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Document 62003CJ0551

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 6 avril 2006.
General Motors BV contre Commission des Communautés européennes.
Pourvoi - Ententes - Article 81 CE - Règlements (CEE) nº 123/85 et (CE) nº 1475/95 - Distribution de véhicules automobiles de la marque Opel - Cloisonnement du marché - Restrictions des exportations - Système restrictif de primes - Amende - Lignes directrices pour le calcul des amendes.
Affaire C-551/03 P.

Recueil de jurisprudence 2006 I-03173

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2006:229

Affaire C-551/03 P

General Motors BV, anciennement

General Motors Nederland BV et Opel Nederland BV

contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvoi — Ententes — Article 81 CE — Règlements (CEE) nº 123/85 et (CE) nº 1475/95 — Distribution de véhicules automobiles de la marque Opel — Cloisonnement du marché — Restrictions des exportations — Système restrictif de primes — Amende — Lignes directrices pour le calcul des amendes»

Conclusions de l'avocat général M. A. Tizzano, présentées le 25 octobre 2005 

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 6 avril 2006 

Sommaire de l'arrêt

1.     Pourvoi — Moyens — Appréciation erronée des faits — Irrecevabilité — Contrôle par la Cour de l'appréciation des éléments de preuve — Exclusion sauf cas de dénaturation

(Art. 225, § 1, CE; statut de la Cour de justice, art. 58, al. 1)

2.     Concurrence — Ententes — Atteinte à la concurrence

(Art. 81, § 1, CE)

3.     Concurrence — Ententes — Accords entre entreprises — Atteinte à la concurrence

(Art. 81, § 1, CE)

4.     Concurrence — Ententes — Atteinte à la concurrence

(Art. 81, § 1, CE)

5.     Concurrence — Ententes — Atteinte à la concurrence

(Art. 81, § 1, CE)

6.     Concurrence — Ententes — Atteinte à la concurrence

(Art. 81, § 1, CE)

1.     Il résulte des articles 225 CE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice que le Tribunal est seul compétent, d'une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l'inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d'autre part, pour apprécier ces faits. Lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l'article 225 CE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal.

La Cour n'est donc pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l'appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d'administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d'apprécier la valeur qu'il convient d'attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour.

À cet égard, une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu'il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves.

(cf. points 51-52, 54)

2.     Un accord peut être considéré comme ayant un objet restrictif même s'il n'a pas pour seul objectif de restreindre la concurrence, mais poursuit également d'autres objectifs légitimes.

(cf. point 64)

3.     Afin de déterminer si un accord a un objet restrictif au sens de l'article 81 CE, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes dudit accord, mais également d'autres facteurs, tels que les buts poursuivis par l'accord en tant que tel, à la lumière du contexte économique et juridique.

(cf. point 66)

4.     Un accord en matière de distribution a un objet restrictif au sens de l'article 81 CE s'il manifeste clairement la volonté de traiter les ventes à l'exportation d'une manière moins favorable que les ventes nationales et conduit ainsi à un cloisonnement du marché en cause.

Un tel objectif peut être atteint non seulement à travers des restrictions directes aux exportations, mais également à travers des mesures indirectes, telle la mise en oeuvre par un fournisseur de véhicules automobiles, dans le cadre de contrats de concession, d'une mesure excluant les ventes à l'exportation du système de primes accordées aux concessionnaires, dès lors qu'elles agissent sur les conditions économiques de ces transactions.

(cf. points 67-68)

5.     Pour apprécier si un accord doit être considéré comme interdit en raison des altérations du jeu de la concurrence qui en sont l'effet, il faut examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel où il se produirait à défaut de l'accord litigieux.

Dès lors, dans une situation telle que celle de la mise en oeuvre par un fournisseur de véhicules automobiles, dans le cadre de contrats de concession, d'une mesure excluant les ventes à l'exportation du système de primes accordées aux concessionnaires, il y a lieu d'examiner le comportement de ces derniers et la situation concurrentielle sur le marché en cause, dans l'hypothèse où les ventes à l'exportation n'auraient pas été exclues de la politique des primes.

(cf. points 72-73)

6.     La preuve de l'intention des parties à un accord de restreindre la concurrence n'est pas un élément nécessaire pour déterminer si cet accord a pour objet une telle restriction.

En revanche, même si l'intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d'un accord, rien n'interdit à la Commission ou aux juridictions communautaires de tenir compte de cette intention.

(cf. points 77-78)




ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

6 avril 2006 (*)

«Pourvoi – Ententes – Article 81 CE – Règlements (CEE) n° 123/85 et (CE) n° 1475/95 – Distribution de véhicules automobiles de la marque Opel – Cloisonnement du marché – Restrictions des exportations – Système restrictif de primes – Amende – Lignes directrices pour le calcul des amendes»

Dans l’affaire C-551/03 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 29 décembre 2003,

General Motors BV, anciennement General Motors Nederland BV et Opel Nederland BV, établie à Lage Mosten (Pays‑Bas), représentée par Mes D. Vandermeersch et R. Snelders, advocaten, ainsi que par Me T. Graf, Rechtsanwalt, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. W. Mölls et A. Whelan, en qualité d’agents, assistés de M. J. Flynn, QC, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J. Malenovský, S. von Bahr (rapporteur), A. Borg Barthet et U. Lõhmus, juges,

avocat général: M. A. Tizzano,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 juillet 2005,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 octobre 2005,

rend le présent

Arrêt

1       Par son pourvoi, General Motors BV demande l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 21 octobre 2003, General Motors Nederland et Opel Nederland/Commission (T‑368/00, Rec. p. II‑4491, ci‑après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui‑ci a partiellement annulé la décision 2001/146/CE de la Commission, du 20 septembre 2000, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE (affaire COMP/36.356, – Opel) (JO 2001, L 59, p. 1, ci‑après la «décision litigieuse»).

 Les faits à l’origine du litige

2       Les faits et le cadre juridique, tels qu’ils ressortent de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés de la manière suivante.

3       Opel Nederland BV (ci-après «Opel Nederland») a été créée le 30 décembre 1994 comme filiale à 100 % de General Motors Nederland BV (ci‑après «General Motors Nederland»). Elle est la seule société nationale de vente de la marque Opel aux Pays-Bas. Ses activités comprennent l’importation, l’exportation et le commerce de gros de véhicules automobiles ainsi que de pièces de rechange et d’accessoires. Elle a conclu des contrats de concession relatifs aux ventes et aux services avec quelque 150 concessionnaires, qui sont, de ce fait, intégrés dans le réseau de distribution d’Opel en Europe en tant que revendeurs agréés.

4       Les contrats de concession sont, sous certaines conditions, exemptés de l’application de l’article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE) par le règlement (CEE) n° 123/85 de la Commission, du 12 décembre 1984, concernant l’application de l’article [81], paragraphe 3, du traité CEE à des catégories d’accords de distribution et de service de vente et d’après‑vente de véhicules automobiles (JO 1985, L 15, p. 16). Ce règlement a été remplacé, à partir du 1er octobre 1995, par le règlement (CE) n° 1475/95 de la Commission, du 28 juin 1995 (JO L 145, p. 25).

5       L’article 3, paragraphe 10, sous a), de chacun de ces deux règlements autorise le constructeur et/ou son importateur à interdire aux concessionnaires de livrer des produits contractuels et des produits correspondants à un revendeur qui ne fait pas partie du réseau de vente. En revanche, ces mêmes règlements n’autorisent pas le constructeur et/ou son importateur à interdire aux concessionnaires de livrer des produits contractuels et des produits correspondants aux consommateurs finals, à leurs intermédiaires mandatés ou à d’autres concessionnaires appartenant au réseau de distribution du constructeur et/ou importateur.

6       Les 28 et 29 août 1996, Opel Nederland a adressé une lettre à 18 concessionnaires qui avaient exporté, au cours du premier semestre de 1996, au minimum 10 voitures. Cette lettre se lit ainsi:

«[...] Nous avons constaté que votre société avait vendu un nombre important de véhicules Opel à l’étranger au cours de la première moitié de 1996. À nos yeux, les quantités sont à ce point considérables que nous soupçonnons fort que ces ventes ne sont pas conformes à la lettre et à l’esprit du contrat de concession Opel, actuel ou futur. [...] Nous avons l’intention de comparer votre réponse avec les données inscrites dans vos livres. Nous vous tiendrons informé de la suite des événements. Ce qui précède ne change rien au fait que vous êtes essentiellement tenu d’obtenir de bons résultats commerciaux dans votre sphère d’influence spéciale [...]»

7       Lors d’une réunion, le 26 septembre 1996, la direction d’Opel Nederland a décidé d’adopter quelques mesures relatives à l’exportation depuis les Pays-Bas. Le compte rendu de cette réunion décrit ces mesures de la manière suivante:

«[...] Décisions prises:

1)      Opel Nederland BV auditera tous les concessionnaires (20) dont on sait qu’ils effectuent des exportations. L’ordre de priorité est descendant, comme indiqué sur la liste des concessionnaires exportateurs du 26 septembre 1996. M. Naval [directeur financier] organisera ces audits.

2)      M. de Heer [directeur des ventes et du marketing] répondra à tous les concessionnaires qui ont répondu à la première lettre sur les activités à l’exportation qu’Opel leur a envoyée. Ils seront informés de l’organisation des audits et aussi des difficultés de livraison, qui imposent des attributions limitées de véhicules.

3)      Les chefs de district du service de ventes discuteront des activités à l’exportation avec les concessionnaires exportateurs dans les deux semaines à venir. Les concessionnaires seront informés que, en raison des problèmes de disponibilité des produits, ils recevront uniquement (jusqu’à nouvel ordre) le nombre d’unités spécifié dans leur norme d’évaluation des ventes. Ils seront invités à indiquer au chef de district quelles sont, parmi leurs commandes en attente, les unités qu’ils souhaitent vraiment recevoir. C’est aux concessionnaires eux-mêmes qu’il appartiendra de régler les problèmes qui pourront surgir avec leurs acheteurs.

4)      Les concessionnaires qui feront savoir au chef de district qu’ils ne souhaitent pas cesser d’exporter des véhicules sur une grande échelle seront invités à rencontrer MM. De Leeuw [directeur général] et De Heer le 22 octobre 1996.

5)      M. Notenboom [directeur du personnel de vente] demandera à GMAC de vérifier le stock du concessionnaire, afin de déterminer le nombre exact d’unités encore présentes. Il est à prévoir qu’une part importante ait été exportée dans l’intervalle.

6)      Dorénavant, les véhicules vendus dans le cadre des campagnes de vente, mais non immatriculés aux Pays-Bas, ne seront pas pris en compte. Nos concurrents appliquent des conditions similaires.

7)      M. Aukema [responsable du marchandisage] supprimera les noms des concessionnaires exportateurs des listes établies pour les campagnes promotionnelles. Leur participation future sera fonction des résultats des audits.

8)      M. Aelen [directeur du personnel finances] rédigera une lettre aux concessionnaires pour les informer que, à compter du 1er octobre 1996, Opel Nederland BV facturera 150 NLG la fourniture, sur demande, de déclaration d’importations officielles, comme la réception par type, ainsi que la préparation des documents douaniers, pour certains véhicules hors taxes (destinés à des diplomates, par exemple).»

8       À la suite des lettres des 28 et 29 août 1996 et des réponses des concessionnaires, Opel Nederland a adressé, le 30 septembre 1996, une nouvelle lettre aux 18 concessionnaires concernés. Cette lettre se lit ainsi:

«[...] Votre réponse nous a déçus, car elle signifie que vous n’avez aucune notion des intérêts communs de l’ensemble des concessionnaires Opel et d’Opel Nederland. Notre service d’audit contrôlera vos déclarations. En attendant les résultats de ce contrôle, vous ne recevrez pas d’informations sur les campagnes, puisque nous ne sommes pas certains que vos chiffres soient corrects [...]»

9       Les audits prévus se sont déroulés entre le 19 septembre et le 27 novembre 1996.

10     Le 24 octobre 1996, Opel Nederland a envoyé une circulaire, relative aux ventes aux utilisateurs finals à l’étranger, à tous les concessionnaires. Selon cette circulaire, les concessionnaires sont libres de vendre aux utilisateurs finals résidant dans l’Union européenne et ces derniers peuvent aussi recourir aux services d’un intermédiaire.

11     À la suite d’informations, selon lesquelles Opel Nederland poursuivait une stratégie consistant à entraver systématiquement les exportations de véhicules neufs des Pays-Bas vers d’autres États membres, la Commission des Communautés européennes a, le 4 décembre 1996, ordonné des vérifications par voie de décision, conformément à l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204). Ces vérifications ont été effectuées les 11 et 12 décembre 1996 auprès d’Opel Nederland et de Van Twist, un concessionnaire d’Opel à Dordrecht (Pays‑Bas).

12     Le 12 décembre 1996, Opel Nederland a distribué aux concessionnaires des lignes directrices concernant la vente de véhicules neufs aux revendeurs et aux intermédiaires.

13     Par circulaire du 20 janvier 1998, Opel Nederland a informé ses concessionnaires que l’exclusion de versement de primes en cas de vente à l’exportation avait été supprimée avec effet rétroactif.

14     Le 21 avril 1999, la Commission a notifié à General Motors Nederland et à Opel Nederland une communication des griefs.

15     Le 20 septembre 2000, la Commission a adopté la décision litigieuse.

 La décision litigieuse

16     Par sa décision litigieuse, la Commission a infligé aux requérantes une amende de 43 millions d’euros en raison d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE. Dans cette décision, la Commission a conclu qu’Opel Nederland avait passé avec les concessionnaires Opel établis aux Pays‑Bas des accords destinés à restreindre ou à interdire les ventes à l’exportation de véhicules Opel aux utilisateurs finals résidant dans d’autres États membres et aux concessionnaires Opel également établis dans d’autres États membres.

17     Cette conclusion était fondée sur les allégations principales suivantes: premièrement, en septembre 1996, Opel Nederland avait adopté une stratégie générale visant à restreindre ou à empêcher toute vente à l’exportation à partir des Pays-Bas; deuxièmement, la stratégie générale d’Opel Nederland avait été exécutée au moyen de mesures individuelles, mises en œuvre en commun accord avec ses concessionnaires dans le cadre de l’exécution pratique des contrats de concession et qui étaient devenues partie intégrante des relations contractuelles qu’Opel Nederland entretenait avec les concessionnaires de son réseau de distribution sélective aux Pays-Bas.

18     Selon la décision litigieuse, la stratégie générale comportait notamment les mesures suivantes:

–       une politique restrictive d’approvisionnement;

–       une politique restrictive en matière de primes, excluant les ventes à l’exportation à des consommateurs finals des campagnes de primes sur les ventes au détail, appliquée du 1er octobre 1996 au 20 janvier 1998;

–       une interdiction directe des exportations sans distinction, appliquée du 31 août au 24 octobre 1996, en ce qui concerne les ventes aux consommateurs finals, et du 31 août au 12 décembre 1996, en ce qui concerne les ventes aux autres concessionnaires Opel.

19     S’agissant de la détermination du montant de l’amende, la décision litigieuse énonce que la Commission doit, en vertu des dispositions de l’article 15 du règlement n° 17, prendre en considération toutes les circonstances de l’espèce, et en particulier la gravité et la durée de l’infraction.

20     Dans la décision litigieuse, la Commission a qualifié l’infraction de très grave, dès lors qu’Opel Nederland avait fait obstacle à la réalisation de l’objectif du marché unique. Elle a pris en considération la position importante que la marque Opel occupe sur les marchés en cause dans l’Union. Selon cette décision, l’infraction avait également déployé des effets sur les marchés dans d’autres États membres. Opel Nederland aurait agi de propos délibéré, puisqu’elle ne pouvait ignorer que les mesures en cause avaient pour objet de restreindre la concurrence. En conclusion, la Commission a considéré qu’un montant de 40 millions d’euros constituait une base appropriée pour fixer le montant de cette amende.

21     Quant à la durée de l’infraction, la Commission a estimé que l’infraction commise avait duré de la fin du mois d’août ou du début du mois de septembre 1996 jusqu’à janvier 1998, soit 17 mois, ce qui constituait une infraction de moyenne durée. En prenant en compte les durées respectives des trois mesures spécifiques, la Commission a considéré qu’il était justifié d’appliquer au montant de 40 millions d’euros une majoration de 7,5 %, soit 3 millions d’euros, ce qui a porté le montant de l’amende à 43 millions d’euros.

22     Enfin, la Commission a considéré qu’il n’y avait pas de circonstances atténuantes en l’espèce, notamment parce qu’Opel Nederland avait poursuivi la mise en œuvre d’un élément essentiel de cette infraction, à savoir la politique en matière de primes restrictives, après les vérifications effectuées les 11 et 12 décembre 1996.

 L’arrêt attaqué

23     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 novembre 2000, General Motors Nederland et Opel Nederland ont introduit un recours visant l’annulation de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, l’annulation ou la réduction du montant de l’amende infligée par ladite décision.

24     Dans le cadre de leur premier moyen, General Motors Nederland et Opel Nederland ont contesté qu’Opel Nederland ait jamais adopté une stratégie destinée à empêcher ou à restreindre toutes les exportations sans distinction. Une lecture exacte des documents sur lesquels la Commission s’est fondée, notamment le compte rendu de la réunion du 26 septembre 1996, montrerait que la stratégie visait uniquement à restreindre les ventes à l’exportation irrégulières à des revendeurs non agréés, interdites par les contrats de concession en vigueur, et non à limiter les exportations licites à des consommateurs finals ou à d’autres concessionnaires.

25     Le Tribunal a constaté, au point 45 de l’arrêt attaqué, que les allégations de la Commission étaient basées sur le compte rendu de la réunion de la direction du 26 septembre 1996, qui constituait un document final relatif aux mesures prises par les plus hauts responsables d’Opel Nederland.

26     Le Tribunal a indiqué, au point 47 de l’arrêt attaqué, que la thèse des requérantes, selon laquelle Opel Nederland a seulement cherché à restreindre les exportations non conformes aux contrats de concession, n’est reflétée en aucune manière dans les termes du compte rendu.

27     Au point 48 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ajouté que cette interprétation était confirmée par la lecture de certains documents internes qui montraient que les responsables d’Opel Nederland étaient préoccupés par l’augmentation des exportations et qu’ils ont étudié des mesures visant à restreindre, sinon arrêter, toutes les exportations.

28     Le Tribunal a encore relevé, au point 49 de l’arrêt attaqué, que la décision prise par Opel Nederland de ne plus accorder de primes pour des ventes à l’exportation ne pouvait, par sa nature même, concerner que des ventes conformes aux contrats de concession, étant donné que les primes n’avaient jamais été accordées aux ventes à d’autres destinataires que des consommateurs finals.

29     Le Tribunal a ajouté, au point 50 de l’arrêt attaqué, que l’interprétation de la Commission était corroborée par le fait que, au moment de l’adoption de la décision, les audits auprès des concessionnaires soupçonnés d’avoir vendu à l’exportation n’avaient pas encore été effectués et qu’Opel Nederland ne pouvait donc pas savoir si les concessionnaires «exportateurs» avaient effectivement consenti des ventes à des revendeurs non agréés.

30     Au point 56 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que la Commission avait conclu à juste titre qu’Opel Nederland avait adopté, le 26 septembre 1996, une stratégie générale visant à entraver toute exportation.

31     Dans le cadre de leur deuxième moyen, General Motors Nederland et Opel Nederland ont fait valoir que la Commission avait commis une erreur de fait et de droit en constatant qu’Opel Nederland avait mis en œuvre une politique de restriction de l’approvisionnement contraire à l’article 81 CE.

32     Au point 88 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté qu’il n’avait pas été établi à suffisance de droit que la mesure d’approvisionnement restrictive avait été communiquée aux concessionnaires et encore moins que cette mesure était entrée dans le champ des relations contractuelles entre Opel Nederland et ses concessionnaires.

33     Dans ces conditions, le Tribunal a estimé que le deuxième moyen était fondé. Il a dès lors annulé la décision litigieuse en ce qu’elle avait constaté l’existence d’une mesure d’approvisionnement restrictive contraire à l’article 81, paragraphe 1, CE.

34     Par leur troisième moyen, General Motors Nederland et Opel Nederland ont affirmé que la Commission avait commis une erreur de fait et de droit en considérant qu’Opel Nederland avait mis en œuvre un système restrictif de primes au détail contraire à l’article 81 CE.

35     Au point 98 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a d’abord relevé que l’exclusion des ventes à l’exportation du système de primes, qui était devenue une partie intégrante des contrats de concession entre Opel Nederland et ses concessionnaires, constituait un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE.

36     Le Tribunal a ensuite, aux points 99 et suivants, examiné si la mesure en cause avait pour objet de restreindre la concurrence.

37     Au point 100 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la Commission avait soutenu à juste titre que, les primes n’étant plus accordées pour les ventes à l’exportation, la marge de manoeuvre économique dont disposaient les concessionnaires pour effectuer de telles ventes se trouvait réduite par rapport à celle dont ils disposaient pour effectuer des ventes nationales. À cet égard, il a indiqué que les concessionnaires étaient contraints soit d’appliquer des conditions moins favorables aux clients étrangers qu’aux clients nationaux, soit de se contenter d’une marge inférieure en cas de ventes à l’exportation. En supprimant les primes pour les ventes à l’exportation, ces dernières devenaient, selon le Tribunal, moins intéressantes pour les clients étrangers ou pour les concessionnaires. Le Tribunal a, par conséquent, estimé que la mesure était, par sa nature même, susceptible d’influencer négativement les ventes à l’exportation, même en l’absence de limitation d’approvisionnement.

38     Se référant à l’appréciation du premier moyen, le Tribunal a ajouté, au point 101 de l’arrêt attaqué, que les mesures adoptées par la direction d’Opel Nederland avaient été provoquées par l’augmentation des ventes à l’exportation et visaient la réduction de celles‑ci.

39     Eu égard tant à la nature de la mesure qu’aux buts poursuivis par elle, et à la lumière du contexte économique dans lequel elle devait être appliquée, le Tribunal a considéré, au point 102 de l’arrêt attaqué, que, conformément à une jurisprudence constante, cette mesure constituait un accord ayant comme objet la restriction de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 1er février 1978, Miller/Commission, 19/77, Rec. p. 131, point 7; du 8 novembre 1983, IAZ e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369, points 23 à 25, et du 28 mars 1984, CRAM et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, point 26).

40     À titre subsidiaire, General Motors Nederland et Opel Nederland ont fait valoir que l’amende infligée de 43 millions d’euros était sans lien raisonnable avec la gravité et la durée de l’infraction. De plus, la Commission n’aurait pas tenu compte de l’absence d’intention infractionnelle, de l’impact limité de cette infraction sur le commerce intracommunautaire et des mesures correctives prises immédiatement par Opel Nederland de sa propre initiative.

41     Au point 199 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que le montant de base de 40 millions d’euros fixé, dans l’hypothèse de l’existence des trois mesures alléguées, apparaissait justifié et dûment motivé dans la décision litigieuse. Le Tribunal a cependant estimé, au point 200 de l’arrêt attaqué, qu’il y avait lieu de réduire ce montant eu égard au fait que l’existence de la mesure d’approvisionnement n’avait pas été établie. Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal a fixé le montant de base, pour ce qui est de la gravité de l’infraction, à 33 millions d’euros. Au point 203 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a également considéré que la majoration de 7,5 % du montant opérée par la Commission à la lumière de la durée des infractions était justifiée. Dès lors, le montant de l’amende a été porté à 35 475 000 euros.

 Sur le pourvoi

42     General Motors Nederland et Opel Nederland ont demandé à la Cour:

–       d’annuler l’arrêt attaqué, pour autant qu’il concerne la prétendue stratégie générale restrictive des exportations ainsi que la politique de primes d’Opel Nederland et confirme une amende sur ces points;

–       d’annuler la décision litigieuse pour autant qu’elle n’a pas encore été annulée par l’arrêt attaqué et qu’elle concerne la prétendue stratégie des exportations et la politique de primes d’Opel Nederland et impose une amende sur ces points;

–       en tout état de cause, de réduire l’amende de 35 475 000 euros;

–       à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin qu’il la réexamine conformément à l’arrêt de la Cour;

–       de condamner la Commission aux dépens.

43     La Commission a demandé à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner General Motors Nederland et Opel Nederland aux dépens.

44     Par lettre du 20 juin 2005, la Cour a été informée par General Motors Nederland et Opel Nederland du fait que ces deux sociétés avaient fusionné et formaient désormais une seule société sous la dénomination sociale de «General Motors BV» (ci-après «General Motors»).

 Sur le premier moyen

 Argumentation de General Motors

45     Par son premier moyen, General Motors fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en confirmant la constatation de la Commission selon laquelle Opel Nederland appliquait une politique générale visant à restreindre l’ensemble des exportations.

46     General Motors soutient, en premier lieu, que le raisonnement du Tribunal dénature manifestement le libellé du compte rendu de la réunion du 26 septembre 1996 qui ne contiendrait aucune référence à une quelconque stratégie générale visant à restreindre l’ensemble des exportations.

47     General Motors fait valoir, en deuxième lieu, que le Tribunal a violé l’obligation de motivation, d’une part, en considérant que la Commission n’avait pas fondé ses allégations sur les documents internes d’Opel Nederland et, d’autre part, en s’appuyant lui-même, en réalité, sur ces mêmes documents pour conclure à l’existence d’une stratégie générale visant à restreindre toutes les exportations.

48     General Motors considère, en troisième lieu, que le raisonnement du Tribunal est circulaire. Elle affirme que celui-ci se fonde d’abord sur la politique de primes pour conclure à l’existence d’une stratégie générale visant à restreindre les exportations de véhicules automobiles et se fonde, par la suite, sur la prétendue stratégie générale pour établir la nature restrictive de cette politique de primes.

49     General Motors fait enfin valoir que le Tribunal a violé l’obligation de motivation et a dénaturé les éléments de preuve en affirmant, au point 50 de l’arrêt attaqué, que l’interprétation de la Commission était corroborée par le fait que, au moment de la réunion du 26 septembre 1996, les audits auprès des concessionnaires n’avaient pas encore eu lieu et qu’Opel Nederland ne pouvait donc pas savoir si les concessionnaires «exportateurs» avaient effectivement consenti des ventes à des revendeurs non agréés. En effet, selon General Motors, au moins un audit aurait été effectué avant la réunion du 26 septembre 1996. Par ailleurs, cette réunion aurait été précédée d’une lettre adressée aux concessionnaires par laquelle Opel Nederland aurait demandé des informations sur la régularité des activités de vente, mais à laquelle aucune réponse satisfaisante n’aurait été donnée par ceux‑ci.

 Appréciation de la Cour

50     Ainsi que le relève M. l’avocat général au point 51 de ses conclusions, General Motors cherche en réalité, par son premier moyen, même si elle invoque des erreurs de motivation, à remettre en cause l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal et, notamment, à contester la valeur probante de certains faits et documents ayant amené ce dernier à conclure à l’adoption par Opel Nederland d’une stratégie générale visant à entraver toute exportation.

51     À cet égard, il résulte des articles 225 CE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. Lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 225 CE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (voir, notamment, arrêt du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185/95 P,Rec. p. I‑8417, point 23).

52     La Cour n’est donc pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis (voir, notamment, ordonnance du 17 septembre 1996, San Marco/Commission, C‑19/95 P, Rec. p. I-4435, point 40). Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, point 24).

53     Il convient, dès lors, uniquement d’examiner les arguments de General Motors visant à démontrer que le Tribunal aurait dénaturé des éléments de preuve.

54     À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (ordonnance du 9 juillet 2004, Fichtner/Commission, C‑116/03 P, non publiée au Recueil, point 34).

55     En ce qui concerne l’argument de General Motors selon lequel le Tribunal aurait dénaturé les termes du compte rendu de la réunion du 26 septembre 1996 en confirmant que celui-ci montrait une stratégie générale visant à limiter les ventes à l’exportation, il est constant que General Motors Nederland et Opel Nederland avaient reconnu devant le Tribunal que les documents sur lesquels la Commission s’était fondée, et notamment ce compte rendu, montraient l’existence d’une stratégie visant à restreindre les ventes à l’exportation à des revendeurs non agréés, interdites par les contrats de concession.

56     Le compte rendu du 26 septembre 1996 mentionnant des mesures différentes visant à limiter les exportations, et notamment l’exclusion des ventes à l’exportation des campagnes de primes, sans faire aucune distinction entre les exportations régulières et irrégulières, General Motors n’est pas parvenue à démontrer que le Tribunal aurait dénaturé de manière manifeste ce document.

57     S’agissant de l’argument de General Motors selon lequel le Tribunal aurait dénaturé des éléments de preuve en attachant, au point 50 de l’arrêt attaqué, une certaine importance à la circonstance que tous les audits des concessionnaires avaient eu lieu après le 26 septembre 1996, il suffit de constater que, en tout état de cause, l’affirmation du Tribunal à ce point 50 ne saurait constituer une dénaturation des éléments de preuve susceptible d’affecter la conclusion du Tribunal en ce qui concerne l’existence de la stratégie générale susmentionnée.

58     Dans ces conditions, le premier moyen doit être rejeté en partie comme irrecevable et en partie comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation de General Motors

59     Par son deuxième moyen, General Motors fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en confirmant l’affirmation de la Commission selon laquelle Opel Nederland aurait mis en œuvre un système restrictif de primes sur la vente au détail en violation de l’article 81 CE.

60     General Motors soutient, en premier lieu, qu’un accord ne peut être considéré comme ayant un objet restrictif au sens de l’article 81 CE que si, à première vue, il a manifestement pour seul objectif ou pour effet évident de restreindre sensiblement la concurrence. Selon General Motors, la politique de primes d’Opel Nederland ne saurait être considérée comme un tel accord.

61     En deuxième lieu, General Motors affirme que la jurisprudence citée par le Tribunal, au point 102 de l’arrêt attaqué, relative aux interdictions à l’exportation ou d’autres barrières à l’exportation, ne soutient pas la conclusion du Tribunal selon laquelle la politique de primes d’Opel Nederland devrait être qualifiée d’accord ayant un objet restrictif au sens de l’article 81 CE. Une interprétation trop large de cette notion risquerait, par ailleurs, de condamner des accords parfaitement inoffensifs pour la concurrence et violerait, en l’absence de possibilités de la réfuter, la présomption d’innocence et le droit d’être entendu.

62     En troisième lieu, General Motors considère que la comparaison faite par le Tribunal, au point 100 de l’arrêt attaqué, entre les ventes nationales et les ventes à l’exportation est sans pertinence. General Motors indique que, dès lors que les concessionnaires pouvaient dégager une marge bénéficiaire, indépendamment du versement des primes, et que l’approvisionnement en voitures n’était pas limité, la politique de primes d’Opel Nederland n’a pas réduit l’intérêt des concessionnaires néerlandais à exporter pendant les campagnes de primes. En tout état de cause, General Motors fait valoir que, dans la mesure où les conditions économiques des ventes nationales aux Pays‑Bas et des ventes à l’exportation sont très différentes, à la lumière notamment du montant élevé de l’impôt néerlandais sur les voitures, l’exclusion des ventes à l’exportation des campagnes de primes ne conduit pas nécessairement à une augmentation des prix ou à une réduction des marges de ventes à l’exportation par rapport aux ventes nationales.

63     En quatrième lieu, General Motors fait valoir que, au point 101 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est fondé à tort sur l’intention d’Opel Nederland pour conclure à l’existence d’un accord ayant un objet restrictif au sens de l’article 81 CE. Or, l’objet d’un accord au sens de cet article devrait être apprécié objectivement, et non en se référant à l’intention subjective d’une partie.

 Appréciation de la Cour

64     En ce qui concerne la première branche de ce moyen, il suffit de constater, ainsi que le précise M. l’avocat général au point 67 de ses conclusions, que, contrairement à ce que prétend General Motors, un accord peut être considéré comme ayant un objet restrictif même s’il n’a pas pour seul objectif de restreindre la concurrence, mais poursuit également d’autres objectifs légitimes (voir arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, Rec. p. 429, 496; IAZ e.a./Commission, précité, point 25; du 8 juillet 1999, Montecatini/Commission, C‑235/92 P, Rec. p. I‑4539, point 122, et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C-244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 491).

65     Il s’ensuit que la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

66     S’agissant de la deuxième branche du deuxième moyen, il résulte de la jurisprudence citée, au point 102 de l’arrêt attaqué, ainsi que le Tribunal le rappelle à juste titre dans ce point, qu’il y a lieu de tenir compte non seulement des termes d’un accord, mais également d’autres facteurs, tels que les buts poursuivis par l’accord en tant que tel, à la lumière du contexte économique et juridique, afin de déterminer si un accord a un objet restrictif au sens de l’article 81 CE.

67     Même si la jurisprudence citée au point 102 de l’arrêt attaqué concerne des interdictions d’exportation ou des restrictions comparables, il ressort de cette jurisprudence qu’un accord en matière de distribution a un objet restrictif au sens de l’article 81 CE s’il manifeste clairement la volonté de traiter les ventes à l’exportation d’une manière moins favorable que les ventes nationales et conduit ainsi à un cloisonnement du marché en cause (voir, notamment, en ce sens, arrêt IAZ, précité, point 23).

68     Ainsi que l’affirme M. l’avocat général au point 72 de ses conclusions, un tel objectif peut être atteint non seulement à travers des restrictions directes aux exportations, mais également à travers des mesures indirectes, telles que celles en cause dans la présente affaire, dès lors qu’elles agissent sur les conditions économiques de ces transactions.

69     Il apparaît dès lors que le Tribunal a pu étayer son raisonnement en faisant référence à la jurisprudence citée au point 102 de l’arrêt attaqué.

70     Dans ces conditions, cet arrêt ne saurait non plus être considéré comme contenant une définition trop large de la notion d’accord ayant un objet restrictif au sens de l’article 81 CE, en violation de la présomption d’innocence ou du droit d’être entendu.

71     Il convient dès lors de rejeter la deuxième branche du deuxième moyen.

72     S’agissant ensuite de la troisième branche du deuxième moyen, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, pour apprécier si un accord doit être considéré comme interdit en raison des altérations du jeu de la concurrence qui en sont l’effet, il faut examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel où il se produirait à défaut de l’accord litigieux (voir arrêts du 28 mai 1998, Deere/Commission, C‑7/95 P, Rec. p. I‑3111, point 76, et New Holland Ford/Commission, C‑8/95 P, Rec. p. I‑3175, point 90).

73     Ainsi que le relève M. l’avocat général au point 74 de ses conclusions, il y avait lieu, dans une situation telle que celle qui fait l’objet de la présente affaire, d’examiner le comportement des concessionnaires néerlandais et la situation concurrentielle sur le marché en cause, dans l’hypothèse où les ventes à l’exportation n’auraient pas été exclues de la politique des primes.

74     Il apparaît que le Tribunal a effectivement procédé à un tel examen en constatant, notamment, au point 100 de l’arrêt attaqué, que les primes n’étant plus accordées pour les ventes à l’exportation, la marge de manœuvre économique des concessionnaires pour effectuer de telles ventes se trouvait réduite par rapport à celle dont ils disposaient pour effectuer des ventes nationales.

75     La circonstance que les ventes nationales aux Pays-Bas et les ventes à l’exportation, en l’absence d’une harmonisation fiscale, ne sont pas soumises à des conditions identiques n’affecte pas cette conclusion.

76     Dès lors, il y a lieu de rejeter la troisième branche du deuxième moyen comme non fondée.

77     Enfin, quant à la quatrième branche du deuxième moyen, selon laquelle le Tribunal aurait commis une erreur, au point 101 de l’arrêt attaqué, en se fondant sur l’intention d’Opel Nederland de restreindre la concurrence, il y a lieu de préciser que la preuve de cette intention n’est pas un élément nécessaire pour déterminer si un accord a pour objet une telle restriction (voir, en ce sens, arrêts précités, Miller/Commission, point 18, ainsi que CRAM et Rheinzink/Commission, point 26).

78     En revanche, même si l’intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d’un accord, rien n’interdit à la Commission ou aux juridictions communautaires de tenir compte de cette intention (voir, en ce sens, arrêt IAZ e.a./Commission, précité, points 23 à 25).

79     Il en résulte, ainsi que le relève M. l’avocat général au point 79 de ses conclusions, que le Tribunal pouvait légitimement s’appuyer également sur les intentions d’Opel Nederland pour déterminer si l’exclusion des ventes à l’exportation du système de primes poursuivait un objet restrictif au sens de l’article 81 CE.

80     Il convient dès lors de rejeter la quatrième branche du deuxième moyen et, partant, celui-ci dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation de General Motors

81     General Motors fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en confirmant, pour l’essentiel, le calcul de l’amende effectué par la Commission dans la décision litigieuse.

82     Elle estime, en premier lieu, que la motivation de l’arrêt attaqué relative à l’amende viole l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17, dès lors qu’elle est fondée sur des conclusions erronées quant à l’existence de la prétendue stratégie générale visant à limiter les exportations et quant à la conformité de la politique de primes avec l’article 81 CE.

83     En deuxième lieu, General Motors soutient que le Tribunal a commis une erreur en droit et a dénaturé des éléments de preuve en considérant que les actions d’Opel Nederland ne constituaient pas une cessation des infractions dès les premières interventions de la Commission.

84     En troisième lieu, General Motors fait valoir que, dans plusieurs autres cas, la Commission a reconnu que la cessation rapide d’une infraction constitue une circonstance atténuante, justifiant une réduction de l’amende. Elle fait notamment référence à la décision 2002/405/CE de la Commission, du 20 juin 2001, relative à une procédure d’application de l’article 82 du traité CE (affaire COMP/E‑2/36.041/PO, – Michelin) (JO 2002, L 143, p. 1), dans laquelle la cessation de l’infraction, qui avait eu lieu avant l’exposé des griefs, mais trois ans après le commencement de l’enquête et un an et demi après que la Commission eut effectué des inspections sur place, a ouvert «droit à des circonstances atténuantes».

 Appréciation de la Cour

85     Il y a lieu de constater, tout d’abord, que la première branche de ce troisième moyen est directement liée aux arguments invoqués par General Motors à l’appui des deux premiers moyens selon lesquels le régime de primes ne constituerait pas une infraction à l’article 81 CE. Étant donné que ces arguments ont été rejetés dans le cadre de l’examen de ces moyens, il convient, par conséquent, de rejeter la première branche du troisième moyen.

86     S’agissant des deuxième et troisième branches du troisième moyen, il y a lieu de rappeler que les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA prévoient une diminution du montant de base de l’amende pour des circonstances atténuantes telles que la cessation des infractions dès les premières interventions de la Commission.

87     Il est constant qu’Opel Nederland n’a mis fin au régime de primes que le 20 janvier 1998, à savoir plus d’un an après les premières interventions de la Commission.

88     Dans ces conditions, et même si la Commission avait réduit l’amende dans une situation comparable, le Tribunal pouvait constater à bon droit, au point 204 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’était pas tenue de retenir des circonstances atténuantes dans la décision litigieuse.

89     Il y a dès lors lieu de rejeter les deuxième et troisième branches du troisième moyen et, partant, ce moyen dans son intégralité.

90     Aucun des moyens invoqués par General Motors au soutien de son pourvoi n’étant fondé, il y a lieu, en conséquence, de rejeter celui‑ci.

 Sur les dépens

91     Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de General Motors et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      General Motors BV est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.

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