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Document 62004CC0416

    Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 15 décembre 2005.
    The Sunrider Corp. contre Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).
    Pourvoi - Marque communautaire - Articles 8, paragraphe 1, sous b), 15, paragraphe 3, et 43, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) nº 40/94 - Risque de confusion - Demande de marque verbale communautaire VITAFRUIT - Opposition du titulaire de la marque verbale nationale VITAFRUT - Usage sérieux de la marque antérieure - Preuve du consentement du titulaire à l'usage de la marque antérieure - Similitude entre les produits.
    Affaire C-416/04 P.

    Recueil de jurisprudence 2006 I-04237

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2005:786

    CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    M. F. G. Jacobs

    présentées le 15 décembre 2005 (1)

    Affaire C-416/04 P

    The Sunrider Corp.

    contre

    Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI)

    «Pourvoi – Marque communautaire – Marque verbale VITAFRUIT – Opposition du titulaire de la marque verbale nationale VITAFRUT – Refus partiel d’enregistrement»





    1.     La présente affaire concerne un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (2) confirmant une décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) (ci‑après la «chambre de recours»), rejetant un recours introduit contre une décision de la division d’opposition de l’OHMI.

    2.     Par cette décision, la division d’opposition avait estimé qu’une marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux au sens de l’article 43 du règlement (CE) n° 40/94 (3) et que les produits désignés par cette marque ainsi que ceux désignés par la marque communautaire demandée étaient similaires au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

     La législation communautaire

    3.     Pour ce qui nous intéresse ici, l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 dispose que:

    «[s]ur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque [communautaire] demandée est refusée à l’enregistrement:

    [...]

    b)      lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée [...]».

    4.     Selon l’article 8, paragraphe 2, sous a), l’expression «marque antérieure» désigne notamment une marque enregistrée dans un État membre.

    5.     L’article 42 du règlement n° 40/94 prévoit qu’une opposition à l’enregistrement d’une marque communautaire au titre de l’article 8 du règlement peut être formée dans un délai de trois mois à compter de la publication de la demande de marque communautaire.

    6.     L’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 dispose, pour ce qui nous intéresse ici, que:

    «2. Sur requête du demandeur, le titulaire d’une marque communautaire antérieure qui a formé opposition apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque communautaire, la marque communautaire antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date la marque antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins. À défaut d’une telle preuve, l’opposition est rejetée.

    [...]

    3. Le paragraphe 2 s’applique aux marques nationales antérieures visées à l’article 8 paragraphe 2 point a), étant entendu que l’usage dans la Communauté est remplacé par l’usage dans l’État membre où la marque nationale antérieure est protégée.»

    7.     Il est constant en l’espèce que l’usage d’une marque antérieure avec le consentement du titulaire est considéré comme fait par le titulaire (4).

    8.     La règle 22, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) n° 2868/95 (5) précise, pour ce qui nous occupe, que:

    «2. Les indications et les preuves à produire afin de prouver l’usage de la marque comprennent des indications sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure pour les produits et services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ces indications devant être fournies, preuves à l’appui, conformément au paragraphe 3.

    3. Ces preuves se limitent, de préférence, à la production de pièces justificatives comme, par exemple, des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 76 paragraphe 1 point f) du règlement.»

     Les faits à l’origine de l’arrêt attaqué

    9.     Le 1er avril 1996, The Sunrider Corp. (ci-après la «requérante») a présenté une demande de marque communautaire à l’OHMI. La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal «VITAFRUIT». Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé étaient notamment les suivants: «eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques; boissons de fruits et de légumes, jus de fruits; sirops et autres préparations pour faire des boissons; boissons à base d’herbes et de vitamines». La demande a été publiée le 5 janvier 1998.

    10.   Le 1er avril 1998, M. Juan Espadafor Caba (ci-après la «partie opposante») a formé une opposition, en vertu de l’article 42 du règlement n° 40/94, à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée. L’opposition était fondée sur l’existence d’une marque antérieure constituée par le signe verbal «VITAFRUT» et enregistrée en Espagne pour des «boissons gazeuses non alcooliques et non thérapeutiques, boissons froides non thérapeutiques de tous types, préparations gazeuses, granulés effervescents, jus de fruits et de légumes sans fermentation (à l’exception du moût), limonades, orangeades, boissons froides (à l’exception de l’orgeat), eaux gazeuses, eau de Seidlitz et glace artificielle».

    11.   À l’appui de son opposition, la partie opposante a invoqué l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94.

    12.   En octobre 1998, la requérante a demandé que la partie opposante apporte la preuve, conformément à l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 40/94, que la marque antérieure avait fait l’objet, au cours des cinq années ayant précédé la publication de la demande de marque communautaire, d’un usage sérieux en Espagne. La division d’opposition de l’OHMI a invité la partie opposante à apporter cette preuve. Cette dernière a communiqué à l’OHMI, premièrement, six étiquettes de bouteille sur lesquelles figurait la marque antérieure et, deuxièmement, quatorze factures et lettres de commande – dix portaient une date antérieure au 5 janvier 1998. Il ressortait des factures que la vente de produits sous la marque antérieure avait été effectuée par Industrias Espadafor SA, et non par le titulaire de la marque, à savoir la partie opposante.

    13.   Par décision du 23 août 2000, la division d’opposition a rejeté la demande de marque pour les produits dénommés «eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques; boissons de fruits et de légumes, jus de fruits; sirops et autres préparations pour faire des boissons; boissons à base d’herbes et de vitamines». Elle a considéré, premièrement, que les éléments de preuve produits par la partie opposante démontraient que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux au sens de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 40/94 pour les produits dénommés «jus de fruits et de légumes sans fermentation, limonades, orangeades». Elle a estimé, deuxièmement, que ces produits étaient en partie similaires et en partie identiques à ceux dénommés «eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques; boissons de fruits et de légumes, jus de fruits; sirops et autres préparations pour faire des boissons; boissons à base d’herbes et de vitamines», visés par la demande de marque, et qu’il existait un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, entre les signes en cause.

    14.   Le 23 octobre 2000, la requérante a formé un recours contre la décision de la division d’opposition. Par décision du 8 avril 2002, la chambre de recours a rejeté ledit recours. Elle a confirmé, en substance, les appréciations contenues dans la décision de la division d’opposition en soulignant toutefois que l’usage de la marque antérieure n’avait été démontré que pour les produits dénommés «concentrés de jus» («juice concentrates»).

    15.   La requérante a saisi le Tribunal.

     L’arrêt attaqué

    16.   Devant le Tribunal, la requérante a soulevé deux moyens. Le premier moyen était tiré d’une violation de l’article 43, paragraphe 2, du règlement nº 40/94. Ce moyen était divisé en deux branches, la première étant tirée de ce que l’OHMI avait pris en compte en tant qu’usage sérieux de la marque antérieure l’usage effectué par un tiers, sans que le consentement du titulaire de la marque ait été prouvé, la seconde étant tirée de ce que l’OHMI avait méconnu la notion d’usage sérieux. Le second moyen était tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

    17.   En ce qui concerne la première branche du premier moyen, le Tribunal a statué comme suit:

    «19       En vertu de l’article 43, paragraphes 2 et 3, et de l’article 15, paragraphe 1, du règlement nº 40/94, une opposition formée à l’encontre de l’enregistrement d’une marque communautaire est rejetée si le titulaire de la marque antérieure en cause n’apporte pas la preuve que celle-ci a fait l’objet d’un usage sérieux, par son titulaire, au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque communautaire. En revanche, si le titulaire de la marque antérieure réussit à apporter cette preuve, l’OHMI procède à l’examen des motifs de refus avancés par la partie opposante.

    20       Conformément à l’article 15, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, lu en combinaison avec l’article 43, paragraphe 3, de ce règlement, l’usage par un tiers d’une marque antérieure nationale avec le consentement du titulaire est considéré comme ayant été effectué par le titulaire.

    21       À titre liminaire, il convient de relever que le Tribunal a déjà jugé que l’étendue de l’examen que la chambre de recours de l’OHMI est tenue d’opérer à l’égard de la décision faisant l’objet du recours, en l’occurrence la décision de la division d’opposition, ne dépend pas de ce que la partie ayant formé le recours soulève un moyen spécifique à l’égard de cette décision, en critiquant l’interprétation ou l’application d’une règle de droit par l’unité de l’OHMI statuant en première instance, ou encore l’appréciation, par cette unité, d’un élément de preuve [voir, en sens, arrêt du Tribunal du 23 septembre 2003, Henkel/OHMI – LHS (UK) (KLEENCARE), T‑308/01, Rec. p. II‑3253, point 32]. Dès lors, même si la partie ayant introduit le recours devant la chambre de recours de l’OHMI n’a pas soulevé un moyen spécifique, la chambre de recours est néanmoins tenue d’examiner, à la lumière de tous les éléments de droit et de fait pertinents disponibles, si une nouvelle décision ayant le même dispositif que la décision faisant l’objet du recours peut ou non légalement être adoptée au moment où il est statué sur le recours (arrêt KLEENCARE, précité, point 29). Fait également partie de cet examen la question de savoir si, au regard des faits et preuves présentés par l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours, celle-ci a apporté la preuve d’un usage sérieux, soit par le titulaire de la marque antérieure, soit par un tiers autorisé, au sens de l’article 43, paragraphes 2 et 3, et de l’article 15, paragraphe 3, du règlement nº 40/94. Il s’ensuit que la première branche du présent moyen est recevable.

    22      En revanche, relève de l’examen au fond la pertinence de l’allégation selon laquelle la requérante n’a pas contesté, ni devant la division d’opposition ni devant la chambre de recours, l’existence d’un consentement du titulaire de la marque antérieure.

    23      Ainsi qu’il ressort des factures présentées par l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours, la vente de produits sous la marque antérieure a été effectuée par la société Industrias Espadafor, SA, et non par le titulaire de la marque, bien que le nom de celui-ci figure également dans le nom de la société en question.

    24      Lorsqu’un opposant fait valoir des actes d’usage de la marque antérieure par un tiers en tant qu’usage sérieux au sens de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94, il prétend, implicitement, que cet usage a été effectué avec son consentement.

    25      Quant à la matérialité de cette constatation implicite, il apparaît que, si l’usage de la marque antérieure, tel qu’il ressort des factures produites devant l’OHMI, avait été accompli sans le consentement du titulaire et, dès lors, en violation du droit de marque de celui-ci, la société Industrias Espadafor SA aurait, normalement, eu un intérêt à ne pas révéler les preuves d’un tel usage au titulaire de la marque en question. De ce fait, il semble peu probable que le titulaire d’une marque puisse soumettre la preuve d’un usage de celle-ci fait contre son gré.

    26      L’OHMI pouvait d’autant plus se fonder sur cette présomption que la requérante n’a pas contesté que l’usage qui a été fait de la marque antérieure par la société Industrias Espadafor SA l’a été avec le consentement de l’opposant. Il ne suffit pas que la requérante ait fait valoir, lors de la procédure devant l’OHMI, de manière générale, que les preuves produites par l’opposant n’étaient pas suffisantes pour démontrer un usage sérieux par celui-ci.

    27      Il ressort du dossier que la requérante a très précisément critiqué le volume commercial prétendument trop faible de l’usage qui a été démontré ainsi que la qualité des éléments de preuve soumis. En revanche, rien dans le libellé des mémoires produits par la requérante lors de la procédure devant l’OHMI ne permet d’en déduire que la requérante a attiré l’attention de l’OHMI sur le fait qu’il s’agissait d’un usage effectué par un tiers ou qu’elle a avancé des doutes quant au consentement du titulaire de la marque à cet usage.

    28      Ces éléments constituaient une base suffisamment solide pour permettre à la chambre de recours d’en déduire que l’usage de la marque antérieure avait été effectué avec le consentement de son titulaire.

    29      Il s’ensuit que la première branche du moyen tiré de la violation de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 40/94 doit être rejetée comme non fondée.»

    18.   Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de ce que la chambre de recours a fait une interprétation erronée de la notion d’usage sérieux, le Tribunal a statué comme suit:

    «36      Ainsi qu’il découle du neuvième considérant du règlement nº 40/94, le législateur a considéré que la protection d’une marque antérieure n’est justifiée que dans la mesure où celle-ci a effectivement été utilisée. En conformité avec ce considérant, l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 40/94 prévoit que le demandeur d’une marque communautaire peut requérir la preuve que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire sur lequel elle est protégée au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque ayant fait l’objet d’une opposition [arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, Rec. p. II-5233, point 34].

    37      En vertu de la règle 22, paragraphe 2, du règlement […] nº 2868/95 […], la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure. En revanche, il n’est pas exigé que l’opposant soumette une déclaration écrite portant sur le chiffre d’affaires réalisé par l’exploitation de la marque antérieure. En effet, l’article 43, paragraphe 2, et l’article 76 du règlement nº 40/94 ainsi que la règle 22, paragraphe 3, du règlement nº 2868/95 laissent à l’opposant le choix des moyens de preuve qu’il considère comme appropriés afin de démontrer que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux pendant la période pertinente. Doit, dès lors, être écartée la critique de la requérante relative à l’absence d’une déclaration tenant lieu de serment concernant le chiffre d’affaires total réalisé par la vente de produits sous la marque antérieure.

    38      Dans l’interprétation de la notion d’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être opposable à une demande de marque communautaire consiste à limiter des conflits entre deux marques, pour autant qu’il n’existe pas de juste motif économique découlant d’une fonction effective de la marque sur le marché [arrêt du Tribunal du 12 mars 2003, Goulbourn/OHMI – Redcats (Silk Cocoon), T‑174/01, Rec. p. II‑789, point 38]. En revanche, ladite disposition ne vise ni à évaluer la réussite commerciale ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes.

    39      Ainsi qu’il ressort de l’arrêt de la Cour du 11 mars 2003, Ansul (C‑40/01, Rec. p. I-2439), relatif à l’interprétation de l’article 12, paragraphe 1, de la directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), dont le contenu normatif correspond, en substance, à celui de l’article 43, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (arrêt Ansul, précité, point 43). À cet égard, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée dans le territoire pertinent, soit utilisée, publiquement et vers l’extérieur (arrêts Ansul, précité, point 37, et Silk Cocoon, précité, point 39).

    40      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (arrêt Ansul, précité, point 43).

    41      Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part.

    42      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement. En outre, le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous la marque antérieure ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation, ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou services sur le marché concerné. De ce fait, la Cour a précisé qu’il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque antérieure soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux (arrêt Ansul, précité, point 39).

    43      À la lumière de ce qui précède, il convient d’examiner si c’est à juste titre que l’OHMI a estimé que les éléments de preuve présentés par l’autre partie à la procédure devant l’OHMI démontraient un usage sérieux de la marque antérieure.

    44      La demande de marque communautaire présentée par la requérante ayant été publiée le 5 janvier 1998, la période de cinq années visée à l’article 43, paragraphe 2, du règlement nº 40/94 s’étend du 5 janvier 1993 au 4 janvier 1998 (ci-après la ‘période pertinente’).

    45      Ainsi qu’il ressort de l’article 15, paragraphe 1, du même règlement, tombent sous le coup des sanctions prévues par celui-ci les seules marques dont l’usage sérieux a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans. Partant, il suffit qu’une marque ait fait l’objet d’un usage sérieux pendant une partie de la période pertinente pour échapper auxdites sanctions.

    46      Les factures présentées par l’autre partie à la procédure devant l’OHMI démontrent que la marque a fait l’objet d’actes d’usage entre la fin du mois de mai 1996 et le milieu du mois de mai 1997, à savoir pendant une période de onze mois et demi.

    47      Il en ressort également que les livraisons effectuées étaient destinées à un client en Espagne et qu’elles ont été facturées en pesetas espagnoles. Il s’ensuit que les produits étaient destinés au marché espagnol qui était le marché pertinent.

    48      Quant au volume des produits commercialisés, la valeur de celui-ci s’élève à un chiffre n’excédant pas 4 800 euros, correspondant à une vente de 293 unités, dénommées ‘cajas’ (‘caisses’) dans les factures, de douze pièces chacune, à savoir 3 516 pièces en tout, le prix hors taxe sur la valeur ajoutée de la pièce étant de 227 pesetas espagnoles (1,36 euro). Bien que ce volume soit relativement faible, les factures présentées permettent de conclure que les produits visés par celles-ci ont été commercialisés de façon relativement constante pendant une période supérieure à onze mois, période qui n’est ni particulièrement courte ni particulièrement proche de la publication de la demande de marque communautaire introduite par la requérante.

    49      Les ventes effectuées constituent des actes d’usage objectivement propres à créer ou à conserver un débouché pour les produits en question dont le volume commercial, par rapport à la durée et à la fréquence de l’usage, n’est pas si faible qu’il amène à conclure qu’il s’agit d’un usage purement symbolique, minime ou fictif dans le seul but de maintenir la protection du droit à la marque.

    50      Il n’en va pas autrement s’agissant du fait que les factures ont été adressées à un seul client. Il suffit que l’usage de la marque soit fait publiquement et vers l’extérieur et non uniquement à l’intérieur de l’entreprise titulaire de la marque antérieure ou dans un réseau de distribution possédé ou contrôlé par celle-ci. En l’espèce, la requérante n’a pas fait valoir que le destinataire des factures appartient à l’autre partie à la procédure devant l’OHMI, et aucune circonstance de l’espèce ne le laisse sous-entendre. Dès lors, il n’est pas nécessaire de s’appuyer sur l’argument de l’OHMI, avancé lors de l’audience, selon lequel le client est un grand fournisseur de supermarchés espagnols.

    51      Quant à la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, les produits visés par les factures sont dénommés ‘concentrado’ (concentré), terme suivi, premièrement, d’une indication d’arôme [‘kiwi’, ‘menta’ (menthe), ‘granadina’ (grenadine), ‘maracuya’, ‘lima’ (limette), ou ‘azul trop.’] et, deuxièmement, du mot ‘vitafrut’ mis entre guillemets. Cette dénomination permet de conclure que les produits en cause sont des jus de fruits concentrés ou des concentrés de jus de fruits divers.

    52      De plus, il découle des étiquettes présentées par l’autre partie à la procédure qu’il s’agit de jus concentrés de fruits différents, destinés aux consommateurs finaux, et non de concentrés de jus, destinés aux industriels fabriquant des jus de fruits. Ainsi, figure sur les étiquettes l’indication ‘bebida concentrada para diluir 1 + 3’ (‘boisson concentrée à dilution 1 + 3’), celle-ci étant apparemment destinée au consommateur final.

    53      Comme la requérante l’a indiqué, les étiquettes ne portent aucune date. Est, dès lors, sans pertinence la question de savoir si les étiquettes portent habituellement des dates, thèse défendue par la requérante et contestée par l’OHMI. En revanche, bien que les seules étiquettes ne soient pas probantes, elles sont toutefois susceptibles d’étayer les autres éléments de preuve présentés au cours de la procédure devant l’OHMI.

    54      Il s’ensuit que l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours a apporté la preuve qu’il a été vendu, avec son consentement, à un client espagnol, au cours de la période s’étendant de mai 1996 à mai 1997, environ 300 unités de douze pièces chacune de jus concentrés de fruits différents, équivalant à un chiffre d’affaires de 4 800 euros approximativement. Bien que l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure soit limitée et qu’il puisse être préférable de disposer de plus d’éléments de preuve relatifs à la nature de l’usage au cours de la période pertinente, les faits et preuves soumis par l’autre partie à la procédure sont suffisants pour constater un usage sérieux. Par conséquent, c’est à juste titre que l’OHMI a estimé, dans la décision attaquée, que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux pour une partie des produits pour lesquels elle a été enregistrée, à savoir pour les jus de fruits.

    55      En ce qui concerne la prétendue contradiction entre la décision attaquée et la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI dans l’affaire R 578/2000-4 (HIPOVITON/HIPPOVIT), il convient de relever que cette dernière a été annulée par l’arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, non encore publié au Recueil.

    56      À la lumière de ce qui précède, la seconde branche du présent moyen n’est pas fondée. [...]»

    19.   Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, le Tribunal s’est prononcé comme suit:

    «63      Une marque est refusée à l’enregistrement sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, au titre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, lorsqu’il existe une identité ou une similitude entre les produits ou les services pour lesquels son enregistrement est demandé et ceux pour lesquels une marque antérieure est enregistrée et lorsque le degré de similitude entre les marques en cause est suffisamment élevé pour pouvoir considérer qu’il existe un risque de confusion entre celles-ci dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement nº 40/94, il convient d’entendre par marques antérieures les marques, enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

    64      En l’espèce, la requérante ne critique les constatations de la chambre de recours qu’en ce qui concerne la question de savoir s’il existe une identité ou une similitude entre, d’une part, les produits dénommés ‘boissons à base d’herbes et de vitamines’, visés par la demande de marque, et, d’autre part, les produits pour lesquels la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux, à savoir les ‘jus de fruits’ (points 19 et 20 de la décision attaquée).

    65      Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, il y a lieu, pour apprécier la similitude entre les produits ou services en cause, de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou services et, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I-5507, point 23).

    66      En l’espèce, comme il a été constaté au point 52 ci-dessus, la marque antérieure a été utilisée pour des jus de fruits concentrés, destinés aux consommateurs finaux, et non pour des concentrés de jus de fruits, destinés aux industriels fabriquant des jus de fruits. Dès lors, l’argument de la requérante selon lequel les produits en cause sont destinés à des acheteurs différents, à savoir aux industriels, dans le cas des concentrés de jus, et aux consommateurs finaux, dans le cas des boissons à base d’herbes et de vitamines, doit être écarté.

    67      Ensuite, la chambre de recours a exposé à juste titre que les produits en cause ont la même destination, à savoir celle d’étancher la soif, et qu’ils présentent, dans une large mesure, un caractère concurrent. Quant à la nature et à l’utilisation des produits en cause, il s’agit dans les deux cas de boissons non alcoolisées consommées, normalement, fraîches, dont, certes, la composition est différente dans la plupart des cas. La composition différente de ces produits ne saurait toutefois modifier la constatation selon laquelle lesdits produits restent interchangeables du fait qu’ils sont destinés à satisfaire un besoin identique.

    68      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a commis aucune erreur d’appréciation en considérant que les produits en cause sont similaires. Le présent moyen n’est, dès lors, pas fondé [...]»

    20.   En conséquence, le Tribunal a rejeté le recours de la requérante.

     Le pourvoi devant la Cour

    21.   La requérante a formé un pourvoi devant la Cour. Elle a invoqué trois moyens, correspondant exactement aux trois points qu’elle avait soulevés devant le Tribunal.

     Le premier moyen du pourvoi

    22.   La requérante soutient tout d’abord que le Tribunal a fait une interprétation erronée de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94, en liaison avec l’article 15, paragraphe 3, dudit règlement, en ce qu’il a pris en compte l’usage de la marque VITAFRUT par un tiers. Elle affirme en particulier que le Tribunal a mal interprété la répartition de la charge de la preuve telle que prévue à l’article 15, paragraphes 1 et 3, du même règlement, qu’il a tenu compte de déclarations et d’éléments de preuve non probants (implicites) fournis par la partie opposante et qu’il s’est fondé sur des présomptions plutôt que sur des preuves concrètes.

    23.   L’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 n’est pas pertinent en l’espèce, puisqu’il se borne à prévoir des sanctions pour le non‑usage d’une marque communautaire. Nous considérerons que l’intention de la requérante était d’invoquer l’article 43, paragraphe 2, dudit règlement applicable en vertu de l’article 43, paragraphe 3. Il est vrai, toutefois, que l’article 15, paragraphe 3, est applicable par analogie aux procédures d’opposition fondées sur une marque antérieure. Cette disposition énonce que l’usage de la marque «avec le consentement du titulaire est considéré comme fait par le titulaire».

    24.   La requérante affirme en substance que le Tribunal n’a pas examiné correctement le point de savoir si l’usage de la marque par un tiers devait être considéré comme fait par la partie opposante au sens de l’article 15, paragraphe 3.

    25.   Nous estimons que le Tribunal a convenablement examiné cette question.

    26.    Le Tribunal a déclaré que, lorsqu’un opposant fait valoir que l’usage par un tiers constitue un usage sérieux, «il prétend, implicitement, que cet usage a été effectué avec son consentement» (6).

    27.   Il a fait ensuite deux remarques spécifiques. En premier lieu, si l’usage par le tiers avait été accompli sans le consentement du titulaire et, dès lors, en violation du droit de marque de celui-ci, le tiers aurait, de toute évidence, eu un intérêt à ne pas révéler les preuves d’un tel usage au titulaire. De ce fait, il semble peu probable que le titulaire puisse soumettre la preuve d’un tel usage (7).

    28.   Cette approche semble tout à fait cohérente. Il serait inutile et contraire aux principes de bonne administration et d’économie de procédure pour l’OHMI d’exiger systématiquement du titulaire de la marque qu’il apporte la preuve du consentement dans de telles circonstances.

    29.   Il en irait bien entendu autrement si la requérante avait soulevé devant l’OHMI la question de l’absence de consentement. Cela fait toutefois l’objet de la seconde remarque du Tribunal: rien dans les documents qui lui ont été soumis ne laisse à penser que la requérante a évoqué cet aspect (8).

    30.   En conséquence, le Tribunal a conclu que ces éléments «constituaient une base suffisamment solide pour permettre à la chambre de recours d’en déduire que l’usage de la marque antérieure avait été effectué avec le consentement de son titulaire» (9). Nous partageons cet avis et considérons que le Tribunal n’a pas commis d’erreur en ce qui concerne la charge de la preuve.

    31.   La requérante fait valoir, dans le cadre de son premier moyen, un autre argument dont nous parvenons difficilement à saisir la portée.

    32.   La requérante affirme que, selon l’arrêt Henkel/OHMI – LHS (UK) (KLEENCARE) (10), le Tribunal aurait dû lui-même décider si, au moment où il a statué, une nouvelle décision ayant le même dispositif que la décision précédemment adoptée par la chambre de recours de l’OHMI pouvait être légalement prise. Le Tribunal aurait donc commis une erreur de droit en jugeant que l’OHMI pouvait, au moment où la chambre de recours a adopté sa décision, se fonder sur la présomption selon laquelle le titulaire de la marque VITAFRUT avait consenti à l’usage de cette marque par un tiers.

    33.   Les points 25, 26 et 29 de l’arrêt Henkel/OHMI – LHS (UK) (KLEENCARE), précité, se lisent comme suit:

    «25      À cet égard, il ressort de la jurisprudence qu’il existe une continuité fonctionnelle entre l’examinateur et la chambre de recours [arrêts du Tribunal du 8 juillet 1999, Procter & Gamble/OHMI (BABY-DRY), T‑163/98, Rec. p. II-2383, points 38 à 44, et du 12 décembre 2002, Procter & Gamble/OHMI (Forme d’un savon), T-63/01, Rec. p. II-5255, point 21]. Or cette jurisprudence a vocation à s’appliquer également au rapport existant entre les autres unités de l’Office statuant en première instance, telles que les divisions d’opposition et d’annulation, et les chambres de recours.

    26      Dès lors, la compétence des chambres de recours de l’Office implique un réexamen des décisions prises par les unités de l’Office statuant en première instance. Dans le cadre de ce réexamen, l’issue du recours dépend de la question de savoir si une nouvelle décision ayant le même dispositif que la décision faisant l’objet du recours peut ou non être légalement adoptée au moment où il est statué sur le recours. Ainsi, les chambres de recours peuvent, sous la seule réserve de l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, faire droit au recours, sur la base de nouveaux faits invoqués par la partie ayant formé le recours ou encore sur la base de nouvelles preuves produites par celle-ci.

    [...]

    29      En effet, à la lumière des considérations exposées aux points 25 et 26 ci‑dessus, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que soutient l’Office, l’étendue de l’examen que la chambre de recours est tenue d’opérer à l’égard de la décision faisant l’objet du recours n’est pas, en principe, déterminée par les moyens invoqués par la partie ayant formé le recours. Dès lors, même si la partie ayant introduit le recours n’a pas soulevé un moyen spécifique, la chambre de recours est néanmoins obligée d’examiner, à la lumière de tous les éléments de droit et de fait pertinents, si une nouvelle décision ayant le même dispositif que la décision faisant l’objet du recours peut ou non être légalement adoptée au moment où il est statué sur le recours.»

    34.   Ces points concernent essentiellement la compétence des chambres de recours pour statuer sur la base de faits ou d’éléments de preuve nouveaux n’ayant pas été soumis à l’examinateur ou à d’autres unités de l’OHMI statuant en première instance. Dans ce contexte, ces points ont été explicitement pris en considération et appliqués par le Tribunal pour juger que la première branche du premier moyen de la requérante était recevable. Toutefois, nous ne voyons pas le lien entre cette compétence des chambres de recours et les pouvoirs du Tribunal en matière d’examen d’un recours formé contre une décision d’une chambre de recours, alors qu’il n’existe ici manifestement aucune continuité fonctionnelle.

    35.   En conséquence, nous sommes d’avis qu’il convient de rejeter le premier moyen de la requérante comme non fondé.

     Le deuxième moyen du pourvoi

    36.   La requérante soutient ensuite que le Tribunal a méconnu la notion d’usage sérieux au sens de l’article 43, paragraphe 2, du règlement n° 40/94. Elle renvoie notamment aux constatations du Tribunal figurant aux points 48 et 49 de l’arrêt attaqué.

    37.   Il apparaît d’emblée, comme l’affirme l’OHMI, que ces points contiennent des constatations de fait fondées sur l’appréciation, par le Tribunal, des éléments de preuve dont il disposait. Il est de jurisprudence constante que le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (11).

    38.   Selon nous, il convient également de souligner que, de façon générale, dans le cadre d’un pourvoi formé devant la Cour en matière de marque, les questions de fait et de droit auront déjà été examinées par trois instances: en premier lieu par la division compétente de l’OHMI, en deuxième lieu par la chambre de recours et en troisième lieu par le Tribunal.

    39.   En tout état de cause, tous les éléments de preuve auxquels la requérante se réfère dans son pourvoi (12) ont été spécifiquement mentionnés et appréciés par le Tribunal aux points 46 à 50 de son arrêt.

    40.   Seul un des arguments de la requérante nous semble pouvoir soulever un véritable point de droit, à savoir l’allégation (13) selon laquelle les étiquettes non datées ne sont pas susceptibles d’étayer les autres éléments de preuve, contrairement à ce qui est mentionné au point 53 de l’arrêt attaqué. Toutefois, il ressort du point 52 que le Tribunal a simplement considéré que les étiquettes corroboraient les preuves, découlant des factures, que les produits en cause étaient des jus concentrés de fruits différents, destinés aux consommateurs finaux, et non des concentrés de jus, destinés aux industriels. Étant donné que la requérante ne conteste pas ce fait tel qu’il a été établi – et, au demeurant, elle ne pourrait pas en principe le contester dans le cadre d’un pourvoi – et que, de plus, elle déclare dans son pourvoi que «les marchandises en cause sont des produits [...] destinés à l’usage quotidien du consommateur final» (14), nous considérons que l’argument de la requérante relatif aux étiquettes non datées est irrecevable ou, subsidiairement, non fondé.

    41.   Enfin, nous estimons que, même si les autres arguments invoqués par la requérante dans le cadre de son deuxième moyen pouvaient être considérés comme soulevant des points de droit et, partant, pouvaient être déclarés recevables, le Tribunal, en parvenant à la conclusion que la chambre de recours a correctement interprété la notion d’usage sérieux, a soigneusement analysé (15) et consciencieusement appliqué (16) le but de l’exigence d’un usage sérieux ainsi que les principes applicables à cette notion, dégagés par la Cour dans l’arrêt Ansul (17). Ces principes ont été précisés par la Cour dans son ordonnance La Mer Technology (18), à laquelle les deux parties se sont référées au cours de l’audience, mais ils n’ont pas été modifiés; de fait, ladite ordonnance a été rendue conformément à l’article 104, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour précisément parce que celle‑ci a considéré que la réponse aux questions posées dans cette affaire pouvait être clairement déduite de l’arrêt Ansul, précité (19).

    42.   Nous sommes donc d’avis que le deuxième moyen du pourvoi est irrecevable ou, subsidiairement, non fondé.

     Le troisième moyen du pourvoi

    43.   La requérante fait valoir, enfin, que le Tribunal a fait une application erronée de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 en concluant (20) que la chambre de recours n’avait pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que les produits concernés étaient similaires.

    44.   La requérante affirme en particulier que le Tribunal, ayant, «à juste titre, souligné qu’il y a lieu, pour apprécier la similitude entre les produits ou services en cause, de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou services et, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire [...] n’a tenu compte que de quelques‑uns des facteurs pertinents relativement aux produits en cause, à savoir leur destination, leur utilisation et leur caractère concurrent».

    45.   Le seul facteur mentionné dans la première de ces listes et absent de la seconde est la nature des produits, que le Tribunal a bel et bien prise en considération (21).

    46.   La requérante affirme que l’appréciation opérée par le Tribunal aux points 66 et 67 de l’arrêt n’est «pas convaincante» et avance un certain nombre d’allégations venant selon elle à l’appui de l’argument selon lequel les produits en cause ne sont pas similaires. La plupart de ces assertions reprennent mot pour mot, ou presque, les allégations formulées par la requérante devant le Tribunal (22), bien que plusieurs autres soient soumises pour la première fois devant la Cour. Il s’agit dans tous les cas d’éléments de fait.

    47.   À notre sens, la requérante n’a pas identifié d’erreur de droit dans l’arrêt du Tribunal. Nous partageons l’opinion de l’OHMI selon laquelle le troisième moyen du pourvoi est limité à des questions de fait et doit, en conséquence, être rejeté comme irrecevable.

    48.   En tout état de cause, nous sommes d’avis que l’arrêt contient un résumé correct des principes régissant l’appréciation de la similitude, énoncés par la Cour dans l’arrêt Canon (23), et une application correcte de ces principes au cas d’espèce (24).

    49.   Nous estimons par conséquent que le troisième moyen du pourvoi est irrecevable ou, subsidiairement, non fondé.

     Conclusion

    50.   Eu égard aux considérations qui précèdent, nous invitons la Cour à:

    1)         rejeter le pourvoi;

    2)         condamner la requérante aux dépens.


    1 – Langue originale: l’anglais.


    2 – Arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT) (T-203/02, Rec. p. II‑2811, ci‑après l’«arrêt attaqué»).


    3 – Règlement du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.


    4 – Par analogie avec l’article 15, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, qui, dans le contexte de la déchéance d’une marque communautaire pour absence d’usage sérieux dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, prévoit que: «[l]’usage de la marque communautaire avec le consentement du titulaire est considéré comme fait par le titulaire».


    5 – Règlement de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1).


    6 – Point 24 de l’arrêt attaqué.


    7 – Point 25.


    8 – Points 26 et 27.


    9 – Point 28.


    10 – Précité au point 21 de l’arrêt attaqué, reproduit au point 17 ci‑dessus. La requérante cite le point 29 de l’arrêt Henkel/OHMI – LHS (UK) (KLEENCARE), précité.


    11 – Voir, en dernier lieu, arrêt du 15 septembre 2005, BioID/OHMI (C-37/03 P, Rec. p. I‑7975, point 43).


    12 – Partie B, section V, paragraphe 2, point b), sous kk) à qq), p. 15 et 16.


    13 – Partie B, section V, paragraphe 2, point b), sous ss), p. 17 du pourvoi.


    14 – Partie B, section V, paragraphe 2, point b), sous oo), p. 16.


    15 – Points 36 et 38 à 42.


    16 – Points 44 à 54.


    17 – Précité.


    18 – Ordonnance du 27 janvier 2004 (C‑259/02, Rec. p. I-1159).


    19 – Point 14 de l’ordonnance. En fait, la Cour a formulé cet avis pour les six premières questions posées, qui concernaient toutes l’étendue et les caractéristiques de l’usage requis, alors que, s’agissant de la septième question, qui avait trait à la pertinence de l’usage postérieur au dépôt de la demande, point qui n’est pas directement soulevé dans la présente affaire, elle a considéré que la réponse ne laissait place à aucun doute raisonnable. L’arrêt de la Court of Appeal (England and Wales) (Royaume-Uni) du 29 juillet 2005, statuant sur appel de la décision rendue par la juridiction de renvoi, contient des développements intéressants et utiles sur ces questions ([2005] EWCA Civ 978).


    20 – Au point 68.


    21 – Voir point 67 de l’arrêt attaqué, reproduit au point 19 ci‑dessus.


    22 – Ainsi, la partie B, section V, paragraphe 3, point b), sous aa), bb), cc) et ee), aaa) et bbb), du pourvoi est rédigée en des termes identiques ou analogues à la partie B, section III, paragraphe 2, point c), sous bb), cc), dd) et ee), de la requête déposée devant le Tribunal. Cette requête est résumée aux points 59 à 61 de l’arrêt attaqué.


    23 – Précité.


    24 – Voir points 65 à 67.

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