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Document 62005CJ0366

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 21 juin 2007.
Optimus - Telecomunicações SA contre Fazenda Pública.
Demande de décision préjudicielle: Supremo Tribunal Administrativo - Portugal.
Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux - Directive 69/335/CEE, telle que modifiée par la directive 85/303/CEE - Article 7, paragraphe 1 - Droit d'apport - Exonération - Conditions - Situation au 1er juillet 1984.
Affaire C-366/05.

Recueil de jurisprudence 2007 I-04985

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2007:366

Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Parties

Dans l’affaire C‑366/05,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Supremo Tribunal Administrativo (Portugal), par décision du 6 juillet 2005, parvenue à la Cour le 29 septembre 2005, dans la procédure

Optimus – Telecomunicações SA

contre

Fazenda Pública,

en présence de:

Ministério Público,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. E. Juhász (rapporteur), M me R. Silva de Lapuerta, MM. G. Arestis et T. von Danwitz, juges,

avocat général: M me E. Sharpston,

greffier: M me M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 octobre 2006,

considérant les observations présentées:

– pour Optimus – Telecomunicações SA, par M es J. Vieira Peres et C. Botelho Moniz, advogados,

– pour le gouvernement portugais, par MM. L. Fernandes et S. Vasques ainsi que M me A. Ferreira, en qualité d’agents,

– pour la Commission des Communautés européennes, par M. R. Lyal et M me M. Afonso, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 janvier 2007,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 249, p. 25), telle que modifiée par la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985 (JO L 156, p. 23, ci‑après la «directive 69/335»).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Optimus – Telecomunicações SA (ci‑après «Optimus») aux autorités fiscales portugaises, au sujet du paiement d’une imposition appelée «droit de timbre» réclamé en raison d’une augmentation de capital social réalisée en numéraire.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3. Conformément à son premier considérant, la directive 69/335 tend à promouvoir la libre circulation des capitaux, considérée comme liberté fondamentale essentielle à la création d’un marché intérieur. Dans ce but, ainsi qu’il ressort de ses sixième à huitième considérants, cette directive vise à harmoniser le droit auquel sont soumis les apports à des sociétés dans la Communauté économique européenne par l’instauration d’un droit unique sur les rassemblements de capitaux ne pouvant être appliqué qu’une seule fois au sein du marché commun et par la suppression de tous les autres impôts indirects présentant les mêmes caractéristiques que ce droit unique.

4. À cet effet, les articles 1 er à 9 de la directive 69/335 prévoient la perception d’un droit harmonisé sur les apports à des sociétés de capitaux, dénommé «droit d’apport».

5. L’article 4, paragraphe 1, de cette directive contient une liste d’opérations que les États membres doivent soumettre au droit d’apport. Sur cette liste figure, sous c), «l’augmentation du capital social d’une société de capitaux au moyen de l’apport de biens de toute nature». Ce même article 4 contient, au paragraphe 2, une liste d’opérations que les États membres peuvent soumettre au droit d’apport. Les États membres avaient également la faculté, conformément à l’article 7, paragraphe 4, de la directive 69/335 dans sa version initiale, d’appliquer aux opérations relevant de l’article 4, paragraphe 2, un taux réduit du droit d’apport.

6. Les taux du droit d’apport sont fixés à l’article 7 de la directive 69/335. Cet article de la directive 69/335 dans sa version initiale prévoyait, à son paragraphe 1, sous a), que le taux du droit d’apport «ne peut dépasser 2 % ni être inférieur à 1 %» et, sous b), que «ce taux est réduit de 50 % ou plus lorsqu’une ou plusieurs sociétés de capitaux apportent la totalité de leur patrimoine, ou une ou plusieurs branches de leur activité, à une ou plusieurs sociétés de capitaux en voie de création ou préexistantes». Dans ce dernier cas, il s’agit d’opérations de concentration d’entreprises et la réduction du taux du droit d’apport est subordonnée à certaines conditions.

7. L’article 8 de la directive 69/335 offre la faculté aux États membres d’exonérer totalement ou partiellement du droit d’apport les opérations visées à l’article 4, paragraphes 1 et 2, concernant les sociétés de capitaux qui fournissent des services d’utilité publique, à la condition que l’État ou d’autres collectivités territoriales possèdent au moins la moitié du capital social, et les sociétés de capitaux qui poursuivent des objectifs culturels, de bienfaisance, d’assistance ou d’éducation.

8. L’article 9 de la directive 69/335 contient une clause d’exception générale, suivant laquelle «[c]ertaines catégories d’opérations ou de sociétés de capitaux peuvent faire l’objet d’exonérations, de réductions ou de majorations de taux pour des motifs d’équité fiscale ou d’ordre social, ou pour mettre un État membre en mesure de faire face à des situations particulières».

9. Enfin, l’article 10 de la directive 69/335 dispose:

«En dehors du droit d’apport, les États membres ne perçoivent, en ce qui concerne les sociétés, associations ou personnes morales poursuivant des buts lucratifs, aucune imposition, sous quelque forme que ce soit:

a) pour les opérations visées à l’article 4;

[…]

c) pour l’immatriculation ou pour toute autre formalité préalable à l’exercice d’une activité, à laquelle une société, association ou personne morale poursuivant des buts lucratifs peut être soumise en raison de sa forme juridique.»

10. La directive 73/79/CEE du Conseil, du 9 avril 1973 (JO L 103, p. 13), a étendu le champ d’application des taux réduits du droit d’apport. Elle a inséré un point b) bis à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335 dans sa version initiale, laissant aux États membres la possibilité de réserver le même traitement que pour les opérations de concentration d’entreprises, à savoir réduire de 50 % ou plus le taux du droit d’apport, «lorsqu’une société de capitaux en voie de création ou préexistante obtient des parts représentant au moins 75 % du capital social antérieurement émis d’une autre société de capitaux». Cette réduction du taux du droit d’apport ou cette exonération dudit droit était subordonnée à certaines conditions.

11. La directive 73/80/CEE du Conseil, du 9 avril 1973, concernant la fixation des taux communs du droit d’apport (JO L 103, p. 15), a introduit, à compter du 1 er janvier 1976, une diminution générale des taux du droit d’apport. Ainsi le taux plein a été fixé à 1 % et les États membres avaient la faculté de fixer les taux réduits prévus à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et b) bis, de la directive 69/335, telle que modifiée par la directive 73/79, de 0 % à 0,50 %.

12. En dernier lieu, la directive 85/303 a apporté certaines modifications substantielles à la directive 69/335. La directive 85/303 est basée sur la constatation que le droit d’apport comporte des effets économiques défavorables au regroupement et au développement des entreprises particulièrement sensibles dans la conjoncture de l’époque, qui nécessitait la relance des investissements. Les troisième, quatrième et cinquième considérants de cette directive énoncent:

«considérant que la meilleure solution pour atteindre ces objectifs consisterait à supprimer le droit d’apport; que les pertes de recettes qui résulteraient d’une telle mesure apparaissent toutefois inacceptables pour certains États membres; qu’il s’impose dès lors de laisser aux États membres la possibilité d’exonérer ou de soumettre au droit d’apport tout ou partie des opérations entrant dans le champ d’application de ce droit, […]

considérant qu’il convient d’exonérer obligatoirement les opérations actuellement assujetties au taux réduit du droit d’apport;

considérant que, au 1 er juillet 1984, il n’existait pas de droit d’apport en Grèce; que, pour cette raison, il convient de prévoir la faculté d’introduire un tel droit dans ce pays ainsi que celle d’en exonérer certaines opérations».

13. Conformément à l’article 1 er de la directive 85/303, les modifications apportées à la directive 69/335 sont les suivantes:

«à l’article 4, paragraphe 2:

– la phrase introductive est remplacée par le texte suivant:

‘2. Peuvent continuer à être soumises au droit d’apport les opérations suivantes, dans la mesure où elles étaient taxées au taux de 1 % à la date du 1 er juillet 1984’,

– l’alinéa suivant est ajouté à la fin:

‘Toutefois, la République hellénique détermine celles des opérations énumérées ci‑dessus qu’elle soumet au droit d’apport.’;

2) l’article 7 est remplacé par le texte suivant:

‘ Article 7

1. Les États membres exonèrent du droit d’apport les opérations, autres que celles visées à l’article 9, qui étaient exonérées ou taxées à un taux égal ou inférieur à 0,50 % à la date du 1 er juillet 1984.

L’exonération est soumise aux conditions qui étaient applicables à cette date, pour l’octroi de l’exonération ou, le cas échéant, pour l’imposition à un taux égal ou inférieur à 0,50 %.

La République hellénique détermine les opérations qu’elle exonère du droit d’apport.

2. Les États membres peuvent, soit exonérer du droit d’apport toutes les opérations autres que celles visées au paragraphe 1, soit les soumettre à un taux unique ne dépassant pas 1 %.

[…]’

3) à l’article 8, la phrase introductive est remplacée par le texte suivant:

‘Sous réserve de l’article 7, paragraphe 1, les États membres peuvent exonérer du droit d’apport les opérations visées à l’article 4, paragraphes 1 et 2, concernant: […]’»

14. Le délai de transposition de la directive 85/303 était fixé au 1 er janvier 1986.

La réglementation nationale

15. Il ressort du dossier soumis à la Cour que la réglementation de la République portugaise concernant la taxation des sociétés de capitaux (tarif général relatif au droit de timbre, annexé au code sur le droit de timbre), telle que modifiée par le décret-loi n° 257/81, du 1 er septembre 1981, soumettait les opérations de renforcement ou d’augmentation du capital des sociétés de capitaux à une taxe, appelée «droit de timbre», équivalant à 1 % du montant en cause.

16. Le décret-loi n° 154/84, du 16 mai 1984, entré en vigueur le 21 mai 1984, a introduit une dérogation en faveur des opérations d’augmentation du capital social effectuées en numéraire, en prévoyant leur exonération du droit de timbre.

17. En dernier lieu, le décret-loi n° 322-B/2001, du 14 décembre 2001, entré en vigueur le 1 er janvier 2002, a réintroduit la taxation généralisée des opérations d’augmentation du capital des sociétés de capitaux par apport de biens de toute nature, à hauteur de 0,40 % de la valeur réelle nette des biens apportés ou à apporter par les associés.

18. La République portugaise a adhéré aux Communautés européennes le 1 er janvier 1986.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

19. Optimus, dont le siège est établi au Portugal, a procédé à une augmentation de 100 000 000 d’euros de son capital social, réalisée entièrement en numéraire. Lors de l’établissement, le 12 novembre 2002, de l’acte notarié consignant cette augmentation de capital, cette société a dû payer un droit de timbre de 0,40 %, soit 400 000 euros, conformément au décret-loi n° 322-B/2001.

20. Optimus a attaqué devant le Tribunal Tributário de Primeira Instância do Porto (tribunal fiscal de première instance de Porto), auquel a succédé le Tribunal administrativo e fiscal do Porto (tribunal administratif et fiscal de Porto), l’acte de liquidation du droit de timbre en question, faisant valoir, en substance, que celui‑ci était contraire aux dispositions de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335. En effet, l’obligation prévue à cette disposition empêcherait la République portugaise d’imposer, en application du décret-loi n° 322-B/2001, l’augmentation du capital social en cause, puisque, au 1 er juillet 1984, date de référence fixée à la disposition communautaire considérée, la réglementation portugaise exonérait du droit de timbre les opérations d’augmentation du capital des sociétés commerciales réalisées en numéraire.

21. Le Tribunal administrativo e fiscal do Porto a rejeté le recours, au motif que l’obligation prévue à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335 ne s’applique pas aux opérations visées à l’article 4, paragraphe 1, de cette directive, mais uniquement aux opérations visées aux articles 4, paragraphe 2, et 8 de celle‑ci. Saisi d’un recours formé par Optimus contre cette décision, le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) L’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335 […] dans la rédaction que lui a donnée la directive 85/303 […], doit-il être interprété restrictivement, en ce sens qu’il exige, comme condition à l’obligation qui est imposée aux États membres dans cet article d’exonérer certaines opérations de rassemblement de capitaux, qu’il s’agisse d’opérations qui, aux termes de la directive antérieure à 1985, pouvaient être exonérées ou taxées à un taux réduit, c’est‑à‑dire seulement celles visées aux articles 4, paragraphe 2, et 8, – et qui, en outre, étaient dans cette situation au 1 er juillet 1984?

2) L’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335 […] dans la rédaction que lui a donnée la directive 85/303 […], et l’article 10 de cette même directive doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils interdisent l’application d’un droit de timbre exigé par une norme nationale telle que le décret-loi n° 322 B/2001 du 14 décembre 2001, qui intègre le n° 26 – apports en capital – au tarif général relatif au droit de timbre, à une société anonyme soumise au droit portugais, en raison de la réalisation d’une augmentation de son capital social par des apports en numéraire alors même que, au 1 er juillet 1984, une telle opération relevait de ce droit, mais en était exonérée?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

22. Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335 doit être interprété en ce sens que l’exonération obligatoire y prévue concerne uniquement les opérations relevant des articles 4, paragraphe 2, et 8 de cette directive, et dans la mesure où ces opérations étaient exonérées ou taxées à un taux réduit inférieur ou égal à 0,50 % à la date du 1 er juillet 1984.

23. Le gouvernement portugais, suivi par la Commission des Communautés européennes, fait valoir à cet égard que l’article 4 de la directive 69/335, dans sa version initiale, distinguait entre les opérations relevant de son paragraphe 1, qui étaient obligatoirement soumises au droit d’apport, et celles relevant de son paragraphe 2, qui ne l’étaient que facultativement. Ainsi, l’obligation d’exonération prévue à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335, tel que modifié par la directive 85/303, ne vaudrait que pour les opérations qui, avant l’entrée en vigueur de cette dernière directive, pouvaient bénéficier d’une exonération ou d’une taxation à un taux inférieur, à savoir les opérations relevant de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 69/335.

24. Optimus soutient en revanche que, dorénavant, par suite des modifications apportées par la directive 85/303, l’objectif principal de la directive 69/335 est l’élimination du droit d’apport, et non simplement l’harmonisation des régimes nationaux. Ainsi, à la lumière de cet objectif et du principe de la libre circulation des capitaux, ledit article 7, paragraphe 1, devrait faire l’objet d’une interprétation large, en ce sens que l’obligation d’exonération y prévue vaudrait également pour les opérations relevant de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 69/335 qui, comme celle en cause au principal, étaient exonérées du droit d’apport au 1 er juillet 1984. Cette interprétation ressortirait en outre du libellé dudit article 7, paragraphe 1, qui établirait à cet égard une obligation claire et inconditionnelle dans le chef des États membres.

25. Aux fins de répondre à cette question de la juridiction de renvoi, il convient de tenir compte, quant à l’interprétation et à l’application de la directive 69/335, de la situation particulière d’un État, telle la République portugaise, qui est devenu membre des Communautés européennes avec effet au 1 er janvier 1986.

26. Il découle, en premier lieu, de cette constatation que la directive 69/335 n’était pas applicable dans cet État avant cette date. Toute mesure en matière d’imposition ou d’exonération des opérations relevant de la notion de rassemblements de capitaux était prise dans l’ordre juridique portugais, avant la date susvisée, sur la base du seul droit national.

27. En second lieu, il en résulte que, aux fins de l’interprétation et de l’application de la directive 69/335 en ce qui concerne la République portugaise, une interprétation historique des objectifs de cette directive ne saurait influencer l’interprétation de celle‑ci telle qu’en vigueur après l’adhésion de cet État. Dans cette mesure, les raisons budgétaires qui ont empêché certains États membres, avant le 1 er janvier 1986, de consentir à l’élimination du droit d’apport ne sauraient être invoquées dans le cas de la République portugaise.

28. Il convient de constater ensuite que la date de prise d’effet de l’adhésion de la République portugaise aux Communautés, à savoir le 1 er janvier 1986, coïncide avec la date ultime fixée pour la transposition des modifications substantielles apportées à la directive 69/335 par la directive 85/303. Par ailleurs, aucune disposition de l’acte relatif aux conditions d’adhésion du Royaume d’Espagne et de la République portugaise et aux adaptations des traités (JO 1985, L 302, p. 23), ni d’aucun autre acte ne fixe, pour ce dernier État, un délai de transposition différent de la directive 85/303. Par conséquent, la seule version de la directive 69/335 valable pour la République portugaise est celle établie par la directive 85/303.

29. Cette constatation est corroborée par le fait que les articles 4, paragraphe 2, et 7, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 69/335 comportent des dérogations en faveur de la République hellénique quant à l’application de cette directive. Or, de telles dérogations ne sont pas prévues pour la République portugaise.

30. L’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 69/335 comporte l’obligation claire et inconditionnelle, pour les États membres, d’exonérer du droit d’apport les opérations qui, au 1 er juillet 1984, étaient exonérées ou taxées à un taux égal ou inférieur à 0,50 %. Cette obligation, dont le sens est dépourvu d’ambiguïté, lie également la République portugaise à compter du 1 er janvier 1986.

31. Cette interprétation correspond non seulement à la lettre claire dudit article 7, paragraphe 1, mais également à l’esprit et à l’objectif premier de la directive 69/335, qui, comme le fait pertinemment observer M me l’avocat général au point 59 de ses conclusions, tend à limiter autant que possible les effets du droit d’apport sur la libre circulation des capitaux (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2006, Senior Engineering Investments, C‑494/03, Rec. p. I‑525, point 43).

32. Il y a lieu de relever, enfin, que la date du 1 er juillet 1984, qui est prise comme date de référence en vertu dudit article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335, est également valable pour la République portugaise. En effet, en cas d’adhésion, un renvoi à une date prévue dans le droit communautaire, en l’absence d’une disposition contraire dans l’acte d’adhésion ou dans un autre acte communautaire, vaut également pour l’État adhérent, même si cette date est antérieure à celle de cette adhésion. Or, en ce qui concerne la République portugaise, il n’y a à cet égard aucune prévision différente ni dans l’acte d’adhésion ni dans un autre acte. Une telle prévision aurait pourtant été possible, comme le démontrent les dispositions dérogatoires en faveur de la République hellénique.

33. Il résulte de ce qui précède que, dans le cas d’un État, telle la République portugaise, qui a adhéré aux Communautés européennes avec effet au 1 er janvier 1986, en l’absence de dispositions dérogatoires dans l’acte d’adhésion de cet État ou dans un autre acte communautaire, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335 doit être interprété en ce sens que l’exonération obligatoire y prévue vaut pour toutes les opérations relevant du champ d’application de cette directive qui, au 1 er juillet 1984, étaient exonérées, dans ledit État, du droit d’apport ou qui étaient soumises à ce droit à un taux réduit inférieur ou égal à 0,50 %.

Sur la seconde question

34. Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande en substance si, dans le cas d’un État, telle la République portugaise, qui a adhéré aux Communautés avec effet au 1 er janvier 1986, les articles 7, paragraphe 1, et 10 de la directive 69/335 doivent être interprétés en ce sens qu’ils interdisent l’introduction, après le 1 er janvier 1986, d’un droit de timbre sur une opération d’augmentation de capital social relevant du champ d’application de cette directive qui, au 1 er juillet 1984, était exonérée dudit droit en vertu du droit national.

35. Il est constant que, au 1 er juillet 1984, une augmentation de capital social réalisée en numéraire était, conformément au droit portugais, exonérée du droit de timbre normalement exigé pour les augmentations de capital social réalisées par d’autres moyens.

36. Le gouvernement portugais fait toutefois valoir que ledit droit de timbre ne constituait pas le seul instrument d’imposition des opérations de rassemblement de capitaux existant à cette époque dans le système juridique portugais. Ces opérations auraient, en effet, été également soumises de manière cumulative à des frais d’enregistrement et à des frais de notariat. Les premiers de ces frais, à savoir ceux exigés pour l’inscription de l’acte relatif à l’opération en cause au registre du commerce, constitueraient une taxation progressive dont le taux aurait varié de 1 % pour les opérations ne dépassant pas 200 000 PTE à 0,30 % pour celles dont le montant excédait 10 000 000 PTE. Les frais de notariat présenteraient le même caractère progressif.

37. Ainsi, conformément à l’argumentation du gouvernement portugais, les frais d’enregistrement et les frais de notariat, par leur effet cumulé, représentaient, au 1 er juillet 1984, une charge équivalente à 0,60 % des montants concernés et excédaient donc la limite de 0,50 % prévue à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335. Par conséquent, étant donné que, conformément à la jurisprudence de la Cour, ces frais constituaient des impositions ayant les mêmes caractéristiques que le droit d’apport, les autorités portugaises auraient pu réintroduire, après le 1 er janvier 1986, un droit de timbre équivalent au droit d’apport.

38. Cette argumentation ne saurait être accueillie.

39. Il convient de rappeler à cet égard que, comme il ressort de ses deuxième, sixième, septième et huitième considérants, la directive 69/335 a, depuis sa version initiale, comme objectif l’instauration, à la place du droit d’apport et du droit de timbre en vigueur dans les États membres, d’un droit unique et harmonisé sur les opérations de rassemblement de capitaux au sein du marché commun ainsi que la suppression de tous les autres impôts indirects présentant les mêmes caractéristiques que le droit d’apport ou le droit de timbre.

40. Cette distinction nette entre le droit d’apport, appliqué à des taux harmonisés, et les autres impositions présentant les mêmes caractéristiques que ce droit, qui sont prohibées, est explicitée sans équivoque dans les dispositions de la directive 69/335 depuis son adoption. Ainsi, l’article 4 de celle‑ci énumère les opérations qui doivent ou peuvent être soumises au droit d’apport et son article 10 interdit aux États membres de percevoir, en dehors du droit d’apport, quelque autre imposition sur ces opérations, sous quelque forme que ce soit.

41. La distinction en question a été clairement observée lors de toutes les étapes de l’évolution législative de la directive 69/335. Ainsi, la directive 73/79 a étendu le champ d’application des taux réduits du droit d’apport, la directive 73/80 a comporté une diminution générale des taux de ce droit et la directive 85/303 dénote une nette tendance à étendre l’exonération du droit d’apport au plus grand nombre possible d’opérations qui entrent dans le champ d’application dudit droit. En revanche, cette évolution législative n’a en rien modifié l’objectif initial consistant en la suppression et l’interdiction totale de toute autre imposition ayant les mêmes caractéristiques que le droit d’apport.

42. Il convient de relever en outre que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335 est consacré uniquement à la réglementation concernant l’application du droit d’apport ou du droit de timbre, à l’exclusion de l’application d’impositions autres que ces droits. Partant, lorsque cette disposition se réfère aux opérations «qui étaient exonérées ou taxées à un taux égal ou inférieur à 0,50 % à la date du 1 er juillet 1984», elle vise les opérations qui, à cette date, étaient exonérées du droit d’apport ou du droit de timbre ou soumises à ces droits à un taux inférieur à 0,50 %.

43. En l’occurrence, il est constant que les frais d’enregistrement et les frais de notariat auxquels se réfère le gouvernement portugais ne constituent pas un droit d’apport ni un droit de timbre, mais un autre type d’imposition.

44. Il y a lieu de souligner à cet égard que, dans l’arrêt du 21 juin 2001, SONAE (C‑206/99, Rec. p. I‑4679), et dans l’ordonnance du 24 janvier 2002, SONAE Turismo (C‑45/00, non publiée au Recueil), la Cour a jugé que les émoluments exigés au Portugal pour l’inscription à un registre national du commerce d’une augmentation du capital social d’une société de capitaux relevant de la directive 69/335 constituaient une imposition au sens de cette directive et que, dans cette mesure, ils étaient prohibés en vertu de l’article 10, sous c), de celle‑ci. Dans les arrêts du 29 septembre 1999, Modelo (C‑56/98, Rec. p. I‑6427), et du 21 septembre 2000, Modelo (C‑19/99, Rec. p. I‑7213), la Cour est parvenue à la même conclusion concernant des émoluments exigés au Portugal pour l’établissement d’un acte notarié constatant une augmentation du capital d’une société relevant de la directive 69/335.

45. Il serait donc contraire au libellé de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335 ainsi qu’à l’objectif de celle‑ci de réintroduire dans l’ordre juridique portugais, après le 1 er janvier 1986, un droit de timbre sur les augmentations du capital social de sociétés de capitaux, au sens de la directive 69/335, effectuées en numéraire, dès lors qu’un tel droit ne grevait pas ces opérations au 1 er juillet 1984, en invoquant, en tant que justification de cette réintroduction, le fait que, dans cet État membre, à cette dernière date, lesdites opérations donnaient lieu à la perception d’émoluments qui ont été considérés par la Cour comme prohibés en vertu de la directive 69/335.

46. Il résulte, dès lors, de ce qui précède que, dans le cas d’un État, telle la République portugaise, qui a adhéré aux Communautés européennes avec effet au 1 er janvier 1986, les articles 7, paragraphe 1, et 10 de la directive 69/335 interdisent l’introduction après le 1 er janvier 1986 d’un droit de timbre sur une opération d’augmentation de capital social relevant du champ d’application de cette directive qui, au 1 er juillet 1984, était exonérée dudit droit en vertu du droit national.

Sur les dépens

47. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Dispositif

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

1) Dans le cas d’un État, telle la République portugaise, qui a adhéré aux Communautés européennes avec effet au 1 er janvier 1986, en l’absence de dispositions dérogatoires dans l’acte d’adhésion de cet État ou dans un autre acte communautaire, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, telle que modifiée par la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985, doit être interprété en ce sens que l’exonération obligatoire y prévue vaut pour toutes les opérations relevant du champ d’application de la directive 69/335 qui, au 1 er juillet 1984, étaient exonérées, dans ledit État, du droit d’apport ou qui étaient soumises à ce droit à un taux réduit inférieur ou égal à 0,50 %.

2) Dans le cas d’un État, telle la République portugaise, qui a adhéré aux Communautés européennes avec effet au 1 er janvier 1986, les articles 7, paragraphe 1, et 10 de la directive 69/335, telle que modifiée par la directive 85/303, interdisent l’introduction après le 1 er janvier 1986 d’un droit de timbre sur une opération d’augmentation de capital social relevant du champ d’application de la directive 69/335 qui, au 1 er juillet 1984, était exonérée dudit droit en vertu du droit national.

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