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Document 62003TJ0379

Arrêt du Tribunal de première instance (deuxième chambre élargie) du 25 octobre 2005.
Peek & Cloppenburg KG contre Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).
Marque communautaire - Marque verbale Cloppenburg - Motif absolu de refus d'enregistrement - Caractère descriptif - Provenance géographique - Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) nº 40/94.
Affaire T-379/03.

Recueil de jurisprudence 2005 II-04633

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2005:373

Affaire T-379/03

Peek & Cloppenburg KG

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur       (marques, dessins et modèles) (OHMI)

« Marque communautaire — Marque verbale Cloppenburg — Motif absolu de refus d’enregistrement — Caractère descriptif — Provenance géographique — Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) nº 40/94 »

Arrêt du Tribunal (deuxième chambre élargie) du 25 octobre 2005 

Sommaire de l’arrêt

1.     Marque communautaire — Procédure de recours — Recours devant le juge communautaire — Rôle procédural de l’Office — Faculté pour celui-ci, tout en étant désigné comme partie défenderesse, de soutenir les conclusions du requérant — Recours devenu sans objet — Absence

(Règlement de procédure du Tribunal, art. 133, § 2)

2.     Marque communautaire — Définition et acquisition de la marque communautaire — Motifs absolus de refus — Marques composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir à désigner les caractéristiques d’un produit — Marque de services d’un commerce de détail — Marque verbale Cloppenburg

[Règlement du Conseil nº 40/94, art. 7, § 1, c)]

1.     Dans le cadre des procédures de recours en matière de marques communautaires, qu’il s’agisse des procédures impliquant, devant la chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles), des parties autres que la partie requérante devant le Tribunal ou de celles n’opposant que la partie requérante et l’Office, si l’Office ne dispose pas de la légitimation active requise pour introduire un recours contre une décision d’une chambre de recours, en revanche, il ne saurait être tenu de défendre systématiquement toute décision attaquée d’une chambre de recours ou de conclure obligatoirement au rejet de tout recours dirigé à l’encontre d’une telle décision. Rien ne s’oppose à ce que l’Office se rallie à une conclusion de la partie requérante ou encore se contente de s’en remettre à la sagesse du Tribunal, tout en présentant tous les arguments qu’il estime appropriés pour éclairer le Tribunal. En revanche, il ne peut pas formuler des conclusions visant à l’annulation ou à la réformation de la décision de la chambre de recours sur un point non soulevé dans la requête ou présenter des moyens non soulevés dans la requête. En outre, si, à l’article 133, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, l’Office est désigné comme partie défenderesse devant le Tribunal, cette désignation ne saurait modifier les conséquences découlant de l’économie du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire en ce qui concerne les chambres de recours. Elle permet tout au plus de régler les dépens, en cas d’annulation ou de réformation de la décision attaquée, indépendamment de la position prise par l’Office devant le Tribunal.

Lorsque l’Office se rallie aux conclusions de la partie requérante, la concordance des conclusions et des arguments des parties ne dispense pas le Tribunal d’examiner la légalité de la décision attaquée au regard des moyens formulés dans la requête introductive d’instance.

En effet, la décision attaquée n’ayant été ni modifiée ni retirée et l’Office ne disposant pas du pouvoir de le faire ni de celui de donner des instructions en ce sens aux chambres de recours, la partie requérante conserve un intérêt à obtenir l’annulation de cette décision et le recours n’a donc pas perdu son objet.

(cf. points 22-24, 27-29)

2.     Ne peut pas servir pour désigner, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire, du point de vue du consommateur allemand moyen, la provenance géographique des services visés dans la demande de marque le signe verbal Cloppenburg, dont l’enregistrement est demandé pour les « services d’un commerce de détail » relevant de la classe 35 au sens de l’arrangement de Nice.

En effet, pour examiner si les conditions d’application du motif de refus d’enregistrement en cause sont remplies, il faut tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, telles que la nature des produits ou services désignés, la renommée plus ou moins grande, notamment dans le secteur économique en cause, du lieu géographique en cause et la connaissance plus ou moins grande qu’en a le public concerné, les habitudes de la branche d’activité concernée et la question de savoir dans quelle mesure la provenance géographique des produits ou services en cause est susceptible d’être pertinente, aux yeux des milieux intéressés, pour l’appréciation de la qualité ou d’autres caractéristiques des produits ou services concernés.

Or, la ville allemande de Cloppenburg, comptant approximativement 30 000 habitants, jouit, auprès du public pertinent, à supposer qu’il la connaisse, d’une connaissance faible ou, tout au plus, moyenne et ne présente pas de lien avec la catégorie de services visée.

(cf. points 39-40, 46, 49-51)




ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

25 octobre 2005(*)

« Marque communautaire – Marque verbale Cloppenburg – Motif absolu de refus d’enregistrement – Caractère descriptif – Provenance géographique – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T-379/03,

Peek & Cloppenburg KG, établie à Düsseldorf (Allemagne), représentée initialement par Me U. Hildebrandt, puis par Mes P. Lange, P. Wilbert et A. Auler, puis par Mes Lange, Wilbert, Auler et J. Steinberg, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par MM. D. Schennen et G. Schneider, puis par MM. A. von Mühlendahl, D. Schennen et G. Schneider, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 27 août 2003 (R 105/2002-4), concernant la demande d’enregistrement du signe verbal Cloppenburg comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre élargie),

composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij, N. J. Forwood, Mme I. Pelikánová et M. S. Papasavvas, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 avril 2005,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1       Le 24 octobre 2000, la requérante a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2       La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Cloppenburg.

3       L’enregistrement a été demandé pour les « services d’un commerce de détail », relevant de la classe 35 de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4       Par décision du 20 décembre 2001, l’examinatrice de l’OHMI a rejeté la demande d’enregistrement au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94.

5       Le 25 janvier 2002, la requérante a formé un recours contre la décision de l’examinatrice conformément aux articles 57 à 59 du règlement n° 40/94.

6       Par décision du 27 août 2003 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours de la requérante. Elle a considéré, en substance, que le mot « Cloppenburg » désignait une ville allemande, située en Basse-Saxe, et que le Landkreis Cloppenburg, circonscription territoriale à laquelle cette ville avait donné son nom, comptait, en 2002, plus de 152 000 habitants. La chambre de recours a relevé que, en allemand, la terminaison « burg » (château) serait perçue comme une indication de lieu, que les villes et les régions de l’importance de Cloppenburg étaient régulièrement citées dans les bulletins et prévisions météorologiques diffusés sur l’ensemble du territoire allemand et que des indications correspondantes figuraient sur les panneaux d’autoroutes, lesquelles pouvaient être lues en cours de route ou être entendues lors des informations routières. Elle a ajouté que le nom « Cloppenburg » désignait le site du prestataire des services et, partant, le lieu où les services d’un commerce de détail avaient été conçus et à partir duquel ils étaient fournis. La chambre de recours en a déduit que le consommateur final allemand percevrait le mot « Cloppenburg » comme une indication de provenance géographique.

 Procédure et conclusions des parties

7       Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 novembre 2003, la requérante a introduit le présent recours.

8       Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée ;

–       condamner l’OHMI aux dépens.

9       L’OHMI a déposé, le 20 février 2004, un écrit intitulé « mémoire en réponse ». Dans cet écrit, l’OHMI expose, sous le titre « conclusions » :

« [L’OHMI] tend à appuyer la conclusion de la requérante visant à l’annulation de la décision attaquée. Néanmoins, cette approche reviendrait […] à reconnaître la demande de la requérante et dispenserait le [Tribunal] de la nécessité de statuer. Dans cette situation, la défenderesse demande au [Tribunal] de statuer sur le recours compte tenu de l’argumentation de fait et de droit développée par les parties.

Au moment présent, la défenderesse renonce à formuler une conclusion déterminée. »

10     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale.

11     Les parties entendues, le Tribunal a renvoyé l’affaire à la deuxième chambre élargie.

12     L’OHMI a confirmé, à l’audience, qu’il ne concluait pas à l’annulation de la décision attaquée, mais s’en remettait à la sagesse du Tribunal.

 En droit

 Arguments des parties

13     À l’appui de son recours, la requérante soulève, principalement, un moyen tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94.

14     Elle avance, premièrement, que le terme « Cloppenburg » est un nom de famille fréquent en Allemagne, étant donné que plus de 16 000 abonnés sont répertoriés sous ce nom dans l’annuaire téléphonique. Or, selon la requérante, les noms de famille présentent par nature un caractère distinctif. Dans ce contexte, elle fait observer que l’arrêt de la Cour du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley (C‑191/01 P, Rec. p. I‑12447), n’est pas pertinent en l’espèce. En vertu de cet arrêt, un signe verbal peut se voir opposer un refus d’enregistrement si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits concernés. Si, dans le commerce, la signification principale est autre qu’une indication d’un lieu géographique, l’enregistrement est, selon la requérante, de droit.

15     Deuxièmement, la requérante soulève que, en allemand, les indications géographiques sont normalement assorties de mots ou de terminaisons tels que « aus Cloppenburg » ou « Cloppenburger … » (de Cloppenburg).

16     La requérante considère, troisièmement, que l’OHMI n’a pas démontré que, actuellement, le public pertinent associait l’appellation « Cloppenburg » à des services de vente en détail ni qu’un tel lien était raisonnablement envisageable dans le futur.

17     À l’audience, la requérante a ajouté que la décision attaquée n’était pas correctement motivée en ce que la chambre de recours s’était bornée à réfuter les arguments avancés par la requérante, sans leur substituer des arguments propres.

18     L’OHMI considère que le recours est fondé pour les raisons suivantes. Premièrement, la chambre de recours n’aurait pas démontré que la ville de Cloppenburg était connue par le public ciblé. Deuxièmement, rien n’indiquerait que Cloppenburg – la ville ou le Landkreis – est connu comme un lieu de production de produits quels qu’ils soient. Troisièmement, la chambre de recours n’aurait pas établi la connaissance de Cloppenburg en tant que site de prestation de services en dehors de la région. Par conséquent, la marque Cloppenburg ne serait pas perçue, dans l’esprit du consommateur ciblé qu’est le consommateur moyen allemand, comme étant composée exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner la provenance géographique de la prestation du service désigné ou encore des produits vendus dans le cadre de services d’un commerce de détail.

19     Il ajoute que, selon l’arrêt du Tribunal du 30 juin 2004, GE Betz / OHMI – Atofina Chemicals (BIOMATE) (T‑107/02, non encore publié au Recueil), l’OHMI n’est pas tenu de conclure au rejet du recours, mais peut s’en remettre à la sagesse du Tribunal tout en avançant tous les arguments qu’il estime appropriés. Cependant, conformément à l’arrêt de la Cour du 12 octobre 2004, Vedial/OHMI (C‑106/03 P, Rec. p. I-9573), confirmant sur pourvoi l’arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, Vedial/OHMI – France Distribution (HUBERT) (T‑110/01, Rec. p. II‑5275), l’OHMI ne pourrait en aucun cas modifier les termes du litige. Les mêmes principes s’appliquent, selon l’OHMI, aux procédures concernant des motifs absolus de refus d’enregistrement.

20     En outre, l’OHMI expose que, conformément à l’article 60 du règlement n° 40/94, une affaire déférée à la chambre de recours est soustraite à la compétence de l’examinateur, qui, quant à lui, serait lié par les instructions du président de l’OHMI. En vertu de l’article 131, paragraphe 2, du même règlement, dans sa rédaction applicable en l’espèce, les chambres de recours jouiraient d’une indépendance empêchant l’OHMI de retirer la décision attaquée ou de lui substituer une décision favorable à la requérante.

21     À l’audience, la requérante a adopté le point de vue de l’OHMI sur la recevabilité des conclusions de ce dernier, tout en indiquant qu’elle eût préféré que celui-ci conclût à l’annulation de la décision attaquée.

 Sur la recevabilité des conclusions de l’OHMI

22     En ce qui concerne la position procédurale de l’OHMI, le Tribunal a jugé, à propos d’une procédure relative à une décision d’une chambre de recours ayant statué sur une procédure d’opposition, que, si l’OHMI ne dispose pas de la légitimation active requise pour introduire un recours contre une décision d’une chambre de recours, en revanche, il ne saurait être tenu de défendre systématiquement toute décision attaquée d’une chambre de recours ou de conclure obligatoirement au rejet de tout recours dirigé à l’encontre d’une telle décision (arrêt BIOMATE, précité, point 34). Rien ne s’oppose à ce que l’OHMI se rallie à une conclusion de la partie requérante ou encore se contente de s’en remettre à la sagesse du Tribunal, tout en présentant tous les arguments qu’il estime appropriés pour éclairer le Tribunal (arrêt BIOMATE, précité, point 36). En revanche, il ne peut pas formuler des conclusions visant à l’annulation ou à la réformation de la décision de la chambre de recours sur un point non soulevé dans la requête ou présenter des moyens non soulevés dans la requête (voir, en ce sens, arrêt du 12 octobre 2004, Vedial/OHMI, précité, point 34).

23     En outre, si, à l’article 133, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, l’OHMI est désigné comme partie défenderesse devant le Tribunal, cette désignation ne saurait modifier les conséquences découlant de l’économie du règlement n° 40/94 en ce qui concerne les chambres de recours. Elle permet tout au plus de régler les dépens, en cas d’annulation ou de réformation de la décision attaquée, indépendamment de la position prise par l’OHMI devant le Tribunal (arrêt BIOMATE, précité, point 35).

24     Le quatrième titre du règlement de procédure définit le rôle de l’OHMI en tant que partie défenderesse de façon uniforme et sans distinguer les procédures impliquant, devant la chambre de recours, des parties autres que la partie requérante devant le Tribunal (ci-après les « procédures inter partes ») de celles qui n’opposent que la requérante et l’OHMI (ci-après les « procédures ex parte »). En outre, le texte de l’article 63 du règlement n° 40/94 ne comporte aucune distinction selon que la procédure ayant conduit à la décision attaquée est une procédure inter partes ou une procédure ex parte. Il s’ensuit que la jurisprudence précitée, dégagée dans le cadre de procédures inter partes, est transposable aux procédures ex parte.

25     En l’espèce, bien que l’OHMI ait explicitement refusé de conclure à l’annulation de la décision attaquée et bien qu’il s’en soit remis à la sagesse du Tribunal, force est de constater qu’il a avancé exclusivement des arguments au soutien du moyen de la requérante, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94. Partant, l’OHMI a exprimé clairement sa volonté de soutenir les conclusions et le moyen avancés par la requérante.

26     Dans ces circonstances, il convient de requalifier les conclusions de l’OHMI et de considérer que celui-ci conclut, en substance, à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la requérante.

27     Il découle des points 22 à 24 ci‑dessus que les conclusions par lesquelles l’OHMI se rallie aux conclusions en annulation de la requérante doivent être déclarées recevables dans la mesure où celles-ci et les arguments exposés à l’appui de celles‑ci ne sortent pas du cadre des conclusions et moyens avancés par la requérante.

28     S’agissant de la question de savoir si la concordance des conclusions et arguments des parties peut dispenser, en l’espèce, le Tribunal d’avoir à statuer sur le fond du recours, comme l’OHMI l’a laissé entendre, il convient de relever que, malgré la concordance des arguments des parties sur le fond de l’affaire, le recours n’a pas perdu son objet. En effet, en dépit de l’accord entre les parties, la décision attaquée n’a été ni modifiée ni retirée, l’OHMI ne disposant pas du pouvoir de le faire, ni de celui de donner des instructions en ce sens aux chambres de recours, dont l’indépendance est consacrée par l’article 131, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, dans sa version applicable jusqu’au 9 mars 2004, devenu, dans la version actuelle, l’article 131, paragraphe 4. Il s’ensuit que la requérante conserve un intérêt à obtenir l’annulation de cette décision.

29     Il résulte de ce qui précède que la concordance des conclusions et des arguments des parties ne dispense pas le Tribunal d’examiner la légalité de la décision attaquée au regard des moyens formulés dans la requête introductive d’instance.

 Sur le fond

30     Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ».

31     En outre, l’article 7, paragraphe 2, du même règlement dispose que « [l]e paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté ».

32     L’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou indications descriptives des catégories de produits ou de services pour lesquelles l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que de tels signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, Rec. p. I‑2779, point 25).

33     S’agissant plus particulièrement des signes ou indications pouvant servir pour désigner la provenance géographique des catégories de produits pour lesquelles l’enregistrement de la marque est demandé, en particulier les noms géographiques, il existe un intérêt général à préserver leur disponibilité en raison notamment de leur capacité non seulement de révéler éventuellement la qualité et d’autres propriétés des catégories de produits ou de services concernées, mais également d’influencer diversement les préférences des consommateurs, par exemple en rattachant les produits ou services à un lieu qui peut susciter des sentiments positifs (voir, par analogie, arrêt Windsurfing Chiemsee, précité, point 26).

34     En outre, il convient de relever que sont exclus, d’une part, l’enregistrement des noms géographiques en tant que marques lorsqu’ils désignent des lieux géographiques déterminés qui sont déjà réputés ou connus pour la catégorie de produits ou de services concernée et qui, dès lors, présentent un lien avec celui-ci aux yeux des milieux intéressés et, d’autre part, l’enregistrement des noms géographiques susceptibles d’être utilisés par les entreprises qui doivent également être laissés disponibles pour celles-ci en tant qu’indications de provenance géographique de la catégorie de produits ou de services concernée (voir, par analogie, arrêt Windsurfing Chiemsee, précité, points 29 et 30).

35     À cet égard, il y a lieu de relever que le législateur communautaire a réservé, par dérogation à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, la possibilité d’enregistrer des signes pouvant servir à désigner la provenance géographique en tant que marque collective, conformément à l’article 64, paragraphe 2, dudit règlement, et, pour certains produits, lorsqu’ils remplissent les conditions nécessaires, en tant qu’indications géographiques ou appellations d’origine protégées dans le cadre des dispositions du règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO L 208, p. 1).

36     Toutefois, il y a lieu de relever que, en principe, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 ne s’oppose pas à l’enregistrement de noms géographiques qui sont inconnus dans les milieux intéressés ou, à tout le moins, inconnus en tant que désignation d’un lieu géographique ou encore des noms pour lesquels, en raison des caractéristiques du lieu désigné, il n’est pas vraisemblable que les milieux intéressés puissent envisager que la catégorie de produits ou de services concernée provienne de ce lieu ou qu’elle y soit conçue (voir, par analogie, arrêt Windsurfing Chiemsee, précité, point 33).

37     Au vu de tout ce qui précède, l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent [arrêt du Tribunal du 15 octobre 2003, Nordmilch/OHMI (OLDENBURGER), T‑295/01, Rec. p. II‑4365, points 27 à 34].

38     Dans cette appréciation, l’OHMI est tenu d’établir que le nom géographique est connu dans les milieux intéressés en tant que désignation d’un lieu. De plus, il faut que le nom en cause présente actuellement, aux yeux des milieux intéressés, un lien avec la catégorie de produits ou de services revendiqués, ou qu’il soit raisonnable d’envisager qu’un tel nom puisse, aux yeux de ce public, désigner la provenance géographique de ladite catégorie de produits ou de services. Dans le cadre de cet examen, il convient plus particulièrement de prendre en compte la connaissance plus ou moins grande qu’ont les milieux intéressés du nom géographique en cause ainsi que les caractéristiques du lieu désigné par celui-ci et de la catégorie de produits ou de services concernée (voir, par analogie, arrêt Windsurfing Chiemsee, précité, point 37 et point 1 du dispositif).

39     En l’espèce, l’examen du Tribunal doit se limiter à la question de savoir si, pour le public pertinent en Allemagne, le signe demandé est composé exclusivement d’une indication pouvant servir, dans le commerce, pour désigner la provenance géographique des services désignés. À cet égard, il est constant que « Cloppenburg » est le nom d’une ville située en Basse-Saxe et comptant approximativement 30 000 habitants.

40     En outre, la requérante n’a pas contesté que le public pertinent, à savoir le consommateur moyen des « services d’un commerce de détail », soit constitué par le consommateur allemand moyen.

41     S’agissant de l’appréciation du caractère descriptif du signe Cloppenburg, il convient de constater, premièrement, que les motifs exposés dans la décision attaquée, qui tendent à démontrer que le consommateur moyen en Allemagne connaît ce signe en tant que lieu géographique, ne sont pas tous convaincants.

42     En premier lieu, si un mot se terminant par « burg » correspond souvent à un lieu géographique, cette terminaison ne saurait suffire, à elle seule, pour établir que le consommateur reconnaît dans le mot « Cloppenburg » la désignation d’une ville déterminée. En effet, cette terminaison existe aussi pour des noms de famille et pour des mots fantaisistes.

43     En deuxième lieu, la thèse de la chambre de recours selon laquelle les villes et régions d’une taille comparable à celle de Cloppenburg sont régulièrement citées dans les bulletins et prévisions météorologiques sur l’ensemble du territoire allemand n’est pas convaincante. En réalité, les prévisions météorologiques diffusées sur l’ensemble du territoire allemand utilisent normalement, comme points de repère, les grandes villes telles que Hambourg, Hanovre, Düsseldorf, Cologne, Berlin, Francfort‑sur‑le‑Main, Stuttgart ou Munich, ainsi que les montagnes ou les grands fleuves. Une ville de l’importance de Cloppenburg n’y apparaît qu’exceptionnellement.

44     En troisième lieu, si la ville de Cloppenburg peut être indiquée sur des panneaux d’autoroutes ou de routes fédérales et si elle peut être mentionnée dans les informations routières, il n’en demeure pas moins que ces indications sont destinées à un public local. D’une part, les directions indiquées sur les panneaux d’autoroutes sur l’ensemble du territoire fédéral se limitent aux grandes villes dont la situation est connue, telles que celles citées au point précédent. La mention de la ville de Cloppenburg n’apparaîtra que dans la région environnante, s’adressant ainsi à un public souhaitant se rendre dans cette région ou dans cette ville. D’autre part, la même considération s’applique pour les informations routières qui ne seront suivies avec attention que par le public pour lequel la situation de la circulation dans cette région présente un intérêt actuel.

45     Enfin, la chambre de recours n’a relevé aucune attraction ni aucune activité économique pour laquelle la ville de Cloppenburg serait connue par les consommateurs sur l’ensemble du territoire allemand.

46     Le Tribunal peut laisser indécise la question de savoir si le public concerné connaît la ville de Cloppenburg en tant que lieu géographique. En tout état de cause, en raison de la taille peu importante de cette ville, il convient de considérer que, à supposer que le consommateur allemand la connaisse, cette connaissance doit être qualifiée de faible ou, tout au plus, de moyenne.

47     Il y a lieu de relever, deuxièmement, que la chambre de recours n’a pas démontré à suffisance de droit qu’il existait, aux yeux du public concerné, un lien entre la ville ou la région de Cloppenburg et la catégorie de services concernés, ou qu’il soit raisonnable d’envisager que le mot « Cloppenburg » puisse, aux yeux de ce public, désigner la provenance géographique de la catégorie de services en cause.

48     La décision attaquée expose seulement qu’il suffit, pour l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, que le consommateur puisse croire que le mot « Cloppenburg » désigne le lieu dans lequel les services d’un commerce de détail ont été conçus et à partir duquel ils sont fournis, sans pour autant indiquer dans quelle mesure cette condition est remplie en l’espèce. En substance, la chambre de recours s’est bornée à estimer que, pour le public allemand, le mot « Cloppenburg » correspond au nom d’une ville en Basse-Saxe.

49     Or, même si le public pertinent connaît la ville de Cloppenburg, il n’en découle pas automatiquement que le signe peut servir, dans le commerce, comme indication de provenance géographique. Pour examiner si les conditions d’application du motif de refus d’enregistrement en cause sont remplies, il faut tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, telles que la nature des produits ou services désignés, la renommée plus ou moins grande, notamment dans le secteur économique en cause, du lieu géographique en cause et la connaissance plus ou moins grande qu’en a le public concerné, les habitudes de la branche d’activité concernée et la question de savoir dans quelle mesure la provenance géographique des produits ou services en cause est susceptible d’être pertinente, aux yeux des milieux intéressés, pour l’appréciation de la qualité ou d’autres caractéristiques des produits ou services concernés.

50     En l’espèce, la ville de Cloppenburg jouit, auprès du public pertinent, d’une connaissance faible ou, tout au plus, moyenne. D’une part, il s’agit d’une petite ville. D’autre part, la chambre de recours n’a relevé aucune catégorie de produits ou services pour laquelle cette ville possède une renommée en tant que lieu de production ou de prestation de services. De plus, la chambre de recours n’a pas établi qu’il soit courant, dans le commerce, d’indiquer la provenance géographique de services d’un commerce de détail. En outre, la provenance géographique de tels services n’est pas, normalement, considérée comme pertinente dans l’appréciation de la qualité ou des caractéristiques de ceux-ci.

51     Dans ces circonstances, aux yeux du public concerné, la ville de Cloppenburg ne présente pas actuellement un lien avec la catégorie de services visée, et il n’est pas non plus raisonnable d’envisager que l’indication en cause puisse désigner, à l’avenir, la provenance géographique de ces services.

52     Il s’ensuit que la chambre de recours a commis une erreur de droit dans l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94. Partant, il y a lieu d’accueillir le moyen tiré de la violation de cette disposition, sans qu’il soit nécessaire que le Tribunal se prononce sur les autres arguments avancés par la requérante ou encore sur un éventuel défaut de motivation.

 Sur les dépens

53     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant succombé, dans la mesure où la décision attaquée est annulée, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante, nonobstant la requalification des conclusions de l’OHMI relevée au point 26 ci‑dessus.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 27 août 2003 (R 105/2002-4) est annulée.

2)      L’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) est condamné aux dépens.

Pirrung

Meij

Forwood

Pelikánová

 

       Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 octobre 2005.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      J. Pirrung


* Langue de procédure : l'allemand.

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