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Document 62005CC0259

Conclusions de l'avocat général Mengozzi présentées le 15 février 2007.
Procédure pénale contre Omni Metal Service.
Demande de décision préjudicielle: Rechtbank te Rotterdam - Pays-Bas.
Règlement (CEE) nº 259/93 - Déchets - Câbles composés de cuivre et de PVC - Exportation vers la Chine à des fins de valorisation - Code GC 020 - Déchet mixte - Combinaison de deux substances figurant dans la liste verte de déchets - Non-inclusion de ce déchet mixte dans ladite liste - Conséquences.
Affaire C-259/05.

Recueil de jurisprudence 2007 I-04945

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2007:100

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 15 février 2007 (1)

Affaire C‑259/05

Ministère public

contre

Omni Metal Service

[demande de décision préjudicielle formée par le Rechtbank te Rotterdam (Pays‑Bas)]

«Transport de déchets – Règlement (CEE) n° 259/93 – Débris de câbles composés de différentes substances de la liste verte – Possibilité de les transporter sans recourir à la notification ou nécessité de les transporter séparément»





I –    Introduction

1.        La Cour est appelée à se prononcer dans la présente procédure sur l’interprétation du règlement (CEE) n° 259/93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l’entrée et à la sortie de la Communauté européenne (2), et qui a aujourd’hui été abrogé par le règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006, concernant les transferts de déchets (JO L 190, p. 1), à propos de certaines catégories de déchets figurant à son annexe II. En particulier, le juge de renvoi demande à la Cour de préciser s’il existe des obligations de notification en cas d’exportation à des fins de valorisation de déchets consistant dans une combinaison de deux substances différentes, qui n’est pas mentionnée en tant que telle à l’annexe II du règlement n° 259/93, mais dont les composants y figurent à titre individuel.

II – Cadre juridique

 Le droit communautaire applicable

2.        Le règlement n° 259/93 en cause a été adopté afin d’instituer un système de surveillance et de contrôle des transferts de déchets à l’intérieur ainsi qu’à l’entrée et à la sortie de la Communauté, en ce qui concerne à la fois les États membres de la Communauté et les États tiers, en vue de préserver, de protéger et d’améliorer la qualité de l’environnement, notamment en raison des engagements pris par la Communauté dans le cadre de la convention sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination, signée à Bâle le 22 mars 1989 (ci‑après la «convention de Bâle») et de la décision [du Conseil de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)] du 30 mars 1992 (3) (ci-après la «décision de l’OCDE»).

3.        Les considérants du règlement n° 259/93 qui sont pertinents pour le présent cas d’espèce sont les suivants:

«considérant que la Communauté a signé la convention de Bâle, du 22 mars 1989, sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination;

[...]

considérant que la Communauté a approuvé la décision du Conseil de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), du 30 mars 1992, sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets destinés à des opérations de valorisation;

[...]

considérant qu’il est important d’organiser la surveillance et le contrôle des transferts de déchets de manière à tenir compte de la nécessité de préserver, de protéger et d’améliorer la qualité de l’environnement;

[...]

considérant qu’il est nécessaire d’appliquer des procédures différentes en fonction du type de déchets et de leur destination, selon notamment qu’ils sont destinés à être éliminés ou valorisés;

[...]

considérant que les exportations de déchets destinés à être valorisés vers des pays auxquels ne s’applique pas la décision de l’OCDE doivent être soumises à des conditions prévoyant une gestion écologiquement saine des déchets;

[...]

considérant que les transferts de déchets destinés à être valorisés et figurant sur la liste verte de la décision de l’OCDE sont généralement exclus des procédures de contrôle du présent règlement puisque ces déchets ne devraient normalement pas présenter de risques pour l’environnement s’ils sont valorisés selon les règles de l’art dans le pays de destination;

[...]»

4.        Les procédures mises en place par le règlement n° 259/93 pour les transferts intracommunautaires de déchets ainsi qu’à l’entrée et à la sortie de la Communauté se différencient essentiellement sur la base de trois critères, à savoir le type de déchets, leur destination à des fins de récupération ou d’élimination selon la classification de ces opérations établie par la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (4), et leur pays de destination. En général et sans préjudice de certaines exceptions dont fait partie le transport de déchets de la liste verte, une notification préalable est exigée pour tous les types de transferts.

5.        S’agissant du premier critère, le règlement n° 259/93 comporte une classification des déchets en trois listes, à savoir la «liste verte de déchets» (annexe II), «la liste orange de déchets» (annexe III) et la «liste rouge de déchets» (annexe IV) (ci-après, respectivement, la «liste verte», la «liste orange», la «liste rouge»).

6.        Le quatorzième considérant du règlement n° 259/93 précise que les substances figurant sur la liste verte ne présentent pas de risques pour l’environnement si elles sont valorisées selon les règles de l’art et leur transfert est donc généralement exempté de notification obligatoire si elles sont destinées à être valorisées dans un autre État membre.

7.        L’article 1er du règlement n° 259/93 dispose:

«[...]

3. a)  Les transferts de déchets destinés uniquement à être valorisés et figurant à l’annexe II sont également exclus des dispositions du présent règlement, à l’exception des dispositions des points b), c), d) et e) ci-après, de l’article 11 et de l’article 17 paragraphes 1, 2 et 3;

b)       ces déchets sont soumis à toutes les dispositions de la directive 75/442/CEE. [...]

[…]»

8.        En ce qui concerne les transferts de déchets de la liste verte, qui sont destinés à être valorisés en Chine et qui ne sont pas soumis à la décision de l’OCDE, il découle de l’annexe D du règlement (CE) n° 1547/1999, de la Commission, du 12 juillet 1999 (5), déterminant les procédures de contrôle à appliquer, conformément au règlement n° 259/93 du Conseil, aux transferts de certains types de déchets vers certains pays non soumis à la décision C(92) 39 final de l’OCDE, dans sa version en vigueur au moment des faits au principal, que la notification préalable n’est pas exigée par cet État pour le transport de certaines catégories de «déchets verts», dont font partie les substances relevant des codes GA 120 7404 00, GC 020 et de la section GH, mais qu’une inspection de la part de la China National Import and Export Commodities Inspection Corporation (CCIC) est nécessaire avant le transfert.

9.        Rappelons à propos des classifications des déchets que chaque liste est subdivisée en sections énumérées par ordre alphabétique (comme ladite section GH qui comprend les déchets de matière plastique sous forme solide), qui sont elles-mêmes subdivisées en sous-sections plus spécifiques par ordre numérique (6).

10.      Il y a lieu de citer, en ce qui concerne les déchets en cause au principal, les codes GA 120 7404 00 («Déchets et débris de cuivre»), GH 013 (ex 3915 30) («Polymères du chlorure de vinyle»), la section GC («Autres déchets contenant des métaux»), et ses codes GC 010 («Déchets issus d’assemblages électriques consistant uniquement en métaux ou alliages») et GC 020 [Débris d’équipements électroniques (tels que circuits imprimés, composants électroniques, fils de câblage, etc.), ainsi que les composants électroniques récupérés dont il est possible d’extraire des métaux communs et précieux»].

11.      Le préambule de la liste verte, inséré par la décision 94/721/CE de la Commission, du 21 octobre 1984, portant adaptation, conformément à l’article 42, paragraphe 3, des annexes II, III et IV du règlement n° 259/93 (7), prévoit:

«Indépendamment de leur inclusion dans cette liste, les déchets ne peuvent être déplacés en tant que déchets sujets aux contrôles de niveau vert s’ils sont contaminés par d’autres matières dans une mesure a) qui accroît les risques associés avec les déchets de manière suffisante à justifier leur inclusion dans la liste orange ou rouge, ou b) qui empêche que ces déchets puissent être valorisés de manière écologiquement rationnelle.»

12.      S’agissant des déchets qui ne sont compris dans aucune des listes visées aux annexes II, III et IV du règlement n° 259/93, l’article 17, paragraphe 8 de ce règlement, dispose:

«Lorsque des déchets destinés à être valorisés figurant aux annexes III et IV et des déchets destinés à être valorisés qui n’ont pas encore été inscrits aux annexes II, III ou IV sont exportés vers des pays ou transitent par des pays auxquels la décision de l’OCDE ne s’applique pas:

–        l’article 15, à l’exception du paragraphe 3, s’applique mutatis mutandis,

–        des objections motivées ne peuvent être soulevées que conformément à l’article 7 paragraphe 4,

sauf dispositions contraires prévues par les accords bilatéraux ou multilatéraux conclus conformément à l’article 16 paragraphe 1 point b) et sur la base de la procédure de contrôle prévue soit aux paragraphes 4 ou 6 du présent article, soit à l’article 15.»

13.      L’article 15 du règlement n° 259/93 prévoit une procédure de notification et une autorisation préalable applicable aux déchets de la liste rouge.

14.      Rappelons enfin que, en vertu de l’article 26 dudit règlement:

«1.       Constitue un trafic illégal tout transfert de déchets:

a)       effectué sans que la notification ait été adressée à toutes les autorités compétentes concernées conformément au présent règlement

ou

b)       effectué sans le consentement des autorités compétentes concernées conformément au présent règlement

[...]

2.       Si le trafic illégal est le fait du notifiant des déchets, l’autorité compétente d’expédition veille à ce que les déchets en question:

a)       soient ramenés dans l’État d’expédition par le notifiant ou, le cas échéant, par l’autorité compétente elle-même ou si cela est impossible

b)       soient éliminés ou valorisés d’une autre manière, selon des méthodes écologiquement saines, dans un délai de trente jours à compter du moment où l’autorité compétente a été informée du trafic illégal ou dans tout autre délai dont les autorités compétentes concernées pourraient convenir.

Dans ce cas, une nouvelle notification doit être faite. Aucun État membre d’expédition ni aucun État membre de transit ne s’oppose à la réintroduction de ces déchets à la demande dûment motivée de l’autorité compétente de destination, assortie d’une explication du motif.»

III – Circonstances de fait et demande préjudicielle

15.      Il ressort de la décision de renvoi que, au mois de mars 2004, Omni Metal Service (ci-après «OMS»), société établie en France, a cédé un lot de débris de câbles à une entreprise chinoise faisant partie d’un groupe australien de sociétés spécialisées dans le recyclage des métaux.

16.      OMS a transféré les déchets en cause par voie maritime, au départ de Bilbao (Espagne), à destination de la République populaire de Chine en transitant par les Pays-Bas. Ce transfert avait préalablement été autorisé par les autorités chinoises à la suite d’une inspection de la CCIC, alors que le transit n’avait pas fait l’objet d’une notification aux autorités compétentes néerlandaises.

17.      À la suite d’une inspection par les autorités douanières néerlandaises, il s’est avéré que les câbles transportés, classés dans les documents de suivi comme étant des câbles «électriques», étaient composés d’un noyau en cuivre entouré d’une gaine de PVC et présentant des diamètres variables pouvant aller jusqu’à 15 cm. Les autorités néerlandaises considérant que cette composition de PVC et de cuivre ne relevait d’aucune des rubriques visées aux annexes II, III et IV du règlement n° 259/93, en particulier de la liste verte, elles ont réexpédié le lot de déchets en question en Espagne, à savoir l’État d’expédition, en faisant valoir que le transfert avait été réalisé en méconnaissance des procédures de notification et d’autorisation prévues par ledit règlement et qu’il constituait donc un cas de trafic illégal de déchets au sens de l’article 26 de celui‑ci.

18.      Une procédure pénale a, dans le même temps, été engagée à charge d’OMS, à laquelle il est reproché d’avoir effectué un transfert de déchets sans notification préalable aux autorités compétentes de l’État de transit, au sens de l’article 15 du règlement n° 259/93 .

19.      Dans sa décision de renvoi, le Rechtbank te Rotterdam affirme que le ministère public a prétendu que les déchets en cause ne correspondaient pas au code GC 020 de la liste verte, parce qu’il s’agissait, selon lui, non pas de câbles et/ou de fils ménagers, mais de câbles (souterrains) ayant un important diamètre.

20.      Toujours selon le ministère public, ne figurant pas comme telle sur la liste verte, la combinaison de PVC et de cuivre en question ne pouvait pas être considérée comme en faisant partie, puisque, compte tenu des objectifs du règlement n° 259/93 et du fait que la procédure applicable au transfert de substances «vertes» constitue une exception par rapport au régime de contrôle institué par ce dernier, une interprétation restrictive et une application limitée de cette liste s’imposent. À l’appui de cette thèse, le ministère public a invoqué l’arrêt Beside et Besselsen (8) dans lequel, d’après lui, la Cour aurait affirmé que la procédure prévue pour le transfert de déchets visés à l’annexe II du même règlement peut uniquement être appliquée en présence de «substances vertes opportunément différenciées» ou de combinaisons de substances «vertes» qui, si elles ne sont pas séparées, figurent sous une forme associée dans la liste verte.

21.      Conformément à l’article 17, paragraphe 8, du règlement n° 259/93, il faudrait donc appliquer par analogie l’article 15 de celui‑ci à un transfert de déchets à destination de la Chine, pays extérieur à l’OCDE, qui consistent en une combinaison de substances «vertes», qui n’ont pas été séparées et qui ne figurent de façon combinée sur aucune des listes dudit règlement. Ainsi, le ministère public estime que ledit transfert aurait dû être notifié aux autorités compétentes néerlandaises.

22.      OMS s’est opposée à cette thèse en soutenant que les câbles en cause font partie du code GC 020, puisque c’est la composition des câbles qui est l’élément déterminant aux fins de cette classification, leur provenance ou leur diamètre ne devant pas être déterminants. Dans la mesure où ils sont composés de PVC et de cuivre, ces câbles seraient assimilables aux débris d’équipements électroniques visés au code GC 020, dont les câbles et/ou les fils présenteraient en général la même composition.

23.      À titre subsidiaire, OMS a soutenu qu’une combinaison de deux substances figurant sur la liste verte doit, en toute hypothèse, être soumise à la procédure qui y est visée, même si ces substances n’apparaissent pas sur la liste sous une forme combinée. Cette interprétation serait confirmée par la pratique suivie dans la majeure partie des États membres, au nombre desquels figure le Royaume d’Espagne qui se trouve être l’État d’expédition, ainsi qu’en République populaire de Chine, qui est l’État de destination.

24.      Ayant des doutes sur l’interprétation des dispositions applicables du règlement n° 259/93, le Rechtbank te Rotterdam a décidé de surseoir à stater et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)       Des débris de câbles tels que ceux dont il s’agit en l’espèce (ayant en partie un diamètre de 15 cm) peuvent-ils être qualifiés de ‘débris d’équipements électroniques, tels que fils de câblage, etc.’ au sens du code GC 020 de la liste verte?

2)       En cas de réponse négative à la première question, une combinaison de substances mentionnées dans la liste verte, qui ne figure pas comme telle dans ladite liste, peut-elle ou doit-elle être considérée comme une substance figurant sur la liste verte et peut-elle être transportée aux fins de sa valorisation sans que la procédure de notification soit appliquée?

3)       Est‑il à cet égard nécessaire que ces déchets soient offerts ou transportés séparément?»

25.      OMS, les gouvernements néerlandais et portugais, ainsi que la Commission des Communautés européennes ont déposé des observations en vertu de l’article 23 du statut de la Cour de justice. OMS, le gouvernement néerlandais et la Commission ont comparu à l’audience.

IV – L’analyse juridique

A –    Sur la première question

26.      En posant sa première question, le juge de renvoi souhaite savoir en substance si des câbles composés de PVC et de cuivre et ayant des diamètres différents peuvent être qualifiés en vertu du code GC 020 de débris d’équipements électroniques ainsi qu’être transportés sans notification préalable en tant que déchets de la liste verte.

27.      OMS soutient, à cet égard, que le code GC 020 n’est pas une liste exhaustive, mais constitue une catégorie résiduelle dont l’élément déterminant aux fins de la classification des déchets comme étant des «débris d’équipements électroniques» réside dans leur composition sans que, dans le cas de câbles et de fils, leur provenance domestique ou urbaine ou leurs dimensions, en particulier en termes de diamètre et de longueur, ne revêtent la moindre importance. Le règlement n° 259/93 en cause visant à préserver l’environnement, pour que les câbles puissent relever de cette catégorie, il suffirait que les substances dont ils sont composés n’aient pas subi de contaminations susceptibles d’entraîner dans leur processus de valorisation des risques pour la santé humaine et la protection de l’environnement. Dès lors, les câbles en question, composés comme la majeure partie des câbles et des fils électroniques de cuivre ainsi que de PVC qui ne sont pas contaminés par d’autres substances, devraient être considérés comme assimilables à des débris d’équipements électroniques et pouvoir être transférés sans notification préalable obligatoire.

28.      À l’appui de cette interprétation extensive du code GC 020, OMS invoque la directive 2002/96/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 2003 (9), relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) – Déclaration conjointe du Parlement européen, du Conseil et de la Commission relative à l’Article 9, qui prévoit un régime commun de gestion des déchets d’équipements électriques et électroniques, dans la mesure où l’élimination ou la valorisation des deux types d’équipements ne présente pas de risques différenciés pour l’environnement en raison de leur composition identique.

29.      De son côté, le gouvernement néerlandais considère que l’objectif poursuivi par le règlement n° 259/93, tel qu’il est énoncé dans ses premier à cinquième et huitième considérants et confirmé par la Cour dans son arrêt Parlement/Conseil (10), à savoir celui d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé humaine, impose, d’une part, une application limitée de la procédure simplifiée prévue pour le transfert aux fins de valorisation des déchets mentionnés sur la liste verte, dans la mesure où elle déroge au régime ordinaire de contrôle institué par le règlement n° 259/93, et, d’autre part, une interprétation restrictive des catégories de déchets qui y sont énumérés.

30.      En vertu de cette interprétation restrictive, l’élément déterminant pour faire relever des déchets du code GC 020 serait donc leur «provenance» qu’il faut comprendre comme étant l’«appartenance aux équipements électroniques» qui devraient nécessairement se distinguer des équipements électriques auxquels se réfère, en revanche, expressément le code GC 010.

31.      Dès lors, étant donné que les déchets en cause étaient qualifiés dans les documents de suivi du transport de câbles électriques et qu’il faut entendre par là des «câbles souterrains pour le transport d’électricité», le gouvernement néerlandais conclut que ces derniers ne peuvent pas relever du code GC 020 de la liste verte.

32.      À notre avis et comme l’a fait observer la Commission lors de l’audience, une analyse sémantique du code GC 020 révèle que les termes «débris» et «composants» ont une simple valeur descriptive et donc non absolue pour le classement des déchets. Il ne saurait être considéré non plus que la composition générique des déchets en cause au principal (en l’occurrence du cuivre et du PVC, dont sont composés en grande partie les câbles et/ou les fils), qui n’est pas évoquée dans le texte de ce code, soit déterminante pour leur classement au sens du code GC 020, et il en va de même de leur éventuelle origine «domestique ou urbaine».

33.      Le seul élément qui s’avère déterminant pour qualifier des déchets au sens du code en question est leur nature. Le code GC 020 comprend en effet les débris d’équipements électroniques parmi lesquels les câbles et les fils sont cités à titre de simple exemple. L’élément qui est donc décisif aux fins de la qualification est le caractère «électronique» des déchets, c’est-à-dire qu’ils fassent partie ou aient fait partie d’équipements électroniques, indépendamment de la composition, des dimensions ou de la provenance domestique ou urbaine de ceux-ci.

34.      Cette interprétation est corroborée, d’une part, par l’uniformité des versions linguistiques en ce qui concerne le terme «électronique» et, d’autre part, par la lecture systématique de la section GC («Autres déchets contenant des métaux») dont fait partie le code GC 020. En effet, c’est le code GC 010, dont l’application semble dépendre de façon déterminante de la provenance des déchets d’assemblages électriques et de leur composition («consistant uniquement en métaux ou alliages»), est la première rubrique de cette section GC. Le code suivant, à savoir le code GC 020, qui est en cause et dont la portée restreinte est déterminée par le fait qu’elle comprend uniquement les déchets de provenance électronique dont il est possible «d’extraire des métaux communs et précieux», s’y oppose.

35.      Il s’ensuit que tous les fils ou câbles qui, comme nous l’avons déjà indiqué, sont uniquement énumérés à titre de simple exemple ne relèvent pas du code GC 020, mais en relèvent uniquement ceux qui font ou ont fait partie d’appareils pouvant être qualifiés d’électroniques.

36.      En ce qui concerne par ailleurs la directive 2002/96, s’il est vrai qu’elle institue un régime commun de traitement des déchets d’équipements tant électroniques qu’électriques, circonstance qui inciterait à considérer qu’une distinction entre ces catégories de déchets en vue d’une classification au sens de la liste verte est dépourvue de pertinence, certaines considérations doivent néanmoins être formulées à cet égard.

37.      Il faut rappeler, en premier lieu, que cette directive présente une importance limitée dans la présente affaire, étant donné que son délai de transposition n’était pas encore arrivé à échéance lorsque les faits du litige au principal se sont produits.

38.      En deuxième lieu, des raisons tant d’ordre chronologique que de base juridique et de champ d’application autonomes s’opposent à l’argumentation défendue par OMS. En particulier, il est hasardeux de vouloir interpréter de façon automatique des dispositions du règlement n° 259/93 en cause à la lumière d’un acte ultérieur, surtout d’une directive adoptée neuf années plus tard. De plus, s’agissant de son champ d’application, ladite directive n’affecte pas l’application de ce règlement.

39.      Enfin, la distinction entre assemblages électriques et équipements électroniques, qui sont visés sous les codes GC 010 et GC 020 du règlement n° 259/93, se retrouve dans le règlement n° 1013/2006  (11) qui remplace le premier règlement et a été adopté quatre années après la directive 2002/96.

40.      À la lumière des considérations qui précèdent, nous estimons que la distinction entre les catégories de déchets opérée sur la base du critère de leur «provenance» électronique ou électrique demeure pertinente, notamment au regard du régime institué par la directive 2002/96.

41.      L’ensemble de ces éléments étant précisés, il incombera au juge de renvoi de déterminer, s’agissant d’une circonstance de fait dont la vérification ne relève pas des compétences de la Cour, la «provenance» des câbles en question issus d’équipements électroniques, aspect sur lequel les parties se sont d’ailleurs opposées lors de l’audience, pour les inclure éventuellement sous le code GC 020 du règlement n° 259/93, de sorte que leur transfert serait soumis à la procédure simplifiée prévue par la liste verte.

B –    Sur les deuxième et troisième questions

42.      Nous passons maintenant à l’analyse conjointe de la deuxième et de la troisième questions par lesquelles le juge de renvoi demande en substance à la Cour de préciser si une combinaison de substances figurant sur la liste verte, qui n’y est pas visée en tant que telle, doit ou peut être considérée comme en faisant partie et si, pour ce faire, il est nécessaire que les deux éléments formant cette combinaison soient offerts ou transportés séparément.

43.      Cette précision est importante, parce que c’est en se fondant sur elle que peut être déterminé le régime de contrôle applicable à leur transfert, qui est prévu dans le règlement n° 259/93. Dans l’hypothèse où les combinaisons de substances de la liste verte font partie de celle‑ci, il peut alors être considéré que, en vertu de l’annexe D du règlement n° 1547/1999, leur transfert ne devait pas être notifié à la République populaire de Chine. En revanche, si l’on exclut que les combinaisons de substances «vertes» relèvent de la liste verte, parce qu’elles ne se retrouvent dans aucune des annexes dudit règlement, il faut conclure qu’il aurait fallu les soumettre au régime de notification préalable fixé pour les transferts de substances énumérées dans la liste rouge (article 15 du règlement n° 259/93).

44.      Se référant de nouveau aux objectifs de protection de l’environnement et de la santé humaine poursuivis par ledit règlement, le gouvernement néerlandais défend, à propos des deuxième et troisième questions, une interprétation restrictive de la liste verte, qui est corroborée par différents arguments. En premier lieu, cette liste inclurait différents types de déchets consistant en une combinaison de deux substances «vertes», ce qui laisserait supposer qu’elle présente un caractère exhaustif et impératif. Le gouvernement néerlandais souligne en second lieu, que l’inscription d’une substance sur la liste verte résulte d’une appréciation préliminaire des risques liés à la récupération de cette substance envisagée séparément, ce qui porte à exclure de cette liste les substances sous une forme combinée qui n’y figurent pas, dans la mesure où elles n’ont fait l’objet d’aucune pondération en termes de risques possibles liés à leur récupération.

45.      Le gouvernement néerlandais soutient enfin que, dans le cas de la combinaison de plusieurs substances «vertes», il pourrait exister un risque accentué pour l’environnement dans l’hypothèse où une seule des substances était récupérée tandis que l’autre serait éliminée. L’éventualité d’un tel risque dans cette hypothèse porterait sans aucun doute à exclure ces combinaisons du régime prévu pour la liste verte. D’après le gouvernement néerlandais, c’est ce qui se produirait dans l’affaire au principal, dans la mesure où, selon lui, le cuivre dont sont généralement composés les câbles électriques serait récupéré en Chine par l’incinération incontrôlée du PVC.

46.      Cette interprétation restrictive de la liste verte est partagée par le gouvernement portugais.

47.      OMS est, en revanche, d’avis qu’une combinaison de deux substances de la liste verte destinée à être récupérée ne présente pas en soi de risques pour l’environnement autres que ceux liés aux différents matériaux formant cette combinaison s’ils sont considérés séparément, de sorte que ce type de déchets fait partie de la liste verte. Cette interprétation serait confortée, comme nous l’avons fait observer précédemment, par la pratique suivie dans différents États membres ainsi qu’en Chine, pays destinataire du transfert en cause.

48.      La thèse précitée serait, par ailleurs, corroborée par la décision de l’OCDE du 21 mai 2002 (12), d’après laquelle le régime de la liste verte s’applique notamment aux «substances vertes» combinées entre elles si leur forme composée n’en n’altère pas la valorisation rationnelle d’un point de vue écologique. OMS considère que cette décision représente un important instrument de lecture du régime institué par le règlement n° 259/93, bien qu’elle ne soit pas directement applicable à l’affaire au principal, étant donné que la République populaire de Chine ne fait pas partie de cette organisation.

49.      De son côté, bien qu’elle partage l’approche extensive défendue par OMS à propos de l’interprétation de la liste verte, la Commission estime néanmoins que l’on ne peut pas appliquer automatiquement la règle en vertu de laquelle les transferts de combinaisons de substances de la liste verte sont exemptés de notification obligatoire. L’appréciation des risques liés à la valorisation de deux substances vertes combinées entre elles devrait en revanche être effectuée au cas par cas. Dans l’hypothèse qui nous occupe ici et compte tenu des risques liés à la valorisation du PVC, on ne pourrait pas admettre que les câbles en question soient inclus dans la liste verte, de sorte qu’il faudrait exclure pour ce type de déchets les procédures applicables au transport des substances qui toutefois y sont inscrites.

50.      Nous estimons, même si l’énumération contenue dans la liste verte semble à première vue être exhaustive et impérative quant aux hypothèses dans lesquelles les procédures de contrôle des transferts des déchets codifiées par le règlement n° 259/93 sont exclues, que différents éléments s’opposent à une telle lecture restrictive de la liste en cause au principal.

51.      En premier lieu, s’il est vrai que les déchets relevant de la liste verte représentent une catégorie particulière qui sort du champ d’application dudit règlement, comme le prévoit l’article 1er, paragraphe 3, de celui-ci, et que, n’étant généralement pas dangereux, ils sont soustraits au régime de contrôle institué par la législation en cause au principal, nous n’estimons cependant pas qu’il faut déduire de ces circonstances que la liste présente un caractère impératif et exhaustif, dans la mesure où une telle lecture serait à notre avis contraire tant aux objectifs poursuivis par le règlement n° 259/93 qu’à la formulation du préambule de la liste verte.

52.      En effet, ce préambule, qui est important non seulement en raison de sa formulation mais aussi de la signification qu’il revêt pour définir les objectifs du règlement, prévoit à cet égard que, «indépendamment de leur inclusion» dans la liste verte, les déchets ne peuvent pas être transférés comme faisant partie de cette liste «s’ils sont contaminés par d’autres matières» de telle façon que les risques qui y sont associés augmentent au point de les assimiler à des déchets appartenant à la liste orange ou rouge ou lorsque leur valorisation correcte devient impossible en raison de cette contamination.

53.      En deuxième lieu, le caractère ouvert du préambule de la liste verte, qui résulte ainsi de l’indication d’une possibilité d’exclure du régime de celle-ci les déchets qui y figurent ou non (13), n’est pas un élément isolé. En effet, il se retrouve dans des expressions contenues dans différentes rubriques de la liste verte, comme «comprenant, mais non limités aux», «autres», «[a]utres [...] par exemple [...]». Ces formulations impliquent elles aussi que, même si elles ne sont pas expressément mentionnées dans la liste verte, des substances peuvent être jugées en faire partie si elles ne peuvent être ramenées à certaines rubriques spécifiques de déchets «verts».

54.      En troisième lieu et certainement pas en dernier lieu, la Cour a eu l’occasion de se prononcer sur la portée du préambule de la liste verte dans son arrêt Beside et Besselsen, précité, dans lequel elle a affirmé que les termes «déchets municipaux/ménagers» visés sous le code AD 160 de la liste orange du règlement n° 259/93, dans sa version résultant de la décision 94/721, incluent, d’une part, des déchets qui se composent principalement de déchets, visés à la liste verte dudit règlement, mélangés à d’autres catégories de déchets figurant dans cette liste, et que, d’autre part, les «déchets municipaux/ménagers» ne perdent pas leur caractère de «déchets orange», et, par conséquent, ne relèvent de la liste verte que s’ils ont été collectés séparément ou s’ils ont été convenablement triés.

55.      Au point 34 de l’arrêt Beside et Besselsen, précité, la Cour a affirmé que «les termes ‘déchets municipaux/ménagers’, visés sous le code AD 160 de la liste orange figurant à l’annexe III du règlement, dans sa version résultant de la décision 94/721, incluent, d’une part, des déchets qui se composent principalement de déchets, visés à la liste verte figurant à l’annexe II dudit règlement, mélangés à d’autres catégories de déchets, figurant dans cette liste, et, d’autre part, des déchets, visés à la liste verte, mélangés à une faible quantité de matières qui n’y figurent pas». Nous ne pensons pas que l’on puisse invoquer ce point dudit l’arrêt de la façon dont l’ont fait le ministère public dans le litige qui a donné lieu au renvoi préjudiciel et le gouvernement néerlandais dans la présente procédure, en soutenant que, dans l’économie générale du règlement n° 259/93, le régime fixé pour les déchets de la liste verte revêt un caractère exceptionnel et que, dès lors, la liste verte doit être entendue dans un sens restrictif.

56.      Pour comprendre correctement cette affirmation, il faudrait, en effet, tenir compte avant tout de la question à laquelle la Cour a entendu répondre aux points 32 à 34 de l’arrêt Beside et Besselsen, précité et considérer sa position exposée audit point 34 au regard de l’ensemble du raisonnement dans lequel elle s’inscrit.

57.      S’agissant du premier point, on ne peut pas négliger le fait que, comme la Cour l’a elle-même fait observer au point 21 dudit arrêt, elle avait été invitée à se prononcer à propos de déchets génériquement mélangés à d’autres déchets sous une forme que nous appellerons conventionnellement «contamination externe» et donc pas à propos d’un mélange pouvant être qualifié de «mélange intrinsèque», comme l’est celui qui fait l’objet de l’affaire au principal.

58.      Si, comme nous l’avons vu, la Cour a affirmé dans l’arrêt Beside et Besselsen, précité, qu’il était nécessaire que les déchets en cause soient correctement séparés pour pouvoir être qualifiés de déchets relevant de la liste verte, elle l’a fait parce que le litige au fond concernait une «contamination» par des matières externes, à savoir un cas dans lequel plusieurs substances pouvant être qualifiées de «vertes» et d’autres ne relevant pas de cette catégorie étaient entrées en contact entre elles lors du transfert, rendant impossible leur classification correcte. Une séparation appropriée et une sélection étaient donc nécessaires pour pouvoir les identifier et les qualifier de déchets verts afin d’éviter que, parmi les substances classées comme appartenant à la liste verte, ne se cachent en réalité des déchets dont la récupération ne soit pas exempte de risques pour l’environnement.

59.      En l’espèce, nous sommes en revanche confrontés à une forme d’une combinaison de déchets pouvant être qualifiée de mélange intrinsèque, c’est-à-dire une union de substances dont la séparation, qu’elle soit réalisée par incinération du PVC ou séparation mécanique de celui-ci du cuivre, constitue déjà une première phase de valorisation au sens de la directive 75/442 (14). Il s’ensuit que ni le transporteur ni le producteur des déchets n’auraient pu effectuer de sélection pour séparer les substances en cause.

60.      Il n’est donc pas possible d’étendre le critère du «tri convenable et de la correcte collecte séparée» qui a été énoncé par la Cour dans le cas d’une contamination dite «externe» de déchets au présent cas d’espèce qui porte sur un «mélange intrinsèque» de deux substances distinctes.

61.      S’agissant du contexte dans lequel la Cour a fait la déclaration contenue au point 34 de l’arrêt Beside et Besselsen, précité, il faut observer que, si pour arriver à cette déclaration, elle a certes déclaré au point 32 du même arrêt que les «déchets municipaux/ménagers» ne perdent pas leur caractère de «déchets orange» et, par conséquent, ne relèvent de la liste verte que s’ils ont été collectés séparément ou s’ils ont été convenablement triés, elle l’a cependant fait en se fondant sur une motivation expresse figurant au point suivantqui, à bien y regarder, contient le critère qu’il faut appliquer en la matière d’après la Cour. Le point 33 précise que, «en effet, ainsi qu’il ressort de l’introduction de la liste verte de déchets, indépendamment de leur inclusion dans cette liste, les déchets ne peuvent être déplacés en tant que déchets sujets aux contrôles de niveau vert s’ils sont contaminés par d’autres matières dans une mesure: a) qui accroît les risques associés aux déchets de manière suffisante à justifier leur inclusion dans la liste orange ou rouge, ou b) qui empêche que ces déchets puissent être valorisés de manière écologiquement rationnelle». Le critère que la Cour a ainsi suivi est avant tout un critère qui, s’il peut porter facilement à exclure de la liste verte un mélange générique ou en vrac, est destiné à avoir certainement moins d’incidence en ce qui concerne les mélanges intrinsèques. De plus et surtout, il s’agit d’un critère qui pousse à exclure sans équivoque que, d’après la Cour, la liste verte présente un caractère exceptionnel ou doit en tout cas être interprétée restrictivement de manière à considérer de façon exhaustive et générale que seules bénéficient du régime qu’elle prévoit les combinaisons de substances de déchets «verts» qu’elle vise spécifiquement. La seule chose que l’on puisse en déduire est qu’une combinaison d’éléments inclus dans la liste verte doit être appréciée au cas par cas en tenant compte des circonstances en cause concrètement.

62.      Ces considérations nous induisent à conclure que le législateur communautaire n’a pas entendu exclure que le régime visé par la liste verte s’applique non seulement aux contaminations externes de substances vertes par d’autres matériaux mais aussi aux contaminations dites «intrinsèques» entre substances vertes pour autant que, du fait de la contamination, les risques associés à la valorisation de ces substances dans le pays de destination n’augmentent pas.

63.      Telle est la situation, confirmée par l’avis de l’avocat général Jacobs qui, au point 33 de ses conclusions dans l’arrêt Beside et Besselsen, précité, a) à l’égard de l’avis de ceux qui estiment que les déchets verts relevant d’une catégorie générale ne peuvent pas être mélangés à des déchets qui font partie d’une autre catégorie générale pour bénéficier de l’exemption de notification obligatoire, a précisé que cette opinion ne peut toutefois pas s’appliquer à un «mélange intrinsèque» et b) a qualifié de mélange intrinsèque un déchet comme celui constitué d’une bouteille en verre portant une étiquette en papier, auquel peut certainement être assimilé le cas, comme celui en cause en l’espèce, de câbles composés d’un noyau en cuivre recouvert d’une gaine en PVC (15).

64.      L’interprétation exposée dans les présentes conclusions est corroborée, selon nous, non seulement par l’économie générale et les finalités de la liste verte, mais aussi par les objectifs généraux sous-jacents au régime communautaire en matière de transport de déchets.

65.      Rappelons en effet que, comme le précise expressément le quatorzième considérant du règlement n° 259/93, la liste verte vise à soustraire aux procédures normales de contrôle les transferts de substances qui sont destinées à être valorisées et dont le traitement ne présente pas de risques pour l’environnement et la santé humaine. Cet objectif s’inscrit dans la perspective, d’une part, de concentrer le travail des autorités compétentes sur les transferts de déchets comportant un risque concret pour l’environnement, en évitant une surcharge de notifications qui ne sont pas jugées indispensables, et, d’autre part, de promouvoir le «commerce» de la valorisation par la simplification des procédures prévues pour le transport de déchets destinés à subir ce type de traitement.

66.      Il serait disproportionné par rapport à ces finalités de considérer que deux substances qui, en soi, ne présentent pas de risques pour l’environnement liés à leur valorisation a) ne bénéficient pas du régime visé par la liste verte au seul motif que ces substances prennent la forme d’un mélange intrinsèque même si, compte tenu de leur forme combinée, leur valorisation écologiquement rationnelle n’est en aucun cas compromise et b) sont soumises, en toute hypothèse et en dépit de l’absence de risques, au régime de contrôle plus rigoureux prévu pour les transferts de substances jugées dangereuses (comme celles énumérées dans la liste rouge).

67.      De plus, l’approche restrictive exposée au point précédent est exclue à la lumière des finalités mêmes du règlement n° 259/93.

68.      En effet, s’il est vrai que, de façon générale, le règlement n° 259/93 vise à instituer un régime harmonisé des procédures de contrôle pour limiter les mouvements de déchets en vue de garantir la protection des ressources naturelles, il faut néanmoins observer que l’ensemble du régime de contrôle est fondé sur la distinction fondamentale entre les opérations d’«élimination» ou de «récupération» auxquelles ils sont destinés.

69.      Alors que, dans l’optique de la protection de l’environnement, ledit règlement tend à limiter, au travers des procédures de contrôle, les mouvements transfrontaliers de déchets destinés à être éliminés en application des principes «d’autosuffisance et de proximité», l’application de ces principes est exclue dans le cas de déchets qui sont uniquement destinés à être valorisés (16). Dans cette dernière hypothèse, le législateur communautaire a en revanche prévu un régime de libre circulation en vue d’en promouvoir la valorisation, à la seule condition que le transport n’entraîne pas de risques pour l’environnement, en laissant à l’opérateur économique la possibilité d’effectuer le traitement de ces types de déchets dans le pays et auprès des entreprises proposant les conditions économiques les plus avantageuses.

70.      Il s’ensuit que, à la lumière des objectifs précités de simplification des procédures administratives et de promotion de la réintroduction des déchets dans le circuit économique productif, on ne peut que considérer que les combinaisons de substances qui figurent à titre individuel dans la liste verte sont soumises au régime qu’elle institue, même si elles ne sont pas mentionnées sous une forme combinée et tant que les conditions prévues aux points a) et b) du préambule de la liste sont respectées.

71.      En particulier, nous estimons que les transferts de formes combinées de déchets sont soumis au régime institué par la liste verte si certaines conditions sont remplies, en particulier a) s’il s’agit d’une combinaison de deux substances appartenant à la liste verte, b) si ce type de déchets combinés est destiné à être valorisé en application de la directive 75/442 et c) si la forme combinée de substances en cause n’entraîne pas leur contamination d’une façon telle qu’elle accroît les risques pour l’environnement liés à leur valorisation par rapport à l’hypothèse dans laquelle elles seraient traitées séparément.

72.      Il s’ensuit que, dans le présent cas d’espèce, il faut, en premier lieu, vérifier que les câbles en cause sont destinés à être récupérés dans le pays de destination, en s’assurant en particulier que la première phase de traitement auquel ils seront soumis relève des opérations de «valorisation» d’après le classement figurant à l’annexe B de la directive 75/442 (17). En particulier, en supposant, par exemple, que le premier traitement que subiront les câbles en question consiste en la séparation du noyau de cuivre de la gaine de PVC, il devra s’effectuer conformément à l’une des opérations visées à l’annexe B de ladite directive pour pouvoir être qualifié de «valorisation».

73.      En deuxième lieu, il est nécessaire de déterminer si, compte tenu de la forme combinée, il est néanmoins possible de valoriser d’une façon écologiquement rationnelle les deux substances composant les câbles et s’il n’existe pas pour l’environnement de risques plus importants que ceux liés à la valorisation du cuivre et du PVC considérés séparément.

74.      Rappelons, par ailleurs, à l’appui de l’interprétation précitée de la liste verte que non seulement dans l’ordre juridique espagnol, à savoir celui du pays d’expédition des déchets, mais aussi dans celui du pays de transit, à savoir les Pays-Bas, les déchets composés de combinaisons de substances figurant sur la liste verte, mais qui n’y sont pas inclus sous leur forme composée, ont été considérés comme appartenant à la liste verte, du moins dans des décisions juridictionnelles. C’est ce que révèlent, dans le cas du Royaume d’Espagne les observations écrites présentées par OMS et, dans celui du Royaume des Pays-Bas, la référence que fait la décision de renvoi du Rechtbank te Rotterdam à l’arrêt rendu le 11 mai 2005 par le Raad van State.

75.      Nous considérons par ailleurs que cette interprétation de la liste verte ne peut être démentie, comme le soutient en revanche le gouvernement néerlandais, par le fait qu’elle mentionne expressément des combinaisons formées de déchets qui y figurent séparément, comme les «pneumatiques usagés» sous le code GK 020, ou les «appareils photographiques jetables après usage, sans piles» sous le code GO 050. Il s’agit, selon nous, de combinaisons classiques de déchets à propos desquelles on peut considérer que le législateur communautaire a entendu simplement s’exprimer directement pour des raisons d’opportunité et à titre de simple exemple.

76.      De la même façon, les observations que nous avons formulées aux points 70 et suivants des présentes conclusions ne sont pas affectées par le fait que le règlement n° 259/93 en cause a été remplacé récemment par le règlement n° 1013/2006 qui réglemente spécifiquement les transferts de ce qu’il convient de qualifier de mélanges composés de déchets énumérés séparément dans la liste verte, mais qui n’y figurent pas sous leur forme combinée, en prévoyant que le régime de la liste verte s’applique uniquement aux seuls mélanges qui sont non seulement composés de deux substances «vertes», mais relèvent aussi d’une annexe spécifique (III A) qui pourra être mise à jour sur proposition des États membres, par application de la procédure dite de «comitologie». Cette modification du système est, en effet, clairement justifiée par l’exigence de mettre en balance la protection de l’environnement et la sécurité juridique, qui peut certainement être mieux garantie en passant d’un système basé sur des jugements formulés au cas par cas à un système fondé sur des règles détaillées et susceptibles d’une application précise.

77.      Toutefois, le fait que, avant cette évolution législative, le régime applicable présentait les caractéristiques que nous avons soulignées dans les présentes conclusions a pour effet que le nouveau régime prévu par la réglementation récente en matière de transport de déchets ne peut pas être invoqué dans le cadre de l’application de l’ancien, et ce, en particulier, conformément au principe romain nulla pœna sine lege, étant donné que le régime en question, comme le démontrent concrètement les faits au principal, est appelé à s’appliquer de façon combinée avec un système de sanctions de nature pénale.

V –    Conclusions

78.      À la lumière des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre comme suit aux questions posées par le Rechtbank te Rotterdam:

«1)       Des débris de câbles relèvent du code GC 020 de la liste verte des déchets (annexe II) du règlement (CEE) n° 259/93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l’entrée et à la sortie de la Communauté européenne, tel que modifié par le règlement (CE) n° 2557/2001 de la Commission, du 28 décembre 2001, s’ils font ou ont fait partie d’équipements électroniques.

2)       Une combinaison de substances de ladite liste verte du règlement n° 259/93, tel que modifié par le règlement n° 2557/2001, qui n’y figure pas en tant que telle, peut être jugée y être incluse et être soumise au régime de transfert y afférent si le transport est effectué à des fins de valorisation de ce déchet dans le pays de destination et que les conditions visées aux points a) et b) du préambule de la liste verte sont respectées.

3)       Dans le cas de combinaisons de plusieurs substances de la même liste verte du règlement n° 259/93, tel que modifié par le règlement n° 2557/2001, il n’est pas nécessaire qu’elles soient transportées ou offertes séparément pour que le régime visé à la liste verte s’applique à leur transfert.»


1 – Langue originale: l’italien.


2 – JO L 30, p. 1. Règlement tel que modifié par le règlement (CE) n° 2557/2001 de la Commission, du 28 décembre 2001 (JO L 349, p. 1, ci‑après le «règlement n° 259/93»).


3 – Décision C(92) 39 final sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets destinés à des opérations de valorisation.


4 – JO L 194, p. 39. Directive dans sa version applicable au présent cas d’espèce, telle que modifiée par la décision 96/350/CE de la Commission, du 24 mai 1996 (JO L 135, p. 32), et qui est aujourd’hui consolidée par la directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, relative aux déchets (JO L 114, p. 9).


5 – Règlement, JO L 185, p. 1.


6 – Rappelons en outre que la lettre G des catégories précitées en révèle l’appartenance à la liste verte visée à l’annexe II du règlement n° 259/93.


7 – JO L 288, p. 36.


8 – Arrêt du 25 juin 1998 (C-192/96, Rec. p. I-4029).


9 – JO L 37, p. 24. Directive telle que modifiée par la directive 2003/108/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 décembre 2003 (JO L 345, p. 106, ci‑après la «directive 2002/96»).


10 – Arrêt du 28 juin 1994 (C-187/93, Rec. p. I‑2857, points 18 à 23).


11 – Voir note 2. Soulignons à cet égard que, d’après l’annexe III de ce règlement (liste verte), la distinction visée sous les codes GC 010 et GC 020 prévaut sur la classification figurant sous le code B 1100 de l’annexe IX de la convention de Bâle – qui a été transposé à l’annexe V, partie I, liste B, dudit règlement – qui soumet au même régime les assemblages tant électriques qu’électroniques.


12 – C(2001) 107 final.


13 – Nous devons néanmoins observer à ce propos qu’il n’y a pas d’uniformité entre les différentes versions linguistiques du règlement n° 259/93. En effet, si, par exemple, les versions italienne, portugaise et anglaise utilisent respectivement les formules «indipendentemente dal fatto che vi figuri o meno», «independentemente de estarem ou nao incluidos» et «regardless of wether or not wastes are included», les versions espagnole et française se limitent elles‑mêmes à indiquer respectivement «independientemente de su inclusion» et «indépendamment de son inclusion», ces dernières formulations étant moins en contraste avec l’impossible caractère exhaustif et impératif de l’énumération contenue dans la liste verte.


14 – En particulier, la Commission cite les phases R 4 et R 11 de l’annexe II B de ladite directive, à savoir respectivement les phases «Recyclage ou récupération des métaux et des composés métalliques» et «Utilisation de déchets résiduels obtenus à partir de l’une des opérations numérotées R 1 à R 10».


15 – «Conclusions présentées le 23 octobre 1997».


16 – Voir en ce sens, parmi de nombreux autres, arrêt du 25 juin 1998, Dusseldorp e.a. (C-203/96, Rec. p. I‑4075, points 32 à 34).


17 – Comme nous l’avons déjà vu, l’un des critères prévus par le règlement n° 259/93 pour déterminer le régime de contrôle auquel un transfert de déchets est soumis est la finalité de ce dernier. Il est, à cet égard, nécessaire de qualifier la première opération à laquelle les déchets seront soumis (voir, en ce sens, l’arrêt du 3 avril 2003, SITA, C-116/01 Rec. p. I-2969, points 40 à 49). C’est uniquement si la première opération de traitement des déchets faisant l’objet du transport peut être qualifiée de «valorisation» au sens de la directive 75/442 que la première des conditions prévues pour soumettre le transport en cause au régime de la liste verte sera remplie.

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