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Document 62004TO0387

    Ordonnance du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 30 avril 2007.
    EnBW Energie Baden-Württemberg AG contre Commission des Communautés européennes.
    Recours en annulation - Directive 2003/87/CE - Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre - Plan national d’allocation de quotas d’émission de l’Allemagne - Aides d’État - Intérêt à agir - Irrecevabilité.
    Affaire T-387/04.

    Recueil de jurisprudence 2007 II-01195

    ECLI identifier: ECLI:EU:T:2007:117

    Affaire T-387/04

    EnBW Energie Baden-Württemberg AG

    contre

    Commission des Communautés européennes

    « Recours en annulation — Directive 2003/87/CE — Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre — Plan national d’allocation de quotas d’émission de l’Allemagne — Aides d’État — Intérêt à agir — Irrecevabilité »

    Sommaire de l'ordonnance

    1.      Recours en annulation — Intérêt à agir

    (Art. 230, al. 4, CE; directive du Parlement européen et du Conseil 2003/87, art. 9, § 3)

    2.      Environnement — Pollution atmosphérique — Directive 2003/87 — Plan national d'allocation de quotas d'émission de gaz à effet de serre

    (Directive du Parlement européen et du Conseil 2003/87, art. 9, § 3)

    3.      Environnement — Pollution atmosphérique — Directive 2003/87 — Plan national d'allocation de quotas d'émission de gaz à effet de serre

    (Directive du Parlement européen et du Conseil 2003/87, art. 9, § 3)

    4.      Environnement — Pollution atmosphérique — Directive 2003/87 — Plan national d'allocation de quotas d'émission de gaz à effet de serre (PNA)

    (Art. 226 CE; directive du Parlement européen et du Conseil 2003/87, art. 9, § 3)

    5.      Recours en annulation — Actes susceptibles de recours — Notion — Actes susceptibles d'affecter une situation juridique déterminée

    (Art. 230 CE)

    6.      Environnement — Pollution atmosphérique — Directive 2003/87 — Plan national d'allocation de quotas d'émission de gaz à effet de serre

    (Art. 88, § 3, CE; directive du Parlement européen et du Conseil 2003/87, art. 9, § 3)

    7.      Environnement — Pollution atmosphérique — Directive 2003/87 — Plan national d'allocation de quotas d'émission de gaz à effet de serre

    (Art. 88, § 3, CE; directive du Parlement européen et du Conseil 2003/87, art. 9, § 3)

    8.      Environnement — Pollution atmosphérique — Directive 2003/87 — Plan national d'allocation de quotas d'émission de gaz à effet de serre (PNA)

    (Art. 87 CE et 88 CE; directive du Parlement européen et du Conseil 2003/87)

    1.      Un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n'est recevable que dans la mesure où cette personne a un intérêt à voir annuler l'acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l'annulation de l'acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d'avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l'a intenté.

    S'agissant d'une décision de la Commission relative à un plan national d'allocation de quotas d'émission de gaz à effet de serre (PNA) qui n'a rejeté ledit PNA que dans la mesure où celui-ci prévoyait certaines mesures d'ajustement ex post d'allocation de quotas d'émission en les déclarant incompatibles avec les critères nº 5 et nº 10 de l'annexe III de la directive 2003/87, établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté, l'existence d'un intérêt à agir dépend de la nature juridique de la procédure d'examen et du pouvoir décisionnel de la Commission au titre de l'article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 et, en particulier, de la question de savoir si ladite décision comporte une autorisation de l'ensemble du PNA.

    (cf. points 96, 98)

    2.      Le contrôle a priori effectué par la Commission en application de l'article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté, à la suite d'une notification par un État membre d'un plan national d'allocation de quotas d'émission de gaz à effet de serre (PNA), n'aboutit pas nécessairement à une décision d'autorisation, étant donné que la Commission ne doit intervenir que dans la mesure où elle estime nécessaire de soulever des objections à l'égard de certains aspects du PNA notifié et de prendre, en cas de refus de l'État membre de modifier son PNA, une décision de rejet. En outre, ces objections et décision de rejet doivent intervenir dans les trois mois à compter de la notification du PNA. En effet, à défaut, le PNA notifié devient définitif et bénéficie d'une présomption de légalité permettant à l'État membre de l'exécuter durant la période de l'allocation concernée. Dès lors, ce contrôle particulier repose sur une présomption de légalité de la mesure étatique qui n'est soumise qu'à une interdiction temporaire de mise à exécution. Il en résulte que toute décision de la Commission portant rejet d'un PNA ou de certains de ses aspects, même dans le cas où elle comporte une acceptation explicite par la Commission d'autres aspects de celui-ci ou des motifs énonçant les raisons pour lesquelles elle n'entend pas soulever d'objections à leur égard et dans le cas où elle est suivie d'une acceptation des modifications apportées audit PNA, ne saurait être considérée comme une autorisation, en tant qu'acte constitutif de droits, puisque, par nature, les mesures notifiées dans ce contexte ne nécessitent pas une telle autorisation.

    (cf. point 115)

    3.      La procédure d'examen engagée au titre de l'article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté, vise, hormis la possibilité d'un contrôle a priori par la Commission, à assurer aux États membres une sécurité juridique et à leur permettre d'être rapidement fixés sur la manière dont ils peuvent allouer les quotas d'émission et gérer le système d'échange de quotas sur le fondement de leur plan national d'allocation de quotas d'émission de gaz à effet de serre (PNA) durant la période d'allocation concernée. En effet, eu égard à la durée limitée de cette période, il existe un intérêt légitime tant de la Commission que des États membres à ce que tout différend quant au contenu du PNA soit réglé rapidement et à ce que ce PNA ne soit pas exposé, tout au long de sa période de validité, à un risque de contestation par la Commission. En outre, la mise en oeuvre des objectifs de la directive 2003/87 dans des conditions économiquement efficaces et performantes serait entravée par l'édiction d'une interdiction de mettre à exécution les PNA tant que la Commission n'a pas adopté une décision d'autorisation.

    (cf. points 117-118)

    4.      En l'absence d'un pouvoir général d'autorisation stricto sensu de la Commission à l'égard d'un plan national d'allocation de quotas d'émission de gaz à effet de serre (PNA) notifié par un État membre, l'absence d'objections de la Commission à l'expiration du délai de trois mois visé à l'article 9, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2003/87, établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté, ne saurait fonder une quelconque présomption ou fiction juridique d'autorisation du PNA. À cet égard, la Commission ne dispose que d'un pouvoir de contrôle et de rejet restreint, limité aux seuls critères énumérés à l'annexe III et aux dispositions de l'article 10 de ladite directive. Dès lors, l'expiration de ce délai a pour seule conséquence que le PNA - qui bénéficie d'une présomption de légalité sauf objections de la Commission - devient définitif et peut être mis en oeuvre par l'État membre sans que cela nécessite une quelconque autorisation générale de la Commission. Cette appréciation est confortée par le fait que l'article 9, paragraphe 3, de cette directive n'édicte pas de règle expresse instituant une présomption ou une fiction juridique, ce qui porterait d'ailleurs atteinte au pouvoir de contrôle que la Commission détient en vertu de l'article 226 CE et dont elle doit pouvoir faire usage.

    (cf. points 120-122)

    5.      Seul le dispositif d'une décision est susceptible de produire des effets juridiques et, par voie de conséquence, de faire grief, quels que soient les motifs sur lesquels repose cette décision. En revanche, les appréciations formulées dans les motifs d'une décision ne sont pas susceptibles de faire, en tant que telles, l'objet d'un recours en annulation et ne peuvent être soumises au contrôle de légalité du juge communautaire que dans la mesure où, en tant que motifs d'un acte faisant grief, elles constituent le support nécessaire du dispositif de cet acte, ou si, à tout le moins, ces motifs sont susceptibles de modifier la substance de ce qui a été décidé dans le dispositif de l'acte en question. Le dispositif d'un acte étant, en principe, indissociable de sa motivation, il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption.

    Par conséquent, en l'absence de prise de position juridiquement contraignante quant à une règle dans le dispositif d'une décision de la Commission relative à un plan national d'allocation de quotas d'émission de gaz à effet de serre au titre de l'article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté, les motifs de ladite décision relatifs à ladite règle et à son éventuelle compatibilité avec les règles relatives aux aides d'État sont soustraits au contrôle du juge communautaire dans le cadre d'un recours en annulation dirigé contre cette même décision au titre de l'article 230 CE et ne sauraient fonder un quelconque intérêt à agir d'un opérateur économique.

    (cf. points 127, 130)

    6.      L'obligation d'un État membre de notifier à la Commission, en vertu de l'article 88, paragraphe 3, CE, tout projet tendant à instituer une aide d'État est juridiquement distincte et, en principe, indépendante de celle relative à la notification d'un plan national d'allocation de quotas d'émission de gaz à effet de serre (PNA) au titre de l'article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté. Une décision fondée uniquement sur l'article 9, paragraphe 3, de cette directive et non sur les articles 87 CE et 88 CE, quant à elle, ne permet à la Commission d'effectuer, à l'égard des aspects d'aides d'État du PNA concerné, qu'une appréciation prima facie sous l'angle du droit des aides d'État, qui n'est pas susceptible de préjuger le fait qu'une décision formelle au sens de l'article 88, paragraphe 3, troisième phrase, CE pourra être adoptée.

    (cf. point 133)

    7.      Ni la directive 2003/87, établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté, adoptée sur le seul fondement de l'article 175 CE et non sur celui de l'article 89 CE, ni des mesures juridiquement non contraignantes adoptées dans ce contexte ne sauraient valablement restreindre la portée et l'effet utile des règles relatives au contrôle des aides d'État. En effet, sous réserve de l'obligation de la Commission de tenir compte de la possibilité de conflits entre les dispositions d'un plan national d'allocation desdits quotas (PNA) et le droit des aides d'État, dans le cadre de la procédure d'examen au titre de l'article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, ainsi que de l'éventualité que la notification d'un PNA puisse également constituer une notification au sens de l'article 88, paragraphe 3, CE, ladite directive ne saurait, en l'absence d'une base légale pertinente, constituer une lex specialis permettant le contrôle des aides d'État dans le cadre de la procédure d'examen prévu à ce même article 9, paragraphe 3.

    (cf. points 132, 134)

    8.      Le critère nº 5 de l'annexe III de la directive 2003/87, établissant un système d'échange de quotas de gaz à effet de serre dans la Communauté, qui prévoit qu'il y a lieu de respecter les articles 87 CE et 88 CE également dans le contexte de la mise en oeuvre des plans nationaux d'allocation de quotas d'émission de gaz à effet de serre, n'est que l'expression d'un principe bien établi en droit communautaire selon lequel tout acte de droit dérivé doit être exécuté de manière telle qu'il ne porte pas atteinte aux règles du traité ou à toute autre règle de droit primaire, telles que les principes généraux du droit ou les droits fondamentaux. Cependant, cette obligation générale de respecter le droit communautaire ne saurait impliquer la conduite d'une procédure administrative en application de l'ensemble des dispositions procédurales et substantielles pertinentes, telles que celles du règlement nº 659/1999, portant modalités d'application de l'article 88 CE, mais n'impose à la Commission que de procéder à une appréciation prima facie dans le cadre de l'application de la directive 2003/87. Enfin, la procédure d'examen au titre de l'article 9, paragraphe 3, de cette directive ne permet en aucun cas à la Commission d'autoriser les États membres à déroger à des dispositions de droit communautaire qui ne sont pas contenues dans celle-ci.

    (cf. point 135)







    ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

    30 avril 2007(*)

    « Recours en annulation – Directive 2003/87/CE – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre – Plan national d’allocation de quotas d’émission de l’Allemagne – Aides d’État – Intérêt à agir – Irrecevabilité »

    Dans l’affaire T‑387/04,

    EnBW Energie Baden-Württemberg AG, établie à Karlsruhe (Allemagne), représentée par Mes C.-D. Ehlermann, M. Seyfarth, A. Gutermuth et M. Wissmann, avocats,

    partie requérante,

    contre

    Commission des Communautés européennes, représentée par MM. U. Wölker, M. Niejahr et T. Scharf, en qualité d’agents,

    partie défenderesse,

    soutenue par

    République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. W.-D. Plessing et U. Forsthoff, en qualité d’agents, assistés de Mes D. Sellner et U. Karpenstein, avocats,

    partie intervenante,

    ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission C (2004) 2515/2 final, du 7 juillet 2004, relative au plan national d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre notifié par la République fédérale d’Allemagne conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO L 275, p. 32),

    LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
    DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

    composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et Mme E. Cremona, juges,

    greffier : M. E. Coulon,

    rend la présente

    Ordonnance

     Cadre juridique

    1        La directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO L 275, p. 32), crée, avec effet au 1er janvier 2005, un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté (ci-après le « système d’échange de quotas ») afin de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en particulier de dioxyde de carbone (ci-après le « CO2 »), dans des conditions économiquement efficaces et performantes (article 1er de la directive 2003/87). Elle repose sur les obligations incombant à la Communauté au titre de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et du protocole de Kyoto. Ce dernier a été approuvé par la décision 2002/358/CE du Conseil, du 25 avril 2002, relative à l’approbation, au nom de la Communauté européenne, du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et l’exécution conjointe des engagements qui en découlent (JO L 130, p. 1). Il est entré en vigueur le 16 février 2005.

    2        La Communauté et ses États membres se sont engagés à réduire leurs émissions anthropiques agrégées de gaz à effet de serre indiqués à l’annexe A du protocole de Kyoto de 8 % par rapport au niveau de 1990 au cours de la période allant de 2008 à 2012 (considérant 4 de la directive 2003/87).

    3        À cet effet, la directive 2003/87 prévoit essentiellement que les émissions de gaz à effet de serre par les installations énumérées à son annexe I doivent faire l’objet d’une autorisation préalable et d’une attribution de quotas alloués conformément à des plans nationaux d’allocation (ci-après les « PNA »). Si un exploitant parvient à réduire ses émissions, les quotas excédentaires sont susceptibles d’être vendus à d’autres exploitants. Inversement, l’exploitant d’une installation dont les émissions sont excessives peut acheter les quotas nécessaires auprès d’un exploitant qui dispose d’excédents.

    4        En vertu de l’annexe I de la directive 2003/87, tombent dans son champ d’application, notamment, certaines installations actives dans le secteur de l’énergie, à savoir les installations de combustion d’une puissance calorifique de combustion supérieure à 20 mégawatts (MW), les raffineries de pétrole et les cokeries.

    5        La directive 2003/87 prévoit une première phase allant de 2005 à 2007 (ci-après la « première période d’allocation »), qui précède la première période d’engagements prévue par le protocole de Kyoto, puis une seconde phase allant de 2008 à 2012 (ci-après la « seconde période d’allocation »), qui correspond à ladite première période d’engagements (article 11 de la directive 2003/87).

    6        Plus concrètement, le système d’échange de quotas est fondé, d’une part, sur l’imposition d’une autorisation préalable d’émettre des gaz à effet de serre (articles 4 à 8 de la directive 2003/87) et, d’autre part, sur des quotas autorisant l’exploitant titulaire à émettre une certaine quantité de gaz à effet de serre (article 12, paragraphe 3, de la directive 2003/87).

    7        Les conditions et les procédures suivant lesquelles les autorités nationales compétentes allouent, sur la base d’un PNA, des quotas aux exploitants d’installations sont prévues aux articles 9 à 11 de la directive 2003/87.

    8        Ainsi, l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2003/87 précise :

    « Pour chaque période visée à l’article 11, paragraphes 1 et 2, chaque État membre élabore un [PNA] précisant la quantité totale de quotas qu’il a l’intention d’allouer pour la période considérée et la manière dont il se propose de les attribuer. Ce [PNA] est fondé sur des critères objectifs et transparents, incluant les critères énumérés à l’annexe III, en tenant dûment compte des observations formulées par le public. Sans préjudice des dispositions du traité, la Commission élabore des orientations pour la mise en œuvre des critères qui figurent à l’annexe III pour le 31 décembre 2003 au plus tard. »

    9        La Commission a édicté les orientations susvisées dans le cadre de sa communication COM (2003) 830 final, du 7 janvier 2004, sur les orientations visant à aider les États membres à mettre en œuvre les critères qui figurent à l’annexe III de la directive 2003/87, et les conditions dans lesquelles il y a force majeure (ci-après les « orientations de la Commission »).

    10      L’article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2003/87 poursuit :

    « En ce qui concerne la période visée à l’article 11, paragraphe 1, le [PNA] est publié et notifié à la Commission et aux autres États membres au plus tard le 31 mars 2004. Pour les périodes ultérieures, le [PNA] est publié et notifié à la Commission et aux autres États membres au moins dix-huit mois avant le début de la période concernée. »

    11      L’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 dispose :

    « Dans les trois mois qui suivent la notification d’un [PNA] par un État membre conformément au paragraphe 1, la Commission peut rejeter ce [PNA] ou tout aspect de celui-ci en cas d’incompatibilité avec les critères énoncés à l’annexe III ou avec les dispositions de l’article 10. L’État membre ne prend une décision au titre de l’article 11, paragraphes 1 ou 2, que si les modifications proposées ont été acceptées par la Commission. Toute décision de rejet adoptée par la Commission est motivée. »

    12      Aux termes de l’article 10 de la directive 2003/87, les États membres doivent allouer au moins 95 % des quotas à titre gratuit pour la première période d’allocation.

    13      L’article 11 de la directive 2003/87 concernant l’allocation et la délivrance de quotas prévoit :

    « 1. Pour la période de trois ans qui débute le 1er janvier 2005, chaque État membre décide de la quantité totale de quotas qu’il allouera pour cette période et de l’attribution de ces quotas à l’exploitant de chaque installation. Il prend cette décision au moins trois mois avant le début de la période, sur la base de son [PNA] élaboré en application de l’article 9, et conformément à l’article 10, en tenant dûment compte des observations formulées par le public.

    2. Pour la période de cinq ans qui débute le 1er janvier 2008, et pour chaque période de cinq ans suivante, chaque État membre décide de la quantité totale de quotas qu’il allouera pour cette période et lance le processus d’attribution de ces quotas à l’exploitant de chaque installation. Il prend cette décision au moins douze mois avant le début de la période concernée, sur la base de son [PNA] élaboré en application de l’article 9, et conformément à l’article 10, en tenant dûment compte des observations formulées par le public.

    3. Les décisions prises en application des paragraphes 1 ou 2 sont conformes aux exigences du traité, et notamment à celles de ses articles 87 et 88. Lorsqu’ils statuent sur l’allocation de quotas, les États membres tiennent compte de la nécessité d’ouvrir l’accès aux quotas aux nouveaux entrants.

    […] »

    14      L’annexe III de la directive 2003/87 énumère onze critères applicables aux PNA.

    15      Selon le critère n° 1 de l’annexe III :

    « La quantité totale de quotas à allouer pour la période considérée est compatible avec l’obligation, pour l’État membre, de limiter ses émissions conformément à la décision 2002/358[…] et au protocole de Kyoto, en tenant compte, d’une part, de la proportion des émissions globales que ces quotas représentent par rapport aux émissions provenant de sources non couvertes par la présente directive et, d’autre part, de sa politique énergétique nationale, et devrait être compatible avec le programme national en matière de changements climatiques. Elle n’est pas supérieure à celle nécessaire, selon toute vraisemblance, à l’application stricte des critères fixés dans la présente annexe. Elle est compatible, pour la période allant jusqu’à 2008, avec un scénario aboutissant à ce que chaque État membre puisse atteindre voire faire mieux que l’objectif qui leur a été assigné en vertu de la décision 2002/358[…] et du protocole de Kyoto. »

    16      Aux termes du critère n° 5 de l’annexe III :

    « Conformément aux exigences du traité, notamment ses articles 87 et 88, le [PNA] n’opère pas de discrimination entre entreprises ou secteurs qui soit susceptible d’avantager indûment certaines entreprises ou activités. »

    17      À l’égard du critère n° 5, le point 47 des orientations de la Commission précise que « [l]es règles normales concernant les aides d’État s’appliquent ».

    18      Le critère n° 10 de l’annexe III énonce que « [l]e [PNA] contient la liste des installations couvertes par la présente directive avec pour chacune d’elles les quotas que l’on souhaite lui allouer ».

    19      L’article 12, paragraphe 1, de la directive 2003/87 prévoit que les quotas peuvent être transférés entre personnes physiques ou morales dans la Communauté où à des personnes dans des pays tiers. En vertu de l’article 12, paragraphe 3, avant le 1er mai de chaque année, tout exploitant d’une installation doit restituer à l’autorité compétente un nombre de quotas correspondant aux émissions totales de cette installation au cours de l’année civile écoulée pour que ces quotas soient ensuite annulés.

    20      Selon l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2003/87, les quotas ne sont valables que pour les émissions produites au cours de la période pour laquelle ils sont délivrés.

     Faits à l’origine du litige

    I –  Lettre de la Commission du 17 mars 2004

    21      Par lettre commune des directeurs généraux de la direction générale (DG) « Environnement » et de la DG « Concurrence » du 17 mars 2004, adressée aux États membres et mentionnant comme objet « Aides d’État et [PNA] », la Commission a précisé les procédures à suivre ainsi que les critères dont elle entendait tenir compte s’agissant de l’appréciation d’éventuelles aides d’État octroyées dans le contexte de la mise en œuvre des PNA conformément aux critères établis à l’annexe III de la directive 2003/87.

    22      Dans cette lettre, la Commission a exposé la manière dont elle entendait interpréter le critère n° 5 de l’annexe III de la directive 2003/87 dans le cadre de son appréciation des PNA. À cet égard, la Commission a rappelé, tout d’abord, que, s’agissant des quatre critères prévus à l’article 87, paragraphe 1, CE, elle avait considéré, dans ses décisions des 29 mars 2000, 28 novembre 2001 et 24 juin 2003, concernant, respectivement, les affaires N 653/99 (Danemark, quotas de CO2) (JO 2000, C 322, p. 9), N 416/01 (Royaume-Uni, système d’échange de droits d’émission) (JO 2002, C 88, p. 16) et N 35/03 [Pays-Bas, système d’échange de droits d’émission de NOx (oxydes d’azote)] (JO 2003, C 227, p. 8), que lesdits critères étaient remplis. En effet, dans ces décisions, elle avait considéré qu’un quota d’émission était l’équivalent d’un bien incorporel (intangible asset), dont la valeur serait déterminée par le marché, que, dès lors, le fait que l’État l’allouait gratuitement aux entreprises constituait un avantage en leur faveur, qu’en renonçant à la vente dudit quota, par exemple par voie d’adjudication, l’État se privait d’une ressource, de sorte que l’octroi dudit avantage impliquait un transfert de ressources d’État, et que, enfin, l’avantage en cause était sélectif, affectait les échanges entre États membres et faussait ou menaçait de fausser la concurrence.

    23      La Commission a affirmé ensuite, dans ladite lettre, que, même si le système communautaire d’échange était distinct des systèmes nationaux visés par les décisions précitées, elle considérait que les PNA pouvaient contenir des éléments susceptibles de fausser la concurrence et de constituer une aide d’État. Elle a indiqué que tel était le cas, par exemple, lorsqu’un État membre allouait à des entreprises plus de quotas que ce qui était nécessaire pour couvrir leurs émissions prévues durant la période d’allocation, ces entreprises ayant la possibilité de vendre les quotas excédentaires et de conserver le bénéfice de la vente. Elle a souligné que cet avantage était de nature à fausser sérieusement la concurrence et que, ledit avantage n’étant justifié par aucun apport écologique, il devait, en principe, être considéré par elle comme une aide d’État incompatible avec le marché commun. Dès lors, la Commission a signalé que, si elle devait découvrir qu’un PNA favorise de cette manière certaines entreprises, elle engagerait d’office une procédure en matière d’aides d’État. Au cas où le PNA ne prévoit pas de « surallocation » en ce sens, il y aurait néanmoins un élément d’aide d’État au regard de l’article 10 de la directive 2003/87 si un État membre décidait d’allouer gratuitement plus de 95 % des quotas pour la première période d’allocation, en renonçant, par conséquent, à des recettes publiques.

    24      La Commission a enfin fait savoir, dans cette lettre, que, en ce qui concerne la première période d’allocation, elle n’exigerait pas de notification formelle des PNA au titre de l’article 88, paragraphe 3, CE, mais qu’elle examinerait attentivement les PNA notifiés conformément à la directive 2003/87 et tout particulièrement, dans chaque cas, la question de savoir s’ils sont susceptibles de produire de sérieuses distorsions de concurrence incompatibles avec le traité. Elle a indiqué que, dans un tel cas, elle n’hésiterait pas à utiliser tous les moyens qui lui sont offerts par les dispositions relatives aux aides d’État.

    II –  PNA allemand

    25      Le 31 mars 2004, la République fédérale d’Allemagne a notifié à la Commission le PNA allemand pour la première période d’allocation en vertu de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2003/87.

    26      Le PNA allemand est constitué d’un « plan macro » et d’un « plan micro ». Le plan macro contient la répartition du budget national d’émission et fixe le chiffre total des quotas à allouer en conformité avec les engagements de réduction des émissions incombant à l’Allemagne. Le plan micro règle l’allocation de quotas aux exploitants des différentes installations et prévoit la constitution d’une réserve de quotas destinés aux nouveaux entrants.

    27      Conformément à la règle de la limitation du nombre de quotas, telle que résultant du critère n° 1 de l’annexe III de la directive 2003/87, le PNA allemand limite, en principe, l’octroi de quotas d’émissions aux exploitants à ce qui est nécessaire à la couverture des émissions antérieures (installations existantes) ou prévisionnelles (nouvelles installations). Ce principe est cependant soumis à l’application des règles particulières exposées ci-après.

    28      S’agissant des anciennes installations, c’est-à-dire celles dont l’exploitation a débuté avant le 31 décembre 2002, le nombre de quotas à allouer gratuitement est calculé sur la base de la moyenne annuelle de leurs émissions de CO2 dans le passé, selon la méthode de calcul dite « grandfathering ». Le nombre de quotas à allouer est déterminé au moyen d’une multiplication des données d’émission historiques par un « facteur d’exécution » (Erfüllungsfaktor) déterminé en fonction de l’objectif de réduction des émissions à atteindre. Ce facteur d’exécution se situe dès lors, en règle générale, en dessous de 1 afin de permettre une réduction par rapport au niveau d’émission précédent et, en fin de compte, de limiter le nombre total de quotas à allouer.

    29      Selon la règle dite du « malus », sera réduit de 0,15 le facteur d’exécution applicable lors de la seconde période d’allocation aux vieilles centrales de combustion travaillant de manière particulièrement inefficace, à savoir les centrales de combustion de lignite et les centrales de combustion de houille dont le degré d’efficacité énergétique net –déterminant la part d’énergie contenue dans le combustible qui est transformée en électricité – est respectivement de moins de 31 % et de moins de 36 %. S’agissant des centrales de combustion de lignite, la réduction ne sera, toutefois, pas appliquée si les exploitants de ces installations les remplacent par d’autres centrales conformément à la « règle du transfert » (voir point 31 ci-après). La règle du malus est censée constituer une incitation au remplacement rapide d’installations vétustes et inefficaces.

    30      S’agissant des nouvelles installations, c’est-à-dire celles dont l’exploitation a débuté après le 1er janvier 2005 ou ayant augmenté, après cette date, leur capacité de production, elles se voient attribuer, durant les quatorze premières années d’exploitation, selon la règle dite du « nouvel entrant », un nombre de quotas correspondant aux prévisions d’émissions, lesquelles sont évaluées en prenant en compte comme critère (benchmark) l’état de la « meilleure technique disponible ». Durant cette période, le facteur d’exécution reste inchangé, demeurant fixé à 1. S’agissant des installations produisant de l’électricité, le nombre de quotas à allouer est plafonné à 750 g CO2/kWh. Cependant, en cas d’émissions inférieures, les quotas à allouer ne doivent pas excéder le besoin réel de l’installation tout en tenant compte d’un taux minimal de 365 g CO2/kWh.

    31      Selon la règle dite du « transfert », en cas de fermeture d’une installation située en Allemagne et sur demande, les quotas qui étaient alloués à celle-ci ne sont pas retirés si l’exploitant débute l’exploitation d’une nouvelle installation, sur le territoire allemand, dans un délai de trois mois à compter de la fermeture de l’ancienne installation. Dans ce cas, l’allocation est effectuée pendant quatre ans sur la base des émissions historiques de l’installation fermée pour ensuite être calculée, pour une période de quatorze ans, sur la base d’un facteur d’exécution de 1. Ainsi, l’exploitant d’une installation de production d’électricité échappe à l’application des critères de l’état de la « meilleure technique disponible » et du plafond d’émission de 750 g CO2/kWh auxquels les nouvelles installations sont, en principe, soumises (voir point 30 ci-dessus). Cette règle est censée constituer une incitation au remplacement anticipé d’installations vétustes et inefficaces par des installations à émissions réduites.

    32      S’agissant des centrales nucléaires, la règle dite d’« attribution spéciale » (Sonderzuteilung) prévoit une attribution transitoire et compensatoire de quotas en raison de l’obligation qui incombe aux exploitants de fermer, au cours des années 2003 à 2007, certaines centrales nucléaires au titre du Gesetz zur geordneten Beendigung der Kernenergienutzung zur gewerblichen Erzeugung von Elektrizität (loi allemande sur la cessation progressive de l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins de production commerciale d’électricité, BGBl. 2002 I, p. 1351). Cette attribution spéciale ne concerne que les centrales de Stade (fermée en 2003 et dont l’exploitant est la société E.ON AG) et d’Obrigheim (fermée en 2005 et dont l’exploitant est la requérante), la fermeture des autres centrales nucléaires n’étant prévue qu’après 2007. L’attribution spéciale est limitée à 1,5 million de tonnes de CO2 par an au cours de la première période d’allocation et elle est censée couvrir le surcroît d’émissions résultant de l’utilisation accrue par les exploitants concernés de centrales conventionnelles, devenue nécessaire en vue de compenser la perte de production d’électricité des centrales nucléaires fermées et remplacées.

    33      Le PNA allemand constitue le fondement du Zuteilungsgesetz 2007 (loi allemande, du 26 août 2004, sur l’allocation des quotas d’émission durant la première période d’allocation, BGBl. 2004 I, p. 2211, ci-après la « loi d’allocation »). S’agissant des aspects pertinents dans le cadre du présent litige, les dispositions de la loi d’allocation ne diffèrent pas, en substance, de celles du PNA allemand. En outre, la République fédérale d’Allemagne a adopté, le 8 juillet 2004, le Gesetz zur Umsetzung der Richtlinie 2003/87/EG über ein System für den Handel mit Treibhausgasemissionszertifikaten in der Gemeinschaft (loi transposant la directive 2003/87 établissant un système d’échange de quotas, BGBl. 2004 I, p. 1578).

    III –  Marché énergétique allemand

    34      En Allemagne, quatre entreprises énergétiques produisent et fournissent environ 88 % de la capacité de production allemande d’électricité, à savoir les sociétés RWE AG, E.ON AG, Vattenfall Europe AG et la requérante. Les 12 % restants du marché en cause se répartissent entre plusieurs petites et moyennes entreprises énergétiques, dont notamment les centrales municipales (Stadtwerke).

    35      La requérante est la troisième plus grande entreprise énergétique allemande, dont 37 % de la production, d’une capacité totale de 14 gigawatts (GW), est assurée par des centrales nucléaires et 29 % par des centrales de combustion de lignite ou de houille. S’agissant des autres grandes entreprises énergétiques allemandes, les parts de production assurées respectivement par, d’une part, les centrales nucléaires et, d’autre part, les centrales de combustion de lignite et de houille par rapport à la capacité de production totale sont les suivantes :

    –        RWE (capacité totale de production de 34 GW) : 16 % de production d’énergie nucléaire et 58 % de production d’énergie par combustion de lignite ou de houille ;

    –        E.ON (capacité totale de production de 25 GW) : 34 % de production d’énergie nucléaire et 35 % de production d’énergie par combustion de lignite ou de houille ;

    –        Vattenfall Europe (capacité totale de production de 15 GW) : 9 % de production d’énergie nucléaire et 61 % de production d’énergie par combustion de lignite ou de houille.

    IV –  Procédure administrative

    A –  Plainte de la requérante

    36      Par lettre du 17 juin 2004, la requérante a introduit une plainte auprès de la DG « Environnement » et de la DG « Concurrence » de la Commission au motif que la règle du transfert, telle que prévue au PNA allemand et à l’article 10 de la loi d’allocation, avantageait indûment en particulier sa principale concurrente RWE. Elle a exposé dans celle-ci que, à la suite du remplacement de ses anciennes installations conventionnelles de combustion par de nouvelles installations, RWE obtiendrait gratuitement une quantité excessive de quotas d’émission, notamment par rapport à la quantité de quotas à laquelle elle pouvait prétendre, en application de la règle d’attribution spéciale et de l’article 15 de la loi d’allocation, en cas de fermeture et de remplacement de ses centrales nucléaires. Au vu de cette distorsion de concurrence, la requérante a demandé à la Commission, notamment, de rejeter, sur le fondement de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, le PNA allemand et d’ouvrir, à l’encontre de la République fédérale d’Allemagne, une procédure formelle d’examen en application de l’article 88, paragraphe 2, CE.

    37      Par lettre du 22 juin 2004, la requérante a réitéré ses demandes et précisé les motifs de sa plainte. Elle a indiqué que le PNA allemand, notamment la règle du transfert, enfreignait le critère n° 5 de l’annexe III de la directive 2003/87, l’article 87 CE ainsi que la liberté d’établissement. À l’appui de sa plainte, la requérante a fait valoir, en substance, que l’application de la règle du transfert, dont profiteraient ses principaux concurrents, en particulier RWE, aurait pour conséquence une « surallocation » importante de quotas aux nouvelles installations remplaçant les anciennes installations de combustion du fait de l’octroi aux exploitants concernés, durant une période de quatre ans, d’une quantité de quotas d’émissions fondée sur les besoins de leurs anciennes installations remplacées. L’exploitant concerné serait dès lors en mesure de vendre sur le marché les quotas excessifs – non nécessaires pour couvrir le taux d’émission nettement inférieur de la nouvelle installation plus efficace – et d’en tirer un avantage concurrentiel injustifié. En revanche, en cas de remplacement d’une centrale nucléaire – la seule option qui lui serait ouverte du fait de sa situation économique –, l’application de la règle d’attribution spéciale n’impliquerait pas l’octroi d’un avantage équivalent et ne suffirait pas non plus à compenser la perte des capacités de production liées à l’abandon des centrales nucléaires. Ainsi, afin de compenser la capacité de production perdue, elle serait obligée de produire davantage d’électricité et, partant, davantage d’émissions au moyen d’installations conventionnelles et serait obligée de couvrir son besoin supplémentaire en quotas d’émissions par l’achat de tels quotas. La requérante a soutenu en outre que ce traitement préférentiel notamment de RWE à son détriment n’était justifié ni au regard de la directive 2003/87 ni au regard de l’article 87 CE.

    B –  Décision attaquée et communication de la Commission du 7 juillet 2004

    38      Par la décision C (2004) 2515/2 final, du 7 juillet 2004, relative au plan national d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre notifié par la République fédérale d’Allemagne conformément à la directive 2003/87 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission n’a rejeté le PNA allemand que dans la mesure où celui-ci prévoyait certaines mesures d’ajustement ex post d’allocation de quotas d’émission en les déclarant incompatibles avec les critères n° 5 et n° 10 de l’annexe III de la directive 2003/87. La déclaration d’incompatibilité ne concerne cependant pas les aspects du PNA allemand ayant fait l’objet de la plainte de la requérante.

    39      S’agissant de l’application des règles relatives aux aides d’État et de la règle du transfert, la décision attaquée fait état, aux considérants 9 et 10, des considérations suivantes :

    « Sur la base des informations fournies par l’État membre, la Commission estime que d’éventuelles aides seront probablement considérées comme étant compatibles avec le marché commun lorsqu’elles seront appréciées conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE.

    De l’avis de la Commission, les indications de l’État membre concerné relatives aux transferts de quotas prouvent que, durant la période [d’allocation] couverte par le présent [PNA], aucun avantage créé par de tels transferts au profit d’autres installations par rapport à des investissements similaires de nouveaux entrants ne dépassera la mesure de ce qui est justifié par le profit écologique tiré de la mesure en cause. Dans la période [d’allocation] suivante, il n’existe plus de différence entre, d’une part, les installations étant susceptibles de faire l’objet d’un transfert et, d’autre part, celles qui sont affectées à la réserve destinée aux nouveaux entrants. »

    40      Dans sa communication COM (2004) 500 final au Conseil et au Parlement européen concernant les décisions de la Commission, du 7 juillet 2004, concernant les plans nationaux d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre notifiés par l’Autriche, le Danemark, l’Allemagne, l’Irlande, les Pays-Bas, la Slovénie, la Suède et le Royaume-Uni conformément à la directive 2003/87, en date du 7 juillet 2004, la Commission s’est prononcée, au point 3.3, au sujet des règles de transfert comme suit :

    « […] En outre, les États membres ont tout pouvoir de décider ce qu’il faut faire lorsque des installations sont fermées.

    Lorsqu’un État membre n’annule pas pour le reste de la période d’[allocation] les quotas délivrés à une installation qui cesse d’être exploitée, ces quotas sont transférés à une nouvelle installation contrôlée par le même exploitant.

    Lorsqu’un État membre décide d’annuler pour le reste de la période d’[allocation] les quotas délivrés à une installation qui cesse d’être exploitée et de créer une réserve pour [les] nouveaux entrants, il est nécessaire d’examiner les conditions dans lesquelles cette partie du système peut fonctionner pour garantir que les installations qui bénéficient d’une règle de transfert ne soient pas indûment favorisées par rapport à celles qui n’en bénéficient pas. L’application d’une règle de transfert peut être limitée en ce sens qu’un exploitant ne peut en bénéficier que si l’installation qui a cessé ses activités et la nouvelle installation sont toutes deux situées sur le territoire de l’État membre.

    La Commission note en outre que le maintien de quotas après la fermeture d’installations est susceptible de favoriser des investissements dans des installations propres et efficaces. Cependant, les règles de transfert ne devraient pas avoir d’effets sur l’environnement, sauf si un État membre devait annuler les quotas non utilisés après une fermeture. Tous les quotas excédentaires seront probablement rachetés par une autre installation située dans le même État membre ou ailleurs pour couvrir ses émissions. »

    C –  Lettre de la Commission du 29 juillet 2004

    41      Par lettre de la DG « Concurrence », du 29 juillet 2004 (ci-après la « lettre de la DG ‘Concurrence’ du 29 juillet 2004 »), la Commission a exposé, en se référant notamment à la décision attaquée, l’appréciation faite par cette DG des aspects soulevés par la plainte de la requérante. À cet égard, elle a rappelé que, dans le cadre de la décision attaquée, la Commission avait « également analysé la compatibilité du [PNA allemand] avec le critère [n°] 5 de l’annexe III de la [directive 2003/87] en examinant la question de savoir si le[dit PNA] entraînait des discriminations entre des sociétés ou des secteurs en favorisant indûment certaines entreprises ou secteurs d’activités en violation des règles relatives aux aides d’État », cette analyse ayant également porté sur l’application de la règle du transfert. Elle a indiqué qu’elle avait considéré que, durant la première période d’allocation, ni le PNA allemand ni l’application de la règle du transfert n’avaient pour conséquence une telle discrimination, ladite règle du transfert paraissant assurer qu’aucun avantage conféré aux installations de remplacement par rapport à des investissements similaires effectués par d’autres nouveaux entrants ne dépasserait la mesure de ce qui est justifié par le profit environnemental tiré de la mesure en cause. Elle avait estimé, en particulier, que la règle du transfert était conçue comme une incitation à la modernisation accessible à tous les participants au système d’échange de quotas et non limitée à certains secteurs ou à certaines sociétés.

    42      S’agissant des effets de la règle du transfert, notamment dans le secteur énergétique, la Commission a exposé, dans la lettre de la DG « Concurrence », qu’elle avait relevé, notamment, que, selon les autorités allemandes, une série de centrales de production d’électricité étaient exploitées de manière très rentable. Par conséquent, elle avait considéré que seule l’incitation financière offerte par la règle du transfert était susceptible d’entraîner un remplacement rapide par des technologies plus écologiques et moins génératrices d’émissions de CO2 et que cet effet incitatif devait également être apprécié à la lumière de la règle du malus selon laquelle les installations d’une moindre efficacité sont susceptibles d’être pénalisées en cas de report des efforts de modernisation. Dès lors, elle avait estimé que l’on pouvait effectivement s’attendre à ce que la règle du transfert incite les opérateurs concernés à moderniser leurs installations plus rapidement qu’elles ne l’auraient fait en l’absence d’une telle règle.

    43      Quant à la question de savoir si le bénéfice résultant de la règle du transfert octroie un avantage excessif à certaines entreprises, la Commission a exposé qu’elle s’était référée aux explications des autorités allemandes selon lesquelles le recours à ladite règle dans le secteur énergétique entraînerait, dans la majorité des cas, le remplacement d’installations de combustion de lignite anciennes et inefficaces par des installations modernes et plus efficaces de même type au cours de la première période d’allocation. Elle avait indiqué que, dans ce cas, le bénéfice calculé par les autorités allemandes ne s’élèverait qu’à une partie très limitée des coûts d’investissement. Eu égard à l’impact positif de la règle du transfert sur la réalisation des objectifs environnementaux de la directive 2003/87 durant les quatre premières années, elle avait estimé qu’un avantage aussi limité semblait proportionné et, de ce fait, compatible avec les règles relatives aux aides d’État et que, au terme de ces quatre années, une installation de remplacement recevrait des quotas en fonction de la « meilleure technique disponible », tout comme n’importe quelle autre nouvelle installation, ce qui permettrait d’éviter toute discrimination entre des investissements de remplacement et des nouvelles installations.

    44      S’agissant du désavantage relatif pour les centrales nucléaires devant être remplacées par des installations conventionnelles émettant du CO2, la Commission a exposé qu’elle avait considéré que cet effet semblait être le résultat de la décision de la République fédérale d’Allemagne d’abandonner, à moyen terme, la production d’énergie nucléaire et ne devait pas être imputé à la mise en œuvre du système d’échange de quotas établi par la directive 2003/87. Elle avait relevé que cette directive visait l’allocation de quotas d’émission et ne concernait donc pas les centrales nucléaires qui n’émettaient pas de CO2, mais que la directive 2003/87 permettait toutefois aux États membres d’atténuer les effets résultant de choix politiques nationaux tels que l’abandon de l’énergie nucléaire décidé par la République fédérale d’Allemagne. Elle avait relevé que cette dernière avait expliqué que cette situation particulière avait été suffisamment prise en compte dans le PNA allemand, premièrement, par l’octroi direct de quotas de compensation et, deuxièmement, par la liberté laissée aux installations concernées de choisir la méthode d’attribution desdits quotas et que, en outre, la République fédérale d’Allemagne avait décidé d’établir une réserve destinée aux nouveaux entrants. Ainsi, les nouvelles installations, y compris celles remplaçant les installations nucléaires, se verraient attribuer gratuitement une quantité de quotas destinée à couvrir leurs besoins prévisionnels.

    45      Concernant la compatibilité de la règle du transfert avec la liberté d’établissement, la Commission a exposé qu’elle avait relevé que, selon les explications fournies par la République fédérale d’Allemagne, ladite règle ne faisait pas de discrimination entre les sociétés allemandes et les sociétés étrangères.

    46      La Commission a, pour conclure, indiqué qu’elle avait dès lors considéré, dans la décision attaquée, que, quant à la première période d’allocation, « une éventuelle aide serait probablement compatible avec le marché commun lorsqu’elle serait appréciée conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE ». Enfin, en tenant compte du contenu des règles applicables aux aides d’État lors de l’examen des PNA, la Commission s’était assurée de la compatibilité de la transposition de la directive 2003/87 avec d’autres dispositions du traité au sens du critère n° 5.

    D –  Lettres de la Commission des 3 et 27 août 2004

    47      Par lettre de la DG « Environnement » du 3 août 2004, la Commission a fait savoir à la requérante que la règle du transfert ne violait pas l’article 11 de la directive 2003/87 et a indiqué que, s’agissant des autres griefs, la requérante recevrait dans les prochains jours un courrier séparé de la DG « Concurrence ».

    48      Par lettre de la DG « Environnement » du 27 août 2004, la Commission s’est référée à sa lettre du 3 août 2004 et a indiqué qu’elle clôturerait la présente procédure lors de l’une de ses prochaines réunions.

     Procédure et conclusions des parties

    49      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 septembre 2004, la requérante a introduit le présent recours.

    50      La requérante conclut, dans la requête, à ce qu’il plaise au Tribunal:

    –        annuler la décision attaquée ;

    –        condamner la défenderesse aux dépens.

    51      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 13 janvier 2005, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. La requérante a déposé ses observations sur cette exception le 14 mars 2005.

    52      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 février 2005, la République fédérale d’Allemagne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien de la défenderesse.

    53      Par ordonnance du 4 avril 2005, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis cette intervention. La partie intervenante a déposé son mémoire en intervention limitée à la question de recevabilité le 17 mai 2005. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 31 août 2005, la requérante a soumis ses observations sur le mémoire en intervention.

    54      La défenderesse et la partie intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

    –        rejeter le recours comme irrecevable ;

    –        condamner la requérante aux dépens.

    55      La requérante conclut, dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, à ce qu’il plaise au Tribunal :

    –        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

    –        à titre subsidiaire, joindre l’exception d’irrecevabilité au fond.

     En droit

    56      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’exception d’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Ce dernier estime que, en l’espèce, il est suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

    I –  Arguments des parties

    A –  Arguments de la défenderesse et de l’intervenante

    57      La défenderesse, soutenue par l’intervenante, estime que le recours en annulation est irrecevable.

    58      Premièrement, la décision attaquée ne relèverait pas du droit des aides d’État, issu des articles 87 CE et 88 CE, de sorte que la requérante ne saurait invoquer la jurisprudence concernant la recevabilité d’un recours en annulation introduit contre des décisions adoptées en cette matière. Deuxièmement, à supposer même que ce soit le cas, les conditions de l’article 230, quatrième alinéa, CE, telles qu’établies par la jurisprudence en matière d’aides d’État, ne seraient pas remplies. En effet, la requérante ne serait ni directement ni individuellement concernée, au sens de cette disposition, par la décision attaquée au regard de la directive 2003/87. Enfin, la requérante n’aurait aucun intérêt légitime à demander l’annulation de la décision attaquée.

    B –  Arguments de la requérante

    1.     Observations liminaires

    59      La requérante est d’avis que le recours est recevable et que l’exception d’irrecevabilité doit être rejetée. La décision attaquée aurait une double nature juridique et la concernerait directement et individuellement au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE. Compte tenu de l’imbrication particulièrement étroite des questions relatives à la recevabilité et de celles de droit matériel concernant le bien-fondé du présent recours, la requérante demande en outre, à titre subsidiaire, de joindre l’exception d’irrecevabilité au fond (arrêt de la Cour du 20 mars 1997, France/Commission, C‑57/95, Rec. p. I‑1627, points 6 et suivants).

    60      Concernant la double nature de la décision attaquée, d’une part, la requérante souligne que celle-ci constitue un acte d’approbation de la Commission adopté conformément à l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87. D’autre part, il s’agirait d’une décision de la Commission, au titre de l’article 88, paragraphe 3, deuxième phrase, CE, autorisant de façon définitive, à tout le moins implicitement, le régime d’aides constitué par la règle du transfert, y compris la « surallocation » de quotas d’émission à certains concurrents de la requérante qui résulterait de son application, sans qu’il ait été besoin d’engager la procédure formelle prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

    61      La requérante estime qu’elle a la qualité pour agir à ces deux titres.

    2.     Sur la qualité pour agir de la requérante au regard du droit des aides

    a)     Sur la qualification de la décision attaquée de décision prise en matière d’aides d’État

    62      La requérante soutient, en substance, que, contrairement à l’avis de la défenderesse et de l’intervenante, la Commission a effectivement examiné la règle du transfert sous l’angle du droit des aides d’État et a définitivement pris position sur ce point dans la décision attaquée.

    63      Ainsi, d’une part, les considérants 9 et 10 de la décision attaquée feraient apparaître que la Commission a considéré que les éventuels éléments d’aide contenus dans le PNA seraient probablement compatibles avec le marché commun. D’autre part, il en ressortirait que la Commission a notamment examiné la question de savoir si la règle du transfert avantageait certaines entreprises par rapport à certains de leurs concurrents qui construisent de nouvelles installations sans bénéficier de ladite règle. Elle aurait enfin conclu qu’un tel avantage ne dépassait pas, en tout état de cause, la mesure de ce qui est justifié par l’utilité écologique de la règle en question.

    64      Selon la requérante, la lettre de la DG « Concurrence » du 29 juillet 2004 confirme également que, avant l’adoption de la décision attaquée, la Commission a effectué un examen détaillé de la règle du transfert sous l’angle du droit des aides d’État et qu’elle a tenu compte, dans ce contexte, des informations figurant dans la plainte de la requérante. En effet, la Commission y aurait exposé en détail les raisons qui l’avaient amenée à estimer que l’aide en faveur de certaines entreprises du secteur énergétique allemand, telle que contenue dans la règle du transfert, était compatible avec le marché commun.

    65      La requérante ajoute que la prise en compte par la Commission des éléments d’aide d’État, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 9 de la directive 2003/87, est conforme non seulement à ses déclarations à l’attention des États membres contenues dans sa lettre du 17 mars 2004, selon lesquelles elle entendait appliquer le droit des aides lors de l’examen des PNA, mais également à ses propres obligations, telles que prévues à l’article 9, paragraphe 3, lu en combinaison avec le critère n° 5 de l’annexe III de ladite directive et telles qu’interprétées par la Commission elle-même au point 2.1.5 de ses orientations. En effet, selon ce critère, un PNA ne saurait être contraire « aux exigences du traité, notamment ses articles 87 et 88 ».

    66      Par ailleurs, la requérante rappelle que, dans sa lettre du 17 mars 2004, la Commission avait renoncé à une « notification formelle des PNA au titre de l’article 88, paragraphe 3, CE pour la [première] période [d’allocation] » et annoncé que, lorsque certaines dispositions des PNA seraient susceptibles de favoriser certaines entreprises, elle engagerait d’office une enquête « complète », dont l’ouverture devrait entraîner le rejet de cet aspect du PNA compte tenu du temps nécessaire pour diligenter une telle enquête. La requérante en conclut que la Commission a ainsi exprimé son intention de rejeter, dans le cadre d’une décision adoptée au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, les dispositions des PNA qui nécessitent un examen plus approfondi au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE. Il faudrait en déduire, a contrario, qu’une telle décision, lorsqu’elle ne soulève aucune objection à l’encontre du PNA, implique que la Commission renonce à engager la procédure d’examen au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE.

    67      Il résulterait de tout ce qui précède que, premièrement, la Commission considère les règles d’un PNA, qui aboutissent à une « surallocation » de quotas, comme étant, en principe, incompatibles avec les règles relatives aux aides d’État, que, deuxièmement, conformément à ses propres déclarations, la Commission est obligée d’examiner les PNA sous l’angle du droit des aides d’État dans le cadre de la procédure prévue à l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 comme, le cas échéant, de les écarter lorsqu’ils nécessitent un examen approfondi conformément à l’article 88, paragraphe 2, CE et que, troisièmement, dans le cas d’espèce, la Commission a procédé à un tel examen du PNA allemand au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 sans pour autant rejeter, dans la décision attaquée, la règle du transfert.

    68      Selon la requérante, sont dès lors sans pertinence les affirmations de la défenderesse selon lesquelles, d’une part, la décision attaquée n’est pas fondée sur l’article 88 CE et, d’autre part, le dispositif de ladite décision ne tranche pas les questions relatives aux aides d’État, de sorte que la décision attaquée ne s’est pas prononcée, de manière expresse et définitive, au sens de l’article 88, paragraphe 3, CE, sur les éléments constitutifs d’une aide d’État que pourrait contenir la règle du transfert du PNA allemand. À cet égard, la requérante rappelle la jurisprudence constante selon laquelle la qualification juridique d’un acte communautaire ne dépend ni de sa désignation ni de sa forme, mais uniquement de sa nature, telle qu’elle résulte d’une appréciation sur le fondement de critères objectifs (arrêts de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9, et du Tribunal du 24 mars 1994, Air France/Commission, T‑3/93, Rec. p. II‑121, points 43 et 51)

    69      Ainsi conviendrait-il de vérifier, afin de déterminer la nature de la décision attaquée, si celle-ci produit des effets juridiques contraignants en ce qui concerne les éléments d’aides du PNA allemand, y compris la règle du transfert. Or, à la lumière des règles supérieures de droit communautaire (arrêt de la Cour du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374/87, Rec. p. 3283, point 28), la décision attaquée devrait être appréhendée comme étant une décision adoptée en matière d’aides d’État, en ce sens qu’elle a autorisé la règle du transfert sans engager une procédure formelle en vertu de l’article 88, paragraphe 2, CE (arrêt de la Cour du 10 juillet 1990, Grèce/Commission, C‑259/87, Rec. p. I‑2845, point 1 du sommaire in fine). En effet, au regard des éléments visés au point 66 ci-dessus et nonobstant la formulation du considérant 9 de la décision attaquée, une appréciation objective appellerait la conclusion selon laquelle ladite décision a constaté, de manière juridiquement contraignante et définitive, la compatibilité de la règle du transfert avec le critère n° 5 de l’annexe III de la directive 2003/87 et, partant, avec l’article 87 CE. Cette solution serait en outre conforme au sens et à la finalité de la procédure d’examen prévue à l’article 9 de la directive 2003/87, procédure qui serait destinée à garantir la compatibilité des règles nationales d’allocation avec le droit communautaire. Or, la réalisation de cet objectif serait sérieusement compromise si la Commission pouvait se contenter, dans le cadre de ladite procédure d’examen, de procéder à une vérification seulement sommaire et provisoire sous l’angle du droit des aides pour enfin s’abstenir d’adopter une décision contraignante à cet égard.

    70      La requérante soutient que l’effet juridique contraignant sous l’angle du droit des aides de la décision attaquée ressort également du fait que la République fédérale d’Allemagne a, entre-temps, transposé la règle du transfert prévue dans le PNA allemand en adoptant l’article 10 de la loi d’allocation. En effet, si la décision attaquée n’avait pas levé l’interdiction de mise à exécution visée par l’article 88, paragraphe 3, troisième phrase, CE (arrêt Air France/Commission, point 68 supra, point 47), tant cette transposition que le régime d’aides ainsi instauré auraient été contraires à cette disposition (arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires e.a., C‑354/90, Rec. p. I‑5505, point 12). La défenderesse et la République fédérale d’Allemagne auraient donc manifestement estimé que cette interdiction de mise à exécution ne devait pas s’appliquer au régime d’aides tel qu’établi par la règle du transfert et par l’article 10 de la loi d’allocation. Cela confirmerait, a contrario, que la décision attaquée produit nécessairement des effets juridiques contraignants en ce qui concerne les éléments d’aides d’État en cause.

    71      Dès lors, les arguments de la défenderesse tirés de l’absence de notification formelle de la règle du transfert, en vertu du droit des aides, ne sauraient prospérer. D’une part, cette argumentation serait contradictoire, eu égard à la renonciation par la Commission, dans sa lettre du 17 mars 2004, à une telle notification formelle et à la déclaration de son intention d’examiner les PNA au regard du droit des aides. D’autre part, si l’approche défendue par la défenderesse, selon laquelle il n’y a pas lieu pour la Commission de se prononcer définitivement sur les PNA sous l’angle du droit des aides d’État, était, à l’inverse, pertinente, la renonciation à la notification au titre du droit des aides serait manifestement illégale. En effet, la Commission ne saurait déroger à la règle imposant une notification, telle que prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE, qui est censée lui assurer l’occasion d’exercer, en temps utile et dans l’intérêt communautaire, son contrôle sur tout nouveau projet d’aide (arrêt de la Cour du 9 octobre 1984, Heineken Brouwerijen, 91/83 et 127/83, Rec. p. 3435, point 14). En l’espèce, la République fédérale d’Allemagne aurait satisfait à l’obligation découlant de cette disposition en faisant précéder le PNA allemand d’un aperçu des exigences communautaires reprenant l’ensemble des critères de l’annexe III de la directive 2003/87, en ce compris la référence aux articles 87 CE et 88 CE. Par conséquent, au regard notamment de la lettre de la Commission du 17 mars 2004, il serait évident que la République fédérale d’Allemagne, en soumettant le PNA à la Commission, ne souhaitait pas obtenir uniquement une simple appréciation provisoire, mais une certitude quant à l’appréciation du PNA allemand sous l’angle du droit des aides d’État. Cela aurait été confirmé par des déclarations publiques faites postérieurement à l’adoption de la décision attaquée par le ministre fédéral de l’Environnement.

    72      Concernant la lettre de la DG « Concurrence » du 29 juillet 2004, la requérante considère que la défenderesse fait valoir à juste titre qu’il ne s’agit pas d’une décision adoptée au titre du droit des aides pouvant faire l’objet d’un recours par le destinataire de ladite lettre, en vertu de l’article 230 CE (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 45). En outre, le texte de ladite lettre, qui se réfère à la décision attaquée, ferait clairement apparaître qu’elle n’était pas censée produire des effets juridiques contraignants autonomes, mais visait uniquement à expliciter les appréciations fondant la décision attaquée. La requérante conteste par ailleurs l’argument de l’intervenante selon lequel la requérante aurait pu intenter un recours en carence à l’encontre de la défenderesse afin d’obtenir une décision au titre de l’article 88 CE. Selon la requérante, en l’espèce, compte tenu de l’existence d’une décision adoptée au titre du droit des aides, le recours en annulation introduit conformément à l’article 230 CE constitue la voie de recours qui s’impose.

    73      La requérante ajoute, en substance, que la Commission était tenue d’engager une procédure formelle d’examen au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE, étant donné que la règle du transfert présente les caractéristiques d’une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. En effet, l’octroi des quotas d’émission en application de cette règle représenterait un avantage consenti au moyen de ressources d’État à certaines entreprises ou branches d’activité dans des conditions ne correspondant pas à des conditions normales de marché (arrêts de la Cour du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C‑39/94, Rec. p. I‑3547, point 60, et du 29 avril 1999, Espagne/Commission, C‑342/96, Rec. p. I‑2459, point 41). À cet égard, les affirmations contraires de l’intervenante seraient erronées et de surcroît incompatibles avec la position de principe de la défenderesse selon laquelle les règles d’allocation sont susceptibles de constituer des mesures d’aides.

    b)     Sur l’affectation directe de la requérante

    74      S’agissant de la question de l’affectation directe de la requérante, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, au regard du droit des aides, la requérante soutient que la décision attaquée déclenche un automatisme en ce qui concerne l’octroi des quotas d’émission à des entreprises soumises au système d’échange de quotas (arrêt de la Cour du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission, 11/82, Rec. p. 207, point 9 ; ordonnance du Tribunal du 10 septembre 2002, Japan Tobacco et JT International/Parlement et Conseil, T‑223/01, Rec. p. II‑3259, point 46). Conformément aux dispositions pertinentes de la directive 2003/87, à la suite de l’approbation du PNA allemand par la décision attaquée, la République fédérale d’Allemagne serait tenue de procéder à l’attribution des quotas sur le fondement dudit PNA. Tout écart par rapport au PNA exigerait une modification de ce dernier et, par conséquent, un nouvel examen par la Commission. En outre, le PNA et la loi d’allocation ne conféreraient aux autorités allemandes aucun pouvoir d’appréciation lors de l’attribution de quotas d’émission, mais prévoiraient que lesdits quotas doivent être alloués aux exploitants d’installations selon une quantité bien précise.

    75      La requérante s’oppose à l’argument de l’intervenante selon lequel la mise en œuvre de la règle du transfert dépend de nombreuses décisions discrétionnaires préalables et d’un environnement général non encore prévisible. Cette thèse serait erronée en ce qu’elle vise manifestement le processus décisionnel des entreprises potentiellement concernées par la règle du transfert. Si cette thèse était admise, un recours en annulation formé contre un régime d’aide ne serait, contrairement à la jurisprudence (arrêt du Tribunal du 5 décembre 2002, Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum/Commission, T‑114/00, Rec. p. II‑5121, points 72 à 74 ; conclusions de l’avocat général M. Jacobs sous l’arrêt de la Cour du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C‑78/03 P, Rec. p. I‑10737, I‑10741, point 62), jamais possible en pratique, étant donné que, au moment de l’adoption du régime, des retards dans la prise de décision des entreprises potentiellement bénéficiaires ne sauraient être exclus. À cet égard, la requérante rappelle que, selon la jurisprudence, le critère de l’affectation directe est rempli lorsque la volonté du destinataire de l’acte attaqué de tirer des conséquences conformes à celui-ci ne fait aucun doute (arrêt du Tribunal du 22 novembre 2001, Mitteldeutsche Erdöl-Raffinerie/Commission, T‑9/98, Rec. p. II‑3367, point 48). Or, la volonté de la République fédérale d’Allemagne de mettre en œuvre le système d’échange de quotas conformément aux dispositions du PNA allemand et de la loi d’allocation ne ferait aucun doute. En outre, la République fédérale d’Allemagne admettrait elle-même que la règle du transfert durant la première période d’allocation puisse être mise en œuvre sans marge d’appréciation lors de l’allocation des quotas d’émission au titre de la loi d’allocation. Dès lors, le processus décisionnel des entreprises bénéficiaires ne serait pas déterminant et la requérante serait directement concernée par la décision attaquée.

    c)     Sur l’affectation individuelle de la requérante

    76      La requérante estime en outre qu’elle est individuellement concernée par la décision attaquée, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, au regard de la jurisprudence relative aux aides d’État. Selon cette jurisprudence, tel serait le cas lorsque, d’une part, comme en l’espèce, la décision attaquée déclare des aides compatibles avec le marché commun sans ouvrir la procédure formelle d’examen et, d’autre part, la partie requérante doit être qualifiée de partie intéressée au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE (arrêts de la Cour du 19 mai 1993, Cook/Commission, C‑198/91, Rec. p. I‑2487, point 37, et du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, Rec. p. I‑3203, point 18). Ces principes s’appliqueraient notamment aux entreprises concurrentes, dans la mesure où leur position concurrentielle est affectée par l’aide en question, et ce même en cas d’autorisation d’un régime d’aides, tel que celui constitué par la règle du transfert (arrêts du Tribunal du 16 septembre 1998, Waterleiding Maatschappij/Commission, T‑188/95, Rec. p. II‑3713, points 60 et 62 ; du 27 septembre 2000, BP Chemicals/Commission, T‑184/97, Rec. p. II‑3145, points 29 et 40 ; du 21 mars 2001, Hamburger Hafen- und Lagerhaus e.a./Commission, T‑69/96, Rec. p. II‑1037, point 41, et Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum/Commission, point 75 supra, point 71). La requérante ajoute que l’objectif essentiel poursuivi par les arrêts Cook/Commission et Matra/Commission, précités, à savoir la sauvegarde de l’effet utile des garanties procédurales conférées aux parties intéressées par l’article 88, paragraphe 2, CE, vaut tant dans le cas d’un régime d’aides que dans celui d’une aide individuelle. Une fois qu’un régime d’aides serait autorisé, il n’existerait, en principe, pas d’autre procédure devant la Commission dans le cadre de laquelle lesdites garanties procédurales pourraient être sauvegardées. Par conséquent, les principes consacrés par les arrêts précités seraient applicables au cas d’espèce.

    77      Selon la requérante, la règle du transfert, bien qu’elle s’applique en théorie également aux cokeries, aux papeteries et aux exploitants d’autres types d’installations, a été introduite en vue d’une application bien spécifique au secteur de la production d’électricité, à savoir le remplacement le plus rapide possible, en particulier par RWE, des centrales de combustion de lignite inefficaces et fortement polluantes par de nouvelles centrales plus écologiques. La Commission aurait en effet reconnu l’importance de la règle du transfert sur ce point précis dans la lettre de la DG « Concurrence » du 29 juillet 2004. Dans ce contexte, la requérante s’oppose à l’argument selon lequel il ne serait pas certain que ses trois grands concurrents se prévalent de la règle du transfert, eu égard à la possibilité concrète d’une telle évolution déjà au cours de la première période d’allocation.

    78      La requérante est d’avis que la décision attaquée l’affecte également dans sa position concurrentielle vis-à-vis des bénéficiaires de la règle du transfert, notamment vis-à-vis de RWE, en ce qu’elle aboutit à une « surallocation » importante de quotas au profit de ces entreprises, alors que, en raison de la composition différente de son parc de centrales, elle ne bénéficierait pour sa part que d’une allocation inférieure. Ainsi, RWE notamment pourrait vendre ses quotas excédentaires sur le marché et, partant, réduire ses coûts de production et accroître sa part de marché au détriment de la requérante. Cette affectation de la position concurrentielle de la requérante serait suffisante pour conclure à sa qualité pour agir au regard de la qualification de la règle du transfert de régime d’aides (arrêt Waterleiding Maatschappij/Commission, point 76 supra, point 62). En effet, il serait extrêmement improbable que la règle du transfert entraîne des restrictions similaires en dehors du secteur de l’électricité. En outre, en l’espèce, dès l’autorisation du régime d’aides, il aurait été possible de connaître avec suffisamment de certitude la manière dont ledit régime se répercuterait sur les rapports de concurrence entre le requérant et les bénéficiaires du régime en question. Contrairement à l’avis de l’intervenante, cette approche n’aboutit pas à reconnaître une actio popularis, compte tenu de l’exigence d’une relation de concurrence entre les requérants et le bénéficiaire de l’aide sur le marché en cause (arrêts Waterleiding Maatschappij/Commission, point 73 supra, points 62 et 80 à 81, et Hamburger Hafen- und Lagerhaus e.a./Commission, point 76 supra, points 41 et 42). Or, en l’espèce, il existerait une relation de concurrence intense entre, d’une part, la requérante et, d’autre part, RWE et les deux autres entreprises d’électricité concernées (arrêt de la Cour du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, Rec. p. 391, point 25).

    79      La requérante estime en outre qu’elle se distingue, en tout état de cause, du cercle des autres entreprises participant au système d’échange de quotas et entrant dans le champ d’application de la règle du transfert. Cela tiendrait notamment aux effets concrets, en pratique et déjà durant la première période d’allocation, de l’application de ladite règle sur la situation concurrentielle de RWE. En effet, le rapport de la République fédérale d’Allemagne sur l’allocation des quotas durant cette période établirait que non seulement 79 % des quotas ont été alloués à des installations de production d’énergie, mais que le bénéficiaire de l’allocation individuelle la plus importante a été une centrale de combustion de lignite en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, que la requérante suppose être celle de RWE à Niederaußem. La requérante ajoute qu’aucune autre entreprise ne serait affectée par la règle du transfert de manière comparable.

    80      La requérante rappelle enfin que la Commission aurait dû engager la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, compte tenu du fait que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, il existait des doutes sérieux quant à la compatibilité de la règle du transfert avec le marché commun. Dans le cadre de cette procédure, la requérante aurait été entendue en tant que partie intéressée au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE (arrêts de la Cour du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, Rec. p. 3809, point 16 ; Cook/Commission, point 76 supra, point 29, et Commission/Sytraval et Brink’s France, point 72 supra, point 41).

    3.     Sur la qualité pour agir de la requérante au regard de la directive 2003/87

    a)     Observation liminaire

    81      La requérante estime qu’elle a également la qualité pour agir, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, au regard des dispositions pertinentes de la directive 2003/87, en particulier l’article 9, paragraphe 3, en combinaison avec le critère n° 5 de l’annexe III de ladite directive.

    b)     Sur l’affectation directe de la requérante

    82      Quant à la question de l’affectation directe de la requérante, cette dernière s’oppose, d’abord, à l’argument de la défenderesse selon lequel, en adoptant la décision attaquée, la Commission n’aurait pas autorisé le PNA allemand, en ce compris la règle du transfert. En effet, dans ses propres communications, la Commission affirmerait qu’elle a approuvé dans leur ensemble ou en partie certains PNA et les décisions prises à ce titre auraient été appréhendées de la même manière au niveau national. Cette interprétation serait confirmée par le libellé de l’article 3, paragraphe 3, de la décision attaquée, selon lequel « toutes les modifications des [PNA] […] sont soumises à l’autorisation au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 ».

    83      Par ailleurs, la requérante conteste la pertinence de la comparaison effectuée par la défenderesse et par l’intervenante avec la procédure en manquement au titre de l’article 226 CE. D’une part, à la différence de cette dernière procédure, la procédure de notification et d’examen prévue à l’article 9 de la directive 2003/87 aurait une finalité propre qui serait de détecter au préalable d’éventuelles violations par les PNA du droit communautaire. Ce ne serait pas le cas de la procédure engagée contre des mesures nationales déjà existantes et non préalablement notifiées à la Commission. D’autre part, une décision de ne pas engager la procédure en manquement au titre de l’article 226 CE n’empêcherait pas l’État membre d’abroger ou de modifier la mesure en question. En l’espèce, en revanche, les États membres seraient tenus, en vertu de l’article 9 et de l’article 11, paragraphes 1 et 4, de la directive 2003/87, d’octroyer des quotas d’émission conformément aux règles (non contestées par la Commission) du PNA. Le fait qu’un État membre, lorsqu’il souhaite s’écarter des règles du PNA, doit, en principe, soumettre le PNA une nouvelle fois à la Commission démontrerait que ledit État membre est lié en ce qui concerne les aspects non contestés du PNA. Par conséquent, une décision de ne pas soulever d’objections au titre de l’article 9 de la directive 2003/87 devrait nécessairement être considérée comme une autorisation du PNA notifié, et ce, à plus forte raison, lorsque, comme aux considérants 9 et 10 de la décision attaquée, la Commission examine expressément un aspect du PNA qu’elle ne conteste pas. Enfin, l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 aurait un champ d’application beaucoup plus réduit que celui de l’article 226 CE, en ce qu’il viserait uniquement à garantir la conformité au droit communautaire des systèmes d’échange de quotas. En même temps, l’article 9, paragraphe 3, lu en combinaison avec les critères définis à l’annexe III de ladite directive serait destiné à assurer l’égalité de traitement des participants au système d’échange de quotas et à éviter des distorsions de concurrence. Dès lors, cette disposition ne viserait pas uniquement les relations entre la Commission et l’État membre, mais également la protection individuelle.

    84      L’éventuel pouvoir discrétionnaire conféré à la Commission par l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 ne serait pas de nature à remettre en cause le fait que la décision prise au titre de cette disposition constitue une autorisation. Dans le cadre du contrôle des aides d’État, la Commission disposerait également d’un pouvoir discrétionnaire et le fait qu’une décision positive de la Commission constitue une autorisation des mesures étatiques visées n’aurait jamais éveillé aucun doute (conclusions de l’avocat général M. La Pergola sous l’arrêt de la Cour du 20 février 1997, Bundesverband der Bilanzbuchhalter/Commission, C‑107/95 P, Rec. p. I‑947, I‑949, point 10).

    85      Ensuite, la requérante conteste l’argument selon lequel, à l’expiration du délai de trois mois prévu à l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, le PNA serait, en l’absence d’objections, réputé non autorisé et, de ce fait, interdit. Au contraire, à l’instar de la règle établie, par exemple, à l’article 4, paragraphe 6, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), et à l’article 10, paragraphe 6, du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24, p. 1), l’écoulement dudit délai aurait pour conséquence que le PNA est réputé autorisé.

    86      Selon la requérante, les dispositions pertinentes de la directive 2003/87 déclenchent un automatisme quant à l’application des règles du PNA allemand qui n’ont pas fait l’objet d’objections dans la décision attaquée. En effet, au moment de l’autorisation du PNA allemand, il aurait été de facto établi que la règle du transfert et la règle d’attribution spéciale pour l’arrêt des centrales nucléaires seraient reprises telles quelles dans la loi d’allocation sans que les autorités compétentes disposent d’une marge d’appréciation quant à l’allocation individuelle des quotas d’émission. Dès lors, les conditions de l’affectation directe de la requérante, telles qu’établies par la jurisprudence, seraient réunies (arrêt Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum/Commission, point 75 supra, point 73). Cette conclusion ne serait remise en cause ni par la possibilité d’ajustements a posteriori du nombre de quotas à attribuer à la suite de l’amélioration des données ni par l’obligation de tenir dûment compte, après l’adoption de la décision prise en vertu de l’article 9 de la directive 2003/87, des « observations formulées par le public » conformément à l’article 11, paragraphe 1, de ladite directive. En effet, les règles pertinentes du PNA allemand seraient formulées de manière tellement précise que des divergences dans leur application, le cas échéant après la prise en considération des observations du public, devraient faire l’objet d’une nouvelle notification à la Commission.

    c)     Sur l’affectation individuelle de la requérante

    87      La requérante estime qu’elle est également individuellement concernée, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, compte tenu du fait que la décision attaquée l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières et en raison d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à tout autre opérateur concerné par le PNA, de sorte qu’elle est concernée de manière analogue à un destinataire. En déclarant le PNA allemand compatible avec les critères de l’annexe III de la directive 2003/87, la Commission aurait rendu possible l’adoption par le législateur allemand de la loi d’allocation. Or, cette loi aboutirait à favoriser considérablement les entreprises énergétiques, notamment RWE, produisant principalement de l’électricité dans des centrales conventionnelles au détriment d’autres entreprises énergétiques, telle la requérante, ayant un parc de centrales nucléaires important. D’une part, ces dernières ne sauraient se prévaloir de l’application de la règle du transfert en ce qui concerne le remplacement de leurs centrales nucléaires prescrit par le Gesetz zur geordneten Beendigung der Kernenergienutzung zur gewerblichen Erzeugung von Elektrizität et, d’autre part, la loi d’allocation ne leur offrirait pas de compensation suffisante et comparable pour un tel remplacement.

    88      À cet égard, la requérante rappelle la jurisprudence selon laquelle un acte de portée générale est susceptible de concerner individuellement des entreprises lorsque celles-ci forment un cercle restreint qui est suffisamment caractérisé par rapport au cercle des entreprises abstraitement désignées par ledit acte et dont l’importance ne peut plus augmenter durant la période de validité de la mesure (arrêts de la Cour du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C‑152/88, Rec. p. I‑2477, point 11, et du 18 mai 1994, Codorníu/Conseil, C‑309/89, Rec. p. I‑1853, points 18 et 21). Contrairement à la thèse de la défenderesse, cette jurisprudence serait applicable au cas d’espèce. En effet, les dispositions du système d’échange de quotas affecteraient des situations juridiques concrètes, étant donné qu’elles bouleversent en profondeur la teneur et les limites du droit de propriété des exploitants des installations émettrices de gaz à effets de serre, ces derniers se voyant, ainsi, privés d’un droit positif qui leur permettait jusque-là d’émettre du CO2.

    89      La requérante précise que, contrairement à la thèse de la défenderesse, les effets négatifs et inégalitaires résultant de l’application de la règle du transfert ne se produisent qu’au sein d’un cercle restreint d’entreprises actives dans le secteur de la production d’électricité tout en l’affectant directement, celle-ci étant l’un des deux exploitants des centrales nucléaires dont la production sera arrêtée durant la première période d’allocation. La requérante relève en effet que, parmi les quatre grandes entreprises d’électricité en Allemagne, RWE et Vattenfall produisent environ 60 % de leur électricité dans des centrales de combustion de houille et, respectivement, seulement environ 16 % (RWE) et 9 % (Vattenfall) dans des centrales nucléaires. En revanche, s’agissant d’E.ON et de la requérante, l’énergie nucléaire représenterait actuellement, respectivement, environ 34 % et 37 % de leur puissance installée. Tandis que Vattenfall détient un parc de centrales relativement modernes, RWE disposerait d’une puissance brute totale d’environ 7 100 MW, laquelle devrait, selon les informations de la requérante, faire l’objet d’un remplacement, à tout le moins en partie et avant 2007, par de nouvelles installations pouvant bénéficier de la règle du transfert. En revanche, E.ON et la requérante seraient les seules entreprises qui, après la fermeture des centrales nucléaires d’Obrigheim (de la requérante) et de Stade (d’E.ON) en raison de l’abandon de l’énergie nucléaire en Allemagne, sont tenues de compenser leurs capacités nucléaires par une production d’électricité conventionnelle, sans pour autant pouvoir profiter de la règle du transfert. L’avantage qui en résulterait, durant la première période d’allocation, pour les exploitants de centrales conventionnelles, notamment pour RWE, affecterait la situation économique de la requérante de manière particulièrement sensible (ordonnance de la Cour du 25 avril 2002, Galileo et Galileo International/Conseil, C‑96/01 P, Rec. p. I‑4025, point 53). En outre, son affectation individuelle serait également la conséquence d’une série de circonstances matérielles la caractérisant par rapport à tout autre opérateur, à savoir notamment la part importante que représente l’énergie nucléaire dans sa capacité de production d’électricité, la composition unique de son parc de centrales par comparaison avec celle des parcs de ses concurrents ainsi que la mention expresse dans les motifs du projet de la loi d’allocation, qui se réfèrent à la règle d’attribution spéciale, de la fermeture des centrales nucléaires de Stade et d’Obrigheim. La requérante ajoute que cette affectation individuelle par la règle du transfert persistera au-delà de la première période d’allocation, étant donné que, d’une part, à partir de 2008, elle ne pourra plus se prévaloir de l’attribution spéciale pour les centrales nucléaires et que, d’autre part, elle n’aura, en principe, pas besoin de remplacer ses centrales conventionnelles qui auraient pu bénéficier de l’application de la règle du transfert (arrêt de la Cour du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, Rec. p. I‑2501, point 17, et arrêt Air France/Commission, point 68 supra, point 82).

    90      La requérante affirme que la règle d’attribution spéciale n’est pas de nature à compenser l’avantage conféré aux exploitants de centrales conventionnelles. D’une part, cette disposition ferait partie d’un ensemble de dispositions faussant la concurrence au détriment de la requérante et, d’autre part, la dotation en quotas qui en résulte au moment de l’arrêt des centrales nucléaires serait insuffisante et constituerait en soi une distorsion de la concurrence.

    91      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, la requérante conclut qu’elle serait directement et individuellement concernée par la décision attaquée également au regard de la directive 2003/87.

    4.     Sur l’intérêt à agir de la requérante

    92      La requérante s’oppose à l’argument de la défenderesse selon lequel elle n’aurait pas d’intérêt à agir. En particulier, elle conteste la thèse selon laquelle, à la suite d’une annulation de la décision attaquée, le PNA allemand serait applicable dans son ensemble du fait de l’écoulement du délai de trois mois prévu à l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87. La requérante estime que, au contraire, dans une telle hypothèse, les parties se retrouveraient dans la situation qui était la leur avant l’adoption de la décision attaquée (arrêt de la Cour du 31 mars 1971, Commission/Conseil, 22/70, Rec. p. 263, points 59 et 60). En matière d’aides également, en cas d’annulation d’une décision d’autorisation, il y aurait lieu, selon la jurisprudence et la pratique décisionnelle de la Commission, de reprendre la procédure (arrêt de la Cour du 12 novembre 1998, Espagne/Commission, C‑415/96, Rec. p. I‑6993, point 31), nonobstant l’expiration du délai de deux mois imparti pour procéder à l’examen préliminaire prévu à l’article 88, paragraphe 3, CE. Selon la requérante, les mêmes principes doivent s’appliquer dans le cas d’espèce avec pour conséquence que la Commission devrait, en cas d’annulation de la décision attaquée, engager une nouvelle procédure d’examen au titre de l’article 9 de la directive 2003/87.

    II –  Appréciation du Tribunal

    93      Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, que la défenderesse et l’intervenante contestent la recevabilité du présent recours, au motif, notamment, que la requérante ne serait pas directement concernée par la décision attaquée, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, et que, en tout état de cause, elle n’aurait pas d’intérêt à agir contre ladite décision.

    94      Il y a lieu d’examiner, d’emblée, la question de savoir si la requérante dispose d’un intérêt à agir contre la décision attaquée.

    A –  Sur les conditions de l’intérêt à agir

    95      De l’avis de la défenderesse, la requérante n’a pas d’intérêt à demander l’annulation de la décision attaquée parce qu’une éventuelle annulation aurait pour seule conséquence l’anéantissement du rejet par la Commission des trois aspects du PNA allemand mentionnés à l’article 1er de ladite décision. Dès lors, le délai de trois mois prévu à l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 étant venu à expiration, une telle annulation ne saurait affecter la mise en œuvre dudit PNA dans son intégralité, y compris la règle du transfert contestée, et ne serait, par conséquent, pas susceptible de conférer un avantage au requérant. La requérante objecte, en substance, que l’annulation de la décision attaquée, à l’instar de celle d’une décision d’autorisation adoptée en matière d’aides d’État, aurait pour conséquence d’anéantir l’autorisation accordée par la Commission en ce qui concerne la règle du transfert et de conduire la Commission à rouvrir la procédure d’examen, au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, en replaçant les parties dans la situation dans laquelle elles se trouvaient avant l’adoption de la décision attaquée, nonobstant l’expiration du délai de trois mois, et à statuer à nouveau.

    96      S’agissant de l’intérêt à agir, il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette personne a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué (voir arrêt du Tribunal du 28 septembre 2004, MCI/Commission, T‑310/00, Rec. p. II‑3253, point 44, et la jurisprudence qui y est citée). Un tel intérêt suppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques (voir arrêt du Tribunal du 14 septembre 1995, Antillean Rice Mills e.a./Commission, T‑480/93 et T‑483/93, Rec. p. II‑2305, points 59 et 60, et la jurisprudence qui y est citée) et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêt de la Cour du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 21).

    97      Dès lors, il y a lieu de vérifier si, en l’espèce, une éventuelle annulation de la décision attaquée est susceptible de procurer un avantage à la requérante. Tel serait notamment le cas si cette annulation avait pour conséquence que, d’une part, les règles du PNA allemand, en ce compris la règle du transfert, ne bénéficieraient plus de l’autorisation éventuellement accordée, à tout le moins de manière implicite, par la décision attaquée au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 et, d’autre part, la Commission serait tenue de statuer de novo, sur le fondement de cette disposition, sur la compatibilité dudit PNA avec les dispositions de droit communautaire pertinentes.

    98      Ainsi, la réponse à la question de l’existence d’un intérêt à agir dépend de la nature juridique de la procédure d’examen et du pouvoir décisionnel de la Commission au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 et, en particulier, de la question de savoir si la décision attaquée comporte une autorisation de l’ensemble du PNA allemand, y compris la règle du transfert.

    99      Il convient dès lors d’apprécier la nature juridique de cette procédure et de ce pouvoir décisionnel de la Commission.

    B –  Sur la nature juridique de la procédure d’examen et du pouvoir décisionnel de la Commission au titre de l’article 9 de la directive 2003/87

    1.     Observations liminaires

    100    Il est constant que, d’un point de vue purement formel et indépendamment de sa vraie portée matérielle, la décision attaquée n’est fondée que sur l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 et non sur les règles pertinentes en matière d’aides d’État, à savoir les articles 87 CE et 88 CE ainsi que le règlement n° 659/1999.

    101    S’agissant de la nature juridique de la procédure d’examen prévu à l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, la défenderesse, soutenue par l’intervenante, fait valoir, en substance, que cette disposition ne confère pas à la Commission le pouvoir d’autoriser le PNA notifié, mais uniquement le pouvoir de rejeter ce PNA ou certains aspects de celui-ci sur le fondement des critères énumérés à l’annexe III de ladite directive. La requérante objecte essentiellement que, d’une part, en cas d’annulation de la décision attaquée, la procédure d’examen devrait être rouverte et que, d’autre part, l’expiration du délai de trois mois constituerait, en tout état de cause, une fiction juridique consistant à réputer autorisé ledit PNA.

    102    Afin d’examiner le bien-fondé des arguments avancés par les parties à ce titre, le Tribunal considère qu’il convient de procéder à une interprétation littérale, contextuelle et téléologique de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 (voir, concernant la méthodologie, arrêts du Tribunal du 20 novembre 2002, Lagardère et Canal+/Commission, T‑251/00, Rec. p. II‑4825, points 72 et suivants, et du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T‑22/02 et T‑23/02, Rec. p. II‑4065, points 41 et suivants).

    2.     Sur l’éventuelle autorisation contenue dans la décision attaquée

    a)     Sur l’interprétation textuelle de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87

    103    Tout d’abord, concernant la question de savoir si la décision attaquée comporte une autorisation du PNA allemand, il y a lieu d’examiner le libellé de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 qui constitue, ainsi que les parties en conviennent, la base légale formelle de la décision attaquée.

    104    À cet égard, le Tribunal relève que le libellé de l’article 9, paragraphe 3, première phrase, aux termes duquel la Commission « peut rejeter ce [PNA] ou tout aspect de celui-ci », indique que la Commission ne dispose pas d’un plein pouvoir d’autorisation, comme le prétend la requérante. S’il est vrai que cette disposition permet à la Commission un contrôle a priori du PNA notifié par l’État membre, il n’en reste pas moins que le pouvoir d’examen et de rejet par la Commission de ce PNA est fort circonscrit, celui-ci ayant des limites tant substantielles que temporelles. D’une part, ce contrôle est limité à l’examen par la Commission de la compatibilité du PNA avec les critères de l’annexe III et les dispositions de l’article 10 de la directive 2003/87 et, d’autre part, il doit être exercé dans un délai de trois mois à compter de la notification dudit PNA par l’État membre.

    105    Contrairement à l’avis de la requérante, le fait que l’article 9, paragraphe 3, deuxième phrase, de la directive 2003/87 fait mention de « modifications proposées » qui doivent être « acceptées par la Commission » n’est pas susceptible de remettre en cause cette appréciation. En effet, ces modifications interviennent au cours d’une phase ultérieure de la procédure d’examen, à savoir à la suite d’objections de la Commission à l’égard du PNA notifié ou de certains de ses aspects, et elles ont précisément pour objet d’écarter les objections initialement exprimées par la Commission concernant leur compatibilité avec les critères énoncés à l’annexe III et les dispositions de l’article 10 de la directive 2003/87. Dès lors, l’acceptation desdites modifications par la Commission n’est que le corollaire de ses objections initiales dans le cadre de son pouvoir de contrôle et de rejet limité, qui lui est conféré par l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, et non l’expression d’un pouvoir général d’autorisation. Le fait que cette disposition ne prévoit que la possibilité d’accepter les propositions de modification du PNA indique plutôt que, au contraire, la Commission ne dispose pas d’un tel pouvoir général d’autorisation.

    106    Par ailleurs, le pouvoir de rejeter le PNA notifié ou certains de ses aspects ne répond pas à une obligation absolue d’agir de la Commission. Celle-ci est certes tenue, à la suite de la notification d’un PNA, de vérifier, avec soin et impartialité, la compatibilité dudit PNA avec les critères de l’annexe III et les dispositions de l’article 10 de la directive 2003/87 (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14 ; arrêts du Tribunal du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99, Rec. p. II‑3305, point 171, et Alpharma/Conseil, T‑70/99, Rec. p. II‑3495, point 182). Cependant, les termes « peut rejeter » impliquent un certain pouvoir d’appréciation discrétionnaire de la Commission, comparable au pouvoir d’appréciation discrétionnaire dont elle dispose dans le cadre de l’application de l’article 226 CE, dont elle n’est pas obligée de faire usage dans toutes les circonstances (voir ordonnance du Tribunal du 14 janvier 2004, Makedoniko Metro et Michaniki/Commission, T‑202/02, Rec. p. II‑181, points 43 et 46, et la jurisprudence qui y est citée). Il en résulte que, si la Commission renonce, à la suite de la notification par l’État membre de son PNA, à faire usage de ce pouvoir durant le délai de trois mois à compter de la notification, l’État membre peut, en principe, mettre en œuvre ledit PNA dans les conditions prévues aux articles 11 et suivants de la directive 2003/87, sans que cela nécessite l’approbation de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 23 novembre 2005, Royaume-Uni/Commission, T‑178/05, non encore publié au Recueil, point 55). Il y a lieu d’ajouter que cela n’affecte nullement le pouvoir de surveillance général de la Commission au titre des articles 211 CE et 226 CE, qui, quant à lui, n’est pas soumis à un quelconque délai péremptoire.

    107    De même, il ressort du libellé de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 que la procédure d’examen du PNA ne doit pas nécessairement être close par une décision formelle, notamment lorsque l’État membre apporte, au cours de cette procédure, toutes les modifications demandées par la Commission. En outre, l’article 9, paragraphe 3, deuxième phrase, de la directive 2003/87 ne fait état que d’une décision négative de rejet, et non d’une décision d’autorisation ou d’une décision de ne pas soulever d’objections. Il s’ensuit que la Commission dispose d’une certaine marge d’appréciation pour l’adoption d’une telle décision, dont elle fera notamment usage lorsque l’État membre s’abstient de, ou se refuse à, modifier son PNA, avant l’expiration du délai de trois mois, malgré les objections soulevées par la Commission.

    108    Dès lors, la thèse de la requérante est en contradiction avec le libellé de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87.

    b)     Sur l’interprétation contextuelle de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87

    109    D’un point de vue contextuel, le Tribunal constate l’absence d’éléments pertinents dans la directive 2003/87 permettant de mieux déterminer la nature juridique de la procédure d’examen et du pouvoir décisionnel exercé par la Commission au titre de l’article 9, paragraphe 3, de ladite directive. Toutefois, il y a lieu de comparer ladite procédure et ledit pouvoir avec d’autres régimes administratifs de contrôle impliquant également un pouvoir décisionnel de la Commission, dont ceux invoqués par les parties, afin de caractériser le fondement juridique ainsi que la finalité du régime en question.

    110    À cet égard, les parties ont notamment fait référence à la procédure de contrôle des aides d’État prévue à l’article 88 CE et explicité par le règlement n° 659/1999 ainsi qu’à la procédure en manquement au titre de l’article 226 CE.

    111    À ce titre, il convient de préciser que tant la procédure en matière d’aides d’État – pour autant qu’elle concerne des mesures préalablement notifiées au titre de l’article 88, paragraphe 3, CE – que la procédure d’examen au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 constituent, à la différence de la procédure en manquement prévue à l’article 226 CE, des exemples de contrôle a priori de la compatibilité de mesures nationales avec certaines dispositions du droit communautaire. De même qu’il lui est interdit, en application de l’article 88, paragraphe 3, troisième phrase, CE, de mettre à exécution une mesure d’aide notifiée avant l’expiration d’un certain délai, l’État membre n’est, en principe, pas en droit de mettre en œuvre son PNA avant l’expiration du délai de trois mois prévu pour ce contrôle a priori, au titre de l’article 9, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2003/87, à moins que la Commission ne fasse part à l’État membre, avant l’expiration de ce délai, qu’elle n’entend pas soulever d’objections. En effet, d’une part, cette interdiction temporaire d’exécuter le PNA tient à la possibilité pour la Commission de rejeter, jusqu’à la fin de ce délai, tout ou partie du PNA en question en raison de son éventuelle incompatibilité avec, notamment, les critères de l’annexe III. D’autre part, elle résulte du fait que, en vertu de la deuxième phrase de ladite disposition, en cas d’objections de la Commission à l’égard du PNA ou de certains de ses aspects, l’État membre ne peut prendre la décision d’allocation au sens de l’article 11, paragraphe 1 – qui exige que le PNA soit « élaboré en application de l’article 9 » –, que si les modifications qu’il propose pour écarter ces objections ont été acceptées par la Commission. En revanche, contrairement à l’article 88, paragraphe 3, troisième phrase, CE, l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 ne fait pas dépendre la levée de cette interdiction d’exécuter le PNA de l’adoption d’une décision formelle de la Commission. Il en découle que, en principe, en l’absence d’objections expresses de la Commission dans le délai prévu, la seule expiration du délai de trois mois permet à l’État membre de mettre en œuvre le PNA tel que notifié (arrêt Royaume-Uni/Commission, point 106 supra, point 55).

    112    Le Tribunal considère en outre que le seul fait que la procédure d’examen des PNA a le caractère d’un contrôle a priori n’implique pas que ladite procédure doive aboutir à une décision constitutive de droits en ce qui concerne la légalité et à la possibilité de mettre en œuvre les mesures notifiées. En effet, alors que les règles en matière d’aides reposent sur un principe d’interdiction générale – liée à une présomption d’illégalité – selon lequel les mesures d’aide, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, sont, en principe, incompatibles avec le marché commun, l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 ne repose pas sur un tel principe et n’est pas destiné à déroger à une quelconque interdiction générale. Cette disposition vise, au contraire, à garantir le bon fonctionnement du système d’échange de quotas au moyen de l’allocation de quotas d’émission par les États membres sur le fondement de leur PNA, dont les règles d’allocation ne sont soumises qu’à un contrôle limité au respect par l’État membre, notamment, des critères énumérés à l’annexe III de ladite directive. De même, en droit communautaire de l’environnement, il n’existe pas de disposition de droit primaire ou dérivé interdisant à un État membre, ne fût-ce que par précaution, à l’instar de l’interdiction générale prévue à l’article 87 CE, l’adoption de certaines mesures dans le contexte de la mise en œuvre de la directive 2003/87 et du système d’échange de quotas. Au contraire, en vertu de l’article 176 CE, un État membre a la possibilité de maintenir ou d’établir des mesures de protection renforcées par rapport à celles prévues par la législation communautaire, pourvu que ces mesures soient compatibles avec le traité en général (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 14 avril 2005, Deponiezweckverband Eiterköpfe, C‑6/03, Rec. p. I‑2753, points 27 à 32).

    113    Le Tribunal estime que les différences relevées au point 112 ci-dessus entre la procédure d’examen des aides d’État et celle de l’examen des PNA révèlent une distinction fondamentale entre ces deux régimes de contrôle a priori. Il en découle que les effets juridiques des mesures prises par la Commission dans le cadre de ces régimes respectifs, tant à l’égard des État membres qu’à l’égard des entreprises intéressées, doivent également être clairement distingués.

    114    Ainsi, une décision formelle de compatibilité, au sens de l’article 88, paragraphe 3, troisième phrase, CE, adoptée par la Commission dans le cadre de la procédure d’examen des aides d’État constitue une décision d’autorisation reconnaissant explicitement le caractère légal de l’aide notifiée, en l’absence de laquelle, en principe, cette aide est illégale et ne saurait être accordée (voir article 4, paragraphes 2 et 3, et article 7, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 659/1999). En revanche, une décision d’incompatibilité à ce titre ne fait que confirmer, de manière juridiquement contraignante, l’interdiction générale prévue à l’article 87 CE ainsi que l’interdiction de mise à exécution de l’aide (voir article 7, paragraphe 5, du règlement n° 659/1999). La nécessité d’une telle autorisation, qui déroge au principe général de l’interdiction des aides étatiques tel qu’établi par l’article 87, paragraphe 1, CE, est enfin confirmée par la fiction juridique résultant de l’article 4, paragraphe 6, première phrase, du règlement n° 659/1999, selon lequel l’aide en cause est « réputée […] autorisée » lorsque la Commission n’a pas pris de décision dans les délais (voir, également, arrêt de la Cour du 11 décembre 1973, Lorenz, 120/73, Rec. p. 1471, point 5).

    115    En revanche, le contrôle a priori effectué en application de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 n’aboutit pas nécessairement à une décision d’autorisation, étant donné que la Commission ne doit intervenir que dans la mesure où elle estime nécessaire de soulever des objections à l’égard de certains aspects du PNA notifié et de prendre, en cas de refus de l’État membre de modifier son PNA, une décision de rejet (voir point 106 ci-dessus). En outre, ces objections et décision de rejet doivent intervenir dans les trois mois à compter de la notification du PNA. En effet, à défaut, le PNA notifié devient définitif et bénéficie d’une présomption de légalité permettant à l’État membre de l’exécuter durant la période d’allocation concernée. Dès lors, ce contrôle particulier repose sur une présomption de légalité de la mesure étatique qui n’est soumise qu’à une interdiction temporaire de mise à exécution. Il en résulte que toute décision de la Commission portant rejet d’un PNA ou de certains de ses aspects, même dans le cas où elle comporte une acceptation explicite par la Commission d’autres aspects de celui-ci ou des motifs énonçant les raisons pour lesquelles elle n’entend pas soulever d’objections à leur égard et dans le cas où elle est suivie d’une acceptation des modifications apportées audit PNA, ne saurait être considérée comme une autorisation, en tant qu’acte constitutif de droits, puisque, par nature, les mesures notifiées dans ce contexte ne nécessitent pas une telle autorisation.

    c)     Sur l’interprétation téléologique de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87

    116    Les considérations énoncées aux points 103 à 115 ci-dessus sont confirmées par une interprétation téléologique de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87.

    117    D’un point de vue téléologique, la procédure engagée au titre de cette disposition vise, hormis la possibilité d’un contrôle a priori par la Commission, à assurer aux États membres une sécurité juridique et, en particulier, à leur permettre d’être rapidement fixés, dans de courts délais, sur la manière dont ils peuvent allouer les quotas d’émission et gérer le système d’échange de quotas sur le fondement de leur PNA durant la période d’allocation concernée. En effet, eu égard à la durée limitée de cette période, qui est de trois ou cinq ans (article 11 de la directive 2003/87), il existe un intérêt légitime tant de la Commission que des États membres à ce que tout différend quant au contenu du PNA soit réglé rapidement et à ce que ce PNA ne soit pas exposé, tout au long de sa période de validité, à un risque de contestation par la Commission.

    118    En outre, à la différence de l’application des règles relatives aux aides d’État, qui visent à éviter d’emblée la création d’une situation contraire aux dispositions du traité et aux objectifs du marché intérieur, la mise en œuvre des objectifs de la directive 2003/87, en particulier la création d’un système d’échange de quotas destiné à favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performantes (article 1er de ladite directive), serait entravée par l’édiction d’une interdiction de mettre à exécution les PNA tant que la Commission n’a pas adopté une décision d’autorisation.

    119    Il résulte de ce qui précède que l’argument de la requérante selon lequel la décision attaquée comporte une autorisation implicite du PNA allemand, en ce compris la règle du transfert contestée, ne saurait être accueilli.

    3.     Sur les effets de l’expiration du délai de trois mois visé à l’article 9, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2003/87

    120    Quant à l’argument de la requérante tiré de ce que le PNA notifié est réputé autorisé à l’expiration du délai de trois mois visé à l’article 9, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2003/87, il résulte des considérations énoncées aux points 103 à 119 ci-dessus que, en l’absence d’un pouvoir général d’autorisation stricto sensu de la Commission à l’égard du PNA notifié, l’absence d’objections de la Commission à l’expiration de ce délai ne saurait, à plus forte raison, fonder une quelconque présomption ou fiction juridique d’autorisation du PNA. À cet égard, le Tribunal rappelle que la Commission ne dispose que d’un pouvoir de contrôle et de rejet restreint, limité aux seuls critères énumérés à l’annexe III et aux dispositions de l’article 10 de ladite directive. Dès lors, l’expiration de ce délai a pour seule conséquence que le PNA – qui bénéficie d’une présomption de légalité sauf objections de la Commission – devient définitif et peut être mis en œuvre par l’État membre sans que cela nécessite une quelconque autorisation générale de la Commission.

    121    Cette appréciation est confortée par le fait que l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 n’édicte pas de règle expresse instituant une présomption ou une fiction juridique telle qu’invoquée par la requérante. Le législateur communautaire peut certes prévoir de telles règles lorsqu’il estime que cela est indispensable dans l’intérêt de la sécurité juridique des parties à la procédure. En effet, ainsi que le fait valoir la requérante, le législateur communautaire a fait usage de ce pouvoir à l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 659/1999, dans l’intérêt de l’État membre, afin que celui-ci puisse mettre à exécution une mesure d’aide après l’écoulement d’un délai de deux mois à compter de sa notification, sans encourir le risque d’une éventuelle intervention ultérieure de la Commission. De même, l’article 10, paragraphe 6, du règlement n° 139/2004 prévoit, dans l’intérêt des entreprises notifiant un projet de concentration, qu’une concentration est réputée compatible avec le marché commun si la Commission ne s’est pas prononcée dans les délais prévus audit règlement. Or, force est de constater que la justification de ces règles réside précisément dans le fait que les régimes de contrôle en cause, à la différence de celui prévu par l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, requièrent une autorisation explicite et constitutive de droits de la part de l’administration pour que le projet de mesures notifié puisse être mis à exécution. Par ailleurs, ces règles constituent des exceptions et elles doivent donc être prévues de manière expresse par la réglementation en cause en ce qu’elles emportent une modification de l’ordonnancement juridique par l’octroi d’une autorisation indépendamment de toute intervention de la Commission.

    122    Dès lors, l’absence d’objections de la Commission avant l’expiration du délai de trois mois prévu à l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 n’implique pas, par le jeu d’une fiction juridique, une autorisation du PNA notifié. Il y a lieu d’ajouter que la thèse de la requérante serait susceptible de porter atteinte au pouvoir de contrôle que la Commission détient en vertu de l’article 226 CE, dont celle-ci doit pouvoir faire usage, au regard du contrôle limité exercé au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, en cas d’éventuelles violations du droit communautaire autres que celles des critères de l’annexe III ou des dispositions de l’article 10 de ladite directive.

    4.     Sur les effets juridiques d’une éventuelle annulation de la décision attaquée

    123    Le Tribunal estime que, au vu des considérations qui précèdent, une éventuelle annulation de la décision attaquée ne saurait apporter un quelconque avantage à la requérante susceptible de fonder son intérêt à agir au sens de la jurisprudence visée au point 96 ci-dessus.

    124    En premier lieu, indépendamment de la question de savoir si cette annulation devrait amener la Commission à statuer de novo sur le PNA allemand en application de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, ladite annulation ne saurait être fondée sur un aspect étranger à l’objet et à la portée juridique de la décision attaquée tels que déterminés, en particulier, par son dispositif. Or, d’une part, la décision attaquée n’a rejeté, à son article 1er, que certains ajustements ex post du PNA allemand et non la règle du transfert contestée, à titre principal, par la requérante. D’autre part, il résulte des considérations énoncées aux points 103 à 119 ci-dessus que la décision attaquée ne comporte pas non plus une quelconque autorisation – ni explicite ni implicite – du PNA allemand dans son ensemble, en ce compris la règle de transfert contestée. Dès lors, contrairement à l’annulation d’une décision de compatibilité adoptée en matière d’aides d’État et au but poursuivi par la requérante, l’éventuelle annulation de la décision attaquée ne saurait avoir pour conséquence l’anéantissement de cette autorisation.

    125    Par conséquent, ainsi que le fait valoir la défenderesse, l’annulation du dispositif de la décision attaquée n’est pas susceptible de répondre à l’objet principal du recours de la requérante. Il en résulte également que le dispositif en tant que tel de la décision attaquée ne fait pas grief à la requérante et que, partant, son annulation ne saurait lui procurer un avantage. Dès lors, à cet égard, la requérante ne justifie pas d’un intérêt à agir et le recours doit être déclaré irrecevable.

    126    En deuxième lieu, dans la mesure où la demande d’annulation de la requérante vise les considérants 9 et 10 de la décision attaquée, cette demande n’est pas non plus recevable. Il est vrai que ces considérants se réfèrent, en substance, à une appréciation de la Commission fondée sur l’article 88, paragraphe 3, CE ainsi qu’à la règle du transfert dont la Commission estime qu’elle n’appelle pas d’objections. En outre, s’agissant de la légalité de la règle du transfert, la communication COM (2004) 500 final, précitée, reprend et complète les motifs de la décision attaquée, adoptée le même jour, à cet égard, complément de motivation que le juge communautaire est, en principe, tenu de prendre également en considération lors de son contrôle de légalité (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2003, Verband der freien Rohrwerke e.a./Commission, T‑374/00, Rec. p. II‑2275, points 122 à 124).

    127    Toutefois, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, seul le dispositif d’une décision est susceptible de produire des effets juridiques et, par voie de conséquence, de faire grief, quels que soient les motifs sur lesquels repose cette décision. En revanche, les appréciations formulées dans les motifs d’une décision ne sont pas susceptibles de faire, en tant que telles, l’objet d’un recours en annulation et ne peuvent être soumises au contrôle de légalité du juge communautaire que dans la mesure où, en tant que motifs d’un acte faisant grief, elles constituent le support nécessaire du dispositif de cet acte (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 28 janvier 2004, Pays-Bas/Commission, C‑164/02, Rec. p. I‑1177, point 21 ; arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, point 186), ou si, à tout le moins, ces motifs sont susceptibles de modifier la substance de ce qui a été décidé dans le dispositif de l’acte en question (voir, en ce sens, arrêt Lagardère et Canal+/Commission, point 102 supra, points 67 et 68). Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler par ailleurs que, en principe, le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation, de sorte qu’il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (voir arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Cableuropa e.a./Commission, T‑346/02 et T‑347/02, Rec. p. II‑4251, point 211, et la jurisprudence qui y est citée).

    128    À la lumière de cette jurisprudence, est confirmée la conclusion selon laquelle, d’une part, la décision attaquée ne fait pas grief à la requérante et, d’autre part, son annulation ne lui procurerait aucun avantage eu égard au véritable objet de son recours, à savoir une demande d’annulation d’une prétendue autorisation de la règle du transfert accordée par la décision attaquée. En effet, les motifs en cause, notamment ceux relatifs à la règle du transfert figurant au considérant 10 de la décision attaquée, n’ont aucun lien ni un quelconque écho dans le dispositif de ladite décision et, en outre, ne sont pas susceptibles – pour les raisons exposées aux points 103 à 122 ci-dessus – de modifier la substance dudit dispositif. En effet, il est juridiquement impossible de créer un tel lien, puisqu’il s’agit d’une décision de rejet adoptée au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 qui, par nature, ne peut reprendre dans son dispositif que les aspects du PNA que la Commission conteste et rejette, mais non les aspects à propos desquels elle n’entend pas soulever d’objections.

    129    Bien que la Commission se prononce néanmoins, dans les motifs de la décision attaquée, par un obiter dictum, sur des aspects du PNA ne soulevant pas d’objections de sa part, ces motifs ne sauraient avoir des effets juridiques obligatoires ou constituer le soutien nécessaire du dispositif de ladite décision, étant donné que l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 ne confère pas à la Commission le pouvoir de constater, de manière juridiquement contraignante, la légalité d’une règle contenue dans un PNA. Par ailleurs, dans ces circonstances, lesdits motifs ne sont pas non plus susceptibles de fournir des éléments utiles à l’interprétation du dispositif de la décision attaquée au sens de la jurisprudence visée au point 127 ci-dessus.

    130    Par conséquent, en l’absence de prise de position juridiquement contraignante quant à la règle du transfert dans le dispositif de la décision attaquée, les motifs de ladite décision relatifs à ladite règle et à son éventuelle compatibilité avec les règles relatives aux aides d’État sont soustraits au contrôle du juge communautaire dans le cadre du présent litige et ne sauraient fonder un quelconque intérêt à agir de la requérante.

    5.     Sur l’absence de décision adoptée en matière d’aide du point de vue de la substance

    131    Il convient de rejeter enfin l’argument de la requérante selon lequel la décision attaquée devrait être qualifiée en fonction de sa vraie nature, telle qu’elle résulte d’une appréciation effectuée sur le fondement de critères objectifs et indépendamment de sa désignation ou de sa forme (arrêts IBM/Commission, point 68 supra, point 9, et Air France/Commission, point 68 supra, points 43 et 51).

    132    En premier lieu, il est certes vrai que la directive 2003/87, en particulier le critère n° 5 de son annexe III, envisage elle-même la possibilité de conflits entre les dispositions d’un PNA et le droit des aides d’État et impose ainsi à la Commission d’en tenir compte dans le cadre de la procédure d’examen, au titre de l’article 9, paragraphe 3, de ladite directive. En outre, il n’est pas exclu que, sous certaines conditions, la notification d’un PNA, en vertu de l’article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2003/87, puisse également constituer une notification au sens de l’article 88, paragraphe 3, CE, voire doive être considérée comme telle.

    133    Il en découle que les aspects d’un PNA notifié susceptibles d’enfreindre l’article 87 CE doivent être soumis à un examen préliminaire par la Commission et peuvent éventuellement donner lieu à l’engagement d’une procédure parallèle en vertu du règlement n° 659/1999. En effet, si la Commission estime, à la suite de cet examen préliminaire, que l’engagement d’une telle procédure est nécessaire et que le contenu de la notification n’est pas suffisamment complet pour qu’elle puisse être qualifiée de notification au titre de l’article 88, paragraphe 3, CE, elle peut, le cas échéant, en application du règlement n° 659/1999, demander à l’État membre les informations nécessaires pour effectuer un examen plus détaillé des aspects du PNA à l’aune de l’article 87 CE. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 88, paragraphe 3, CE, l’État membre est, en principe tenu – sous réserve de certaines exceptions telles que prévues par le règlement (CE) n° 994/98 du Conseil, du 7 mai 1998, sur l’application des articles [87] et [88] du traité instituant la Communauté européenne à certaines catégories d’aides d’État horizontales (JO L 142, p. 1) –, de notifier à la Commission tout projet tendant à instituer une aide. Cette obligation est juridiquement distincte et, en principe, indépendante de celle relative à la notification d’un PNA au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87. Une décision fondée uniquement sur l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 et non sur les articles 87 CE et 88 CE, quant à elle, ne permet à la Commission d’effectuer, à l’égard des aspects d’aides d’État du PNA, qu’une appréciation prima facie sous l’angle du droit des aides d’État, qui n’est pas susceptible de préjuger le fait qu’une décision formelle au sens de l’article 88, paragraphe 3, troisième phrase, CE pourra être adoptée.

    134    En deuxième lieu, ni la directive 2003/87, adoptée sur le seul fondement de l’article 175 CE et non sur celui de l’article 89 CE, ni des mesures juridiquement non contraignantes adoptées dans ce contexte, telle que la lettre de la Commission du 17 mars 2004 (voir points 21 à 24 ci-dessus), ne sauraient valablement restreindre la portée et l’effet utile des règles relatives au contrôle des aides d’État (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 12 novembre 1992, Kerafina et Vioktimatiki, C‑134/91 et C‑135/91, Rec. p. I‑5699, point 20, et arrêt BP Chemicals/Commission, point 76 supra, point 55). En effet, en l’absence d’une base légale pertinente, la directive 2003/87 ne saurait, sous réserve des considérations énoncées au point 132 ci-dessus, constituer une lex specialis permettant le contrôle des aides d’État dans le cadre de la procédure d’examen prévu à l’article 9, paragraphe 3, de ladite directive. De même, dans l’hypothèse où une notification complète de certaines règles du PNA au titre du droit des aides est nécessaire, la directive 2003/87 ne saurait permettre de déroger à l’interdiction d’exécution prévue à l’article 88, paragraphe 3, troisième phrase, CE. Il s’ensuit que, en cas de non-respect par l’État membre de cette interdiction d’exécution, un particulier peut se prévaloir de l’effet direct de l’article 88, paragraphe 3, troisième phrase, CE devant les juridictions nationales (arrêts de la Cour Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires e.a., point 70 supra, point 12, et du 27 octobre 2005, Casino France e.a., C‑266/04 à C‑270/04, C‑276/04 et C‑321/04 à C‑325/04, Rec. p. I‑9481, point 30). Il en découle enfin qu’une décision de rejet adoptée au seul titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 ne saurait avoir toutes les conséquences juridiques d’une décision prise en application de l’article 88 CE en combinaison avec l’article 4 ou l’article 7 du règlement n° 659/1999. Ce constat ne préjuge en rien le fait que, lorsque la notification d’un PNA, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2003/87, remplit également les conditions d’une notification au titre de l’article 88, paragraphe 3, CE (voir point 132 ci-dessus), l’absence d’examen préliminaire et de prise de position de la Commission au titre du droit des aides d’État, dans les délais prévus à l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 659/1999, conduit à l’existence d’une décision implicite d’autorisation des mesures d’aides notifiées en vertu de l’article 4, paragraphe 6, dudit règlement, décision qui est toutefois juridiquement distincte de celle prise en application de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87.

    135    En troisième lieu, cette appréciation n’est pas infirmée par le fait qu’il y a lieu, conformément au critère n° 5 de l’annexe III de la directive 2003/87, de respecter les articles 87 CE et 88 CE également dans le contexte de la mise en œuvre des PNA. En effet, ce critère n’est que l’expression d’un principe bien établi en droit communautaire selon lequel tout acte de droit dérivé doit être exécuté de manière telle qu’il ne porte pas atteinte aux règles du traité ou à toute autre règle de droit primaire, telles que les principes généraux du droit ou les droits fondamentaux. Cependant, cette obligation générale de respecter le droit communautaire ne saurait impliquer la conduite d’une procédure administrative en application de l’ensemble des dispositions procédurales et substantielles pertinentes, telles que celles du règlement n° 659/1999, mais n’impose à la Commission que de procéder à une appréciation prima facie dans le cadre de l’application de la directive 2003/87 (voir point 134 ci-dessus). Enfin, la procédure d’examen au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 ne permet en aucun cas à la Commission d’autoriser les États membres à déroger à des dispositions de droit communautaire qui ne sont pas contenues dans celle-ci (voir, par analogie, arrêts Kerafina et Vioktimatiki, point 134 supra, point 20, et BP Chemicals/Commission, point 76 supra, point 55).

    136    En quatrième lieu, le Tribunal relève qu’il ressort de la lettre de la Commission du 29 juillet 2004 (voir points 41 à 46 ci-dessus) que celle-ci s’est bornée à expliquer les raisons pour lesquelles elle s’est abstenue, dans la décision attaquée, de prendre définitivement position quant à la compatibilité du PNA allemand et de la règle du transfert avec le marché commun au sens de l’article 87 CE. La Commission y a notamment indiqué qu’« une éventuelle aide serait probablement compatible avec le marché commun lorsqu’elle serait appréciée conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE ». Il s’ensuit que, selon ses propres déclarations, la Commission n’a effectué qu’une appréciation provisoire de la règle du transfert au regard des règles relatives aux aides d’État. Or, compte tenu des considérations énoncées aux points 103 à 122 ci-dessus, cette appréciation provisoire ne saurait être interprétée comme une prise de position définitive à cet égard.

    137    Il s’ensuit que le recours de la requérante doit être rejeté comme irrecevable à défaut d’un intérêt à agir. Dans ces circonstances, il n’y a plus lieu de vérifier si la requérante est directement et individuellement concernée par la décision attaquée, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

    138    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent recours comme irrecevable.

     Sur les dépens

    139    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en toutes ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter les dépens de l’instance conformément aux conclusions de la défenderesse.

    140    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Dès lors, la République fédérale d’Allemagne en tant que partie intervenante supportera ses propres dépens.

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL (troisième chambre)

    ordonne :

    1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

    2)      La requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la défenderesse.

    3)      La partie intervenante supportera ses propres dépens.

    Fait à Luxembourg, le 30 avril 2007.

    Le greffier

     

           Le président

    E. Coulon

     

           M. Jaeger

    Table des matières

    Cadre juridique

    Faits à l’origine du litige

    I –  Lettre de la Commission du 17 mars 2004

    II –  PNA allemand

    III –  Marché énergétique allemand

    IV –  Procédure administrative

    A –  Plainte de la requérante

    B –  Décision attaquée et communication de la Commission du 7 juillet 2004

    C –  Lettre de la Commission du 29 juillet 2004

    D –  Lettres de la Commission des 3 et 27 août 2004

    Procédure et conclusions des parties

    En droit

    I –  Arguments des parties

    A –  Arguments de la défenderesse et de l’intervenante

    B –  Arguments de la requérante

    1.  Observations liminaires

    2.  Sur la qualité pour agir de la requérante au regard du droit des aides

    a)  Sur la qualification de la décision attaquée de décision prise en matière d’aides d’État

    b)  Sur l’affectation directe de la requérante

    c)  Sur l’affectation individuelle de la requérante

    3.  Sur la qualité pour agir de la requérante au regard de la directive 2003/87

    a)  Observation liminaire

    b)  Sur l’affectation directe de la requérante

    c)  Sur l’affectation individuelle de la requérante

    4.  Sur l’intérêt à agir de la requérante

    II –  Appréciation du Tribunal

    A –  Sur les conditions de l’intérêt à agir

    B –  Sur la nature juridique de la procédure d’examen et du pouvoir décisionnel de la Commission au titre de l’article 9 de la directive 2003/87

    1.  Observations liminaires

    2.  Sur l’éventuelle autorisation contenue dans la décision attaquée

    a)  Sur l’interprétation textuelle de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87

    b)  Sur l’interprétation contextuelle de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87

    c)  Sur l’interprétation téléologique de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87

    3.  Sur les effets de l’expiration du délai de trois mois visé à l’article 9, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2003/87

    4.  Sur les effets juridiques d’une éventuelle annulation de la décision attaquée

    5.  Sur l’absence de décision adoptée en matière d’aide du point de vue de la substance

    Sur les dépens


    * Langue de procédure : l’allemand.

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