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Document 62005TJ0417

Arrêt du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 14 juillet 2006.
Endesa, SA contre Commission des Communautés européennes.
Concurrence - Concentration - Règlement (CE) nº 139/2004 - Marché de l'électricité - Décision constatant l'absence de dimension communautaire d'une opération de concentration - Calcul du chiffre d'affaires - Normes comptables - Ajustements - Charge de la preuve - Droits de la défense.
Affaire T-417/05.

Recueil de jurisprudence 2006 II-2533

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2006:219

Affaire T-417/05

Endesa, SA

contre

Commission des Communautés européennes

« Concurrence — Concentration — Règlement (CE) nº 139/2004 — Marché de l'électricité — Décision constatant l'absence de dimension communautaire d'une opération de concentration — Calcul du chiffre d'affaires — Normes comptables — Ajustements — Charge de la preuve — Droits de la défense »

Arrêt du Tribunal (troisième chambre) du 14 juillet 2006 

Sommaire de l'arrêt

1.     Concurrence — Concentrations — Examen par la Commission — Obligation de statuer dans un délai de dix jours sur une demande de renvoi

(Règlement du Conseil nº 139/2004, art. 22, § 3)

2.     Concurrence — Concentrations — Examen par la Commission

(Règlement du Conseil nº 139/2004)

3.     Concurrence — Concentrations — Examen par la Commission — Compétence de la Commission limitée aux opérations de dimension communautaire

(Art. 10 CE; règlement du Conseil nº 139/2004, art. 1er, § 1, et 21)

4.     Concurrence — Concentrations — Examen par la Commission — Obligations de la Commission à l'égard d'un plaignant dénonçant une violation de l'obligation de notification

(Règlement du Conseil nº 139/2004)

5.     Concurrence — Concentrations — Concentration de dimension communautaire — Critères d'appréciation

(Règlement du Conseil nº 139/2004, art. 5)

6.     Concurrence — Concentrations — Concentration de dimension communautaire — Critères d'appréciation

(Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 1606/2002, art. 4; règlement du Conseil nº 139/2004, art. 5; règlement de la Commission nº 707/2004)

7.     Concurrence — Concentrations — Concentration de dimension communautaire — Critères d'appréciation

(Règlement du Conseil nº 139/2004; communication de la Commission 98/C 66/04)

8.     Concurrence — Concentrations — Concentration de dimension communautaire — Critères d'appréciation

(Art. 95, § 1, CE; règlement du Parlement européen et du Conseil nº 1606/2002; règlement du Conseil nº 139/2004, art. 1er et 5)

9.     Concurrence — Concentrations — Concentration de dimension communautaire — Critères d'appréciation

(Règlement du Conseil nº 139/2004; communication de la Commission 98/C 66/04, points 26 et 27)

10.   Concurrence — Concentrations — Concentration de dimension communautaire — Critères d'appréciation

(Règlement du Conseil nº 139/2004; communication de la Commission 98/C 66/04, points 26 et 27)

11.   Concurrence — Concentrations — Concentration de dimension communautaire — Critères d'appréciation

(Règlement du Conseil nº 139/2004, art. 5, § 1; communication de la Commission 98/C 66/04, points 9 et 13)

1.     L'article 22, paragraphe 3, du règlement nº 139/2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, impose à la Commission de statuer dans un délai de dix jours sur une demande de renvoi et prévoit que, à défaut, il en résulte une décision implicite d'acceptation du renvoi.

En cas d'incident relatif à la détermination de la dimension communautaire de l'opération de concentration, la Commission ne doit pas se prononcer sur ladite dimension avant d'adopter une décision sur la demande de renvoi, car, si tel était le cas, elle ne serait pas en mesure d'examiner avec tout le soin requis cette question.

(cf. point 64)

2.     Le règlement nº 139/2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, ne prévoit pas de procédure spéciale pour établir la dimension communautaire d'une concentration. Le fait pour la Commission de ne pas avoir indiqué à un plaignant la procédure qu'elle entendait suivre pour examiner la dimension communautaire ou non de la concentration ne serait susceptible d'affecter la légalité de la décision adoptée à l'issue de cette procédure que s'il en résultait une violation des droits de la défense.

(cf. points 72-73)

3.     De ce que la Commission a compétence exclusive pour examiner les opérations de concentration de dimension communautaire, il ne découle pas automatiquement que celle-ci a une compétence exclusive pour déterminer si une concentration a une telle dimension.

À cet égard, aux termes du règlement nº 139/2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, c'est en premier lieu aux entreprises concernées qu'il incombe de faire une première appréciation de la dimension de la concentration et de déterminer en conséquence à quelles autorités il convient de notifier le projet de concentration. Ensuite, lorsqu'une opération de concentration n'est pas notifiée à la Commission, mais aux autorités d'un ou de plusieurs États membres, il appartient à celles-ci, au vu, notamment, de l'obligation de coopération loyale résultant de l'article 10 CE, et de l'article 21 dudit règlement prévoyant la compétence exclusive de la Commission pour examiner la compatibilité des concentrations de dimension communautaire et l'interdiction corrélative pour les États membres d'appliquer leur législation nationale sur la concurrence auxdites concentrations, de vérifier que la concentration qui leur est soumise n'est pas de dimension communautaire, étant précisé que la Commission a toujours la possibilité de décider qu'une concentration, contrairement à l'avis des autorités des États membres, a bien une dimension communautaire et relève de sa compétence exclusive.

(cf. points 98-99)

4.     Le règlement nº 139/2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, ne contient pas de disposition spécifique prévoyant expressément une obligation à charge de la Commission de s'assurer, d'office, que toute opération de concentration qui ne lui est pas notifiée n'est effectivement pas de dimension communautaire. Toutefois, saisie d'une plainte par une entreprise estimant qu'une concentration non notifiée à la Commission est de dimension communautaire, la Commission est tenue de statuer sur le principe de sa compétence d'autorité de contrôle. Dans ce cadre, c'est, en principe, au plaignant qu'il revient de démontrer le bien-fondé de sa plainte, étant entendu qu'il appartient à la Commission de procéder, dans l'intérêt d'une bonne administration, à un examen diligent et impartial des plaintes dont elle est saisie et de répondre de manière motivée aux arguments avancés par le plaignant en vue d'établir que la concentration relève de la compétence exclusive de la Commission.

(cf. point 100)

5.     Dans le cadre de la détermination de la dimension communautaire d'une opération de concentration, la Commission ne saurait être tenue de s'assurer d'office, dans chaque cas, que les comptes vérifiés qui lui ont été présentés reflètent fidèlement la réalité et de procéder à l'examen de tous les ajustements envisageables. Ce n'est que lorsque son attention est attirée sur des problèmes spécifiques que la Commission doit examiner ceux-ci.

(cf. point 115)

6.     Dans le cadre de la détermination de la dimension communautaire d'une opération de concentration, le règlement nº 139/2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, se réfère nécessairement, pour des raisons pratiques, au chiffre d'affaires de l'exercice précédent. La raison en est qu'il n'existe normalement de comptes vérifiés que pour le dernier exercice complet, les comptes des périodes plus récentes étant dépourvus des garanties offertes par des comptes vérifiés.

S'agissant d'une opération de concentration ayant lieu en 2005, les comptes du dernier exercice, au sens de l'article 5 dudit règlement, sont ceux relatifs à l'exercice 2004. Une entreprise ayant l'obligation d'établir des comptes annuels soumis à vérification ne dispose que d'une seule sorte de comptes officiels, à savoir ceux qui ont été établis et vérifiés conformément à la législation applicable. Aux termes de l'article 4 du règlement nº 1606/2002 sur l'application des normes comptables internationales, les normes IFRS ne sont applicables et obligatoires qu'à partir de l'exercice 2005. La « réconciliation » des comptes de l'exercice 2004 avec les principes IFRS n'est prévue par le règlement nº 707/2004, modifiant le règlement nº 1725/2003 portant adoption de certaines normes comptables internationales conformément au règlement nº 1606/2002, qu'afin de faciliter la transition entre les anciennes et les nouvelles normes en fournissant aux actionnaires et investisseurs une référence à laquelle comparer les comptes de l'exercice 2005, lesquels sont les premiers comptes établis conformément aux nouvelles normes. En outre, les comptes de « réconciliation » de l'exercice 2004, établis aux seules fins de comparaison, n'offrent pas les mêmes garanties que les comptes officiels établis conformément aux principes comptables généraux et soumis à vérification. Il s'ensuit que le fait que la nouvelle réglementation comptable IFRS était en vigueur à la date de l'annonce d'une offre publique d'achat en 2005 est dépourvu de pertinence.

(cf. points 128-129)

7.     Si le système communautaire en matière de concentrations permet de tenir compte d'événements survenus dans la vie de l'entreprise après la clôture du dernier exercice comptable, tels que des cessions ou des acquisitions d'entreprises durant l'exercice en cours, cette hypothèse vise, en principe, ainsi qu'il résulte de la communication sur le calcul du chiffre d'affaires conformément au règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, à tenir compte de changements intervenus dans la situation économique de l'entreprise et non à opérer une révision complète du traitement comptable d'une réalité économique demeurée stable. Faire dépendre dans chaque cas l'applicabilité du règlement communautaire sur les concentrations d'un réexamen complet par la Commission de la comptabilité des entreprises concernées irait à l'encontre des impératifs de sécurité juridique et de rapidité poursuivis par le législateur communautaire.

(cf. point 132)

8.     L'objectif consistant à mesurer la puissance économique des entreprises n'oblige pas la Commission à procéder, dans un cas individuel d'application des articles 1er et 5 du règlement nº 139/2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, à une appréciation générale des mérites des différentes approches comptables prévues par le droit communautaire, en particulier lorsqu'il existe des comptes vérifiés en fonction d'une seule de ces normes et que cette norme était précisément celle exigée tant par le droit national que par le droit communautaire applicable à l'époque.

D'autre part, la circonstance que le législateur communautaire a estimé que les normes comptables internationales adoptées par le règlement nº 1606/2002 sur l'application des normes comptables internationales devraient permettre d'obtenir une image fidèle de la situation financière des entreprises n'implique pas ipso facto la supériorité technique de ces normes aux fins de l'application de l'article 5 du règlement nº 139/2004 sur les concentrations par rapport aux normes comptables applicables en vertu de la législation des États membres jusqu'au 1er janvier 2005. Le règlement nº 1606/2002, adopté sur la base de l'article 95, paragraphe 1, CE, constitue une mesure d'harmonisation et ne contient aucun jugement de valeur des différentes normes nationales.

(cf. points 144-145)

9.     Il ressort de la communication sur le calcul du chiffre d'affaires conformément au règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, que le chiffre d'affaires des entreprises concernées doit être calculé sur la base de chiffres fiables, objectifs et facilement identifiables. Si le point 26 de la communication précise que la Commission « prendra donc généralement en considération des comptes vérifiés ou autres comptes apurés [...] » et qu'elle « est en tout cas réticente à s'en tenir à des comptes de gestion ou autres formes de comptabilité provisoire, sauf dans des circonstances exceptionnelles », cela ne signifie toutefois pas que la communication met sur le même pied les comptes vérifiés et les « autres comptes apurés ». Le point 26 de la communication ne saurait être interprété comme présentant plusieurs options parmi lesquelles il serait possible de choisir librement, mais comme visant à couvrir des situations spécifiques dans lesquelles il n'existe pas de comptes vérifiés pour le dernier exercice. Le point 27 de la communication ne fait d'ailleurs référence qu'aux seuls comptes vérifiés de l'exercice le plus récent et non plus aux « autres comptes apurés ».

(cf. point 146)

10.   Les circonstances exceptionnelles qui permettent à la Commission de s'en tenir à des comptes de gestion ou autres formes de comptabilité provisoire, mentionnées aux points 26 et 27 de la communication sur le calcul du chiffre d'affaires conformément au règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, se réfèrent uniquement, sauf pour ce qui concerne les différences existant avec les normes comptables d'États non membres de l'Union européenne, à la nécessité de prendre en compte les changements significatifs et permanents affectant la réalité économique des entreprises concernées (acquisitions et cessions postérieures à la vérification des comptes, fermeture d'usine).

(cf. point 179)

11.   Ainsi qu'il est indiqué au point 9 de la communication sur le calcul du chiffre d'affaires conformément au règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, la notion de chiffre d'affaires énoncée à l'article 5 dudit règlement se réfère de façon explicite « aux montants résultant de la vente de produits et de la prestation de services ».

À titre exceptionnel, la communication a envisagé la possibilité de déterminer, dans certaines circonstances, le chiffre d'affaires autrement que par référence à l'ensemble des ventes de produits et prestations de services. À cet égard, le point 13 de la communication précise qu'une entreprise de services qui agit comme intermédiaire peut n'avoir pour seul chiffre d'affaires que le montant des commissions qu'elle perçoit. Ce point de la communication concerne une catégorie particulière d'intermédiaires relevant uniquement du secteur des services et dont l'unique rémunération est le montant des commissions qu'ils perçoivent. Il s'agit, partant, d'une exception à la règle générale selon laquelle le chiffre d'affaires pertinent doit être déterminé sur la base du montant total des ventes. Par conséquent, cette notion d'intermédiaire doit être interprétée de manière stricte.

Il s'ensuit que l'activité des distributeurs consistant, notamment, à acheter de l'électricité ou du gaz auprès de leurs fournisseurs et à assurer leur distribution et leur vente au consommateur final ne saurait être qualifiée de prestation de services se limitant à fournir un produit pour le compte des producteurs et autres opérateurs. Une telle entreprise de distribution ne saurait donc, d'un point de vue juridique, être considérée comme un simple intermédiaire au sens du point 13 de la communication et ne saurait, en principe, faire l'objet de l'exception qui y est envisagée dès lors que les revenus qu'elle tire de la distribution correspondent à ses activités ordinaires au sens de l'article 5, paragraphe 1, du règlement nº 139/2004.

(cf. points 203, 208, 210-211, 216)




ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

14 juillet 2006
                   (*)

« Concurrence – Concentration – Règlement (CE) nº 139/2004 – Marché de l’électricité – Décision constatant l’absence de dimension communautaire d’une opération de concentration – Calcul du chiffre d’affaires – Normes comptables – Ajustements – Charge de la preuve – Droits de la défense »

Dans l’affaire T‑417/05,

Endesa, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes J. Flynn, QC, S. Baxter, solicitor, M. Odriozola Alén, M. Muñoz de Juan, M. Merola, J. García de Enterría Lorenzo-Velázquez et J. Varcárcel Martínez, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. F. Castillo de la Torre, É. Gippini Fournier, A. Whelan et M. Schneider, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume d’Espagne, représenté par Mme N. Díaz Abad, abogado del Estado,

et par

Gas Natural SDG, SA, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Mes F. González Díaz, J. Jiménez de la Iglesia et A. Leis García, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 15 novembre 2005 constatant l’absence de dimension communautaire d’une concentration (Affaire COMP/M.3986 – Gas Natural/Endesa),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
                   DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de M. M. Jaeger, président, Mme  V. Tiili et M. O. Czúcz, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 mars 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Règlements relatifs au contrôle des concentrations

1       L’article 1er du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24, p. 1) (ci-après le « règlement ») dispose :

« 1. Sans préjudice de l’article 4, paragraphe 5, et de l’article 22, le présent règlement s’applique à toutes les concentrations de dimension communautaire telles qu’elles sont définies au présent article.

2. Une concentration est de dimension communautaire lorsque :

a)     le chiffre d’affaires total réalisé sur le plan mondial par l’ensemble des entreprises concernées représente un montant supérieur à 5 milliards d’euros, et

b)     le chiffre d’affaires total réalisé individuellement dans la Communauté par au moins deux des entreprises concernées représente un montant supérieur à 250 millions d’euros,

à moins que chacune des entreprises concernées réalise plus des deux tiers de son chiffre d’affaires total dans la Communauté à l’intérieur d’un seul et même État membre.

[…] »

2       L’article 5 du règlement intitulé « Calcul du chiffre d’affaires » prévoit :

« 1. Le chiffre d’affaires total au sens du présent règlement comprend les montants résultant de la vente de produits et de la prestation de services réalisées par les entreprises concernées au cours du dernier exercice et correspondant à leurs activités ordinaires, déduction faite des réductions sur ventes ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée et d’autres impôts directement liés au chiffre d’affaires. Le chiffre d’affaires total d’une entreprise concernée ne tient pas compte des transactions intervenues entre les entreprises visées au paragraphe 4 du présent article.

Le chiffre d’affaires réalisé soit dans la Communauté, soit dans un État membre, comprend les produits vendus et les services fournis à des entreprises ou des consommateurs soit dans la Communauté, soit dans cet État membre.

[…] »

3       Conformément à l’article 19 du règlement :

« 1. La Commission transmet dans un délai de trois jours ouvrables aux autorités compétentes des États membres copie des notifications ainsi que, dans les meilleurs délais, les pièces les plus importantes qui lui sont adressées ou qui sont émises par elle en application du présent règlement […]

2. La Commission mène les procédures visées au présent règlement en liaison étroite et constante avec les autorités compétentes des États membres qui sont habilitées à formuler toutes observations sur ces procédures […] »

4       Aux termes de l’article 21 du règlement :

« 2. Sous réserve du contrôle de la Cour de justice, la Commission a compétence exclusive pour arrêter les décisions prévues au présent règlement.

3. Les États membres n’appliquent pas leur législation nationale sur la concurrence aux concentrations de dimension communautaire. »

5       L’article 22 du règlement dispose :

« 1. Un ou plusieurs États membres peuvent demander à la Commission d’examiner toute concentration, telle que définie à l’article 3, qui n’est pas de dimension communautaire au sens de l’article 1er, mais qui affecte le commerce entre États membres et menace d’affecter de manière significative la concurrence sur le territoire du ou des États membres qui formulent cette demande.

Une telle demande doit être présentée au plus tard dans un délai de quinze jours ouvrables à compter de la date de notification de la concentration ou, si aucune notification n’est requise, de sa communication à l’État membre intéressé.

2. La Commission informe sans délai les autorités compétentes des États membres et les entreprises concernées de toute demande reçue conformément au paragraphe 1.

Tout autre État membre a le droit de se joindre à la demande initiale dans un délai de quinze jours ouvrables à compter de la date à laquelle la Commission l’a informé de la demande initiale.

Tous les délais nationaux relatifs à la concentration sont suspendus jusqu’à ce que, conformément à la procédure prévue au présent article, le lieu d’examen de la concentration ait été fixé. Dès qu’un État membre informe la Commission et les entreprises concernées qu’il ne souhaite pas se joindre à la demande, la suspension de ses délais nationaux prend fin.

3. La Commission peut, dans un délai de dix jours ouvrables suivant l’expiration du délai fixé au paragraphe 2, décider d’examiner la concentration si elle estime que celle-ci affecte le commerce entre États membres et menace d’affecter de manière significative la concurrence sur le territoire du ou des États membres qui formulent la demande. Si la Commission ne prend pas de décision dans ce délai, elle est réputée avoir adopté une décision d’examen de la concentration conformément à la demande.

La Commission informe tous les États membres et les entreprises concernées de sa décision. Elle peut demander qu’une notification lui soit faite conformément à l’article 4.

Le ou les États membres ayant formulé la demande n’appliquent plus leur droit national de la concurrence à la concentration concernée.

[…] »

6       Aux termes de l’article 17, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 802/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, concernant la mise en oeuvre du règlement (JO L 133, p. 1) :

« Le droit d’accès au dossier ne s’étend pas aux informations confidentielles ni aux documents internes de la Commission ou des autorités compétentes des États membres. Il ne s’étend pas non plus à la correspondance entre la Commission et les autorités compétentes des États membres ou entre ces dernières. »

7       L’article 1er du règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement et du Conseil, du 19 juillet 2002, sur l’application des normes comptables internationales (JO L 243, p. 1) dispose :

« Le présent règlement a pour objectif l’adoption et l’application des normes comptables internationales dans la Communauté, dans le but d’harmoniser l’information financière présentée par les sociétés visées à l’article 4, afin de garantir un degré élevé de transparence et de comparabilité des états financiers et, partant, un fonctionnement efficace du marché communautaire des capitaux et du marché intérieur. »

 Réglementation sur la comptabilité des sociétés

8       L’article 4 du règlement n° 1606/2002 (intitulé « Comptes consolidés des sociétés qui font appel public à l’épargne ») dispose :

« Pour chaque exercice commençant le 1er janvier 2005 ou après cette date, les sociétés régies par le droit national d’un État membre sont tenues de préparer leurs comptes consolidés conformément aux normes comptables internationales adoptées dans le cadre de la procédure prévue à l’article 6, paragraphe 2, si, à la date de clôture de leur bilan, leurs titres sont admis à la négociation sur le marché réglementé d’un État membre au sens de l’article 1er, [sous 13)], de la directive 93/22/CEE du Conseil du 10 mai 1993 concernant les services d’investissement dans le domaine des valeurs mobilières. »

9       Le règlement (CE) n° 1725/2003 de la Commission, du 29 septembre 2003, portant adoption de certaines normes comptables internationales conformément au règlement n° 1606/2002 (JO L 261, p. 1) dispose :

« Article premier

Les normes comptables internationales citées en annexe sont adoptées.

[…] »

10     La norme comptable internationale IAS 18 intitulée « Produits des activités ordinaires » annexée au règlement n° 1725/2003 dispose :

« Définitions

7. Dans la présente norme, les termes suivants ont la signification indiquée ci-après :

Les produits des activités ordinaires sont les entrées brutes d’avantages économiques au cours de l’exercice dans le cadre des activités ordinaires d’une entreprise lorsque ces entrées conduisent à des augmentations des capitaux propres, autres que les augmentations relatives aux apports des participants aux capitaux propres.

La juste valeur est le montant pour lequel un actif pourrait être échangé, ou un passif éteint, entre parties bien informées, consentantes et agissant dans des conditions de concurrence normale.

8. Les produits des activités ordinaires ne comprennent que les entrées brutes d’avantages économiques reçus ou à recevoir par l’entreprise pour son propre compte. Les montants collectés pour le compte de tiers tels que les taxes sur les ventes, les taxes sur les biens et services et les taxes à la valeur ajoutée ne sont pas des avantages économiques qui vont à l’entreprise et ils n’aboutissent pas à une augmentation des capitaux propres. En conséquence, ils sont exclus des produits des activités ordinaires. De même, dans une relation de mandat, les entrées brutes d’avantages économiques comprennent des montants collectés pour le compte du mandant et ne conduisent pas à une augmentation des capitaux propres pour l’entreprise. Les montants collectés pour le compte du mandant ne sont pas des produits des activités ordinaires. Dans ce cas, les produits des activités ordinaires correspondent au montant des commissions. »

11     Le règlement (CE) n° 707/2004 de la Commission, du 6 avril 2004, modifiant le règlement n° 1725/2003 dispose :

« Article premier

Dans l’annexe au règlement […] n° 1725/2003, la SIC-8 : première application des IAS en tant que référentiel comptable est remplacée par le texte annexé au présent règlement.

Article 2

Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant la date de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

[…] »

12     L’annexe au règlement n° 707/2004 intitulée « IFRS 1 – Première application des normes d’information financière internationales » précise :

« 36. Selon IAS 1 Présentation des états financiers, les premiers états financiers IFRS d’une entité doivent comprendre au moins un exercice présenté à titre comparatif selon les IFRS.

[…]

47. Une entité doit appliquer la présente norme si ses premiers états financiers IFRS portent sur un exercice ouvert à compter du 1er janvier 2004. Son application anticipée est encouragée […] »

 Communication sur le calcul du chiffre d’affaires

13     Selon le point 26 de la communication de la Commission sur le calcul du chiffre d’affaires conformément au règlement (CEE) nº 4064/89 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO 1998, C 66, p. 25) (ci-après la « communication ») :

« La Commission cherche à se fonder sur les données les plus justes et fiables disponibles. Elle prendra donc généralement en considération des comptes vérifiés ou autres comptes apurés. Toutefois, lorsqu’il y a de grandes différences entre les normes comptables de la Communauté et celles d’un pays tiers, la Commission peut juger nécessaire d’adapter ces comptes aux normes communautaires pour calculer le chiffre d’affaires. Elle est en tout cas réticente à s’en tenir à des comptes de gestion ou autres formes de comptabilité provisoire, sauf dans des circonstances exceptionnelles (point suivant). Lorsqu’une concentration a lieu au cours des premiers mois de l’année et que les comptes vérifiés ne sont pas encore disponibles pour l’exercice le plus récent, les chiffres à retenir sont ceux de l’année antérieure à cet exercice. En cas de grande divergence entre les deux séries de comptes, et en particulier lorsque les chiffres provisoires de fin d’exercice sont disponibles pour l’année la plus récente, la Commission peut décider de prendre en considération ces chiffres provisoires. »

14     Aux termes du point 27 de la communication :

« Nonobstant le point 26, un ajustement doit toujours être effectué pour tenir compte des acquisitions et des cessions postérieures à la vérification des comptes. Cela est nécessaire pour déterminer exactement les ressources mises en commun. Si donc une entreprise cède une partie de son activité avant la signature de l’accord final, la veille de l’annonce de l’offre publique ou de l’acquisition d’une participation de contrôle ayant pour effet une concentration ou si le désengagement ou la fermeture de l’usine est une condition préalable de l’opération, le chiffre d’affaires attribuable à cette partie de son activité sera déduit du chiffre d’affaires de la partie notifiante tel qu’il ressort des comptes vérifiés les plus récents. Inversement, le chiffre d’affaires réalisé grâce à des actifs dont le contrôle a été acquis après l’établissement des comptes vérifiés les plus récents sera additionné au chiffre d’affaires d’une entreprise aux fins de la notification. »

 Faits à l’origine du litige

15     La requérante, Endesa, SA est une société commerciale cotée, notamment, à la bourse de Madrid. Elle se trouve à la tête du groupe Endesa, le plus grand groupe d’électricité d’Espagne, avec une présence en Italie, en France, au Portugal, en Pologne et en Amérique latine.

16     Gas Natural SDG, SA (ci-après « Gas Natural ») est une société commerciale cotée à la bourse de Madrid. Elle est à la tête du groupe Gas Natural, un groupe d’entreprises fournissant des services dans le secteur de l’énergie, qui intervient essentiellement dans l’approvisionnement, la distribution et la commercialisation du gaz naturel en Espagne, en Italie et en Amérique latine. Elle développe également des activités dans le domaine du secteur électrique, principalement dans la production et la commercialisation d’énergie électrique, secteur dans lequel elle est nouvel entrant.

17     Le 5 septembre 2005, Gas Natural a annoncé son intention de lancer une offre publique d’achat (ci-après l’« OPA ») portant sur l’intégralité du capital social en actions d’Endesa et donnant lieu à une opération de concentration conformément à l’article 3 du règlement. L’OPA a été déclarée hostile par les organes d’administration d’Endesa.

18     Le 12 septembre 2005, Gas Natural a notifié l’opération de concentration aux autorités espagnoles de la concurrence.

19     Peu après l’annonce de l’OPA de Gas Natural, Endesa s’est adressée à la Commission pour lui exposer que, selon elle, l’opération de concentration était de dimension communautaire au sens de l’article 1er du règlement. Il en résultait, selon Endesa, que, d’une part, l’opération de concentration devait être notifiée à la Commission en application de l’article 4 du règlement et, d’autre part, l’autorité espagnole de la concurrence était incompétente pour se prononcer sur cette opération.

20     Le 19 septembre 2005, Endesa a demandé à la Commission de se prononcer sur sa compétence pour analyser l’opération de concentration en raison de sa dimension communautaire.

21     Dans ces communications, Endesa indiquait en particulier (i) que les chiffres à prendre en considération pour le chiffre d’affaires 2004 étaient ceux calculés sur la base des nouvelles normes internationales d’information financière (« IFRS ») plutôt que ceux résultant de l’audit des comptes et (ii) qu’il convenait d’apporter un certain nombre d’autres ajustements à ces chiffres afin de respecter les dispositions de la communication de la Commission sur le calcul du chiffre d’affaires. Sur la base des chiffres ainsi obtenus, ’Endesa estime ne pas avoir réalisé, en Espagne, en 2004, plus des deux tiers de son chiffre d’affaires total dans la Communauté.

22     Le 20 septembre 2005, l’autorité portugaise de la concurrence a demandé à la Commission d’accepter le renvoi de l’opération de concentration sur le fondement de l’article 22 du règlement. Le 22 septembre 2005, la Commission a informé les autres États membres de cette demande de renvoi en leur donnant la possibilité de s’y joindre. Le 28 septembre 2005, l’autorité espagnole de la concurrence a fait savoir à la Commission qu’elle ne souhaitait pas se joindre à la demande portugaise. Le 7 octobre 2005, l’autorité italienne a informé la Commission qu’elle souhaitait se joindre à la demande portugaise. La Commission a rejeté ces demandes de renvoi le 27 octobre 2005, au motif que les autorités nationales ne démontraient pas dans quelle mesure l’opération de concentration affectait le commerce intracommunautaire et le libre jeu de la concurrence, et a conclu qu’elle n’était pas l’autorité la mieux placée pour connaître de l’affaire.

23     Le 26 septembre 2005, la Commission a écrit à Gas Natural en lui demandant de préciser sur quelle base elle avait notifié l’opération de concentration à l’autorité espagnole de la concurrence et de lui faire part de ses observations à propos des arguments d’Endesa. Gas Natural a répondu à cette lettre le 3 octobre 2005. Dans sa réponse, elle indiquait que pour identifier l’autorité de la concurrence compétente, elle avait utilisé les chiffres publiés dans les comptes vérifiés d’Endesa pour 2004. D’après Gas Natural, ces comptes montrent qu’en 2004, Endesa (comme Gas Natural) a réalisé plus des deux tiers de son chiffre d’affaires total dans la Communauté en Espagne.

24     Le 26 septembre 2005 également, la Commission a écrit à Endesa pour lui demander plusieurs précisions à propos de ses communications. En outre, le 4 octobre 2005, elle a transmis à Endesa une copie des observations de Gas Natural sur ses premières communications, en lui demandant de les commenter. Endesa a répondu à ces demandes les 5 et 7 octobre 2005, respectivement.

25     Le 6 octobre 2005, l’autorité espagnole de la concurrence a fait part à la Commission ’de son désaccord avec les arguments avancés par Endesa et a indiqué qu’elle s’estimait compétente pour apprécier l’opération en cause.

26     Le 25 octobre 2005, la Commission a transmis à Gas Natural une copie des communications d’Endesa des 5 et 7 octobre 2005, en lui donnant la possibilité d’y répondre. Le 26 octobre 2005, la Commission a invité Gas Natural, Endesa et l’autorité espagnole de la concurrence à lui communiquer leur avis sur l’interprétation de l’article 5 du règlement sur les concentrations à la lumière du point 40 de la communication de la Commission mentionnée ci-dessus. Dans le même temps, elle a transmis à l’autorité espagnole de la concurrence une copie des communications d’Endesa des 5 et 7 octobre 2005, en lui donnant la possibilité d’exprimer son avis sur l’ensemble des questions en cause.

27     Le 27 octobre 2005, l’autorité espagnole de la concurrence a informé la Commission qu’elle n’avait aucune observation complémentaire à formuler à propos des ajustements et lui a communiqué son avis sur l’interprétation de l’article 5 du règlement sur les concentrations à la lumière du point 40 de la communication de la Commission pertinente. Le 2 novembre 2005, Gas Natural et Endesa ont fait connaître leur point de vue à ce propos. De plus, Gas Natural a fourni de nouveaux commentaires sur les ajustements proposés par Endesa, sur la base des communications d’Endesa des 5 et 7 octobre 2005. Dans ses commentaires, Gas Natural proposait de nouveaux ajustements qu’elle considérait avoir été oubliés par Endesa. Le 4 novembre 2005, une copie de ces propositions d’ajustements a été envoyée à Endesa, qui a fait connaître ses observations à ce sujet le 9 novembre 2005.

28     Le 15 novembre 2005, la Commission a adopté la décision constatant l’absence de dimension communautaire d’une concentration (Affaire COMP/M.3986 – Gas Natural/Endesa) faisant l’objet du présent recours (ci-après la « décision »).

29     En ce qui concerne la procédure nationale de contrôle des concentrations, le ministre espagnol de l’Économie a décidé, le 7 novembre 2005, de lancer la « deuxième phase » de ladite procédure, en renvoyant le dossier du Servicio de Defensa de la Competencia (service de défense de la concurrence, ci-après le « SDC ») au Tribunal de Defensa de la Competencia (tribunal de défense de la concurrence, ci-après le « TDC »).

30     Le 20 décembre 2005, la Comisión Nacional de la Energía (commission nationale de l’énergie, ci-après la « CNE ») a rendu son avis sur l’opération de concentration, dans lequel elle a recommandé l’autorisation de l’opération sous certaines conditions.

31     Le 5 janvier 2006, le TDC a rendu son avis dans lequel il a recommandé la prohibition de l’opération de concentration.

32     Le 3 février 2006, le Conseil des ministres espagnol a autorisé l’opération de concentration sous certaines conditions.

33     Le 21 mars 2006, le Tribunal de commerce nº 3 de Madrid a suspendu l’opération de concentration.

 Procédure

34     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 novembre 2005, Endesa a introduit le présent recours. Par requête séparée déposée le même jour, la requérante a introduit une demande visant à ce que son recours soit traité sous le bénéfice de la procédure accélérée, conformément à l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal.

35     Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 29 novembre 2005, la requérante a introduit une demande visant à ce que, d’une part, soit ordonné le sursis à l’exécution de la décision et, d’autre part, soit ordonné à la Commission d’enjoindre aux autorités de la concurrence espagnoles de suspendre toutes les procédures nationales.

36     Par lettres déposées au greffe du Tribunal respectivement les 2 et 9 décembre 2005, Gas Natural et le Royaume d’Espagne ont demandé à intervenir au soutien de la partie défenderesse, en vertu de l’article 115, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure.

37     Les deux demandes d’intervention ont été signifiées aux parties, conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure.

38     Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 15 décembre 2005, la requérante a demandé que certains éléments des pièces de procédure ne soient pas communiqués aux éventuelles parties intervenantes, en vertu de l’article 116, paragraphe 2, seconde phrase, du règlement de procédure.

39     Le 15 décembre 2005, la troisième chambre du Tribunal, à laquelle l’affaire a été attribuée, a décidé d’accorder le bénéfice de la procédure accélérée dans la présente affaire.

40     Par ordonnances du 16 décembre 2005, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis les demandes d’intervention de Gas Natural et du Royaume d’Espagne et a réservé la décision sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel.

41     Par lettres déposées au greffe du Tribunal respectivement les 3 et 4 janvier 2006, Gas Natural et le Royaume d’Espagne ont émis des objections quant au traitement confidentiel de certains éléments des pièces de procédure qui leur ont été communiquées.

42     Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 11 janvier 2006, la requérante a retiré la demande de confidentialité à l’égard de Gas Natural en ce qui concerne le rapport préparé par Deloitte, SL, joint en annexe à la requête.

43     Les 12 et 13 janvier 2006, Gas Natural et le Royaume d’Espagne ont respectivement déposé leur mémoire en intervention.

44     Le 19 janvier 2006, la Commission a déposé son mémoire en défense.

45     Par ordonnance du 24 janvier 2006, le président de la troisième chambre du Tribunal a partiellement fait droit à la demande de traitement confidentiel formée par la requérante, a ordonné la transmission aux parties intervenantes d’une version non confidentielle de toutes les pièces de procédure et les a invitées à présenter leurs observations complémentaires y relatives lors de l’audience. Il a en outre réservé les dépens.

46     Par ordonnance du 1er février 2006, Endesa/Commission (T‑417/05 R, non encore publiée au Recueil), le président du Tribunal a rejeté la demande en référé, en considérant que la requérante n’avait pas démontré qu’elle risquait de subir un préjudice grave et irréparable en l’absence de mesures provisoires, et a réservé les dépens.

47     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, a invité les parties à répondre à une série de questions écrites. Les parties ont déféré à ces demandes dans les délais impartis.

48     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales lors de l’audience du 9 mars 2006.

 Conclusions des parties

49     Endesa conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       déclarer son recours recevable ;

–       annuler la décision ;

–       condamner la Commission aux dépens.

50     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner la requérante aux dépens y compris ceux relatifs à la procédure en référé.

51     Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner la requérante aux dépens.

52     Gas Natural conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner la requérante aux dépens.

 En droit

53     À l’appui de son recours, la requérante avance cinq moyens tirés, premièrement, de vices de procédure, deuxièmement, d’un renversement de la charge de la preuve et d’un défaut de motivation, troisièmement, du défaut d’utilisation des comptes établis conformément aux normes comptables IAS/IFRS, quatrièmement, du rejet des ajustements proposés et, cinquièmement, d’une violation des critère énoncés dans la communication, d’une absence d’analyse et de motivation et d’un détournement de pouvoir.

 Sur le premier moyen, tiré de vices de procédure

 Sur la première branche, tirée de l’adoption des décisions sur les demandes de renvoi préalablement à la décision

–       Arguments des parties

54     Endesa soutient qu’il ressort clairement du règlement que toute décision fondée sur l’article 22 de celui-ci doit avoir trait à une opération de concentration qui respecte les seuils d’une ou de plusieurs règles nationales et qui n’a pas de dimension communautaire. Ainsi, le mécanisme de l’article 22 permettrait à la Commission d’être compétente en ce qui concerne des opérations qui devraient, a priori, échapper à sa compétence.

55     Il en découlerait que, en application de l’article 22 du règlement, l’absence de dimension communautaire constitue une condition préalable essentielle à la décision de renvoi. Par conséquent, selon Endesa, dès lors qu’elle avait formellement demandé à la Commission de prendre position sur la dimension communautaire de la concentration, cette dernière avait le choix entre rejeter la demande sans ouvrir de procédure, la considérant manifestement infondée, ou ouvrir une procédure et se prononcer formellement sur la question de savoir quelle était l’autorité compétente avant de statuer sur les demandes de renvoi. Elle ajoute que le fait que le délai pour statuer sur les demandes de renvoi est prévu dans le règlement (dix jours ouvrables à compter de l’échéance du délai prévu pour que les autorités nationales se joignent à une ou plusieurs demandes) ne saurait justifier une inversion de l’ordre logique auquel est soumis l’examen de la Commission. Étant donné que le règlement ne mentionnerait pas les incidents de procédure relatifs à la détermination de l’autorité, mais les incidents portant sur la compétence matérielle (à travers les règles sur les renvois de l’article 22), le délai prévu pour les deuxièmes devrait s’appliquer, par analogie, aux premiers. Si la Commission ne disposait pas de tous les éléments nécessaires pour prendre une décision et qu’elle devait demander des informations complémentaires, sa demande d’informations aurait dû suspendre automatiquement le délai dont elle disposait pour statuer ainsi que nécessairement, les délais relatifs à l’adoption de tous les actes découlant de celui-ci, dont la décision fondée sur l’article 22.

56     Endesa fait valoir que, en l’occurrence, 38 jours se sont écoulés entre la première demande de renvoi et la décision de la Commission de rejeter les demandes de la République italienne et de la République portugaise. En adoptant les décisions sur le renvoi avant de déterminer la dimension nationale ou communautaire de l’opération, la Commission aurait préjugé du résultat de la décision, bien qu’elle y ait fait figurer une réserve purement formelle sur ce point. Cela ressortirait clairement de la motivation de la décision sur les demandes de renvoi, qui indiquerait, notamment, que la Commission ne serait pas l’autorité la mieux placée pour statuer sur l’opération en question. Indépendamment des fondements de cette affirmation, il serait évident qu’elle porte un jugement prématuré sur au moins une des appréciations qu’il incombe à la Commission d’effectuer dans le cadre de l’examen d’une opération de dimension communautaire, à savoir celle sur les demandes éventuelles de renvoi fondées sur l’article 9 du règlement.

57     La Commission, soutenue par les parties intervenantes, fait valoir que le moyen est simplement inopérant, qu’il n’y a pas d’analogie entre la situation d’un État membre qui présente une demande au titre de l’article 22 et celle dans laquelle une entreprise demande à la Commission de prendre position sur sa propre compétence et que les décisions prises sur les demandes présentées au titre de l’article 22 n’ont pas préjugé les questions relatives à la compétence communautaire, puisqu’elle s’est explicitement prononcée sur lesdites demandes sans préjudice de cet aspect.

–       Appréciation du Tribunal

58     Endesa soutient que la décision aurait dû être adoptée avant la décision sur les demandes de renvoi au titre de l’article 22 du règlement, l’absence de dimension communautaire constituant une condition préalable essentielle à une décision de renvoi.

59     L’article 22, paragraphe 1, du règlement dispose qu’« [u]n ou plusieurs États membres peuvent demander à la Commission d’examiner toute concentration […] qui n’est pas de dimension communautaire au sens de l’article 1er, mais qui affecte le commerce entre États membres et menace d’affecter de manière significative la concurrence sur le territoire du ou des États membres qui formulent cette demande […] »

60     Il convient de rappeler que, le 19 septembre 2005, Endesa a demandé à la Commission de se prononcer sur sa compétence pour analyser l’opération de concentration. Par demande du 20 septembre 2005, l’autorité portugaise de la concurrence a demandé à la Commission d’accepter l’examen de la concentration sur le fondement de l’article 22 du règlement. À la suite de la transmission par la Commission aux autres États membres de cette demande de renvoi, l’autorité italienne de la concurrence a, le 7 octobre 2005, informé la Commission qu’elle souhaitait se joindre à la demande de l’autorité portugaise de la concurrence. La Commission a rejeté ces demandes de renvoi le 27 octobre 2005, estimant qu’il n’était pas démontré que l’opération menaçait d’affecter la concurrence au Portugal et en Italie et que la Commission était mieux placée pour apprécier de tels effets.

61     À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, que le vice allégué par la requérante ne concerne pas la décision mais uniquement les décisions du 27 octobre 2005 sur les demandes de renvoi, lesquelles ne font pas l’objet du présent recours. Le grief est dès lors, en tout état de cause, inopérant.

62     Il convient au demeurant d’observer que, comme le fait valoir la Commission, la conséquence juridique des arguments avancés par la requérante n’apparaît pas clairement. En effet, si ces arguments étaient retenus, toute décision, y compris une décision déclarant la dimension communautaire de l’opération de concentration, adoptée après les décisions du 27 octobre 2005 sur les demandes de renvoi, serait affectée par l’irrégularité alléguée et pourrait donc à son tour être annulée pour les mêmes motifs que ceux invoqués par la requérante. Ainsi, toute décision prise par la Commission sur la demande d’Endesa postérieurement à cette date, même favorable à cette demande, devrait être annulée.

63     D’autre part, force est de constater que la requérante n’a pas démontré en quoi les décisions du 27 octobre 2005 sur les demandes de renvoi auraient préjugé la question relative à la compétence communautaire, les décisions sur les demandes de renvoi indiquant au contraire expressément qu’elles étaient adoptées sans préjudice de l’appréciation portée sur la dimension communautaire de l’opération de concentration envisagée.

64     Par ailleurs, il ne saurait être fait grief à la Commission d’avoir statué sur les demandes de renvoi avant de statuer sur la dimension communautaire. En effet, l’article 22, paragraphe 3, du règlement impose à la Commission de statuer dans un délai de dix jours sur une demande de renvoi et prévoit que, à défaut, il en résulte une décision implicite d’acceptation du renvoi. La Commission est dès lors tenue de se prononcer rapidement sur la décision de renvoi. Dans ces conditions, si elle avait dû se prononcer au préalable sur la dimension communautaire, elle aurait dû le faire dans un délai de moins de dix jours, de sorte qu’elle n’aurait pas été en mesure d’examiner avec tout le soin requis la question relative à la dimension communautaire de l’opération envisagée.

65     Loin de nuire aux intérêts d’Endesa, la circonstance que la Commission a poursuivi l’examen de la dimension communautaire et n’a adopté la décision qu’après les décisions du 27 octobre 2005 sur les demandes de renvoi a donc, en l’espèce, au contraire permis que la décision sur la dimension communautaire soit fondée sur un examen attentif de tous les éléments pertinents.

66     Par ailleurs, l’argument de la requérante, selon lequel le délai prévu pour se prononcer sur les demandes présentées au titre de l’article 22 du règlement serait suspendu, par analogie, jusqu’à ce que l’incident relatif à la détermination de la dimension communautaire de l’opération de concentration soit tranché, doit être rejeté. En effet, rien dans le règlement n’indique que le délai pour se prononcer sur une demande présentée au titre de l’article 22 est suspendu dans ces circonstances. Or, s’agissant de délais produisant des effets juridiques, tout motif de suspension devrait être explicitement prévu. À cet égard, il convient de rappeler l’importance d’assurer un contrôle des opérations de concentration dans des délais compatibles à la fois avec les exigences d’une bonne administration et avec celles de la vie des affaires (arrêt de la Cour du 25 septembre 2003, Schlüsselverlag J.S. Moser e.a./Commission, C‑170/02 P, Rec. p. I‑9889, point 34).

67     Il s’ensuit que la première branche du premier moyen doit être rejetée.

 Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de transparence et de la violation des droits de la défense

–       Argument des parties

68     Endesa observe que le règlement ne prévoit pas de procédure spéciale pour établir la dimension communautaire d’une opération de concentration. Par conséquent, en réponse à la demande formelle d’Endesa de statuer sur la détermination de l’autorité compétente pour connaître de la concentration, la Commission aurait dû clairement indiquer quelle était la procédure qu’elle allait suivre, ce qui aurait permis de garantir un minimum de sécurité juridique. Endesa aurait expressément demandé à la Commission, dès le début de la procédure, d’informer les parties des règles de celle-ci, mais cette demande n’aurait pas été prise en compte.

69     La procédure suivie par la Commission aurait également manqué de transparence, car celle-ci n’aurait pas précisé à Endesa quels étaient exactement les documents portés à la connaissance de Gas Natural, de même qu’’il n’y aurait pas eu une communication complète des arguments présentés par cette dernière à la Commission. Surtout, bien que le SDC soit intervenu en tant que partie à la procédure, Endesa n’aurait pas eu communication, ni même été avertie, des observations présentées par celui-ci, en dépit des demandes expresses et réitérées qu’elle aurait introduites dans ses lettres des 23 septembre, 10 et 12 octobre 2005.

70     La confusion et l’absence de transparence des règles de procédure appliquées auraient constitué une violation flagrante des droits de la défense. Il en serait de même de la transmission au SDC des documents d’Endesa sans que son autorisation ait été sollicitée, à l’exception de la transmission du mémoire initial directement remis au SDC par la requérante à la demande de la Commission.

71     La Commission, soutenue par les parties intervenantes, fait valoir que la participation d’Endesa à la procédure a certainement suffi à sauvegarder ses intérêts.

–       Appréciation du Tribunal

72     S’agissant, premièrement, du grief tiré de ce que la Commission n’a pas informé la requérante sur la procédure applicable, il convient d’observer que le règlement ne prévoit pas de procédure spéciale pour établir la dimension communautaire d’une concentration. Force est également de constater que la requérante n’a pas démontré en quoi cette absence d’information serait de nature à affecter la légalité de la décision.

73     En tout état de cause, le fait pour la Commission de ne pas avoir indiqué à la requérante la procédure qu’elle entendait suivre pour examiner la dimension communautaire ou non de la concentration ne serait susceptible d’affecter la légalité de la décision adoptée à l’issue de cette procédure que s’il en résultait une violation des droits de la défense. Or, ainsi qu’il ressort des considérations qui suivent, tel n’est pas le cas en l’espèce.

74     En ce qui concerne, deuxièmement, le grief de la requérante tiré de ce que la Commission ne lui aurait pas précisé quels étaient exactement les documents portés à la connaissance de Gas Natural, il y a lieu de constater que la requérante ne précise pas en quoi cette circonstance a pu affecter ses droits ou influencer le contenu de la décision. En outre, ni les droits de la défense de la requérante ni son droit à l’accès au dossier n’imposent qu’elle soit également informée de l’accès d’autres personnes à certains éléments du dossier. Dans ces circonstances, le grief doit être rejeté.

75     S’agissant, troisièmement, du grief tiré de ce que la Commission ne lui aurait pas communiqué, de façon complète, les arguments présentés par Gas Natural, il convient de constater, d’abord, que la Commission reconnaît que certaines informations confidentielles ont été omises. Il y a lieu ensuite d’observer que, comme le relève la Commission, la requérante n’apporte pas la preuve qu’elle a demandé l’accès aux informations considérées comme confidentielles. Enfin, et surtout, la requérante ne démontre nullement que ces informations auraient été utiles pour sa participation à la procédure, soit parce qu’il s’agit d’informations citées dans la décision, soit parce qu’il s’agit d’informations de nature à établir la dimension communautaire de l’opération de concentration. Par ailleurs, dès lors que la divergence entre Endesa et la Commission portait notamment sur la détermination du chiffre d’affaires d’Endesa et non de celui de Gas Natural, les informations confidentielles de Gas Natural apparaissent dépourvues d’incidence à cet égard. Il s’ensuit que le grief doit être rejeté.

76     En ce qui concerne, quatrièmement, le grief tiré de ce que la Commission ne lui aurait pas communiqué, de façon complète, les arguments présentés par le SDC, il ressort de la jurisprudence (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum/Commission, T‑65/89, Rec. p. II‑389, point 33), que les correspondances avec les États membres constituent, en principe, des documents internes qui ne doivent pas être communiqués aux personnes participant à la procédure. En outre, selon l’article 17, paragraphe 3, du règlement n° 802/2004, le droit d’accès au dossier ne s’étend pas à la correspondance entre la Commission et les autorités compétentes des États membres. En tout état de cause, force est de constater que la requérante n’indique pas quelles informations transmises par le SDC auraient été utilisées par la Commission ou auraient pu affecter ses droits ou influencer la décision. Il s’ensuit que le grief n’est pas fondé.

77     Enfin, s’agissant, cinquièmement, du grief de la requérante tiré de ce que la Commission aurait communiqué des documents d’Endesa au SDC sans qu’elle ne lui ait demandé son autorisation, il suffit de rappeler que l’article 19, paragraphe 2, du règlement prévoit que la Commission mène les procédures visées au règlement en liaison étroite et constante avec les autorités compétentes des États membres, et que le paragraphe 1 du même article prévoit que la Commission transmet dans un délai de trois jours ouvrables aux autorités compétentes des États membres copie des notifications, ainsi que, dans les meilleurs délais, les pièces les plus importantes qui lui sont adressées ou qui sont émises par elle en application du règlement. En tout état de cause, il convient d’observer que la requérante n’a pas démontré en quoi la communication des documents au SDC a pu avoir une incidence sur la légalité de la décision. Dans ces conditions, le grief ne saurait être retenu.

78     À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du premier moyen.

 Sur la troisième branche, tirée de l’absence de suspension de la procédure nationale

–       Arguments des parties

79     Endesa soutient que, durant le déroulement de la procédure concernant la détermination de l’autorité compétente, la Commission aurait dû demander la suspension de la procédure nationale qui s’est déroulée parallèlement devant les autorités espagnoles de la concurrence et devant les autorités de régulation de ce pays. Elle considère que le fait de ne pas avoir demandé cette suspension constitue un vice de procédure grave.

80     Endesa fait valoir que la suspension s’imposait en vertu de l’article 21, paragraphe 3, du règlement, qui prévoit l’obligation pour les États membres de s’abstenir d’appliquer leur législation nationale en matière de concurrence aux concentrations de dimension communautaire, et en raison du devoir général de collaboration visé à l’article 10 CE. Par ailleurs, il conviendrait de prendre en compte le fait que si, afin d’éviter des procédures parallèles, l’article 22 du règlement impose la suspension des délais nationaux jusqu’au moment où la Commission statue sur sa compétence, la même logique aurait dû être appliquée, après la constatation de l’existence d’une lacune dans le règlement, en ce qui concerne la décision sur la dimension communautaire ou non de l’opération de concentration. La Commission aurait dû, par conséquent, demander la suspension des procédures nationales.

81     Endesa fait observer que la suspension de l’examen des demandes de renvoi jusqu’à ce que la décision relative à l’autorité compétente soit rendue aurait dû être automatique en application de l’article 22 du règlement. Le fait que la décision ait été adoptée sans respecter l’un des principes généraux du système de contrôle des concentrations, à savoir, le principe du guichet unique permettant d’éviter des procédures parallèles communautaire et nationale, entacherait cette décision de nullité. De plus, le fait d’avoir obligé Endesa à agir simultanément auprès des autorités communautaires et auprès des autorités nationales aurait constitué une violation des droits de la défense. La violation de ces droits constituerait un motif d’annulation selon une jurisprudence constante (arrêt de la Cour du 27 septembre 1988, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, 89/85, 104/85, 114/85, 116/85, 117/85 et 125/85 à 129/85, Rec. p. 5193, et arrêt du Tribunal du 22 octobre 2002, Schneider Electric/Commission, T‑310/01, Rec. p. II‑4071).

82     La Commission, soutenue par les parties intervenantes, fait valoir que, indépendamment de la question de savoir si elle détient réellement les pouvoirs que la requérante lui reconnaît, à aucun moment celle-ci ne l’a clairement invitée à en faire usage. Par ailleurs, il ne saurait exister une obligation de suspension par simple analogie. En outre, le droit de participer à une procédure administrative n’impliquerait pas un droit à ne participer qu’à une seule procédure administrative.

–       Appréciation du Tribunal

83     En ce qui concerne le grief tiré de ce que la Commission n’a pas demandé aux autorités compétentes espagnoles de suspendre la procédure nationale, il suffit de constater qu’il est dénué de toute pertinence dans le cadre du présent recours. La requérante n’a d’ailleurs pas démontré en quoi l’absence de suspension de la procédure nationale, à supposer même qu’elle résulte d’un comportement fautif de la Commission, aurait pu affecter la légalité de la décision.

84     En effet, premièrement, dans la mesure où la requérante fonde son grief quant à l’absence de suspension des procédures nationales sur l’article 21, paragraphe 3, du règlement et sur le devoir général de collaboration visé à l’article 10 CE, il suffit de souligner, tout comme le fait la défenderesse, qu’il s’agirait, le cas échéant, d’une illégalité commise par le Royaume d’Espagne et non par la Commission. Aucune décision de cette dernière ne serait dès lors à l’origine de cette illégalité et, en tout état de cause, celle-ci n’affecterait pas la légalité de la décision.

85     Deuxièmement, dans la mesure où le grief est fondé sur l’article 22, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement, qui impose la suspension des délais nationaux jusqu’au moment où la Commission statue sur sa compétence, il convient de rappeler qu’il n’existe pas d’analogie entre la situation d’un État membre qui présente une demande de renvoi au titre de l’article 22 et celle dans laquelle une entreprise demande à la Commission de prendre position sur sa compétence, et qu’il ne saurait exister une obligation de suspension par simple analogie.

86     Troisièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la décision a été adoptée sans respecter le principe du guichet unique et de l’argument selon lequel le fait d’avoir obligé Endesa à agir simultanément auprès des autorités communautaires et auprès des autorités nationales a constitué une violation des droits de la défense, il suffit de relever que la requérante, qui a elle-même demandé l’intervention de la Commission, n’a pas démontré dans quelle mesure ni pourquoi elle aurait éprouvé des difficultés à défendre sa position simultanément devant plusieurs instances ni en quoi cette circonstance aurait pu avoir une influence sur la décision. Il convient d’observer, par ailleurs, que, en l’absence de dimension communautaire, les entreprises doivent souvent notifier les opérations de concentration à plusieurs autorités nationales.

87     Dès lors, la troisième branche du premier moyen doit être rejetée.

88     Il découle de ce qui précède que le premier moyen de la requérante n’est pas fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré du renversement de la charge de la preuve et du défaut de motivation

 Arguments des parties

89     Endesa soutient que la motivation de la décision est défaillante, la Commission n’ayant pas respecté les articles 1, 5 et 21 du règlement. Même si aucune disposition du règlement ne l’indique explicitement, la Commission serait tenue de déterminer l’autorité compétente en raison de la compétence exclusive qu’elle détient pour connaître des opérations ayant une dimension communautaire (arrêt Schlüsselverlag J.S. Moser e.a./Commission, point 66 supra). Cette compétence exclusive de la Commission exigerait que celle-ci détermine si l’article 1er du règlement est applicable. Pour ce faire, elle devrait préciser et établir le chiffre d’affaires réalisé par les entreprises concernées lors du dernier exercice comptable, conformément aux règles énoncées à l’article 5 du règlement.

90     Endesa soutient que la Commission ne peut pas renverser la charge de la preuve s’agissant de la détermination de l’autorité compétente. Dès lors que la Commission a la compétence exclusive pour déterminer quelle est l’autorité compétente pour connaître d’une concentration, elle serait chargée à titre exclusif de vérifier et, surtout, de prouver le chiffre d’affaires des entreprises concernées.

91     Contrairement à cela, la Commission fonderait la décision sur le fait qu’Endesa n’a pas apporté des preuves suffisantes établissant la nécessité d’utiliser les comptes établis selon les normes IAS/IFRS et de procéder à une série d’ajustements en application de la communication. Ce motif serait inacceptable en raison de la nature même des règles applicables régissant la détermination de l’autorité compétente, lesquelles seraient d’ordre public. Il s’agirait d’une motivation qui irait à l’encontre de toute logique et des principes élémentaires de l’ordre juridique communautaire, d’autant plus que la Commission aurait pu compter sur la totale collaboration d’Endesa et qu’elle aurait pu lui demander toute information complémentaire qu’elle aurait estimée pertinente. En réalité, la Commission aurait consacré presque la totalité des deux mois qu’a duré la procédure à examiner des aspects qui n’auraient finalement pas été traités dans la décision.

92     En considérant qu’il appartient aux particuliers de convaincre la Commission qu’elle est exclusivement compétente, la décision serait entachée d’un grave défaut de motivation, puisque c’est la Commission qui serait tenue, à la suite d’une plainte ou d’office, d’établir avec certitude les matières relevant de sa compétence, dans le cadre des responsabilités que le traité lui impose en tant que gardienne de celui-ci.

93     À cet égard, Endesa se réfère à l’arrêt du Tribunal du 21 septembre 2005, EDP/Commission (T‑87/05, non encore publié au Recueil), dans lequel le Tribunal aurait rappelé, dans le cadre de l’application d’une autre communication sur les concentrations, relative aux engagements, que la Commission ne pouvait pas inverser la charge de la preuve en imposant aux parties une obligation fondée uniquement sur la communication et ne trouvant aucun fondement juridique dans le règlement. Il incomberait à la partie concernée de remettre à la Commission tous les éléments nécessaires à l’évaluation de l’opération et la Commission de procéder à cette évaluation sans renverser la charge de la preuve.

94     Afin de mener à bien cette évaluation, la Commission disposerait d’importants instruments procéduraux tels que la demande d’informations. La Commission aurait ainsi pu faire appel à des experts indépendants pour la vérification des comptes d’Endesa si elle l’avait jugé nécessaire et elle aurait eu deux mois pour mener à bien une analyse détaillée et exhaustive de la meilleure façon de déterminer le chiffre d’affaires d’Endesa en 2004.

95     De plus, aucun élément du dossier porté devant la Commission ne permettrait d’affirmer que les informations apportées par Endesa étaient insuffisantes. À l’issue d’une procédure, durant laquelle Endesa aurait collaboré le plus étroitement possible avec la Commission, il ne saurait être prétendu que les informations apportées étaient insuffisantes.

96     La Commission, soutenue par les parties intervenantes, fait valoir que le débat ayant eu lieu au cours de la procédure devant elle était essentiellement juridique et que, dans la décision, elle a répondu aux arguments de la requérante non pas parce qu’elle estimait que la requérante avait la charge de la preuve, mais parce que le devoir de motiver ses décisions inclut l’obligation de répondre aux arguments présentés par les parties dès lors qu’ils sont rejetés.

 Appréciation du Tribunal

97     Endesa soutient que la Commission a renversé la charge de la preuve quant à la détermination de l’autorité compétente pour examiner l’opération de concentration en fondant sa décision sur le fait qu’Endesa n’aurait pas apporté des preuves suffisantes établissant la nécessité d’utiliser les comptes établis selon les normes IAS/IFRS et de procéder à une série d’ajustements.

98     Il y a lieu de rappeler qu’une concentration est réputée de dimension communautaire lorsque le chiffre d’affaires total des entreprises concernées dépasse les seuils prévus par le règlement. Conformément au considérant 17 du règlement, il est conféré à la Commission, sous réserve du contrôle de la Cour, une compétence exclusive pour appliquer le règlement. Aux termes de son article 1er, paragraphe 1, le règlement s’applique à toutes les concentrations de dimension communautaire. Il s’ensuit que, lorsque l’opération de concentration a une dimension communautaire, la Commission a compétence exclusive pour l’examiner. Il n’en découle pas toutefois automatiquement que la Commission a une compétence exclusive pour déterminer si une concentration a une dimension communautaire.

99     Il convient de relever, à cet égard, que, aux termes du règlement, c’est en premier lieu aux entreprises concernées qu’il incombe de faire une première appréciation de la dimension de la concentration et de déterminer en conséquence à quelles autorités il convient de notifier le projet de concentration. Ensuite, lorsque, comme en l’espèce, une opération de concentration n’est pas notifiée à la Commission, mais aux autorités d’un ou de plusieurs États membres, il appartient à celles-ci, au vu, notamment, de l’obligation de coopération loyale résultant de l’article 10 CE, et de l’article 21 du règlement prévoyant la compétence exclusive de la Commission pour examiner la compatibilité des concentrations de dimension communautaire et l’interdiction corrélative pour les États membres d’appliquer leur législation nationale sur la concurrence auxdites concentrations, de vérifier que la concentration qui leur est soumise n’est pas de dimension communautaire. Certes, dans cette hypothèse, la Commission a toujours la possibilité de décider que la concentration, contrairement à l’avis des autorités des États membres, a bien une dimension communautaire et relève de sa compétence exclusive.

100   Par ailleurs, le règlement sur le contrôle des concentrations ne contient pas de disposition spécifique prévoyant expressément une obligation à charge de la Commission de s’assurer, d’office, que toute opération de concentration qui ne lui est pas notifiée n’est effectivement pas de dimension communautaire. Toutefois, il ressort de la jurisprudence que, saisie d’une plainte par une entreprise estimant qu’une concentration non notifiée à la Commission est de dimension communautaire, la Commission est tenue de statuer sur le principe de sa compétence d’autorité de contrôle (arrêt Schlüsselverlag/Commission, point 66 supra, points 27 et 28). Dans ce cadre, c’est, en principe, au plaignant à démontrer le bien-fondé de sa plainte, étant entendu qu’il appartient à la Commission de procéder, dans l’intérêt d’une bonne administration, à un examen diligent et impartial des plaintes dont elle est saisie et de répondre de manière motivée aux arguments avancés par le plaignant en vue d’établir que la concentration relève de la compétence exclusive de la Commission.

101   Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’est, en principe, pas tenue de rapporter la preuve qu’elle n’est pas compétente pour statuer sur une concentration qui ne lui est pas notifiée et de démontrer que ladite opération n’est pas de dimension communautaire, et ce, quand bien même, elle serait saisie d’une plainte.

102   En tout état de cause, force est de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission ne s’est pas contentée de constater qu’Endesa n’avait pas rapporté la preuve que la concentration avait une dimension communautaire, mais a effectivement examiné en détail les éléments relatifs à la dimension de la concentration et a conclu que l’opération n’avait pas de dimension communautaire, en réfutant les arguments de la requérante.

103   Il ressort, en effet, d’une lecture de la décision que la Commission a bien expliqué les raisons pour lesquelles elle n’avait pas considéré opportun ni d’utiliser les comptes IAS/IFRS ni d’effectuer les ajustements proposés.

104   En premier lieu, en ce qui concerne la nécessité alléguée d’utiliser les comptes établis selon les normes IAS/IFRS, la Commission a indiqué, d’abord, au point 20 de la décision, qu’il ressort de l’article 1er du règlement et de la communication que le principe général est que le chiffre d’affaires doit être calculé sur la base des comptes vérifiés et que ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que la Commission peut s’écarter de ce principe. La Commission a conclu, ensuite, que, étant établi que, sur la base du chiffre d’affaires indiqué dans les comptes vérifiés d’Endesa de 2004, la société a réalisé plus des deux tiers de son chiffre d’affaires dans la Communauté en Espagne, il appartient dès lors à Endesa d’apporter suffisamment d’éléments indiquant l’existence de circonstances exceptionnelles justifiant la référence à d’autres chiffres d’affaires que celui figurant dans ses comptes vérifiés (point 21 de la décision).

105   Certes, la Commission a affirmé ensuite qu’Endesa n’a pas apporté de tels éléments suffisants (point 23 de la décision). Toutefois, la Commission a expliqué les raisons pour lesquelles il n’existe pas de telles circonstances exceptionnelles en l’espèce et exposé les motifs pour lesquels il fallait donner la préférence aux comptes établis selon les principes comptables généraux (ci-après les « PCGA »), en réfutant les arguments invoqués par la requérante.

106   Ainsi, premièrement, la Commission a indiqué, dans la décision, d’une part, qu’Endesa était légalement tenue d’établir ses comptes consolidés officiels pour 2004 sur la base des PCGA et, d’autre part, que cette exigence était conforme aux règles comptables communautaires qui étaient alors applicables. Elle indique par ailleurs qu’Endesa n’était pas tenue d’établir des comptes consolidés vérifiés conformes aux normes IAS/IFRS avant l’année commençant le 1er janvier 2005. Elle ajoute qu’Endesa était tenue d’établir des comptes IAS/IFRS pour 2004 uniquement à des fins de comparaison des nouveaux comptes IAS/IFRS de l’exercice 2005 avec ceux établis pour l’année précédente, ce qui explique également qu’Endesa n’était pas tenue de faire auditer ses comptes IAS/IFRS pour 2004. Elle relève, de plus, que ces comptes ne sont pas définitifs et peuvent être modifiés dans la mesure où les normes IAS/IFRS selon lesquelles les comptes 2005 doivent être établis n’ont pas encore été totalement finalisées.

107   Deuxièmement, la Commission a expliqué, dans la décision, que l’objectif visant à mesurer la force économique des entreprises n’impose, ni ne lui permet, dans un cas individuel d’application des articles 1er et 5 du règlement, de se livrer à une appréciation générale des mérites des différentes approches comptables prévues par le droit communautaire ou par la loi des États membres, en particulier quand seuls existent des comptes vérifiés en fonction d’une seule des normes comptables et que celle-ci était celle requise tant par le droit national que par le droit communautaire à l’époque concernée. La Commission a indiqué que cela serait en désaccord avec les objectifs, tout aussi valables, qui consistent à appliquer des critères simples et objectifs afin de déterminer la compétence de la Commission en matière de concentration et à respecter le principe général de sécurité juridique. Elle a affirmé que son rôle se borne à examiner certains ajustements requis par l’article 5 du règlement (point 25 de la décision).

108   La décision précise, de surcroît, que le fait que le législateur communautaire a estimé que les normes IAS/IFRS adoptées par le règlement nº 1606/2002 devraient permettre d’obtenir une représentation fidèle de la situation financière d’une entreprise n’implique pas, ipso facto, la supériorité technique de ces normes comptables, cette exigence d’une représentation fidèle étant également présente dans la législation communautaire régissant les anciennes normes comptables nationales (point 26 de la décision).

109   Enfin, la Commission a exposé, dans la décision, qu’elle n’est pas d’avis, dans le cas d’espèce, que l’utilisation des comptes IAS/IFRS serait préférable pour assurer une application uniforme des règles sur le contrôle des opérations de concentrations. Elle indique que l’utilisation de comptes IAS/IFRS non vérifiés dans le cas présent créerait une disparité de traitement avec l’ensemble des affaires dans lesquelles la Commission s’est fondée sur des comptes vérifiés de l’exercice 2004 établis en application de normes nationales.

110   Au vu de ce qui précède, force est de constater que la Commission n’a pas fait peser sur la requérante la charge d’établir la dimension communautaire ou nationale de l’opération de concentration, mais qu’elle a, d’une part, examiné la dimension de ladite opération et exposé les motifs pour lesquels il convenait en l’espèce de se fonder sur les comptes établis selon les PCGA (voir, par analogie, arrêt EDP/Commission, point 93 supra, point 73) et qu’elle a, d’autre part, constaté que la requérante n’avait pas avancé d’arguments de nature à remettre en cause cette analyse.

111   Il en va de même en ce qui concerne, en deuxième lieu, la nécessité alléguée d’opérer une série d’ajustements. Certes, tant en ce qui concerne l’ajustement « pass through » que celui relatif aux échanges de gaz, la Commission a, à nouveau, affirmé, dans la décision (points 32 et 38), qu’Endesa n’a pas fourni suffisamment d’éléments pour la convaincre que de tels ajustements de ses comptes vérifiés se justifiaient en vertu de l’article 5 du règlement et de la communication. Toutefois, force est de constater que la Commission, tout en réfutant les arguments de la requérante, a exposé les raisons pour lesquelles elle n’a pas considéré opportun d’effectuer les ajustements proposés, sans opérer de renversement de la charge de la preuve.

112   Ainsi, premièrement, en ce qui concerne l’ajustement « pass through », la Commission a relevé, dans la décision (points 30 à 36), que la communication ne se réfère pas à la notion de revenu répercuté (en partie) provenant de la vente de produits et de la fourniture de services. Elle a ajouté que les entreprises espagnoles de distribution d’électricité ne peuvent pas être assimilées à des entreprises se limitant à une fonction d’intermédiaire et dont le chiffre d’affaires serait constitué uniquement du montant des commissions qu’elles perçoivent. La Commission a observé, par ailleurs, que le risque de non-paiement par les consommateurs finals du prix réglementé de la fourniture d’électricité est supporté par les sociétés de distribution et non par les gestionnaires des réseaux de transport, les producteurs d’électricité ou le pool.

113   Deuxièmement, en ce qui concerne l’ajustement relatif aux échanges de gaz, la Commission a considéré, dans la décision (points 37 à 40), que ces échanges devraient être considérés comme des opérations par lesquelles Endesa vend et achète une quantité correspondante de gaz, ce qui serait démontré par le fait que ces opérations sont facturées séparément. Elle a indiqué en outre que le fait que le prix de vente et d’achat est le même n’est pas pertinent à cet égard et signifie uniquement qu’Endesa ne réalise aucune marge bénéficiaire sur ces opérations considérées dans leur ensemble.

114   Il en découle que la Commission n’a pas non plus fait peser sur la requérante la charge de la preuve concernant ces ajustements. Elle a, au contraire, examiné les ajustements proposés et a exposé les raisons pour lesquelles elle a estimé ne pas devoir les effectuer.

115   Il y a lieu de relever, par ailleurs, que la Commission ne saurait être tenue de s’assurer d’office dans chaque cas que les comptes vérifiés qui lui ont été présentés reflètent fidèlement la réalité et de procéder à l’examen de tous les ajustements envisageables. Ce n’est que lorsque son attention est attirée sur des problèmes spécifiques que la Commission doit examiner ceux-ci, comme elle l’a fait en l’espèce.

116   Enfin, la requérante soutient, en troisième lieu, qu’aucun élément du dossier porté devant la Commission ne permet d’affirmer que les informations qu’elle avait apportées étaient insuffisantes. En outre, elle fait valoir que, à l’issue d’une procédure qui a duré presque deux mois, durant laquelle elle a collaboré le plus étroitement possible avec la Commission et durant laquelle celle-ci aurait pu lui demander toute information complémentaire qu’elle estimait pertinente, il ne saurait être prétendu que les informations apportées étaient insuffisantes.

117   À cet égard, il suffit d’observer que la Commission ne s’est nullement bornée, dans la décision, à affirmer que les informations apportées par Endesa étaient insuffisantes. En outre, ainsi que le fait observer la Commission, le débat ayant eu lieu au cours de la procédure devant elle était essentiellement juridique et concernait l’interprétation des dispositions applicables. Il ressort des motifs retenus dans la décision pour rejeter la prise en considération des comptes établis conformément aux normes IAS/IFRS et les ajustements proposés que la Commission n’a pas reproché à la requérante de ne pas lui avoir fourni les informations factuelles nécessaires, mais a constaté que les arguments de la requérante n’étaient pas convaincants.

118   En tout état de cause, dans la mesure où Endesa soutenait qu’il convenait de ne pas utiliser ses comptes vérifiés et d’opérer des ajustements qui ne correspondaient pas à une pratique habituelle et n’étaient prévus par aucun texte applicable, elle se trouvait dans la situation d’un plaignant au sens de l’arrêt Schlüsselverlag J.S. Moser e.a./Commission, point 66 supra. Dans ces conditions, il lui appartenait de préciser ses arguments et d’en démontrer le bien-fondé, compte tenu en particulier de l’impératif de célérité qui caractérise les procédures de contrôle des concentrations. La requérante ne saurait d’autant moins reprocher un prétendu renversement de la charge de la preuve qu’elle entendait contester sa propre comptabilité et qu’elle devait dès lors avoir une connaissance précise de tous les éléments pertinents.

119   Il ressort des considérations qui précèdent que le deuxième moyen n’est pas fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré du défaut d’utilisation des comptes établis conformément aux normes comptables IAS/IFRS

120   La requérante divise son moyen en trois branches, tirées, respectivement, du défaut d’utilisation des normes IAS/IFRS en tant que seules normes comptables en vigueur, de la prépondérance des normes comptables IAS/IFRS et, enfin, d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation affectant le rejet des comptes établis conformément aux normes comptables IAS/IFRS.

 Sur la première branche, tirée du défaut d’utilisation des normes IAS/IFRS en tant que seules normes comptables en vigueur

–       Arguments des parties

121   Endesa fait valoir que la Commission ne s’est pas prononcée sur le fait que, le jour de l’annonce de l’OPA, le 5 septembre 2005, les seules normes comptables en vigueur étaient les normes IAS/IFRS. À la suite de la substitution de tous les référentiels comptables nationaux par les normes IAS/IFRS, les seuls comptes consolidés pouvant être pris en considération pour déterminer la dimension communautaire de la concentration auraient été ceux établis conformément aux normes comptables en vigueur.

122   Endesa fait observer que la dimension communautaire d’une opération doit être déterminée à la date où naît l’obligation de notification. Dans le cas présent, l’obligation de notification serait née à la date de l’annonce de l’OPA. Selon l’article 5 du règlement, le chiffre d’affaires comprendrait les montants résultant de la vente de produits et de la prestation de services correspondant aux activités ordinaires du dernier exercice. Cette référence aux activités du dernier exercice ne serait qu’une convention formelle à laquelle a fait appel le législateur devant l’impossibilité de tenir compte du chiffre d’affaires de l’exercice en cours lors de la notification de l’opération. La circonstance qu’il soit obligatoire de faire référence, pour des raisons pratiques, à l’exercice précédent, ne signifierait pas que des normes juridiques abrogées ou d’anciennes normes comptables doivent ou puissent être appliquées.

123   Pour déterminer le chiffre d’affaires aux fins d’établir la dimension communautaire de l’opération, il serait, par conséquent, indispensable de considérer que les seules normes comptables valables étaient celles en vigueur à la date à laquelle l’OPA de Gas Natural a été annoncée. Étant donné que les comptes réconciliés existaient à cette date et que, de plus, ils étaient publics et définitifs, la Commission aurait dû faire usage exclusivement desdits comptes lorsqu’elle a apprécié la dimension communautaire de la concentration.

124   La décision n’aurait pas pris en compte le fait que la détermination du chiffre d’affaires au niveau européen suit des principes très différents de ceux existant dans d’autres systèmes juridiques, comme par exemple celui des États-Unis. Dans ce dernier, la compétence en matière de concentration serait également déterminée sur la base des résultats obtenus lors de l’exercice précédent, mais sans prendre en considération ce qui s’est passé après la clôture dudit exercice. Le législateur communautaire aurait, au contraire, préféré utiliser le critère de la force économique réelle des entreprises concernées au moment de la notification.

125   La Commission, soutenue par les parties intervenantes, fait valoir que l’invocation du fait que la nouvelle réglementation comptable était en vigueur en septembre 2005 ne vise qu’à dissimuler que les comptes de 2004 devaient obligatoirement être établis conformément aux PCGA..

–       Appréciation du Tribunal

126   Endesa soutient que la Commission n’a pas pris en compte le fait que, le jour de l’annonce de l’OPA, les seules normes comptables en vigueur étaient les normes IAS/IFRS, ce qui entacherait la décision de nullité.

127   Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 5 du règlement, « [l]e chiffre d’affaires total […] comprend les montants résultant de la vente de produits et de la prestation de services réalisées par les entreprises concernées au cours du dernier exercice et correspondant à leurs activités ordinaires […] ».

128   Ainsi que l’admet la requérante, le règlement se réfère nécessairement, pour des raisons pratiques, au chiffre d’affaires de l’exercice précédent. La raison en est qu’il n’existe normalement de comptes vérifiés que pour le dernier exercice complet, les comptes des périodes plus récentes étant dépourvus des garanties offertes par des comptes vérifiés.

129   En l’espèce, il est constant que les comptes du dernier exercice, au sens de l’article 5 du règlement, sont ceux relatifs à l’exercice 2004. Il convient également de rappeler qu’une entreprise ayant l’obligation d’établir des comptes annuels soumis à vérification ne dispose que d’une seule sorte de comptes officiels, à savoir ceux qui ont été établis et vérifiés conformément à la législation applicable. Or, il ne saurait être contesté que les comptes annuels de la requérante pour l’exercice 2004, qui étaient assujettis à l’obligation de vérification, devaient impérativement être établis conformément aux PCGA espagnols. Si la requérante avait présenté pour l’exercice 2004 des comptes établis selon les normes IFRS, elle n’aurait d’ailleurs pas respecté ses obligations légales en Espagne. Aux termes de l’article 4 du règlement n°1606/2002, les normes IFRS ne sont applicables et obligatoires qu’à partir de l’exercice 2005. La « réconciliation » des comptes de l’exercice 2004 avec les principes IFRS n’est prévue par le règlement nº 707/2004 qu’afin de faciliter la transition entre les anciennes et les nouvelles normes en fournissant aux actionnaires et investisseurs une référence à laquelle comparer les comptes de l’exercice 2005, lesquels sont les premiers comptes établis conformément aux nouvelles normes. En outre, les comptes de « réconcialiation » de l’exercice 2004, établis aux seules fins de comparaison, n’offrent pas les mêmes garanties que les comptes officiels établis conformément aux PCGA et soumis à vérification. Il s’ensuit que l’argument de la requérante tiré de ce que la nouvelle réglementation comptable IFRS était en vigueur à la date de l’annonce de l’OPA le 5 septembre 2005 est dépourvu de pertinence.

130   Il y a lieu d’observer, en outre, que l’argumentation de la requérante conduirait, chaque fois que des changements se produisent dans la réglementation comptable, à écarter les comptes officiels vérifiés et à exiger une nouvelle élaboration de ces comptes conformément à des principes devenus applicables au moment où naît l’obligation de notification, ce qui n’est ni raisonnable, ni prudent dans la mesure où ces nouveaux comptes non vérifiés ne présentent pas les mêmes garanties que les comptes officiels soumis à vérification.

131   C’est également à tort que la requérante soutient que la Commission a appliqué des règles juridiques abrogées. La Commission, en réalité, n’applique aucune norme comptable, mais se réfère, comme le règlement le lui impose, aux comptes des entreprises relatifs au dernier exercice, lesquels constituent un fait situé dans le passé et devant être apprécié conformément aux normes qui leur étaient applicables. En l’espèce, les comptes de la requérante pour l’exercice 2004 devant, ainsi qu’il a été constaté ci-dessus, être établis conformément aux PCGA, la requérante ne saurait prétendre que la Commission a ignoré le champ d’application temporel des normes en cause. Le règlement n° 1606/2002 n’ayant rendu l’application des normes IFRS obligatoire qu’à partir des comptes de l’exercice 2005, c’est au contraire la thèse de la requérante qui conduirait à lui donner une portée rétroactive en l’appliquant aux comptes de l’exercice 2004. Ni le règlement n° 1606/2002, ni le règlement n° 707/2004 ne permettent d’ailleurs de supposer que le législateur communautaire ait eu l’intention d’écarter les comptes officiels établis selon les normes comptables nationales en vigueur et de les remplacer, de manière générale ou aux fins du règlement sur le contrôle des concentrations, par les comptes de l’exercice 2004 réconciliés IFRS établis uniquement à titre comparatif.

132   S’agissant, enfin, de l’argument selon lequel la décision n’aurait pas pris en compte le fait que la détermination du chiffre d’affaires au niveau européen suit des principes différents de ceux existant dans d’autres systèmes juridiques, il convient d’observer, tout d’abord, que le système américain ne fait que confirmer la nécessité de pouvoir déterminer de manière rapide et prévisible si une concentration doit être notifiée et, le cas échéant, auprès de quelle autorité. Il y a lieu d’observer, ensuite, que si, à la différence de celui des États-Unis, le système communautaire permet de tenir compte d’événements survenus dans la vie de l’entreprise après la clôture du dernier exercice comptable, tels que des cessions ou acquisitions d’entreprises durant l’exercice en cours, cette hypothèse vise, en principe, ainsi qu’il résulte de la communication, à tenir compte de changements intervenus dans la situation économique de l’entreprise et non à opérer une révision complète du traitement comptable d’une réalité économique demeurée stable. Faire dépendre dans chaque cas l’applicabilité du règlement communautaire sur les concentrations d’un réexamen complet par la Commission de la comptabilité des entreprises concernées irait à l’encontre des impératifs de sécurité juridique et de rapidité poursuivis par le législateur communautaire.

133   Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter la première branche du troisième moyen.

 Sur la deuxième branche, tirée de la prépondérance des normes comptables IAS/IFRS

–       Arguments des parties

134   Endesa soutient que la Commission aurait dû, au moins, établir quelles étaient les normes comptables, IAS/IFRS ou PCGA, qui permettaient de déterminer le plus précisément possible le chiffre d’affaires réel correspondant à l’exercice comptable 2004. Elle ajoute que, dans ce but, la Commission aurait dû simplement analyser les caractéristiques des différentes normes comptables et des deux états comptables qui étaient à sa disposition, l’un et l’autre étant valables, légaux et définitifs.

135   Selon Endesa, si cette analyse avait été réalisée, elle aurait nécessairement conduit à donner la préférence aux comptes IAS/IFRS, dans la mesure où ces comptes confèrent la priorité à la substance plutôt qu’à la forme, par opposition aux normes retenues par les PCGA qui font précisément le contraire : certaines transactions, bien que dépourvues de contenu économique réel, sont enregistrées dans les comptes sur la base d’éléments purement formels.

136   Endesa relève que la motivation de la décision (point 20) a pour point de départ l’indication que le principe général est que le chiffre d’affaires doit être calculé sur la base des comptes vérifiés de l’entreprise, la Commission ne pouvant s’écarter de ce principe que dans des circonstances exceptionnelles. Ce raisonnement serait manifestement erroné. Non seulement il semblerait suggérer que l’obligation de la Commission de déterminer correctement la dimension communautaire se limite à une simple vérification des comptes vérifiés des entreprises concernées, mais il reposerait de surcroît sur une interprétation délibérément incomplète des propres pratiques de la Commission et de la communication en conférant la même importance aux comptes vérifiés qu’à d’autres comptes définitifs. Dans la décision, la Commission rappellerait le point 26 de la communication, mais elle oublierait, dans sa motivation, que celui-ci fait référence aux comptes vérifiés mais aussi à « d’autres comptes apurés », étant entendu que ce n’est qu’en cas de circonstances exceptionnelles que des comptes non définitifs peuvent être utilisés.

137   Endesa soutient que la décision constitue une renonciation inacceptable de la Commission aux obligations que lui impose le droit communautaire, lequel l’oblige à exercer ses compétences exclusives sans se retrancher derrière des présomptions sur la conformité supposée des comptes vérifiés. Cette présomption, qui serait une création ad hoc de la Commission, ne serait soutenue par aucune des dispositions du règlement, lequel éviterait non seulement de faire référence au caractère audité ou non audité des comptes, mais contiendrait de surcroît une obligation précise et inconditionnelle, incombant à la Commission, de déterminer dans chaque cas le chiffre d’affaires réel des entreprises concernées. La référence aux comptes vérifiés n’apparaîtrait que dans la communication de la Commission, qui ne saurait en aucun cas modifier la teneur ou la portée du règlement. Le moindre conflit entre les deux serait soumis au principe de hiérarchie des normes (arrêts de la Cour du 28 janvier 1992, Soba, C‑266/90, Rec. p. I‑287 ; du 16 juin 1994, Peugeot/Commission, C‑322/93 P, Rec. p. I‑2727, et du Tribunal du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T‑380/94, Rec. p. II‑2169). Mais, en l’occurrence, la communication placerait sur le même plan les comptes vérifiés et d’autres comptes définitifs, c’est-à-dire ceux relatifs à un exercice fiscal complet et clôturé.

138   Endesa fait observer, en outre, que la position de la Commission à ce sujet est en contradiction avec sa propre pratique. Ainsi, dans une précédente affaire (M.705 Deutsche Telekom/SAP), la Commission aurait accepté l’utilisation des comptes non vérifiés les plus récents, car ils présentaient d’importantes différences avec les comptes vérifiés et ils étaient les seuls établissant la dimension communautaire de l’opération. La Commission aurait également accepté l’utilisation de comptes non vérifiés dans l’affaire M.2340 EDP/Cajastur/Caser/Hidroelectrica del Cantabrico.

139   Endesa fait valoir que la Commission a commis une erreur supplémentaire en considérant que les comptes consolidés d’Endesa établis selon les normes IAS/IFRS, communiqués au marché cinq mois avant l’annonce de l’OPA, ne constituaient pas des comptes définitifs. La Commission n’aurait pas pris en considération le fait que les comptes IAS/IFRS étaient un rapprochement des comptes vérifiés de 2004 avec les nouvelles normes comptables, ni le fait que toutes les entreprises cotées en bourse ont présenté à la Comisión Nacional del Mercado de Valores (commission nationale du marché des valeurs, ci-après la « CNMV ») leurs comptes consolidés de 2004 ayant fait l’objet d’un rapprochement avec les normes comptables IAS/IFRS (ci-après les « comptes réconciliés ») ainsi que toutes les informations périodiques pour l’exercice 2004, ni le fait que ce sont ces derniers comptes que le marché prend comme référence.

140   La Commission aurait ainsi non seulement violé les règles de compétence, en introduisant une présomption inexistante dans le règlement, en faveur des comptes vérifiés, mais aurait aussi commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle aurait considéré que les comptes IAS/IFRS n’étaient pas définitifs. La motivation à ce sujet serait, de plus, contradictoire dès lors que la Commission suggère, d’une part, que les comptes IAS/IFRS ne sont pas pris en considération, car ils ne sont pas vérifiés (en oubliant la référence à « d’autres comptes apurés » contenue au point 26 de la communication) et affirmerait, d’autre part, que la raison de leur rejet est qu’ils ne sont pas définitifs. La décision devrait, par conséquent, être annulée en raison de ces vices et dans la mesure où elle ne détermine pas quels sont les comptes consolidés de 2004 les plus proches des exigences de l’article 5 du règlement.

141   La Commission, soutenue par les parties intervenantes, fait valoir que la requérante part de la prémisse erronée selon laquelle les PCGA et les comptes IAS/IFRS pour 2004 ont un statut identique et ajoute que les comptes IAS/IFRS pour 2004 présentés par la requérante ne peuvent être considérés comme apurés.

–       Appréciation du Tribunal

142   S’agissant, en premier lieu, du prétendu caractère plus adéquat des comptes réconciliés de la requérante, il convient de rappeler, d’abord, que la Commission a exposé, aux points 19 à 27 de la décision, les raisons pour lesquelles le chiffre d’affaires de la requérante devait être déterminé sur la base des comptes officiels établis conformément aux PCGA plutôt que sur la base des comptes réconciliés. Ainsi qu’il a été constaté ci-dessus, c’est à bon droit qu’elle a relevé, à cet égard, qu’Endesa était légalement tenue d’établir ses comptes consolidés officiels pour l’exercice 2004 conformément aux PCGA, que cette exigence était conforme aux règles comptables communautaires applicables à cette époque et que les comptes réconciliés ne devaient être établis qu’à seul titre comparatif.

143   Il y a lieu de constater, ensuite, qu’ainsi qu’il est exposé aux points 25 et 26 de la décision, l’argument de la requérante selon lequel les principes comptables IFRS refléteraient de façon plus exacte la puissance économique des entreprises ne saurait être retenu.

144   D’une part, l’objectif consistant à mesurer la puissance économique des entreprises n’oblige pas la Commission à procéder, dans un cas individuel d’application des articles 1er et 5 du règlement, à une appréciation générale des mérites des différentes approches comptables prévues par le droit communautaire, en particulier lorsqu’il existe des comptes vérifiés en fonction d’une seule de ces normes et que cette norme était précisément celle exigée tant par le droit national que par le droit communautaire applicable à l’époque.

145   D’autre part, l’affirmation de la requérante selon laquelle les normes IFRS reflètent mieux la réalité économique au motif qu’elles privilégient la substance sur la forme à l’inverse des normes PCGA, n’est nullement établie. Ainsi qu’il est exposé au point 26 de la décision, la circonstance que le législateur communautaire ait estimé que les normes comptables internationales adoptées par le règlement n° 1606/2002 devraient permettre d’obtenir une image fidèle de la situation financière des entreprises n’implique pas ipso facto la supériorité technique de ces normes aux fins de l’application de l’article 5 du règlement sur les concentrations par rapport aux normes comptables applicables en vertu de la législation des États membres jusqu’au 1er janvier 2005. Le règlement n° 1606/2002, adopté sur la base de l’article 95, paragraphe 1, CE, constitue une mesure d’harmonisation et ne contient aucun jugement de valeur des différentes normes nationales. En outre, ainsi que l’a souligné Gas Natural, de nombreuses normes comptables espagnoles appliquant les PCGA prévoient que la substance doit toujours prévaloir sur la forme et le plan général de comptabilité met l’accent sur l’idée d’« image fidèle », corollaire d’un « mécanisme capable d’exprimer la réalité économique des transactions réalisées ».

146   S’agissant, en deuxième lieu, de l’argument de la requérante selon lequel ses comptes réconciliés devraient être considérés comme des « autres comptes apurés » au sens du point 26 de la communication, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la communication, le chiffre d’affaires des entreprises concernées doit être calculé sur la base de chiffres fiables, objectifs et facilement identifiables. Si le point 26 de la communication précise que la Commission « prendra donc généralement en considération des comptes vérifiés ou autres comptes apurés […] » et qu’elle « est en tout cas réticente à s’en tenir à des comptes de gestion ou autres formes de comptabilité provisoire, sauf dans des circonstances exceptionnelles », cela ne signifie toutefois pas que la communication met sur le même pied les comptes vérifiés et les « autres comptes apurés ». Le point 26 de la communication ne saurait être interprété comme présentant plusieurs options parmi lesquelles il serait possible de choisir librement, mais comme visant à couvrir des situations spécifiques dans lesquelles il n’existe pas de comptes vérifiés pour le dernier exercice. Le point 27 de la communication ne fait d’ailleurs référence qu’aux seuls comptes vérifiés de l’exercice le plus récent et non plus aux « autres comptes apurés ». Or, en l’espèce, il n’est pas contesté qu’il existe des comptes vérifiés pour l’exercice 2004 et il n’y a donc pas lieu de prendre en considération d’autres comptes apurés.

147   En tout état de cause, force est de constater que la requérante n’est pas parvenue à démontrer que les comptes réconciliés qu’elle a présentés à la Commission sont des comptes apurés ou définitifs.

148   À cet égard, il suffit de rappeler la teneur des commentaires d’Endesa qui accompagnaient ses comptes réconciliés lorsqu’ils ont été communiqués à la CNMV le 5 avril 2005. Dans la partie « Considérations générales », Endesa affirme que « [l]es bilans et comptes de résultats consolidés de l’exercice 2004, établis conformément aux critères d’évaluation et de classification des IAS/IFRS, sont des états pro forma qui serviront uniquement à titre de comparaison avec ceux de 2005, premier exercice pour lequel les comptes seront établis selon les IFRS » (p. 3, point 1). Endesa mentionne, par ailleurs, qu’il existe plusieurs exceptions lors de la première application des normes IAS/IFRS (p. 13). Enfin, dans la note juridique II (p. 34), Endesa explique que le Conseil des normes comptables internationales (IASB) pourrait publier de nouvelles normes applicables à compter du 1er janvier 2005, qu’il n’existe pas encore d’autorité compétente pour veiller à la bonne application des normes et qui pourrait être consultée à ce propos, que les changements susceptibles de résulter de ce qui précède ainsi que de l’évolution de la pratique du secteur peuvent influencer également la manière dont elle interprète les normes et que, en conséquence, des modifications pourraient être apportées aux informations fournies avant leur publication (en 2006) à titre de comparaison dans les comptes annuels de l’exercice 2005.

149   Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les comptes réconciliés produits par Endesa ne peuvent pas être considérés comme des comptes « apurés » au sens de la communication.

150   Quant aux deux affaires invoquées par la requérante dans lesquelles la Commission aurait accepté l’utilisation des comptes non vérifiés les plus récents, il suffit d’indiquer que, dans ces deux affaires, l’opération de concentration avait été notifiée en début d’année (la première en février 1996 et la seconde en février 2001) et que les entreprises en question ne disposaient pas encore de comptes vérifiés pour le dernier exercice. Par conséquent, il fallait décider d’utiliser soit les comptes vérifiés d’un exercice précédent (1994 et 1999, respectivement), soit les comptes du dernier exercice, déjà clôturé, même s’ils n’étaient pas encore vérifiés. Dans les deux cas, par ailleurs, les comptes les plus anciens n’auraient pas reflété des changements considérables dans l’activité économique des entreprises qui s’étaient produits durant le dernier exercice et leur utilisation aurait enfreint l’article 5 du règlement. Partant, les faits propres à ces deux affaires se distinguent de manière déterminante des circonstances de la présente affaire.

151   Il ressort de ce qui précède que les comptes présentés par Endesa établis selon les normes IAS/IFRS ne peuvent pas être considérés comme apurés, de sorte que les arguments selon lesquels la Commission aurait dû leur accorder la préférence ne sauraient, en tout état de cause, être accueillis.

152   Il résulte des considérations qui précèdent que la deuxième branche du troisième moyen doit être rejetée.

 Sur la troisième branche, tirée d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation affectant le rejet des comptes réconciliés

–       Arguments des parties

153   Endesa invoque, premièrement, le caractère manifestement erroné des motifs que la Commission a retenus pour rejeter ses arguments relatifs à l’opportunité d’utiliser les comptes réconciliés, deuxièmement, l’existence de circonstances exceptionnelles, dans le cas d’espèce, qui justifieraient, en tout état de cause, l’utilisation des comptes réconciliés et, troisièmement, le caractère manifestement erroné des motifs de la décision relatifs à la prétendue incompatibilité de l’utilisation des comptes réconciliés avec l’objectif de simplicité, le principe général de sécurité juridique et l’exigence d’une application uniforme du règlement.

154   Endesa soutient d’abord que le raisonnement suivi dans le point 24 de la décision est incomplet, car il ne tient pas compte du fait que, conformément aux IFRS–1 adoptées par le règlement n° 707/2004, la date de passage aux normes IAS/IFRS est le 1er janvier 2004. Plus précisément, le législateur communautaire aurait prévu l’obligation, pour les entreprises cotées en bourse, de préparer des comptes consolidés et réconciliés au moins pour l’année 2004. En Espagne, la CNMV aurait fixé au 31 août 2005 la date limite de présentation des comptes réconciliés pour l’exercice 2004. Endesa s’y serait conformée le 5 avril 2005. Par conséquent, contrairement à la lecture partielle réalisée par la Commission, l’interprétation cohérente et complète de l’intention du législateur communautaire permettrait de conclure que l’exercice comptable 2004 était une période transitoire au cours de laquelle coexistaient deux normes comptables en raison d’une exigence légale.

155   Endesa relève ensuite que la Commission énonce, également au point 24 de la décision, que les comptes IAS/IFRS de l’exercice 2004 pouvaient faire l’objet de modifications et avaient une valeur purement comparative, l’absence d’une obligation légale d’auditer lesdits comptes démontrant cette thèse. Or, la Commission semblerait ignorer que tous les comptes d’une entreprise ont un objectif comparatif et que les comptes IAS/IFRS de l’exercice 2004 ont été établis conformément à une obligation prévue par le droit communautaire. L’inexistence d’une obligation d’auditer lesdits comptes serait liée aux particularités d’une période transitoire. Il serait en effet absurde que le législateur communautaire ou national ajoute aux coûts de la transition comptable ceux de la réalisation d’un double audit pour un même exercice, les comptes IAS/IFRS de 2004 constituant un rapprochement avec les comptes vérifiés du même exercice comptable, ayant une valeur comptable et légale identique.

156   Quant à l’affirmation selon laquelle les normes IAS/IFRS pourraient subir des changements jusqu’à la fin de l’exercice 2005, ce qui, selon la décision, empêcherait de les considérer comme définitifs, elle manifesterait une méconnaissance des normes comptables établies par le législateur communautaire ainsi que les règlements d’application que la Commission a elle-même adoptés durant les derniers mois. D’une part, le nouveau système comptable serait applicable à compter du 1er janvier 2005 et le fait que certaines règles comptables du nouveau système aient été adoptées par la Commission après le lancement de l’OPA serait sans incidence sur le caractère définitif des comptes, les comptes réconciliés d’Endesa ayant été établis sur la base de données certaines et définitives en appliquant les règles comptables utilisées jusqu’alors dans la mise en œuvre des normes IAS/IFRS. Considérer que lesdits comptes ne sont pas définitifs parce qu’ultérieurement d’autres règles ont été ajoutées dans le nouveau cadre juridique serait aussi absurde que d’affirmer qu’il n’existe jamais de comptes définitifs, car l’adaptation et le développement d’un système comptable est un processus permanent.

157   D’autre part, les règles récemment adoptées, avec un effet rétroactif, n’affecteraient en aucun cas les comptes d’Endesa, puisqu’elles concerneraient le secteur financier et celui des assurances, et non le secteur de l’électricité. Par ailleurs, les modifications concernant l’IAS 39 n’auraient aucune incidence sur la détermination du chiffre d’affaires, dans la mesure où celles-ci ne viseraient que le traitement comptable d’instruments financiers. De plus, depuis la date à laquelle Gas Natural a annoncé son OPA sur Endesa, aucune modification des normes IAS/IFRS pouvant affecter la comptabilisation des revenus pour les exercices 2004 ou 2005 ne se serait produite et aucune ne pourrait désormais intervenir.

158   Par conséquent, aucun des arguments de la Commission ne permettrait de considérer que les comptes consolidés de l’exercice 2004 selon les normes IAS/IFRS ne sont pas des comptes définitifs. Repousser l’utilisation des comptes IAS/IFRS de 2004 jusqu’à la clôture de l’exercice 2005 serait manifestement contraire à l’intention du législateur communautaire, qui aurait imposé l’application des normes comptables communautaires à partir du 1er janvier 2005 et non à compter du 1er janvier 2006. Partant, toutes les informations comptables que les entreprises cotées en bourse doivent divulguer au marché pendant l’année 2005, qu’elles fassent référence à l’exercice 2005 ou 2004, seraient communiquées exclusivement selon les normes IAS/IFRS.

159   Endesa conclut que même si des modifications sont adoptées, car le perfectionnement d’un système comptable est un processus permanent, il n’en est pas moins vrai que, comme la Commission l’a reconnu à plusieurs reprises, « selon le règlement […] n° 1606/2002, la Commission a pour objectif la mise en place d’une plateforme stable de normes comptables internationales à compter du 1er janvier 2005 » [considérant 4 du règlement (CE) n° 2086/2004 de la Commission, du 19 novembre 2004, modifiant le règlement n° 1725/2003 (JO L 363, p. 1), et considérant 2 du règlement n° 2238/2004 de la Commission, du 29 décembre 2004, modifiant le règlement n° 1725/2003 (JO L 394, p. 1)].

160   En ce qui concerne le point 25 de la décision, Endesa fait observer que la décision n’explique pas les raisons pour lesquelles la Commission ne pourrait pas évaluer les différentes méthodes comptables disponibles. Cette position de la Commission serait clairement en contradiction avec le point 60 de la communication, dans lequel la Commission elle-même indiquerait qu’il est possible de « retenir d’autres règles comptables, notamment celles relatives à l’établissement des comptes consolidés, qui sont partiellement harmonisées, mais qui ne sont pas identiques dans toute la Communauté » et que « cette considération vaut pour tous les types d’entreprises concernés par le règlement […] ». Ce point de la communication, bien qu’il fasse principalement référence aux sociétés holding, indiquerait, néanmoins, que la possibilité de retenir différentes normes comptables s’étend à toute entreprise quel que soit le secteur auquel elle appartient.

161   Endesa s’oppose à l’affirmation, figurant également au point 25 de la décision, selon laquelle « le rôle de la Commission, tel qu’il est décrit plus en détail dans la communication sur le calcul du chiffre d’affaires, se limite à examiner les ajustements spécifiques requis en vertu de l’article 5 du règlement […] » et estime au contraire que l’obligation contenue à l’article 5 du règlement comprend l’examen de l’adéquation des comptes des entreprises concernées pour déterminer leur chiffre d’affaires réel.

162   Cette affirmation, contenue dans la décision, serait à nouveau en contradiction manifeste avec la communication qui indique, au point 26, que « la Commission cherche à se fonder sur les données disponibles les plus justes et fiables possibles ». En l’espèce, à la suite du travail d’harmonisation réalisé par les institutions communautaires, il aurait existé deux comptes consolidés correspondant à l’exercice comptable 2004 et il aurait été nécessaire de déterminer lequel des deux était le plus juste et le plus fiable. Or, au vu des rapports des auditeurs externes de l’entreprise, que la Commission ne mentionnerait pas une seule fois dans la décision, il serait évident que les comptes consolidés établis selon les normes comptables espagnoles dénaturaient, de manière significative, les revenus opérationnels d’une entreprise active dans le secteur de l’électricité.

163   En ce qui concerne la supériorité technique des normes comptables communautaires par rapport aux normes nationales, sur laquelle la Commission émettrait des doutes au point 26 de la décision, Endesa fait observer que, dans les actes préparatoires du règlement n° 1606/2002, la Commission fait expressément référence à la nécessité d’améliorer, d’harmoniser et de rendre plus fiables les informations financières, en allant au-delà des prévisions de la quatrième directive 78/660/CEE du Conseil, du 25 juillet 1978, fondée sur l’article 54, paragraphe 3, sous g), du traité et concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés (JO L 222, p. 11) et que, si cette dernière avait garanti des informations aussi claires et fiables que celles requises par le nouveau système comptable, il aurait été inutile d’introduire ce dernier. À cet égard, la Commission n’aurait pas pris en considération les avis des auditeurs externes d’Endesa, qui expliqueraient clairement les différences existant entre les résultats indiqués dans des comptes établis selon les différentes normes comptables.

164   Endesa ajoute que les motifs de la décision selon lesquels aussi bien les normes comptables communautaires actuelles que les anciennes normes ont pour objectif une représentation fidèle de la réalité économique des entreprises font fi des différences concrètes existant entre une harmonisation partielle et une harmonisation totale des normes ainsi que des principes de base du droit communautaire et de la logique la plus élémentaire. La Commission elle-même aurait d’ailleurs constaté que les anciennes directives comptables « ne répondaient plus aux besoins des sociétés souhaitant lever des capitaux à l’échelle paneuropéenne ou internationale » [voir le point 9 de la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen du 13 juin 2000, COM (2000) 359 final] et aurait également reconnu que « les normes IAS fournissent […] un corps de règles exhaustif et conceptuellement solide pour l’information financière, qui devrait correspondre aux besoins de la communauté internationale des affaires ».

165   Endesa soutient que la Commission fait également erreur en considérant que l’utilisation de comptes non vérifiés est seulement possible dans des circonstances exceptionnelles. Cette interprétation n’apparaîtrait ni explicitement ni implicitement dans le règlement, qui constituerait la seule réglementation applicable de caractère obligatoire, et elle ne serait pas non plus conforme au contenu du point 26 de la communication selon lequel il ne serait nécessaire de prouver l’existence de circonstances exceptionnelles que si l’on entend utiliser des comptes de gestion ou des comptes non définitifs.

166   Quand bien même la thèse de la Commission serait retenue, il conviendrait de considérer qu’il existe effectivement, dans le cas présent, des circonstances exceptionnelles. D’une part, la question de l’utilisation d’une norme comptable plutôt que d’une autre serait en soi exceptionnelle. D’autre part, l’utilisation de différents systèmes comptables entraînerait une différence de 4 400 millions d’euros s’agissant des revenus d’Endesa, ce qui serait un fait rare concernant peu de marchés, de sorte que le changement de système comptable lui-même devrait être considéré comme un élément exceptionnel et de grande importance pour le marché de l’électricité espagnol, dans lequel la présence d’un pool obligatoire multiplie artificiellement par deux les transactions du point de vue financier, si la compensation des postes n’est pas réalisée ainsi que l’exige le nouveau système de comptabilité.

167   Endesa conteste par ailleurs les motifs figurant au point 25 de la décision selon lesquels l’utilisation des comptes IAS/IFRS aurait été contraire à un autre « objectif, également valable, qui consiste à appliquer des critères simples et objectifs pour déterminer la compétence de la Commission dans les affaires de concentration, ainsi qu’au principe général de sécurité juridique ».

168   Quant à l’objectivité, Endesa soutient que la Commission n’explique pas les raisons pour lesquelles les comptes IAS/IFRS seraient moins objectifs que d’autres et oublierait que l’auditeur externe d’Endesa a certifié qu’ils étaient fondés sur des données correctes et auditées et que la méthode de rapprochement était également correcte.

169   S’agissant de la simplicité, toutes les entreprises communautaires cotées en bourse auraient été informées depuis des années de l’introduction des nouveaux critères et elles auraient su que l’année 2004 serait une année de transition. Endesa ajoute que la considération selon laquelle la simplicité des règles d’interprétation est un objectif ayant la même valeur juridique que l’obligation d’établir correctement la compétence de la Commission est difficilement conciliable avec la communication qui souligne, aux points 60 et 61, la nécessité de faire une analyse minutieuse, stricte, voire même onéreuse des comptes, lorsque le chiffre d’affaires est proche des seuils du règlement (Affaire IV/M.213 Hong Kong and Shangai Bank/Midland).

170   Quant au principe de sécurité juridique, il ressortirait de la jurisprudence de la Cour que ce principe garantit une réglementation « claire et précise, afin que les justiciables puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre les dispositions en conséquence » (arrêts de la Cour du 9 juillet 1981, Gondrand Frères et Garancini, 169/80, Rec. p. 1931 ; du 13 février 1996, van Es Douane Agenten, C‑143/93, Rec. p. I‑431, point 27, et du 14 avril 2005, Belgique/Commission, C‑110/03, Rec. p. I‑2801). Cela ne signifierait pas que la détermination du chiffre d’affaires doive être « facile » dans tous les cas et ne justifierait pas le fait de ne pas prendre en considération toutes les informations disponibles. Endesa rappelle que le rapprochement des comptes est une obligation découlant de règles communautaires que tout opérateur prudent est censé connaître depuis quelques années et que la protection des droits des opérateurs économiques n’est pas justifiée « lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure communautaire » (arrêt de la Cour du 15 juillet 2004, Di Lenardo et Dilexport, C‑37/02 et C‑38/02, Rec. p. I‑6911, point 70). En l’occurrence, les normes IAS/IFRS auraient été claires, précises et connues des opérateurs prudents et avisés au moment du lancement de l’OPA, de sorte qu’aucune violation du principe de sécurité juridique ne serait caractérisée.

171   Quant au dernier motif, exposé au point 27 de la décision, selon lequel « l’utilisation des chiffres IFRS non audités dans le cas présent, créerait une disparité de traitement par rapport à l’ensemble des autres affaires dans lesquelles la Commission s’est référée à des chiffres établis sur la base des normes nationales dans les comptes audités pour 2004 », Endesa souligne que la Commission n’a pas tenu compte de la jurisprudence selon laquelle une inégalité de traitement existe non seulement lorsque deux situations similaires reçoivent un traitement différent, mais aussi lorsque deux situations différentes reçoivent un traitement semblable. Or, elle aurait fourni de nombreux rapports pendant la procédure administrative expliquant le traitement comptable particulier applicable aux entreprises du secteur de l’électricité espagnoles, lequel ne concernerait pas les autres entreprises espagnoles ni les entreprises du même secteur ou d’autres secteurs établies dans d’autres États membres.

172   Le caractère obligatoire du pool en Espagne, ajouté à la nature des anciennes normes comptables, qui ne permettaient pas la compensation de postes, aurait pour effet, notamment, que des transactions réalisées entre entreprises du même groupe ou, en définitive, qui répondraient à une seule transaction économique sont comptabilisées deux fois. Par conséquent, ce serait en réalité la décision qui crée un traitement discriminatoire, car en cas de réalisation de la même opération entre entreprises de taille identique à celle de Gas Natural et d’Endesa, mais dans d’autres secteurs économiques ou dans d’autres pays de la Communauté, les chiffres d’affaires des entreprises concernées auraient été calculés en évitant la duplication des postes.

173   Endesa conclut que, pour toutes ces raisons, la Commission a commis une faute dans l’analyse des informations fournies par elle, qui se traduit par une grave défaillance dans la motivation de la décision et une erreur manifeste résultant de la non-application des principes issus de l’article 5 du règlement et de la communication.

174   La Commission, soutenue par les parties intervenantes, fait valoir qu’aucun des arguments invoqués par la requérante n’est fondé.

–       Appréciation du Tribunal

175   S’agissant, en premier lieu, des arguments de la requérante tirés de ce que la Commission a commis une erreur en écartant la possibilité d’utiliser les comptes réconciliés, il suffit de renvoyer à l’appréciation des deux premières branches du moyen. En effet, il a déjà été relevé que les seuls comptes valables d’Endesa pour apprécier la dimension communautaire ou nationale de l’opération de concentration sont ceux de l’exercice 2004 établis conformément à la législation espagnole en vigueur au moment de l’OPA, vérifiés par les auditeurs et approuvés par les actionnaires et que, en tout état de cause, les comptesréconciliés, établis uniquement à des fins comparatives, que la requérante a présentés à la Commission ne pouvaient être considérés comme définitifs. Le caractère non définitif des comptes réconciliés de la requérante est, au demeurant, confirmé par la circonstance que, le 19 septembre 2005, elle a modifié ces comptes en vue d’inclure des ajustements faisant baisser le chiffre d’affaires en Espagne d’un montant de 111 millions d’euros par rapport aux comptes mis en conformité avec les normes IFRS présentés à la CNMVF le 5 avril 2005. Enfin, la circonstance que les changements apportés ultérieurement aux normes IAS/IFRS n’aient pas concerné le secteur de l’électricité ne change rien au fait que les normes IAS/IFRS qui devaient s’appliquer à l’exercice 2005 n’avaient pas encore de contenu stable et définitif en septembre 2005, ni surtout qu’il n’existait encore aucune autorité pour interpréter ces nouvelles normes. Force est d’ailleurs de constater que le commissaire aux comptes de Endesa lui-même a précisé qu’il ne pouvait se prononcer sur la validité des méthodes de rapprochement opérées.

176   S’agissant, en deuxième lieu, des circonstances exceptionnelles qui commanderaient l’utilisation des comptes réconciliés, il convient de relever qu’aucune des circonstances invoquées ne saurait être considérée comme exceptionnelle. En effet, en ce qui concerne, premièrement, les particularités du secteur de l’électricité en Espagne, il suffit de constater que le pool existe en Espagne depuis 1998 et que ni Endesa ni aucune autre entreprise du secteur n’ont fait état de la nécessité de procéder à un quelconque ajustement de ses comptes PCGA dans aucune des procédures de contrôle de concentrations, nationale ou communautaire, auxquelles elles ont été parties. Il convient d’observer, en outre, que les prétendues spécificités et distorsions graves de la comptabilité des entreprises du secteur de l’électricité en Espagne alléguées par la requérante ne constituent pas non plus des circonstances exceptionnelles dans la mesure où l’opportunité de procéder à d’éventuels ajustements pour en tenir compte peut être examinée indépendamment du système comptable. En l’espèce, la Commission a d’ailleurs procédé à l’examen des principaux ajustements proposés par la requérante à cet égard.

177   Deuxièmement, le fait que les normes IAS/IFRS étaient appelées à remplacer les PCGA à partir de l’exercice 2005 ne peut être considéré comme exceptionnel, de même que la nécessité d’établir des comptes réconciliés pour 2004 à des fins de comparaison. Certes, un changement de la réglementation comptable constitue un événement important et peu fréquent dans la vie d’une entreprise, mais la requérante n’invoque aucun élément fondé sur la lettre et les objectifs du règlement qui ferait de ce changement une circonstance exceptionnelle. Par ailleurs, l’application obligatoire des nouvelles normes comptables ne signifie pas nécessairement que les règles comptables applicables antérieurement étaient peu fiables ou imprécises.

178   Troisièmement, la circonstance que l’utilisation de différents systèmes comptables entraîne une différence de 4 400 millions d’euros s’agissant des revenus d’Endesa ne saurait non plus être considérée comme exceptionnelle. En effet, cette différence provient des ajustements dont l’opportunité peut être examinée indépendamment du système comptable.

179   En tout état de cause, il convient de relever que les circonstances exceptionnelles mentionnées aux points 26 et 27 de la communication se réfèrent uniquement, sauf pour ce qui concerne les différences existant avec les normes comptables d’États non membres de l’Union européenne, à la nécessité de prendre en compte les changements significatifs et permanents affectant la réalité économique des entreprises concernées (acquisitions et cessions postérieures à la vérification des comptes, fermeture d’usine). Or, en l’espèce, la requérante n’a pas invoqué de tels changements.

180   S’agissant, en troisième lieu, du grief tiré de la violation du principe de sécurité juridique, il suffit de relever que les comptes vérifiés offrent davantage de garanties objectives, puisqu’ils engagent la responsabilité de l’entreprise et de l’auditeur. Ce serait, au contraire, l’utilisation de comptes qui n’ont été ni approuvés par les actionnaires ni confortés par un audit externe qui serait contraire à l’objectif consistant à appliquer des critères simples et objectifs pour la détermination de la dimension d’une concentration. Il convient de rappeler que le fondement même du système de seuils établi par l’article 1er du règlement est de fournir une méthode simple et efficace pour déterminer l’autorité compétente. Ainsi que l’a fait valoir à juste titre la Commission, l’emploi des comptes officiels et vérifiés et, en principe, la limitation des ajustements à apporter à ces comptes à ce qui est strictement indispensable à la lumière de l’article 5 du règlement sont des éléments essentiels de cette méthode simple, prévisible et efficace.

181   Par ailleurs, accepter la thèse d’Endesa reviendrait à admettre que toute opération de concentration doit faire l’objet d’un examen comptable préalable par la Commission pour vérifier la conformité des comptes des entreprises concernées avec les principes énoncés à l’article 5 du règlement.

182   S’agissant de l’argument d’Endesa selon lequel l’utilisation des comptes réconciliés n’aurait en rien porté atteinte au principe de sécurité juridique, puisque n’importe quel opérateur avisé était en mesure de prévoir l’entrée en vigueur d’un nouveau système comptable, il y a lieu d’indiquer qu’un opérateur avisé et raisonnable n’aurait pas pu prévoir que la Commission s’écarterait des seuls comptes officiels ayant été vérifiés. Il convient par ailleurs de rappeler que les normes comptables IAS/IFRS, et plus encore leur interprétation, n’étaient pas encore définitivement fixées en septembre 2005.

183   En tout état de cause, il y a lieu de rappeler, à nouveau, que les comptes réconciliés que la requérante a présentés à la Commission ne peuvent être considérés comme définitifs.

184   Enfin, le grief tiré d’une prétendue discrimination par rapport à des concentrations relevant d’autres secteurs ou d’autres États membres, doit être rejeté comme manifestement dépourvu de tout fondement. D’une part, il repose sur de simples allégations et repose sur la prémisse non établie que les comptes officiels et vérifiés de l’exercice 2004 de Endesa ne reflètent pas la réalité économique. D’autre part, la pratique de la Commission étant de se fonder sur les comptes officiels vérifiés, c’est, au contraire, l’abandon de cette pratique en l’absence de circonstances exceptionnelles qui aurait pu être perçu comme une discrimination. En outre, les comptes vérifiés qui sont utilisés pour apprécier la dimension de l’opération peuvent, pour tenir compte des éventuelles spécificités du secteur ou du pays en question, faire l’objet d’éventuels ajustements. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission a examiné les ajustements proposés par la requérante.

185   Il ressort de ce qui précède que la troisième branche du troisième moyen ne saurait être accueillie.

186   Par conséquent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen relatif au rejet de l’ajustement « pass through » et de l’ajustement concernant les échanges de gaz

187   Dans le cadre du présent moyen, Endesa conteste le rejet par la Commission de deux ajustements qu’elle avait réclamés, l’un est relatif aux opérations de distribution (l’ajustement « pass through ») et l’autre concerne les échanges de gaz. Il y a lieu d’observer, à titre liminaire, que les comptes annuels de la requérante établis selon les PCGA pour 2004 montrent que son chiffre d’affaires en Espagne représentait 80,07 % de son chiffre d’affaires communautaire. S’il était admis que les deux ajustements en cause, demandés par Endesa, étaient fondés, le pourcentage de son chiffre d’affaires en Espagne serait ramené à 73,94 % de son chiffre d’affaires communautaire. Il en découle que, même si ce moyen était accueilli, cela ne signifierait pas ipso facto que l’opération concernée a une dimension communautaire, mais plutôt que la Commission devrait examiner les autres ajustements proposés par la requérante, ainsi que ceux proposés par Gas Natural, sur lesquels elle ne s’est pas prononcée dans la décision, car seule une combinaison de nombreux ajustements permettrait de passer sous le seuil des deux tiers.

188   L’ajustement « pass through » étant en tout état de cause nécessaire pour que la dimension communautaire de l’opération de concentration puisse être atteinte, il convient d’examiner d’abord la première branche du moyen, relative à celui-ci.

–       Arguments des parties

189   Endesa relève que l’article 5, paragraphe 1, du règlement est littéralement copié du paragraphe 23 de la loi allemande sur la concurrence (GWB), dont le paragraphe 29 précise que les « revenus des activités non ordinaires seront uniquement pris en compte dans les cas exceptionnels ». Par conséquent, seule la partie des revenus liée à l’activité de distribution devrait être prise en compte au moment d’établir le chiffre d’affaires de l’entreprise de distribution, c’est-à-dire, seulement la commission correspondant à cette activité.

190   Endesa dénonce à cet égard l’appréciation erronée de la Commission sur la valeur juridique de la communication et le fait qu’elle a omis d’examiner les ajustements proposés conformément au règlement. Elle relève qu’au point 33 de la décision la Commission affirme que, « [à] cet égard, il convient de noter que la communication […] ne se réfère nulle part à la notion de montant ‘répercuté’ (en partie) provenant de la vente de produits et de la fourniture de services par l’entreprise ». Or, la seule base juridique pour le calcul du chiffre d’affaires serait le règlement, la communication ayant seulement valeur d’acte interprétatif de la Commission. Toute interprétation contraire violerait le principe de hiérarchie des normes. En l’espèce, dès lors que l’activité de l’entreprise de distribution comporte des coûts correspondant à de simples montants « répercutés », seule la commission correspondant à ces activités devrait être considérée comme relevant de la notion « d’activité ordinaire » figurant à l’article 5 du règlement.

191   Endesa ajoute que suivant l’approche erronée qui consiste à fonder sa motivation sur la communication, la Commission fait référence au contenu des points 7, 11 et 13 de la communication en affirmant que, « compte tenu des circonstances propres à la présente affaire, les entreprises espagnoles de distribution d’électricité ne peuvent être assimilées à des entreprises faisant simplement fonction d’intermédiaire et dont le chiffre d’affaires serait constitué uniquement du montant des commissions qu’elles perçoivent ». Ainsi, la Commission décrirait le fonctionnement de l’activité des entreprises de distribution et du pool en Espagne sans donner les motifs pour lesquels, en l’espèce, les entreprises de distribution ne seraient pas de simples intermédiaires. La Commission n’examinerait pas la question de savoir si les entreprises de distribution tirent effectivement des bénéfices de cette activité, qui dépassent la simple rémunération de leurs services déterminée par des tarifs réglementés. En fait, la Commission ne prendrait pas en compte le fait que le décret royal par lequel sont déterminés les tarifs électriques de chaque année fixe la rétribution que les entreprises de distribution perçoivent pour l’exercice de leurs fonctions pendant ladite période, rétribution qui serait indépendante des ventes d’énergie que les entreprises de distribution réalisent et, par conséquent, de la quantité d’énergie qui leur est fournie.

192   Or, les opérations réalisées par les entreprises de distribution n’apportant aucune valeur à la transaction, puisque la rétribution de l’activité de distribution est déterminée ex ante, préalablement et indépendamment des opérations d’achat et de vente d’énergie, celles-ci constitueraient des opérations neutres aux fins du calcul du chiffre d’affaires. Le rôle d’intermédiaire des entreprises de distribution résulterait explicitement de l’article 4 du décret royal 2017/1997, du 26 décembre 1997, qui organiserait et réglementerait la procédure de liquidation des coûts du transport, de la distribution et de la commercialisation suivant un tarif, ainsi que des coûts permanents du système, de la diversification et de la sécurité de l’approvisionnement, de sorte que, contrairement à ce qui se produit dans le secteur libéralisé, le distributeur ayant perçu le tarif réglementé ne conserverait que la rémunération de son service et transfèrerait le reliquat payé par l’usager au reste des opérateurs. Dans l’hypothèse où il existerait un déficit de recouvrement, ce serait le producteur qui le supporterait.

193   En ce qui concerne le motif de la décision selon lequel les entreprises de distribution assument le risque financier de l’impayé de sorte qu’elles ne sont pas des intermédiaires, Endesa fait observer que la Commission interprète de façon erronée les informations remises par elle sur ce point ainsi que la notion « d’intermédiaire » figurant au point 13 de la communication.

194    Elle rappelle, d’une part, que les entreprises de distribution n’assument aucun risque financier d’impayé qui ne soit pas compensé par un élément incorporé aux tarifs, puisque le système réglementé (et non pas l’opérateur de manière unilatérale) prévoit un mécanisme de garanties permettant d’éviter ces risques. D’autre part, elle indique que l’existence ou non du risque financier permet de différencier la situation de l’agent de celle d’un commissionnaire indépendant. La Commission interpréterait, sans fondement juridique, la notion « d’intermédiaire » comme faisant uniquement référence aux agents alors qu’il conviendrait de la rattacher à la nature des activités de l’agent.

195   La qualification d’intermédiaire des entreprises de distribution correspondrait à la pratique habituelle dans le secteur énergétique en Espagne. Il suffirait d’observer que Gas Natural procède également à l’ajustement « pass through » non seulement dans ses comptes IAS/IFRS, mais aussi dans ses comptes établis selon les normes comptables espagnoles. Ainsi, en refusant à Endesa l’ajustement « pass through », la Commission l’aurait empêchée d’homogénéiser le chiffre d’affaires de son activité de distribution avec celui de l’entreprise acquéreuse.

196   Endesa considère que le refus de considérer l’ajustement proposé par elle est en plus entaché d’une grave carence dans l’analyse d’un élément que la Commission a finalement considéré comme déterminant, qui se traduit par un excès de pouvoir et par une insuffisance de la motivation. Endesa constate que la Commission a soudainement émis des doutes à ce sujet dans la phase finale de la procédure, alors qu’elle ne lui avait jamais demandé d’explications à cet égard auparavant. Plus précisément, la Commission n’aurait manifesté aucun doute ni demandé aucune explication entre le 19 septembre 2005 et le 8 novembre 2005, date à laquelle elle aurait accordé à Endesa un délai de 24 heures pour répondre à une série de questions qui allaient être déterminantes dans la motivation de la décision.

197   De surcroît, l’analyse de cet ajustement serait également incomplète au regard d’autres éléments et la motivation de la décision serait manifestement contradictoire. Selon Endesa, si l’on considère que les sociétés de distribution n’agissent pas comme des intermédiaires, il convient de rechercher si une partie des opérations de distribution ne constitue pas des opérations intragroupes et, notamment, s’il n’existe pas une double comptabilisation de la même transaction dès lors que l’énergie distribuée par Endesa Distribución est acquise auprès d’Endesa Generación à travers le pool.

198   Endesa indique à cet égard que, le 10 novembre 2005, la Commission lui a demandé oralement des explications sur cet aspect de l’ajustement. Par deux courriers électroniques des 11 et 12 novembre 2005, Endesa aurait insisté sur le fait que la logique de cet ajustement allait au-delà de la simple élimination de la partie intragroupe tout en proposant, néanmoins, d’apporter des données relatives aux opérations intragroupes. La Commission n’aurait jamais donné suite à ces courriers et, dans la décision, ne se serait pas prononcée sur cette question.

199   L’analyse effectuée par la Commission serait contradictoire en ce que la Commission indique, dans la décision, qu’elle ne se prononcera pas sur l’ajustement proposé à l’égard de la facturation intragroupe mais rejette cependant l’ajustement « pass through » qui contient une partie très importante des ventes intragroupes. De plus, la décision insisterait sur le manque d’importance des éventuelles transactions intragroupes, tout en affirmant qu’Endesa n’a pas fourni de données sur leur pourcentage, et ce en dépit des courriers électroniques susmentionnés auxquels la Commission n’a pas donné suite.

200   La Commission, soutenue par les parties intervenantes, fait valoir que les entreprises de distribution ne sont pas de simples intermédiaires ou de simples commissionnaires et que, dès lors, les arguments de la requérante doivent être rejetés.

–       Appréciation du Tribunal

201   La requérante invoque divers arguments, de motivation et de fond, à l’encontre du refus de la Commission de procéder à un ajustement des revenus des entreprises de distribution concernées pour éliminer les revenus perçus au nom de tiers. Elle fait valoir, en substance, qu’en droit espagnol, les entreprises distributrices d’électricité sont tenues de percevoir certains montants auprès de leurs clients pour les répercuter ensuite aux producteurs d’électricité et aux opérateurs du réseau et que ces montants devraient donc être déduits des revenus figurant dans la comptabilité d’Endesa, dès lors qu’ils ne résultent pas de la « vente de produits et de la prestation de services réalisées par les entreprises concernées […] et correspondant à leurs activités ordinaires » au sens de l’article 5, paragraphe 1, du règlement.

202   S’agissant, en premier lieu, de l’argument de la requérante selon lequel la Commission a commis une erreur en fondant son appréciation sur le seul fait que la communication ne prévoit aucun ajustement pour des situations de répercussion, il convient de relever, tout d’abord, que la requérante ne conteste pas la légalité de ladite communication, mais soutient que la Commission lui a donné une portée excessive alors qu’elle a seulement valeur d’acte interprétatif et qu’elle aurait dû examiner l’ajustement proposé conformément aux dispositions du règlement, qui constitue la seule base juridique pour le calcul du chiffre d’affaires.

203   Il convient de rappeler, à cet égard, que la Commission est tenue d’appliquer la communication dans la mesure où elle n’est pas contraire au règlement et que celle-ci précise que, à titre exceptionnel, certains ajustements doivent être effectués dans certaines circonstances. La requérante ayant cherché, au cours de la procédure administrative, à rattacher les ajustements proposés aux catégories d’ajustements mentionnées dans la communication, il ne saurait être fait grief à la Commission de s’être référée, dans la décision, aux points 7, 11 et 13 de la communication pour réfuter les arguments développés autour de ces mêmes points par la requérante lors de la procédure administrative.

204   Il y a lieu d’observer, ensuite, que si la décision indique que la communication ne se réfère nulle part à la notion de montant « répercuté » provenant de la vente de produits et de la prestation de services par l’entreprise, la circonstance que la communication ne prévoit pas d’ajustement en cas de répercussion des coûts n’est toutefois pas la seule raison pour laquelle la Commission n’a pas procédé audit ajustement. La Commission a, en effet, relevé également dans la décision (points 33 in fine, 34 et 35), notamment, que les entreprises espagnoles de distribution d’électricité ne peuvent être assimilées à des entreprises faisant simplement fonction d’intermédiaire et dont le chiffre d’affaires serait constitué uniquement du montant des commissions qu’elles perçoivent pour les raisons suivantes : les sociétés de distribution d’électricité sont tenues non seulement de transporter l’électricité sur leurs réseaux de distribution, mais également de fournir l’électricité aux clients qui décident de rester dans le système réglementé ; la distribution d’électricité implique la vente à des consommateurs finals de produits acquis antérieurement par les distributeurs ; les dépenses liées à l’achat d’électricité devraient être considérées comme des coûts pour les sociétés de distribution ; le risque de non-paiement par les clients finals du prix de l’électricité fournie est supporté par les sociétés de distribution, et c’est le distributeur qui porte la responsabilité de tout non-respect des obligations en vertu du contrat passé avec le client final.

205   Il s’ensuit que le grief de la requérante tiré de ce que la Commission a commis une erreur en fondant son appréciation sur le seul fait que la communication ne prévoit aucun ajustement « pass through » est à rejeter.

206   S’agissant, en deuxième lieu, du grief selon lequel la motivation est insuffisante, il suffit de renvoyer aux points 30 à 36 de la décision qui exposent les motifs retenus par la Commission pour rejeter l’ajustement « pass through », succinctement résumés ci-dessus, pour juger qu’il ne saurait être accueilli.

207   Il convient ensuite d’examiner si c’est à bon droit que la Commission a estimé, dans la décision, qu’il n’y avait pas lieu de procéder à l’ajustement « pass through ».

208   À cet égard, il convient de rappeler, d’abord, que, ainsi qu’il est indiqué au point 9 de la communication, la notion de chiffre d’affaires énoncée à l’article 5 du règlement se réfère de façon explicite « aux montants résultant de la vente de produits et de la prestation de services ». La vente, reflet de l’activité de l’entreprise, est donc le critère essentiel de la détermination du chiffre d’affaires, qu’il s’agisse de produits ou de la prestation de services.

209   Par ailleurs, les impératifs de sécurité juridique et de rapidité qui prévalent dans le cadre du contrôle des concentrations impliquent que tant les entreprises que les autorités de concurrence puissent se fonder, en principe, sur un critère prévisible et d’un accès immédiat. Dans ces conditions, le chiffre d’affaires à prendre en considération en vue de déterminer l’autorité compétente pour connaître d’une opération de concentration doit, en principe, être défini à partir des comptes annuels publiés. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel, lorsque des circonstances particulières le justifient, qu’il y a lieu de procéder à certains ajustements destinés à refléter au mieux la réalité économique des entreprises concernées.

210   Il convient encore de souligner que l’article 5 du règlement se réfère à l’ensemble du chiffre d’affaires et non pas à une partie seulement de celui-ci. À titre exceptionnel, la communication a envisagé la possibilité de déterminer, dans certaines circonstances, le chiffre d’affaires autrement que par référence à l’ensemble des ventes de produits et prestations de services. Le point 13 de la communication précise à cet égard :

« Compte tenu de la complexité du secteur des services, ce principe général peut être modulé en fonction des conditions particulières au service fourni. Ainsi, dans certains domaines d’activités (tourisme, publicité, etc.), le service peut être rendu par l’intermédiaire d’autres prestataires. À cause de la diversité de ces domaines, de nombreux cas de figure sont envisageables. Par exemple, une entreprise de services qui agit comme intermédiaire peut n’avoir pour seul chiffre d’affaires que le montant des commissions qu’elle perçoit. »

211   Il convient de relever, tout d’abord que ce point de la communication concerne une catégorie particulière d’intermédiaires relevant uniquement du secteur des services et dont l’unique rémunération est le montant des commissions qu’ils perçoivent. Il s’agit, partant, d’une exception à la règle générale selon laquelle le chiffre d’affaires pertinent doit être déterminé sur la base du montant total des ventes. Par conséquent, cette notion d’intermédiaire doit être interprétée de manière stricte.

212   Il y a lieu d'observer, ensuite, que la requérante ne prétend pas que, en droit espagnol, son activité est exercée dans le cadre d’un contrat d’agence ou de commission, ou d’une autre forme de contrat similaire. Ainsi, force est de constater que la requérante ne vend pas l’électricité au consommateur final au nom et pour le compte des producteurs d’électricité ou des opérateurs du réseau.

213   En outre, en l'absence d'éléments d'ordre juridique avancés par Endesa en sens contraire, le rapport juridique existant entre Endesa et les consommateurs finals doit s'analyser en un contrat de vente d'électricité. Cette vente est un acte commercial qui implique un transfert de propriété.

214   Il en va de même du rapport juridique existant entre Endesa et le producteur d'électricité la fournissant, que ce soit par l'intermédiaire de la bourse de l'électricité OMEL ou autrement. L’article 41, paragraphe 2, de la loi espagnole n° 54/1997 relative au système de production et de distribution d’électricité prévoit que les distributeurs d’électricité ont notamment le droit d’acquérir l’électricité nécessaire pour assurer l’approvisionnement de leurs clients et de percevoir la rétribution correspondant à l’exercice de l’activité de distribution. L’article 45, paragraphe 1, sous h), de la même loi, dispose que les entreprises de distribution sont obligées, aux fins de la livraison de l’énergie électrique, d’acquérir l’énergie nécessaire pour le développement de leurs activités et de réaliser le paiement de leurs acquisitions selon la procédure de liquidation établie à cet effet.

215   Au vu de ces dispositions, il y a lieu de rejeter les arguments exposés par la requérante lors de l’audience, selon lesquels le distributeur ne serait pas propriétaire de l’énergie, parce qu’au moment où le producteur met l’énergie en circulation dans le système, elle devient instantanément propriété du client. L’article 11, paragraphe 4, de la loi n° 54/1997 dispose d’ailleurs également que, sauf convention contraire, le transfert de la propriété de l’énergie électrique est réputé s’effectuer au moment où celle-ci entre dans les installations de l’acheteur.

216   Il s’ensuit que l’activité des distributeurs consistant, notamment, à acheter de l’électricité ou du gaz auprès de leurs fournisseurs et à assurer leur distribution et leur vente au consommateur final ne saurait être qualifiée de prestation de services se limitant à fournir un produit pour le compte des producteurs et autres opérateurs. Endesa ne saurait donc, d'un point de vue juridique, être considérée comme un simple intermédiaire au sens du point 13 de la communication et ne saurait, en principe, faire l'objet de l'exception qui y est envisagée dès lors que les revenus qu'elle tire de la distribution correspondent à ses activités ordinaires au sens de l'article 5, paragraphe 1, du règlement. Partant, l’ajustement en cause ne saurait être justifié par le caractère prétendument exceptionnel de l’activité de vente des entreprises de distribution.

217   Il convient d'ailleurs d’observer que l’article 20 de la loi n° 54/1997 n’introduit aucune disposition particulière pour tenir compte d’une particularité des entreprises telles que celle de la requérante. Ainsi, son paragraphe 2, troisième alinéa, se lit comme suit : « En ce qui concerne les sociétés ayant pour objet la réalisation des activités réglementées, conformément aux dispositions de l’article 11, paragraphe 2, de la présente loi, ces sociétés tiennent dans leur comptabilité des comptes séparés différenciant les revenus et les coûts strictement imputables à l’activité de transport, à l’activité de distribution et, le cas échéant, aux activités de commercialisation et de vente aux clients à prix fixes ». Ainsi que le relève, à juste titre, la Commission, cette disposition ne se réfère pas aux PCGA espagnols applicables aux simples commissionnaires.

218   Endesa allègue, toutefois, que la Commission n’a pas recherché si les entreprises de distribution tiraient effectivement des bénéfices économiques de cette activité, qui dépassaient la simple rémunération de leurs services déterminée par des tarifs réglementés.

219   À cet égard, il convient tout d'abord de relever que la seule circonstance que la rémunération de l’activité de distribution est, de manière plus ou moins étendue, réglementée ne saurait suffire, à elle seule, à mener à la conclusion que la rémunération des distributeurs doit être qualifiée de simple commission aux fins de l’application du règlement.

220   Endesa soutient néanmoins que le rôle d’intermédiaire des entreprises de distribution résulte explicitement de l’article 4 du décret royal 2017/1997, du 26 décembre 1997, qui organise et réglemente la procédure de liquidation des coûts du transport, de la distribution et de la commercialisation suivant un tarif, ainsi que des coûts permanents du système, de la diversification et de la sécurité de l’approvisionnement.

221   Il ne ressort toutefois pas dudit article que l’activité de distribution soit celle d’un simple intermédiaire. En particulier, cet article n’indique pas qu’une entreprise de distribution conserve la seule rémunération de son service et transfère le surplus aux autres opérateurs, mais il établit une liste de revenus et de coûts liquidables aux fins de l’application du décret royal.

222   Quant au fait, allégué par la requérante, que les opérations réalisées par les entreprises de distribution n’apporteraient aucune valeur à la transaction, il y a lieu de relever, comme le fait la Commission, que la distribution comprend une série d’activités qui vont au-delà de la simple fourniture d’énergie. Ainsi, le distributeur utilise en outre sa marque, fournit un service intégral au client, comprenant le service au client, les recommandations de sécurité, l’inspection des installations, le relevé des compteurs, la facturation et le recouvrement. Il convient par ailleurs d’observer que le fait qu’un secteur soit réglementé ne crée nullement une fiction économique selon laquelle la distribution ne génère aucune valeur ajoutée ni aucun flux de revenus.

223   S’agissant des arguments de la requérante selon lesquels, d’une part, la rétribution des entreprises de distribution serait fixée chaque année indépendamment des achats et des ventes d’énergie, et, d’autre part, ces entreprises n’assumeraient aucun risque d’impayé, il convient d’observer, d’abord, que le décret royal 2819/1998 relatif à la régulation des activités de transport et de distribution d’énergie électrique, fixe, à l’article 15, les éléments de la rétribution de l’activité de distribution, à savoir : les coûts d’investissement, d’exploitation et de maintenance des installations, les coûts de l’énergie acheminée, les coûts d’un modèle qui caractérise les zones de distribution, les coûts des incitations à la qualité de la fourniture et à la réduction des pertes et d’autres coûts nécessaires à l’exercice de l’activité de distribution, parmi lesquels figurent les coûts de la gestion commerciale.

224   L’un des éléments de la rétribution de l’activité de distribution étant le coût de l’énergie acheminée, il s’ensuit que l’affirmation de la requérante selon laquelle la rétribution des entreprises de distribution est absolument indépendante des ventes d’énergie qu’elles réalisent et, par conséquent, de la quantité d’énergie qui leur est fournie, n’est pas fondée.

225   Il convient d’observer ensuite que, si, conformément à l’article 20 du décret royal 2819/1998, la rétribution globale de l’activité de distribution est calculée annuellement ex ante, les distributeurs doivent cependant supporter des risques découlant de leur propre gestion, en particulier en ce qui concerne leurs prévisions de la demande. En effet, le distributeur achète l’électricité au pool au prix du marché, mais, ainsi qu’il ressort de l’article 4, sous e), du décret royal 2017/1997, il est rétribué sur la base du prix moyen pondéré. Ainsi, lors de la liquidation des coûts d’acquisition de l’énergie, conformément à l’annexe I.6 du décret royal 2017/1997, le coût qui est imputé au distributeur n’est pas le coût qu’il a effectivement payé sur le marché, mais le prix moyen pondéré des achats d’énergie par les distributeurs durant la période de liquidation. Partant, le distributeur qui paye un prix supérieur à la moyenne perdra la différence, puisqu’il aura supporté un coût réel supérieur à celui qui lui est effectivement payé. Au contraire, le distributeur qui paye un prix inférieur à la moyenne obtiendra un bénéfice additionnel. Il s’ensuit que, comme d’ailleurs le reconnaît la requérante dans sa réponse à une question écrite du Tribunal, le système en vigueur assure seulement une rémunération de l’activité de distribution théorique et la rémunération réelle dépendra du niveau d’efficacité des distributeurs lors de l’achat de l’énergie.

226   Par ailleurs, s'agissant des ventes d'électricité des distributeurs aux consommateurs finals, il convient d’observer que la requérante reste en défaut de démontrer l'inexactitude de l'affirmation figurant au considérant 35 de la décision selon laquelle le risque de non paiement par les clients finals du prix (régulé) de l'électricité fournie est supporté par les sociétés de distribution. S'il est vrai qu’il existe un mécanisme permettant de prendre en compte, dans une certaine mesure, le risque de défaut de paiement de manière générale, il n'en demeure pas moins que c’est le distributeur qui supportera le risque de non paiement, ainsi que cela ressort de l’article 4, sous a), dernière phrase, du décret royal 2017/1997, selon lequel « dans la procédure de liquidation sont pris en compte les revenus obtenus à ce titre à partir des données de facturation, indépendamment de leur perception ». Cette disposition faisant référence à la facturation et non aux montants effectivement encaissés, le risque de non paiement de la facture par le client doit être considéré comme étant à la charge de l’entreprise de distribution.

227   La circonstance que l’article 79, paragraphe 7, du décret royal 1955/2000, relatif à la réglementation des activités de transport, de distribution de commercialisation, de fourniture, ainsi que des procédures d’autorisation d’installations d’énergie électrique, prévoit que les entreprises d’électricité peuvent exiger la constitution d’un dépôt de garantie n'est pas de nature à infirmer cette conclusion. En effet, d'une part, le montant de ce dépôt est limité à la facturation mensuelle de 50 heures d’utilisation pour la puissance installée. D'autre part, cette disposition prévoit également que certaines catégories de consommateurs selon des zones géographiques déterminées peuvent être exemptées du paiement de ce dépôt. Enfin, selon la sixième disposition transitoire de ce décret royal, ce dépôt ne peut être encaissé auprès des consommateurs qui recevaient déjà la fourniture à un tarif réglementé au moment de son entrée en vigueur. Or, ainsi que le fait observer la Commission non contestée par la requérante sur ce point, la grande majorité des consommateurs d’électricité à un tarif réglementé avaient souscrit leur contrat de fourniture d'électricité avant l’année 2000. Il s’ensuit que ces dépôts de garantie ne couvrent qu'une partie limitée du risque de non-paiement.

228   Quant au fait que la qualification d’intermédiaire des entreprises de distribution correspondrait à la pratique habituelle dans le secteur énergétique en Espagne, il y a toutefois lieu d’observer, encore que ce point ne soit pas décisif, que, à la suite de la question écrite posée par le Tribunal et des observations émises par les parties lors de l’audience, il s’est avéré qu’il n’y avait pas d’unanimité en ce qui concerne la pratique de l’ajustement « pass through » dans les entreprises du secteur.

229   Enfin, s'agissant de l'affirmation de la requérante selon laquelle le refus de considérer l’ajustement « pass through » est entaché d’une grave carence dans l’analyse, qui se traduit par un excès de pouvoir et par une insuffisance de la motivation, en ce que la Commission a soudainement émis des doutes au sujet de cet ajustement dans la phase finale de la procédure, alors qu’elle n’avait jamais auparavant demandé d’explications à Endesa à cet égard, il suffit de constater que la circonstance que certaines informations aient été recueillies à la fin de la procédure ne saurait, en tant que telle, entacher d’illégalité la décision. En outre, la complexité de l'affaire est de nature à justifier que la Commission cherche à obtenir, même à un stade avancé de la procédure et après avoir acquis une connaissance plus détaillée du contexte, certaines informations complémentaires. Par ailleurs, force est de constater, en tout état de cause, que la demande d’information envoyée par la Commission le 28 septembre 2005 contenait déjà diverses questions relatives à l’éventuelle élimination de certains revenus perçus en Espagne (questions 2 et 3) et que la requérante a apporté dans sa réponse des éclaircissements au sujet de l’ajustement « pass through » (lettre du 5 octobre 2005).

230   Il résulte de ce qui précède que les arguments de la requérante avancés au soutien du grief tiré du défaut d’ajustement « pass through » doivent être rejetés.

231   Dans ces circonstances, le Tribunal constate qu’il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé de la thèse subsidiaire de la requérante selon laquelle même si l’on considère que les sociétés de distribution n’agissent pas comme intermédiaires, il convient encore de rechercher si une partie des opérations de distribution ne constitue pas des opérations intragroupes. En effet, il résulte de la réponse de la requérante à la question écrite du Tribunal que cet ajustement correspondant s’élève à 1 510 millions d’euros. Or, il ressort du dossier que même si tous les autres ajustements que propose la requérante étaient acceptés et que tous les « contre-ajustements » que propose Gas Natural étaient rejetés, ce montant ne suffirait pas pour que l’opération de concentration puisse avoir une dimension communautaire.

232   À la lumière de ces considérations, il y a lieu de rejeter la première branche du quatrième moyen.

233   L’ajustement « pass through » étant en tout cas nécessaire pour que la dimension communautaire de l’opération de concentration puisse être atteinte, il n’est pas non plus besoin d’examiner la deuxième branche du moyen relative aux échanges de gaz.

234   Il résulte de ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen tiré de la violation des critères énoncés dans la communication, de l’absence d’analyse et de motivation et du détournement de pouvoir

 Arguments des parties

235   Endesa considère que, pour les raisons mentionnées dans les deuxième, troisième et quatrième moyens d’annulation, ainsi qu’en raison des vices de procédure entachant la décision, cette dernière doit être annulée, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’appréciation manifestement erronée que la Commission fait des autres ajustements proposés. Elle indique que, étant donné sa demande tendant à ce que ce recours soit traité selon la procédure accélérée, elle se limite à faire valoir l’insuffisance de la motivation de la décision à cet égard.

236   Endesa critique l’approche adoptée par la Commission consistant à invoquer l’absence de base juridique spécifique dans la communication, pour rejeter plusieurs ajustements, et à examiner certains ajustements et pas d’autres.

237   S’agissant du premier point, la Commission méconnaîtrait encore le fait que la base juridique pour le calcul du chiffre d’affaires des entreprises concernées est l’article 5 du règlement et non la communication. Le fait de considérer comme admissibles uniquement les ajustements prévus dans celle-ci ou dans les termes qui y sont indiqués, sans se demander si ces ajustements sont conformes ou non au règlement, constituerait une erreur manifeste.

238   Quant au second point, Endesa estime que la Commission aurait dû expliquer selon quel critère elle a choisi les ajustements qui méritaient de faire l’objet d’une analyse et les ajustements pour lesquels une telle analyse pouvait ne pas être réalisée. La justification fournie au point 70 de la décision selon laquelle « la Commission considère […] qu’il n’est pas nécessaire de conclure sur ce point, dans la mesure où la concentration n’aurait pas de dimension communautaire, même si ces ajustements étaient acceptés » serait inacceptable, puisque la même justification aurait pu être donnée pour de nombreux autres ajustements beaucoup moins importants et qui ont pourtant été examinés.

239   Endesa invoque d’autres éléments qui, considérés dans leur ensemble, constitueraient des indices clairs et univoques d’un détournement de pouvoir. Il serait pour le moins singulier, par exemple, que la Commission n’évalue aucun des ajustements proposés par Gas Natural, à l’exception d’un seul, relatif aux « sociétés non consolidées » du groupe, qui joue, même si c’est de façon insignifiante, à son encontre. Il serait encore plus significatif de constater que la Commission a omis de mentionner dans la décision le cas d’une autre société non consolidée (Ergon Energía) qu’Endesa aurait mentionnée dans sa réponse à la demande d’informations de la Commission du 4 novembre 2005. Or, si l’on tenait compte de toutes les sociétés non consolidées, la balance pencherait en faveur de la dimension communautaire de l’opération. La motivation du point relatif aux revenus supplémentaires d’Endesa en Italie (points 60 à 64 de la décision) serait tout aussi surprenante, la Commission faisant allusion à deux postes mais ne se prononçant pas sur celui qui était économiquement le plus important.

240   Endesa soutient qu’une lecture attentive de la décision permet d’entrevoir que le seul objectif de la Commission a été de limiter les risques que la décision soit annulée par ce Tribunal, alors qu’il incombait à celle-ci de mettre en œuvre les règles en matière de compétence et, en particulier, d’exposer les raisons pour lesquelles elle rejetait les ajustements proposés.

241   Elle affirme que l’abandon, par la Commission, de ses responsabilités quant à la détermination de sa compétence constitue un détournement de pouvoir qui, en outre, viole les droits de la défense en l’absence de motivation suffisante, alors qu’elle a activement collaboré, tout au long de la procédure administrative, en apportant une série de données demandées par la Commission.

242   Le délai de 24 heures accordé à Endesa pour répondre à une demande d’informations envoyée 50 jours après le début de la procédure et qui allait être déterminante dans la motivation de la décision serait un indice supplémentaire d’un détournement de pouvoir et constituerait, en outre, une violation des droits de la défense.

243   Au vu des éléments susmentionnés et, en particulier de l’absence de justification du choix des ajustements examinés et de l’insuffisance de la motivation, et compte tenu de ses arguments relatifs aux deux griefs principaux (relatifs aux normes comptables, d’une part, et à l’ajustement « pass through » et à l’ajustement concernant les échanges de gaz, d’autre part), Endesa considère qu’il est inutile de développer ses arguments contestant l’évaluation des différents ajustements examinés aux points 37 à 72 de la décision.

244   La Commission, soutenue par les parties intervenantes, affirme que le présent moyen se compose d’arguments divers, qui se bornent pour l’essentiel à exprimer la surprise de la requérante devant certains aspects de la décision et dont l’unique objet semble être de faire en sorte que soient considérées comme contestées les appréciations des ajustements qui ne font pas l’objet d’une contestation expresse. La Commission soutient que cette critique n’est nullement étayée et ne renvoie à aucun passage précis de la décision. Partant, elle considère qu’il s’agit d’un moyen irrecevable parce qu’il ne satisfait pas aux conditions de formes prévues à l’article 44 du règlement de procédure. Elle ajoute que même si les erreurs alléguées étaient réelles, elles ne pourraient constituer la preuve d’un détournement de pouvoir.

 Appréciation du Tribunal

245   Dans le cadre de ce moyen, la requérante formule une série d’arguments hétérogènes relatifs aux autres ajustements rejetés dans la décision, aux ajustements sur lesquels la Commission ne s’est pas prononcée dans la décision, ou au délai de réponse à une demande d’information. Enfin, la requérante invoque un détournement de pouvoir.

246   S’agissant, en premier lieu, de l’examen des autres ajustements proposés et qui ont fait l’objet d’une analyse dans la décision, la requérante se borne à faire valoir que la Commission les a rejetés au seul motif qu’ils ne sont pas prévus dans la communication.

247   Certes, comme le rappelle la Commission, le Tribunal a déjà eu l’occasion d’indiquer qu’une procédure accélérée, dans laquelle il n’est pas procédé à un second tour de mémoires, suppose que les arguments de la requérante soient clairement et définitivement établis dès l’origine dans la requête (arrêt EDP/Commission, point 93 supra, point 183). Toutefois, en l’espèce, le grief est recevable dans la mesure où, même s’il est exposé très brièvement et peu étayé, il peut néanmoins être compris comme visant une erreur commise par la Commission en ce qu’elle aurait considéré comme admissibles uniquement les ajustements prévus dans la communication, sans vérifier si ces ajustements étaient conformes ou non aux prévisions du règlement.

248   Ce grief doit cependant être rejeté au fond. Il ressort en effet de l’examen de la décision que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a rejeté aucun des ajustements en cause au seul motif qu’il n’était pas explicitement prévu dans la communication.

249   Ainsi, le rejet des ajustements visés aux points 41 à 44 de la décision n’est pas fondé sur la communication mais sur la circonstance qu’il s’agit d’ajustements qui n’ont pas été audités ou qui n’étaient pas fondés (point 44 de la décision). Il n’est pas non plus fait référence à la communication à propos de l’ajustement analysé aux points 45 à 50 de la décision. Par ailleurs, le refus de l’ajustement examiné aux points 51 à 55 de la décision repose sur la considération selon laquelle il s’agit de coûts que les entreprises d’électricité doivent supporter pour rester actives sur le marché et la conclusion se réfère à l’article 5, paragraphe 1, du règlement. L’ajustement examiné aux points 56 et 57 de la décision est rejeté parce que, d’un point de vue comptable, le transfert d’actifs en question devait être considéré en soi comme un revenu, que les actifs transférés soient ou non en soi générateurs de revenus. En outre, la Commission a estimé que ce type de pratique était courant ou, du moins, non exceptionnel. La conclusion se réfère également à l’article 5, paragraphe 1, du règlement. La critique de la requérante n’est pas non plus fondée en ce qui concerne l’ajustement examiné aux points 58 et 59, dans lesquels il est indiqué qu’Endesa n’a pas démontré de façon suffisamment claire que les revenus en question concernaient réellement des années antérieures, ni en ce qui concerne l’ajustement examiné aux points 60 à 64 de la décision, qui est rejeté en vertu du principe de prudence et du règlement lui-même. Enfin, s’agissant de l’ajustement examiné aux points 65 à 68 de la décision, la conclusion se réfère également à l’article 5 du règlement.

250   Il s’ensuit que le grief de la requérante relatif aux autres ajustements rejetés dans la décision ne saurait être accueilli.

251   Il convient de relever par ailleurs que la requérante ne saurait se réserver la possibilité de soulever ultérieurement de nouveaux moyens ou arguments. Il y a dès lors lieu de considérer que la décision est définitive en ce qui concerne les autres ajustements proposés par Endesa et qui ont fait l’objet d’une analyse de la part de la Commission dans la décision.

252   S’agissant, en deuxième lieu, du grief relatif aux ajustements sur lesquels la Commission n’a pas pris position, la requérante soutient que la Commission aurait dû expliquer selon quel critère elle a choisi les ajustements qui méritaient de faire l’objet d’une analyse et les ajustements pour lesquels une telle analyse pouvait ne pas être réalisée. Elle estime que ce choix est complètement injustifié et a pour conséquence de priver la décision de fondement si le Tribunal accueille un des deux moyens principaux, ou les deux, relatifs, d’une part, aux normes comptables à utiliser et, d’autre part, à l’ajustement « pass through » et à l’ajustement concernant les échanges de gaz.

253   Ce grief ne saurait être accueilli. En effet, il est constant que même si l’ensemble des ajustements sur lesquels la Commission ne s’est pas prononcée étaient acceptés, la concentration ne serait pas de dimension communautaire, ceci ne pouvant intervenir que si, en outre, devaient être acceptés soit les comptes IFRS produits par la requérante, soit les deux ajustements concernant la répercussion et les échanges de gaz. La Commission ayant conclu dans la décision au rejet tant des comptes IFRS que des deux ajustements, il était dès lors inutile qu’elle examine le reste des ajustements proposés par Endesa.

254   La requérante ne saurait non plus reprocher un défaut de motivation à cet égard. En effet, le devoir de motivation, en particulier dans le cadre du contrôle des concentrations qui demande une adoption rapide des décisions, n’exige pas que la Commission prenne position sur des ajustements qui, même s’ils étaient acceptés, seraient dénués de conséquence, dans la mesure où il ressort déjà à suffisance de droit du rejet préalable d’autres ajustements que l’opération de concentration n’a pas de dimension communautaire.

255   Par identité de motif, doivent être rejetés les arguments tirés de ce que la Commission n’a évalué aucun des ajustements proposés par Gas Natural (à l’exception de celui jouant à l’encontre d’Endesa) ni ceux relatifs aux sociétés non consolidées, en particulier Ergon Energia. Au surplus, il convient d’observer que si la Commission a néanmoins accepté un des ajustements proposés par Gas Natural, c’est au motif que la requérante avait elle-même admis le bien-fondé de celui-ci. Enfin, le reproche de ne pas avoir examiné les ajustements proposés par Gas Natural est dénué de sens dès lors que ces « contre-ajustements » proposés par Gas Natural auraient pour effet d’augmenter la proportion du chiffre d’affaires que la requérante réalise en Espagne.

256   S’agissant, en troisième lieu, de l’affirmation de la requérante selon laquelle une lecture attentive de la décision permet d’entrevoir que le seul objectif de la Commission a été de limiter les risques que la décision ne soit annulée par le Tribunal, il suffit d’observer que l’on ne saurait reprocher à la Commission de s’assurer de la légalité de ses décisions afin qu’elles ne soient pas annulées par le Tribunal.

257   En ce qui concerne, en quatrième lieu, le grief tiré de ce qu’un délai de 24 heures seulement lui a été accordé pour répondre à une demande d’informations envoyée 50 jours après le début de la procédure et qui allait être déterminante dans la motivation de la décision, il suffit de constater que la requérante n’a pas demandé de prolongation du délai et a pu répondre dans le temps imparti.

258   Enfin, s’agissant, en cinquième lieu, du grief pris d’un détournement de pouvoir, il convient de rappeler qu’un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (arrêts de la Cour du 21 juin 1984, Lux/Cour des comptes, 69/83, Rec. p. 2447, point 30 ; du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, Rec. p. I‑4023, point 24 ; du 13 juillet 1995, Parlement/Commission, C‑156/93, Rec. p. I‑2019, point 31 ; du 14 mai 1998, Windpark Groothusen/Commission, C‑48/96 P, Rec. p. I‑2873, point 52, et du 22 novembre 2001, Pays-Bas/Conseil, C‑110/97, Rec. p. I‑8763, point 137). Aucun des vices ou erreurs allégués par la requérante, tant dans le cadre du présent moyen que dans les autres moyens du recours, en vue de démontrer l’existence d’un prétendu détournement de pouvoir, n’étant fondé, le grief doit être rejeté. En tout état de cause, à supposer même que les erreurs alléguées étaient réelles, elles ne pourraient constituer la preuve d’un détournement de pouvoir.

259   Par conséquent, le cinquième moyen doit être rejeté.

260   Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le recours comme non fondé.

 Sur les dépens

261   Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé et tant la Commission que les parties intervenantes ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens, il y a lieu de décider que la requérante supportera, outre ses propres dépens, ceux de la Commission et de Gas Natural, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

262   En application de l’article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Dès lors, le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et Gas Natural SDG, SA, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

3)      Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Jaeger Tiili Czúcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juillet 2006.

Le greffier             Le président

E. Coulon            M. Jaeger


Table des matières


Cadre juridique

Règlements relatifs au contrôle des concentrations

Réglementation sur la comptabilité des sociétés

Communication sur le calcul du chiffre d’affaires

Faits à l’origine du litige

Procédure

Conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré de vices de procédure

Sur la première branche, tirée de l’adoption des décisions sur les demandes de renvoi préalablement à la décision

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de transparence et de la violation des droits de la défense

– Argument des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la troisième branche, tirée de l’absence de suspension de la procédure nationale

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le deuxième moyen, tiré du renversement de la charge de la preuve et du défaut de motivation

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le troisième moyen, tiré du défaut d’utilisation des comptes établis conformément aux normes comptables IAS/IFRS

Sur la première branche, tirée du défaut d’utilisation des normes IAS/IFRS en tant que seules normes comptables en vigueur

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la deuxième branche, tirée de la prépondérance des normes comptables IAS/IFRS

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la troisième branche, tirée d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation affectant le rejet des comptes réconciliés

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le quatrième moyen relatif au rejet de l’ajustement « pass through » et de l’ajustement concernant les échanges de gaz

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le cinquième moyen tiré de la violation des critères énoncés dans la communication, de l’absence d’analyse et de motivation et du détournement de pouvoir

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’espagnol.

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