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Document 62003CO0003

    Ordonnance de la Cour (quatrième chambre) du 28 avril 2004.
    Matratzen Concord GmbH, anciennement Matratzen Concord AG contre Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).
    Pourvoi - Marque communautaire - Règlement (CE) nº 40/94 - Similitude entre deux marques - Risque de confusion - Demande de marque communautaire figurative contenant le vocable 'Matratzen' - Marque antérieure verbale MATRATZEN.
    Affaire C-3/03 P.

    Recueil de jurisprudence 2004 I-03657

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2004:233

    Affaire C-3/03 P


    Matratzen Concord GmbH, anciennement Matratzen Concord AG
    contre
    Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI)


    «Pourvoi – Marque communautaire – Règlement (CE) nº 40/94 – Similitude entre deux marques – Risque de confusion – Demande de marque communautaire figurative contenant le vocable 'Matratzen' – Marque antérieure verbale MATRATZEN»

    Ordonnance de la Cour (quatrième chambre) du 28 avril 2004
        

    Sommaire de l'ordonnance

    1.
    Marque communautaire – Définition et acquisition de la marque communautaire – Motifs relatifs de refus – Opposition par le titulaire d'une marque antérieure identique ou similaire enregistrée pour des produits ou services identiques ou similiaires – Similitude entre les marques concernées – Critères d'appréciation – Marque complexe

    (Règlement du Conseil nº 40/94, art. 8, § 1, b))

    2.
    Pourvoi – Moyens – Contrôle par la Cour de l'appréciation des faits soumis au Tribunal – Exclusion – Signe verbal et figuratif demandé en tant que marque communautaire

    (Art. 225 CE; statut CE de la Cour de justice, art. 51)

    3.
    Marque communautaire – Droit pour le titulaire d'une marque de s'opposer à toute utilisation susceptible de fausser la garantie de provenance – Droit relevant de l'objet spécifique du droit des marques – Opposition à l'enregistrement d'une marque communautaire par le titulaire d'une marque nationale considérée descriptive dans la langue d'un autre État membre – Admissibilité au regard du principe de la libre circulation des marchandises

    (Art. 30 CE; règlement du Conseil nº 40/94)

    1.
    Dans le cadre de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne revient pas à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer une telle comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans leur ensemble. Cela n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants.

    (cf. point 32)

    2.
    Ne constitue pas une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi l’appréciation des faits à laquelle se livre le Tribunal et qui l’amène à considérer que, s’agissant d’une marque verbale et figurative dont l’enregistrement est demandé en tant que marque communautaire, la partie verbale constitue l’élément dominant de la marque en cause.

    (cf. point 34)

    3.
    Le droit reconnu au titulaire de la marque de s’opposer à toute utilisation de cette marque susceptible de fausser la garantie de provenance, qui constitue la fonction essentielle de la marque, relève de l’objet spécifique du droit de marque, dont la protection peut justifier des dérogations au principe de la libre circulation des marchandises.
    Ainsi, le principe de la libre circulation des marchandises n’interdit ni à un État membre d’enregistrer, en tant que marque nationale, un signe qui, dans la langue d’un autre État membre, est descriptif des produits ou services concernés ni au titulaire d’une telle marque d’opposer, lorsqu’il existe un risque de confusion entre cette marque nationale et une marque communautaire demandée, l’enregistrement de cette dernière.

    (cf. points 41-42)







     

    ORDONNANCE DE LA COUR (quatrième chambre)

    28 avril 2004 (*)

    «Pourvoi – Marque communautaire – Règlement (CE) n° 40/94 – Similitude entre deux marques – Risque de confusion – Demande de marque communautaire figurative contenant le vocable ‘Matratzen’ – Marque antérieure verbale MATRATZEN»

    Dans l'affaire C-3/03 P,

    Matratzen Concord GmbH, anciennement Matratzen Concord AG, établie à Cologne (Allemagne), représentée par Me W.-W. Wodrich, Rechtsanwalt, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie requérante,

    ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (quatrième chambre) du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (Matratzen) (T-6/01, Rec. p. II-4335), et tendant à l'annulation de cet arrêt, par lequel le Tribunal a rejeté le recours dirigé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 31 octobre 2000, refusant l'enregistrement d'une marque figurative comme marque communautaire (affaires jointes R 728/1999-2 et R 792/1999-2),

    l'autre partie à la procédure étant:

    Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. A. von Mühlendahl et G. Schneider, en qualité d'agents,

    partie défenderesse en première instance,

    LA COUR (quatrième chambre),

    composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, Mme F. Macken (rapporteur) et M. K. Lenaerts, juges,

    avocat général: Mme C. Stix-Hackl,

    greffier: M. R. Grass,

    l'avocat général entendu,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        Par requête déposée au greffe de la Cour le 6 janvier 2003, la société Matratzen Concord GmbH (ci‑après «Matratzen») a, en vertu de l’article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal de première instance du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (Matratzen) (T‑6/01, Rec. p. II‑4335, ci‑après l’«arrêt attaqué»), et tendant à l’annulation de cet arrêt, par lequel le Tribunal a rejeté le recours dirigé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci‑après l’«OHMI») du 31 octobre 2000, refusant l’enregistrement d’une marque figurative comme marque communautaire (affaires jointes R 728/1999‑2 et R 792/1999‑2) (ci‑après la «décision litigieuse»).

     Le cadre juridique

    2        L’article 8 du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), dispose:

    «1.      Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement:

    […]

    b)      lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

    2.      Aux fins du paragraphe 1, on entend par ‘marques antérieures’:

    a)      les marques dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire, compte tenu, le cas échéant, du droit de priorité invoqué à l’appui de ces marques, et qui appartiennent aux catégories suivantes:

    […]

    (ii)      les marques enregistrées dans un État membre ou, pour ce qui concerne la Belgique, le Luxembourg et les Pays‑Bas, auprès du Bureau Benelux des marques […]

    […]»

    3        L’article 12 du même règlement, intitulé «Limitation des effets de la marque communautaire», énonce:

    «Le droit conféré par la marque communautaire ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires:

    […]

    b)      d’indications relatives à l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l’époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d’autres caractéristiques de ceux‑ci;

    […]

    pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.»

    4        Selon l’article 106, paragraphe 1, dudit règlement, intitulé «Interdiction de l’usage des marques communautaires»:

    «Sauf disposition contraire, le présent règlement n’affecte pas le droit, existant en vertu de la loi des États membres, d’intenter des actions en violation de droits antérieurs au sens de l’article 8 ou de l’article 52 paragraphe 2 contre l’usage d’une marque communautaire postérieure. Des actions en violation de droits antérieurs au sens de l’article 8 paragraphes 2 et 4 ne peuvent toutefois plus être intentées lorsque le titulaire du droit antérieur ne peut plus, en vertu de l’article 53 paragraphe 2, demander la nullité de la marque communautaire.»

     Les faits du litige

    5        Le 10 octobre 1996, la requérante a présenté à l’OHMI une demande d’enregistrement en tant que marque communautaire de la marque verbale et figurative reproduite ci-après:

    Image not found

    pour des produits relevant des classes 10 (coussins, oreillers, matelas, coussins d’air et lits à usage médical), 20 (matelas, matelas pneumatiques, lits, caillebotis non métalliques, couvertures protectrices, literie) et 24 (couvertures de lit, housses d’oreillers, linge de lit, édredons, coutils, enveloppes de matelas, sacs de couchage) au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé.

    6        Le 21 avril 1998, Hukla Germany SA (ci‑après «Hukla»), titulaire d’une marque verbale constituée du vocable «Matratzen» enregistrée en Espagne pour les produits relevant de la classe 20 (ci‑après «la marque antérieure»), a formé opposition devant la division d’opposition de l’OHMI au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94.

    7        Par décision du 22 septembre 1999, la division d’opposition a rejeté l’opposition en ce qui concerne les catégories de produits relevant de la classe 10 et l’a accueillie en ce qui concerne les catégories de produits relevant des classes 20 et 24. Cette décision a fait l’objet de recours de la part tant de Matratzen que de Hukla.

    8        Par la décision litigieuse, la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours de Matratzen et accueilli celui de Hukla. En substance, la chambre de recours a considéré que, en Espagne, les deux marques en cause seraient perçues comme étant similaires et que, parmi les produits désignés par ces deux marques, certains sont identiques et d’autres fortement similaires. Se fondant sur cette analyse, la chambre de recours a estimé qu’il existait un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, en ce qui concerne tous les produits visés à la demande.

     La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

    9        Le 9 janvier 2001, Matratzen a introduit un recours devant le Tribunal aux fins de l’annulation de la décision litigieuse pour violation, d’une part, de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et, d’autre part, du principe de la libre circulation des marchandises.

    10      S’agissant de la prétendue violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, le Tribunal, en rappelant que la perception qu’a le consommateur moyen des produits ou services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion, a relevé, au point 27 de l’arrêt attaqué, qu’il convient de prendre en considération le point de vue du public de l’État membre dans lequel la marque antérieure est enregistrée, à savoir l’Espagne.

    11      Il a d’abord considéré, au point 30 de l’arrêt attaqué, que deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une identité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents, notamment les aspects visuel, auditif et conceptuel. Le Tribunal a constaté que, en l’espèce, le vocable «Matratzen» constituait, à la fois, la marque antérieure et un des signes composant la marque demandée et, dès lors, qu’il y avait lieu de considérer que la marque antérieure était identique, sur le plan visuel et auditif, à un des signes composant la marque demandée. Cependant, selon lui, cette constatation n’était pas suffisante en elle-même pour considérer que les deux marques en cause, considérées chacune dans leur ensemble, étaient similaires.

    12      Il a précisé, au point 32 de l’arrêt attaqué, que l’appréciation de la similitude entre deux marques doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles‑ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. Il a ajouté, au point 34 de l’arrêt attaqué, qu’une telle comparaison ne revient pas à prendre uniquement en considération un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque, mais, au contraire, à examiner les marques en cause, considérées chacune dans leur ensemble. Cependant, il a souligné, au même point, qu’il n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants.

    13      Ensuite, en application des critères pertinents au cas d’espèce, le Tribunal a analysé les composants de la marque demandée, à savoir les vocables «Matratzen», «Concord» et «markt» ainsi que le signe figuratif de chacun d’entre eux par rapport aux autres. Il a estimé, au point 43 de l’arrêt attaqué, que les vocables «Matratzen» et «Concord» pouvaient être considérés comme les composants les plus importants. Toutefois, selon le Tribunal, le vocable «Matratzen», caractérisé par une prépondérance de consonnes à prononciation dure et ne présentant aucune ressemblance avec un quelconque mot espagnol, apparaissait, plus que le vocable «Concord», susceptible d’être gardé en mémoire par le public pertinent. Le Tribunal en a déduit que le vocable «Matratzen» constituait l’élément dominant de la marque demandée. Il a donc conclu, au point 44 de l’arrêt attaqué, que, pour le public pertinent, il existait une similitude visuelle et auditive entre les deux marques.

    14      Enfin, il a jugé, au point 48 de l’arrêt attaqué, que, considérés de façon cumulative, le degré de similitude des marques en cause et celui des produits désignés par celles‑ci étaient suffisamment élevés et que, partant, c’était à bon droit que la chambre de recours avait considéré qu’il existait un risque de confusion entre les marques en cause.

    15      Au point 49 de l’arrêt attaqué, il a estimé que cette conclusion n’était pas infirmée par les arguments de Matratzen tirés de l’article 12, sous b), du règlement n° 40/94. Selon lui, à supposer même que cette disposition puisse avoir une incidence dans la procédure d’enregistrement, cette incidence se limiterait, en ce qui concerne l’appréciation du risque de confusion, à exclure la possibilité de considérer un signe descriptif faisant partie d’une marque complexe comme un élément distinctif et dominant dans l’impression d’ensemble produite par celle‑ci. En l’espèce, le mot «Matratzen» n’aurait pas été descriptif, du point de vue du public pertinent, des produits désignés par la marque demandée.

    16      S’agissant de la prétendue violation du principe de la libre circulation des marchandises, le Tribunal a estimé, au point 54 de l’arrêt attaqué, qu’enregistrer en tant que marque nationale un signe qui, dans la langue d’un autre État membre, est descriptif des produits ou services concernés ne constitue pas une entrave à la libre circulation des marchandises. Au point 58 de l’arrêt attaqué, il a relevé que, selon la jurisprudence de la Cour, l’article 30 CE n’admet de dérogations au principe de la libre circulation des marchandises découlant de l’exercice des droits conférés par une marque nationale que dans la mesure où ces dérogations sont justifiées par la sauvegarde des droits qui constituent l’objet spécifique de la propriété industrielle concernée. Or, le droit du titulaire de la marque de s’opposer à toute utilisation de cette marque susceptible de fausser la garantie de provenance ainsi comprise relèverait dudit objet spécifique du droit de marque.

    17      Le Tribunal a rappelé, au point 57 de l’arrêt attaqué, que, aux termes de son article 106, paragraphe 1, le règlement n° 40/94 n’affecte pas le droit, existant en vertu de la loi des États membres, d’intenter des actions en violation de marques antérieures nationales contre l’usage d’une marque communautaire postérieure. Il a souligné que, si, dans un cas d’espèce, il existe un risque de confusion entre une marque antérieure nationale et un signe dont l’enregistrement en tant que marque communautaire est demandé, l’utilisation de ce signe peut être interdite par le juge national dans le cadre d’une procédure en contrefaçon.

    18      Partant, le Tribunal a rejeté le recours.

     Le pourvoi

    19      Matratzen conclut à ce qu’il plaise à la Cour annuler l’arrêt attaqué et rejeter l’opposition formée le 21 avril 1998 par Hukla. Elle demande également la condamnation de l’OHMI aux dépens.

    20      L’OHMI conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de Matratzen aux dépens.

    21      En vertu de l’article 119 du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est manifestement non fondé, la Cour, peut, à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, l’avocat général entendu, rejeter le pourvoi par voie d’ordonnance motivée.

     Sur le premier moyen

     Argumentation des parties

    22      Par son premier moyen, Matratzen allègue que le Tribunal, en interprétant la notion de similitude visée à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, n’a pas, comme la jurisprudence de la Cour l’exige, apprécié globalement le risque de confusion dans l’esprit du public en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. En fait, ni l’élément figuratif ni aucun des éléments verbaux ne devraient être ignorés pour analyser et apprécier correctement la marque demandée.

    23      Lors de l’appréciation des circonstances de fait essentielles à l’évaluation du risque de confusion, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en concluant que le vocable «Matratzen» constituait l’élément dominant de la marque demandée. Selon Matratzen, il aurait dû conclure en faveur d’une prédominance du vocable «Concord». Il conviendrait de partir du principe que, dans le cadre de la marque demandée, l’élément «Matratzen», à consonance étrangère pour le consommateur espagnol, a une importance secondaire, tandis que le terme «Concord», originaire de la zone linguistique romane qui lui est familière, reste, au moins plus distinctement et plus facilement, gravé dans sa mémoire.

    24      Il résulterait de l’absence totale d’informations sur l’usage de la marque, sur son importance éventuelle, sur des indices en faveur d’un caractère distinctif éventuellement accru, sur le degré de notoriété sur le marché et sur d’autres informations analogues que l’on ne doit partir que du principe d’un caractère distinctif encore tout juste suffisant, donc plutôt faible. Lors d’une application analogue des principes sur la limitation de l’effet d’une marque, tels qu’inscrits, notamment, à l’article 12, sous b), du règlement n° 40/94, la marque verbale «Matratzen», dotée d’un faible caractère distinctif, ne pourrait être opposée avec succès à une marque verbale et figurative dotée d’un fort caractère distinctif. Pour cette raison également, la marque demandée ne devrait pas se voir refuser l’inscription au registre des marques communautaires tenu par l’OHMI.

    25      En revanche, l’OHMI fait valoir, d’une part, que le moyen soulevé vise à remettre en cause des constatations et appréciations des faits qui ne peuvent pas, en principe, être soumises au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. Il soutient, d’autre part, que le Tribunal s’est référé à la jurisprudence pertinente, notamment, en ce qui concerne la correcte approche méthodologique selon laquelle les deux marques sont comparées.

     Appréciation de la Cour

    26      Conformément à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. Un tel risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

    27      Les termes mêmes de cette disposition excluent donc qu’elle puisse être appliquée s’il n’existe pas, dans l’esprit du public, un risque de confusion [voir, à propos de la disposition identique de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 18, et du 22 juin 2000, Marca Mode, C‑425/98, Rec. p. I‑4861, point 34].

    28      L’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 22; du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 18, et Marca Mode, précité, point 40).

    29      En outre, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles‑ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir, en ce sens, arrêts précités SABEL, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 25).

    30      En l’espèce, en déterminant s’il existait, du point de vue dudit consommateur, une similitude visuelle et auditive entre les deux marques, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit dans son interprétation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

    31      À cet égard, d’une part, n’est pas fondé le grief selon lequel le Tribunal, en considérant séparément les éléments de la marque demandée, se serait abstenu d’apprécier globalement le risque de confusion en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce.

    32      En effet, le Tribunal a précisé, à juste titre, au point 34 de l’arrêt attaqué, que l’appréciation de la similitude entre deux marques ne revient pas à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque, mais qu’il y a lieu, au contraire, d’opérer une telle comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans leur ensemble. Il a jugé également que cela n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants.

    33      En outre, comme il ressort clairement des points 38 à 48 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, afin de déterminer si les deux marques sont similaires du point de vue du public pertinent, a consacré une partie importante de son raisonnement à apprécier leurs éléments distinctifs et dominants, ainsi que le risque de confusion dans l’esprit du public, risque qu’il a apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce.

    34      D’ailleurs, en soutenant que le Tribunal aurait, par une interprétation erronée des faits de l’espèce, considéré que le vocable «Matratzen» constituerait l’élément dominant de la marque demandée, Matratzen se borne en réalité à contester, sans d’ailleurs invoquer un quelconque vice de dénaturation des éléments du dossier soumis au Tribunal, l’appréciation des faits à laquelle ce dernier s’est livré. Or, cette appréciation ne constitue pas une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C-104/00 P, Rec. p. I‑7561, point 22; ainsi que ordonnances du 5 février 2004, non encore publiées au Recueil, Telefon & Buch/OHMI, C‑326/01 P, point 35, et Streamserve/OHMI, C‑150/02 P, point 30).

    35      D’autre part, s’agissant de l’argument de Matratzen tiré de l’article 12, sous b), du règlement n° 40/94, il y a lieu de relever que cette dernière disposition concerne la limitation des effets de la marque communautaire elle‑même en prévoyant que le droit conféré par son enregistrement ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, sous certaines conditions, dans la vie des affaires d’indications relatives à l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l’époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d’autres caractéristiques de ceux‑ci, c’est‑à‑dire d’indications descriptives. Elle ne concerne pas le statut d’une marque antérieure, au sens de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 40/94. Le Tribunal n’a donc commis aucune erreur de droit en jugeant que l’argument tiré de l’article 12, sous b), du règlement n° 40/94 était dépourvu de pertinence.

    36      Dès lors, ces motifs ne sont entachés d’aucune erreur de droit.

    37      Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté comme manifestement non fondé.

     Sur le second moyen

     Argumentation des parties

    38      Matratzen fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en constatant, au point 54 de l’arrêt attaqué, qu’il n’apparaît nullement que le principe de la libre circulation des marchandises interdise à un État membre d’enregistrer, en tant que marque nationale, un signe qui, dans la langue d’un autre État membre, est descriptif des produits ou services concernés. En l’espèce, l’opposition formée contre la marque demandée au motif qu’elle est similaire à la marque antérieure enregistrée en Espagne, marque antérieure qui, en Allemagne, est descriptive des produits pertinents, constituerait un exercice abusif des droits reconnus par la législation d’un État membre en matière de propriété intellectuelle au regard de l’article 30, deuxième phrase, CE.

    39      L’OHMI rétorque que, dans le cadre d’une procédure d’opposition, il n’est possible ni d’attaquer une marque antérieure nationale ni de remettre en question sa validité. Elle considère que la coexistence du système juridique de la marque communautaire et des systèmes juridiques nationaux a pour corollaire, notamment, que l’éligibilité d’une marque à la protection est appréciée selon les mêmes critères juridiques, mais que le résultat de l’examen peut être différent d’un pays à l’autre parce que c’est le point de vue du public pertinent dans chaque pays qui est déterminant. Dès lors, il serait parfaitement concevable qu’une marque soit enregistrée dans un État membre alors qu’elle est descriptive dans une autre langue que celle de cet État.

     Appréciation de la Cour

    40      Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de l’application du principe de la libre circulation des marchandises, le traité CE n’affecte pas l’existence des droits reconnus par la législation d’un État membre en matière de propriété intellectuelle, mais limite seulement, selon les circonstances, l’exercice de ces droits (arrêts du 22 juin 1976, Terrapin, 119/75, Rec. p. 1039, point 5, et du 22 janvier 1981, Dansk Supermarked, 58/80, Rec. p. 181, point 11).

    41      L’article 30 CE n’admet des dérogations au principe fondamental de la libre circulation des marchandises entre les États membres que dans la mesure où elles sont justifiées par la sauvegarde des droits qui constituent l’objet spécifique de la propriété industrielle concernée. À cet égard, la fonction essentielle de la marque est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit marqué, en lui permettant de le distinguer sans confusion possible de ceux qui ont une autre provenance. Dès lors, le droit reconnu au titulaire de la marque de s’opposer à toute utilisation de cette marque susceptible de fausser la garantie de provenance ainsi comprise relève de l’objet spécifique du droit de marque, dont la protection peut justifier des dérogations au principe de la libre circulation des marchandises (arrêts du 11 juillet 1996, Bristol‑Myers Squibb e.a., C‑427/93, C‑429/93 et C‑436/93, Rec. p. I‑3457, point 48, et du 23 avril 2002, Boehringer Ingelheim e.a., C‑143/00, Rec. p. I‑3759, points 12 et 13).

    42      Ainsi, en considérant, aux points 54 et 56 de l’arrêt attaqué, que le principe de la libre circulation des marchandises n’interdit ni à un État membre d’enregistrer, en tant que marque nationale, un signe qui, dans la langue d’un autre État membre, est descriptif des produits ou services concernés ni au titulaire d’une telle marque d’opposer, lorsqu’il existe un risque de confusion entre cette marque nationale et une marque communautaire demandée, l’enregistrement de cette dernière, le Tribunal ne s’est pas mépris sur les objectifs des propositions aux points 40 et 41 de la présente ordonnance et s’est, par suite, livré à une exacte interprétation de celles‑ci.

    43      Le second moyen doit donc être rejeté comme manifestement non fondé.

    44      Il résulte de ce qui précède que le pourvoi est manifestement non fondé et doit, partant, être rejeté.

     Sur les dépens

    45      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant conclu à la condamnation de la requérante et celle‑ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

    Par ces motifs,

    LA COUR  (quatrième chambre)

    ordonne:

    1)      Le pourvoi est rejeté.

    2)      La requérante est condamnée aux dépens.

    Fait à Luxembourg, le 28 avril 2004.

    Le greffier

     

           Le président de la quatrième chambre

    R. Grass

     

           J. N. Cunha Rodrigues


    * Langue de procédure: l'allemand.

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