours d’instance.

83      Au vu de tout ce qui précède, il convient d’accueillir le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation et de faire droit à la demande d’annulation de la décision attaquée, pour autant qu’elle concerne la requérante.

84      Par conséquent, il n’y a pas lieu de se prononcer sur le quatrième moyen.

 Sur les dépens

85      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision C (2006) 1766 final de la Commission, du 3 mai 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/F/38.620 – Peroxyde d’hydrogène et perborate) est annulée, pour autant qu’elle concerne L’Air liquide, SA pour l’étude et l’exploitation des procédés Georges Claude.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Vadapalas

Prek

Dittrich

Truchot

 

       O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 juin 2011.

Signatures


* Langue de procédure : le français.

Nahoru