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Document 62005TJ0456

Arrêt du Tribunal (cinquième chambre) du 28 avril 2010.
Gütermann AG (T-456/05) et Zwicky & Co. AG (T-457/05) contre Commission européenne.
Concurrence - Ententes - Marché européen du fil industriel - Décision constatant une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE - Amendes - Gravité de l’infraction - Impact concret sur le marché - Durée de l’infraction - Circonstances atténuantes - Coopération durant la procédure administrative - Proportionnalité - Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes.
Affaires jointes T-456/05 et T-457/05.

Recueil de jurisprudence 2010 II-01443

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2010:168

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

28 avril 2010 ( *1 )

«Concurrence — Ententes — Marché européen du fil industriel — Décision constatant une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE — Amendes — Gravité de l’infraction — Impact concret sur le marché — Durée de l’infraction — Circonstances atténuantes — Coopération durant la procédure administrative — Proportionnalité — Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes»

Dans les affaires jointes T-456/05 et T-457/05,

Gütermann AG, établie à Gutach-Breisgau (Allemagne), représentée par M es  J. Burrichter, B. Kasten et S. Orlikowski-Wolf, avocats,

partie requérante dans l’affaire T-456/05,

Zwicky & Co. AG, établie à Wallisellen (Suisse), représentée par M es  J. Burrichter, B. Kasten et S. Orlikowski-Wolf, avocats,

partie requérante dans l’affaire T-457/05,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. F. Castillo de la Torre, M. Schneider et M me  K. Mojzesowicz, puis par M. Castillo de la Torre et M me  Mojzesowicz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C(2005) 3452 de la Commission, du 14 septembre 2005 , relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/38.337 PO/Fil), telle que modifiée par la décision C(2005) 3765 de la Commission, du 13 octobre 2005 , et, à titre subsidiaire, une demande de réduction de l’amende infligée aux requérantes par ladite décision,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras, président, M. Prek (rapporteur) et V. M. Ciucă, juges,

greffier: M me  T. Weiler, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 décembre 2008 ,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1. Objet du litige

1

Par décision C(2005) 3452, du 14 septembre 2005 , relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/38.337 PO/Fil, ci-après la « décision attaquée » ), telle que modifiée par la décision C(2005) 3765 de la Commission, du 13 octobre 2005 , et dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 26 janvier 2008 ( JO C 21, p. 10 ), la Commission des Communautés européennes a constaté que les requérantes, Gütermann AG (ci-après « Gütermann » ) et Zwicky & Co. AG (ci-après « Zwicky » ), avaient participé à un ensemble d’accords et de pratiques concertées sur le marché du fil destiné à l’industrie du Benelux et des pays nordiques pour la période allant de janvier 1990 à septembre 2001 en ce qui concerne Gütermann et pour la période allant de janvier 1990 à novembre 2000 en ce qui concerne Zwicky.

2

La Commission a infligé une amende d’un montant de 4,021  millions d’euros à Gütermann et une amende d’un montant de 0,174  million d’euros à Zwicky, pour leur participation au cartel concernant le fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques.

2. Procédure administrative

3

Les 7 et 8 novembre 2001 , la Commission a effectué des vérifications, en application de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n o  17 du Conseil, du 6 février 1962 , premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] ( JO 1962, 13, p. 204 ), dans les locaux de plusieurs producteurs de fil à coudre. Ces vérifications faisaient suite à des renseignements fournis en août 2000 par The English Needle & Tackle Co. Ltd.

4

Le 26 novembre 2001 , Coats Viyella plc (ci-après « Coats » ) a déposé une demande de clémence au titre de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes ( JO 1996, C 207, p. 4 , ci-après la « communication sur la coopération » ), à laquelle étaient jointes des pièces produites en vue de prouver l’existence des ententes suivantes: premièrement, une entente sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile dans l’Espace économique européen (EEE), deuxièmement, une entente sur le marché du fil destiné à l’industrie au Royaume-Uni et, troisièmement, une entente sur le marché du fil destiné à l’industrie dans les pays du Benelux ainsi qu’au Danemark, en Finlande, en Norvège et en Suède (ci-après, pris ensemble, les « pays nordiques » ).

5

Sur la base des documents emportés lors des inspections et de ceux communiqués par Coats, la Commission a adressé aux entreprises concernées des demandes de renseignements en mars et en août 2003, conformément à l’article 11 du règlement n o  17.

6

Le 15 mars 2004 , la Commission a adopté une communication des griefs qu’elle a adressée à plusieurs entreprises en raison de leur participation à une ou à plusieurs ententes visées au point 4 ci-dessus, dont celle sur le marché du fil destiné à l’industrie dans le Benelux et dans les pays nordiques.

7

Toutes les entreprises destinataires de la communication des griefs ont présenté des observations écrites. Gütermann a répondu en son nom et en celui de Zwicky.

8

Une audition s’est tenue les 19 et 20 juillet 2004 .

9

Le 24 septembre 2004 , les parties se sont vu accorder l’accès à la version non confidentielle des réponses à la communication des griefs et aux observations des parties lors de l’audition, et ont reçu un délai pour émettre d’autres observations.

10

Le 14 septembre 2005 , la Commission a adopté la décision attaquée.

3. Décision attaquée

Définition des marchés en cause

Marché de produits

11

Dans la décision attaquée, la Commission indique que le secteur de la filterie peut être divisé en deux segments, à savoir, d’une part, celui du fil utilisé par l’industrie pour coudre ou broder différentes sortes d’articles d’habillement ou autres, tels que des articles de cuir, des revêtements textiles pour l’automobile et des matelas, et, d’autre part, celui du fil domestique utilisé par les particuliers pour des travaux de couture ou de réparation et pour des activités de loisir.

12

S’agissant du segment du fil industriel, il peut être divisé en trois catégories selon l’utilisation qui en est faite: le fil à coudre, destiné à la confection, qui est utilisé pour différents types de vêtements, le fil de broderie, lequel est utilisé sur les machines à broder industrielles informatisées pour enjoliver des vêtements, des chaussures de sport et des textiles de maison, et le fil spécial, qui est utilisé dans divers secteurs tels que ceux de la chaussure, des articles de cuir et de l’automobile.

13

Selon la Commission, le fil industriel peut être considéré, du point de vue de l’offre, comme constituant un marché de produit unique dès lors qu’il n’existe pas de correspondance stricte entre l’utilisation finale et le type de fibre et/ou la structure du fil.

14

La Commission opère toutefois une distinction entre le fil destiné à l’industrie automobile, d’une part, et celui destiné à l’industrie à l’exclusion du secteur automobile, d’autre part. En effet, elle considère que, bien que les processus de production de ces deux types de fil soient similaires ou aisément interchangeables, la demande de l’industrie automobile émane de gros clients qui imposent des spécifications d’un niveau plus élevé pour certains produits qu’ils utilisent — par exemple, le fil utilisé pour les ceintures de sécurité — et qui tiennent à l’uniformité des produits dans les différents pays où ils en ont besoin pour leur industrie.

15

Dans les présentes affaires, le marché de produits au regard duquel est examinée l’infraction reprochée aux requérantes est celui du fil industriel à l’exclusion du secteur automobile (ci-après le « fil industriel » ).

Marchés géographiques

16

Dans la décision attaquée, la Commission constate que, selon les informations fournies par les parties, le marché géographique en cause pour le fil industriel est de dimension régionale. Elle ajoute que la région peut couvrir, selon les cas, plusieurs pays de l’EEE, par exemple les pays du Benelux ou les pays nordiques, ou un seul pays, par exemple le Royaume-Uni.

17

En l’espèce, le marché géographique concerné par l’infraction reprochée aux requérantes est celui du Benelux et des pays nordiques.

Taille et structure des marchés en cause

18

Il ressort de la décision attaquée que le chiffre de ventes du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques était de plus ou moins 50 millions d’euros en 2000 et de plus ou moins 40 millions en 2004.

19

Il y apparaît également que, à la fin des années 90, les principaux fournisseurs de fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques étaient notamment Gütermann, Zwicky, Amann und Söhne GmbH & Co. KG (ci-après « Amann » ), Barbour Threads Ltd avant son acquisition par Coats, Belgian Sewing Thread NV (ci-après « BST » ) et Coats.

Description des comportements infractionnels

20

La Commission indique, dans la décision attaquée, que les événements relatifs à l’entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques se sont déroulés au cours des années 1990 à 2001.

21

Selon la Commission, les entreprises concernées se sont rencontrées au moins une fois par an et ces réunions ont été organisées en deux sessions, l’une consacrée au marché des pays du Benelux, l’autre à celui des pays nordiques, l’objectif principal de celles-ci étant de maintenir les prix à un niveau élevé sur chacun de ces deux marchés.

22

Les participants auraient échangé des listes de prix et des informations sur les rabais, sur l’application des augmentations des prix catalogue, sur des baisses de rabais et sur l’augmentation des prix spéciaux applicables à certains clients. Auraient également été conclus des accords sur les futures listes des prix, sur le taux maximal de rabais, sur les diminutions de rabais et sur l’augmentation des prix spéciaux applicables à certains clients ainsi que des accords visant à éviter de se faire concurrence par les prix à l’avantage du fournisseur attitré et à se répartir les clients (décision attaquée, considérants 99 à 125).

Dispositif de la décision attaquée

23

À l’article 1 er , paragraphe 1, de la décision attaquée, la Commission a constaté que huit entreprises, dont Gütermann et Zwicky, avaient enfreint l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord EEE en participant à un ensemble d’accords et de pratiques concertées sur le marché du fil industriel dans le Benelux et dans les pays nordiques, pour la période allant de janvier 1990 à septembre 2001 en ce qui concerne Gütermann, et pour la période allant de janvier 1990 à novembre 2000 en ce qui concerne Zwicky.

24

Aux termes de l’article 2, premier alinéa, de la décision attaquée, les amendes suivantes ont été infligées, pour l’entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et dans les pays nordiques, notamment aux entreprises suivantes:

Coats: 15,05  millions d’euros;

Amann: 13,09  millions d’euros;

BST: 0,979  million d’euros;

Gütermann: 4,021  millions d’euros;

Zwicky: 0,174  million d’euros.

25

À l’article 3 de la décision attaquée, la Commission a enjoint les entreprises visées par ladite décision de mettre immédiatement fin aux infractions qu’elle avait constatées, si elles ne l’avaient déjà fait. Elle les a également obligées de s’abstenir de reproduire tout acte visé à l’article 1 er de la décision attaquée et tout acte ou pratique ayant un objet ou un effet équivalent.

Procédure et conclusions des parties

26

Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 30 décembre 2005 , les requérantes ont introduit les présents recours.

27

Dans l’affaire T-456/05, Gütermann conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

annuler l’article 1 er de la décision attaquée dans la mesure où la Commission y constate qu’elle a commis une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE sur le marché de la Finlande, de la Norvège et de la Suède pour la période allant de janvier 1990 à septembre 2001 et, à titre subsidiaire, pour la période allant de janvier 1990 à décembre 1993 inclus;

annuler l’article 2 de la décision attaquée dans la mesure où la Commission lui inflige une amende d’un montant de 4,021  millions d’euros ou, à titre subsidiaire, réduire de manière appropriée le montant de cette amende;

condamner la Commission aux dépens.

28

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

rejeter le recours;

condamner Gütermann aux dépens.

29

Dans l’affaire T-457/05, Zwicky conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

annuler l’article 1 er de la décision attaquée dans la mesure où la Commission y constate qu’elle a commis une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE sur le marché de la Finlande, de la Norvège et de la Suède pour la période allant de janvier 1990 à novembre 2000 et, à titre subsidiaire, pour la période allant de janvier 1990 à décembre 1993 inclus;

annuler l’article 2 de la décision attaquée dans la mesure où la Commission lui inflige une amende d’un montant de 0,174  million d’euros ou, à titre subsidiaire, réduire de manière appropriée le montant de cette amende;

annuler l’article 3 de la décision attaquée en ce qui la concerne;

condamner la Commission aux dépens.

30

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

rejeter le recours;

condamner Zwicky aux dépens.

31

Par ordonnance du 9 décembre 2008 , le président de la cinquième chambre du Tribunal a décidé, les parties entendues, de joindre les affaires T-456/05 et T-457/05 aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal.

En droit

32

En premier lieu, deux moyens relatifs au comportement infractionnel sont invoqués par les requérantes. Celles-ci soulèvent tout d’abord un moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) n o  1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002 , relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] ( JO 2003, L 1, p. 1 ). Zwicky se prévaut ensuite d’un moyen tiré du caractère injustifié des injonctions de mettre fin à l’infraction et de s’abstenir de toute récidive.

33

En second lieu, les requérantes invoquent une série de moyens tendant à la suppression ou à la réduction de l’amende. D’une part, Zwicky reproche à la Commission de lui avoir infligé une amende dont le montant dépasse le plafond de 10% de son chiffre d’affaires. D’autre part, les requérantes invoquent cinq moyens tirés, respectivement, d’une appréciation erronée de la gravité de l’infraction au regard de ses effets, d’une appréciation erronée de la durée de l’infraction, d’une absence de prise en compte de certaines circonstances atténuantes, d’une application erronée de la communication sur la coopération et du caractère disproportionné de l’amende.

1. Sur les moyens visant à contester la constatation de l’existence d’un comportement infractionnel et les injonctions d’y mettre fin et de ne pas le reproduire

Sur le moyen, invoqué par Gütermann et Zwicky, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n o  1/2003

Arguments des parties

34

Selon les requérantes, la Commission a violé l’article 7, paragraphe 1, du règlement n o  1/2003, qui dispose que, « [s]i la Commission, agissant d’office ou saisie d’une plainte, constate l’existence d’une infraction aux dispositions de l’article 81 [CE] ou 82 [CE], elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d’entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée » . En effet, en leur reprochant d’avoir commis une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE en raison de leur participation à des accords et à des pratiques concertées sur les marchés du fil industriel dans le Benelux et dans les pays nordiques, durant la période allant de janvier 1990 à septembre 2001 pour Gütermann, et de janvier 1990 à novembre 2000 pour Zwicky, la Commission aurait omis de tenir compte du fait que l’accord EEE n’est entré en vigueur que le 1 er  janvier 1994 et que, par conséquent, avant cette date, les dispositions de cet accord ne s’appliquaient pas à la Finlande, à la Norvège et à la Suède. De même, la Finlande et la Suède n’ayant adhéré à la Communauté européenne que le 1 er  janvier 1995 , l’article 81 CE ne serait devenu d’application directe qu’à cette date.

35

Les requérantes estiment par ailleurs que la Commission a, à bon droit, considéré qu’une infraction au sens juridique du terme, c’est-à-dire une violation de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE du fait de leur comportement, ne pouvait exister, en ce qui concerne la Finlande, la Norvège et la Suède, qu’à partir du 1 er  janvier 1994 . La Commission aurait donc commis une erreur en partant, d’un point de vue juridique, de l’existence d’une infraction ne faisant que croître en intensité. La Commission n’opérerait pas de distinction entre l’appréciation matérielle du comportement des requérantes en tant qu’entente unique et continue de janvier 1990 à septembre 2001, pour Gütermann, et de janvier 1990 à novembre 2000, pour Zwicky, et l’appréciation juridique de ce comportement en tant que violation des règles de concurrence durant ces deux périodes.

36

Par ailleurs, les requérantes considèrent leur moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n o  1/2003 recevable. En effet, la Commission se prévaudrait à tort de l’irrecevabilité de ce moyen au motif qu’elles ne feraient pas valoir l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans la qualification de leur comportement d’entente unique et continue. Selon elles, la Commission a qualifié leur comportement d’entente unique et continue sous l’angle des faits, ce qu’elles ne contestent pas dans le cadre du présent moyen. En revanche, l’article 1 er , paragraphe 1, de la décision attaquée contiendrait une appréciation juridique erronée étant donné, d’une part, que Zwicky n’était pas présente sur le marché du fil industriel dans les pays nordiques et, d’autre part, que, s’agissant de la Finlande, de la Norvège et de la Suède, il ne pourrait y avoir de violation des règles de concurrence entre janvier 1990 et décembre 1993.

37

La Commission se prévaut, à titre principal, de l’irrecevabilité du présent moyen invoqué par les requérantes et conteste, à titre subsidiaire, le bien-fondé de celui-ci.

Appréciation du Tribunal

38

Le Tribunal estime qu’il y a lieu d’apprécier le bien-fondé du moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n o  1/2003 sans qu’il soit nécessaire d’examiner sa recevabilité.

39

Premièrement, il convient de souligner que, dans l’article 1 er , paragraphe 1, sous g) et h), de la décision attaquée, la Commission constate l’existence d’une violation, par les requérantes, de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE en raison de leur participation, de janvier 1990 à septembre 2001, pour Gütermann, et de janvier 1990 à novembre 2000, pour Zwicky, à des pratiques concertées portant sur les marchés du fil industriel dans le Benelux et dans les pays nordiques.

40

Force est de constater que, pris isolément, cet article pourrait laisser entendre que la Commission a retenu l’existence d’une infraction commise par les requérantes en raison de leur participation à des pratiques concertées sur le marché du fil industriel en Finlande, en Norvège et en Suède, entre janvier 1990 et décembre 1993, soit avant l’entrée en vigueur de l’accord EEE. Or, il est constant que, durant cette période, il n’existait aucune base juridique permettant à la Commission de constater l’existence d’une telle infraction de la part des requérantes.

41

Toutefois, il résulte de la jurisprudence que le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation, de sorte qu’il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (arrêt de la Cour du 15 mai 1997 , TWD/Commission, C-355/95 P, Rec. p. I-2549 , point 21; arrêt du Tribunal du 13 juin 2000 , EPAC/Commission, T-204/97 et T-270/97, Rec. p. II-2267 , point 39).

42

À cet égard, il ressort clairement des considérants 246, 295 à 298 et 331 de la décision attaquée que, dans la mesure où l’entente visait la Finlande, la Norvège et la Suède, elle n’a constitué une infraction aux règles communautaires de la concurrence et aux règles de l’EEE concernant la concurrence qu’à partir du 1 er  janvier 1994 , date d’entrée en vigueur de l’accord EEE. Dès lors, l’article 1 er , paragraphe 1, sous g) et h), de la décision attaquée doit se lire à la lumière de cette motivation claire et dépourvue de toute ambiguïté. Ainsi, il y a lieu de considérer que le dispositif de la décision attaquée doit être lu en ce sens que les éléments de l’infraction unique et continue, relatifs à la Finlande, à la Norvège et à la Suède, n’ont existé qu’à partir du 1 er  janvier 1994 .

43

Deuxièmement, c’est en vain que les requérantes se prévalent, en substance, d’une distinction prétendument opérée par la Commission, dans la décision attaquée, entre l’appréciation juridique d’une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE, d’une part, et l’appréciation matérielle, aux considérants 264 à 277 de la décision attaquée, de leur comportement en tant qu’infraction unique et continue, d’autre part. Elles en concluent, tout autant à tort, que, dès lors qu’une infraction « au sens juridique du terme » n’a pu exister, en ce qui concerne la Finlande, la Norvège et la Suède, qu’à partir du 1 er  janvier 1994 , la Commission a commis une erreur en constatant l’existence d’une infraction qui n’a fait que croître en intensité.

44

En premier lieu, il importe de souligner que les requérantes n’ont nullement remis en cause le caractère unique et continu de l’infraction sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques.

45

Ensuite, il convient de rappeler qu’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu. Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999 , Commission/Anic Partecipazioni, C-49/92 P, Rec. p. I-4125 , point 81; arrêt du Tribunal du 5 avril 2006 , Degussa/Commission, T-279/02, Rec. p. II-897 , point 155).

46

Ainsi, l’infraction unique et continue regroupe fréquemment une série d’actes qui se suivent chronologiquement et qui, en eux-mêmes, au moment où ils sont commis, peuvent également constituer une infraction aux règles de la concurrence. La particularité de ces actes consiste dans le fait qu’ils s’inscrivent dans une stratégie d’ensemble. C’est en substance ce que la Commission a constaté aux considérants 264 à 277 de la décision attaquée à propos de l’entente visant le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques.

47

Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les considérations énoncées dans les considérants précités de la décision attaquée ne consistent pas uniquement en une simple constatation d’éléments factuels, mais énoncent des raisons objectives imposant à la Commission de conclure que l’infraction sur le marché du fil industriel dans les pays nordiques a formé, avec celle sur le marché du fil industriel dans le Benelux, une infraction unique et continue.

48

Le fait que la base juridique sur laquelle s’est fondée la Commission pour constater l’infraction sur les marchés du fil industriel en Finlande, en Norvège et en Suède n’a existé que postérieurement au commencement de l’infraction est sans incidence à cet égard, dès lors que, ainsi que cela ressort de la motivation de la décision attaquée, le comportement des requérantes sur ce marché n’a été pris en compte qu’à partir du 1 er  janvier 1994 .

49

En second lieu, le grief, soulevé par Zwicky, tiré du fait qu’elle n’était pas présente sur le marché des pays nordiques, doit être rejeté. Comme il a été rappelé au point 44 ci-dessus, Zwicky a confirmé ne pas remettre en cause la qualification d’infraction unique et continue de l’entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques.

50

Or, il ressort de la jurisprudence qu’une entreprise ayant participé à une infraction unique et complexe par des comportements qui lui sont propres, qui relèvent des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 81 CE et qui visent à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble peut être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction, lorsqu’il est établi que l’entreprise en question connaît les comportements infractionnels des autres participants ou qu’elle peut raisonnablement les prévoir et qu’elle est prête à en accepter le risque (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 45 supra, point 203; arrêt du Tribunal du 20 mars 2002 , Brugg Rohrsysteme/Commission, T-15/99, Rec. p. II-1613 , point 73).

51

En l’espèce, Zwicky ne conteste pas avoir participé de façon régulière aux réunions consacrées au fil industriel sur le marché des pays nordiques, n’a nullement remis en cause l’affirmation de la Commission selon laquelle elle avait été active sur ce marché du fil industriel dans les pays nordiques avant le commencement de l’infraction unique, n’a pas nié avoir participé aux éléments infractionnels concernant le marché du fil industriel dans le Benelux et n’a, de plus, pas contesté que lesdits éléments infractionnels s’inscrivaient dans une stratégie d’ensemble et, partant, n’étaient que certains des composants de l’infraction unique et continue sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques.

52

Il s’ensuit que le seul fait que Zwicky n’ait pas été présente sur le marché du fil industriel dans les pays nordiques durant la période de la commission de l’infraction unique et continue ne saurait l’exonérer de sa responsabilité pour les comportements mis en œuvre, sur ce marché géographique, par les autres entreprises dans le cadre de ladite infraction.

53

Par ailleurs, dans la mesure où le grief de Zwicky doit se comprendre comme signifiant que seules les entreprises qui sont actives en leur qualité de concurrents, d’offreurs ou de demandeurs sur le marché géographique des pays nordiques sont susceptibles de coordonner leur comportement en tant qu’entreprises (co)auteurs d’une infraction, il convient de souligner qu’une entreprise est susceptible de violer l’interdiction prévue à l’article 81, paragraphe 1, CE lorsque son comportement, tel que coordonné avec celui d’autres entreprises, a pour but de restreindre la concurrence sur un marché pertinent particulier à l’intérieur du marché commun, sans que cela présuppose nécessairement qu’elle soit elle-même active sur ledit marché pertinent (voir, par analogie, arrêt du Tribunal 8 juillet 2008 , AC-Treuhand/Commission, T-99/04, Rec. p. II-1501 , point 122).

54

Eu égard aux constatations émises au point 51 ci-dessus, Zwicky ne saurait valablement remettre en cause le fait qu’elle est également responsable, en tant que coauteur, de la commission d’une infraction aux règles de concurrence pour l’entente relative au fil industriel sur le marché des pays nordiques.

55

En conséquence, le moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n o  1/2003 doit être rejeté.

Sur le moyen, invoqué par Zwicky, tiré du caractère injustifié des injonctions de mettre fin à l’infraction et de s’abstenir de toute récidive

Arguments des parties

56

Zwicky indique que, à l’article 3 de la décision attaquée, la Commission a enjoint les entreprises concernées de mettre immédiatement fin aux infractions constatées, si tant est qu’elles ne l’aient pas déjà fait, et de s’abstenir, à l’avenir, de tout acte relevant des infractions constatées ou de tout comportement ayant un objet similaire.

57

Or, Zwicky fait valoir que, non seulement elle n’est plus présente sur les marchés concernés par la décision attaquée depuis novembre 2000, mais encore, elle a renoncé à l’ensemble de ses activités commerciales pour se contenter désormais de gérer des biens immobiliers. Elle estime que les injonctions précitées violent le principe de proportionnalité et considère que l’article 3 de la décision attaquée est illégal. Selon elle, dans la mesure où la Commission avait la possibilité de constater, sans devoir procéder à des vérifications supplémentaires, qu’il avait été mis fin aux infractions et qu’il n’existait aucun risque de récidive, cette dernière n’avait aucun intérêt légitime à prononcer une injonction. Zwicky s’appuie, à cet égard, sur un arrêt de la Cour du 2 mars 1983 , GVL/Commission ( 7/82, Rec. p. 483 , points 24 et suivants).

58

La Commission conclut au rejet de ce moyen.

Appréciation du Tribunal

59

Il y a lieu de relever que, par le présent moyen, Zwicky demande l’annulation de l’article 3 du dispositif de la décision attaquée dans la mesure où il la concerne.

60

Il convient de constater que l’article 3 du dispositif de la décision attaquée contient, en fait, deux injonctions.

61

Dans un premier temps, cette disposition exige que les entreprises concernées mettent immédiatement fin, si elles ne l’ont déjà fait, aux infractions visées à l’article 1 er du dispositif de la décision attaquée. À cet égard, dans la mesure où Zwicky n’exerçait plus d’activités dans le secteur du fil industriel au moment de l’adoption de la décision attaquée, l’argumentation avancée à l’encontre de cette disposition est manifestement dépourvue de tout fondement. En effet, même si elle compte parmi les entreprises énumérées à l’article 1 er de la décision attaquée, Zwicky avait, du fait de ladite cessation d’activités, déjà mis fin à l’infraction et n’était donc plus concernée, en fait, par l’injonction en cause (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 avril 1999 , Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T-305/94 à T-307/94, T-313/94 à T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94, Rec. p. II-931 , point 1247). Cette circonstance rend également inopérant l’argument avancé par Zwicky quant à l’atteinte au principe de proportionnalité à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal 18 juin 2008 , Hoechst/Commission, T-410/03, Rec. p. II-881 , point 196).

62

Dans un second temps, l’article 3 de la décision attaquée exige que les entreprises énumérées à l’article 1 er s’abstiennent désormais de reproduire tout acte ou comportement décrit à l’article 1 er ainsi que de toute mesure ayant un objet ou un effet équivalent.

63

Il y a lieu de rappeler que l’application de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n o  1/2003 peut comporter l’interdiction de continuer certaines activités, pratiques ou situations dont l’illégalité a été constatée, mais aussi celle d’adopter un comportement futur similaire. De telles obligations pesant sur les entreprises ne doivent toutefois pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 15 mars 2000 , Cimenteries CBR e.a./Commission, T-25/95, T-26/95, T-30/95 à T-32/95, T-34/95 à T-39/95, T-42/95 à T-46/95, T-48/95, T-50/95 à T-65/95, T-68/95 à T-71/95, T-87/95, T-88/95, T-103/95 et T-104/95, Rec. p. II-491 , points 4704 et 4705, et la jurisprudence citée). Par ailleurs, le pouvoir de la Commission de prononcer des injonctions doit se faire en fonction de la nature de l’infraction constatée (arrêt de la Cour du 6 mars 1974 , Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, 6/73 et 7/73, Rec. p. 223 , point 45; arrêts du Tribunal du 7 octobre 1999 , Irish Sugar/Commission, T-228/97, Rec. p. II-2969 , point 298, et du 12 décembre 2000 , Aéroports de Paris/Commission, T-128/98, Rec. p. II-3929 , point 82).

64

En l’espèce, la Commission a constaté, à l’article 1 er de la décision attaquée, que Zwicky, avec d’autres entreprises, avait enfreint l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord EEE, en participant, de surcroît pendant une très longue période, à des accords et des pratiques concertées dans le secteur du fil industriel au Benelux et dans les pays nordiques, dans le cadre desquels elle et les autres entreprises avaient convenu de fixer des futures listes de prix, le taux maximal de rabais, les diminutions de rabais et l’augmentation des prix spéciaux applicables à certains clients ainsi que d’éviter de se faire concurrence par les prix à l’avantage du fournisseur attitré et de se répartir les clients. Zwicky ne conteste pas les considérations énoncées dans la décision attaquée à cet égard.

65

Dans ces conditions, en enjoignant aux entreprises concernées de s’abstenir à l’avenir, dans le cadre du marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques, de toute mesure susceptible d’avoir un objet ou un effet équivalent, la Commission n’a pas outrepassé les pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 7, paragraphe 1, du règlement n o  1/2003 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Hoechst/Commission, point 61 supra, point 199).

66

Le fait que Zwicky n’exerçait plus d’activités dans le secteur du fil industriel au jour de l’adoption de la décision attaquée ne saurait remettre en cause cette conclusion. En effet, une injonction comme celle de l’espèce est, par nature, préventive et ne dépend pas de la situation des entreprises concernées au moment de l’adoption de la décision attaquée.

67

La Commission était d’autant plus en droit d’inclure cette injonction dans le dispositif de la décision attaquée dès lors que Zwicky ne s’était pas engagée à ne pas répéter son comportement anticoncurrentiel (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 mars 1999 , Thyssen Stahl/Commission, T-141/94, Rec. p. II-347 , point 678).

68

Au surplus, l’arrêt GVL/Commission, point 57 supra, invoqué par Zwicky n’est pas pertinent en l’espèce. En effet, outre le fait que les circonstances de cette affaire sont différentes de celles de l’espèce, il a été démontré, aux points 60 à 67 ci-dessus, d’une part, que Zwicky n’était pas concernée par l’injonction de mettre immédiatement fin aux infractions visées à l’article 1 er de la décision attaquée et, d’autre part, que la Commission avait un intérêt parfaitement légitime à l’enjoindre de s’abstenir, à l’avenir, de tout acte relevant des infractions constatées ou de tout comportement ayant un objet similaire.

69

Pour l’ensemble de ces raisons, le présent moyen doit être rejeté.

2. Sur les moyens visant à contester l’amende et son montant

Sur le moyen, invoqué par Zwicky, tiré du dépassement du plafond de 10% du chiffre d’affaires

Arguments des parties

70

Après avoir indiqué qu’elle avait mis fin à ses activités commerciales relatives au fil industriel en novembre 2000, Zwicky reproche tout d’abord à la Commission d’avoir fondé son calcul du montant maximal de 10% du chiffre d’affaires sur celui réalisé par Gütermann. En effet, cette dernière entreprise aurait seulement repris une partie de ses activités et ne serait pas soumise à son contrôle. Seul le chiffre d’affaires de Zwicky serait donc déterminant. Dès lors que Zwicky ne réalise plus de chiffre d’affaires depuis 2001, aucune amende ne pourrait lui être infligée au titre de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o  1/2003. En effet, le règlement n o  1/2003 viserait le chiffre d’affaires total du dernier exercice social précédent l’adoption de la décision. Le fait de lier l’amende à ce dernier chiffre permettrait de tenir compte de l’importance et de l’influence de l’entreprise sur le marché. Dès lors, ce serait la situation actuelle des entreprises par rapport à leur chiffre d’affaires qui serait déterminante. Une entreprise ne réalisant plus de chiffre d’affaires n’aurait pas d’influence sur le marché et ne pourrait, par conséquent, plus se voir infliger d’amendes.

71

Elle relève, ensuite, que l’arrêt du Tribunal du 29 novembre 2005 , Britannia Alloys & Chemicals/Commission ( T-33/02, Rec. p. II-4973 ), invoqué par la Commission, doit être interprété en ce sens que la prise en compte d’un chiffre d’affaires qui n’est pas celui de l’exercice social complet précédant l’adoption de la décision est possible lorsque l’entreprise concernée a cessé ses activités commerciales ou a détourné son chiffre d’affaires pour éviter l’imposition d’une lourde amende. Tel ne serait pas le cas en l’espèce. Zwicky soutient, à cet égard, que ses activités ont été vendues un an avant les vérifications de la Commission, à la suite d’une dégradation de sa situation concurrentielle.

72

Zwicky souligne, de plus, que, en l’espèce, Gütermann a acquis son activité commerciale dans le cadre d’un rachat d’actifs (asset deal) et que, dès lors, les revenus liés à l’activité ainsi reprise auraient dû passer à Gütermann et augmenter son chiffre d’affaires à prendre en compte pour l’application de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o  1/2003. En outre, elle fait valoir que la vente de ses activités à Gütermann ne constitue pas une simple réorganisation interne à l’entreprise.

73

Enfin, le fait que les requérantes aient envoyé un seul document en réponse à la communication des griefs s’expliquerait par la circonstance que les activités de fil industriel ont été reprises par Gütermann et que le président du conseil d’administration de Zwicky a été nommé membre du conseil d’administration de Gütermann à la suite de cette opération. Toutefois, cela ne changerait en rien le fait que Zwicky est indépendante de Gütermann et que cette dernière n’est pas devenue actionnaire de la première.

74

La Commission relève que ce moyen est inopérant dans la mesure où, même si l’argument de Zwicky était exact, elle aurait déterminé le plafond de l’amende en prenant en compte le chiffre d’affaires de l’exercice social précédent, ce qu’elle aurait déjà fait dans d’autres affaires. Or, elle constate que le chiffre d’affaires global de Zwicky pour l’année 1999 était de 4,5  millions d’euros et que l’amende d’un montant de 0,174  million d’euros ne dépasse nullement le plafond de 10% de ce chiffre d’affaires.

75

À titre subsidiaire, la Commission fait tout d’abord valoir que, même si Gütermann a acheté, en novembre 2000, les activités de Zwicky concernées par l’entente sur le marché du fil industriel, elle a tenu compte du fait que Zwicky a été impliquée dans l’infraction sanctionnée pendant dix ans et a considéré que, après la vente par Zwicky de ses activités commerciales, le fait d’avoir continué à subsister juridiquement sous la forme d’une « coquille vide » constituait une manœuvre mise en œuvre dans le but spécifique d’échapper à des sanctions infligées pour violation des règles de concurrence. Elle relève de plus que Zwicky n’a pas contesté la jurisprudence selon laquelle il incombe en principe à la personne physique ou morale qui dirigeait l’entreprise concernée au moment de l’infraction de répondre de celle-ci. Elle ajoute que, dès lors que le président du conseil d’administration de Zwicky était présent au sein du directoire de Gütermann et qu’il disposait ainsi de connaissances précises sur la participation des deux entreprises à l’entente, les raisons ayant motivé la décision de maintenir l’existence de Zwicky peuvent être aisément comprises.

76

La Commission estime ensuite que l’interprétation effectuée par Zwicky de l’article 23, paragraphe 2, deuxième phrase, du règlement n o  1/2003 n’est pas compatible avec le principe de l’effet utile, car elle permet aux entreprises de contourner leur responsabilité par le biais de réorganisations purement internes. Tel serait l’approche du Tribunal dans l’arrêt Britannia Alloys & Chemicals/Commission, point 71 supra.

77

La Commission fait valoir enfin que les liens étroits entre Zwicky et Gütermann ressortent de la rédaction d’une réponse commune à la communication des griefs et de la présence d’avocats identiques pour les défendre devant le Tribunal.

Appréciation du Tribunal

78

Aux termes de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o  1/2003, la Commission peut infliger aux entreprises des amendes n’excédant pas 10% de leur chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédant l’adoption de la décision. Ce plafond de 10% vise à éviter que les amendes soient disproportionnées par rapport à l’importance de l’entreprise et, en particulier, que soient infligées des amendes dont il est prévisible que les entreprises ne seront pas en mesure de s’acquitter. Comme seul le chiffre d’affaires global peut effectivement donner une indication approximative à cet égard, il convient de comprendre ce pourcentage comme se référant au chiffre d’affaires global (arrêt de la Cour du 7 juin 1983 , Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825 , point 119).

79

Il y a lieu également de souligner que l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o  1/2003 ont pour objet de donner à la Commission le pouvoir d’infliger des amendes en vue de lui permettre d’accomplir la mission de surveillance que lui confère le droit communautaire (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 78 supra, point 105, et arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003 , Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T-224/00, Rec. p. II-2597 , point 105). Cette mission comprend la tâche d’instruire et de réprimer des infractions individuelles ainsi que le devoir de poursuivre une politique générale visant à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité et à orienter en ce sens le comportement des entreprises. Il s’ensuit que la Commission doit veiller au caractère dissuasif des amendes (arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, précité, points 105 et 106).

80

Il convient par ailleurs de relever que l’ « exercice social précédent » au sens de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n o  1/2003 vise, en principe, le dernier exercice complet de chacune des entreprises concernées à la date de l’adoption de la décision (arrêt de la Cour du 7 juin 2007 , Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C-76/06 P, Rec. p. I-4405 , point 32).

81

En l’espèce, la décision attaquée datant du 14 septembre 2005 , l’exercice social précédent était celui du 1 er  juillet 2004 au 30 juin 2005 . Or, Zwicky a cédé à Gütermann ses activités dans le domaine du fil industriel en novembre 2000. Par conséquent, la Commission a considéré que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, elle ne disposait pas, pour ce qui est de Zwicky, d’un chiffre d’affaires représentant une activité économique exercée par celle-ci lors de l’exercice social précédent. Se fondant, en outre, au considérant 383 de la décision attaquée, sur la prétendue existence d’un lien de société mère à filiale entre Gütermann et Zwicky à la suite de la cession des activités relatives au fil industriel de la seconde à la première, elle a estimé pouvoir s’appuyer sur le chiffre d’affaires de Gütermann aux fins de l’application du plafond de 10%.

82

Il y a lieu de distinguer deux aspects des griefs avancés par Zwicky: d’une part, le choix de la Commission d’avoir pris en compte le chiffre d’affaires de Gütermann et, d’autre part, l’absence de prise en considération de son chiffre d’affaires de l’exercice social clos le 30 juin 2005 , quand bien même celui-ci serait nul.

83

S’agissant du premier aspect des griefs avancés par Zwicky, force est de reconnaître que la Commission s’est erronément référée au chiffre d’affaires de Gütermann pour déterminer le plafond de 10% du chiffre d’affaires à ne pas dépasser lors du calcul de l’amende infligée à Zwicky.

84

En effet, Gütermann n’a fait que reprendre, en novembre 2000, les activités de Zwicky dans le domaine du fil industriel. À l’audience, Zwicky a expliqué que cette cession d’activités s’est opérée de deux manières, à savoir, d’une part, par la conclusion, en Suisse, d’un contrat de transfert d’actifs tels que des entrepôts et des machines et, d’autre part, par la vente d’actions en Allemagne.

85

La Commission a toutefois admis, lors de l’audience, que Gütermann n’avait nullement absorbé Zwicky et que, partant, la première n’était pas devenue propriétaire de la seconde. La cession des activités relatives au fil industriel n’a ainsi eu aucune incidence sur l’indépendance juridique et économique de Zwicky.

86

Les arguments selon lesquels le président du conseil d’administration de Zwicky est devenu membre du directoire de Gütermann, que ces deux entreprises consultent le même avocat et qu’elles ont apporté une réponse commune à la communication des griefs ne sauraient, en l’espèce, justifier à eux seuls la position de la Commission quant à l’existence d’un lien de société mère à filiale entre les deux entreprises.

87

En outre, la Commission n’a nullement démontré en quoi les informations fournies par Zwicky, à sa demande de renseignements concernant sa cession d’activités et ses liens avec Gütermann, l’auraient induite en erreur.

88

Il s’ensuit que, en se référant au chiffre d’affaires de Gütermann, la Commission a commis une erreur d’appréciation dont les conséquences seront tirées aux points 104 et suivants ci-après.

89

Concernant le second aspect des griefs avancés par Zwicky, à savoir l’absence de prise en compte de son chiffre d’affaires nul résultant de sa prétendue activité économique durant l’année précédant l’adoption de la décision attaquée, il implique d’examiner la manière dont la Commission doit définir la notion d’ « exercice social précédent » dans des cas dans lesquels des changements substantiels, quant à la situation économique de l’entreprise concernée, sont intervenus entre la fin de la période au cours de laquelle l’infraction a été commise et la date d’adoption de la décision de la Commission infligeant l’amende.

90

Quant à ladite notion d’ « exercice social précédent » , il y a lieu de relever qu’il ressort d’une jurisprudence bien établie que, pour l’interprétation d’une disposition du droit communautaire, il convient de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont cette disposition fait partie (arrêts de la Cour du 7 juin 2005 , VEMW e.a., C-17/03, Rec. p. I-4983 , point 41; du 1 er  mars 2007 , Jan De Nul, C-391/05, Rec. p. I-1793 , point 20, et du 7 juin 2007 , Britannia Alloys & Chemicals/Commission, point 80 supra, point 21).

91

À cet égard, comme il a été rappelé au point 79 ci-dessus, l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o  1/2003 ont pour objet de confier à la Commission le pouvoir d’infliger des amendes en vue de lui permettre d’accomplir la mission de surveillance qui lui est assignée par le droit communautaire. Cette mission comprend notamment les tâches de réprimer des comportements illicites aussi bien que d’en prévenir le renouvellement (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970 , ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661 , point 173).

92

Il importe d’ajouter que, conformément à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et à l’article 23, paragraphe 3, du règlement n o  1/2003, la Commission est appelée à prendre en considération la gravité et la durée de l’infraction en cause.

93

Eu égard à ces éléments, le plafond relatif au chiffre d’affaires prévu à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n o  1/2003 vise à éviter que les amendes infligées par la Commission soient disproportionnées par rapport à l’importance de l’entreprise concernée (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 78 supra, point 119).

94

Il résulte des considérations qui précèdent que, pour la détermination de la notion d’ « exercice social précédent » , la Commission doit apprécier, dans chaque cas d’espèce et en tenant compte du contexte ainsi que des objectifs poursuivis par le régime de sanctions établi par le règlement n o  17 et le règlement n o  1/2003, l’impact recherché sur l’entreprise concernée, notamment en tenant compte d’un chiffre d’affaires qui reflète la situation économique réelle de celle-ci durant la période au cours de laquelle l’infraction a été commise (voir arrêt du 7 juin 2007 , Britannia Alloys & Chemicals/Commission, point 80 supra, point 25).

95

Il découle, toutefois, tant des objectifs du système dans lequel l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17, et l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n o  1/2003 s’insèrent que de la jurisprudence citée au point 80 ci-dessus, que l’application du plafond de 10% présuppose, d’une part, que la Commission dispose du chiffre d’affaires pour le dernier exercice social qui précède la date d’adoption de la décision et, d’autre part, que ces données représentent un exercice complet d’activité économique normale pendant une période de douze mois (voir arrêt du 29 novembre 2005 , Britannia Alloys & Chemicals/Commission, point 71 supra, point 38).

96

Ainsi, si l’exercice social s’est terminé avant l’adoption de la décision, mais que les comptes annuels de l’entreprise en cause n’ont pas encore été établis ou n’ont pas encore été communiqués à la Commission, cette dernière est en droit, voire obligée, de recourir au chiffre d’affaires réalisé au cours d’un exercice social antérieur pour appliquer l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n o  1/2003. De même, si, en raison d’une réorganisation ou d’une modification des pratiques comptables, une entreprise a, pour l’exercice social précédent, produit des comptes qui concernent une période inférieure à douze mois, la Commission est en droit de recourir au chiffre d’affaires réalisé au cours d’un exercice complet antérieur pour appliquer ces dispositions (voir arrêt du 29 novembre 2005 , Britannia Alloys & Chemicals/Commission, point 71 supra, point 39). Il en va également ainsi si une entreprise n’a pas exercé d’activité économique au cours de l’exercice social précédent et que la Commission ne dispose donc pas d’un chiffre d’affaires représentant une activité économique exercée par celle-ci lors dudit exercice. En effet, le chiffre d’affaires pour cette période ne donne aucune indication de l’importance de ladite entreprise, contrairement à ce que requiert la jurisprudence, et, dès lors, ne peut servir de base pour la détermination du plafond prévu à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o  1/2003 (voir arrêt du 29 novembre 2005 , Britannia Alloys & Chemicals/Commission, point 71 supra, point 42).

97

Il importe également de rappeler qu’il ressort de l’arrêt du 29 novembre 2005 , Britannia Alloys & Chemicals/Commission, point 71 supra (point 49), applicable par analogie au cas d’espèce, que, même lors d’un exercice d’activités économiques normal, il se peut que le chiffre d’affaires d’une entreprise baisse d’une façon importante, voire substantielle, par comparaison aux années précédentes, pour des raisons diverses, telles qu’un contexte économique difficile, une crise dans le secteur en cause, un sinistre ou une grève. Toutefois, dès qu’une entreprise a, en fait, réalisé un chiffre d’affaires pendant un exercice complet pendant lequel des activités économiques, bien que réduites, ont été exercées, la Commission doit tenir compte de ce chiffre d’affaires pour déterminer le plafond prévu à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o  1/2003. Dès lors, à tout le moins dans les situations où il n’y a aucune indication qu’une entreprise a cessé ses activités commerciales ou détourné son chiffre d’affaires pour éviter l’imposition d’une lourde amende, il y a lieu de considérer que la Commission est obligée de fixer la limite maximale de l’amende par rapport au chiffre d’affaires le plus récent reflétant une année complète d’activité économique (arrêt du 29 novembre 2005 , Britannia Alloys & Chemicals/Commission, point 71 supra, point 49).

98

Selon Zwicky, la Commission n’aurait en rien démontré que celle-ci aurait détourné son chiffre d’affaires et elle aurait ainsi appliqué à tort l’exception au principe d’une prise en compte du chiffre d’affaires du dernier exercice social. Toutefois, ainsi qu’elle l’a précisé lors de l’audience, la Commission ne reproche nullement à Zwicky d’avoir agi de manière abusive pour éviter l’imposition d’une lourde amende, mais se limite à constater que, dans les faits, elle a cessé son activité et existe ainsi comme une « coquille vide » .

99

Dans ses écritures, Zwicky a mentionné qu’elle se contentait de gérer des immeubles depuis 2001 et a souligné ne plus avoir réalisé de chiffre d’affaires depuis lors. Par conséquent, il y a lieu de constater qu’elle n’a pas non plus réalisé de chiffre d’affaires au cours de l’exercice social complet précédant la décision attaquée, à savoir celui de la période s’étendant du 1 er  juillet 2004 au 30 juin 2005 . Interrogée, lors de l’audience, sur la nature exacte de ses activités, Zwicky a réitéré ses affirmations quant à l’exercice d’une activité de gestion des immeubles dont elle était restée propriétaire. Elle a précisé que son parc immobilier se composait d’immeubles autrefois occupés par son activité concernant le fil industriel et désormais vides depuis la cession de ladite activité à Gütermann ainsi que de logements loués à d’anciens salariés. Elle a fait valoir que ceux-ci pourront être utilisés à des fins locatives et que des investissements seront faits en ce sens. Elle a également fait état d’un plan de développement élaboré en commun avec les autorités locales. Elle a enfin admis que, depuis la cessation de ses activités sur le marché du fil industriel, elle n’avait plus aucun salarié.

100

S’il est constant que Zwicky a continué d’exister juridiquement après la cession de ses activités à Gütermann, force est de constater que des indices sérieux, tels qu’un chiffre d’affaires nul pendant plusieurs années, l’absence de salariés ou encore l’absence de preuves concrètes d’une exploitation de ses immeubles ou de projets d’investissements en vue d’exploiter ces derniers, permettent de présumer que Zwicky n’a pas continué à exercer une activité économique normale au sens de la jurisprudence précitée, notamment entre le 1 er  juillet 2004 et le 30 juin 2005 .

101

Les réponses fournies par Zwicky dans ses écritures et lors de l’audience sont restées vagues et n’ont donc pas permis au Tribunal de constater l’existence d’une « activité économique normale » . De surcroît, Zwicky a confirmé le contenu de l’extrait d’un document présentant une synthèse économique de sa situation, lu par la Commission à l’audience, duquel il ressort un chiffre d’affaires nul, des bénéfices nuls et l’absence de salariés, et ne conteste pas qu’il en a notamment été ainsi pour la période qui a suivi la cession de ses activités concernant le fil industriel à Gütermann jusqu’au 30 juin 2005 .

102

À cet égard, et contrairement aux affirmations de Zwicky lors de l’audience, le simple fait qu’un conseil d’administration et un gérant s’occupent du plan de développement de la société, dont la réalité n’est, au demeurant, pas démontrée, ne saurait suffire à constituer une preuve déterminante de l’existence d’une activité économique normale de ladite société telle que l’entend le Tribunal dans son arrêt du 29 novembre 2005 , Britannia Alloys & Chemicals/Commission, point 71 supra.

103

Il s’ensuit que la Commission était obligée de prendre en compte un chiffre d’affaires global de Zwicky antérieur à celui de l’exercice clos le 30 juin 2005 .

104

S’agissant des conséquences de l’erreur d’appréciation, commise par la Commission, ayant consisté à se référer au chiffre d’affaires global de Gütermann, il convient de déterminer si elle justifie, au bénéfice de Zwicky, la réduction du montant de l’amende, voire son annulation, par le juge communautaire.

105

À cet égard, il y a lieu de souligner que, s’agissant des recours dirigés contre les décisions de la Commission infligeant des amendes à des entreprises pour violation des règles de concurrence, le Tribunal est compétent à un double titre. D’une part, il est chargé de contrôler leur légalité, au titre de l’article 230 CE (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000 , SCA Holding/Commission, C-297/98 P, Rec. p. I-10101 , points 53 et 54).

106

D’autre part, le Tribunal est compétent pour apprécier, dans le cadre du pouvoir de pleine juridiction qui lui est reconnu par l’article 229 CE, par l’article 17 du règlement n o  17 et par l’article 31 du règlement n o  1/2003, le caractère approprié du montant des amendes. Cette dernière appréciation peut justifier la production et la prise en considération d’éléments complémentaires d’information dont la mention dans la décision n’est pas comme telle requise en vertu de l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE (arrêt SCA Holding/Commission, point 105 supra, point 55).

107

En l’espèce, le Tribunal considère, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, qu’il y a lieu de se référer au chiffre d’affaires non pas de Gütermann, mais bien de Zwicky.

108

Pour les raisons exposées ci-dessus et à la lumière de la jurisprudence Britannia Alloys & Chemicals/Commission (points 71 et 80 supra), le dernier chiffre d’affaires de Zwicky résultant de ses activités économiques réelles auquel la Commission aurait dû se référer est celui résultant de l’exercice social du 1 er  juillet 1999 au 30 juin 2000 . Il ressort du considérant 76 de la décision attaquée que ledit chiffre d’affaires s’élevait à 4,5  millions d’euros. Le montant de l’amende infligée par la Commission à Zwicky s’élève à 205000  euros et ne dépasse donc nullement 10% de ce chiffre d’affaires.

109

En outre, il convient de relever que, lors de l’audience, Zwicky a fait valoir que la solution subsidiaire consistant à se référer à son chiffre d’affaires de l’exercice social clos au 30 juin 2000 serait inadmissible au motif qu’elle reviendrait à ce que son chiffre d’affaires soit pris en compte deux fois. En effet, les activités de Zwicky relatives au fil industriel ayant été reprises par Gütermann, le chiffre d’affaires généré par ces activités aurait déjà été pris en compte par la Commission dans l’ensemble du chiffre d’affaires de Gütermann. La Commission a soutenu que cet argument était nouveau et qu’il fallait donc le rejeter.

110

Il y a lieu de rejeter cet argument de Zwicky en ce qu’il est dénué de fondement.

111

En effet, l’argument de Zwicky consiste à soutenir que la solution subsidiaire reviendrait à imputer à Zwicky le chiffre d’affaires déjà imputé à Gütermann. Or, le Tribunal considère que la seule question qui se pose, en l’espèce, est celle de savoir quel est le chiffre d’affaires pertinent qui doit être retenu pour le calcul du plafond de 10% de l’amende infligée à Zwicky. Comme il a été démontré ci-dessus, le seul chiffre d’affaires admissible à cette fin est celui de 4,5  millions d’euros relevant de l’exercice social du 1 er  juillet 1999 au 30 juin 2000 de Zwicky.

112

À supposer qu’il faille admettre que cette solution revienne à imputer deux fois le chiffre d’affaires de Zwicky à cette étape du calcul de l’amende de Gütermann et de Zwicky, il faudrait considérer que l’illégalité a été commise au détriment de Gütermann. L’argumentation de Zwicky reviendrait ainsi en réalité à inviter le Tribunal à vérifier la légalité du montant de l’amende fixée pour Gütermann. Or, Zwicky ne peut se prévaloir d’un droit d’agir à cet égard. En effet, si un destinataire d’une décision décide d’introduire un recours en annulation, le juge communautaire n’est saisi que des éléments de la décision le concernant. En revanche, ceux concernant d’autres destinataires, qui n’ont pas été attaqués, n’entrent pas dans l’objet du litige que le juge communautaire est appelé à trancher (arrêt de la Cour du 14 septembre 1999 , Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C-310/97 P, Rec. p. I-5363 , point 53).

113

À la lumière de ces considérations, le moyen, invoqué par Zwicky, tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n o  1/2003, doit être rejeté.

Sur le moyen, invoqué par Gütermann et par Zwicky, pris d’une appréciation erronée de la gravité de l’infraction au regard de ses effets

Arguments des parties

114

Premièrement, les requérantes soutiennent que, conformément aux lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] ( JO 1998, C 9, p. 3 , ci-après les « lignes directrices » ) et à une pratique décisionnelle constante, l’appréciation de la gravité de l’infraction dépend expressément de l’impact concret de l’infraction sur le marché. Le principe de proportionnalité obligerait la Commission à prendre en considération un tel impact lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction. Les requérantes précisent que, par ce grief, elles ne cherchent pas à contester l’infraction en tant que telle, mais visent à remettre en cause son classement dans la catégorie des infractions très graves.

115

Deuxièmement, les requérantes envisagent la question de l’impact concret de l’infraction sur le marché et concluent à l’absence de celui-ci. Elles estiment dès lors que la Commission ne pouvait s’en prévaloir pour qualifier l’infraction de très grave. Si elles admettent que les augmentations de prix figurant sur les listes décidées au cours des réunions ont, la plupart du temps, été mises en œuvre par les différentes entreprises, elles considèrent toutefois que ces augmentations de prix n’ont pas abouti à une augmentation de prix nets réels. Les considérations énoncées par la Commission au point 4.1.4 de la décision attaquée ne permettraient pas de conclure à un tel impact. Le fait pour les entreprises de se réunir pendant onze années ne suffirait pas, à lui seul, pour conclure que les augmentations de prix ont eu une influence sur les prix nets. Les requérantes estiment en effet avoir apporté la preuve que les réunions avaient principalement pour but l’échange légal d’informations. La Commission reconnaîtrait elle-même qu’elle ne dispose pas de preuve pour établir l’existence d’un impact concret.

116

En raison des particularités de la détermination des prix dans le secteur du fil industriel — les clients ne se voyant presque jamais facturer les prix figurant sur les listes —, les requérantes estiment que la mise en œuvre de l’accord ne permet nullement, en l’espèce, de conclure à l’existence d’un impact concret sur le marché. Au contraire, les prix moyens réels du marché n’auraient pas évolué et auraient même baissé.

117

Troisièmement, les requérantes se prévalent de la circonstance que l’infraction n’a pas eu d’impact concret sur leurs prix moyens réels, font valoir que l’infraction n’aurait pas dû être qualifiée de très grave sur un plan individuel et relèvent ainsi que la Commission aurait dû leur accorder le bénéfice de cette circonstance.

118

Eu égard à la disparité considérable de dimension entre entreprises concernées et au faible chiffre d’affaires qu’elles ont réalisé sur le marché concerné, les requérantes soutiennent que la Commission aurait dû retenir, comme circonstance à décharge conformément au point 1A des lignes directrices, le fait que l’infraction n’a pas eu d’impact réel sur leurs prix nets.

119

Elles reprochent à la Commission de s’être contentée de comparer l’importance relative des entreprises sur le marché en se fondant sur leur chiffre d’affaires et de n’avoir ainsi tenu compte que de la capacité économique abstraite des différentes entreprises à influer sur la concurrence et non de l’impact concret du comportement des différentes entreprises sur les prix nets.

120

Quatrièmement, la Commission aurait erronément retenu à charge de Zwicky une participation aux infractions sur le marché du fil industriel dans les pays nordiques, celle-ci n’ayant jamais exercé d’activités sur le marché du fil industriel dans ces pays.

121

La Commission demande que ce moyen soit rejeté.

Appréciation du Tribunal

122

À titre liminaire, il convient de rappeler que, s’agissant de l’appréciation de la gravité de l’infraction en tant que telle, les lignes directrices indiquent, au point 1 A, premier et deuxième alinéas, ce qui suit:

« L’évaluation du caractère de gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné.

Les infractions seront ainsi classées en trois catégories permettant de distinguer les infractions peu graves, les infractions graves et les infractions très graves. »

123

Dans la décision attaquée, la Commission a relevé les trois éléments suivants:

l’infraction en cause a consisté essentiellement à échanger des informations sensibles sur les listes de prix et/ou les prix par client, à s’entendre sur des hausses de prix et/ou des prix cibles et à éviter de se faire concurrence par les prix à l’avantage du fournisseur attitré, de telles pratiques constituant, par leur nature même, le type d’infraction le plus grave aux dispositions de l’article 81, paragraphe 1, CE et de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE (décision attaquée, considérant 345);

les accords collusoires ont été mis en œuvre et ont eu un impact sur le marché EEE pour le produit concerné, mais cet impact ne peut être mesuré avec précision (décision attaquée, considérant 351);

le cartel couvrait plusieurs parties à l’accord EEE, à savoir le Benelux et les pays nordiques (décision attaquée, considérant 352).

124

La conclusion de la Commission est ainsi libellée (décision attaquée, considérant 353):

« Compte tenu de tous ces facteurs, la Commission considère que les entreprises visées par la [décision attaquée] ont commis une infraction très grave à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE. »

125

Les requérantes contestent le caractère très grave de l’infraction, d’une part, en faisant valoir que la Commission a conclu à l’existence d’un impact concret sur le marché sans pour autant pouvoir le démontrer et, d’autre part, en soutenant qu’il n’y a eu aucun impact sur les prix nets ou, à tout le moins, aucun impact concret sur les prix moyens réels.

126

Il y a lieu, premièrement, de rappeler que, pour apprécier l’impact concret d’une infraction sur le marché, il appartient à la Commission de se référer au jeu de la concurrence qui aurait normalement existé en l’absence d’infraction (arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008 , Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T-69/04, Rec. p. II-2567 , point 165; voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 14 mai 1998 , Mayr-Melnhof/Commission, T-347/94, Rec. p. II-1751 , point 235, et Thyssen Stahl/Commission, point 67 supra, point 645).

127

En l’espèce, il importe de relever que la mise en œuvre de l’entente n’est nullement remise en cause par les requérantes. Au contraire, il ressort du point 40 de la requête de Gütermann et du point 46 de la requête de Zwicky qu’elles ont « expressément reconnu tant dans la réponse à la communication des griefs que dans le cadre de la présentation des faits figurant [dans lesdites requêtes] » que « les augmentations des prix figurant sur les listes décidées au cours des réunions ont, la plupart du temps, été mises en œuvre par les différentes entreprises » .

128

S’agissant notamment d’une entente sur les prix, il est légitime pour la Commission de déduire que l’infraction a eu des effets, du fait que les membres de l’entente ont pris des mesures pour appliquer les prix convenus, par exemple, en augmentant les prix catalogue qui servent de base pour calculer les prix réels, en renonçant aux rabais, en augmentant des prix spéciaux et en exerçant une pression, par le biais de plaintes, sur l’entreprise qui viole l’accord consistant à ne pas se faire concurrence par les prix à l’avantage du fournisseur attitré. En effet, pour conclure à un impact sur le marché, il suffit que les prix convenus aient servi de base pour la fixation des prix de transaction individuels, limitant ainsi la marge de négociation des clients (arrêt Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 126 supra, point 166; voir, en ce sens, arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 61 supra, points 743 à 745).

129

En revanche, il ne saurait être exigé de la Commission, lorsque la mise en œuvre d’une entente est établie, de démontrer systématiquement que les accords ont effectivement permis aux entreprises concernées d’atteindre un niveau de prix de transaction supérieur à celui qui aurait prévalu en l’absence d’entente (arrêt Hoechst/Commission, point 61 supra, point 348; voir, en ce sens, arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 61 supra, points 743 à 745). Il serait disproportionné d’exiger une telle démonstration qui absorberait des ressources considérables, étant donné qu’elle nécessiterait le recours à des calculs hypothétiques, basés sur des modèles économiques dont l’exactitude n’est que difficilement vérifiable par le juge et dont le caractère infaillible n’est nullement prouvé (arrêt Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 126 supra, point 167).

130

En effet, pour apprécier la gravité de l’infraction, il est décisif de savoir que les membres de l’entente avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir pour donner un effet concret à leurs intentions. Ce qui s’est passé ensuite, au niveau des prix de marché effectivement réalisés, était susceptible d’être influencé par d’autres facteurs, hors du contrôle des membres de l’entente. Les membres de l’entente ne sauraient porter à leur propre crédit, en en faisant des éléments justifiant une réduction de l’amende, des facteurs externes qui ont contrecarré leurs efforts (arrêt Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 126 supra, point 168).

131

De plus, au point 4.1.4 de la décision attaquée, la Commission a énuméré une série d’indices concrets et crédibles tendant à démontrer que l’entente avait eu un impact concret sur le marché. À cet égard, il y a lieu, tout d’abord, d’approuver les considérations de la Commission, au point 164 de la décision attaquée, selon lesquelles les augmentations des prix catalogue, au demeurant confirmées par Gütermann elle-même, se sont traduites par des hausses des prix nets pour certains petits clients, dont le pouvoir de négociation est généralement plus faible. Ensuite, il convient d’approuver le constat fait par la Commission au point 165 de la décision attaquée, selon lequel les augmentations des prix catalogue avaient également pu influer sur le niveau des prix réels appliqués aux gros clients en ce que lesdits prix catalogue avaient servi de point de départ aux négociations avec ces clients. Enfin, les considérations de la Commission quant au fait que certaines entreprises ont procédé à l’augmentation effective de prix spéciaux et ont renoncé aux rabais tendent à confirmer que l’infraction a eu un impact concret sur le marché concerné.

132

Il résulte de ces considérations et du constat que l’entente a duré plus de onze ans que la Commission a pu légitimement conclure à l’existence d’un impact sur le marché.

133

S’agissant, deuxièmement, des arguments tirés, d’une part, de l’absence d’impact concret de l’entente sur les prix moyens réels des requérantes et, d’autre part, du fait que Zwicky n’a jamais exercé ses activités sur le marché du fil industriel dans les pays nordiques, ils concernent le propre comportement de ces deux entreprises et ne sauraient, dès lors, être retenus. En effet, le comportement effectif que prétend avoir adopté une entreprise est sans pertinence aux fins de l’évaluation de l’impact d’une entente sur le marché. Seuls doivent être pris en compte les effets résultant de l’infraction dans son ensemble (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 45 supra, point 152, et arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991 , Hercules Chemicals/Commission, T-7/89, Rec. p. II-1711 , point 342).

134

Ainsi, la prise en compte, par la Commission, du comportement infractionnel de Gütermann et de Zwicky sur la concurrence intervient pour apprécier la situation individuelle de ces entreprises, mais ne saurait avoir une quelconque incidence sur le classement de l’infraction dans la catégorie des infractions « très graves » .

135

En outre, le fait que Zwicky n’a jamais exercé d’activité sur le marché du fil industriel dans les pays nordiques n’est pas pertinent. Ainsi qu’il a été rappelé au point 51 ci-dessus, Zwicky n’a nullement remis en cause le caractère unique et continu de l’infraction sur le marché du fil industriel dans le Benelux et dans les pays nordiques.

136

Quant à l’indice relatif à l’impact de l’entente, mis en avant par la Commission au considérant 166 de la décision attaquée, tiré de la longue durée de l’infraction, il convient de relever que, les pratiques reprochées ayant duré au moins onze ans, il était peu probable que les producteurs aient, à l’époque, considéré qu’elles étaient totalement dépourvues d’efficacité et d’utilité (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 61 supra, point 748, et du 29 novembre 2005 , Heubach/Commission, T-64/02, Rec. p. II-5137 , point 130).

137

Enfin, il convient de relever que les trois aspects de l’évaluation de la gravité de l’infraction n’ont pas le même poids dans le cadre de l’examen global. La nature de l’infraction joue un rôle primordial, notamment pour caractériser les infractions « très graves » . À cet égard, il résulte de la description des infractions très graves par les lignes directrices que des accords ou des pratiques concertées visant notamment, comme en l’espèce, à la fixation des prix peuvent emporter, sur le seul fondement de leur nature propre, la qualification de « très graves » , sans qu’il soit nécessaire de caractériser de tels comportements par un impact ou une étendue géographique particulière. Cette conclusion est corroborée par le fait que, si la description des infractions graves mentionne expressément l’impact sur le marché et les effets sur des zones étendues du marché commun, celle des infractions très graves, en revanche, ne mentionne aucune exigence d’impact concret sur le marché ni de production d’effets sur une zone géographique particulière (arrêts du Tribunal du 27 juillet 2005 , Brasserie nationale/Commission, T-49/02 à T-51/02, Rec. p. II-3033 , point 178; du 25 octobre 2005 , Groupe Danone/Commission, T-38/02, Rec. p. II-4407 , point 150; Hoechst/Commission , point 61 supra, point 345, et Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 126 supra, point 171).

138

En l’espèce, il ressort des faits décrits dans la partie I de la décision attaquée ainsi que des considérants 345 et 346 de cette dernière que l’infraction a constitué, par sa nature même, une infraction très grave. Il s’ensuit que, sur le seul fondement de la nature de l’infraction, la qualification de « très grave » de celle-ci demeure appropriée.

139

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen tiré d’une qualification erronée de l’infraction au regard de ses effets doit être rejeté.

Sur le moyen, invoqué par Gütermann et par Zwicky, tiré de l’appréciation erronée de la durée de l’infraction

Arguments des parties

140

Plusieurs griefs sont invoqués à l’appui de ce moyen.

141

Premièrement, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir appliqué de façon automatique l’augmentation du montant de départ de 10% par année d’infraction alors que ce pourcentage ne constitue que la limite supérieure prévue par les lignes directrices pour les infractions de longue durée et non la règle. En effet, les lignes directrices ne prévoiraient pas que la Commission doive automatiquement augmenter le montant de départ d’un montant additionnel correspondant à un pourcentage déterminé pour chaque année de l’infraction, mais conféreraient à la Commission un pouvoir discrétionnaire. En l’espèce, la Commission n’aurait usé de ce pouvoir ni quant au principe même de la majoration du montant de départ de l’amende en fonction de la durée, ni quant à l’importance de cette majoration.

142

Deuxièmement, l’augmentation de 5% appliquée aux amendes infligées aux requérantes respectivement pour les neuf mois d’infraction commise par Gütermann durant l’année 2001 et pour les dix mois d’infraction commise par Zwicky durant l’année 2000 serait en contradiction avec le texte clair du point 1 B des lignes directrices, ces dernières prévoyant uniquement une majoration pour des années entières. La conception de la Commission à cet égard n’aurait d’ailleurs pas été confirmée par la jurisprudence.

143

Troisièmement, les augmentations forfaitaires de 115% pour Gütermann et de 105% pour Zwicky des montants de départ des amendes infligées à ces deux entreprises seraient illégales dès lors qu’elles auraient été calculées de manière uniforme pour tous les pays concernés par l’infraction en méconnaissance de la durée réelle des infractions. En effet, la Commission aurait, certes, estimé que le Benelux et les pays nordiques, bien que constituant deux marchés distincts, devaient être considérés de façon commune, car ils auraient fait l’objet de discussions les mêmes jours et que les entreprises ayant participé seraient les mêmes. Zwicky fait toutefois observer qu’elle n’a jamais été présente sur le marché du fil industriel dans les pays nordiques et qu’elle n’a, de ce fait, pas pris part aux infractions concernant ces pays. De même, les requérantes rappellent que l’accord EEE n’est entré en vigueur que le 1 er  janvier 1994 et que, dans la mesure où les accords concernaient également la Finlande, la Norvège et la Suède, ils ne violaient ni l’article 81 CE, ni l’article 53 de l’accord EEE avant cette date. Elles en concluent que la Commission aurait dû en tenir compte dans le cadre de l’appréciation de la durée de l’infraction.

144

Les requérantes soutiennent ainsi que la Commission a omis de distinguer le fait matériel constitutif des violations du droit de la concurrence, respectivement de janvier 1990 à septembre 2001 s’agissant de Gütermann et de janvier 1990 à novembre 2000 concernant Zwicky, dans le sens d’un acte infractionnel unique ou continu, d’une part, et l’appréciation juridique de ce fait en tant qu’infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE, d’autre part.

145

Selon Gütermann, la Commission aurait dû, dès lors, de façon concrète, opérer un calcul différencié du montant de départ de l’amende en tenant compte de la part du chiffre d’affaires réalisé sur le marché du fil industriel dans le Benelux et au Danemark, d’une part, et de celle réalisée sur le marché du fil industriel en Finlande, en Norvège et en Suède, d’autre part. La Commission aurait ainsi obtenu deux fractions du montant de départ auxquelles il aurait ensuite convenu d’appliquer un pourcentage différent en fonction de la durée de l’infraction sur l’un et l’autre de ces groupes de pays, soit 115% sur la fraction du montant de départ relative à la partie de l’infraction concernant le Benelux et le Danemark et 75% sur celle du montant de départ relative à la partie de l’infraction concernant la Finlande, la Norvège et la Suède.

146

La Commission réfute ces arguments.

Appréciation du Tribunal

147

Conformément à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et à l’article 23, paragraphe 3, du règlement n o  1/2003, la durée de l’infraction constitue un des éléments à prendre en considération pour déterminer le montant de l’amende à infliger aux entreprises coupables d’infraction aux règles de concurrence.

148

En ce qui concerne le facteur relatif à la durée de l’infraction, les lignes directrices établissent une distinction entre les infractions de courte durée (en général inférieures à un an), pour lesquelles le montant de départ retenu au titre de la gravité ne devrait pas être majoré, les infractions de moyenne durée (en général de un à cinq ans), pour lesquelles ce montant peut être majoré de 50%, et les infractions de longue durée (en général au-delà de cinq ans), pour lesquelles ce montant peut être majoré pour chaque année de 10% (point 1 B, premier alinéa).

149

Il ressort des considérants 359 et 360 de la décision attaquée, dont le contenu n’est pas contesté par les requérantes, que celles-ci ont participé à l’entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques, respectivement de janvier 1990 à septembre 2001 pour ce qui concerne Gütermann, soit une période infractionnelle de 11 ans et 9 mois, et de janvier 1990 à novembre 2000 s’agissant de Zwicky, soit une période infractionnelle de 10 ans et 10 mois. L’une et l’autre de ces périodes correspondent à une infraction de longue durée. Le montant de départ de leur amende a, en conséquence, été majoré respectivement de 115% et de 105% au titre de la durée de l’infraction.

150

En ce qui concerne, premièrement, le reproche, fait par les requérantes à la Commission, d’avoir appliqué automatiquement le taux maximal de 10% par année d’infraction, il y a lieu de rappeler que, même si le point 1 B, premier alinéa, troisième tiret, des lignes directrices ne prévoit pas de majoration automatique de 10% par année pour les infractions de longue durée, il laisse à cet égard une marge d’appréciation à la Commission (arrêts du Tribunal Hoechst/Commission, point 61 supra, point 396, et du 8 juillet 2008 , BPB/Commission, T-53/03, Rec. p. II-1333 , point 362).

151

En l’espèce, il résulte du point 149 ci-dessus que la Commission a respecté les règles qu’elle s’était imposées dans les lignes directrices lors de l’augmentation du montant des amendes retenu au titre de la gravité de l’infraction, en fonction de sa durée. En tenant compte des éléments du cas d’espèce, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en majorant l’amende de 10% pour chaque année d’infraction.

152

Deuxièmement, le grief tiré de l’augmentation injustifiée de 5% du montant de départ de l’amende pour chaque période de plus de six mois doit être rejeté. Rien dans les lignes directrices n’interdit, en effet, la prise en compte de la durée réelle de l’infraction dans le cadre du calcul du montant de l’amende. Une telle approche est tout à fait logique et raisonnable et s’inscrit, en tout état de cause, dans le cadre du pouvoir d’appréciation de la Commission (arrêt BPB/Commission, point 150 supra, point 361).

153

Troisièmement, les requérantes font valoir, à tort, que le calcul de la durée de l’infraction s’est opéré de manière uniforme pour tous les pays concernés par l’infraction, en ne tenant pas compte de l’absence de Zwicky sur le marché du fil industriel dans les pays nordiques et en méconnaissance de la durée réelle des infractions sur le marché du Benelux et sur celui des pays nordiques.

154

Il importe de rappeler, au préalable, que, selon la Commission, les requérantes ont participé à une infraction complexe unique et continue à l’article 81, paragraphe 1, CE et à l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE, et que cette infraction s’est étendue à plusieurs pays du territoire de l’EEE. Il convient également de souligner que les requérantes ont confirmé, lors de l’audience, qu’elles ne contestaient pas l’existence, en l’espèce, d’une infraction unique.

155

En ce qui concerne, en premier lieu, l’argument de Zwicky tiré de son absence sur le marché du fil industriel dans les pays nordiques, cette entreprise reste en défaut de démontrer en quoi une telle absence aurait une incidence sur le calcul de la durée de l’infraction tel qu’il a été effectué par la Commission. En effet, le calcul du montant additionnel d’amende, correspondant à la durée de l’infraction, a été réalisé à partir du montant de départ de l’amende, qui, lui-même, a été fixé en fonction du chiffre d’affaires de Zwicky sur le marché concerné en 1999. Or, l’absence d’activités de cette entreprise sur le marché du fil industriel dans les pays nordiques est déjà reflétée au travers de ce chiffre d’affaires en ce qu’il n’inclut par définition aucun revenu d’une activité inexistante sur le marché des pays nordiques.

156

De plus, ainsi qu’il a été rappelé au point 50 ci-dessus, le fait qu’une entreprise n’a pas participé à tous les éléments constitutifs d’une entente ou qu’elle a joué un rôle mineur dans les aspects auxquels elle a participé n’est pas pertinent pour établir l’existence d’une infraction. Lorsqu’il est établi qu’une entreprise connaissait les comportements infractionnels des autres participants, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque, elle est également considérée comme responsable, pour toute la période de sa participation à l’infraction, des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004 , Aalborg Portland e.a./Commission, C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123 , point 328). En l’espèce, loin d’ignorer les comportements infractionnels des autres participants sur le marché du fil industriel dans les pays nordiques, Zwicky a pris part de manière effective aux réunions relatives à ce marché. C’est dès lors à juste titre que la Commission a imputé à Zwicky l’infraction unique et continue, en ce compris la partie infractionnelle commise sur le marché des pays nordiques, et qu’elle a implicitement considéré que la durée de l’infraction ne devait pas être divisée en fonction de l’intensité de sa participation sur les marchés concernés.

157

En effet, si le rôle joué dans l’entente par l’entreprise en question a été correctement pris en compte dans la détermination du montant de départ de l’amende, le fait que l’entreprise n’a pas participé à tous les éléments constitutifs de l’entente ne peut être à nouveau pris en compte dans la détermination de la durée de l’infraction (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008 , Saint-Gobain Gyproc Belgium/Commission, T-50/03, non publié au Recueil, point 108).

158

En second lieu, doit être rejeté l’argument des requérantes selon lequel le calcul de la durée de l’infraction aurait dû s’opérer en tenant compte des variations d’intensité de l’infraction et, partant, être différencié selon les groupes de pays, celui du Benelux et du Danemark, d’une part, et celui de la Finlande, de la Norvège et de la Suède, d’autre part.

159

Il ressort, en effet, de la jurisprudence que l’augmentation se fait par l’application d’un certain pourcentage au montant de départ qui est déterminé en fonction de la gravité de l’ensemble de l’infraction, reflétant déjà ainsi les différentes intensités de l’infraction. Ainsi, il ne serait pas logique de prendre en compte, pour l’augmentation de ce montant au titre de la durée de l’infraction, une variation dans l’intensité de l’infraction pendant la période concernée (arrêt BPB/Commission, point 150 supra, point 364).

160

À cet égard, à supposer même que certains types d’ententes soient intrinsèquement conçus pour durer, il importe de faire toujours une distinction, en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et de l’article 23, paragraphe 3, du règlement n o  1/2003, entre la durée de leur fonctionnement effectif et leur gravité telle qu’elle résulte de leur nature propre (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005 , Tokai Carbon e.a./Commission, T-71/03, T-74/03, T-87/03 et T-91/03, non publié au Recueil, point 275). Dès lors, la majoration pour la durée de l’infraction ne tient pas compte, une seconde fois, de la gravité de l’infraction (arrêt Hoechst/Commission, point 61 supra, point 397).

161

En l’espèce, l’infraction s’est d’abord manifestée sur le marché du fil industriel au Danemark et dans le Benelux. À dater de l’entrée en vigueur de l’accord EEE, l’infraction a augmenté d’intensité puisqu’elle s’est étendue au marché du fil industriel dans les pays nordiques. Dès lors qu’il a été démontré que ces manifestations infractionnelles sur ces différents marchés géographiques participaient d’une infraction unique et continue, il convenait de prendre en compte la durée de cette infraction dans son ensemble lors du calcul du montant de l’amende. En effet, le montant de départ qui a été déterminé en fonction de la gravité de l’infraction avait déjà reflété les différentes intensités de l’infraction. Ce raisonnement ne saurait être remis en cause par le fait que l’augmentation de l’intensité de l’infraction a trouvé son origine dans la circonstance juridique que la réglementation incriminant des pratiques anticoncurrentielles était désormais d’application sur des territoires originairement non visés par ladite réglementation.

162

Il s’ensuit que la Commission n’était pas tenue de prendre en compte l’intensité différenciée de l’infraction lors de la majoration du montant de départ de l’amende en fonction de la durée de ladite infraction.

163

Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que l’argumentation des requérantes tirée de l’appréciation erronée de la durée de l’infraction doit être rejetée.

Sur le moyen, invoqué par Gütermann et par Zwicky, tiré de l’absence de prise en compte de certaines circonstances atténuantes

Argument des parties

164

À titre liminaire, les requérantes rappellent que le point 3 des lignes directrices énumère une série de circonstances atténuantes entraînant une réduction de l’amende. La Commission aurait ainsi restreint son pouvoir discrétionnaire dans le cadre de la détermination du montant des amendes.

165

Les requérantes soulignent également que le point 3 des lignes directrices permet la prise en compte d’autres circonstances atténuantes non explicitement mentionnées dans l’énumération et que ces autres circonstances auraient été concrétisées par la Commission dans sa pratique décisionnelle.

166

À l’appui de ce moyen, les requérantes invoquent trois circonstances atténuantes dont la Commission aurait dû tenir compte.

167

Premièrement, les requérantes affirment que la Commission aurait dû prendre en considération l’absence d’impact concret de l’infraction sur les prix réels comme justifiant une minoration de l’amende. Elles se réfèrent à cet égard au point 3, deuxième tiret, des lignes directrices, qui prévoit que la non-application effective d’un accord en relation avec l’infraction doit entraîner une diminution du montant de l’amende.

168

Deuxièmement, elles estiment que, conformément au point 3, premier tiret, des lignes directrices, il aurait fallu tenir compte de leur rôle exclusivement passif ou suiviste.

169

Zwicky fait, en effet, valoir qu’elle n’exerçait pas d’activité sur les marchés des pays nordiques et ne pouvait dès lors prendre part aux infractions concernant ces pays. De même, eu égard à sa position insignifiante sur le marché du fil industriel dans le Benelux, elle n’aurait pas pu influer sur les discussions relatives aux listes de prix concernant ces trois pays ni sur les contacts bilatéraux. Gütermann soutient, quant à elle, qu’elle occupait aussi une place peu importante sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques et qu’elle ne pouvait pas non plus exercer d’influence sur les discussions relatives aux listes de prix ni sur les contacts bilatéraux, une telle influence étant d’ailleurs principalement exercée par Coats.

170

S’agissant des contacts bilatéraux, les requérantes font valoir qu’elles n’y ont participé que rarement, contrairement à Coats et Amann, qui ont entretenu des contacts bilatéraux bien plus fréquents.

171

Pour démontrer le caractère insignifiant de leur rôle dans l’entente incriminée, les requérantes mettent en évidence leurs faibles parts de marché. Zwicky soutient que sa part de marché du fil industriel dans le Benelux entre 1990 et 2000 s’élevait à moins de 1%. Quant à Gütermann, elle se prévaut d’une part de marché dans le Benelux et les pays nordiques d’environ 5,6 %. Ces parts seraient dérisoires en comparaison de celles de Coats et d’Amann sur le marché des pays nordiques (respectivement 44% et 46%) et de ces mêmes entreprises sur le marché du Benelux (respectivement 40% et 27%).

172

Selon les requérantes, le caractère passif de leur comportement ne saurait être remis en cause par la prétendue fonction de président des réunions occupée par leurs anciens collaborateurs respectifs, M. B. et M. F. En effet, la présidence aurait été attribuée en fonction de l’âge et les collaborateurs concernés n’auraient aucunement influé sur le déroulement et le contenu des réunions, cette influence étant plutôt exercée, en ce compris sur le plan organisationnel, par Coats. Elles se prévalent, à ce propos, d’un courrier électronique du représentant de Coats, M. L., du 10 novembre 2000 , duquel il ressortirait que ce dernier aurait réservé une salle dans un hôtel près de Francfort-sur-le-Main (Allemagne) en vue d’y organiser une réunion, le 16 janvier 2001 , dont il aurait fixé le programme.

173

Troisièmement, la crise économique sévissant depuis des années dans le secteur industriel du fil en Europe aurait dû être prise en compte par la Commission. Les requérantes se prévalent, à cet égard, de la décision « Tubes d’acier sans soudure » de la Commission du 8 décembre 1999 relative à une procédure d’application de l’article [81] CE (Affaire IV/E-1/35.860-B — Tubes d’acier sans soudure, point 168) et de la décision « Extra d’alliage » de la Commission du 21 janvier 1998 relative à une procédure d’application de l’article 65 [CA] (Affaire COMP/35.814 — Extra d’alliage, point 83), dans lesquelles la crise économique frappant ces secteurs a été prise en compte, ainsi que de la décision « Viandes bovines françaises » de la Commission du 2 avril 2003 relative à une procédure d’application de l’article [81] CE (Affaire COMP/C.38.279/F3 — Viandes bovines françaises, point 185), dans laquelle il a été tenu compte de la crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB).

174

À titre subsidiaire, elles soutiennent, jurisprudence à l’appui, que le principe de l’individualité des peines et des sanctions aurait dû conduire la Commission à prendre en considération le comportement propre à chaque entreprise aux fins d’examiner la gravité relative de leur participation à l’infraction et, partant, à diminuer fortement les amendes qui leur ont été infligées.

175

La Commission conteste les arguments avancés par les requérantes.

Appréciation du Tribunal

176

Les lignes directrices prévoient, en leur point 3, la diminution du montant de base de l’amende pour des « circonstances atténuantes particulières » , telles que le rôle exclusivement passif ou suiviste dans la réalisation de l’infraction, la non-application effective des accords collusoires, la cessation des infractions dès les premières interventions de la Commission et d’autres circonstances non explicitement mentionnées.

177

Premièrement, les requérantes soutiennent que la Commission aurait dû leur accorder le bénéfice de la circonstance atténuante tirée de la non-application effective de l’accord en raison de l’absence d’impact concret de l’infraction sur les prix.

178

Il importe, toutefois, de rappeler que les circonstances atténuantes précitées sont toutes fondées sur le comportement propre à chaque entreprise. Il en résulte que, aux fins de l’évaluation des circonstances atténuantes, dont celle relative à la non-application des accords, il y a lieu de prendre en considération non pas les effets résultant de l’ensemble de l’infraction qui doivent être pris en compte dans l’appréciation de l’impact concret d’une infraction sur le marché aux fins de l’évaluation de sa gravité (point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices), mais le comportement individuel de chaque entreprise, aux fins d’examiner la gravité relative de la participation de chaque entreprise à l’infraction (arrêt Groupe Danone/Commission, point 137 supra, point 384).

179

Il s’ensuit que l’argument des requérantes fondé sur l’absence d’impact concret de l’infraction sur les prix doit être rejeté.

180

Il convient dès lors de vérifier si les requérantes soulèvent d’autres arguments de nature à établir que, pendant la période au cours de laquelle elles ont adhéré aux accords infractionnels, elles se sont effectivement soustraites à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ou, à tout le moins, qu’elles ont clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en œuvre cette entente, au point d’avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 mars 2006 , Daiichi Pharmaceutical/Commission, T-26/02, Rec. p. II-713 , point 113).

181

Force est de constater qu’elles n’apportent aucun élément permettant de conclure en ce sens. Elles reconnaissent, au contraire, que les augmentations des prix figurant sur les listes décidées au cours des réunions ont, la plupart du temps, été mises en œuvre par les différentes entreprises et par elles-mêmes.

182

Partant, les requérantes ne sauraient valablement se prévaloir d’une prétendue non-application effective des accords.

183

Deuxièmement, quant à l’argument tiré de leur prétendu rôle exclusivement passif ou suiviste dans la réalisation de l’infraction, il convient de considérer qu’il est dénué de fondement.

184

En effet, un rôle passif implique l’adoption par l’entreprise concernée d’un « profil bas » , c’est-à-dire une absence de participation active à l’élaboration du ou des accords anticoncurrentiels (arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003 , Cheil Jedang/Commission, T-220/00, Rec. p. II-2473 , point 167, et du 8 juillet 2008 , Lafarge/Commission, T-54/03, non publié au Recueil, point 765).

185

À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d’une entreprise au sein d’une entente, peut être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l’entente, de même que son entrée tardive sur le marché ayant fait l’objet de l’infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci, ou encore l’existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d’entreprises tierces ayant participé à l’infraction (arrêts du Tribunal Cheil Jedang/Commission, point 184 supra, point 168; du 29 avril 2004 , Tokai Carbon e.a./Commission, T-236/01, T-239/01, T-244/01 à T-246/01, T-251/01 et T-252/01, Rec. p. II-1181 , ci-après l’ « arrêt Tokai I » , point 331, et du 29 novembre 2005 , Union Pigments/Commission, T-62/02, Rec. p. II-5057 , point 126).

186

En l’espèce, il y a lieu, tout d’abord, de rappeler que la Commission a établi, à suffisance de droit, que les requérantes avaient participé à de nombreuses réunions de l’entente et à des rencontres bilatérales, et itérativement participé à plusieurs pratiques collusoires visées par la décision attaquée. L’allégation selon laquelle la fréquence des contacts bilatéraux entretenus par ces entreprises avec d’autres participants à l’entente a été moindre que celle des contacts bilatéraux d’Amann et de Coats avec leurs concurrents est sans incidence à cet égard.

187

Ensuite, ni Gütermann ni Zwicky n’avancent de circonstances spécifiques, ni d’éléments de preuve tels que des déclarations d’autres participants à l’entente, susceptibles de démontrer que leurs attitudes respectives se sont distinguées significativement du comportement des autres participants à l’entente par leur caractère purement passif ou suiviste.

188

À cet égard, la faible part de marché ou l’absence de part de marché dont elles se prévalent ne sauraient être révélatrices d’un quelconque rôle passif ou purement suiviste. En effet, admettre cette circonstance comme circonstance atténuante ferait double emploi avec la prise en compte de la taille de Gütermann et de Zwicky lors du traitement différencié des entreprises par catégories pour calculer les amendes, laquelle taille par son chiffre d’affaires reflète déjà l’importance de chacune des entreprises en vue de leur répartition dans les différentes catégories.

189

Certes, le Tribunal a admis, dans son arrêt Cheil Jedang/Commission, point 184 supra (point 180), que la faible dimension d’une entreprise constitue un élément important à prendre en considération afin d’apprécier l’incidence réelle de son entrée tardive sur le marché concerné par l’infraction et son comportement à l’égard des autres producteurs. Cependant, le contexte de cette affaire était bien spécifique puisque l’entreprise concernée avait manifestement été « défavorisée » dans le cadre de l’entente sur les quotas de vente par rapport aux autres producteurs et que cela pouvait être interprété comme une conséquence directe du caractère plus sporadique de ses participations aux réunions et de son entrée tardive sur le marché. Ces circonstances particulières ne sont pas présentes dans le cas d’espèce.

190

Enfin, c’est à juste titre que la Commission estime que le rôle de président, assumé pendant plusieurs réunions par les représentants respectifs de Gütermann et de Zwicky, tend à confirmer l’absence de comportement passif de ces entreprises.

191

En effet, ces dernières ne contestent nullement que lesdits représentants ont formellement assumé la présidence de plusieurs réunions. Elles tentent toutefois de minimiser ce rôle en invoquant le fait que, en réalité, ce dernier était exercé de manière effective par le représentant de Coats, M. L., et ce même durant la présidence de leur représentant respectif.

192

Toutefois, s’il est vrai que le courrier électronique du 10 novembre 2000 sur lequel elles se fondent fait apparaître que le représentant de Coats a joué un rôle actif dans l’organisation de la réunion du 16 janvier 2001 , il n’en demeure pas moins que c’est bien le représentant de Zwicky, M. F., qui a envoyé l’invitation aux autres participants. Il y a lieu de préciser que le fait que cet envoi ait été effectué le 2 décembre 2000 , soit juste après la période infractionnelle retenue à l’encontre de Zwicky, est sans incidence à cet égard. Un tel envoi constitue l’ultime étape d’un travail préparatoire qui a commencé dès après la réception du courrier électronique du 10 novembre 2000 . En tout état de cause, le seul fait, pour Zwicky, d’avoir accepté que son représentant assume le rôle de président témoigne d’une attitude qui n’a nullement été purement passive ou suiviste.

193

Quant au représentant de Gütermann, M. B., non seulement celui-ci a assumé la présidence des réunions de l’entente, mais encore il les a organisées, ainsi que cela ressort des déclarations dudit représentant annexées à la réponse de Gütermann à la communication des griefs.

194

Or, il est constant que convoquer des réunions, proposer un ordre du jour, distribuer des documents préparatoires en vue des réunions est incompatible avec un rôle passif de suiveur adoptant un profil bas. De telles initiatives révèlent une attitude favorable et active des requérantes concernant l’élaboration, la continuation et le contrôle de l’entente (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006 , Jungbunzlauer/Commission, T-43/02, Rec. p. II-3435 , point 257).

195

Troisièmement, les requérantes ne peuvent valablement invoquer les difficultés économiques qu’elles ont rencontrées au cours de la période concernée par l’entente. En effet, c’est justement en raison des difficultés rencontrées par tous les opérateurs sur le marché du fil industriel à partir du milieu des années 90 que certains d’entre eux, y compris Gütermann et Zwicky, ont décidé d’adopter un comportement anticoncurrentiel. Or, en règle générale, les cartels comme ceux du cas d’espèce naissent au moment où un secteur connaît des difficultés (voir, en ce sens, arrêt Tokai I, point 185 supra, point 345, et Jungbunzlauer/Commission, point 194 supra, point 256).

196

À cet égard, à supposer avérée l’affirmation de Gütermann et de Zwicky quant à l’existence de plusieurs décisions de la Commission prenant en considération la mauvaise santé financière du secteur en cause, ce n’est pas parce que la Commission a tenu compte, dans de précédentes affaires, de la situation économique du secteur comme circonstance atténuante qu’elle doit nécessairement continuer à observer cette pratique (arrêt du Tribunal du 10 mars 1992 , ICI/Commission, T-13/89, Rec. p. II-1021 , point 372). La Commission est tenue de procéder à une analyse individualisée des circonstances propres à chaque affaire, sans être liée par des décisions antérieures qui concernent d’autres opérateurs économiques, d’autres marchés de produits et de services ou d’autres marchés géographiques à des moments différents (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003 , Cableuropa e.a./Commission, T-346/02 et T-347/02, Rec. p. II-4251 , point 191).

197

Quatrièmement, les requérantes soulèvent, dans leurs mémoires en réplique, un grief tiré de la violation du principe de l’individualité des peines.

198

D’une part, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins qu’ils ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

199

D’autre part, selon une jurisprudence constante, un moyen constituant une ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et présentant un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (arrêts du Tribunal du 19 septembre 2000 , Dürbeck/Commission, T-252/97, Rec. p. II-3031 , point 39; Cableuropa e.a./Commission, point 196 supra, point 111, et du 12 juillet 2007 , AEPI/Commission, T-229/05, non publié au Recueil, point 21).

200

Dans le cas d’espèce, il convient de constater, en premier lieu, qu’aucun argument concernant le principe d’individualité des peines n’a été invoqué dans les requêtes et, en second lieu, que ce moyen ne constitue pas une ampliation d’un autre moyen présenté dans les requêtes et ne présente pas de liens étroits avec les moyens qui y sont énoncés.

201

L’argument ne se référant en outre pas à des éléments de fait ou de droit apparus au cours de la procédure, il doit être rejeté comme irrecevable.

202

Il s’ensuit que le moyen tiré de l’absence de prise en compte de certaines circonstances atténuantes ne saurait être accueilli.

Sur le moyen, invoqué par Gütermann et Zwicky, tiré d’une application erronée de la communication sur la coopération

Arguments des parties

203

Les requérantes se seraient vu accorder une réduction de 15% de l’amende au motif de leur coopération avant la communication des griefs et de la non-contestation des faits dans la réponse à celle-ci. Une telle réduction est, à leurs yeux, insuffisante, étant donné que leur coopération intervenue après la communication des griefs serait allée bien au-delà d’une simple absence de contestation des faits.

204

Premièrement, les requérantes auraient transmis des informations permettant à la Commission d’avoir un aperçu complet du déroulement, du contenu et du contexte des réunions et des contacts bilatéraux.

205

En ce qui concerne, en premier lieu, le déroulement des réunions, elles soulignent tout d’abord avoir corrigé les déclarations de Coats, qui aurait affirmé, à tort, que la réunion du 19 septembre 2000 était la seule au cours de laquelle des augmentations de prix figurant sur les listes avaient été discutées et convenues. En effet, les discussions relatives aux prix figurant sur les listes et à leur augmentation se seraient tenues lors de toutes les réunions. Les requérantes font ensuite valoir que les prétendues clarifications fournies par Coats dans sa réponse à la communication des griefs n’ont porté que sur les prix spéciaux et ne sauraient donc remettre en cause l’utilité de leurs rectifications. Elles estiment enfin que lesdites rectifications, d’une part, et les clarifications de Coats, d’autre part, sont intervenues à un stade sensiblement identique de la procédure administrative, même si les secondes sont parvenues à la Commission quelques jours avant les premières, et que, partant, l’ordre chronologique ne saurait être déterminant pour apprécier la coopération.

206

En second lieu, les requérantes soutiennent être les seules à avoir clairement expliqué que le but des réunions était de réduire la différence entre les prix nets et les prix catalogue, ce que confirmerait le point 167 de la décision attaquée. À cet égard, la Commission se prévaudrait, à tort, du point 141 de la communication des griefs pour soutenir qu’elle y avait déjà constaté ce but et les effets des accords sur les prix figurant sur les listes. En effet, ce point ferait uniquement apparaître que la Commission était en mesure de prouver que les participants aux réunions avaient, dans un cas, tenté de réaliser l’augmentation indirecte des prix nets planifiés, mais qu’elle ne disposait pas encore d’indication sur le contexte général des discussions sur les prix figurant sur les listes.

207

Deuxièmement, les requérantes font valoir que leur coopération a été erronément qualifiée de moins utile que celle de BST, à qui la Commission a accordé une réduction d’amende de 20%, et se prévalent, à cet égard, d’une violation du principe d’égalité de traitement.

208

Troisièmement, les requérantes estiment insuffisante la réduction de 15% de l’amende que leur a accordée la Commission, au motif qu’il résulte de la pratique décisionnelle antérieure de cette dernière et de la jurisprudence que l’absence de contestation de la matérialité des faits entraîne une réduction de l’amende d’au moins 10%, voire 20% dans certaines affaires. Il en résulte, selon elles, qu’une coopération après la communication des griefs, qui va bien au-delà d’une simple absence de contestation des faits, aurait dû conduire la Commission à accorder une réduction beaucoup plus importante.

209

Quatrièmement, les requérantes font valoir qu’elles ont collaboré avec la Commission au sens des deux tirets du point D 2 de la communication sur la coopération et que, à ce titre, elles auraient dû chacune bénéficier d’une réduction de l’amende d’au moins deux fois 10%.

210

À cet égard, il n’apparaîtrait pas dans la décision attaquée que la Commission a effectivement apprécié leur coopération après la réception de la communication des griefs. De plus, à supposer même que leur coopération après la réception de la communication des griefs se soit effectivement limitée à la non-contestation de la matérialité des faits, une réduction d’au moins 20% aurait dû leur être accordée, et ce même si leur coopération ne présentait d’autre utilité que la confirmation des preuves de la Commission du fait de la non-contestation précitée. Les requérantes relèvent, à cet égard, que, à la différence de la communication applicable en l’espèce, la communication de la Commission du 19 février 2002 sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes ( JO C 45, p. 3 ) prévoit la condition que les éléments de preuve apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments déjà en possession de la Commission.

211

Cinquièmement, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission n’aurait nullement été prise en compte. Les requérantes soutiennent en effet que leur coopération est comparable à celle de l’entreprise KME dans l’affaire « Tubes industriels » , pour laquelle cette dernière s’est vu accorder une réduction de l’amende de 30% (décision de la Commission du 16 décembre 2003 relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-1/38.240 — Tubes industriels, point 423). La seule différence résiderait dans le fait que les requérantes auraient apporté les corrections aux déclarations faites par les autres participants dans la réponse à la communication des griefs et non avant cette dernière. Or, selon elles, le point D 2 de la communication sur la coopération n’amène pas à apprécier différemment les contributions des entreprises à l’éclaircissement des faits selon qu’elles sont fournies avant ou après la communication des griefs, de sorte que la Commission aurait dû également leur accorder une réduction totale de leur amende d’au moins 30%.

212

La Commission réfute ce moyen.

Appréciation du Tribunal

213

Dans sa communication sur la coopération, la Commission a défini les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente pourront être exemptées de l’amende ou bénéficier d’une réduction du montant de l’amende qu’elles auraient normalement dû acquitter (voir point A 3 de la communication sur la coopération).

214

Aux termes du point D 1 de la communication sur la coopération, « [l]orsqu’une entreprise coopère sans que les conditions exposées aux [points] B et C soient toutes réunies, elle bénéficie d’une réduction de 10 à 50% de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération » .

215

Le point D 2 de la communication sur la coopération précise:

« Tel peut notamment être le cas si:

avant l’envoi d’une communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents ou d’autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l’existence de l’infraction commise,

après avoir reçu la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu’elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations. »

216

En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la Commission a estimé pouvoir accorder à Gütermann et à Zwicky le bénéfice d’une réduction de 15% du montant de l’amende, en application du point D 2, premier et second tirets, de la communication sur la coopération (décision attaquée, considérant 397).

217

Pour justifier son appréciation, la Commission a tout d’abord souligné que les informations, documents et autres preuves délivrés par Gütermann et par Zwicky avant la communication des griefs avaient matériellement contribué à établir l’existence de l’infraction (décision attaquée, considérant 395). Elle a ensuite relevé que les requérantes avaient admis, dans leur première réponse à la demande de renseignements, que les listes de prix avaient été échangées et discutées pendant les réunions. La Commission a enfin souligné qu’elles n’avaient pas contesté de façon substantielle les faits sur lesquels elle avait fondé ses allégations (décision attaquée, considérant 396).

— En ce qui concerne l’utilité de la coopération

218

Tout d’abord, il importe de relever que les requérantes ne contestent pas que, conformément à ce qui a été constaté au considérant 385 de la décision attaquée, elles ne remplissaient pas les conditions d’application du point B et du point C de la communication sur la coopération, de sorte que leur comportement devait être apprécié au regard du point D de ladite communication intitulé « Réduction significative du montant de l’amende » .

219

Ensuite, il y a lieu de rappeler que la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes et qu’elle peut, à cet égard, tenir compte de multiples éléments, au nombre desquels figure la coopération des entreprises concernées lors de l’enquête conduite par ses services. Dans ce cadre, la Commission est appelée à effectuer des appréciations factuelles complexes, telles que celles qui portent sur la coopération respective desdites entreprises (arrêt de la Cour du 10 mai 2007 , SGL Carbon/Commission, C-328/05 P, Rec. p. I-3921 , point 81).

220

La Commission jouit, à cet égard, d’une large marge d’appréciation pour évaluer la qualité et l’utilité de la coopération fournie par une entreprise, notamment par rapport aux contributions d’autres entreprises (arrêt SGL Carbon/Commission, point 219 supra, point 88).

221

Enfin, il faut relever que, selon la jurisprudence, la réduction des amendes en cas de coopération des entreprises participant à des infractions au droit communautaire de la concurrence trouve son fondement dans la considération selon laquelle une telle coopération facilite la tâche de la Commission visant à constater l’existence d’une infraction et, le cas échéant, y mettre fin (arrêt de la Cour du 28 juin 2005 , Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425 , point 399; arrêt du Tribunal du 14 mai 1998 , Finnboard/Commission, T-338/94, Rec. p. II-1617 , point 363). Eu égard à la raison d’être de la réduction, la Commission ne peut faire abstraction de l’utilité de l’information fournie, laquelle est nécessairement fonction des éléments de preuve déjà en sa possession.

222

En ce sens, il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’une entreprise ne fait, au titre de la coopération, que confirmer, et ce de manière moins précise et explicite, certaines des informations déjà fournies par une autre entreprise au titre de la coopération, le degré de coopération fournie par cette entreprise, quoiqu’il puisse ne pas être dénué d’une certaine utilité pour la Commission, ne saurait être considéré comme comparable à celui fourni par la première entreprise à avoir fourni lesdites informations. Une déclaration se limitant à corroborer, dans une certaine mesure, une déclaration dont la Commission disposait déjà ne facilite en effet pas la tâche de la Commission de manière significative. Partant, elle ne saurait être suffisante pour justifier une réduction du montant de l’amende au titre de la coopération (voir, en ce sens, arrêt Groupe Danone/Commission, point 137 supra, point 455).

223

En l’espèce, il importe tout d’abord de préciser que le fait que l’hypothèse d’une transmission d’informations et d’éléments de preuve nouveaux après la communication des griefs n’est pas envisagée par le point D 2 de la communication sur la coopération n’exclut nullement qu’une telle circonstance puisse donner lieu à une réduction de l’amende sur la base de cette même disposition. La liste des circonstances figurant dans ce point D 2 n’est en effet qu’indicative, comme le confirme l’utilisation de l’adverbe « notamment » (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001 , Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T-45/98 et T-47/98, Rec. p. II-3757 , point 274).

224

Cette analyse est confirmée par l’arrêt de la Cour du 14 juillet 2005 , ThyssenKrupp/Commission ( C-65/02 P et C-73/02 P, Rec. p. I-6773 , point 59), dans la mesure où la Cour y a admis que la Commission puisse prendre en compte la reconnaissance par des entreprises de la qualification juridique des faits reprochés intervenue à un stade avancé de la procédure, cela revenant en fin de compte à reconnaître l’infraction. Or, cette hypothèse est évoquée aux points B et C de la communication sur la coopération, mais n’est pas explicitement envisagée en son point D. Toutefois, la Cour a considéré qu’il n’existait aucune objection à ce qu’une entreprise soit récompensée pour une telle reconnaissance, même si celle-ci est intervenue à un stade plus avancé de la procédure que celui visé par les points B et C de la communication sur la coopération. En optant pour une telle solution, la Cour confirme le principe plus général selon lequel la clémence est une récompense accordée par la Commission pour avoir facilité l’établissement de l’infraction, et ce quel que soit le stade auquel est intervenue l’aide fournie par l’entreprise, que cette aide ait consisté en la fourniture d’informations nouvelles et d’éléments de preuve nouveaux, ou en la reconnaissance d’éléments factuels ou de la qualification juridique de ces derniers.

225

Il s’ensuit que, en l’espèce, la question de savoir si les informations nouvelles et éléments de preuve nouveaux fournis par Gütermann et par Zwicky après la communication des griefs doivent être pris en compte et, partant, si cela doit donner lieu à une éventuelle réduction de l’amende au titre de la coopération dépend principalement de la qualité et de l’utilité de la coopération fournie que la Commission évalue dans le cadre de sa large marge d’appréciation, telle que rappelée aux points 219 et 220 ci-dessus.

226

Dès lors, ladite question ne saurait trouver de réponse satisfaisante dans le simple constat que les informations et éléments de preuve ont été transmis après la communication des griefs, mais implique, au contraire, qu’il faille déterminer concrètement, tant au regard de la qualité et de l’utilité de ces informations et éléments de preuve que du moment où ceux-ci ont été transmis, si la Commission a commis une erreur manifeste dans son appréciation du degré de coopération fourni par Gütermann et par Zwicky.

227

Il importe d’emblée de noter que les requérantes ne remettent pas en cause le constat selon lequel les informations de Coats ont été déterminantes pour établir l’existence de l’entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques. Le considérant 387 de la décision attaquée énumère à ce titre les preuves, fournies par Coats, utilisées à l’appui de nombreux points de la communication des griefs.

228

Toutefois, premièrement, les requérantes se prévalent d’avoir rectifié les déclarations de Coats concernant la fréquence des réunions sur les listes de prix et sur l’augmentation de ceux-ci, et celle des réunions sur les prix spéciaux.

229

S’agissant, en premier lieu, de la fréquence des réunions sur les listes de prix et l’augmentation de ces derniers, les requérantes se fondent, à tort, sur une déclaration du représentant de Coats figurant dans la demande d’application de la communication sur la coopération, selon laquelle la réunion du 19 septembre 2000 était la seule au cours de laquelle des augmentations de prix réels ( « actual prices » ) ont été discutées et convenues.

230

En effet, la Commission a constaté, au point 100 de la communication des griefs, que les fournisseurs, dont Coats, BST, Gütermann et Zwicky, avaient admis que des listes de prix avaient été discutées et échangées au cours des réunions. De plus, il ressort des observations formulées au point 102 de la communication des griefs que, à l’inverse de Gütermann et de Zwicky, Coats avait reconnu que les entreprises avaient convenu, lors de ces réunions, des listes de prix futures ainsi que des dates auxquelles les augmentations seraient mises en œuvre. Les informations de Gütermann et de Zwicky relatives aux prix réels n’ont donc pas davantage éclairé la Commission sur ce qu’elle savait déjà. L’argument des requérantes est dès lors dénué de pertinence.

231

Concernant, en second lieu, la fréquence des discussions sur les prix spéciaux, il y a lieu de relever que, au point 107 de la communication des griefs, la Commission a souligné que les fournisseurs, en ce compris Coats, avaient nié ou omis d’indiquer avoir échangé des informations et avoir conclu des accords concernant les prix spéciaux et les prix nets. De plus, en ce qui concerne l’échange d’informations sur les rabais et les remises, la Commission a affirmé, au point 105 de la communication des griefs, que les fournisseurs, à l’exception de Coats pour la période qui précède le milieu des années 90, avaient nié ou omis d’indiquer leur existence. Il convient également de constater que ce n’est qu’après la communication des griefs que les entreprises concernées telles que Coats, Zwicky, Gütermann et BST ont souligné que des prix spéciaux avaient fait l’objet de discussions et d’accords lors des réunions.

232

Toutefois, la Commission fait valoir, à juste titre, qu’elle était en mesure de démontrer ces éléments de l’infraction, grâce aux documents que Coats avait annexés à sa réponse à la demande de renseignements. Il s’agit tout d’abord d’un procès-verbal d’une réunion du 8 septembre 1998 , rédigé par un représentant de Barbour Threads, indiquant l’existence d’accords prévoyant des rabais et des réductions de remises ainsi que celle d’accords sur l’augmentation des prix spéciaux. La Commission s’y réfère à plusieurs reprises dans la communication des griefs (points 106, 108 et 121). Il s’agit ensuite d’un courrier électronique du 10 octobre 2000 , annexé aux déclarations du représentant de Coats, F. S., confirmant que des réductions de rabais et des augmentations de prix spéciaux ont été conclues lors d’une réunion du 19 septembre 2000 . La Commission en fait mention au point 126 de la communication des griefs. Il s’agit enfin de courriers électroniques produits par Coats en annexe à sa demande de clémence, dont celui daté d’octobre 2000 qui indique l’échange d’informations avec Amann et Gütermann à propos de prix spéciaux. Ce document est mentionné au point 133 de la communication des griefs, à la note de bas de page n o  268.

233

C’est également à juste titre que la Commission a souligné que les renseignements fournis par BST l’avaient également aidée à constater des discussions et des accords sur des prix spéciaux. En effet, ce constat ressort notamment des points 104 et 106 ainsi que des notes de bas de page 173, 174 et 176 de la communication des griefs.

234

Il s’ensuit que les prétendues rectifications apportées par les requérantes à la communication des griefs n’ont été en fait que des confirmations de ce que la Commission savait déjà grâce aux informations précitées délivrées avant ladite communication.

235

Dès lors, le fait que les remarques de Coats concernant les prix spéciaux, faisant suite à ladite communication, soient parvenues à la Commission avant celles fournies par les requérantes n’a eu aucune incidence sur l’appréciation de la coopération apportée par ces dernières.

236

Deuxièmement, quant à l’argument des requérantes selon lequel elles ont été les seules entreprises à avoir expliqué, dans leur réponse à la communication des griefs, que le but des réunions était de réduire la différence entre les prix catalogue et les prix nets réels et d’augmenter indirectement les prix nets pour différents produits, il doit être rejeté.

237

En effet, s’il est vrai que, au considérant 167 de la décision attaquée, la Commission a emprunté une citation de Gütermann formulée dans sa réponse à la communication des griefs, afin d’expliquer l’objectif des réunions, il n’en reste pas moins qu’elle avait déjà constaté cet objectif ainsi que les effets des accords, comme cela ressort des points 141 et 142 de la communication des griefs. Les renseignements qui y sont mentionnés ont été transmis par Coats dans le cadre de sa demande de clémence et ont permis à la Commission de donner, par l’exemple concret d’augmentation des prix catalogue qu’ils contiennent, des indications sur le contexte général des discussions sur les prix figurant sur les listes.

— Quant à l’appréciation prétendument erronée de la coopération en comparaison avec celle de BST

238

En ce qui concerne la demande des requérantes de bénéficier d’une réduction au moins équivalente à celle de BST, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, dans le cadre de son appréciation de la coopération fournie par les entreprises concernées, la Commission ne saurait méconnaître le principe d’égalité de traitement, qui est violé lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt Tokai I, point 185 supra, point 394, et la jurisprudence citée). Toutefois, il convient de reconnaître à la Commission une large marge d’appréciation pour évaluer la qualité et l’utilité de la coopération fournie par les différents membres d’une entente, seul un excès manifeste de cette marge étant susceptible d’être censuré.

239

Or, il ressort de la comparaison des coopérations apportées par ces entreprises que la Commission n’a commis aucune violation du principe d’égalité de traitement.

240

En effet, s’agissant, en premier lieu, de la coopération apportée avant la communication des griefs du 15 mars 2004 , la Commission a considéré que BST l’avait considérablement aidée à établir le contenu de nombreux accords [dont la majeure partie du contenu des accords conclus au début des années 90, le contenu de l’accord conclu à Vienne (Autriche) le 8 octobre 1996 et de celui conclu à Zurich (Suisse) le 9 septembre 1997 ], qu’elle avait été la seule entreprise à lui fournir les listes de prix reçues de ses concurrentes pendant les réunions et qu’elle avait fourni des informations allant bien au-delà de celles dont la production était requise dans la demande de renseignements. À cet égard, la Commission se réfère aux nombreuses notes de bas de page de la communication des griefs à l’appui de ses constatations, qui tendent à démontrer que BST a fourni un grand nombre de preuves (dont l’annexe 14 de la réponse de BST à la demande de renseignements, contenant les listes de prix échangées pendant les réunions) et qu’elle était ainsi une source d’informations importante dans le cadre de ses constatations provisoires.

241

Quant à la coopération des requérantes avant la communication des griefs, il y a lieu de souligner que la Commission admet, certes, que celles-ci ont également mis à sa disposition des documents ayant donné un aperçu des réunions au début des années 90. Il n’en reste pas moins que la Commission a considéré que ces informations s’avéraient moins utiles que celles transmises par BST. Les requérantes n’ont pas remis en cause ces appréciations, mais se sont contentées de prétendre que les informations dont elles disposaient ne leur permettaient pas de savoir si BST avait fourni plus d’informations et d’éléments de preuve qu’elles-mêmes. Or, comme il a été souligné ci-dessus, il ressort clairement des considérants 391 à 397 de la décision attaquée ainsi que des nombreuses références aux documents fournis par BST contenues dans les notes de bas de page, à l’appui des constatations de la Commission dans la communication des griefs, que la coopération de BST a été plus importante.

242

En ce qui concerne, en second lieu, la coopération après la communication des griefs, il ressort de la décision attaquée que tant BST que les requérantes n’ont pas contesté la matérialité des faits constatés et que ces trois entreprises ont coopéré de façon identique à ce stade de la procédure administrative. En effet, à la lumière de ce qui a été observé aux points 228 à 237 ci-dessus, c’est à tort que les requérantes soutiennent avoir fourni, après la communication des griefs, des informations que la Commission ne connaissait pas. Partant, elles ne sauraient prétendre avoir communiqué des informations d’une utilité telle qu’elle justifierait de leur accorder une réduction au moins identique à celle accordée à BST.

243

À supposer même qu’il faille admettre que les requérantes aient apporté des précisions aussi utiles que celles de BST sur certains points de la communication des griefs, la Commission n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation en privilégiant le fait que les informations et éléments de preuve fournis par BST l’ont été avant ladite communication.

— Quant à l’application prétendument erronée de la communication sur la coopération et à la prétendue absence de prise en considération de la jurisprudence du Tribunal

244

Les requérantes soutiennent, à tort, que, ayant reconnu que leur coopération remplissait les conditions des deux catégories de comportements visées au point D de la communication sur la coopération, la Commission aurait dû leur accorder chacune une réduction de l’amende d’au moins deux fois 10%, soit 20% au minimum.

245

En effet, il y a lieu de constater que la fourchette prévue par le point D de la communication sur la coopération s’étend de 10% à 50%, sans que ne soient fixés de critères particuliers pour la modulation de la réduction à l’intérieur de cette fourchette. La communication sur la coopération ne crée donc pas d’attente légitime de bénéficier d’un pourcentage particulier de réduction. De plus, contrairement à ce que font valoir, en substance, les requérantes, le point D de la communication sur la coopération ne doit nullement être interprété comme obligeant la Commission à accorder une réduction spécifique de 10% au minimum pour chaque hypothèse de coopération constatée relevant de ce titre, mais doit au contraire se comprendre comme ne prévoyant qu’une seule réduction d’au moins 10%.

246

Ainsi, tant que la Commission n’excède pas de façon manifeste la large marge d’appréciation dont elle dispose lorsqu’elle procède à l’évaluation de la mesure dans laquelle son travail a été facilité par la coopération de l’entreprise, elle est parfaitement libre de mentionner, dans sa décision, les pourcentages spécifiques qu’elle a retenus pour chaque cas de coopération constaté relevant du point D de la communication sur la coopération et de les additionner ensuite, tout comme il lui est loisible de ne mentionner qu’un seul pourcentage global qu’elle estime pouvoir accorder pour ces mêmes hypothèses. En effet, comme le souligne justement la Commission, l’évaluation de l’utilité de la coopération ne repose nullement sur une formule arithmétique impliquant d’office une réduction d’au moins 20% si les deux tirets du point D de la communication sur la coopération entrent en ligne de compte.

247

À cet égard, l’arrêt Tokai I, point 185 supra, invoqué par les requérantes, ne saurait remettre en cause cette appréciation. En effet, il ressort clairement de la décision 2002/271/CE de la Commission, du 18 juillet 2001 , relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-1/36.490 — Électrodes de graphite) ( JO 2002, L 100, p. 1 ), en cause dans cet arrêt, que la Commission s’était référée uniquement et expressément au premier tiret du point D 2 de la communication sur la coopération s’agissant de l’entreprise concernée. Or, le Tribunal a constaté que l’entreprise concernée avait également coopéré au titre du second tiret. La Commission s’est efforcée d’expliquer qu’elle n’avait procédé qu’à une seule réduction, regroupant les deux types de coopération. Toutefois, à l’inverse de la présente affaire, l’appréciation de la non-contestation des faits de la part de la société concernée ne figurait dans aucun des considérants relatifs à la coopération de cette entreprise. C’est pourquoi le Tribunal a estimé ne pouvoir que prendre acte de ce que la Commission n’avait pas fait bénéficier l’entreprise concernée de la disposition du point D 2, second tiret, de la communication sur la coopération.

— Quant à une prétendue absence de prise en compte de la pratique décisionnelle antérieure

248

L’argument tiré d’une prétendue pratique antérieure de la Commission, avancé par les requérantes, doit être rejeté. En effet, le seul fait que la Commission ait accordé, dans le cadre de sa pratique décisionnelle antérieure, un certain taux de réduction pour un comportement déterminé n’implique pas qu’elle soit tenue d’accorder la même réduction proportionnelle lors de l’appréciation d’un comportement similaire dans le cadre d’une procédure administrative ultérieure (arrêt Brugg Rohrsysteme/Commission, point 50 supra, point 193).

249

En tout état de cause, la coopération des requérantes n’est nullement comparable à celle de l’entreprise KME, constatée dans la décision de la Commission du 16 décembre 2003 relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-1/38.240 — Tubes industriels), qu’elles invoquent. Il ressort de cette décision une importante coopération de KME avant réception de la communication des griefs, qui a contribué à démontrer matériellement l’existence de l’entente sur toute sa durée. KME a en effet produit des documents concernant l’infraction et une description détaillée du mode de fonctionnement de l’entente en expliquant en détails dans quel contexte s’inscrivaient différents documents que la Commission avaient découverts lors de ses inspections. La coopération des requérantes n’a pas revêtu une telle importance avant la communication des griefs.

250

Eu égard à ce qui précède, le moyen tiré d’une application erronée de la communication sur la coopération doit être rejeté.

Sur le moyen, invoqué par Gütermann et Zwicky, tiré du caractère disproportionné de l’amende

Arguments des parties

251

Les requérantes invoquent plusieurs griefs au soutien de leur moyen tiré du caractère disproportionné de l’amende.

252

Premièrement, elles font valoir que la Commission n’a pas tenu compte des difficultés économiques considérables qu’elles connaissaient depuis des années à la suite des modifications structurelles subies par l’industrie du fil. La crise du secteur aurait en effet entraîné une chute de leurs bénéfices et aurait conduit Zwicky à mettre fin à ses activités sur le marché en novembre 2000. La Commission aurait également ignoré les problèmes bancaires rencontrés par Gütermann et la charge d’intérêts supplémentaire en découlant.

253

Deuxièmement, les amendes infligées à Gütermann ( 4,021  millions d’euros) et à Zwicky ( 0,174  million d’euros) seraient disproportionnées par rapport à leurs chiffres d’affaires réalisés sur le marché concerné par l’infraction. En ce sens, elles font valoir que le résultat d’exploitation de Gütermann après impôts se serait élevé, durant les onze ans et demi d’infraction, à 318000  euros et le chiffre d’affaires de l’année 2000 réalisé par Zwicky n’aurait été que d’un montant de 200000  euros.

254

De même, Gütermann, suivie en ce sens par Zwicky dans sa réplique, soutient que les montants de départ retenus pour le calcul des amendes ( 2,2  millions d’euros pour Gütermann et 100000  euros pour Zwicky), d’une part, sont disproportionnés par rapport aux chiffres d’affaires cumulés de l’ensemble des entreprises réalisés avec les produits concernés par l’infraction (50 millions d’euros) et, d’autre part, apparaissent comme étant exagérés lorsqu’il est procédé à la comparaison entre ce dernier chiffre, qui reflète la taille du marché des produits concernés par l’infraction, et la taille du marché mondial du fil industriel (4 à 5 milliards d’euros).

255

Selon les requérantes, la Commission avait, conformément à la jurisprudence, l’obligation de prendre en compte la taille du marché concerné lors de l’examen de la gravité de l’infraction et du caractère proportionné de l’amende. La Commission ferait ainsi valoir à tort que ce critère ne constituait qu’un facteur parmi d’autres, de sorte qu’elle n’était pas tenue de le prendre en considération.

256

Troisièmement, Gütermann soutient que la méthode de calcul utilisée pour aboutir au montant de l’amende qui lui a été infligée désavantage clairement les petites et moyennes entreprises. En effet, la taille de ces dernières ne serait pas prise en compte et les amendes obtenues par cette méthode de calcul seraient ainsi disproportionnées. Cela aurait pour effet que, en l’espèce, l’amende qui lui a été infligée serait disproportionnée par rapport à celles infligées aux autres entreprises telles BST ou Coats.

257

Quatrièmement, l’application des lignes directrices dans la présente affaire ne serait pas appropriée, notamment sous l’angle de l’égalité de traitement, au regard des affaires futures concernant des petites et moyennes entreprises pour lesquelles un traitement plus équitable serait prévu dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n o  1/2003 ( JO 2006, C 210, p. 2 ).

258

La Commission réfute ce moyen.

Appréciation du Tribunal

259

Premièrement, c’est à tort que les requérantes soutiennent que l’amende qui leur a été infligée serait disproportionnée, eu égard à leur situation financière précaire et au risque que l’amende entraîne leur disparition.

260

En effet, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante et comme il a été rappelé au considérant 404 de la décision attaquée, la Commission n’est pas obligée, lors de la détermination du montant de l’amende, de tenir compte de la situation financière déficitaire d’une entreprise, étant donné que la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (arrêts de la Cour du 8 novembre 1983 , IAZ International Belgium e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369 , points 54 et 55; Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 221 supra, point 327, et du 29 juin 2006 , SGL Carbon/Commission, C-308/04 P, Rec. p. I-5977 , point 105).

261

Par ailleurs, à supposer qu’une mesure prise par une autorité communautaire provoque la liquidation d’une entreprise, une telle liquidation de l’entreprise sous sa forme juridique en cause, si elle peut porter atteinte aux intérêts financiers des propriétaires, actionnaires ou détenteurs de parts, ne signifie pas pour autant que les éléments personnels, matériels et immatériels représentés par l’entreprise perdraient eux aussi leur valeur (arrêt Tokai I, point 185 supra, point 372).

262

À la lumière de cette jurisprudence, il y a lieu de considérer que la Commission n’avait aucunement l’obligation de tenir compte de la situation économique de Gütermann dans la décision attaquée ni même d’y mentionner les explications de cette entreprise relatives à cette situation. Le fait que la Commission ait estimé opportun d’évoquer la situation financière de Zwicky, et non celle de Gütermann, se comprend parfaitement au regard de la situation économique particulièrement difficile de Zwicky, qui a conduit cette dernière à revendre ses activités concernant le fil industriel à Gütermann.

263

Deuxièmement, les requérantes reprochent, en substance, à la Commission de ne pas avoir pris en compte la taille du marché concerné et d’avoir ainsi fixé une amende disproportionnée au regard de ladite taille. Elles se prévalent également du caractère disproportionné de l’amende par rapport au chiffre d’affaires qu’elles ont chacune réalisé sur le marché concerné par l’infraction ainsi que du caractère disproportionné du montant de départ de l’amende au regard de leurs chiffres d’affaires respectifs.

264

Il importe de relever, au préalable, que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. Dans le contexte du calcul des amendes, la gravité des infractions doit être établie en fonction de nombreux éléments et il ne faut attribuer à aucun de ces éléments une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d’appréciation. Le principe de proportionnalité implique dans ce contexte que la Commission doit fixer l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (arrêt Jungbunzlauer/Commission, point 194 supra, points 226 à 228).

265

S’agissant du reproche fait à la Commission de ne pas avoir pris en compte la taille du marché concerné, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o 17 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o 1/2003, la Commission peut infliger des amendes aux entreprises dont le montant n’excède pas 10% du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l’infraction. Pour déterminer le montant de l’amende à l’intérieur de cette limite, ces dispositions prescrivent la prise en considération de la gravité et de la durée de l’infraction. En outre, conformément aux lignes directrices, la Commission fixe le montant de départ en fonction de la gravité de l’infraction en tenant compte de la nature même de l’infraction, de son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et de l’étendue du marché géographique.

266

Ainsi, ni le règlement n o  17, ni le règlement n o  1/2003, ni les lignes directrices ne prévoient que le montant des amendes doit être fixé directement en fonction de la taille du marché affecté, ce facteur n’étant qu’un élément pertinent parmi d’autres. Ce cadre juridique n’impose donc pas, en tant que tel, à la Commission de tenir compte de la faible taille du marché des produits (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006 , Roquette Frères/Commission, T-322/01, Rec. p. II-3137 , point 148).

267

Cependant, selon la jurisprudence, lors de l’appréciation de la gravité d’une infraction, il incombe à la Commission de tenir compte d’un grand nombre d’éléments dont le caractère et l’importance varient selon le type d’infraction en cause et les circonstances particulières de l’infraction concernée (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 78 supra, point 120). Parmi ces éléments attestant de la gravité d’une infraction, il ne peut être exclu que puisse figurer, selon le cas, la taille du marché du produit en cause.

268

Par conséquent, si la taille du marché peut constituer un élément à prendre en considération pour établir la gravité de l’infraction, son importance varie en fonction du type d’infraction et des circonstances particulières de l’infraction concernée.

269

En l’espèce, l’infraction a consisté essentiellement à échanger des informations sensibles sur les listes de prix et/ou les prix par client, à s’entendre sur des hausses de prix et/ou des prix cibles, à éviter de se faire concurrence par les prix à l’avantage du fournisseur attitré et à se répartir les clients (décision attaquée, considérants 99 à 125 et 345). De telles pratiques constituent une restriction horizontale de type « cartel de prix » au sens des lignes directrices et sont donc « très graves » par nature. Dans ce contexte, la faible taille du marché en cause, à la supposer avérée, n’est que d’une importance moindre par rapport à l’ensemble des autres éléments attestant de la gravité de l’infraction.

270

En tout état de cause, il convient de tenir compte de ce que la Commission a estimé que l’infraction devait être considérée comme très grave au sens des lignes directrices, qui, pour de tels cas, prévoient qu’elle peut « envisager » un montant de départ dépassant les 20 millions d’euros. En l’espèce, la Commission a réparti, dans la décision attaquée, les entreprises concernées en plusieurs catégories selon leur importance relative sur le marché en cause. Il ressort du considérant 358 de la décision attaquée que la Commission n’a retenu qu’un montant de départ de 14 millions d’euros pour les entreprises appartenant à la première catégorie, de 5,2  millions d’euros pour celle relevant de la deuxième catégorie, de 2,2  millions d’euros pour celles incluses dans la troisième catégorie (dont Gütermann) et de 0,1  million d’euros pour celle comprise dans la quatrième catégorie (en l’occurrence, Zwicky). Il en résulte que les montants de départ qui ont servi de point de départ au calcul des amendes infligées à Gütermann et à Zwicky ont correspondu à un montant nettement inférieur à celui que, en vertu des lignes directrices, la Commission aurait pu « envisager » pour des infractions très graves. Cette détermination du montant de départ de l’amende tend à confirmer qu’il a bien été tenu compte de la taille du marché de produits en cause.

271

À la lumière de ces considérations, il convient de considérer que les amendes infligées à Gütermann et à Zwicky ne sont nullement disproportionnées au regard de la taille du marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques.

272

En outre, l’argument tiré du caractère disproportionné du montant de départ des amendes au regard du chiffre d’affaires de Gütermann et de celui de Zwicky sur le marché concerné doit également être rejeté.

273

En effet, il convient de relever que, pour la fixation du montant de départ des amendes, déterminé en fonction de la gravité de l’infraction, la Commission a estimé nécessaire de procéder à un traitement différencié des entreprises impliquées dans les cartels afin de tenir compte de la capacité économique effective des contrevenants de porter un préjudice important à la concurrence ainsi que de fixer l’amende à un niveau garantissant un effet dissuasif suffisant. Elle a ajouté qu’il était nécessaire de tenir compte du poids spécifique du comportement illicite de chaque entreprise et donc de son impact réel sur la concurrence. Aux fins de l’appréciation de ces éléments, la Commission a choisi de se fonder sur le chiffre d’affaires réalisé par chaque entreprise sur le marché concerné et pour le produit concerné par l’entente.

274

En conséquence, et comme il a été observé au point 270 ci-dessus, la Commission a réparti les entreprises concernées en quatre catégories. Gütermann, compte tenu de son chiffre d’affaires de 2,36  millions d’euros, a été placée dans la troisième catégorie et Zwicky, compte tenu de son chiffre d’affaires de 0,2  million d’euros, a été placée dans la quatrième catégorie. La Commission a retenu un montant de départ, déterminé en fonction de la gravité de l’infraction, de 2,2  millions d’euros pour Gütermann et de 0,1  million d’euros pour Zwicky (décision attaquée, considérants 356 à 358).

275

Il résulte d’une jurisprudence constante que la part du chiffre d’affaires provenant des marchandises faisant l’objet de l’infraction est de nature à donner une juste indication de l’ampleur de l’infraction sur le marché concerné (arrêts Cheil Jedang/Commission, point 184 supra, point 91, et Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 79 supra, point 196). En effet, ce chiffre d’affaires est de nature à donner une juste indication de la responsabilité de chaque membre sur lesdits marchés, étant donné qu’il constitue un élément objectif qui donne une juste mesure de la nocivité de cette pratique pour le jeu normal de la concurrence et représente donc un bon indicateur de la capacité de chaque entreprise concernée à créer un dommage.

276

Eu égard à ces considérations, il y a lieu de conclure que les montants de départ retenus dans le cadre du calcul des amendes infligées à Gütermann et à Zwicky n’apparaissent nullement disproportionnés par rapport aux chiffres d’affaires de ces entreprises sur le marché concerné.

277

Il s’ensuit que doit également être rejeté l’argument tiré du caractère disproportionné de l’amende par rapport aux chiffres d’affaires respectifs des requérantes réalisés sur le marché concerné par l’infraction. Ces dernières ne peuvent, en effet, valablement conclure à une disproportion du montant final de l’amende infligée, étant donné que le point de départ de leurs amendes est justifié à la lumière des critères retenus par la Commission pour l’appréciation de l’importance de chacune des entreprises sur le marché pertinent (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 20 mars 2002 , LR AF 1998/Commission, T-23/99, Rec. p. II-1705 , point 304, et du 5 décembre 2006 , Westfalen Gassen Nederland/Commission, T-303/02, Rec. p. II-4567 , point 185). En tout état de cause, il importe de souligner que le droit communautaire ne contient pas de principe d’application générale selon lequel la sanction doit être proportionnée au chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise au travers de la vente du produit faisant l’objet de l’infraction (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 mai 2006 , Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C-397/03 P, Rec. p. I-4429 , point 339).

278

Troisièmement, doit également être rejeté l’argument de Gütermann selon lequel la méthode de calcul désavantagerait les petites et moyennes entreprises et aurait abouti, en l’espèce, à l’infliction d’une amende disproportionnée à son encontre par rapport à celles infligées aux autres entreprises.

279

La Commission n’étant pas obligée d’effectuer le calcul du montant de l’amende à partir de montants basés sur le chiffre d’affaires des entreprises concernées, elle n’est pas non plus tenue d’assurer, au cas où des amendes sont imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finals des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différenciation entre celles-ci quant à leur chiffre d’affaires global ou à leur chiffre d’affaires sur le marché du produit en cause (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002 , Dansk Rørindustri/Commission, T-21/99, Rec. p. II-1681 , point 202).

280

À cet égard, il y a lieu de préciser que l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et l’article 23, paragraphe 3, du règlement n o  1/2003 n’exigent pas non plus que, au cas où des amendes sont imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, le montant de l’amende infligée à une entreprise de petite ou de moyenne taille ne soit pas supérieur, en pourcentage du chiffre d’affaires, à celui des amendes infligées aux entreprises plus grandes. En effet, il ressort de ces dispositions que, tant pour les entreprises de petite ou de moyenne taille que pour les entreprises de taille supérieure, il y a lieu de prendre en considération, pour déterminer le montant de l’amende, la gravité et la durée de l’infraction. Dans la mesure où la Commission impose aux entreprises impliquées dans une même infraction des amendes justifiées, pour chacune d’elles, par rapport à la gravité et à la durée de l’infraction, il ne saurait lui être reproché que, pour certaines d’entre elles, le montant de l’amende soit supérieur, par rapport au chiffre d’affaires, à celui d’autres entreprises (arrêts du 20 mars 2002 , Dansk Rørindustri/Commission, point 279 supra, point 203, et Westfalen Gassen Nederland/Commission, point 277 supra, point 174).

281

Ainsi, la Commission n’est pas tenue de diminuer le montant des amendes lorsque les entreprises concernées sont des petites et moyennes entreprises. La taille de l’entreprise est, en effet, déjà prise en considération par le plafond fixé par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et par l’article 23, paragraphe 3, du règlement n o  1/2003 et par les dispositions des lignes directrices (arrêt Westfalen Gassen Nederland/Commission, point 277 supra, point 174). À part ces considérations relatives à la taille, il n’y a aucune raison de traiter les petites et moyennes entreprises différemment des autres entreprises. Le fait que les entreprises concernées soient des petites et moyennes entreprises ne les exonère pas de leur devoir de respecter les règles de la concurrence (arrêt du Tribunal du 29 novembre 2005 , SNCZ/Commission, T-52/02, Rec. p. II-5005 , point 84).

282

Quant au reproche fait à la Commission de ne pas avoir tenu compte du chiffre d’affaires global des différentes entreprises lors de la fixation du montant de l’amende, il n’est pas pertinent. En effet, il convient de rappeler que les lignes directrices prévoient qu’il est nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs de l’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif (point 1 A, quatrième alinéa). Ces mêmes lignes directrices ajoutent que, dans les cas impliquant plusieurs entreprises, comme les cartels, il peut convenir de pondérer le montant de départ général, afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature, et d’adapter en conséquence le montant de départ général selon le caractère spécifique de chaque entreprise (point 1 A, sixième alinéa) (arrêt Cheil Jedang/Commission, point 184 supra, point 81).

283

Les lignes directrices ne prévoient pas que le montant des amendes est calculé en fonction du chiffre d’affaires global ou du chiffre d’affaires réalisé par les entreprises sur le marché concerné. Toutefois, elles ne s’opposent pas non plus à ce qu’un tel chiffre d’affaires soit pris en compte dans la détermination du montant de l’amende afin que soient respectés les principes généraux du droit communautaire et lorsque les circonstances l’exigent. Le chiffre d’affaires peut ainsi entrer en ligne de compte lors de la prise en considération des différents éléments énumérés au point 273 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêts Cheil Jedang/Commission, point 184 supra, point 82, et Tokai I, point 185 supra, point 195).

284

Toutefois, en l’espèce, ainsi qu’il a été observé au point 275 ci-dessus, le choix de la Commission de se référer au chiffre d’affaires sur le marché concerné pour déterminer la capacité de chaque entreprise concernée à créer un dommage était cohérent et objectivement justifié. En cela, la Commission poursuivait également un but de dissuasion en ce qu’elle mettait au grand jour le fait qu’elle pénaliserait plus sévèrement les entreprises qui avaient participé à un cartel sur un marché sur lequel elles avaient un poids important.

285

Quatrièmement, Gütermann invoque, à tort, les lignes directrices de 2006 pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n o  1/2003 au soutien de son moyen relatif au caractère disproportionné de l’amende. En effet, il convient de constater que la seule circonstance que l’application de la nouvelle méthode de calcul des amendes prévues dans lesdites lignes directrices, lesquelles ne sont pas applicables aux faits de l’espèce, serait susceptible de conduire à une amende d’un montant inférieur à celle infligée par la décision attaquée ne saurait démontrer le caractère disproportionné de ladite amende.

286

En effet, cette constatation ne constitue que l’expression de la marge d’appréciation dont dispose la Commission pour établir, dans le respect des exigences résultant du règlement n o  17 et du règlement n o  1/2003, la méthode qu’elle entend appliquer en vue de déterminer le montant des amendes et ainsi de mener la politique de concurrence dont elle a la charge. Parmi les éléments d’appréciation à prendre en considération par le Tribunal pour évaluer le caractère proportionné du montant des amendes infligées à une époque donnée peuvent ainsi figurer, notamment, les circonstances de fait et de droit ainsi que les objectifs de concurrence définis par la Commission conformément aux exigences du traité CE, prévalant à l’époque du comportement infractionnel.

287

Il s’ensuit que le moyen tiré du caractère disproportionné de l’amende doit être rejeté dans son ensemble.

288

Il résulte des considérations qui précèdent que les recours introduits dans les affaires T-456/05 et T-457/05 doivent être rejetés.

Sur les dépens

289

Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

 

1)

Les recours sont rejetés.

 

2)

Gütermann AG et Zwicky & Co. AG sont condamnées aux dépens.

 

Vilaras

Prek

Ciucă

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 avril 2010 .

Signatures

Table des matières

 

Antécédents du litige

 

1. Objet du litige

 

2. Procédure administrative

 

3. Décision attaquée

 

Définition des marchés en cause

 

Marché de produits

 

Marchés géographiques

 

Taille et structure des marchés en cause

 

Description des comportements infractionnels

 

Dispositif de la décision attaquée

 

Procédure et conclusions des parties

 

En droit

 

1. Sur les moyens visant à contester la constatation de l’existence d’un comportement infractionnel et les injonctions d’y mettre fin et de ne pas le reproduire

 

Sur le moyen, invoqué par Gütermann et Zwicky, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n o  1/2003

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur le moyen, invoqué par Zwicky, tiré du caractère injustifié des injonctions de mettre fin à l’infraction et de s’abstenir de toute récidive

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

2. Sur les moyens visant à contester l’amende et son montant

 

Sur le moyen, invoqué par Zwicky, tiré du dépassement du plafond de 10% du chiffre d’affaires

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur le moyen, invoqué par Gütermann et par Zwicky, pris d’une appréciation erronée de la gravité de l’infraction au regard de ses effets

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur le moyen, invoqué par Gütermann et par Zwicky, tiré de l’appréciation erronée de la durée de l’infraction

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur le moyen, invoqué par Gütermann et par Zwicky, tiré de l’absence de prise en compte de certaines circonstances atténuantes

 

Argument des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur le moyen, invoqué par Gütermann et Zwicky, tiré d’une application erronée de la communication sur la coopération

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

— En ce qui concerne l’utilité de la coopération

 

— Quant à l’appréciation prétendument erronée de la coopération en comparaison avec celle de BST

 

— Quant à l’application prétendument erronée de la communication sur la coopération et à la prétendue absence de prise en considération de la jurisprudence du Tribunal

 

— Quant à une prétendue absence de prise en compte de la pratique décisionnelle antérieure

 

Sur le moyen, invoqué par Gütermann et Zwicky, tiré du caractère disproportionné de l’amende

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur les dépens


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.

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